Après un long oubli, La Commune de Paris, 1871, fait désormais partie des programmes d’enseignement. L’association Les amies et amis de la Commune de Paris propose des ressources pédagogiques (expositions et spectacle vivant) qui peuvent servir de support à cet enseignement dans plusieurs disciplines : histoire, arts plastiques et littérature, et à plusieurs niveaux. Une présentation détaillée de leur contenu permet d’en apprécier la pertinence comme illustration d’enseignement ou points de départ de débats.
L’actualité sociale et politique de la Commune de Paris, 1871
Malgré sa courte durée et ses contradictions, la Commune de Paris a expérimenté des formes de démocratie et de gouvernance qui, aujourd’hui encore, sont revendiquées dans divers mouvements sociaux. À l’occasion de l’anniversaire des 150 ans de la Commune, la montée au Mur des fédérés au cimetière du Père Lachaise, cérémonie annuelle qui perpétue le souvenir des communards, a connu un immense succès, montrant ainsi, à plusieurs siècles de distance que ses apports sont toujours vivants.
Pendant 72 jours (cf. Encadré chronologie), elle a expérimenté la souveraineté populaire, le gouvernement direct, l’autonomie communale, la séparation de l’Église et de l’État et la République une et indivisible : autant de valeurs, qui peuvent inspirer des jeunes aujourd’hui et des peuples de différents pays.
Les révoltes récentes, Nuit Debout, la Commune de Tolbiac, les Zadistes de Notre-Dame-des-Landes, les Gilets Jaunes ne s’en réclamaient-elles pas ? On a pu lire sur les murs : « Mai 68 on s’en fout, on veut 1871 ». Elles puisent dans cette volonté de partager le pouvoir d’agir des formes de démocratie directe qui font défaut aujourd’hui.
L’influence ne s’arrête pas à l’hexagone mais touche d’autres pays. Chaque fois qu’un groupe ou un peuple se dresse contre l’injustice ou l’oppression, la Commune est sollicitée : en Russie en 1905 et 1917, à Shangaï en 1927 et 1967, à Barcelone en 1936, en Corée, au Mexique, ou encore par les femmes kurdes en Syrie, et celles d’Oakland en Californie en 2011 (figure 1).
Une association qui préserve la mémoire de la Commune de Paris, 1871
Une association, Les amies et amis de la Commune de Paris, entretient la mémoire de cet événement dans un esprit d’éducation populaire et développe plusieurs actions en ce sens.
Les origines de l’Association
Dix ans après la Semaine sanglante, en 1880, qui marqua la défaite de la Commune, la République de Gambetta vote l’amnistie totale. Le risque alors est celui de l’amnésie. Tourner la page sur ces luttes populaires ne pouvait s’envisager. Pour éviter d’occulter la mémoire et l’héritage politique, en 1882, l’association Les amis de la commune de Paris 1871 est créée. Elle est la plus ancienne des organisations du mouvement ouvrier français.
Dans un premier temps, de nombreuses sociétés, à l’étranger et en France, ont porté secours aux proscrits, exilés ou déportés, et à leur famille. L’urgence était de soutenir les réfugiés et de les aider à réintégrer une vie sociale et professionnelle.
La plus connue de ces sociétés, La solidarité des proscrits de 1871, est fondée en 1882 par Henri Champy (1846-1902), doreur sur métaux, membre de l’Internationale et du Comité central de la Garde Nationale, membre du comité de subsistance de la Commune de Paris.
En 1889 apparaît la Société fraternelle des anciens combattants de la Commune. D’autres suivront. Toutes font renaître les banquets, célèbrent les anniversaires, les montées au Mur des fédérés et relancent les chansons.
Après un temps de mise en sommeil, l’association reprend vie dans les années 1960 et se signale par un travail d’archives, la réfection des tombes de communards. Son essor sera amplifié par la parution d’une revue, l’achat d’un local et l’organisation d’une bibliothèque. La multiplication de comités locaux est aussi le signe d’un renouveau et répond à l’intérêt de nouveaux publics (figure 2).
L’association aujourd’hui
« Elle perpétue les idéaux de la Commune et fait connaître son œuvre prémonitoire : école laïque, séparation de l’église et de l’état, interdiction du travail de nuit, émancipation des femmes, reconnaissances des étrangers comme citoyens, autogestion des entreprises… Un idéal d’une actualité brûlante dans un monde inégalitaire, dominé par le pouvoir de l’argent. » C’est ainsi que l’association se présente sur son site. (https://commune1871.org/)
Et ses actions sont cohérentes avec ses objectifs, puisqu’elle propose :
• Expositions, colloques, débats
• Rencontres dans les quartiers, les entreprises, les établissements scolaires
• Visites de Paris et des lieux qui retracent le parcours des communards (Paris Communards)
• Édition de textes, brochures, ouvrages retraçant l’épopée de la Commune
• Voyages d’étude
Trois commissions encadrent ces activités : la commission « culture » pour les expositions et les visites, la commission « littérature » pour le recensement bibliographique et la commission « fêtes et patrimoine ».
Trois expositions et une pièce de théâtre
Sachant qu’une image vaut 1000 mots dans le domaine de la communication, les expositions proposées, par les panneaux facilement modulables et très documentés, sont une ressource pédagogique sans égal pour les enseignants.
Voici le contenu des trois expositions :
La Commune et la démocratie
La première exposition, celle du 150e anniversaire, rappelle les principes et les méthodes de la démocratie : le gouvernement du peuple par le peuple, une République laïque et sociale, pour les principes ; des représentants élus révocables, l’émancipation des femmes, la reconnaissance des étrangers comme des citoyens à part entière, la culture pour tous et des citoyens participants aux actions à travers des clubs et des commissions pour que soit toujours vivante la démocratie.
Si elle n’a pas eu le temps d’élaborer un véritable programme ou de rédiger une constitution, elle nous a légué un état d’esprit, énoncé dans les « Recommandations du Comité central de la Garde Nationale » (26 mars 1871).
Ainsi s’énonce le contenu des 9 panneaux :
Introduction/ Gouverner sans chefs/ La Fédération de la Garde Nationale/ La souveraineté du peuple ne peut jamais s’abdiquer/ Une démocratie vivante/ Le gouvernement de la Commune/ La démocratie au travail/ Les conditions d’une démocratie citoyenne/ Les luttes et les espoirs des peuples du monde entier
La Commune a surtout expérimenté une démocratie qui non seulement s’appuie sur des élections, mais veut instaurer un style de vie quotidienne qui abolit les clivages et contribue à transformer en continu la société.
Les Arts et la Commune
La deuxième exposition concerne les Arts et le rôle de Courbet pour qui la Commune constitua une rupture qui fut suivie d’un engagement total. Président de la commission pour la sauvegarde des œuvres d’art, en 1870, il est élu au conseil de la Commune et jeté en prison après la victoire des Versaillais. Dans une lettre à Jules Vallès, il écrit : « après 30 ans de vie publique, révolutionnaire, socialiste, pacifique… constamment occupé de la question sociale …pour arriver à ce que l’homme se gouverne lui-même dans ses besoins » (cité par Valérie Bajou, Cohen et Cohen éditeurs, 2019).
Quatre cents artistes fondent la Fédération des artistes dont le but est de promouvoir la libre expression de l’art, dégagé de toute tutelle gouvernementale et de tous privilèges.
Courbet en est le président et il affirme que la culture n’est pas une marchandise et doit être accessible à tous (figure 3).
Les Femmes et la Commune
La troisième exposition, sur les femmes, évoque la figure de Louise Michel qui, la première, a réclamé des armes pour lutter auprès de ses camarades, a soutenu la lutte des Kanaks et s’est consacrée à leur éducation lors de sa déportation au bagne de Nouvelle-Calédonie (figure 4).
De nombreuses personnalités souvent inconnues sont mises en lumière : Elizabeth Dmitrieff, Nathalie Le Mel, Anna Jaclard, Paule Minck, Sophie Poirier. Elles ont créé l’Union des femmes et revendiqué l’égalité des salaires hommes/femmes, le droit au travail et à la formation professionnelle pour les filles et la reconnaissance de l’union libre.
Elles qui n’avaient rien à perdre tant leurs conditions de cantinières, ou de blanchisseuses étaient dures ont montré leur courage dans cette recherche de liberté et d’égalité qu’a été la Commune.
Une pièce de théâtre « Le rendez-vous du 18 mars 1871 »
Composée de 8 tableaux pour 12 comédiennes et comédiens amateurs, elle évoque l’hiver 1870-1871, le siège de Paris par les Prussiens, la Commune et sa vie démocratique et culturelle. Elle circule à la demande.
La Commune de Paris a su, brièvement, incarner le pouvoir du peuple par le peuple et pour le peuple ; à travers l’association elle continue à être source d’inspiration.
Merci à Françoise Bazire, secrétaire de l’Association d’avoir si généreusement mis sa documentation au service de la rédaction de cet article.
La commune de Paris dans les programmes d’enseignement
Dans les programmes d’histoire
• au collège en classe de 4e à travers le thème 3 : Société, culture et politique dans la France du XIXe siècle : https://eduscol.education.fr/document/17857/download
• au lycée en classe de première générale en histoire à travers le thème 3 : La Troisième République avant 1914 : un régime politique, un empire colonial et l’évocation de Louise Michel
• au lycée professionnel en classe de CAP et en classe de première
En EMC
La Commune de Paris peut être étudiée en EMC au cycle 4 pour servir les objectifs : « Acquérir et partager les valeurs de la République » et en classe de seconde, le programme étant centré sur « La liberté, les libertés ».
En classe de français
En classe de français, la Commune de Paris entre dans les attendus de la classe de 4e à travers trois items : « Vivre en société, participer à la société » (étude de textes ou groupements de textes, des extraits de romans ou de nouvelles du XIXe siècle) ; « Regarder le monde, inventer des mondes » (étude de romans ou de nouvelles réalistes ou naturalistes associés à l’événement) ; « Agir sur le monde » (étude de textes et documents issus de la presse et des médias).
Dans les projets pluridisciplinaires
Les enseignements en français, philosophie, arts plastiques ou encore l’histoire des arts peuvent être associés à des projets pluridisciplinaires autour de la Commune de Paris et des principes de liberté et de laïcité, comme l’EMC associé à l’enseignement d’histoire.
En arts plastiques
Les occasions d’évoquer la Commune sont multiples : le réalisme de Courbet, les peintres et les sculpteurs de la Commune (Maximilien Luce, Dalou) et le début de la photographie (figure 9).
Pour prolonger
De nombreuses publications peuvent utilement prolonger ces expositions et tableaux du spectacle. Cette bibliographie se limite à quelques ouvrages (les livres sur le sujet sont trop nombreux pour les citer tous).
Ouvrages historiques
Bajou, Valérie. Courbet, la vie à tout prix. Cohen & Cohen, 2019.
Rey, Claudine, Gayat Annie & Pepino, Sylvie. Petit Dictionnaire des femmes de la Commune de Paris 1871 : Les oubliées de l’histoire. Le Bruit des autres, 2013.
Robert, Jean-Louis. Nouvelle histoire de la Commune de Paris, 1871, coffret 3 vol. Gauches d’ici et d’ailleurs, 2023.
Rougerie, Jacques. La Commune de 1871. QSJ, 2021.
Film documentaire
Condon, Cédric & Le Naour, Jean-Yves. 1871 La Commune, Portraits d’une révolution. Kilaohm Productions, 2021. Film documentaire sur la photographie et la Commune. https://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/62729_0
Bandes dessinées
Bourgeon, François. Les passagers du vent. Delcourt. (9 tomes dont Le sang des cerises. Delcourt, 2022).
Daeninckx, Didier & Mako (ill.). Louise du temps des cerises, 1871 : la commune de Paris. Rue du Monde, 2012.
Lupano, Wilfrid. Communardes ! Glénat, Vent d’ouest, 2015 et 2016 (3 tomes : Les éléphants rouges, dessin Lucy Mazel, 2015 ; L’aristocrate fantôme, dessin Anthony Jean, 2015 ; Nous ne dirons rien de leurs femelles, dessin Xavier Fourquemin, couleur Anouk Bell, 2016).
Meyssan, Raphaël. Les damnés de la Commune. Delcourt (3 tomes : À la recherche de Lavalette, 2017 ; Ceux qui n’étaient rien, 2019 ; Les orphelins de l’histoire, 2019).
Vautrin, Jean & Tardi. Le cri du peuple, Intégrale. Casterman, 2021 .
Sitographie
Gallica, https://gallica.bnf.fr/conseils/content/la-commune-de-paris-1871. Un choix de documents sur La Commune avec, notamment, le catalogue de l’exposition du centenaire au Musée d’art et d’histoire de Saint-Denis, du 18 mars au 3 septembre 1971. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3371463f
Faisons vivre la Commune !, https://faisonsvivrelacommune.org. Une association créée en 2018 à l’occasion des 150 ans de la Commune de Paris.
Le Maitron. Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier (Centre d’histoire sociale des mondes contemporains), https://maitron.fr. Un site qui reprend l’ouvrage de l’historien du mouvement ouvrier, Jean Maitron, dans une version parfois enrichie et avec de l’iconographie.
La revue Les Cahiers Robinson dirigée par Francis Marcoin, professeur à l’UFR de Lettres modernes de l’Université d’Artois, est consacrée « aux livres et aux objets culturels de l’enfance ».
Les onze contributions scientifiques regroupées dans ce nouveau numéro étudient quelques pistes autour de l’exploitation scolaire et universitaire de la littérature de jeunesse. Les auteurs analysent, d’un point de vue historique, sociologique et littéraire, son inscription dans les programmes et les offres de lecture « de la maternelle à l’université ».
Il n’y a pas de classement thématique ou chronologique pour aborder ces différentes approches mais plutôt un « parcours » introduit par le directeur de publication.
Ce regroupement a pour but de questionner avec les professionnels de la lecture (jeunesse) toutes les facettes et les potentialités offertes par cet ensemble protéiforme et haut en couleurs d’œuvres d’imagination dont les rapports avec l’institution scolaire et universitaire ne sont pas toujours évidents.
Le professeur documentaliste est celle ou celui qui « développe une politique de lecture en relation avec les autres professeurs, en s’appuyant notamment sur sa connaissance de la littérature générale et de jeunesse1 » (NDLR). Nous sélectionnerons donc parmi ces différentes contributions plusieurs axes qui viendront éclairer et enrichir les actions au CDI, en faveur de ces littératures de l’imaginaire.
Retiendront notre attention ici les articles consacrés à l’album puis ceux analysant les corpus que les professeurs documentalistes peuvent être conduits à sélectionner et à offrir aux élèves.
Un focus sur l’album : élargir les champs de la médiation
Les contributions de trois professeurs d’université, Cécile Boulaire (« Enseigner l’album pour enfants à l’université »), Sylvie Laurent-Farré (« L’album, un médium iconotexte au cycle 1 ») et Emmanuelle Halgand (« L’album de jeunesse iconotextuel et le spectateur ») montrent comment ce genre, longtemps relégué aux rayons de la petite enfance, ouvre aujourd’hui de nombreuses perspectives d’analyse, d’interprétation et d’exploitation avec des lecteurs d’âges très différents.
Cécile Boulaire aborde notamment l’album comme un support d’inclusion et de liberté pédagogique auprès d’un public d’étudiants. Sylvie Laurent-Farré, quant à elle, livre une grille d’analyse des albums pour une exploitation en classe au cycle 1 mais cette grille pourrait tout à fait être utilisée au collège. C’est ce que montre d’ailleurs Emmanuelle Halgrand, dans une forme de continuité entre les différents cycles d’apprentissage. Celle-ci reprend les grandes caractéristiques de cette « spectalecture » et s’interroge aussi sur le rôle des médiateurs auprès de l’enfant ou du jeune « spectalecteur ».
Proposer la littérature de jeunesse au collège : le plaisir de lire avant toute chose
Trois articles, l’un d’Isabelle de Peretti (« La littérature de jeunesse à l’école depuis 2002 »), un autre d’Isabelle Harbonnier-Valdher (« La littérature de jeunesse sur les étagères du CDI ») et un dernier d’Anne Besson (« Littératures de l’imaginaire au collège ») rappellent successivement comment le genre a su s’imposer « à l’école depuis 2002 » et quelle est aujourd’hui la place de ces « littératures de l’imaginaire contemporaines pour la jeunesse au collège ». Anne Besson analyse les stratégies de grands éditeurs pour la jeunesse pour convaincre les inspecteurs et les enseignants de lettres d’exploiter ces œuvres en classe alors qu’ils se tiennent finalement peu au courant des nouveautés plébiscitées par leurs élèves. Face à ce « manque de temps, de moyens et d’intérêt de l’institution scolaire », l’auteure évoque les choix des adolescents (« les fantasy, les dystopies, les ouvrages réalistes néo-féministes, les mangas ou les romans graphiques ») « à la marge de l’espace-temps du collège », sans aborder véritablement, ce que nous regrettons, le rôle des professeurs documentalistes au CDI en matière de prescription et d’encouragement…
C’est pourquoi notre attention se portera dans ce numéro sur l’article de notre collègue Isabelle Harbonnier-Valdher. Les différentes missions qui façonnent l’espace « hybride » qu’est le CDI sont rappelées, et celui-ci est plébiscité comme « l’agora idéale pour l’incitation à la lecture » dont les professeurs documentalistes sont les « passeurs » au collège mais aussi au lycée. La professeure documentaliste souligne l’importance d’une formation partagée avec les enseignants de lettres afin de construire un véritable « parcours de lecteur ». Elle confirme la mise en retrait de la littérature de jeunesse dans les programmes et les pratiques enseignantes au profit d’œuvres patrimoniales. Mais elle relève aussi les stratégies des éditeurs pour mieux faire connaître leurs nouveautés littéraires quand les supports pédagogiques ou les formations pour une exploitation en classe relèvent encore d’initiatives collégiales partagées notamment sur les réseaux sociaux. L’enseignante formatrice questionne aussi la notion de « lecture plaisir » qui s’opposerait à la lecture « prescrite » et « classique » et nuirait surtout à l’intérêt des adolescents pour des œuvres de natures différentes. Les restitutions positives ou négatives de ces œuvres doivent avant tout avoir pour objectif de forger l’esprit critique des élèves face aux textes littéraires. Isabelle Harbonnier-Valdher évoque alors les différents dispositifs « s’appuyant sur la littérature de jeunesse » pour inciter les élèves à lire. Elle revendique aussi la liberté des adolescents de ne pas partager à l’école leurs choix personnels, à fortiori lorsqu’ils sont canalisés par les applications et les pratiques numériques.
Ce sont d’ailleurs des formes littéraires nouvelles pour « young et new adults », « medfan », « romans gamer » ou « polars de pandémie » en marge des normes attendues par l’institution que nous fait découvrir Isabelle Rachel Casta, professeure des universités, à l’issue d’une formation passionnante menée dans l’académie de Corse. Elle rappelle encore et toujours que les professeurs documentalistes sont des « médiateurs » et des « facilitateurs » auprès de leurs collègues, des maîtres des « circuits de lecture, des regroupements thématiques, des aides méthodologiques… et des conseillers [..] des lectures à la fois singulières et conformes aux attentes institutionnelles en matière d’acceptabilité sociale et parentale ».
Enfin, Pierre Audran dans « l’expérience de pensée en 3e avec Michaël Ende » démontre quant à lui qu’une œuvre dite « de jeunesse » peut avoir « de hautes ambitions intellectuelles » et se prêter avec des adolescents à la réflexion philosophique « pour mieux comprendre le monde et se comprendre soi-même ».
La richesse de ces contributions repose sur l’ouverture qu’elles proposent en matière d’incitation à la lecture, conçue ici dans un sens très élargi, et dans une réciprocité entre adultes et adolescents au sein de la communauté éducative. Notons que les lecteurs y trouveront aussi des références à des ouvrages théoriques mais également à des œuvres et à des médiums littéraires destinés à la jeunesse.
Toutes ces approches ont pour point commun de confirmer la valeur artistique et littéraire désormais reconnue d’un genre pendant longtemps relégué au rang de la littérature « populaire » ou « strictement éducative ». Pourtant, les auteurs de littérature jeunesse ont su prouver, à travers des fictions de natures et de genres très différents qui constituent désormais un des domaines éditoriaux les plus créatifs et prolixes, que leurs œuvres s’adressaient à un public élargi et permettaient notamment aux enseignants des exploitations libres en classe, à tous les âges de la vie scolaire et universitaire.
Ce numéro scientifique très riche mais à la lecture parfois ardue a au final comme vertu de transcender les cycles d’apprentissage et les différents âges de la vie. Comme le souligne Francis Marcoin dans son introduction, il permet de faire des « écarts », de produire des « rencontres » et des « croisements » qui peuvent réunir tous les curieux, à titre personnel ou professionnel, autour d’une bibliothèque des imaginaires « jeunesse » et des (r)évolutions littéraires qu’ils abritent. Ces offres de lecture, ce numéro le souligne finalement, savent se montrer toujours plus inventives et propices à une approche empathique et sensible des grandes questions de l’existence. Ceci devient sans doute un objectif fort autour du développement des lectures cursives personnelles auprès des jeunes, de la maternelle au lycée. Enfin, nous soulignerons l’intérêt de ces approches qui montrent comment cette littérature propice à une réflexion sur le monde contemporain peut aussi être un levier pour la formation de l’esprit critique.
À noter qu’une présentation rapide des contributeurs et de leurs travaux et horizon universitaires permettrait de rendre ce numéro encore plus accessible aux enseignants et professionnels de la lecture jeunesse.
Marcoin, Francis (dir.). La littérature de jeunesse de la maternelle à l’université. Les Cahiers Robinson, 25 novembre 2022, n° 52, 194 p. ISBN : 9782848325354. 16 euros.
Le terme ruralité vient du latin ruralis qui signifie la campagne. L’INSEE1 caractérise ces territoires ruraux comme des espaces où la densité de population est faible. Certaines zones sont sous forte influence d’un pôle urbain ou non. Ce mot renvoie également aux modes de vie liés au fait d’habiter dans ces zones à faible densité. Les espaces ruraux étaient auparavant centrés autour de l’agriculture ; ils tendent aujourd’hui à être également tournés vers les paysages, l’environnement et le patrimoine.
Selon L’INSEE, 33 % de la population vit dans une zone rurale. Nos élèves y vivent donc pour 1/3 d’entre eux. Nous y travaillons et y habitons aussi. Cette ruralité est même au cœur des lycées agricoles. À quoi ressemble la ruralité dans nos CDI ? Dans nos partenariats culturels ? Dans nos pédagogies ?
Les zones rurales sont depuis longtemps le lieu d’une culture vivace, animée par des artistes et écrivains qui sont restés en lien avec le lieu où ils ont grandi (école de Brive, Colette, Marcel Pagnol, Jean Giono), qui s’y sont installés, attirés par la beauté des paysages et le faible coût de la vie (école de Pont-Aven et de Barbizon), ou qui s’en servent comme source d’inspiration majeure (George Sand et ses romans champêtres) ou plus ponctuelle (Émile Zola et Honoré de Balzac).
L’objectif de cet article est de proposer des ressources incontournables ou récentes qui témoignent de cette dynamique culturelle, afin de permettre aux élèves ruraux de se retrouver dans les rayons et dans les actions pédagogiques et aux urbains d’assouvir leur curiosité sur ces espaces.
Musées, expositions et festivals
Musées
La ruralité étant par définition disséminée sur le territoire, c’est dans les réseaux des musées locaux que le patrimoine rural et les pratiques culturelles, souvent paysannes, sont valorisés. L’avantage : il y a sans doute un musée proche de votre établissement scolaire !
Fédération des écomusées et des musées de société : un moteur de recherche permet d’accéder à l’ensemble des écomusées du territoire français.
https://fems.asso.fr/
Fédération des musées de l’agriculture et du patrimoine rural. Ce site recèle notamment une carte interactive qui renvoie vers les musées consacrés en totalité ou en partie à ces thématiques.
https://www.museesagriculture.fr/musees/
Les fermes pédagogiques : les deux principaux réseaux proposent soit des activités pédagogiques dans les fermes d’animation, soit la visite d’exploitations en activité.
Bienvenue à la ferme :
https://www.bienvenue-a-la-ferme.com/decouvrir-et-s-amuser-ferme-pedagogique
Accueil paysan :
https://www.accueil-paysan.com/fr/
Expositions – Festivals
Ma ruralité heureuse : un projet porté par la région Nouvelle Aquitaine en 2020 qui a fait appel aux talents des photographes amateurs pour recueillir une diversité de points de vue sur la campagne de cette nouvelle grande région. L’exposition peut être empruntée et est disponible en ligne.
https://www.urcaue-na.fr/ma-ruralite-heureuse-2/
Le livret de l’exposition :
http://www.urcaue-na.fr/wp-content/uploads/2022/06/livret_expo.pdf
Paysages français. Une aventure photographique, 1984-2017, BnF : une exposition virtuelle d’après un travail photographique pilotée par la DATAR (Délégation interministérielle à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale) qui a pour objectif de photographier le paysage français alors en plein renouvellement, loin des images d’Épinal. Les zones rurales y ont une place essentielle et la richesse de ce travail à la croisée entre géographie et art photographique vaut le détour.
http://expositions.bnf.fr/paysages-francais/#menu
Le monde rural vu par les artistes 1848-1914. Un parcours guidé au sein du musée d’Orsay qui permet d’aborder la deuxième partie du 19e siècle de façon interdisciplinaire : histoire, littérature et peinture.
https://www.musee-orsay.fr/sites/default/files/2020-12/fiche_visite_monde_rural.pdf
Caméras des champs – Festival international du film documentaire sur la ruralité,
Ville-sur-Yron (54) : tous les ans depuis 1999, ce festival s’attache à filmer la ruralité dans sa diversité, le plus souvent au format documentaire.
http://cameradeschamps.fr/
Dans les programmes
Collège
Sixième, Géographie. Thème 2 : « Habiter un espace de faible densité- Habiter un espace à forte(s) contrainte(s) naturelle(s) ou/et de grande biodiversité. – Habiter un espace de faible densité à vocation agricole ». Bulletin officiel spécial n° 11 du 26 novembre 2015
Lycée
Seconde, SVT. Les enjeux contemporains de la planète, Géosciences et dynamique des paysages, « Structure et fonctionnement des agrosystèmes » puis « Vers une gestion durable des agrosystèmes » : « Recenser, extraire et organiser des informations issues du terrain (visite d’une exploitation agricole, par exemple), pour caractériser l’organisation d’un agrosystème : éléments constitutifs (nature des cultures ou des élevages) ».
La Terre, la vie et l’organisation du vivant, Biodiversité, résultat et étape de l’évolution : « Au cours de sorties de terrain, identifier, quantifier et comparer la biodiversité interindividuelle, spécifique et écosystémique. »
BO spécial n° 1 du 22 janvier 2019
Première technologique, Géographie. Thème 3 : « Les espaces ruraux : une multifonctionnalité toujours plus marquée. » Sujets au choix : « Les espaces périurbains en France » « L’agro-tourisme en France » BO spécial n° 1 du 22 janvier 2019
Première générale, Géographie. Thème 3 : « Les espaces ruraux : multifonctionnalité ou fragmentation ? » ; « La fragmentation des espaces ruraux » ; « Affirmation des fonctions non agricoles et conflits d’usages » BO spécial n° 1 du 22 janvier 2019
Première voie professionnelle, Géographie. Un thème de géographie est axé sur les espaces urbains mais la ruralité appartient au corpus des notions. BO spécial n° 1 du 6 février 2020.
https://eduscol.education.fr/1790/programmes-et-ressources-en-histoire-geographie-voie-professionnelle
Pistes pédagogiques
Les programmes d’histoire-géographie proposent des études de lieux précis propices à la recherche documentaire et à la lecture de la presse. Il est alors possible d’affiner et d’apprendre aux élèves à repérer les stéréotypes dans les différents articles en fonction du type de documents (presse quotidienne régionale, journaux nationaux, communication des collectivités territoriales sous forme de magazines locaux, etc.).
La notion de marketing territorial abordée en lycée général et technologique peut être l’occasion de produire avec des élèves des supports de communication pour attirer des habitants sur des territoires à faible densité : quels atouts mettre en avant ? Quels codes de communication utiliser ? Quel est le public cible ? Les productions peuvent être exposées au CDI, publiées sur le site de l’établissement et /ou sur le portail du CDI. Ce travail peut se faire de façon interdisciplinaire en STMG.
Développer l’ouverture culturelle des établissements en instaurant des partenariats avec des structures culturelles et artistiques rurales. Cela peut, par exemple, prendre place dans le parcours avenir, les filières forestières et agricoles pouvant proposer des parcours de découverte
https://www.onf.fr/
https://chambres-agriculture.fr/
L’éducation socioculturelle en lycée agricole est une porte d’entrée vers des partenariats culturels tournés vers la richesse culturelle et artistique des zones rurales.
https://lebimsa.msa.fr/developpement-local/les-champs-de-la-creation-art-et-ruralite/
Valoriser les savoirs culturels ruraux au sein du CDI par des expositions autour de la pêche, des champignons, du jardinage et du bricolage, etc. Constituer un fonds spécifique : romans, documentaires.
Collaboration avec un professeur d’histoire : recherches documentaires dans les archives du site Retronews ; le lexique de la campagne dans la presse parisienne au 19e siècle.
Mise en place d’une veille documentaire sur e-sidoc autour de l’actualité culturelle rurale : expositions, résidences d’artistes, musées, cinémas, évènements musicaux, venue de compagnies théâtrales, journées du patrimoine, par exemple.
Avec les professeurs principaux, les PsyEN, les professeurs de SVT, découverte des métiers de la ruralité, notamment tout ce qui tourne autour de l’écologie, de la biodiversité et de la préservation du patrimoine naturel, de l’alimentation ; invitation de professionnels, visite de fermes pédagogiques.
Sites institutionnels
Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation. Réseau national agricultures et ruralités :
https://www.reseaurural.fr/
https://www.reseaurural.fr/sites/default/files/documents/fichiers/2021-12/2021_rrn_guide_culture_ruralite_2.pdf
Agence nationale de cohésion des territoires. Territoires et ruralités : Réduire les inégalités entre les territoires. Ce site répertorie depuis 2017 les politiques publiques nationales qui ont pour projet de réduire les inégalités entre territoires via une collaboration avec les collectivités locales.
https://agence-cohesion-territoires.gouv.fr/territoires-et-ruralites-99
Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, IGEN-IGAEN. Mission ruralité : adapter l’organisation et le pilotage du système éducatifs aux évolutions et aux défis des territoires ruraux, 2018. Rapport qui présente notamment les écarts en termes de poursuite d’études entre élèves ruraux et urbains. Ce phénomène est intéressant à analyser dans le cadre du parcours avenir.
https://www.education.gouv.fr/mission-ruralite-adapter-l-organisation-et-le-pilotage-du-systeme-educatif-aux-evolutions-et-defis-2864
Projet AGATE, INRAE : Institut National de recherche pour l’Agriculture, l’alimentation et l’Environnement, en partenariat avec la BnF et les Archives nationales : bibliothèque numérique autour de l’Agriculture, l’Alimentation, les Territoires et l’Environnement.
https://agate.inrae.fr/agate/fr/content/propos-dagate
Gandilhon, Michel, L’héroïne en milieu rural en France : une réalité ignorée, The Conversation, 16 juillet 2023.
http://theconversation.com/lhero-ne-en-milieu-rural-en-france-une-realite-ignoree-207844
Le monde rural dans le roman français. Lire n° 488, 09/2020, p. 62-69.
Les espaces ruraux en France, Documentation photographique n° 8131, 10/2019 : numéro entièrement consacré à la ruralité.
Mariette, Maëlle, Deux mondes paysans qui s’ignorent, Monde diplomatique n° 805, 04/2021, p. 18-19.
Marinone, Isabelle, Les paysans à l’écran : quelles représentations ?Cahiers français n° 431, 01/2023, p. 88-95.
Rieutort, Laurent, Les territoires ruraux face à quatre transitions, Population et Avenir n° 761, 01/2023, p. 4-7, 20.
Collège
Chez les paysans du Grand Siècle, Arkeo Junior n° 280, 01/2020, p. 20-21.
Land Art, DADA n° 241 : dossier, 2019.
Filmographie
Documentaires
Agou Christophe, Sans Adieu. Les Enragés, 2017, 99 mn. Un film qui montre la vie loin du monde des paysans du Forez, qui vivent de peu et souffrent des représentations associées à leur mode de vie.
Culand, Gabrielle. Sacrifice Paysan. Arte, Elephant prod, 2022. Ce documentaire s’ouvre sur le décès de Jérôme Laronze, agriculteur du Morvan, lors d’un contrôle de gendarmerie. Objectif : montrer les tensions entre la paysannerie traditionnelle et les contraintes liées aux nouvelles normes. Disponible sur :
https://www.youtube.com/watch?v=CxW5pWB7b5g
Depardon, Raymond. Trilogie, profils paysans : L’approche (2001), Le quotidien (2005), La vie moderne (2008). Issu d’une famille paysanne, Raymond Depardon, dans cette trilogie, filme avec pudeur un monde qui parle peu et souffre en silence.
Lifshitz, Sébastien. Adolescentes. Agat Films – Ex nihilo, 2019, 135 mn. Un documentaire qui suit pendant cinq années deux adolescentes corréziennes. Leur différence d’origine sociale est structurante dans ce film qui réussit aussi à montrer ce que c’est que de vivre dans une petite ville de province qui reste marquée par sa ruralité et où la nature est proche.
Prunault, Delphine. Moi, agricultrice. Galaxie Presse, LCP, France 3 Pays de la Loire, 2022, 52 mn. Un documentaire sur la place essentielle mais peu reconnue des femmes agricultrices.
Rouaud, Christian. Tous au Larzac, Elzévir Films, 2011, 120 mn. Documentaire sur les luttes paysannes contre l’extension du camp militaire du Larzac en 1971.
Rouquier, George. Farrebique. Les Films Étienne Lallier, 1946, 35 mn. Un film patrimonial entre fiction et réalité sur la vie d’une famille paysanne aveyronnaise.
Varda, Agnès. Les Glaneurs et la glaneuse. Ciné-Tamaris, 2000, 82 mn. Agnès Varda part à la rencontre des glaneurs des villes et des champs. Un film poétique sur le glanage, pratique ancestrale et rurale d’assistance aux démunis.
Les documentaires d’Armand Chartier qui a beaucoup filmé la ruralité dans les années 70. Ces films ont été réalisés dans le cadre du ministère de l’agriculture et sont disponibles sur le catalogue en ligne de la BnF :
https://www.bnf.fr/fr/filmer-la-ruralite
Fictions
Bergeon Édouard. Au nom de la terre. Diaphana distribution, 2019, 103 mn. La chute d’un paysan qui, pour échapper à ses difficultés financières, ne trouve pour seule solution que de mettre fin à ses jours
Charuel Hubert. Petit Paysan. Pyramide Vidéo, 2017, 86 mn. Pierre, un jeune paysan, gère un troupeau d’une trentaine de vaches. Lorsque sa sœur vétérinaire lui apprend qu’une de ses vaches est malade, il décide de le cacher de crainte qu’on abatte tout son troupeau.
Klapisch, Cédric. Ce qui nous lie. Ce Qui Me Meut, 2017, 113 mn. De retour en Bourgogne car son père est sur le point de mourir, Jean retisse des liens avec son frère et sa sœur au fil des saisons et de la culture de la vigne.
La guerre des boutons : un grand classique sur l’enfance à la campagne, à voir en version originale (1962, Yves Robert) ou en version revisitée (2011, Yann Samuell).
Salvadori, Pierre. La petite Bande. Les Films Pelléas, 2022, 106 mn. Des ados d’un village corse décident de saboter l’usine qui pollue leur rivière depuis des années. Un film décapant et drôle qui aborde de façon décalée les raisons pour lesquelles on est amené à vouloir protéger la nature qui nous entoure et les difficultés de l’adolescence.
Radio
Deroeux, Iris ; Amsellem-Mainguy, Yaëlle. « R » Comme Ruralité. Émission « Les Mots de La Science » : The Conversation, 29 avril 2021, 17 mn. Une histoire de la sociologie de la ruralité par l’autrice des Filles du coin. http://theconversation.com/les-mots-de-la-science-r-comme-ruralite-159848
Gillon, Gaël ; Maucort, Pauline. Le complexe rural. France Culture, série en 4 épisodes : 1. Grandir à la ferme, 58 mn. ; 2. La maison au village et les voisins parisiens, 1 h 05 mn. ; 3. Quand les femmes battent la campagne, 59 mn. ; 4. Choisir de revenir, 59 mn.
La ruralité est-elle un désert culturel ? Mercredi 31 mai 2023 France culture, 16 mn.
À l’heure où cet article était en cours d’écriture, un adolescent de 15 ans, victime de harcèlement scolaire, se donnait la mort à Poissy. Son nom vient s’ajouter à une liste déjà trop longue pour la seule année 2023, faisant du harcèlement scolaire un problème de société majeur ainsi qu’un sujet médiatique de premier plan, comme l’attestent le large relais médiatique ainsi que les mesures institutionnelles récentes prises par Gabriel Attal : le décret du 16 août 2023, la journée de lutte contre le harcèlement, Safer internet day, le dispositif Sentinelles et Référents, Phare, Prix Non au harcèlement…
Pourtant, ce douloureux et complexe sujet n’est pas l’apanage de notre époque et de nombreux auteurs s’en étaient déjà emparés : Maupassant, dans sa nouvelle Le papa de Simon, Flaubert dans ses Mémoires d’un fou, Delacretelle, Jules Renard et d’autres avaient déjà écrit en leur temps sur le sujet.
Aujourd’hui, l’offre éditoriale est plurielle et se décline en différents formats et types de textes : certains ont une approche éducative, parfois trop appuyée, d’autres s’inscrivent dans une démarche davantage littéraire avec des textes complexes tant dans l’exploration de la psychologie des personnages que dans leur construction ou la variété des thématiques abordées. Mais l’essence est toujours la même, parler à l’intime et permettre au jeune lecteur de cheminer dans ses émotions et sa réflexion : « La littérature reste une des meilleures garanties pour espérer une sorte de progrès dans nos sociétés hypertechniques », nous dit Mario Vargas Llosa. Saisissons-nous de cette citation pour offrir à nos élèves des textes variés sur le sujet, pour les sensibiliser mais aussi parce que ce thème familier, effrayant et bouleversant peut les amener sur le chemin de la littérature.
Des formats courts pour des fictions à visée éducative
Il importe de toucher le plus grand nombre possible d’ados et pré-ados et pas uniquement les lecteurs confirmés qui tentent la folle aventure du roman de plus de cent pages. Les fictions pouvant constituer une sorte de « produit d’appel » sont nombreuses, dont quelques bandes dessinées.
Du côté de la BD et du roman
Dès 2012, Dominique Saint Mars et Serge Bloch imaginent dans une BD ludique et éducative au dessin humoristique, une Lili harcelée à l’école après s’être laissé séduire par une bande de filles populaires mais loin d’être bienveillantes. On y comprend que le harcèlement existe aussi dans le monde des adultes, puisque le père de Lili est contrarié à cause des moqueries répétées de ses collègues au sujet de la forme de son menton. On s’interroge aussi sur les motivations de la camarade qui harcèle Lili : elle manque totalement de confiance en elle et veut se donner avec sa position de bourreau l’illusion d’être forte. Autre bande dessinée qui choisit la distance de l’humour, Seule à la récré propose des planches aux dessins et couleurs tendres qui atténuent la gravité du propos ; elle nous livre l’histoire d’Emma, progressivement isolée et harcelée par ses camarades de classe, qui choisit au départ de ne rien dire, puis expliquera ce qui se passe à ses parents. La situation mettra néanmoins du temps à évoluer. On s’intéresse ici aussi à l’instigatrice de ce harcèlement, victime de la pression que ses parents exercent sur elle pour qu’elle soit la meilleure en tout, quitte à écraser les autres. Camelia, autre héroïne de bande dessinée, trouvera dans le soutien de ses parents et amis, mais aussi dans la pratique théâtrale, la force de surmonter l’épreuve et de faire face à la meute. On retrouve ici le thème de l’art libérateur.
Plus étoffé, utilisant lui aussi le ressort comique sans rien perdre de sa subtilité d’analyse et ponctué d’illustrations, le roman La Team collège interroge les liens amicaux, les stéréotypes sociétaux et la construction du phénomène de harcèlement.
Le recueil Malaise au collège propose quatre courts récits mettant en scène différentes formes de harcèlement (cyberharcèlement, racket, ostracisation, harcèlement physique) ; ils permettent une sensibilisation rapide, mais le texte devient parfois trop informatif.
Des pages documentaires et informatives viennent enrichir ces textes de fiction et proposent des descriptifs des mécanismes du harcèlement, des numéros d’écoute et des réseaux associatifs dédiés. Ils ont également en commun des « happy ends » grâce à la libération de la parole et l’écoute de proches, d’amis, de professeurs (c’est plus rare) ou de pratiques artistiques. Le bouc émissaire sort alors du cercle vicieux grâce à ses adjuvants. Mais la vie n’est pas un conte de fées et pour d’autres, le chemin sera plus laborieux, plus difficile encore.
Des fictions plus denses aux thématiques multiples pour une entrée en littérature
Des textes qui vont à l’essentiel
Il y a des textes qui cognent. Dans son court roman, Six contre un, Cécile Alix adopte un point de vue interne qui permet dès l’incipit une identification avec Ludo, bouc émissaire en raison de son surpoids. Le vocabulaire est cru, percutant, incisif et sans concession, pour un effet coup de poing propice à la prise de conscience ; c’est en permettant à ce corps moqué de s’exprimer par la danse, que Ludo retrouvera l’estime de lui-même et la confiance en la vie. Encore une fois, l’autrice propose l’art comme remède à la souffrance.
Même crescendo de violences et d’humiliations, même sensation de panique et d’impasse chez Arthur Tenor qui décrit un Enfer au collège à la construction habile. Il alterne le point de vue du bourreau et celui de sa victime, situe l’incipit après les faits, laissant pressentir au lecteur que quelque chose de grave s’est produit, sur lequel le récit nous éclairera. On retrouvera ce procédé dans le roman Blacklistée dont nous parlerons plus loin.
Les deux auteurs ont décidé de s’exprimer dans une postface, Cécile Alix par un plaidoyer aussi bref que percutant ; Arthur Tenor en expliquant comment le témoignage de la mère d’un jeune harcelé qui s’est suicidé l’a plongé dans l’urgence d’écrire.
Des romans plus étoffés : exploration psychologique, découverte d’autres univers…
D’autres romans abordent la question du harcèlement sans que ce soit le thème central et plongent le lecteur dans de nouveaux univers.
Ainsi, Sherman Alexie dans son roman autobiographique Le premier qui pleure a perdu raconte avec un humour féroce ses difficultés et péripéties d’adolescent harcelé : Junior, un jeune Indien Spokane souffrant de différents handicaps, vit dans une réserve indienne où dominent misère sociale et humaine. Il sait qu’un déplorable avenir l’attend s’il ne quitte pas la Réserve. Brillant, il est admis à Reardan, une école prestigieuse surtout fréquentée par les Blancs. Son amour du dessin, son travail, son talent et sa puissante autodérision lui permettront de s’en sortir.
Troublante similitude avec Max, jeune garçon handicapé, qui rase les murs pour éviter les moqueries et vexations répétées dont il fait l’objet depuis sa sixième, faisant de sa vie un calvaire. Là encore, la rencontre artistique avec une mystérieuse BD, Dragon boy, va s’avérer salvatrice : le héros et la comédie musicale vont l’inspirer au point de transformer sa vie. Le récit est entrecoupé des planches BD des jubilatoires aventures de Dragon Boy, véritable exutoire pour Max mais aussi pour le lecteur.
Ces deux romans semblent se faire écho tant par leur humour corrosif que par leur forme très illustrée, leurs thèmes et leur profonde humanité.
Dans Chère Fubuki Katana, Anne Lise Heurtier fait le choix de placer son récit au Japon. Sûrement pas par hasard, puisqu’on y excelle dans l’art de réparer les vases brisés : on met en valeur les brisures plutôt que de les camoufler et l’image est d’autant plus forte dans une culture où l’intime semble devoir rester muet. La jeune Emi et sa mère sont adeptes de cette activité. Emi est harcelée et tente vainement de faire bonne figure en taisant les humiliations dont elle fait l’objet quotidiennement. La construction du récit est singulière et très bien maîtrisée, le dénouement final est une surprise pour ne pas dire un choc. Ce roman vient interroger notre société contemporaine sur les thèmes de l’image, l’amitié, l’amour et le mensonge. La poésie, l’émerveillement et l’art sont néanmoins très présents, notes d’espoir et de beauté dans un texte d’une grande finesse.
On ne saurait évoquer le Japon sans proposer quelques mangas. Deux d’entre eux ont retenu mon attention par leur similitude : Kasane et Rouge Eclipse. Ils ont en commun deux héroïnes persécutées dans leur lycée à cause de leur physique jugé ingrat. Toutes les deux ont des relations compliquées avec leur mère pour des raisons différentes. Elles vont avoir recours à un procédé surnaturel pour se glisser dans le corps d’une jolie jeune fille populaire, qui s’avère être le bourreau dans l’un des deux cas. À peine sont-elles libérées de leur laideur qu’elles se laissent gagner toutes les deux peu à peu par la cruauté et la méchanceté, intéressante métaphore qui rappelle que les postures dans l’infernal triangle du harcèlement ne sont que postures et que chacun peut passer de l’une à l’autre… nombre de harceleurs sont ou ont été victimes de harcèlement. Ces deux mangas offrent une vraie réflexion sur la quête d’identité, l’estime de soi, le respect de l’autre, le bien-être psychique, autant de problématiques étroitement liées à celle du harcèlement.
Claire Mazard a choisi de parler du harcèlement dans un de ses romans noirs pour aborder ce thème. La commissaire Razinsky enquête sur le meurtre d’un jeune harceleur dont Anton, frappé de la malédiction d’être roux, était la victime. Ils se sont justement rencontrés le soir du meurtre. Mais le jeune harcelé ne sera finalement pas inquiété, il retrouvera une vie plus sereine. Au-delà de la problématique du harcèlement, bien d’autres thèmes sont abordés : liens familiaux, blessures, perte, deuil, exclusions… Le format enquête amène tout le suspense et les rebondissements propres au genre et rappelle que certains actes peuvent conduire à l’irrémédiable.
Les romans du passage à l’acte
Allure de roman noir également pour la couverture du best-seller Blacklistée à ranger du côté des romans addictifs. Il nous entraîne dans un lycée américain où l’image est un diktat, où la popularité se mesure à la marque de ses vêtements ou de son make-up et à sa capacité à être craint par les autres. D’un milieu social très favorisé, Regan, légèrement peste, voit son destin radicalement basculer à la suite de la diffusion publique de ses messages privés. Son statut d’icône populaire lui est instantanément ôté, ses « amies » lui tournent le dos, le harcèlement commence et sa vie devient un enfer. Dès lors, il lui faut trouver des stratégies de réhabilitation. Des secrets et un rapprochement avec le jeune Nolan vont bouleverser ses plans et lui permettre d’aller à la découverte d’elle-même. Cependant, une des élèves du lycée va payer le prix fort et aller jusqu’à une tentative de suicide dont elle sera sauvée in extremis. Passage à l’acte aussi dans le roman déjà évoqué d’Athur Tenor, L’enfer au collège ou encore dans Silent Boy. Dans ce roman court et percutant, Gaël Aymon, qui avait déjà écrit sur le sujet (ndlr Ma réputation) fait vivre l’expérience d’une plongée immersive dans le monde des ados, leurs codes et leur vocabulaire. Anton, alias Silent boy sur les réseaux, est le témoin muet du harcèlement de Nathan, un jeune homme qui ne correspond pas aux stéréotypes de genre. Particularité, les réseaux sociaux jouent ici un rôle positif même si un personnage dira qu’il en a assez des relations virtuelles et préfère désormais se consacrer à sa vie réelle. Sur un tchat, Anton va échanger et devenir « ami » avec une jeune fille. Peu à peu, il va se dévoiler et puiser dans cette relation la force de sortir du silence. Mais il aura fallu la défenestration de Nathan pour qu’Anton soit gagné par la rage et la soif de laisser éclater la vérité. Loin de tout manichéisme, ce roman offre une lecture nuancée des postures et enjeux à l’œuvre dans le harcèlement, des émotions qui traversent les protagonistes et en particulier les témoins. Et il soulève la question de l’identité.
Suicide encore mais réussi cette fois dans 13 reasons why de Jay Asher dont a été tirée la célèbre série éponyme. Hannah Baker a pris le temps avant son suicide de s’enregistrer sur de vieilles cassettes audio pour expliquer les 13 raisons qui l’ont poussée à cette dernière extrémité. Clay est le premier garçon à recevoir les cassettes, lui qui pensait n’avoir rien à voir avec la mort d’Hannah. Le lecteur découvre le contenu des cassettes avec lui, ponctué d’incessants flash-back pour comprendre l’enchaînement macabre. Nul n’est épargné : camarades ayant nui directement ou indirectement à la jeune fille, profs ou parents quasi aveugles ou maladroits. Le lecteur sent se resserrer l’étau de la solitude extrême dans laquelle Hannah s’est trouvée plongée.
Dans Johnny de Martine Pouchain, c’est Alice, dont il était amoureux, qui démêle l’écheveau de l’histoire de Johnny, puisque lui n’est plus là pour raconter le calvaire qu’il a subi. Calvaire auquel Alice a d’ailleurs participé, sans penser bien sûr que les choses pouvaient aussi mal tourner. Cette histoire aussi crue et dépouillée qu’elle est brève, ne laisse pas le lecteur indemne.
Enfin, parce que les histoires vraies touchent les lecteurs et constituent une tendance éditoriale forte, on peut proposer sur nos étagères le témoignage de Nora Fraisse, maman de la jeune Marion qui s’est suicidée à l’âge de 13 ans : Marion, 13 ans pour toujours. Nora Fraisse, qui a contribué au scénario de la BD Camélia, fondé une association, et lancé des campagnes de sensibilisation. L’institution scolaire n’est pas épargnée dans son récit mais c’est une parole qui mérite d’être écoutée non pour se flageller mais peut-être pour interroger notre posture et notre vigilance.
D’ailleurs, dans nombre de textes évoqués dans cet article, les adultes, parents, professeurs, pris dans leurs rôles et préoccupations, au mieux jouent les aveugles et les indifférents, au pire aggravent les faits en s’en tenant aux apparences ou se disant que si l’on est rejeté par les autres, c’est qu’on ne fait peut-être pas d’efforts ! Quant aux parents, les enfants hésitent à leur parler pour les protéger puis finissent par leur en vouloir de ne pas comprendre où est le problème. C’est également la honte qui les pousse au silence.
Ainsi l’offre éditoriale sur la problématique du harcèlement est large tant par la diversité des genres que par la diversité des niveaux de lecture. Le professeur documentaliste dans sa double mission de veille informationnelle en lien avec l’actualité et de promotion de la lecture peut puiser là une matière sérieuse, propice à libérer la parole des élèves et à étayer leur réflexion.
Ces ouvrages nous incitent surtout en tant qu’éducateurs à nous garder nous-mêmes des stéréotypes et des interprétations, à accroître notre vigilance, à ouvrir le dialogue. Et pourquoi pas à nous inscrire dans un dispositif existant, puisque le CDI est l’un des espaces phares de la vie des élèves dans les établissements.
Novembre 2022, ChatGPT, l’intelligence artificielle conversationnelle de l’entreprise américaine OpenAI conquiert la planète web en répondant instantanément à toute question des internautes de façon directe, synthétique et ordonnée. Cette IA s‘appuie sur un corpus textuel déterminé entièrement constitué de données issues du web mais non connecté à celui-ci en temps réel. Néanmoins, depuis 2019, la plateforme payante Playground d’OpenAI permettait déjà aux développeurs et à tout internaute féru d’algorithmes de tester les différentes versions de ChatGPT, grâce à de multiples réglages, et de générer du texte ou du code afin de les intégrer dans des applications. En 2023, tout s’accélère, avec le développement de versions toujours plus performantes, dont ChatGPT 4 (version payante), qui, grâce à l’un de ses plugins, peut désormais chercher des informations sur le web (actualité, sources, etc.). En mars 2023, OpenAI s’associe avec Microsoft qui intègre ChatGPT 4 au moteur de recherche Bing (application Copilot), rendant cette version accessible gratuitement au grand public. Enfin, en décembre 2023, OpenAI signe le premier accord de partenariat avec un important groupe de presse européen, Axel Springer, offrant ainsi l’accès à une base de données d’articles aux utilisateurs de ChatGPT 4.
La concurrence n’est pas en reste. Une course mondiale est engagée, de nombreuses autres IA conversationnelles performantes sont développées, parmi lesquelles on peut citer : Mistral AI (France), Perplexity AI (USA), Meta AI de Facebook (USA), Ernie Bot de Baidu (Chine) et, particulièrement, Bard de Google, sortie en 2023, dont la version multimodale1, Gemini, prétend rivaliser avec ChatGPT 4.
Les IA génératives2, dont font partie les IA conversationnelles, évoluent donc constamment et proposent également la création d’image à partir d’un texte (DALL.E d’OpenAI, Bing créateur d’image de Microsoft, Text to image de Canva, Midjourney avec Discord) ou la transcription vocale (Speech-to-Text de Google, Whisper d’OpenAI…). Elles se diversifient avec l’émergence d’autres options telles que la génération de vidéo, de musique, de traduction vocale, de diaporama à partir d’un prompt3. Il est également possible de faire une traduction vocale en langue étrangère d’un audio ou d’une vidéo (HeyGen). Une tendance vers les intelligences artificielles génératives multimodales semble donc se dessiner. Dans un avenir très proche, les IA génératives feront probablement partie de notre quotidien, exécutant de nombreuses tâches basiques ou complexes.
Face aux enjeux sociétaux liés au déploiement et à l’utilisation de ces nouvelles technologies, notamment les multiples plaintes en violation des droits d’auteur, les atteintes à la protection des données personnelles (RGPD), la CNIL a publié le 16 mai 2023 « un plan d’action pour un déploiement de systèmes d’IA respectueux de la vie privée des individus ». En outre, le 9 décembre 2023, l’Union européenne est parvenue à un accord entre les différents États membres sur un texte qui encadre les intelligences artificielles, l’AI Act : « Ce règlement vise à garantir que les droits fondamentaux, la démocratie, l’État de droit et la durabilité environnementale sont protégés contre les risques liés à l’IA, tout en encourageant l’innovation […]. Les règles établissent des obligations relatives au niveau de risque et d’impact que l’IA peut générer. »
À la suite de l’annonce, par le ministre de l’Éducation nationale, de l’introduction de l’IA dans l’apprentissage du français et des mathématiques en seconde (application MIA), dès la rentrée 2024, il est urgent de réfléchir à l’usage de ces outils, comme le signale Manon Lefebvre, dans son article sur ChatGPT, en nous présentant son fonctionnement, ses limites, et en suggérant des pistes de réflexion, d’apprentissage et de production de contenus pédagogiques.
Handicap, illettrisme, décrochage scolaire, besoins éducatifs ou pédagogiques particuliers, illectronisme… Comment penser le CDI inclusif en faveur de la réussite de tous les élèves ?
En 2006, l’Unesco définit l’inclusion comme « […] une approche dynamique [permettant] de répondre positivement à la diversité des élèves et de considérer les différences entre les individus non comme des problèmes, mais comme des opportunités d’enrichir l’apprentissage1 ». Dans la même veine, le récent manifeste IFLA-UNESCO sur les bibliothèques publiques de 20222 insiste sur les liens qui existent entre information, éducation, participation citoyenne et inclusion. De par leurs missions-clés, les bibliothèques sont appelées à contribuer à la construction de sociétés plus humaines, équitables et durables. Ce qui nous conduit à réfléchir à la contribution des CDI et au rôle des professeurs documentalistes.
Pour ce numéro, sont attendues des propositions d’articles sur les problématiques suivantes :
– accueillir et repenser les espaces documentaires (signalétique, circulation…) pour répondre aux besoins de chacun.e ;
– viser l’inclusion (numérique, culturelle, sociale, scolaire) de tous les élèves ;
– favoriser l’accessibilité des collections, des ressources, des documents et de l’information en tenant compte des singularités ;
– développer des activités pédagogiques et didactiques qui visent l’acculturation informationnelle de tous les élèves, dans leur diversité, dans le cadre de l’information-documentation et/ou de l’ÉMI.
– encourager l’insertion professionnelle, la coopération et la solidarité à l’école dans un but inclusif ;
– œuvrer à l’inclusion scolaire des élèves migrants, réfugiés et/ou nomades, en situation de handicap, à besoins éducatifs particuliers, en difficultés (d’ordre physique, psychique, moral, socio-économique et culturel) ;
Pour penser ensemble le CDI inclusif, nous avons besoin de vos réflexions, de vos mises en œuvre pédagogiques et d’exemples précis.
À vos idées ! À vos articles !
Date limite d’envoi des propositions de contribution
31 mars 2024
Pour une préparation optimale du numéro,
n’hésitez pas à contacter la rédaction au plus tôt
Au moment où nous imprimons cette revue, nous apprenons avec effroi l’assassinat de notre collègue professeur de lettres, Monsieur Dominique Bernard. Toute la rédaction exprime sa peine et son soutien à sa famille dans ce moment particulièrement douloureux.
Dans un thèmalire particulièrement fouillé et documenté, Fanette Bianchi retrace l’évolution éditoriale des romans jeunesses centrés autour de la première relation sexuelle : depuis les débuts du genre dans lesquels la sexualité n’est mentionnée que de façon elliptique ou sous un angle préventif via ses conséquences, la plupart du temps dramatiques, jusqu’à nos jours où la première relation sexuelle et l’érotisme deviennent le thème central du roman avec un réel questionnement autour des sexualités, sans sombrer dans l’apologie des pratiques extrêmes. Une bonne introduction à l’éducation à la sexualité. À ce sujet, on lira avec attention l’ouverture culturelle de Yannick Denoix dans laquelle il ne manque pas de rappeler la grande liberté amoureuse et sexuelle de Colette, sans oublier ses multiples facettes artistiques et intellectuelles qu’il nous fait redécouvrir, à l’occasion des 150 ans de sa naissance.
Adeline Segui-Entraygues et Sybil Nile, dans un article consacré au selfie, reviennent sur son origine et sa proximité apparente avec l’autoportrait pour immédiatement élargir le champ en rappelant que le selfie constitue une forme de communication active à trois : émetteur, récepteur, contexte, qu’il est genré et qu’on ne peut limiter son interprétation au narcissisme de la génération des millenials. Elles plaident, exemples de séances à l’appui, pour une éducation aux usages numériques dispensée par les professeurs documentalistes qui permettrait aux élèves « de passer d’un statut d’objet ou de sujet de leur selfie à celui d’acteur ». Ceci afin de développer des pratiques d’information raisonnées : maîtriser son identité numérique, comprendre les multiples enjeux des réseaux sociaux, réfléchir à l’exposition et à la publication de soi. Agnès Deyzieux s’intéresse également à la question de la mise en image(s) de soi, de ses émotions en choisissant de rédiger un gros plan autour de Benoît Vidal, auteur de la BD Gaston en Normandie, lequel, pour raconter le débarquement en Normandie à travers les yeux de sa grand-mère, opte pour une forme tombée en désuétude mais réinventée par les éditions FLBLB : le roman photo.
Brigitte Réa analyse les évolutions catalographiques liées au développement d’internet, notamment la création de formats universels d’échange de données (UNIMARC), l’accès des usagers à la recherche sur des catalogues en ligne sans que pour autant les notices desdits catalogues soient accessibles via les moteurs de recherche type google et enfin, ultime étape, la transition bibliographique qui vise à adapter le catalogage à l’environnement Web afin de faciliter les recherches. Elle nous rappelle que ces évolutions sont déjà présentes sur nos portails avec, notamment, l’intégration de métadonnées issues de ressources numériques externes, celles de l’encyclopédie Wikipédia, par exemple, qui font d’ailleurs l’objet d’un focus dans la veille numérique de Gabriel Giacomotto. Enfin, Lucie Sire détaille dans une fiche pratique les étapes de la création d’un podcast, en passant par les partenaires et outils disponibles, les concours, les compétences travaillées, la réalisation et les droits. Elle conclut avec quelques exemples de podcasts bien choisis, notamment une série sur notre métier réalisée par deux professeures documentalistes : 621.3 Prof Doc sur Spotify, bonne écoute.
Peut-on considérer que les catalogues de bibliothèques sont des outils obsolètes et pourquoi ? Les formats de ces derniers ne seraient plus adaptés aux usages et aux formats actuels du Web, ce qui, par conséquent, laisse à entendre qu’il convient d’engager une évolution en adéquation. C’est ce défi que les deux grandes agences bibliographiques françaises, ABES , BnF, ont décidé de relever en créant un programme en 2014 dont l’objectif est de permettre l’ouverture, sur le Web, des données et notices d’autorité contenues dans les catalogues. Ce processus d’adaptation suppose une période de transition appelée « transition bibliographique ».
Le modèle actuel repose sur des fichiers qui présentent des fiches qui se succèdent et qui décrivent des entités matérielles en liste, fichiers de données bibliographiques juxtaposées, autorités et exemplaires. Il a donc été nécessaire de repenser le modèle existant afin de coller à celui du web sémantique ; il convient, à présent, d’aller vers des bases de données relationnelles ou orientées objet. Il est légitime de s’interroger sur toutes ces évolutions, y compris au sein des CDI en raison de l’intérêt, porté par les professeurs documentalistes, à la description des documents. De nouveaux enjeux professionnels concernant la description des objets du savoir sont donc essentiels à comprendre s’agissant d’éventuelles évolutions d’outils de gestion de nos catalogues ou relevant de la compréhension de la recherche dans les bases de données.
L’enjeu est double, il s’agit de réfléchir à un nouveau code de catalogage (RDA, Resource Description and Access) « afin de satisfaire au critère d’interopérabilité des données au cœur du web sémantique » (Raup, 2016)1 et à une adaptation des catalogues allant vers une inversion du système actuel, permettant ainsi de placer l’œuvre en tant que concept central (FRBR, Functional Requirements of Bibliographic Records-Spécifications fonctionnelles des notices bibliographiques).
Afin de mieux comprendre cette transition, nous devons, au préalable, revenir sur l’évolution des logiciels et portails documentaires et appréhender progressivement ce qui a permis l’engagement dans le processus.
Des catalogues vers le web de données
Pour rappel, un catalogue est un ensemble d’éléments constituant une collection. Les fonctions principales de ce dernier sont les description et localisation. Pour l’Agence bibliographique de l’enseignement supérieur (ABES) et selon le vocabulaire de la documentation, un catalogue est une « liste ordonnée de notices d’objets ou de documents (notice bibliographique, notice catalographique) d’une collection permanente ou temporaire, réelle ou fictive, constituant un instrument de recherche (identification et localisation de documents) et de gestion pour les utilisateurs. Un catalogue peut être consultable sur différents supports : fiches papier, catalogues imprimés, microforme, banque de données informatisée quel que soit son accès. L’ordonnancement ou l’accès peut être : chronologique ; topographique (par ordre de classement sur les rayons ou de cote de rangement) ; systématique ou alphabétique par titre, par auteur (catalogue-auteurs) ou par matière (catalogue-matières, catalogue-sujets)2. »
Cette définition renvoie au fonctionnement de la plupart des catalogues dans lesquels les notices sont classées au sein de fichiers en silos. Les différents fichiers sont reliés entre eux mais néanmoins indépendants (fichiers auteurs ou éditeurs).
L’informatisation des fonds documentaires s’est faite dans le respect des fichiers papiers qui permettaient autrefois l’accès aux documents. Ces fichiers étaient et sont, toujours, organisés en collection grâce au fruit d’un travail de catalogage, afin de répondre à plusieurs objectifs :
• permettre l’accès aux usagers ;
• conserver les documents ;
• réaliser des outils donnant accès aux différentes caractéristiques des documents sans avoir à les consulter, soit le catalogue.
Le catalogue est donc le fruit d’un travail construit dans le respect de différentes normes, telle que, entre autres, la norme Z44-050 (avril 2005) pour le catalogage des monographies. Ce qui est à comprendre dans les réalisation et réflexion autour de cet outil, c’est cette nécessité à penser et à adopter des décisions communes au niveau international. En 1961, lors d’une conférence internationale de l’IFLA (Fédération internationale des associations et institutions de bibliothèques), « Les Principes de Paris3 » sont adoptés afin de définir une position commune s’agissant des règles de catalogage et des formats. Des normes et formats vont donc être mis en œuvre afin de permettre l’échange de notices et la constitution de catalogues informatisés. Le format MARC (Machine Readable Cataloguing) est créé en 1965 à la Bibliothèque du Congrès, l’objectif majeur étant l’amélioration des échanges entre bibliothèques. L’ISBD M (International Standard Bibliographic Description) voit le jour, en 1971, et ouvre la voie à de nouvelles pratiques de catalogage normalisées. À la suite de la multiplication des formats MARC nationaux, la création d’un format universel UNIMARC vise l’uniformisation des échanges entre les différents systèmes. L’adoption est donc internationale et contribue à faciliter la collaboration entre les bibliothèques qui cherchent à progressivement informatiser leurs collections. Aujourd’hui d’autres langages tels que les SGML (Standard Generalized Markup Language) ou XML (Extensible Markup Language) permettent l’échange de données.
En France, au milieu des années 80, la bibliothèque Sainte Geneviève expérimente un logiciel, « MOBICAT », « logiciel de saisie guidée et d’aide au catalogage sur micro-ordinateur. Il permet, à partir d’une saisie en conversationnel des données bibliographiques, l’édition de fiches catalographiques conformes aux normes en vigueur dans les bibliothèques et la production d’un support magnétique structuré suivant un format international de type MARC4. » Ce logiciel n’a pas vocation à permettre la recherche par les usagers mais à faciliter la saisie du catalogage.
L’arrivée du web va engager différentes évolutions, dans un premier temps l’accès au catalogue sera rendu possible, sur la toile, grâce à un OPAC puis à un portail. Les logiciels portails documentaires voient le jour et sont dotés d’un SIGB et d’un CMS, soit un système permettant la création et la gestion des notices et un site, à l’exemple de BCDI et ESIDOC. « On parle de système intégré de gestion de bibliothèques (SIGB) quand toutes les fonctionnalités de gestion et de recherche des documents sont assurées par l’informatique ; le SIGB propose en effet une gestion intégrée de l’ensemble des fonctionnalités, les acquisitions, le catalogue et la recherche documentaire, le prêt, les statistiques, le bulletinage, voire le dépouillement des périodiques – chaque fonction correspondant à un module5. »
Les systèmes documentaires se sont adaptés aux attentes des usagers en simplifiant leur interface de recherche documentaire et en intégrant des possibilités de collaboration. Néanmoins les catalogues ne sont pas ouverts sur le web, puisque non interrogeables par les différents moteurs. C’est la raison pour laquelle la transition bibliographique sera mise en œuvre. Cet engagement est précédé par une période (1992 à 1997) durant laquelle un travail mené par un groupe d’expert sera conduit sur les protocoles de catalogage et donnera lieu à une production de données FRBR. « Il s’agit d’une modélisation conceptuelle de l’information contenue dans les notices bibliographiques. Ce n’est ni une norme ni un format de catalogage. » (Paillard, 2014, màj 2015). L’objectif étant d’inverser le modèle, lors d’une recherche il est possible dans un catalogue de trouver plusieurs versions d’une même œuvre ainsi celles-ci n’apparaissent pas sous leur forme intellectuelle mais en liste. « Le modèle FRBR inverse cette approche : le contenu, l’œuvre devient le concept central. » (Paillard, Ibid.).
Comme précisé par Françoise Leresche et Vincent Boulet dans l’article RDA comme outil pour la transition bibliographique : la position française (2016), il s’agit de ménager une transition en douceur. Le principe des FRBR repose sur un modèle entités-relations. Les entités au sein de ce modèle sont
• Œuvre : œuvre individuelle de création intellectuelle (loi, programme informatique, donnée, texte juridique) ou artistique (textuelle, musicale, graphique, photographique, filmique, cartographique, en 3D), des compilations d’œuvres, des parties composantes d’œuvres ;
• Expression : réalisation d’une œuvre sous la forme d’une notation alphanumérique, musicale, chorégraphique, sonore, visuelle, objectale, etc. ;
• Manifestation : matérialisation / publication d’expression(s) d’oeuvre(s) ;
• Item : exemplaire isolé d’une manifestation en un ou plusieurs volumes. » (Raup, 2016).
Ce modèle est à présent obsolète et a été remplacé par le Library Reference Model – Modèle de Référence pour les Bibliothèque (LRM), « modèle conceptuel publié par l’IFLA en 2017, conçu pour être utilisé dans le web de données et promouvoir l’utilisation des données bibliographiques. Il remplace les trois modèles FRBR, FRAD et FRSAD qu’il fusionne en résolvant les incohérences qui existaient entre ces modèles développés séparément. Modèle générique, il permet des extensions selon une granularité plus ou moins fine de l’information bibliographique, selon les implémentations et les règles de catalogage6. » Les technologies du web sémantique sont reprises par l’adoption du langage et modèle de graphe destinés à décrire de façon formelle les ressources Web et leurs métadonnées. La grammaire du web sémantique repose sur la construction de triplets aboutissant à des ensembles, les graphes. Le triplet est la plus petite unité de données du graphe, il est composé d’un sujet, d’un prédicat et d’un objet.
Exemple ci-dessous avec le livre Couleurs de l’incendie écrit par Pierre Lemaître.
Le titre est sujet de plusieurs objets ; quant à l’auteur, il est objet et sujet. Plusieurs triplets sont donc présents dans ce schéma et représentent le début d’un graphe.
Figure 1 – Exemple de triplet et de relations entre les différents éléments / Brigitte Réa
À la suite de la construction de ce modèle dans lequel l’œuvre devient le concept central, la question qui s’est imposée portait sur le passage d’un monde de normalisation des notices à un autre adapté à la logique du Web, dans lequel les données sont structurées afin de les partager et prenant en compte le modèle FRBR (Leresche & Boulet, 2016).
Le RDA-FR sera donc adopté en France en tant que nouveau code à appliquer au sein des bibliothèques permettant ainsi d’établir des règles françaises de catalogage adaptées au contexte du Web. « Le code RDA-FR est la transposition française du code RDA (Resource Description and Access), code de catalogage anglo-saxon à vocation internationale paru en 2010 et révisé en 2019. Dans le cadre de l’Afnor, le groupe Normalisation « RDA en France » de la Transition bibliographique a été mandaté pour adapter le nouveau code de catalogage aux pratiques et aux spécificités françaises. RDA-FR remplace progressivement les normes Afnor. Il s’appuie sur le modèle IFLA LRM (Library Reference Model) et définit une nouvelle approche du catalogage adaptée à l’environnement actuel des bibliothèques, dominé par le web7. »
« Conçu pour faciliter la recherche d’informations sur une ressource documentaire dans le contexte des technologies du web, le nouveau code de catalogage RDA-FR vise à ce que la description bibliographique et sa structuration répondent mieux aux différentes tâches des utilisateurs en ligne (trouver, identifier, choisir, obtenir, naviguer)8. »
Ce nouveau code permet de cataloguer la manifestation (l’édition produite ou publiée) et de construire des relations avec l’œuvre et ses expressions.
Figure 2 – Exemple de catalogage dans le respect du code RDA-FR / Brigitte Réa
L’information bibliographique dans RDA respecte le modèle IFLA-LRM (évolution du modèle FRBR) et repose sur un réseau de relations comme indiqué dans le schéma ci-dessus. La publication par le Livre de Poche en 2019 est une manifestation de l’œuvre de Pierre Lemaître Couleurs de l’incendie dont plusieurs exemplaires (item) se trouvent dans différentes bibliothèques. « La relation de sujet (indexation matière ou Dewey) se fera uniquement au niveau de l’œuvre. Le catalogueur n’aura plus à « réinventer » une indexation déjà créée pour cette œuvre9. »
Cette évolution qui semble essentielle pour les deux grandes agences françaises est-elle néanmoins considérée comme importante, voire mise en œuvre dans le monde de la lecture publique ?
Dans les bibliothèques et CDI : quelles retombées pour les usagers ?
Dans un article écrit par Fabrice Papy (PU université de Lorraine) et Edwige Pierrot (ATER université Aix-Marseille) La « transition bibliographique » en France : à qui profite le changement ?, la question est posée. Les auteurs s’interrogent sur l’ensemble des changements inhérents à ce programme laissant supposer que « l’exposition des données sur le Web serait malaisée, voire impossible, hors FRBRisation des catalogues. Or, depuis 1997, bien des technologies Web et des procédés de traitement ont mûri et les initiatives conduites par l’OCLC et l’ABES sur ces bases montrent que la transcription de la structure et des données des catalogues vers le Web des données est possible depuis plusieurs années. Pourtant, les bibliothèques municipales, généralement attentives à leurs usagers et soucieuses d’améliorer leurs services, n’ont pas encore réussi à s’emparer de ces évolutions technologiques destinées à soutenir de probables usages numériques qui restent encore à identifier. » (Papy & Pierrot, 201810).
S’agissant donc des bibliothèques ou des CDI, il y a lieu de s’interroger sur l’impact que ces changements auront sur l’usager. Toujours pour ces mêmes auteurs,
« il ne s’agit pas ici de remettre en question ici la pertinence de la famille de modèles FRBR qui a fait l’objet, pendant et après sa finalisation de nombreuses publications qui, en leur temps, ont souligné ses avantages et ses limites en fonction de contextes d’utilisation précis. La FRBrisation pour l’amélioration des usages et l’exposition des données sur le Web constitue un prétexte acceptable que les deux agences bibliographiques françaises ont élaboré pour orienter une stratégie globale du changement dont elles bénéficieront directement en les consacrant comme intermédiaire et fournisseurs de services et de données complémentaires pour les catalogues FRBRisés des bibliothèques. » (Papy & Pierrot, 2018).
Une prise en compte des usagers comme des implications budgétaires est nécessaire, et ce, parce qu’il convient de favoriser des lieux dans lesquels les espaces sont à construire avec ceux qui les fréquentent.
Ainsi nous devons peut-être, en notre qualité de professeurs documentalistes, maintenir notre connaissance sur les outils de gestion dont nous faisons usage au quotidien mais également nous affranchir d’un certain nombre de contraintes qui viendraient perturber nos activités pédagogiques et de gestion. Pour toutes ces raisons, les éditeurs de nos outils de gestion assurent un travail garantissant une évolution allant dans le sens d’une amélioration des fonctionnalités pour tous les utilisateurs, usagers et professeurs documentalistes.
D’après l’enquête annuelle TOSCA de 2023 (98 % du marché et 110 logiciels pour bibliothèques), il n’y a « pas de nouvelle solution sur le marché, mais une amélioration de l’offre existante et une progression de l’open source, en attendant la transition bibliographique et les nouvelles normes de catalogage ».
« PMB Services va mettre PMB en conformité avec le Référentiel général d’amélioration de l’accessibilité (RGAA). Grâce à un financement participatif, le module de diffusion et sélection de l’information sera entièrement refondu avec la possibilité de traiter tant les contenus éditoriaux du portail que les notices issues du catalogue ou des contenus de veille documentaire. PMB Services indique engager par ailleurs une réflexion sur l’écoconception. Réseau Canopé Pôle solutions documentaires a amélioré l’ergonomie des interfaces publiques d’e-sidoc avec notamment l’implémentation de la police Marianne et la refonte des interfaces de recherches experte et avancée. Une nouvelle version mobile a également été livrée. Un nouveau workflow est proposé pour l’administration des avis de lecture rédigés par les utilisateurs du portail. E-sidoc héberge désormais les métadonnées des articles de Brief.science, des vidéos d’ARTE Campus et des livres numériques des plateformes de Scholarvox CDI (édité par Cyberlibris) comme de BiblioAccess (édité par Numilog). L’interopérabilité avec Pronote a connu de nouveaux développements. En 2023, e-sidoc hébergera les métadonnées de Mémodocnet, base référençant des sites ou des parties de site internet sélectionnés sur la base de critères tels que la complémentarité avec les programmes scolaires, l’adéquation avec les sujets de recherche des élèves ou les compétences de lecteur requises pour une exploitation en autonomie par les élèves. Le support des fonctions de BCDI par un e-sidoc augmenté est annoncé pour 2024. » (Asselin & Maisonneuve, 2023, p. 7511).
Nous avons pensé également qu’il était important d’interroger Canopé Poitiers afin de comprendre comment se situait l’évolution de BCDI dans cette transition et nous vous livrons ci-dessous la réponse qui nous a été donnée par Christelle Fillonneau, directrice du pôle national Solutions documentaires (Réseau Canopé – Direction territoriale Nouvelle Aquitaine) :
« Réseau Canopé via son pôle Solutions documentaires suit avec attention les travaux menés sur la transition bibliographique et notamment les évolutions induites par les trois chantiers les plus structurants : la validation du modèle IFLA LRM, la publication du format d’échange Unimarc LRM et la publication prochaine du manuel de catalogage RDA-FR.
Pour travailler autour de ces sujets, le pôle Canopé Solutions documentaires a été plusieurs fois en interaction avec des représentants du programme national Transition bibliographique. Par ailleurs, le pôle échange régulièrement avec la société Electre Data Services qui détient une expertise éprouvée du modèle LRM pour l’avoir mis en œuvre dans sa base de production et dans sa nouvelle version d’Electre (Electre NG). Dans le cadre de leur partenariat d’édition, Electre et le pôle déclineront très prochainement ce modèle dans le service MémoElectre Plus. Depuis quelques années, il est à souligner que les catalogues de CDI, accessibles depuis e-sidoc, évoluent de manière majeure avec la multiplication des ressources numériques acquises par les établissements. Par ailleurs, Canopé Solutions documentaires travaille actuellement sur un projet qui consiste à remplacer le logiciel BCDI pour proposer à terme de nouvelles fonctionnalités bibliothéconomiques au sein d’un espace numérique unifié. Il s’appliquera à prendre en compte les prochaines normes de description bibliographique dans ce futur service pour optimiser/alléger le travail de catalogage des professeurs documentalistes et réaliser des interfaces à destination des publics des CDI qui rendent compte de la richesse et de la pertinence des fonds documentaires physiques comme numériques. » (Fillonneau, 2023).
Cette transition, très certainement nécessaire au regard de l’évolution de l’accès à l’information, ne doit pas être source d’inquiétude parce qu’elle sera intégrée dans l’évolution de nos outils et même si elle ne concerne pas les professeur·e·s documentalistes dans l’immédiat, elle est cependant à connaître et à suivre avec intérêt parce qu’elle s’intéresse aux disciplines, situées au cœur de notre activité, à savoir la documentation et les sciences de l’information et de la communication.
Cet article prend appui à la fois sur une expérimentation pédagogique réalisée en contexte scolaire et sur une formation en documentation animée dans le cadre du Plan Académique de Formation (PAF), auprès d’enseignants documentalistes, en 2021-2023. Les séances pédagogiques proposées en sus mais non expérimentées sont le résultat du travail des participantes au stage de formation. Nous présenterons tout d’abord notre réflexion sur les enjeux éducatifs, sociaux et citoyens du selfie. Puis nous détaillerons une séquence pédagogique menée avec une classe de 4e.
Propos liminaires
L’une des missions du professeur documentaliste mentionnée dans la circulaire de missions de 2017 est l’accompagnement des pratiques numériques juvéniles : « Il [le professeur documentaliste] prend en compte l’évolution des pratiques informationnelles des élèves et inscrit son action dans le cadre de l’éducation aux médias et à l’information. » Comme y invite le texte, intégrer ces pratiques à l’école apparaît essentiel : d’une part, pour ouvrir un espace d’échange auprès des adolescents et d’autre part, pour adapter la pédagogie documentaire en faisant notamment une place à la créativité numérique.
Le selfie, des enjeux sociétaux
Revenons, dans un premier temps, sur ce qu’est un selfie et sur ces enjeux.
Parfois considéré comme l’évolution naturelle de l’autoportrait hérité de l’histoire de la peinture, le selfie constitue un nouveau mode de communication et trouve sa place dans le monde médiatique et politique. Pour Laurence Allard, chercheure à l’Université Paris 3-IRCAV, « le selfie n’est pas seulement un autoportrait mais un autoportrait de soi dans le monde. Le plus important est à l’arrière-plan », c’est le partage d’une expérience1 qui est premier dans le message (Allard, 2014).
Ainsi, un selfie posté sur Flickr par Stewart Butterfield et Caterina Fake en octobre 2005 illustre ce point : intitulé “View – Hi mom”, il montre les deux co-fondateurs de la plateforme devant une vue de San Francisco. La légende indique : “This was sent for my parents as I was talking to them on a phone so they could see the view from where we were standing” – « Je l’ai envoyé à mes parents alors que nous parlions au téléphone pour qu’ils puissent voir la vue de là où nous étions ».
Figure 1 – Selfie de Stewart Butterfield et Caterina Fake devant une vue de San Francisco, octobre 2005. Source : http://journals.openedition.org/etudesphotographiques/3529 (Gunthert, 2015)
Le selfie participe d’une communication en triangle. L’image est un message virtuel dont l’interprétation dépend de l’émetteur, de l’occasion représentée et du récepteur. Sa compréhension résulte fortement du contexte dans lequel il s’inscrit. Lorsqu’ils s’y intègrent, les individus prennent une part active à l’action qu’ils décrivent : ils ne sont pas seulement spectateurs mais acteurs des événements.
Cette décision de se placer au centre de l’événement est-elle le résultat d’une attitude générationnelle tendant au narcissisme ? Il serait réducteur de répondre « oui » et naïf de répondre « non », nous optons donc pour une voie médiane.
La généralisation du selfie courant 2000 a conduit certains psychologues à qualifier la génération des millennials (née entre le début des années 1980 et la fin des années 1990) de génération narcissique et égocentrique. Ainsi Jean M. Twenge, autrice et psychologue américaine (Generation Me, 2006 ; The Narcissism Epidemic, 2009) affirme que l’éducation bienveillante et l’encouragement à l’expression de soi ont amené toute cette génération à avoir « le langage du moi pour langue maternelle ». On constate rapidement les dérives d’une telle réflexion, la pratique du selfie par la jeunesse devenant le bouc émissaire de toutes les difficultés rencontrées par la société : si le chômage augmente c’est parce que les jeunes ne veulent plus travailler, trop occupés qu’ils sont à prendre des selfies…
Il s’agit d’une approche caricaturale qui ne doit cependant pas nous faire oublier que le selfie est effectivement une pratique générationnelle et genrée.
Figure 2 – Les effets du genre et de l’âge sur la prise de selfies individuels. Source : https://doi.org/10.1016/j.chb.2016.05.053 (Dhir, Amandeep, Pallesen, Ståle, Torsheim, Torbjørn & Andreassen, Cecilie Schou, 2016).
Une étude récente (Dhir & al., 2016) montre que les adolescents (qui ne sont alors plus des millenials) postent davantage de selfies que les jeunes adultes, qui eux-mêmes en postent plus que les adultes. Et toutes catégories confondues, les femmes postent plus de selfies que les hommes. Ainsi, réduire la pratique du selfie à un mode d’expression égocentrique revient à dire que les adolescents sont plus narcissiques que les adultes mais aussi que les femmes sont plus narcissiques que les hommes…
La question est davantage celle de la représentation de soi de la personne qui prend le selfie. Est-elle sujet, objet, ou acteur de l’image d’elle-même qu’elle produit ?
Figure 3 – Courbe de mise en relation entre l’implication dans la prise
de photographie individuelle et les symptômes de la boulimie au regard du niveau d’auto-objectivation. Source : https://doi.org/10.1016/j.chb.2017.10.027 (Cohen, Rachel, Newton-John, Toby & Slater, Amy, 2018).
Rachel Cohen, Toby Newton-John & Amy Slater (2018) font un parallèle entre le nombre de symptômes de la boulimie apparue chez leurs patientes, la quantité de photos d’elles-mêmes qu’elles peuvent déposer sur les réseaux et leur niveau d’auto-objectivation. Ils remarquent que si le niveau d’auto-objectivation est haut, plus une patiente dépose de selfies, plus les symptômes de la boulimie seront multiples. À l’inverse, si le niveau d’auto-objectivation est bas, les symptômes diminuent, y compris lorsque la prise de selfies est importante.
Le rôle de l’enseignant documentaliste se situe à ce niveau : comment permettre aux élèves de passer d’un statut d’objet ou de sujet de leur selfie à celui d’acteur (acteur de la représentation d’eux-mêmes, de leur image numérique…) ? En d’autres termes, comment les amener à évoluer d’une pratique narcissique et/ou auto-objectivante à une réelle expression de soi ?
État de l’art et concepts en lien avec le selfie
Nous faisons ici un point théorique sur quatre notions que la pratique du selfie interroge : les pratiques d’information juvéniles, les réseaux sociaux numériques (RSN), l’exposition de soi et la publication.
Les pratiques d’information juvéniles
Chez les adolescents, les pratiques d’information, définies comme « l’ensemble des rapports à l’information qu’ils soient informationnels, communicationnels, sociabilisants ou ludiques » sont presque exclusivement centrées sur les RSN (Entraygues, 2020). Elles sont marquées par un primat des pratiques communicationnelles sur les pratiques informationnelles (Dauphin, 2012, p. 23), la communication représente un enjeu essentiel pour la construction identitaire adolescente.
Dans leur dimension informationnelle, les pratiques informationnelles renvoient au besoin d’information et à l’acte de s’informer (Aillerie 2011, p. 99‑100). Elles correspondent alors à « la manière dont un ensemble de dispositifs, de sources formelles ou non, d’outils, de compétences cognitives sont effectivement mobilisés, par un individu ou un groupe d’individus, dans les différentes situations de production, de recherche, d’organisation, de traitement, d’usage, de partage et de communication de l’information ». (Chaudiron & Ihadjadene, 2011, p. 12.)
Enfin, rapportées à un objectif éducatif, elles participent d’une socialisation informationnelle, définie comme « un ensemble d’inculcations qui concerne aussi bien les pratiques, les représentations et les attitudes communicationnelles ». (Chapron & Delamotte, 2010, p. 291.) Ce qui montre l’importance d’une éducation à des pratiques raisonnées, tournées vers le développement d’une culture critique de l’information (Entraygues, 2019).
Les Réseaux Sociaux Numériques (RSN)
Les réseaux sociaux sont au centre des pratiques des jeunes et servent à partager, communiquer, s’informer et à se divertir. Ces dispositifs techniques fonctionnent à partir de trois éléments : le profil, le réseau et le contenu. Les définitions qui suivent mettent en lumière leurs spécificités de fonctionnement :
« Un site de réseau social est une plate-forme de communication en réseau dans laquelle les participants 1) ont des profils uniques identifiables constitués de contenu fourni par l’utilisateur, de contenu fourni par d’autres utilisateurs et / ou de données fournies par le système ; 2) peuvent articuler publiquement des connexions qui peuvent être vues et traversées par d’autres ; et 3) peuvent consommer, produire et / ou interagir avec des flux de contenu généré par les utilisateurs provenant de leurs connexions sur le site. » (Ellison & Boyd, 2013.)
« Les RSN comportent 1) une dimension technologique (services et technologies web, base de données, intelligence artificielle) ; 2) une dimension documentaire (informations personnelles et nominatives, documents, pages, contenus textuels, photos, vidéos) ; 3) une dimension sociale (traces numériques, liens et relations entre les personnes, discussions synchrones ou asynchrones, réactions, partages). » (Capelle & Rouissi, 2018, p. 12.)
À ces définitions, Alexandre Coutant et Thomas Stenger ajoutent une caractéristique qui selon eux est centrale à l’utilisation des RSN, l’importance des liens relationnels : « Il s’agit de spécifier la particularité des usages observés sur les réseaux socionumériques : ces sites fondent leur attractivité essentiellement sur l’opportunité de retrouver ses « amis » et d’interagir avec eux par le biais de profils, de listes de contacts et d’applications à travers une grande variété d’activités. » (Coutant et Stenger, 2011 ; Coutant, 2011.)
Exposition de soi et identité numérique
La diffusion de selfies sur les RSN pose la question de l’identité numérique, un ensemble de signes qui manifeste l’utilisateur sur Internet, et elle met en lien publication et exposition de soi. Fanny Georges distingue trois types d’identités, dont certaines sont non maîtrisables par l’usager : l’identité déclarative, l’identité agissante et l’identité calculée (Georges, 2008 ; 2009 ; 2010). La notion de visibilité développée par Dominique Cardon engage la connaissance de ces enjeux (Cardon 2008).
Pour des adolescents en quête de construction identitaire, l’identité numérique est souvent au cœur des relations sociales entre jeunes. De la composition de cette image dépend la reconnaissance affective par les pairs.
Nous pouvons mentionner ici L’invention de soi du sociologue Erving Goffman pour qui « l’individu doit compter sur les autres pour compléter un portrait de lui-même qu’il n’a le droit de peindre qu’en partie » (Goffman, 1974, p. 75), un point de vue très moderne et applicable aux pratiques d’exposition de soi sur les réseaux sociaux. Les chercheurs parlent ainsi de textualisation de soi (Allard, 2005), de figuration de soi (Allard & Vandenberghe, 2003) ou de mise en forme de soi (Coutant & Stenger, 2012), ce qui procède d’une forme de théâtralisation de l’identité. Réfléchir sous ce prisme-là, c’est réfléchir à son identité numérique.
La publication
Parfois caractérisé de photo sociale, le selfie est directement lié à la publication. Travailler le selfie en classe peut être l’occasion d’aborder la notion de publication, « action de rendre public, à travers le filtre des réseaux sociaux, questionnant la notion de diffusion et de communication sur un espace spécifique les RSN » (Apden, 2015), ce qui permet d’engager une réflexion sur cet acte d’un point de vue citoyen, en tant qu’acteur de la société de l’information.
Dans ce contexte, la publication pédagogique s’inscrit pleinement dans les missions de l’enseignant documentaliste. Elle trouve naturellement sa place dans les projets : qu’il s’agisse de développer la motivation, de valoriser les productions des élèves, de favoriser la communication entre pairs en respectant une déontologie numérique, ou d’accompagner des pratiques sur un support informel.
Un exemple de séquence pédagogique : pour un selfie réfléchi
La séquence présentée ci-après a été expérimentée avec une classe de 4e SEGPA. Nous proposons de développer son déroulé. Nous l’avons nommée «un selfie réfléchi» car nous souhaitions amener les élèves vers des pratiques d’information raisonnées (au sens de raisonnement) et leur faire comprendre les enjeux multiples qui se cachent derrière cette pratique juvénile quotidienne.
Objectifs de la séquence pédagogique
Les objectifs de la séquence sont d’engager une réflexion sur la notion de selfie, de faire comprendre aux élèves la différence entre selfie et autoportrait, et de les sensibiliser aux notions d’exposition de soi et de publication. Composée de trois séances d’une heure, la séquence a été réalisée en co-intervention avec le professeur de français. La production finale, à savoir le selfie réfléchi, est l’objet d’une évaluation.
Déroulé de la séquence
Séance 1 : Qu’est-ce que le selfie ?
Pour débuter la séance, nous avons choisi d’entrer directement dans le vif du sujet, mettant les élèves en activité en leur demandant de réaliser un selfie et de nous l’envoyer. Nous avons donné nos coordonnées téléphoniques pour rassembler et pouvoir projeter les selfies de tous les élèves. Nous aurions pu demander aux élèves de les déposer sur une plateforme.
Dans un deuxième temps, nous voulions comparer les représentations des élèves : pour ce faire, ils devaient répondre à deux questions sous la forme d’un questionnaire interactif sur Wooclap2. Les questions étaient :
Pour vous, un selfie et un autoportrait, c’est pareil ? OUI ou NON ;
Donnez un mot-clé que vous associez au selfie.
Nous avons ensuite confronté les réponses, laissé la place au débat et travaillé sur la définition à partir des mots-clés choisis. Quelques critères du selfie ont fait consensus : la photo de soi prise par soi-même, le smartphone, le réseau, le partage. La discussion s’est prolongée sur la notion de publication, de partage et d’exposition de soi.
Pour conclure la séance, nous avons travaillé à partir de la définition d’égoportrait extraite du site de l’Office québécois de la langue française : « Autoportrait photographique fait à bout de bras, la plupart du temps avec un téléphone intelligent, un appareil photo numérique ou une tablette, généralement dans le but de le publier sur un réseau social3.»
Nous avons intégré le visionnage d’une vidéo4 de la Collab’de l’info disponible sur la plateforme Lumni qui revient sur les objectifs pour réfléchir au rôle du selfie dans la société, notamment dans les médias (Marteau & Porcel, 2018).
Séance 2 : Préparation du selfie
Pour la deuxième séance, nous sommes passées à la mise en œuvre avec comme consigne d’imaginer un selfie réfléchi mis en scène pour se représenter.
L’objectif était alors de réfléchir à ce qu’on veut montrer de soi, de sa personnalité, de ses goûts en construisant précisément la composition de la photo. Les élèves devaient aussi réfléchir au lieu, à leur expression sur la photo et au cadrage.
Séance 3 : Réalisation et mise en scène de soi
La consigne a été donnée aux élèves d’apporter tout le matériel nécessaire à la réalisation du selfie : smartphone et accessoires pour la décoration. Du temps a été consacré à la réalisation.
Une fois le selfie réalisé, ils devaient écrire quelques lignes sous la forme d’un texte autobiographique ou d’un poème pour l’accompagner dans le cadre du partenariat avec le professeur de français.
Les productions de cette séquence ont été valorisées et affichées dans la classe ; elles peuvent être diffusées sur le site de l’établissement sous réserve des autorisations requises et de l’acceptation des élèves. Elles peuvent également constituer une photo de classe afin de donner une dynamique de groupe.
Pour conclure
Cette séquence sur le selfie permet d’ouvrir le débat sur une pratique d’information juvénile quotidienne et de questionner l’exposition de soi et la publication pour des adolescents en quête de reconnaissance des pairs. Elle peut se décliner avec tous les niveaux de classe au collège (mais aussi en 2de Bac Pro5) et peut donner lieu à des partenariats disciplinaires variés. Nous proposons en illustration de cet article, en annexes (1 à 4), les réalisations des participantes au stage de formation.
Annexe 1
Séquence
« Un selfie original qui me ressemble »
Cécile Mauron, Élodie Delage & Sandrine Reynaud, participantes au stage de formation
Un documentaliste et un professeur d’arts plastiques/Une classe de 3e.
• Séance 1 au CDI : recherches sur l’ordinateur
Trouver, par groupe de deux, deux autoportraits originaux réalisés par des artistes connus ou des célébrités.
Projection et analyse commune de ces autoportraits (En quoi ces autoportraits sont-ils originaux ?).
• Séance 2 au CDI
Les élèves remplissent une fiche les décrivant : description physique, centres d’intérêt, qualités, défauts (apprendre à se connaître).
Ils imaginent un selfie original à partir de leur description personnelle et des exemples vus en séance 1. Ils font un croquis de leur selfie en tenant compte des éléments suivants : cadrage/ point de vue/lumière/décor/accessoires/message sur pancarte.
• Réalisation du selfie à la maison. Envoi par mail à la professeure documentaliste.
• Impression et accrochage des selfies au CDI. Vote des autres élèves à qui on demande de choisir le selfie le plus original.
Annexe 2
Séquence
« Se décrire, s’écrire »
Régine Vidal & Carine Bonnard, participantes au stage de formation
Socle Commun de Connaissance et de Culture
Domaine 1. Des langages pour penser et communiquer (notamment langue française, langues vivantes ou régionales et langage des arts et du corps).
La séance est proposée à une classe d’UPE2A de lycée, des élèves à spécificité particulière1. Parfois les élèves confient qu’ils sont différents dans leur pays et en France : introvertis ici, réservés là-bas – ou inversement ! Comme s’ils étaient deux personnes distinctes et que c’était pour eux une des manières d’affronter le changement et d’en venir à bout.
Les objectifs : communiquer, prendre confiance en soi, au sein du groupe, s’ouvrir, s’épanouir et « mesurer le chemin parcouru ».
L’évaluation se fait en deux temps. La première, par les élèves eux-mêmes, lors des présentations orales souvent commentées, approuvées, appréciées.
La deuxième, par le professeur de FLE et le professeur documentaliste sur des critères d’originalité, d’humour, de créativité, d’investissement. Pas de note.
La production finale : un carnet individuel fabriqué à partir des selfies, dessins et commentaires collectés pendant ces quatre temps. Les commentaires sont écrits à la main ou tapés à l’ordinateur (au choix), pourvu que cela soit fait proprement. Les élèves conserveront leur carnet.
Le téléphone intelligent est un medium nécessaire chez les élèves. Il leur permet, surtout au début, d’effectuer des traductions.
La séquence se déroule en quatre temps, essentiellement au CDI. Chaque selfie est accompagné d’un texte de plus en plus élaboré en français. Tous les travaux sont conservés au CDI ou en classe. La longueur des séances est forcément variable : il faut prendre son temps.
• Dans la classe
« Comment je suis maintenant ».
Prendre un selfie au tout début de leur arrivée dans l’établissement avec un objet (vêtement, bijou, costume, jouet, photo…) représentant le pays qu’ils quittent, leur famille, les traditions.
Ils doivent également rédiger un court texte dans leur langue expliquant ce choix et la prise de vue. Ils peuvent faire parler l’objet.
Ils se présentent à l’oral en français : nom, prénom, âge, nationalité et montrent la photo.
On se pose la question du terme selfie : existe-t-il dans leur langue, sinon quel est-il ? Ils l’écrivent sur une feuille.
• En dehors de la classe
Prendre un selfie (avec un peu d’aide selon le cas) d’eux en train de pratiquer un hobby, un sport, une activité culturelle. Ils doivent également se dessiner et répondre aux questions :
« J’aime parce que… »
« Je pratique parce que… »
Argumentation en français, présentation à l’oral.
• En classe, un 3e selfie et/ou 4e selfie symboliques (partiel ou total)
Comment sont-ils en classe UPE2A et dans la classe d’inclusion ? Comment se voient-ils au sein des groupes ? Quels sont les adjectifs qui traduisent leur place ?
Description, comparaison en français, présentation à l’oral
• En classe, un selfie de fin
« Comment suis-je maintenant, après quelques mois dans mon pays d’accueil ?»
Prendre le selfie de fin avec un objet français représentatif, bizarre ou curieux.
Présentation à l’oral. Comparaison avec le selfie de départ.
1. L’UP2A (unité pédagogique pour élèves allophones arrivants) est un dispositif d’aide à l’apprentissage du français par les élèves nouvellement arrivés en France (primo-arrivants) et allophones.
Annexe 3
Séquence
« Se représenter dans la peau d’un élève anglo-saxon »
Milena Geneste & Laurence Bardin, participantes au stage de formation
Anglais cycle 4 (5e)
Les objectifs disciplinaires
– Découvrir les aspects culturels d’une langue vivante ;
– Percevoir les spécificités culturelles des pays et des régions de la langue étudiée en dépassant la vision figée et schématique des stéréotypes et des clichés ;
– Mobiliser ses connaissances culturelles pour décrire des personnages réels ou imaginaires, raconter.
Les objectifs info-documentaires
– Aspect fictionnel du selfie qui ne représente pas forcément la réalité, le quotidien de l’élève ;
– Mener des recherches documentaires.
Le contexte/Le scénario
Une enseignante d’anglais souhaite travailler avec le professeur documentaliste. Les élèves de sa classe de 5e doivent se mettre dans la peau d’un élève anglo-saxon. Après avoir effectué des recherches documentaires au CDI (livres, revues et recherches en ligne), les élèves découvrent la culture anglaise. Ils doivent ensuite se mettre en scène en prenant un selfie réfléchi : mise en scène, accessoires… Cela se fait au CDI avec le matériel du CDI (appareil photo, tablette…).
Organisation de la séquence
En amont de cette séquence, l’enseignante d’anglais a déterminé une liste des thèmes qu’elle souhaite traiter : les différents repas, les loisirs, l’école, des monuments emblématiques…
Le professeur documentaliste a sélectionné des sites fiables correspondant au sujet.
Les enseignants ont préparé une trame pour les recherches avec quelques éléments à travailler impérativement.
• Séance n° 1 (1 h)
Présentation aux élèves des objectifs de la séquence. Répartition des élèves par groupe de deux ou trois. Chaque groupe tire au sort le thème qu’il aura à traiter.
Les élèves débutent leurs recherches.
• Séance n° 2 (1 h)
Les élèves terminent leurs recherches. Ils peuvent imprimer des images (en demandant l’autorisation aux enseignants). Ils réfléchissent à la mise en scène de leur selfie.
Devoirs à faire : les élèves réfléchissent à leurs accessoires et doivent les apporter au prochain cours.
• Séance n° 3 (1 h)
Chaque élève met en place son matériel, se prend en photo individuellement (avec le matériel du collège) dans le studio (réserve du CDI). Pendant ce temps-là, les autres élèves trouvent une légende à leur selfie (écrite en anglais). Au fur et à mesure, les photos et les légendes sont déposées par les enseignantes sur un mur virtuel privé.
• Séance n° 4 (1 h)
Correction des légendes par l’enseignante d’anglais. Réflexion et débat autour de la notion de stéréotype.
Annexe 4
Séquence
« Je suis une œuvre d’art »
Nadia Ghani & Laureline Vles, participantes au stage de formation
Une séquence Documentation/Arts plastiques
1. Recherche documentaire dans le fonds du CDI ou sur internet. Constitution d’un corpus de portraits et d’autoportraits (peinture) ;
2. Réaliser un selfie ressemblant à un portrait mais détourné, avec un accessoire ou une pose qui représente l’élève : intégrer un élément qui le caractérise.
– Analyse en arts plastiques : comment reconnaît-on l’élève ?
– Notion de représentation de soi en info-documentation.
• Séance 1
Au cdi, présentation du projet et réalisation de selfie en vue de créer une exposition de portraits-selfies (cadres or). Distribution d’une fiche outil pour effectuer des recherches documentaires
Choisir un portrait dans lequel vous vous reconnaissez (ambiance, physique, couleurs, endroits, origines…).
Objectifs info-documentaires
– Exploiter le centre de ressources comme outil de recherche de l’information ;
– Développer des pratiques culturelles à partir d’outils de production numérique.
Objectifs en arts plastiques
– Faire preuve d’autonomie, d’initiative, de responsabilité, d’engagement et d’esprit critique dans la conduite d’un projet artistique ;
– Mener à terme une production individuelle dans le cadre d’un projet accompagné par le professeur ;
– Porter un regard curieux et avisé sur son environnement artistique et culturel, proche et lointain, notamment sur la diversité des images fixes et animées, analogiques et numériques.
1. Choix d’un artiste
2. Choix d’une œuvre
3. Citation de la source
• Séance 2 : Le storyboard de mon projet
Les élèves viennent avec le portrait choisi.
Fiche outil pour analyser le portrait choisi (composition du portrait, lieu, expression du visage, cadrage, couleurs).
Préparation de la mise en scène de leur futur selfie à l’aide d’un storyboard (composition de la photo, lieu, expression du visage, cadrage, couleurs, idées d’accessoires qu’ils ont à la maison, idée pour personnaliser le selfie, soit par un accessoire, soit par un geste, une posture, une expression, trouver un titre personnalisé à son œuvre).
Consigne : ne pas copier le portrait, faire un selfie inspiré mais unique. Reconnaître l’œuvre mais surtout l’élève.
Devoirs : photo à réaliser à la maison.
Objectif en arts plastiques
– Recourir à des outils numériques de captation et de réalisation à des fins créatives.
Objectif info-documentaire
– Découvrir des représentations du monde véhiculées par les médias.
• Séance 3 : La présentation des selfies de chaque élève
Argumentation sur le choix de l’œuvre (procédé de confection, expression des difficultés rencontrées).
Objectif en arts plastiques
– Expliciter la pratique individuelle ou collective, écouter et accepter les avis divers et contradictoires.
Objectif info-documentaire
– Exploiter l’information de manière raisonnée.
• Séance 4 : Le montage de l’exposition au cdi : panneaux avec selfie et portrait original à côté
Classification par courants artistiques selon les siècles.
Objectifs info-documentaires
– Classer ses propres documents sur sa tablette, son espace personnel, au collège ou chez soi sur des applications mobiles ou dans le « nuage » ;
– Organiser des portefeuilles thématiques.
La première édition du Dictionnaire de l’Académie française date de 1694. Le portail numérique de l’Académie française met à disposition les 9 éditions du dictionnaire. Par défaut, la définition est celle de la neuvième qui est plus descriptive et comprend l’étymologie, la métalangue, la révision de l’orthographe de 1990 et des titres d’œuvres pour illustrer les mots. La nomenclature est passée de 32 000 mots (8e éd) à 55 000 mots (9e éd). Le portail du dictionnaire est enrichi de ressources éditoriales : conjugaison intégrale de 6200 verbes, difficultés ou curiosités de la langue française, liens hypertextes vers le portail Gallica de la BnF, courriers des internautes, liens vers France Terme (terminologie), liens vers la BDLP et l’OQLF (francophonie).
https://www.dictionnaire-academie.fr/
Le projet AGATE de l’INRAE
L’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement développe le projet AGATE, une bibliothèque numérique patrimoniale. Son objectif est de mettre en valeur le fonds numérisé de l’INRAE (images et monographies) en partenariat avec la BnF et les Archives nationales. Les thématiques : Agriculture, Machinisme agricole, Restauration des terrains en montagne, Montagnes, glaciers et alpages, Comité d’histoire, Botanique, Vigne et vin, Entomologie.
https://agate.inrae.fr/agate/
Lizards & Lies, jeu sur la théorie du complot
Ce jeu de société simule l’évolution de la désinformation en ligne. Pour cela, une équipe composée de trolls et de conspirationnistes propage de fausses informations, tandis qu’une autre équipe composée de modérateurs et de décrypteurs tente de freiner l’extension des fake news ! Ce jeu de plateau canadien est téléchargeable gratuitement en français, anglais et lituanien.
https://www.lizardsandlies.ca/
Wikipédia
Wikipédia hors ligne
On méconnaît souvent le possible téléchargement gratuit et légal de l’encyclopédie Wikipédia sur un ordinateur. À l’heure de la fibre et du haut débit sur presque tout le territoire, l’intérêt semble limité. Néanmoins, certaines localités subissent régulièrement des coupures internet (intempérie, entretien du réseau…) et le réseau internet en dehors de l’hexagone n’est pas forcément facilement accessible. Le poids de l’encyclopédie est tout de même de 31,8 Go (avec images) ou de 12,6 Go (sans images). À savoir : en choisissant cette option, vous ne bénéficierez plus des mises à jour.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Wikip%C3%A9dia:Wikip%C3%A9dia_hors-connexion
Jouer à Wikipédia avec WikeyS
Ce jeu collaboratif diffusé par Wikimédia a pour objectif de faire comprendre le processus éditorial de l’encyclopédie Wikipédia. Le jeu a été conçu par des professeurs documentalistes et la SCOP Prismatik avec le soutien du ministère de la culture. Jeu de plateau, la version pdf est librement téléchargeable et imprimable. Une courte vidéo sur la page d’accueil du jeu explique les règles de WikeyS.
https://www.wikimedia.fr/wikeys/
Misogynie sur Wikipédia
Les contributeurs de l’encyclopédie collaborative sont à 90 % des hommes selon une étude de la fondation Wikimédia. De plus, les biographies concernent à plus de 80 % des hommes d’après le collectif Les sans pagEs. Régulièrement, les pages sur des femmes ou des personnes transgenres sont supprimées ou “corrigées” de façon malintentionnée. Bien que conscient de cette situation, Wikipédia ne parvient pas à régler les problèmes de violence sexiste et les biais de genre auxquels l’encyclopédie est confrontée. Instaurer la parité parmi les administrateurs de Wikipédia pourrait constituer un début de solution.
Lecture numérique
DigitALL, pédagogie inclusive
Le projet européen DigitALL se consacre à l’inclusion dans l’apprentissage numérique des élèves du premier et second degré. La plateforme propose six types de ressources : un guide sur les besoins d’adaptation numérique, des fiches pratiques, une boîte à outils, des tutoriels vidéo, des checklists d’adaptation par trouble et handicap, des fiches de travail pour les enseignants. La plupart des documents sont au format PDF et tous disponibles en six langues sous licence Creative Commons.
https://digitall-project.eu/index.php/fr/projet
éditeurs
Tromperie dans l’édition sur Amazon
L’autoédition a fait apparaître de nouveaux escrocs sur les sites de e-commerce. Un ouvrage peut se retrouver en double avec deux éditeurs différents, l’éditeur officiel et l’autoéditeur. La couverture est strictement identique, par contre, le livre de l’autoéditeur ne contient que des pages vierges, un cahier en somme ! Par exemple, l’ouvrage Son odeur après la pluie de Cédric Sapin-Defour a été victime de la supercherie sur Amazon en juillet 2023. Les autoéditeurs indésirables se nomment Eyuait pablishingg, Pellafoxx Publishing, wellaw california, malokaz,…
écologie
Les panneaux de pluie ?
Après les panneaux photovoltaïques dont l’efficacité pour transformer les rayons du soleil en énergie ne cesse de s’améliorer, un nouveau type de panneau pourrait voir le jour. En Chine, les chercheurs ont réussi à mettre au point une technologie qui transforme l’impact des gouttes de pluie en énergie. La capacité serait de l’ordre de 200 watts par mètre carré, soit presque autant qu’un panneau solaire.
géant du web
Financement des réseaux télécoms par les GAFA
Les géants du net utiliseraient plus de 50 % de la bande passante mondiale. De nombreux réseaux télécoms (Orange, Bouygues, BT, Deutsche Telekom, Vodafone, Telefonica,…) réclament une contribution financière des grandes entreprises technologiques telles que Google, Facebook, Amazon, Netflix et TikTok. La mandature actuelle de la commission européenne, qui s’achève en juin 2024, souhaiterait faire passer ce projet de taxation malgré une sérieuse opposition des lobbyistes et des pays du nord de l’Europe.
Réseaux sociaux
X vs la presse
Le réseau social X, anciennement Twitter, n’affiche plus ni le titre, ni le lien, ni le châpo d’un article de presse en ligne qui a été tweeté par un internaute. Seuls une image et le nom du journal apparaissent sur le tweet depuis le 4 octobre 2023. Serait-ce en lien avec l’assignation en justice engagée par des médias français durant l’été 2023 et l’obligation de se conformer à la législation européenne des droits voisins ! Par ailleurs, bien plus inquiétant, depuis que X s’est retiré du code de bonnes pratiques de l’UE en matière de désinformation, les fake news sont en pleine expansion sur la plateforme.
Droit et données personnelles
Les influenceurs et le respect de la loi
Selon la Direction générale de la répression des fraudes, plus de la moitié des influenceurs ne respectent pas la réglementation sur la publicité et les droits des consommateurs. Petit florilège d’entorses à la loi citées par la DGCCRF : “non respect des règles de transparence du caractère commercial de leurs publications”, “tromperie sur les propriétés des produits vendus”, “opérations de promotions non autorisées”, “pratiques commerciales trompeuses”, dropshipping (vente de produits sans posséder les stocks)…
Carte d’identité numérique
Depuis 2023, il est désormais possible pour chacun de détenir une carte d’identité numérique sur son smartphone avec l’application France identité. Elle permet de prouver son identité dans les démarches administratives sur internet en délivrant des attestations numériques à usage unique. Si vous devez renouveler votre carte d’identité physique, la version numérique n’est en aucun cas obligatoire. Néanmoins, il est impératif de posséder une carte d’identité à puce pour activer la carte numérique. L’application est encore en version bêta et est disponible uniquement sur Android et iOS.
https://france-identite.gouv.fr/
Technologie
L’appel du 18 juin 1940 reconstitué
Il ne reste aucun enregistrement de l’appel du 18 juin 1940 par le Général De Gaulle. Afin de recréer la voix du Général, l’intelligence artificielle a été requise pour reconstituer l’un des plus grands discours de l’histoire. L’Ircam est à l’origine de cette prouesse technologique qui donne tout de même à réfléchir sur les potentiels risques de création de faux discours parmi les deepfakes.
https://www.lemonde.fr/videos/video/2023/01/18/moi-general-de-gaulle-l-appel-du-18-juin-peut-il-etre-reconstitue_6158301_1669088.html
L’écriture par la pensée
L’Université de Stanford en Californie a inventé un système de connexion directe entre le cerveau et l’ordinateur. La pensée de l’individu est transmise par des signaux qui sont analysés puis retranscrits par une IA. Plus précisément, un programme informatique enregistre les signaux au moyen d’implants dans la tête, puis les associe à des phonèmes (éléments sonores d’une langue) pour les retranscrire en texte. Cette invention en phase de test en laboratoire présente actuellement un taux d’erreur de moins de 25 %. À terme, l’interface entre le cerveau et la machine se fera sans fil. L’objectif premier est de donner la parole aux personnes en situation de handicap. Rédiger une veille numérique par la pensée ferait assurément gagner du temps !
NFT : œuvre d’art, certificat d’authenticité ?
En mai 2023, le rapport de l’Inspection générale des finances clarifie l’usage et les enjeux juridiques des NFT (non fungible tokens). La synthèse précise clairement que ces “jetons à identifier” à vocation commerciale ne sont ni des œuvres d’art ni des supports d’œuvre. Une NFT « ne constitue que la réunion, dans la mémoire d’un programme, de l’identifiant d’un détenteur, d’un lien vers l’emplacement du fichier numérique constituant l’œuvre, et d’éventuelles métadonnées ». Le rapport insiste également sur le fait qu’il ne peut être considéré comme un certificat d’authenticité.
HeyGen, une IA polyglotte
Avec l’application HeyGen, toute personne qui souhaite s’exprimer dans une langue étrangère, sans faire d’efforts, en a la possibilité. Il suffit d’enregistrer une vidéo dans sa langue natale puis d’indiquer la langue souhaitée. Grâce à une IA, la vidéo change de langue et le mouvement de la bouche est modifié afin de s’adapter à la langue étrangère.
L’application payante offre quelques essais gratuits.
https://www.heygen.com/
No future…
Les câbles internet sous-marins sous contrôle des GAFAM
En dix ans, les géants du net (principalement Alphabet et Meta) ont mis la main sur les câbles de fibre optique sous-marins en les finançant eux-mêmes. Auparavant, seuls les consortiums pouvaient les construire étant donné les coûts astronomiques (300 millions d’euros pour un câble transatlantique actuellement). 99 % du trafic internet mondial passe par les câbles sous-marins, ce qui donne un pouvoir considérable à ceux qui les possèdent.