La « réinformation »

Ces enjeux, liés à la présence en ligne des réseaux de l’extrême droite et autres extrémistes de tout poil, connue sous le vocable de « fachosphère », constitutive elle-même d’une « réinfosphère », sont intrinsèquement culturels et sociétaux. Ils concernent au premier chef l’avenir des jeunes et interrogent profondément leur capacité à exercer leur esprit critique, mis en présence de thèses et de discours structurés, argumentés et potentiellement très séduisants.

Des mots pour dire les choses

« Fachosphère », « réinfosphère », « complosphère » et autres cercles, pourvu que nous ne tournions pas en rond ! Mais non, nous gardons le cap (voir encadré « À qui a-t-on affaire ? »). Tous ces mots au suffixe « sphère » dérivent du tout premier d’entre eux, à savoir la « blogosphère ».
Le concept de « fachosphère » s’impose vraiment avec la polémique liée au livre La Mauvaise Vie écrit en 2005 par Frédéric Mitterand, alors ministre de la Culture, qui sera, en 2009, l’objet de la vindicte de Marine Le Pen dont la source d’inspiration n’est autre que le site d’extrême droite Fdesouche.com, lancé en 2005 par Pierre Sautarel, ancien du Front National. Elle accuse le ministre d’être pédophile. Les médias, dont le site Lexpress.fr à la date du 6 octobre 2009, parlent alors clairement de « fachosphère ». Pourtant, Daniel Schneidermann, directeur d’Arrêt sur images, en revendique la paternité dès 2008. Les journalistes du site, pour leur dossier « Fachosphère : à l’assaut du Net », mènent déjà l’enquête sur une « fièvre nationaliste » en ligne.
Le concept de « réinformation », quant à lui, n’appartient pas au vocabulaire médiatique mais à celui du militantisme d’extrême droite. Selon les Décodeurs du Monde, « il apparaît pour la première fois en 2007 sur les blogs et médias identitaires, associé au champ lexical de la résistance et de la “ reconquête chrétienne ” ». Radio Courtoisie, présidée, à l’époque, par Henry de Lesquen, haut fonctionnaire et homme politique, en est le fer de lance par le biais de son « bulletin de réinformation ». Jean-Yves Le Gallou, ancien dirigeant du Front National, mégrétiste et membre fondateur du « Think tank » Polemia, qui se veut un « Acrimed d’extrême droite » viscéralement identitaire, coordonne l’émission et assume une stratégie
médiatique élaborée.
Il est, en outre, l’organisateur depuis 2010 des « Bobards d’or » et des « Journées de la réinformation », depuis 2012, avec pour visée la dérision exercée à l’encontre du travail mené par les journalistes et l’opposition à la ligne éditoriale de la presse généraliste, quelle qu’elle soit. À travers eux, ce sont les valeurs humanistes, sociales voire démocratiques directement qui sont dans la ligne de mire et qu’il s’agit d’atteindre, précisément et systématiquement, au cœur.

De « l’alternatif » et autres inventions

Le combat est culturel parce que la « réinformation », diffusée par les cercles d’extrémistes autoproclamés « réinfosphère » via leurs blogs, sites, vidéos sur Youtube ainsi que leur activisme sur Twitter ou les forums, consiste en définitive en un renversement des valeurs et des grilles d’analyse des faits. Ces derniers ne sont pas niés grossièrement d’une façon générale (sauf pour les négationnistes), mais ils sont « relus », « réinterprétés », de façon pointue parfois, souvent habile. La rhétorique est à l’œuvre, la mécanique du discours est bien huilée. Il est dès lors possible de pervertir la perception de la réalité, les faits peuvent devenir « alternatifs »… Il ne s’agit plus de seulement désinformer, mais aussi d’agir en influençant de façon assumée et explicite la perception du monde de ceux qui reçoivent le message. Aujourd’hui, les cercles d’extrême droite sont loin d’être les seuls à user de ces discours et à tenir de telles postures, mais ils en restent les parangons.
Nous vivons une époque extraordinaire, au sens premier du mot, dans laquelle, en janvier 2017, sur NBC, Kellyanne Conway, conseillère du président Trump, affirme pour soutenir le porte-parole de la Maison Blanche pris en flagrant délit de mensonge quant au nombre de participants à l’investiture présidentielle, qu’il ne s’agit pas d’un « mensonge manifeste » mais de « faits alternatifs », autrement dit, elle explique que l’audience à cette fameuse investiture « ne pouvait être prouvée et encore moins quantifiée ». Il suffisait de l’affirmer avec aplomb… Des journalistes répondront par la comparaison de l’occupation du même lieu au moment de l’investiture de Barack Obama. Sans appel. Toutefois, dans ce contexte de « post-vérité », l’idéologie, les croyances personnelles et l’émotion l’emportent aisément sur la vérité factuelle.
Même s’il existe des traits communs, liés notamment à des biais cognitifs très semblables, au même défaut de réfutabilité ou encore au langage qui peut devenir haineux, autre chose est à l’œuvre au sein de la « fachosphère » que dans les « théories du complot » ou le « conspirationnisme », connus sous le vocable de « complosphère », ou encore dans la diffusion de « fake news », erronées et volontairement trompeuses. En effet, ces dernières restent, malgré l’impact lié à leur viralité sur les réseaux sociaux, des contrefaçons, des imitations, de la forme journalistique notamment en s’appropriant ses codes visuels et écrits. Elles visent à dénoncer de façon apparemment cohérente des forces occultes à l’œuvre en vue d’orienter les événements sociaux, historiques, religieux ou politiques, à leur seul profit et pour établir leur unique pouvoir.
Mais les cercles de l’extrême droite et d’autres extrémistes jouent une partition qui leur est tout à fait propre, mettent en place des stratégies communicationnelles bien plus proches de la dramatique perversion du langage opérée par la conseillère du président Trump. Ils s’approprient les codes médiatiques, principalement ceux des sites d’information et reprennent à leur compte une position ancienne de l’extrême gauche : « ne déteste pas les médias, deviens média ». La WebTV, TVLibertés, se veut la première chaîne de « réinformation » et utilise tous les codes classiques des émissions de télévision.
Ces discours et prises de position constituent bel et bien une « alternative » politique, sociale et médiatique qui a sa place dans l’expression démocratique tant qu’elle respecte le cadre de la loi commune tout en profitant à fond de la liberté d’expression permise par la présence en ligne et particulièrement sur les réseaux sociaux.
Ils « réinforment » et ce n’est pas nouveau. Ce qui est nouveau, en revanche, c’est la puissance de frappe et la caisse de résonance fournies par le web qui réunit dans un même espace-temps des médias et des supports autrefois distincts. Des gisements d’information convergent, s’hybrident et sont accessibles via les mêmes canaux, dotés d’une viralité et d’une capacité de diffusion inédites.
La perversion réside bien, quant à elle, dans le retournement du sens du mot « autre ». Une alternative véritable ne devrait précisément pas entraîner, pour exister, une disqualification ou un écrasement systématique de l’autre (l’alter latin), du différent, de ce qui vient dire le monde autrement, précisément, ni soutenir la substitution d’une réalité nouvelle, purifiée de toutes compromissions et influences, à celle existante, d’emblée corrompue et délétère.

Faire feu de tout bois ou la présence massive en ligne

La propagande de l’extrême droite est un secteur très dynamique du web où des idées sont diffusées, relayées, où des actions sont mises au point et coordonnées et, où, bien entendu, des fonds sont levés. Cela reste le nerf de la guerre…
Le web est un levier puissant pour des cercles qui n’ont pas l’oreille des médias traditionnels et se posent systématiquement en victimes de cet « ostracisme » et de cette « censure ». Le Front National a ainsi été le premier parti à se doter d’un site web, juste avant les Verts, également en « manque de visibilité médiatique » à l’époque. L’extrême droite en ligne, dans toute sa diversité, prétend toujours, et cela n’est là non plus, ni récent ni spécifique à sa présence sur le web, délivrer une information « corrigée des bobards attribués aux médias voire passée sous silence par le système ». (voir encadré « le vocabulaire favori de la “ fachosphère ” et de l’extrême droite »). Le web lui permet, en revanche, de délivrer ses véritables mots d’ordre et sa vision du monde en contournant les filtres médiatiques et institutionnels classiques et en touchant directement l’audience. Tous les formats sont mis à contribution et bien maîtrisés : sites et blogs, pages Facebook et comptes Twitter, commentaires sur les forums, y compris ceux relatifs aux jeux vidéo sur lesquels sont présents les jeunes, tel que le forum Blabla 18-25 ans du site jeuxvideos.com où Henri de Lesquen, de radio Courtoisie, est présent et actif. Les codes de communication utilisés sont alors ceux des jeunes, notamment visuels et humoristiques via les stickers. Si Henri de Lesquen rassemble 10 000 abonnés sur le forum et que ses discours anti-avortement sont diffusés sur Snapchat, il ne répugne pas pour autant à jouer les « troll » de façon à s’immiscer dans des débats ou parasiter des sujets sur des blogs, comme ceux concernant notamment les homosexuels.
La force de la « fachosphère » réside dans son caractère mouvant et multisupport ainsi que dans la très forte motivation et l’activisme en ligne de ses membres. Des acteurs apparaissent et disparaissent au gré de leurs stratégies… ou des condamnations. Dieudonné a fait le choix d’agir par l’intermédiaire de ses vidéos, mettant parallèlement en place sa marque comme Quenel+ et le site quenelplus.com. Alain Soral, idéologue du site « Égalité et Réconciliation », dispose d’un public représentant plusieurs millions de vues pour ses vidéos et ses conférences virtuelles. Tout y passe, des féministes aux homosexuels en passant par les Juifs, encore et toujours. Cette popularité virale ne doit vraiment rien au hasard. Dans le système Soral, marketing, business et haine constituent des leviers puissants et séduisants pour ceux à qui ils procurent un sentiment d’appartenance à une communauté et des réponses identitaires. La posture victimaire face au « système » réunit et soude fortement même si au sein même de tous ces cercles l’unanimité n’est pas toujours de mise. Alain Soral critique farouchement Fdesouche, navire amiral de la « fachosphère », foncièrement identitaire et qui refuse de faire appel aux « bonnes volontés issues de l’immigration » pour lutter contre le sionisme… C’est une nébuleuse mobile, multiforme, puissante… et désunie en ligne tout comme dans la « vraie vie ».
Puissante, en effet, quand on prend en compte le fait que le site Fdesouche totalise en moyenne 4,5 millions de visites par mois. Lancé en 2005, le site fonctionne avec cinq bénévoles et traite de ses thèmes favoris que sont l’immigration, l’islam et l’insécurité. Son influence est telle que la mobilisation des lecteurs du site a permis d’empêcher en quelques jours la tenue du concert du rappeur Black M prévu pour le centenaire de la bataille de Verdun en 2016. Sur leur page Facebook, la plupart des internautes s’expriment en utilisant leur véritable patronyme et émettent des opinions désinhibées et décomplexées car vécues comme relevant d’un grégarisme affinitaire assumé qui vient mettre fin à l’isolement social potentiel de ces mêmes opinions. Le site d’Alain Soral, Égalité et Réconciliation, totalise quant à lui 8,5 millions de visites mensuelles en moyenne. Sa maison d’édition, Kontre Kulture, et sa boutique en ligne témoignent d’un modèle économique rentable pour ne pas dire florissant. Il n’y a pas de contradiction, alors l’émulation et la répétition ad nauseam des prises de position et des discours sont démultipliées par le web.

Des marges au centre du web

La « fachosphère » tire cette puissance d’attraction du fait qu’elle a un caractère dissident, non institutionnel et anti-système, même la démocratie parlementaire représentative est explicitement visée. En cela, elle concorde pleinement avec le web qui a été, et est toujours, un « contre-espace public » où toutes les paroles et opinions se valent. Toute proposition peut en concurrencer une autre. Le marché de l’information est dérégulé ; visibilité et audience deviennent représentativité. Des « doxas alternatives » font leur chemin.
La « communauté » vient faire face au « système », concept manié par la droite extrême depuis les années 50, en tant qu’elle constitue un corps vivant menacé par des « éléments pathogènes extérieurs ». Le « système » a le visage global des partis institutionnels, des grands médias, de la finance et des élites en général, intellectuelles et politiques en particulier. À ce titre, un effet pervers de la réaction des médias dans leur ensemble est d’apporter une cohésion idéologique a posteriori à des groupes d’influence qui n’en ont pas d’emblée et qui, de ce fait, se renforcent. Il est possible d’apporter son soutien à Dieudonné, Soral ou Le Lay, le bloggeur ultranationaliste breton, sans adhérer totalement. Nous savons à quel point il est ardu d’adopter et de tenir un positionnement adéquat face à cet état de fait, ainsi que d’apporter des réponses intellectuellement étayées et concrètement performatives.
Le web est un canal alternatif que la « fachosphère » a envahi par nécessité et par opportunisme pour se passer de la médiation des journalistes classiques, bien que certains de ces derniers aient également offert des tribunes et donné de la visibilité aux cercles de l’extrême droite. Avec un cynisme achevé, Jean-Yves Le Gallou, du site Polemia.com, rappelle que « les moteurs de recherche n’ont pas de conscience politique » et que le « marché idéologique est donc ouvert à ceux qui veulent y jouer un rôle » ; ceci sans avoir forcément de gros moyens matériels et financiers. Si on se livre à un petit test de référencement sur le web par notre « moteur de recherche préféré », Google, avec les mots-clés « égalité » et « être français », alors, dans le premier cas, le premier résultat obtenu est le site d’Alain Soral, Égalité et Réconciliation ainsi que ses vidéos en second résultat. Pour la seconde recherche, la première réponse fournie est le site de la fondation Polemia du « clan » Le Gallou. La « fachosphère » a fait son chemin des marges au centre du web… Avant, pour exister, un groupe politique avait une adresse, des locaux, des parutions là où aujourd’hui, en ligne, un individu peut avoir autant d’audience et d’influence qu’un groupe et jouer un rôle de catalyseur.

Réagir citoyennes et citoyens !

Qu’est-il alors possible de faire face à ce dynamisme
affirmé et croissant de la « fachosphère » ? Quelles sont les réponses institutionnelles et légales ? Que pouvons-nous mettre en place en tant qu’enseignants et citoyens, sur quelles bases intellectuelles et pédagogiques dans un contexte de relativisme généralisé où distinguer vraisemblance et vérification est impératif ?

Dans ma bulle…

À nouveau une bataille à mener, celle du réel qui consiste à dire les faits déplaisants quand ils concernent les journalistes, les hommes politiques ou les autorités religieuses, à pointer les oppositions ou les conflits avec courage et tâcher de les régler en contextualisant les situations ou les évènements, en réintroduisant de la perspective et de la complexité, en sanctionnant le cas échéant.
Les jeunes et nous-mêmes pouvons bien souvent nous trouver confortablement installés au sein d’une « bulle informationnelle » au sein de laquelle l’information nous parvient au détour d’une autre activité (Fil d’actualité de Facebook, Snapchat). Il y a là une passivité bien confortable face au flux : laisser venir l’information à soi ne demande pas d’effort à l’opposé d’une démarche active de veille et de recherche d’information qui impliquent une distanciation. Les informations de la « communauté » sont traitées sur un pied d’égalité en termes de valeur avec celles de la société globale. Tout ceci sécurise, ne vient en rien susciter le doute, salutaire au sens cartésien du terme (et non le doute perverti des « complotistes ») ou la réflexion et la remise en cause d’une façon de penser ; les informations sont reconnues comme étant fiables et crédibles puisqu’elles émanent de la « communauté » et qu’elles ont bénéficié d’un grand nombre de vues… Alors on les partage et elles deviennent virales… Un cercle vicieux.
La question de la hiérarchie de l’information se trouve donc posée avec acuité d’autant que ces sollicitations / notifications, souvent non contextualisées, sont difficiles à tenir à bonne distance car elles ont un fort potentiel d’émotion ou de curiosité.

La petite fabrique de l’information

Parallèlement, la distinction entre « fabrication » et « fausseté » de l’information doit être clairement identifiée et interrogée en pratique. En effet, la défiance, qui s’exprime face aux formats classiques de production médiatique (chaînes d’information continue apparues dès les années 90, les conférences de presse accessibles sur accréditation, les scripts standardisés des questions posées par les journalistes lors d’interviews, notamment à la radio…) et qui vient parfois légitimement mettre en lumière que tout n’est pas parfait non plus dans le monde « policé » des médias, rend très difficile toute démarche qui consiste à rendre compte de la complexité contre la simplification. Rendre lisible les évènements, les évolutions sociétales et culturelles, le rapport à l’autre et au monde, est une tâche ardue qui doit pouvoir s’appuyer sur une vulgarisation de qualité. Ceci est extrêmement important quand le progrès, quel qu’il soit, est remis en cause, peut même être perçu comme anxiogène dans ses applications et que cela permet la réactivation ou l’apparition d’idéologies, de certitudes et de croyances. Quel lien est donc fait aujourd’hui, notamment par les jeunes, entre connaissances et savoirs et vision du monde ?
Les chercheurs sont peu sollicités dans le débat public alors qu’ils sont à même de proposer des clés de compréhension, de formuler des questionnements qui permettent d’interroger le réel, de trier et de hiérarchiser pour dégager du sens de ce qui nous parvient et mettre en place un appareil critique constructif solide. Cela relève de choix sociétaux et les techniques portent bel et bien des choix politiques et façonnent le rapport au réel ; elles peuvent ainsi permettre la banalisation de certains faits comme la violence verbale ou physique dans des vidéos, donner à penser qu’il s’agit d’épisodes « ordinaires » de la relation à l’autre.
L’horizontalité inédite dans le rapport aux savoirs, aux connaissances, aux gisements d’information, permise par ces techniques doit être mise en jeu dans des démarches et dispositifs qui consistent à « apprendre à apprendre ». Il existe en ligne, et surtout sur les réseaux sociaux, une posture d’avertissement que connaissent bien les jeunes et qu’ils utilisent sur des sujets variés, du plus sérieux au plus prosaïque. Cet environnement communicationnel qui est le leur pourrait servir de levier pour installer des réflexes de vérification mis en œuvre régulièrement dans différents contextes, y compris via les applications et accès dont ils disposent sur leurs appareils mobiles.
Un de ces réflexes consiste à systématiquement consulter les informations relatives à l’auteur(e) de ce qui est dit . Qui parle de quoi et que dit-il/elle de lui/elle ? Sur les sites, ces informations se trouvent via les liens « Qui sommes-nous ? » ou « À propos » ou encore les « mentions légales ». Les images doivent être interrogées au premier chef : sont-elles créditées ? D’où viennent-elles ? Un retour à la source de l’image ou de la photo est essentiel, des moyens simples existent pour cela : Fotoforensics / TinEye / Google Images, et permettent de réunir, tel un enquêteur astucieux, un certain nombre d’indices précieux.
La démarche des jeunes, faite de « suivisme » mais aussi de curiosité, qui consiste à « aller y voir » est utile et a un versant très positif si elle est mise en œuvre pour exercer son esprit critique. Des séquences sur la veille en ligne à partir de sources classiques et de sources véritablement alternatives d’information peuvent être mises en place. Ces dernières sont à rechercher et à identifier, de nouvelles formes d’écriture journalistique sont à aborder, qui font un travail de fond tant en termes d’enquête que de rédactionnel (pour exemples : lesjours.fr, cfactuel.fr / le Un, Oblik, la nouvelle revue infographique d’Alternatives économiques, la revue XXI, La Revue dessinée et Topo).

Vous avez dit « impunité » ?

Il s’agit de montrer comment fonctionne le pouvoir, y compris celui de tous les médias, l’influence, l’audience, la crédibilité sans verser par facilité, comme au sein de la « fachosphère », dans le complotisme ou la paranoïa. C’est une pédagogie transversale à élaborer. La question du rapport entre liberté d’expression et garantie de l’ordre public est posée d’autant plus qu’un fort sentiment d’impunité prévaut en ligne et principalement sur les réseaux sociaux. Le site Fdesouche est ainsi hébergé en Suède, celui du bloggeur breton Boris Le Lay, Breizh Atao, l’est aux États-Unis où l’approche de la liberté d’expression est bien plus extensive que la nôtre. Si le tribunal de Brest a obtenu en 2016 son déréférencement partiel sur Google (cela concerne la page d’accueil, le contenu reste accessible), il le doit à la bonne volonté des opérateurs du net. En effet, un site ne peut être fermé par les autorités que pour des raisons de terrorisme ou de pédopornographie.
Le bloggeur ultranationaliste a été maintes fois condamné en France pour incitation à la haine raciale et est parti vivre au Japon pour y échapper (il n’existe pas de convention d’extradition entre la France et ce pays, le voilà hors d’atteinte). Dieudonné s’est vu condamner notamment en 2015 pour apologie de crime contre l’humanité, entre autres. Sa « petite entreprise » n’en est pas moins prospère… Les dispositions législatives issues de la loi Gayssot de 1990 contre le racisme et l’antisémitisme permettent d’agir mais produisent également, comme c’est si souvent le cas quand il s’agit de réagir et de répondre au discours de la « fachosphère », un effet pervers qui, outre le grand classique de la posture victimaire face au « système répressif », est celui de l’adaptation habile et opportuniste de ce même discours et des prises de position qui vont avec dans le sens d’une euphémisation, une sorte de « green washing » de l’extrême, qui leur permettent dès lors d’atteindre voire de rallier un public inaccessible sans ce travail. Cela leur permet de se réaffirmer sans complexe comme étant des « chercheurs de vérité ».
Les autorités gouvernementales réagissent également en permettant de signaler tout contenu illicite sur le Net via le site internet-signalement.gouv.fr (qui n’est pas spécifiquement dédié aux discours extrémistes) et en impulsant des campagnes de communication telles que celle relative à la plateforme à destination des jeunes « On-te-manipule.com », vilipendée d’emblée par la « fachosphère ». Il est difficile d’en mesurer les effets et les usages qui en sont faits.

Les faits, rien que les faits

Le formel et au premier chef le législatif ne change pas le réel à lui seul, bien souvent il ne fait qu’en prendre acte et l’entériner, il faut donc être présent en ligne, publier, argumenter, assumer de façon constructive et mature le désaccord.
Des initiatives citoyennes aussi viennent d’ores et déjà répondre à la « fachosphère » sur son propre terrain, principalement sur Youtube où l’audience est soutenue. Ainsi, le vidéaste Usul et sa websérie d’analyse politique et sociale « Mes chers contemporains » cumule plus de 200 000 abonnés en 2018 et plus de 6 millions de vues. De même, Ludovic Tobey, via son site Osonscauser.com et sa chaîne « Osons causer » qui compte plus de 120 000 abonnées et totalise plus de 4 millions de vues, revendique un « bla-bla d’intérêt général » produit par son groupe de jeunes trentenaires. Ces jeunes citoyens actifs en ligne, qui assument leur prise de parole, expérimentent la difficulté qu’il peut y avoir à élaborer un contre-discours efficace pour contrer celui tenu au sein de la « fachosphère », car ce dernier travaille et agit sur des représentations profondes qui viennent dire quelque chose d’un extrémisme déjà bien présent dans les têtes et du confort qu’il y a à rendre « l’autre » encore et toujours responsable au travers d’une « grille de lecture altérophobe » perçue comme fortement explicative et profondément rassurante.
La Commission Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH) publie chaque année un rapport remis au Premier ministre sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie qui permet de prendre conscience des évolutions, voire des mutations à l’œuvre au sein de notre société. Dans ce cadre, l’historien Marc Knobel s’est vu confier le soin de présenter une étude annuelle sur le développement des appels à la haine et à l’exclusion sur Internet, qu’il s’agisse de l’apologie du terrorisme, du négationnisme, du néonazisme, de l’homophobie ou encore des radicalismes religieux.
Un appel est donc lancé au vu de ces données à ne pas faire défection sur le long terme, face à la banalisation notamment, à accepter la contradiction en s’armant sérieusement sur les plans intellectuel, conceptuel et culturel. Les faits établis et vérifiés doivent l’emporter et être soutenus dans ce sens, il n’y a pas là de place là pour de « l’alternatif ». Ainsi que le rappellent Pierre-André Taguieff ou Gérald Bronner, cela permet d’éviter le piège de la réfutation immédiate : ce type de discours extrémiste résiste à l’épreuve des faits et oppose systématiquement un défaut de réfutabilité. De façon perverse, nous l’avons vu, la réfutation, qui demande une grande énergie, s’inverse en une preuve du bien-fondé du discours à réfuter ! Ceci d’autant plus que les arguments faux ou fallacieux mis ensemble donnent une impression forte de cohérence et de crédibilité, ce qui est moins le cas lorsqu’ils sont isolés et analysés.

Accepter de ne pas tout comprendre est chose très difficile pour chacun. Aborder la complexité est souvent une gageure. Poser clairement et avec courage la question centrale « tous les avis se valent-ils ? » est un enjeu pédagogique de décryptage et de hiérarchisation de l’information, mais pas seulement. Ce qui nous parvient en ligne, qui nous semble rentrer dans les mœurs et qui finit par constituer l’ordinaire numérique doit toujours être questionné et remis en perspective.
En cette année de commémoration de Mai 68, il est tentant de conclure en disant « ce n’est qu’un début, continuons le combat »…

Osiris

Structure anthropologique de l’imaginaire égyptien

Différentes traditions de la légende osirienne se complètent et s’entrecroisent. Mais c’est à Plutarque que nous devons le récit le plus complet, intitulé Isis et Osiris. Toutefois, même si elles sont peu nombreuses, les sources pharaoniques existent. Les textes égyptiens présentent en effet, dès l’Ancien Empire, les éléments essentiels du mythe. Elles nous racontent que l’univers n’était au commencement qu’un grand océan primordial, qui engendra le soleil Atoum. Atoum engendra Chou (le dieu du souffle) et Tefnout (la déesse de l’humidité). Chou sépara le ciel de la terre. Ainsi naquirent Nout (la déesse du ciel) et Geb (le dieu de la terre). Geb et Nout avaient deux fils, Osiris et Seth, et deux filles, Isis et Nephtys. Osiris épousa Isis et Seth prit pour femme Nepthys. Osiris apprit aux Égyptiens l’agriculture. Il était bon, juste et sage. Seth, jaloux, voulut le tuer et complota contre lui. Il organisa un banquet où il avait placé un coffre magnifique, qu’il avait fait fabriquer par ruse à la mesure du corps d’Osiris. Seth déclara au banquet qu’il offrirait ce magnifique coffre à celui, qui, en s’y couchant, le remplirait parfaitement ; lorsqu’Osiris s’y étendit, Seth rabattit rapidement le couvercle, le cloua, et le jeta dans le Nil. Désespérée, Isis chercha Osiris jusqu’en Phénicie. Elle y retrouva le cercueil et le ramena en Égypte. Mais Seth réussit à s’emparer du corps et le coupa en quatorze morceaux qu’il dispersa. Isis rassembla les membres épars de son mari, reconstitua le corps avec l’aide du dieu Anubis, l’entoura de bandelettes et réussit à lui rendre vie. Plus tard, Horus, le fils d’Osiris et d’Isis, vengea son père : il émascula Seth mais perdit un œil dans le combat. Horus vainqueur devint le premier pharaon. Depuis ce jour, Seth se retire dans le désert et devient le dieu de la stérilité et Osiris règne sur le royaume des morts et peut ouvrir, pour chaque Égyptien les portes de l’éternité.
Dans les différents moments de la légende osirienne, on relève les principaux thèmes qui nourrissent la pensée égyptienne : la relation conflictuelle entre deux frères, le meurtre du père vengé par son fils, le thème de l’épouse et de la mère aimante, ou encore le rapport belliqueux de l’oncle et du neveu. Mais à y regarder de plus près, c’est sans doute dans la dimension eschatologique du mythe qu’il faut chercher quelques clés pour tenter de mieux comprendre l’organisation agraire, politique et religieuse de la civilisation pharaonique. La légende osirienne donne un ordre à la nature qui entoure l’homme égyptien : l’alternance des saisons, la crue et la décrue du Nil, l’aridité du désert, le cycle du soleil et de la lune… et à ce titre joue un rôle de premier plan dans la mémoire culturelle et cultuelle égyptienne. Si le mythe d’Osiris traite de l’existence même, de la vie et de la mort, du temps, il intéresse les artistes au prix d’une triple interprétation qui fonde les structures anthropologiques de l’imaginaire égyptien.

Une interprétation agraire

La résurrection d’Osiris semble d’abord traduire la réalité de la terre de l’Égypte qui n’existe que par la crue annuelle du Nil. Osiris, mort comme la terre égyptienne en saison sèche et ressuscité comme la terre au moment de la crue du Nil, préside à la germination et au jaillissement de la vie végétale. L’Égypte est un « don du Nil » disait Hérodote, et toute sa société et son économie s’organisaient en fonction des fluctuations du fleuve sacré. Un temps pour l’agriculture, un temps pour la construction des monuments dédiés aux dieux et aux Pharaons. Lors de la fête annuelle d’Osiris à Abydos, on célébrait ainsi des mystères en lien avec le cycle des semailles et des moissons. On plaçait dans les Osiréions, des nécropoles spécialement dédiées, des statuettes d’Osiris en argile mêlée de graines qui germaient ensuite pour donner naissance à une végétation symbolisant la promesse de vivre dans l’au-delà : les fameux « Osiris végétants ». La mort et la résurrection d’Osiris révèlent également un aspect d’Osiris qui appartient sans doute à la personnalité originelle du dieu, celui de dieu de la végétation qui a appris aux hommes à cultiver la terre. « Dès qu’Osiris régna, il arracha tout aussitôt les Égyptiens à leur existence de privations et de bêtes sauvages, leur fit connaître les fruits de la terre, leur donna des lois et leur apprit à respecter les dieux » nous dit Plutarque. En revanche, Seth incarne, dans la mesure où il est le dieu de l’excès, le désert, sa nature stérile, sa terre dure qui ne laisse pas germer la vie.

Une interprétation religieuse

La légende osirienne marque la croyance d’une vie après la mort. En ressuscitant Osiris, Isis lui assure son immortalité. Celui-ci devient le roi-dieu de l’autre monde et préside désormais au jugement des morts. À partir de ce moment, Osiris est alors conventionnellement représenté dans l’art égyptien vêtu d’un linceul collant ou de bandelettes de momie, tenant le sceptre et le fléau, symboles de la royauté. Sur les peintures pariétales ou les papyri, son visage et ses mains arborent une couleur vert profond qui atteste symboliquement de sa régénération. La croyance selon laquelle le défunt, nommé celui qui est passé à son « ka », voyage dans l’autre monde où il doit affronter toute sorte de monstres et de dangers, est attestée par la conception eschatologique osirienne et d’autres sources anciennes. Le livre des morts décrit toutes les étapes de ce voyage et révèle les formules que le mort devra utiliser pour ouvrir portes et verrous. Au terme de ces voyages sur Terre, dans le ciel et dans l’Amdouat (ciel inférieur), le défunt doit subir le jugement. Il est introduit par Anubis dans la salle où trône Osiris, entouré d’Isis et Nephtys. Son cœur est posé sur le plateau d’une balance dont l’autre plateau supporte le hiéroglyphe de Maât (justice, vérité, ordre, divin). Thot contrôle la pesée. C’est à ce moment que le défunt prononce ce qu’on appelle la « confession négative » : « je n’ai pas causé de souffrances aux hommes, je n’ai pas usé de violences… ». Cette confession est constituée de formules stéréotypées que le défunt doit absolument connaître. Au pied de la balance, se tient une créature monstrueuse, la « dévoreuse », qui se jettera sur le malheureux si le jugement est défavorable, et assurera ainsi sa mort définitive. Si le jugement est favorable, le mort jouira d’une survie éternelle dans les champs de roseaux, paradis d’Osiris.

Une interprétation politique

Pour que la continuité du cycle de la nature et de la vie soit assurée, avant de rejoindre l’au-delà, Osiris avait assuré sa descendance en fécondant Isis d’Horus, modèle du roi héritier. Sa succession assurée, la vie terrestre d’Osiris pouvait prendre fin. Il laissait la royauté sur Terre à son fils qu’Isis élevait alors secrètement dans les marais du Delta afin de le dissimuler à Seth. Cet acte justifiait l’existence de la royauté terrestre et de la succession de père en fils. Pharaon continuateur du premier roi-terre, Osiris garantissait la vie ; celle-ci appartenait à tous les Égyptiens. Le gouvernement de la terre et des hommes était confié aux soins des « serviteurs d’Horus », qui allaient devenir les rois ou pharaons. Formant des dynasties, les pharaons sont censés se succéder dans une suite ininterrompue depuis Horus et s’inscrire par là dans la lignée des dieux dont ils sont à la fois les descendants et les officiants. À partir du moment où les dieux ne règnent plus sur terre, c’est par la médiation de Pharaon, entouré du clergé, que s’opèrent l’influence des dieux et l’intercession en faveur des hommes auprès de ces derniers. Toutefois, historiquement, de nombreux complots sont attestés à la cour de Pharaon. En cela, ces rivalités s’inscrivent dans la continuité de la geste d’Horus et de Seth, avec leurs démêlés pour prendre le pouvoir. Le thème historique et politique de la succession légitime du fils sur le trône de son père est un élément constitutif du mythe osirien qui modèle l’histoire de la civilisation pharaonique.
Si les mythes expliquent les fondements principaux du monde qui entourent les anciens Égyptiens, la religion pénètre chaque moment de la vie quotidienne des temps pharaoniques. En Égypte ancienne, la construction des monuments à la gloire des Dieux (les temples) et de Pharaon (les pyramides) se manifeste comme la traduction architecturale des légendes égyptiennes et crée de véritables lieux de mémoire de la civilisation pharaonique.

Fondement d’une mémoire culturelle de l’Égypte ancienne dans le neuvième art

Dans la bande dessinée, les auteurs élaborent une narration graphique et contribuent à construire ce que Roland Barthes désigne comme des « mythologies contemporaines ». Dans cette perspective et selon l’essayiste et sémioticien français, le mythe s’appréhende comme un message car il exprime un système de pensée et de communication. Si la légende d’Osiris éclaire, par son interprétation agraire, politique et religieuse, les fondements sur lesquels repose la civilisation pharaonique, sa réinterprétation dans la bande dessinée compose la forme « égyptographique » d’un imaginaire contemporain. Raconter et peindre l’Égypte (comme l’explique l’étymologie du mot grec graphein) est un exercice de style reposant sur l’élaboration d’images de l’Antiquité réactualisées à l’aune de la modernité. Alors, l’Égypte ancienne dans la bande dessinée : invention ou réinvention d’un mythe ?

Les dessinateurs, mythographes de l’imaginaire de l’ancienne Égypte

Le Faucon de Mu, tome 2 © Dominique Hé/Les Humanoides associés, 1981

De nombreux dessinateurs s’approprient le mythe d’Osiris avec des référents et une esthétique graphique qui leur appartiennent. Ils recomposent un imaginaire contemporain de l’Égypte ancienne qui s’inscrit dans une longue tradition égyptomanique. Dans cette perspective, le mythe d’Osiris se manifeste comme moteur du récit graphique
Dans le second tome du Faucon de Mû (1981), Dominique Hé raconte le mythe osirien de manière didactique. La version qu’il propose fait en effet référence avec un grand souci de précision à l’œuvre de Plutarque De Iside et Osiride. Toutefois, le dessinateur opère quelques ajustements prenant ses distances avec le récit grec. Sous sa plume, il n’est pas question, par exemple, de la reine de Byblos ou du phallus d’Osiris dévoré par un poisson. De même, sans doute pour assouplir sa narration, il ne s’étend pas sur l’affrontement d’Horus, l’héritier légitime, avec son oncle. Il faut dire aussi que le récit de cette lutte aux modalités complexes varie grandement selon les sources.
Dans la série Papyrus, Lucien De Gieter rejoue les épisodes du mythe osirien. Dans Le Colosse sans visage (1980), Papyrus, pour avoir défié les dieux, est transformé en bête. Amoureuse, la princesse d’Égypte Théti-Chéri décide de lui venir en aide. Elle se rend sur l’île des dieux pour tenter de déjouer la malédiction. Afin de séduire les divinités, elle effectue une danse qui rappelle celle qu’Isis avait accomplie devant le corps démembré d’Osiris dans la légende. Dans Le Pharaon maudit (1998), Théti-Chéri et Papyrus, pour le plaisir de cinq chipies qui se prétendent être les filles d’Akhénaton, sont contraints de s’affronter déguisés en Anubis et Horus. Le clin d’œil au combat d’Horus et de Seth est ici revendiqué par le dessinateur belge, mais il est ambigu car Anubis a remplacé Seth.
Dans sa fresque dessinée en 8 volumes, Isabelle Dethan nous emporte sur les terres d’Horus. Elle propose une fiction qui s’articule autour d’une enquête au temps des pharaons. Mérésankh est la secrétaire particulière du seigneur Khaemouaset, fils du roi et grand prêtre de Ptah. Lors de l’inspection d’une tombe profanée, ils découvrent que d’étranges rites funéraires ont eu lieu, mais surtout que la momie supposée être une femme est un homme ! Un curieux dessin est reproduit sur la momie, un dessin qui remémore de vieux souvenirs à Mérésankh. Celui-ci va parcourir l’Égypte pour trouver des réponses. Dans sa quête, à l’instar d’Isis recherchant les morceaux de son mari, elle est escortée par Iméni, le garde personnel de Khaemouaset.
Dans le domaine de la science-fiction, avec la trilogie Nikopol, Enki Bilal réinterprète à sa façon le mythe osirien. Nous sommes en 2023. Une pyramide volante peuplée de dieux égyptiens stationne dans le ciel de Paris ; ils sont en panne de carburant. Sur Terre, le gouverneur Jean-Ferdinand Choublanc, en campagne électorale, cherche à tirer profit de la situation. En rupture avec les habitants de la pyramide, le dieu Horus (et non Seth) a besoin d’investir et d’habiter un corps humain. C’est Alcide Nikopol, de retour sur Terre après trente ans d’hibernation dans l’espace, qui va devenir l’hôte de la divinité. L’épisode de cette fusion évoque de manière allégorique la notion de filiation royale présente dans la légende osirienne. Nikopol est « l’Horus vivant ». Mais c’est surtout en confrontant une Égypte théocratique et un monde fasciste que Bilal construit le mythe moderne d’une société décadente, qui périclite à l’image des régimes soviétiques d’Europe de l’Est à la fin de la Guerre froide.

Fragments dessinés du mythe : la quête d’une écriture visuelle de l’Égypte ancienne

Si l’on cherche à décrypter la représentation d’un imaginaire historique de l’Égypte ancienne à travers un large corpus, on s’aperçoit que le mythe d’Osiris se manifeste comme la matrice de la grammaire de la civilisation égyptienne de papier. On peut alors émettre l’hypothèse que les fragments de la légende osirienne façonnent la mémoire culturelle de l’Égypte ancienne à la lumière de la triple interprétation qui constituait les structures de la civilisation pharaonique.

Une réinterprétation agraire en toile de fond

Le thème de la nature est omniprésent dans la mythologie égyptienne. Elle peut être accueillante tout en restant dangereuse. Dans les planches, la représentation des paysages de l’Égypte ancienne semble s’appuyer sur la dichotomie Est/Ouest de l’espace issue du mythe osirien. En effet, si très tôt, l’homme du Nil a reconnu les bienfaits de Hâpy, la crue fertilisante du fleuve, en revanche, le désert lui fait peur : c’est le domaine des morts, des esprits qui rôdent et des animaux malfaisants. Selon la légende osirienne, au cours de son affrontement avec Horus, Seth est émasculé et devient le dieu de la stérilité et du désert. Au cœur des bandes dessinées, comme dans la civilisation égyptienne, le Nil est source de vie. Il apporte par sa crue le limon qui fertilise le sol. Son eau est poissonneuse. Figurer le Nil devient un postulat quasi obligatoire lorsqu’il s’agit d’élaborer un récit graphique se déroulant dans le contexte géographique égyptien. Quelques titres témoignent ainsi de la prépondérance du rôle que le fleuve joue au sein des récits dessinés : Le Prince du Nil de Jacques Martin (1974), L’Homme du Nil de Toppi (1978), Une tombe au bord du Nil de Marcello et Mora (1980), Quand le Nil deviendra rouge de Clave et Dieter (1989)… Pour ne pas empiéter sur les champs, les anciens Égyptiens ont bâti les nécropoles aux portes du désert. C’est l’occasion pour les dessinateurs d’exploiter un monde inquiétant et mystérieux à proximité de celui des vivants. La mort, la chaleur torride, la soif, les morsures de serpents et les piqûres de scorpion sont des éléments constitutifs du désert dans l’imaginaire des dessinateurs et rappellent les souffrances vécues par Horus dans la légende osirienne. Sans en avoir pleinement conscience, les artistes perpétuent l’idée que la bipolarisation de l’organisation géographique puis politique de l’Égypte relève avant tout du mythe.

La séduction de la réinterprétation religieuse

La religion et les croyances égyptiennes d’une vie après la mort exercent un fort pouvoir d’attraction sur les artistes. Dans leurs œuvres, ils se plaisent à mettre en scène le formidable panthéon de dieux égyptiens, créatures zoomorphes et autres monstres hybrides. Cette « foire aux immortels » de papier pour reprendre le titre d’une bande dessinée d’Enki Bilal, incarne le pouvoir de séduction qui s’opère à la lecture de la légende osirienne et des autres mythes égyptiens. Dans cette perspective, les représentations de l’au-delà égyptien invitent les lecteurs à voyager dans un monde autre et lointain où l’imagination graphique peut s’exprimer librement. On doit en effet à Baranger et Haziot, avec leur série L’Or du temps, ou encore au très prolifique Lucien de Gieter avec L’Enfant hiéroglyphe (1998) de très belles images de l’accomplissement de la justice divine telles qu’en proposent le livre des morts ou les peintures pariétales des tombes anciennes. Dans le neuvième art, la cohabitation entre l’au-delà et la résurrection de la « chair » offre des ressources narratives particulièrement intéressantes autour de la thématique de la malédiction de la momie. En effet, développée dans la légende osirienne, cette croyance égyptienne en une forme de résurrection par la momification se traduit, dans la bande dessinée, comme au cinéma d’ailleurs, par une sorte d’allégorie. Les momies reprennent réellement vie et deviennent des personnages à part entière : Bibi Frictoin et le secret de la momie de Pierre Lacroix (1971), Le Huitième Sarcophage de Dupa (1986), Une vie éternelle de Magada et Lapière (2004) ou encore la série Fox de Jean Dufaux et Jean-François Charles en sont des exemples significatifs. Dans Les Momies maléfiques (1998), Papyrus et Théti-Chéri sont aux prises avec de dangereuses momies animées par Seth et ils ne parviendront à les vaincre qu’avec l’aide d’Horus. Rendre vivantes, tout en les réinterprétant, toutes ces croyances égyptiennes dans la bande dessinée n’est-elle pas aussi une façon de vaincre la mort et de conférer à la civilisation pharaonique une dimension d’éternité dans l’imaginaire occidental ? D’ailleurs encore aujourd’hui dans les productions récentes, nous retrouvons le déploiement des mêmes archétypes de l’imaginaire égyptien dans le neuvième art. En 2106, dans Mitterrand requiem, Joël Callède convoque Anubis, le dieu des morts égyptien pour confronter François Mitterrand à son passé au crépuscule de sa vie.

Mitterrand requiem © Joël Callède/Le Lombard, 2016

 

Une réinterprétation politique au cœur des intrigues

Le thème historique et politique de la succession légitime du fils sur le trône de son père apparaît comme un élément constitutif du mythe osirien qui modèle l’histoire de la civilisation pharaonique. Tout l’édifice social de l’ancienne Égypte repose en effet sur la figure de Pharaon. La fortune de l’Égypte comme cadre et sujet de tant de bandes dessinées s’explique aussi par le charisme des personnages qu’elle propose à l’invention narrative. La figure de Pharaon, monarque divin et omnipotent, et celle de la reine d’Égypte, se prête par excellence à mille intrigues romanesques autour de l’appétit de puissance, des rivalités d’intérêt, de l’affrontement des passions, des complots et jeux de palais, autant de thématiques que nous trouvons dans la légende osirienne. Il n’est donc pas étonnant que de nombreux titres d’albums ou de séries évoquent la figure du roi : Le Tombeau de Pharaon (1979), La Vengeance de Ramsès (1984), Toutankhamon, le Pharaon assassiné (1994) de Lucien De Gieter ; Le Pharaon des cavernes de Sirius (1950) ; la série Pharaon de Hulet et Duchâteau (1981-1999) ; Les Colères du pharaon de Sebban (2011) ; Khéops d’Augustin (2016)…
La représentation de Pharaon dans les bandes dessinées est souvent guidée par des choix qui reposent sur la légende des règnes reconstruits à la lumière de découvertes archéologiques, de monuments grandioses ou de hauts faits d’armes. Peu de dessinateurs se risquent alors à mettre en scène des pharaons moins médiatiques. Il faut dire que les maisons d’édition tentent d’orienter le choix des artistes vers des noms qui font vendre. Ainsi, la découverte le 5 novembre 1922 par deux archéologues, Howard Carter et Lord Carnavon, de la sépulture d’un pharaon nommé Toutankhamon allait défrayer la chronique. Aujourd’hui, ce genre d’événement est une source d’inspiration inépuisable pour les dessinateurs car il synthétise les principaux fantasmes que le grand public nourrit à l’égard de l’archéologie égyptienne : l’exhumation du passé d’un roi dont le destin est tragique, la mise au jour d’un trésor fabuleux et enfin une série de décès que l’on peut, semble-t-il, mettre en relation avec la découverte de la tombe et une malédiction des pharaons. Sur la couverture du tome 1 de l’incontournable Mystère de la grande pyramide d’Edgar-Pierre Jacobs tous les ingrédients qui fondent l’imaginaire de l’Égypte dans la bande dessinée sont réunis : la découverte d’un tombeau, la présence imposante des dieux égyptiens tel Horus qui tient davantage en respect le lecteur que le professeur Mortimer, le cobra au premier plan qui annonce les dangers du désert et, sous jacent à ce récit d’essence cryptique : la malédiction de pharaon dont le thème principal sera repris par Hergé dans Les Cigares du pharaon.

De la même façon, le personnage dessiné de Cléopâtre se manifeste comme le réceptacle des fantasmes qu’ont suscités les femmes de pouvoir et l’Orient. D’Astérix et Cléopâtre d’Uderzo et Goscinny (1963) à Cléo, la petite pharaonne dessinée par Di Martinno (2015-2106) en passant par L’Empreinte d’une reine de Carruzzo et Weber (2007), la figure de cette reine d’Égypte inspire les créateurs. Son engouement témoigne aussi des circulations artistiques et culturelles qui s’opèrent entre peinture, cinéma et bande dessinée dans la construction de sa légende. Ce n’est donc pas un hasard si sur la composition de la couverture d’Astérix et Cléopâtre rappelle celle de l’affiche du film Cléopâtre de Mankiewicz avec Elisabeth Taylor (1963). Cette composition renvoie sans doute au tableau d’Alexandre Cabanel intitulé Cléopâtre essayant des posions sur des condamnés à mort (1887) et créée ainsi la persistance d’une mémoire iconique de la reine d’Égypte dans l’imaginaire occidental.
In fine, si la bande dessinée est un vecteur adéquat de la retranscription de l’univers des croyances des anciens Égyptiens et notamment de la légende osirienne, elle se manifeste surtout comme un formidable objet de médiation culturelle qui favorise les créations fantastiques, les mises à distance historique et l’exercice de l’imaginaire.

Les événements de Mai 68

Ce cinquantième anniversaire 1968-2018 peut être l’occasion de redonner épaisseur et complexité à cet épisode, loin des caricatures et des clichés qui peuvent être véhiculés par l’imaginaire collectif, grâce à une analyse historique moins chargée en émotions, exaltation et crispations, quelque 50 ans après. Il s’agit aussi de se poser la question des interprétations et réinterprétations d’un même événement, et des métamorphoses de la mémoire sur une période qui fait encore polémique, dans le monde politique notamment. Les ressources listées ci-après sont donc un reflet de cette pluralité de représentations des événements, de manière à offrir des pistes d’exploitations pédagogiques sur l’engagement et les formes d’insoumission contemporaines.

Colloques

« Mai 68 : 50 ans ! Mémoires, représentations, traces & (ré)interprétations »
Ce colloque, organisé par l’Université du Mans les 24 et 25 mai 2018, posera la problématique suivante : « Par quelles voies et au travers de quelles représentations le «passé historique» de mai 68 s’offre-t-il à la mémoire des générations actuelles ? Quels souvenirs de Mai 68 innervent encore la mémoire collective, le corps social en 2018 ? »  http://chsp.sciences-po.fr/actualite/mai-68-50-ans

« Les féministes et leurs archives (1968-2018). Militantisme, mémoire et recherche »
Ce colloque international bilingue (anglais-français) s’est tenu à l’Université d’Angers (Maison de la recherche Germaine Tillion) du 26 au 28 mars 2018. Les contributions s’intéressent aux « conditions matérielles et politiques de la constitution de fonds d’archives. Quelles sont les raisons qui motivent la constitution d’un fonds féministe ? » Le colloque questionnera les transformations historiques du rapport des féministes à leurs archives depuis 1968 et la spécificité des archives relatives à l’histoire des féminismes.  www.sciencespo.fr/departement-histoire/content/les-feministes-et-leurs-archives-1968-2018

Centres de documentation et d’archives

Située sur le campus de Nanterre et affiliée au musée des Invalides, l’ancienne Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine a changé de nom en ce début d’année : La Contemporaine. bibliothèque, archives, musée des mondes contemporains propose un fonds d’archives retraçant l’histoire contemporaine, et notamment des photographies numérisées des événements de Mai 68 prises par Elie Kagan et Jean Pottier, accessibles via la bibliothèque numérique, sur inscription gratuite.
 www.lacontemporaine.fr/

 

Manifestation unitaire du 13 mai © Elie Kagan / Coll. La Contemporaine

 

La Cité des mémoires étudiantes située à Aubervilliers s’est constitué pour mission de recenser, conserver et archiver tous les documents, qu’ils soient imprimés ou audiovisuels et photographiques, liés à la vie et l’histoire des étudiants et des universités. Après avoir organisé un colloque et mis à disposition leur fonds documentaire à l’occasion du 40e anniversaire de Mai 68, ce centre d’archives sera sans nul doute au cœur de la commémoration de ce 50e anniversaire en 2018.
 http://citedesmemoiresetudiantes.org/

Le Conservatoire des Mémoires Étudiantes a créé une base de données intitulée « Journal électronique de la Commune étudiante » qui permet de rechercher parmi 521 documents numérisés (tracts, affiches, compte rendu, articles typographiés ou manuscrits etc.) datant de mai à juillet 1968.
 www.cme-u.fr/commune68/index.php

Le CODHOS, Collectif des Centres de Documentation en Histoire ouvrière et sociale, permet, par le biais d’une association, de favoriser contacts, échanges, projets autour d’un réseau de centres de ressources, qu’ils soient universitaires, liés à des syndicats ou des partis politiques, ou encore associatifs. Le site du CODHOS renvoie à l’exposition photographique de Jean-Pierre Rey retraçant en images les événements de mai 68 (listée ci-après) et au site de compilation des ressources du 40e anniversaire de 68, en 2008 (voir ci-après également).  https://www.codhos.org/

Musées

Le MUCEM de Marseille conserve dans son fonds permanent un ensemble d’affiches, tracts, banderoles, réalisés en 1968 et issus des anciennes collections du Musée National des arts et traditions populaires, ancêtre du Mucem. On peut consulter en ligne la présentation de cet ensemble de documents historiques dans la partie intitulée « Mai 68 et les œuvres contestataires : aux Arts, citoyens ! ».  www.mucem.org/collections/theme-collection/mai-68-et-les-oeuvres-contestataires-aux-arts-citoyens

Au musée de l’Armée des Invalides, à Paris, on trouve dans l’historial Charles De Gaulle, une partie consacrée aux événements de 68 et à leurs conséquences politiques, avec des reproductions des affiches réalisées par les élèves des Beaux-Arts de Paris.  www.musee-armee.fr/collections/base-de-donnees-des-collections/objet/charles-de-gaulle-et-mai-68.html

Le Musée de l’Histoire vivante de Montreuil dispose d’un fonds d’archives, d’iconographies et de ressources centrées sur l’histoire du monde ouvrier, sur les grandes revendications et mouvements de contestations populaires, de la Révolution française aux années 1970.  www.museehistoirevivante.fr/

Expositions virtuelles

« Esprit(s) de Mai 68 : prenez vos désirs pour des réalités ». L’ exposition virtuelle de la BNF en 4 parties (« Non à l’ordre qui tue ; L’art c’est vous ; Presse, ne pas avaler ! ; participons au balayage) fait la part belle aux affiches, tracts, graffitis et slogans, issus de documents d’archives. Le « feuilletoir » rassemble, comme toujours dans les expos BNF, les différentes illustrations. Un bon support de travail et de recherche très visuel pour les élèves sur ce sujet.
 http://expositions.bnf.fr/mai68/

Dans l’exposition virtuelle Utopie de la BNF, une sous-partie du feuilletoir est consacrée aux tracts de mai 68  http://expositions.bnf.fr/
utopie/feuill/index.htm

L’exposition virtuelle « Les années 68, un monde en mouvement : nouveaux regards sur une histoire plurielle », très bien construite et attractive, est proposée par la Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine. Elle présente la période autour de 5 grands thèmes : « Vivre ensemble ; Éducation ; Travail et conflits ; Dictature et démocraties ; L’Internationale » ; ainsi qu’une partie regroupant des témoignages de philosophes, journalistes, médecin, agriculteur, etc. Pour chaque thème, on trouve de nombreuses photos, affiches, Unes de presse et slogans, ainsi que des explications et des sommaires par mots-clés.
 www.bdic.fr/expositions/mai68/

Expositions à venir / Événements

Archives Nationales : « Mai 68, archives du pouvoir » du 3 mai au 17 septembre 2018 pour le site de Paris, hôtel de Soubise, et du 24 mai au 22 septembre 2018 pour le site de Pierrefitte-sur-Seine : 50 ans après, les archives peuvent enfin être ouvertes et c’est donc une occasion de comprendre l’événement en adoptant le point de vue de l’État, de l’administration, de la Police, etc. Cette exposition entend donc mettre à jour « les rouages de l’État et les mécanismes qu’il met en place face à une crise sociale majeure qui menace de le déstabiliser » ainsi que « la possibilité enfin d’appréhender les traces de ce moment de notre histoire qui ne cesse d’être mobilisé [comme] référence ou repoussoir ».  www.archives-nationales.culture.gouv.fr/expositions

Du 24 au 27 mai 2018, avec « Les utopies culturelles : mai’68/mai’18 », le Théâtre National de Nice propose un cycle de spectacles avec des cartes blanches données aux artistes associés au théâtre, autour de la problématique des influences et héritages des années 70 sur la création : « quelles utopies pour aujourd’hui et pour demain ? » Rencontres, ateliers, projections, stages, expositions et concerts. Programme détaillé début 2018.  www.tnn.fr/fr/evenements/les-utopies-culturelles

Daniel Cohn-Bendit devant la Sorbonne. Paris, mai 1968.
© Fondation Gilles Caron, Courtesy School Gallery/Olivier Castaing

BNF site F. Mitterrand, « Icônes de Mai 68, les images ont une histoire » du 17 avril 2018 au 26 août 2018 : 50 ans après les événements de mai-juin 1968, cette exposition reviendra sur la construction médiatique de notre mémoire visuelle collective à travers l’analyse et l’itinéraire des photos célèbres liées aux événements. Elle s’interrogera sur l’omniprésence du noir et blanc dans les photos restées dans les mémoires, alors que la presse a couvert les manifestations avec des photographies couleurs. Enfin, l’exposition présentera une analyse des Unes et la manière dont la presse a influé, ou non, sur la représentation collective des faits.  www.bnf.fr/documents/cp_expos_1er_semestre_2018.pdf

À partir du mois d’avril, l’Hôtel de Ville présente à Paris, pour la première fois, une exposition majeure consacrée à l’œuvre de Gilles Caron, photographe des icônes de mai 68.

Université d’Angers Claude Dytivon, du 3 mai au 29 juin 2018. Exposition de photos prises à Paris lors des événements de mai 68 et présentées à l’occasion des 50 ans.  www.univ-angers.fr/fr/acces-directs/culture/expositions/mai-68-les-50-ans.html

À Bruxelles
19 partenaires et institutions culturelles de la ville de Bruxelles se réunissent pour célébrer l’année 2018 comme année de la contestation, et proposer ainsi un vaste programme, sur toute l’année, de concerts, expositions, spectacles, débats, projections, conférences. 50 ans après mai 68, il s’agit moins d’une commémoration que d’une représentation pluridisciplinaire et culturelle des formes d’engagements et de contestations contemporaines.  http://culturekultuur.be/fr/2018-annee-de-la-contestation/

Expositions itinérantes

Le site Caricatures et caricature propose une exposition à la location pour les établissements scolaires et les médiathèques sur le thème du traitement médiatique des événements à travers les Unes de presse pendant mai 68. Le prêt est payant (200 €).  www.caricaturesetcaricature.com/2017/11/mai-68-a-la-une-exposition-itinerante-a-louer.html

L’exposition itinérante « Mai 68 » de 22 panneaux documentaires et photographiques proposée par Civimédias est destinée aux collèges et lycées, mais à des frais de location très élevés (entre 400 et 460 € pour 10 ou 15 jours)  www.civimedias.fr/fr/mai-68-qrcodes.html

Photographies / Affiches

Affiche « Sois Jeune et tais-toi » (non attribué) / source Gallica BnF © DR

Sur son site personnel entièrement consacré aux affiches des mois de mai-juin 1968, le photographe Jean-Paul Achard propose un outil de visionnage assez exhaustif (415 affiches) qui peut permettre de commenter ces affiches marquantes avec les élèves. En complément, des portfolios de plusieurs photographes qui ont couvert les événements.  http://jeanpaulachard.com/mai/

Une centaine de photographies de Michel Baron sont regroupées dans un portfolio intitulé « Mai 68 à Paris »
 http://michelbaron.com/photos/mai1968/index.htm?page=3

L’accès en ligne aux photographies des événements de mai 68 réalisées par Jean-Pierre Rey
 www.mai-68.fr/galerie/cat.php?val=7_01+vue+generale+des+evenements+mai

Ce site personnel recense de façon très complète tous les slogans inscrits sur les murs parisiens en mai-juin 68, en indiquant les sources et la localisation de l’inscription quand elle est connue  http://users.skynet.be/ddz/mai68/slogans-68.html

Un site personnel qui liste, dans la rubrique « mai 68 », les paroles des chansons révolutionnaires ou contestataires de la période  http://chantsdeluttes.free.fr/

 

Manifestation unitaire du 13 mai © Elie Kagan / Coll. La Contemporaine

Dans les programmes

Collège

• 3e, Histoire : Thème 3 : « Françaises et Français dans une République repensée » : « La Ve République, de la République gaullienne à l’alternance et à la cohabitation » ; « Femmes et hommes dans la société des années 1950 aux années 1980 : nouveaux enjeux sociaux et culturels, réponses politiques ».

• 3e, Français : « Agir dans la cité : individu et pouvoir ». Étude d’un texte du XXe siècle qui témoigne des événements historiques, d’une forme d’engagement ou de résistance.

Lycée

• 2de, enseignement d’exploration « Littérature et Société » : « Écrire pour changer le monde : l’écrivain et les grands débats de société ». Écriture et engagement ; Les utopies : à la recherche de la société idéale ; écriture et idéologie : manifestes, pamphlets, charges et plaidoyers.

• 2de, enseignement d’exploration « Littérature et Société » : « Images et langages : donner à voir, se faire entendre » ; slogans, tracts, affiches : mots et images de l’action collective.

• 1re L, ES, S, sujets nationaux des TPE 2017-2019 : thème commun : « Individuel et collectif ? » et notamment les thématiques spécifiques autour des phénomènes de groupe, les rapports entre conscience individuelle, conscience collective et inconscient collectif, ou encore la question de la mémoire individuelle ou collective.

• 1re L, sujets nationaux des TPE 2017-2019 : thème spécifique « Frontière(s) », avec comme sous-thème possible pour étudier Mai 68, « la transgression ».

• 1res toutes séries, EMC : « S’engager : la notion de militantisme ; les grandes formes d’engagement politique, syndical, associatif. » Analyse d’œuvres d’art, de films, de textes littéraires, philosophiques ou historiques sur les problèmes de l’engagement.

• 1re Bac Pro Histoire : « Être ouvrier en France (1830-1975) » : étude des luttes sociales, syndicales et politiques.

• Terminale L et ES : Histoire : Thème 2 : « Idéologies et opinions en Europe de la fin du xixe siècle à nos jours ». Thème 4 : « Les échelles de gouvernement dans le monde de la fin de la Seconde Guerre mondiale à nos jours », sous-thème : « Gouverner la France depuis 1946 : État, gouvernement et administration. Héritages et évolutions. »

• Terminale S, Histoire : Thème 3. « La République française face aux enjeux du XXe siècle – Une nouvelle République (1958-1962) ».

• Terminale STMG, Histoire : « La France sous la Ve République : L’évolution politique de la Ve République. »

 

Tags d’une salle de cours de l’Université de Lyon désertée, mai 1968. Photo de Georges Garrigues © CC Wikimedia

Pistes pédagogiques

• En croisant les deux grands domaines « Information, communication, citoyenneté » et « Culture et création artistiques », on peut imaginer un EPI en classe de 3e sur l’analyse des formes d’engagement à travers l’art pendant les événements de Mai 68 dans le cadre d’un projet interdisciplinaire liant Documentation, Histoire, Arts Plastiques, Éducation musicale et Lettres. L’étude des textes de chansons, l’analyse des œuvres littéraires, des affiches, graffitis et autres représentations artistiques du mouvement peuvent être un bon support pour susciter un questionnement des élèves sur les formes de contestation collective. Ce travail pourrait donner lieu à la réalisation d’affiches par les élèves, à la manière des étudiants de l’époque, mais portant sur leurs propres préoccupations ou sur des grands enjeux actuels (climat, inégalités sociales, etc.).

• Une autre piste serait de décrypter avec des lycéens, par exemple en EMC, la couverture médiatique des événements. À partir d’un corpus d’archives (Une des journaux, émissions radio et télé sur le site de l’INA, exposition de la BNF), on peut faire analyser le traitement journalistique des manifestations et grèves, et voir quelles sont les orientations choisies dans les médias, et si elles correspondent à la réalité historique. Les lycéens, par petits groupes, peuvent ensuite restituer leur travail sous la forme d’un débat
argumenté ou d’exposés.

• En 2de Littérature et Société, on peut imaginer faire réaliser aux élèves une vaste enquête (sondage et analyses) sur les formes de révolte chez les jeunes aujourd’hui, qui serait couplée avec la récolte de témoignages dans l’entourage des élèves sur la perception que leurs parents ont eu de mai 68. Les résultats serviraient de base à la réalisation d’un dossier sur les différentes formes d’engagement au cours des XXe et XXIe siècles, pour le média scolaire de l’établissement par exemple, ou sous forme d’exposition.

• Enfin, à l’occasion de la célébration plus particulière du 50e anniversaire, on peut mettre en lumière au CDI durant le mois de mai 2018, ou en amont, des ressources sur mai 68 : exposition, livres documentaires, fictions, revues de presse, travaux d’élèves etc.

Podcast

Émission de France Culture : issue de son cours au Collège de France, cette intervention de Pierre Rosanvallon dans le cadre d’une série sur « Les années 1968-2018 : une histoire intellectuelle et politique », revient sur le « moment 68 », « temps d’extase de l’Histoire », selon la formule d’Edgar Morin.
 www.franceculture.fr/emissions/les-cours-du-college-de-france/les-annees-1968-2018-une-histoire-intellectuelle-et-1

Ressources numériques

Sur le site Jalons de l’INA, on trouve un parcours pédagogique spécialement réalisé autour de mai 68 avec une sélection de 6 vidéos d’archives et une proposition d’activité pédagogique.  http://fresques.ina.fr/jalons/parcours/0007/mai-68.html

Le site Savoirs de RFI propose un dossier documentaire complet, bien construit, à la présentation claire et au contenu facile d’accès et synthétique. On y trouve une chronologie des événements de mai, listés jour après jour ; des documents audio issus des archives radio accompagnés des podcasts d’émissions radios sur le thème de mai 68 ; des articles et des analyses ; une bibliographie et une sitographie. Une ressource documentaire très utile pour les recherches des collégiens (3e) et des lycéens.
 https://savoirs.rfi.fr/fr/comprendre-enrichir/histoire/mai-68-0
À consulter également en complément, pour éclairer le contexte politique de la période, le dossier documentaire, toujours sur le site Savoirs de RFI, sur Charles de Gaulle.
 https://savoirs.rfi.fr/fr/comprendre-enrichir/histoire/charles-de-gaulle-1890-1970

Mai 68.fr : 1968-2008, retour aux sources : ce site, en lien avec le CODHOS, a entrepris de recenser en 2007-2008 toutes les manifestations, expositions, parutions liées au quarantième anniversaire de Mai 68, et sert désormais d’archives numériques de ce 40e anniversaire. On y trouve un rappel de la chronologie des événements, une bibliographie et une sitographie assez fournies (mais de nombreux liens ne sont plus à jour), l’accès à des expositions virtuelles et un panorama de la couverture médiatique des commémorations en 2008.
 www.mai-68.fr/welcome/index.php

Le blog collectif « De génération à générations : 1968-2018 » regroupe des articles, analyses, ressources et débats autour de diverses thématiques héritées de mai 68 telles que les inégalités entre sexes, les déséquilibres sociaux, l’accès à l’emploi, l’éducation, la solidarité, la diversité culturelle. Un support pour ouvrir le débat avec les élèves.
 https://generation-a-generations.net/a-propos/de-68-a-2018/

La Bibliothèque de Sciences Po Paris met en ligne la liste de tous les dossiers de presse qui traitent des événements de Mai 68 : si les dossiers eux-mêmes ne sont pas accessibles, le sommaire en tant que tel permet de circonscrire le sujet et de lister tous les sujets et thèmes associés aux événements, que ce soit au niveau politique, culturel, économique ou social   http://www.sciencespo.fr/bibliotheque/sites/sciencespo.fr.bibliotheque/files/pdfs/dossiers-mai68.pdf

Quelques slogans mythiques

«Il est interdit d’interdire !», «Sois jeune et tais-toi ! »,

«Soyons realistes, demandons l’impossible ! », «Je suis marxiste, tendance Groucho. »,

«Sous les pavés, la plage. », «Jouissez sans entraves. »,  «Fermons la télé, ouvrons les yeux. »

 

Mai 68 – Manifestation © Fondation Gilles Caron, Courtesy School Gallery/Olivier Castaing

 

 

Histoire des mathématiques

Dans les programmes

L’ensemble du programme de mathématiques du collège et du lycée peut être l’occasion d’aborder les mathématiques d’un point de vue historique : en parlant d’Euclide lors de la division euclidienne en 6e, en évoquant les biographies de Pythagore et de Thalès lorsqu’on aborde les théorèmes éponymes en 4e, en expliquant les différentes tentatives de démonstration du théorème de Fermat au cours des siècles pour le niveau lycée, en donnant des éléments biographiques sur Gauss lorsqu’on aborde les probabilités, etc.
On peut par ailleurs aborder en Histoire la diffusion des découvertes mathématiques notamment autour du bassin méditerranéen pendant l’Antiquité en 6e : thème 2, « Récits fondateurs, croyances et citoyenneté dans la Méditerranée antique au Ier millénaire avant J.-C. » ; puis en 5e, toujours en rapport avec le programme d’histoire, avec le thème 1 : « Chrétientés et islam (VIe-XIIIe siècles), des mondes en contact : Byzance et l’Europe carolingienne ; De la naissance de l’islam à la prise de Bagdad par les Mongols : pouvoirs, sociétés, cultures », en évoquant le rôle fondamental joué par les savants arabes dans l’avancée des questions mathématiques. Par ailleurs, en 3e et en 1re, en Histoire, l’évocation de la Seconde Guerre mondiale, permet par exemple de parler d’Alan Turing et du décryptage d’Enigma…

Musées et centres culturels scientifiques

Maison des mathématiques et de l’informatique (MMI) à Lyon
Ce centre culturel scientifique propose des ateliers pour les scolaires et le grand public, des cycles de conférences, des expositions, des stages et autres animations centrées sur la vulgarisation des mathématiques et de l’informatique. À l’instar du cycle de cinq conférences intitulé « Quelques instantanés de l’histoire des mathématiques » qui se déroulera en 2018, tout y est gratuit et ouvert à tous.
 http://mmi-lyon.fr/

Palais de la Découverte à Paris
La partie consacrée aux mathématiques est composée de plusieurs salles, dont l’une est particulièrement impressionnante car elle déploie le long des murs le début des décimales de Pi. L’exposition permanente peut être accompagnée selon les heures d’un exposé par un médiateur du musée.
 www.palais-decouverte.fr/fr/au-programme/expositions-permanentes/toutes-les-salles/salles-de-mathematiques/exposes-et-ateliers/

Cité des Sciences et de l’industrie à Paris
Une partie de l’exposition permanente est dédiée aux mathématiques, retraçant 3 000 ans de découvertes sur le mode de l’expérimentation. Deux parties la composent : « Géométries, nombres et mouvements » et « Complexité et prédiction ».
 www.cite-sciences.fr/fr/au-programme/expos-permanentes/expos-permanentes-
dexplora/mathematiques/

Cité des géométries à Maubeuge
Ce centre culturel dédié aux mathématiques propose des ateliers ludiques autour de la géométrie et du codage, des expositions itinérantes, des ressources et des formations pour les enseignants. Il organise également des événements autour de la géométrie : spectacles, animations, création de jeux (#origimo), opération de vulgarisation, etc.
 www.citedesgeometries.org/newcdg/ 

Journée mondiale de Pi à la MMI de Lyon.
#origimo, jeu mathématique créé par la Cité des géométries

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À l’étranger

La Maison des Maths de Quaregnon en Belgique met à disposition toute une palette d’animations autour des mathématiques et du jeu. On peut également y assister à des formations, des spectacles, y emprunter des jeux mathématiques, etc. Une mine de bonnes idées pour créer des actions autour des mathématiques et de leur histoire.  http://maisondesmaths.be/
L’exploration du site du Momath de New York (National Museum of Mathematics) peut donner lieu à un travail interdisciplinaire Anglais-Maths pour, pouquoi pas, préparer un voyage incluant la visite de ce lieu dédié aux mathématiques en plein cœur de Manhattan.  https://momath.org/
Pour les germanistes, on peut également utiliser les ressources proposées par le Mathematikum de Giessen en Allemagne, qui, à l’instar de la Cité des Sciences de Paris, propose de découvrir les maths et leur histoire grâce à des expérimentations ludiques et des manipulations géométriques originales.
 www.mathematikum.de

Centres de recherche

Le portail des IREM (Institut de Recherche sur l’enseignement des mathématiques) présente de nombreuses ressources pédagogiques sur les maths, ainsi que des conférences, des expositions itinérantes, des bases de données mutualisées, etc. Le groupe de recherche « Épistémologie et histoire » organise plus particulièrement des colloques sur l’histoire des mathématiques.  www.univ-irem.fr
On y trouve notamment une carte interactive sur l’histoire des mathématiques intitulée « Voyager dans le temps et l’espace en mathématiques » qui permet sur chaque icône géographique de renvoyer à un corpus documentaire en ligne lié à l’histoire des maths, avec pour chacun, une mention de niveau scolaire.  www.univ-irem.fr/spip.php?article1377
À noter également la rubrique très complète consacrée aux textes des mathématiciens, qui liste leurs principales œuvres, en donne le sommaire, une bibliographie des ouvrages critiques et une sitographie.  www.univ-irem.fr/spip.php?rubrique430

Institut Poincaré à Paris
Anciennement dirigé par Cédric Villani, ce centre de recherches universitaires situé dans le 5e arrondissement de Paris propose des conférences, séminaires et expositions pour les spécialistes mais aussi pour le grand public. Après une phase de travaux et d’agrandissement, il devrait accueillir à partir de 2020 un musée : la « Maison des mathématiques ».  www.ihp.fr/fr

Société Mathématique de France
Cette société savante assure une mission de vulgarisation des mathématiques auprès du grand public et la liaison entre monde de la recherche et enjeux de société par le biais de conférences, colloques, mises à disposition d’outils et de ressources.
 http://smf.emath.fr/accueil

Associations

Journées de l’APMEP
L’association des professeurs de mathématiques de l’enseignement public organise chaque année, dans une ville de France différente, des rencontres qui permettent aux enseignants de maths du 2nd degré et aux professeurs des écoles de participer à des conférences, ateliers, tables rondes, et de découvrir de nombreuses ressources pédagogiques et les nouveautés éditoriales sur l’enseignement des mathématiques.  https://www.apmep.fr/-Journees-Nationales/
Sur le site de l’APMEP, on trouve également des références bibliographiques, des ressources numériques et des séquences pédagogiques mutualisées en lien avec l’histoire des mathématiques.  https://www.apmep.fr/-Documents-pour-la-classe-

Femmes et mathématiques
Cette association qui s’engage pour promouvoir la place des femmes dans les filières et métiers mathématiques et plus globalement scientifiques, propose également des ressources sur les mathématiciennes au cours de l’histoire, notamment des expositions photographiques.
 www.femmes-et-maths.fr

Maison Pierre Fermat. Dans la maison natale du célèbre mathématicien, située à Beaumont de Lomagne, dans le Tarn-et-Garonne, se déroulent toute l’année des animations autour de l’histoire des mathématiques, des jeux, des expositions et un escape game sur Évariste Galois. Sont également proposés des ateliers pour les scolaires et du prêt de matériel pédagogique (mallettes à énigmes, expositions itinérantes).
 www.fermat-science.com

Expositions itinérantes

Le CIJM (Comité International des Jeux mathématiques) propose au prêt des expositions itinérantes sous forme de panneaux documentaires (150 € pour 15 jours), dont plusieurs se rattachent à la thématique de l’histoire des mathématiques, par exemple « 2 000 ans d’énigmes mathématiques » ; « Instruments d’astronomie d’hier et d’aujourd’hui » ; « Raconte-moi le nombre d’or » ; « Raconte-moi les fractales » ou encore « Cryptographie et codage ». Ces panneaux s’adressent à des collégiens comme à des lycéens.  www.cijm.org/accueil/expos-cijm

« Regards sur les mathématiques : itinéraires méditerranéens » réalisée par l’IREM d’Aix-Marseille : cette exposition très bien construite, qui s’adresse à un public lycéen, retrace les principales découvertes en mathématiques et la diffusion des idées autour du bassin méditerranéen. Des différentes formes d’écriture des chiffres en Mésopotamie ou en Égypte, à l’apparition de la démonstration en Grèce, en passant par le développement de l’algèbre dans le monde arabe, les débuts de l’astronomie ou encore les solides de Platon et la mesure du temps, cette exposition très riche, qui s’accompagne d’un film et de divers objets scientifiques, est disponible gratuitement au prêt pour les établissements scolaires (transport payant). On peut également télécharger sur le site de l’exposition les panneaux en PDF, le dossier pédagogique et le livret de visite qui contient quiz et jeux mathématiques
 www.irem.univ-mrs.fr/expo2013

« Traces : de la tablette à la tablette » proposée par la cité des géométries de Maubeuge retrace les origines de l’écriture des nombres à partir des chiffres écrits en cunéiforme jusqu’à l’invention de l’ordinateur.  www.citedesgeometries.org/newcdg/espace-professionnel/louer-une-exposition/exposition-traces

L’espace Turing à Nice propose des ressources, des interventions auprès des scolaires et des expositions itinérantes, gratuites, notamment deux expositions, l’une niveau lycée, l’autre niveau collège, sur le parcours d’Alan Turing, mathématicien qui cassa le code d’Enigma pendant la Seconde Guerre mondiale, et également une exposition itinérante sur l’histoire de l’informatique.  www.espace-turing.fr/Expositions-et-ressources.html

Les CCSTI (Centres de culture scientifique, technique et industrielle) mettent à disposition dans les différentes régions des ressources, notamment des expositions itinérantes. Plusieurs d’entre elles traitent de l’histoire des mathématiques.  www.ccsti.fr/fr/expos.html

Expositions virtuelles

« Voyage en mathématique » réalisée par l’association Fermat sciences. On trouve en ligne les panneaux documentaires qui retracent l’histoire des mathématiques, à travers les grandes figures de savants et mathématiciens, géomètres, philosophes. Des ressources complémentaires sont proposées (interviews de chercheurs, matériels, etc.)  www.voyage-mathematique.com

Panneau de l’exposition « Voyage en mathématique » © Fermat Science. D.R.

La version interactive et numérique de l’exposition « Pourquoi les mathématiques ? » permet aux collégiens et aux lycéens de retracer l’histoire des mathématiques à travers les grandes thématiques et problèmes de l’algèbre et de la géométrie. Les animations sont bien construites, on trouve une page récapitulative en forme de mémo historique en fin de rubrique, ainsi que de nombreux prolongements et liens vers des métiers liés au domaine mathématique.
 www.experiencingmaths.org

Concours / événements

La Semaine des mathématiques se déroule chaque année en mars (en 2018 du 12 au 18 mars) avec comme point d’orgue le Pi-Day, le 14 mars (14/03, date choisie pour être au plus proche de la notation 3,14 !), est une bonne occasion de proposer des ressources sur l’histoire des mathématiques. Après « Mathématiques et Langages » en 2017, l’édition 2018 porte sur « Mathématiques et mouvement ». L’objectif de la semaine des mathématiques est de valoriser l’ensemble des actions mathématiques et pédagogiques mises en œuvre tout au long de l’année et de mettre en lumière les dimensions interdisciplinaires, culturelles et historiques, notamment en matière d’histoire universelle des idées, du domaine mathématique. Durant cette semaine, se déroulent divers concours tels que les Olympiades académiques de mathématiques, le concours Kangourou (jeudi 15 mars 2018, voir le site www.mathkang.org/default.html) mais également les rallyes mathématiques des IREM et le concours Al-Kindi, créé depuis peu, sur le cryptage et la cryptanalyse à destination des 4e, 3e et 2de.
 http://concours-alkindi.fr/home.html

Spectacles

Very math trip, la Showference
Ce « one-math-show » basé sur l’histoire des mathématiques racontée sous la forme d’une conférence théâtralisée, est réalisé par Emmanuel Houdart, le directeur de la Maison des Maths de Belgique. Proposé pour des élèves à partir de 14 ans, le spectacle tournera en France en 2018, des représentations scolaires sont possibles.  http://maisonculturellequaregnon.be/evenements/showference-very-math-trip/

L’association Piday composée de doctorants en mathématiques propose chaque année à Paris, Lyon et Marseille des représentations gratuites de leur spectacle musical « From Marseille to Vegas » centré sur la notion de hasard en mathématique à l’occasion de la journée anniversaire de Pi autour de la date du 14 mars.  www.piday.fr

Affiches de la tournée 2017 du spectacle de l’association Piday.

L’Île logique est une compagnie théâtrale qui propose plusieurs spectacles où les mathématiques et la logique se mêlent au registre absurde ou loufoque pour faire réfléchir le spectateur et vulgariser la culture scientifique. On peut citer notamment « L’affaire 3,14 » ou encore « Galois Poincarré : mythes et maths ». Basée en Bretagne, la compagnie se déplace néanmoins dans toute la France pour des représentations auprès des scolaires.  www.ilelogique.fr

Compagnie l’Île logique.

La compagnie Les Ateliers du spectacle propose des représentations autour du raisonnement mathématique, notamment la pièce « Le t de n – 1 » ou encore « L’apéro mathématique ».  www.ateliers-du-spectacle.org

Le conteur Philippe Berthelot propose des conférences contées, notamment une série, « Histoires de sciences », qui raconte les circonstances des grandes découvertes scientifiques, techniques et mathématiques.
 www.philippe-berthelot-conteur.com

La pièce de théâtre « Lettres de la 4e dimension » montée par des doctorants de l’ENS Lyon, Olga Romaskevich et Marie Lhuissier, offre des possibilités de représentations scolaires : cette pièce met en scène Alicia Boole, qui à la fin du XIXe siècle, sans aucune formation universitaire, réussit à classifier les polyèdres réguliers de la 4e dimension.  http://fetedelascience.ens-lyon.fr/lettres-de-la-quatrieme-dimension-318928.kjsp

Pistes pédagogiques

• À l’occasion de la fête de la science en octobre ou de la semaine des Mathématiques en mars, créer un temps fort dans l’établissement en proposant une sélection de ressources (livres documentaires, fictions, revue de presse), une exposition de panneaux documentaires réalisés par les élèves ou une exposition itinérante qui retrace l’histoire des maths, et un concours de résolution d’énigmes mathématiques (une énigme par jour correspondant à des périodes différentes de l’Histoire).

• Les projets interdisciplinaires peuvent être nombreux sur cette thématique, par exemple un EPI alliant géométrie, histoire et arts plastiques avec des recherches en Histoire des Arts sur l’évolution de la perspective, les utilisations graphiques des maths dans l’art contemporain ou l’architecture, se terminant par une exposition des travaux réalisés par les élèves.

• La cryptographie peut également être exploitée, en prenant par exemple comme support l’analyse des différents codes secrets et leur utilisation historique, et en réalisant dans le CDI une chaîne d’énigmes avec divers codes logiques à casser, renvoyant chacun vers un nouveau livre, détenant un autre code… On peut même imaginer faire réaliser par les élèves un escape game géant dans le CDI à destination des autres classes, nécessitant de créer des cryptages, des chaînes et des codes à résoudre qui retraceraient les différentes étapes de l’histoire des mathématiques.

• En éducation aux médias, la manipulation possible des statistiques et des données chiffrées peut donner lieu à une séquence interdisciplinaire maths/Documentation/EMC : faire réaliser aux élèves des sondages orientés, déceler les erreurs d’interprétation dans les médias autour des pourcentages, montrer les corrélations fallacieuses dans les graphiques et aborder la manipulation des chiffres à des fins de propagande dans les régimes dictatoriaux.

Ressources numériques

CultureMath est un site de ressources à destination des enseignants réalisé par l’ENS Paris. Très riche, il comprend une rubrique « Histoire des mathématiques » composée de nombreux dossiers classés en sous-rubriques chronologiques. Pour chaque dossier, accessible entièrement en ligne, on trouve des références aux programmes, aux niveaux et une bibliographie conséquente. Une mine d’informations à consulter sur :  http://culturemath.ens.fr/histoire-généralités-272

Le site affilié au CNRS Images des mathématiques propose de multiples dossiers thématiques et articles présentés en format blog, par ordre antéchronologique. Une rubrique dans l’onglet « Différentes mathématiques » déroule de nombreux articles sur l’histoire des mathématiques :  http://images.math.cnrs.fr/-Histoire-des-Mathematiques-.html Le niveau de difficulté des contenus est indiqué par une petite vignette très pratique : Piste verte (tout public), piste bleue (niveau 3e) ; piste rouge (niveau Terminale S) ; piste noire (niveau supérieur) ; hors-piste (niveau masters). Tous les articles sont rédigés par des chercheurs mais se veulent accessibles au plus grand nombre dans un but de vulgarisation de la culture mathématique.

Maths et tiques
Ce site très complet et rigoureux est réalisé par un professeur de mathématiques de l’académie de Strasbourg, Yvan Monka. Sa rubrique consacrée à l’histoire des mathématiques est une vraie mine d’informations, très riche, classée par grands domaines tels que « Nombres » ; « Nombres remarquables » ; « Géométrie » ; « Algèbre » ; « grands mathématiciens » avec une frise chronologique et des cartes géographiques ; et « Problèmes historiques ».  www.maths-et-tiques.fr/index.php/histoire-des-maths-53
On peut également y retrouver une sitographie très complète qui permet de lister de nombreux sites web dédiés à l’histoire des maths.  www.maths-et-tiques.fr/index.php/sites/pour-se-detendre

Brèves de Maths, mathématiques de la Planète Terre
Ce site réalisé par des universitaires correspond à un projet mené en 2013 et a vu l’écriture d’un article court par jour consacré aux applications mathématiques dans les grands domaines scientifiques tels que la géologie, l’astronomie, la météorologie ou encore la biologie. Il comprend également une partie « Histoire et portraits » qui rassemble des articles illustrés apportant des informations sur l’histoire des mathématiques et sur les biographies des mathématiciens. L’ensemble a été édité chez Nouveau Monde
  www.breves-de-maths.fr/category/toutes-les-breves/histoire-portraits/histoire-2

Universcience.tv
Sur le site de la Webtv qui diffuse des courtes émissions hebdomadaires sur les grands domaines scientifiques, on trouve une rubrique « Histoire des sciences » qui regroupe plusieurs vidéos synthétiques et pédagogiques sur l’histoire des maths. www.universcience.tv/categorie-histoire-des-sciences-7.html

Portail Eduscol, la page sur les mathématiques donne accès à de nombreuses ressources pédagogiques, des liens vers des articles, des vidéos sur les grands mathématiciens, les actualités des événements, concours et animations autour des maths.  http://eduscol.education.fr/maths

LittéraMath et PubliMath
Base de données bibliographiques réalisée par l’APMEP, l’ADIREM (Assemblée des Directeurs des IREM) et l’ARDEM (Association pour la recherche en Didactique des mathématiques) qui permet d’accéder en recherches simple ou avancée aux références de tous les documents parus sur les mathématiques et leur enseignement   http://publimath.univ-irem.fr/avancee.php?litt=on&t=

Mathix
Blog de deux professeurs de mathématiques : des sélections de ressources (vidéos en ligne, livres, articles) et une frise chronologique qui liste les grands mathématiciens.  https://mathix.org/linux/histoire-des-maths

Sur le site Interstices dédié aux sciences du numérique, on trouve une rubrique consacrée à l’histoire de l’informatique qui recoupe celle des mathématiques contemporaines (« C’était hier : l’histoire d’une science récente ») : les articles écrits par des universitaires à des fins de vulgarisation sont accompagnés d’une indication du niveau de lecture bien utile.  https://interstices.info/jcms/jalios_5003/c-etait-hier

Chronomaths
Ce site réalisé par un professeur de mathématiques retraité est très complet et cite des sources fiables. On peut y rechercher des mathématiciens ou des théorèmes par ordre alphabétique ou chronologique, mais aussi par zone géographique. Pour chaque thème, de nombreux exercices niveaux collège, lycée et enseignement supérieur. Les scans des textes mathématiques sont tirés de Gallica et chaque partie est accompagnée de références bibliographiques.   http://serge.mehl.free.fr/

Revues spécialisées

Cosinus, revue mensuelle pour les 12-16 ans spécialisée dans le domaine des mathématiques et des sciences, éditée par Faton Jeunesse. De nombreux numéros traitent des mathématiques sous un angle historique à l’instar du n°196 intitulé « Pythagore : du théorème à la philosophie » (septembre 2017).  www.cosinus-mag.com/numero-196/pythagore-theoreme-a-philosophie/pythagore.43733.php#article_43733

Tangente
Tout comme le n°139 « Mathématiques arabes » ou encore le n°145 « Les maths au service de l’Histoire », cette revue bimestrielle qui s’adresse plutôt aux lycéens, est spécialisée dans le domaine de la culture mathématique et des jeux de l’esprit.
 www.poleditions.com/pole/publications.php?collection=Tangente

Il existe également des hors-séries qui développent un dossier de façon plus exhaustive. On peut citer deux hors-séries consacrés entièrement à l’histoire des mathématiques : « Mille ans d’histoire des mathématiques », Tangente, HS n°10, Pole, Paris, 2005 ; et « Histoire des mathématiques de l’Antiquité à l’an Mil », Tangente, HS n°30, Pole, Paris, 2007.
Une variante de la revue tout spécialement destinée aux professeurs de mathématiques est également disponible en périodicité trimestrielle, intitulée Tangente éducation.
 www.tangente-education.com

Quadrature (sous-titrée « magazine de mathématiques pures et épicées ») Cette revue trimestrielle qui s’adresse plutôt aux enseignants, aux étudiants ou à des lycéens de Terminale scientifique, comprend des dossiers, une rubrique sur les controverses en lien avec des théories mathématiques, un questionnement sur les textes majeurs des mathématiciens au cours de l’Histoire, etc.
 www.quadrature.info

PLOT
Partager, Lire, Ouvrir, Transmettre, est une revue publiée quatre fois par an par l’APMEP propose dans chaque numéro une rubrique sur l’histoire des mathématiques. À partir de 2018, cette revue devrait s’intituler « Au fil des maths : le bulletin de l’APMEP ».
 www.apmep.fr/Sommaire-de-PLOT-no59-3eme

On peut également citer deux revues spécialisées en didactique des mathématiques, à destination des enseignants, réalisées par l’IREM de Grenoble. La première, Grand N, s’adresse aux professeurs des écoles ; la seconde Petit x se destine aux professeurs de mathématiques du second degré :
 www-irem.ujf-grenoble.fr/spip/spip.php?rubrique12

Prix Littéraires

Titre de la sélection
2018 du prix
La racine des mots
est-elle carrée ?

La racine des mots est-elle carrée ?
Ce prix littéraire autour des fictions (romans, théâtre, BD…) ayant trait aux mathématiques a été créé par des enseignants du lycée Jean Monet de Montpellier. Il est depuis plusieurs années ouvert aux classes de lycéens de toute la France. La sélection annuelle de cinq livres donne lieu à un vote début mars et à des activités pédagogiques autour des ouvrages choisis. Ce sont de bonnes références à acquérir au CDI car ils permettent d’aborder de manière attractive les mathématiques et leur histoire par le biais de la fiction.  https://laracinedesmotsestellecarree.com/

Bulles au carré
À l’initiative des membres d’Images des mathématiques du CNRS, ce concours de bande dessinée à destination des collégiens et des lycéens, qui se clôture chaque année fin janvier, invite les élèves à dessiner des BD sur un thème lié aux mathématiques. L’édition 2018 a pour thème « Maths et polar » et propose pour piste, entre autres, de dessiner un épisode de l’histoire des maths raconté à la manière d’un polar. Ce concours peut servir de contexte à de nombreuses activités pédagogiques.
 http://images.math.cnrs.fr/7e-concours-Bulles-au-carre-Maths-et-Polar.html

Sélection Le goût des sciences (fête de la science). Ce prix littéraire scientifique organisé par le ministère de l’Enseignement supérieur distingue les meilleures publications de médiation scientifique dans deux catégories : le livre scientifique et le livre scientifique jeunesse. Le jury composé d’universitaires donne les gagnants pendant la Fête de la Science en octobre. La sélection comporte des livres documentaires sur tous les domaines scientifiques et constitue donc une bonne liste d’acquisitions pour les CDI pour enrichir le rayon Mathématiques, mais aussi Sciences Physiques, Biologie ou encore Astronomie.  www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/pid24849-cid58150/le-gout-des-sciences-un-prix-de-reference-pour-les-livres-scientifiques.html

Sitographie

France tv éducation : « Petits contes mathématiques » Cette série pédagogique de courtes vidéos accessibles aux enseignants inscrits gratuitement sur le site France tv éducation et également sur la web tv Universciences, retrace l’histoire des maths à travers la découverte d’une notion, d’une formule, d’une conjecture ou d’une équation, par exemple la découverte des nombres premiers, du zéro, du théorèmes de Pythagore, etc. Réalisées par Clémence Gandillot et Aurélien Rocland, les vidéos sont accompagnées d’animations dessinées sympathiques, pleines d’humour et de bon sens, très utiles pour expliquer l’histoire des mathématiques aux collégiens.  http://education.francetv.fr/matiere/mathematiques/quatrieme/programme/petits-contes-mathematiques

Chaînes YouTube :

Une brève histoire des mathématiques
(8 minutes) posté par Yvan Monka : le professeur d’Histoire-Géographie, J.-F. Tavernier, de l’académie de Strasbourg nous propose, cartes à l’appui, une présentation synthétique de l’histoire des maths depuis l’Antiquité jusqu’à aujourd’hui.  https://www.youtube.com/watch?v=hbq6MQel3MY&feature=youtu.be

Le site Micmaths de Mickaël Launay (l’auteur du Grand roman des maths) regroupe toutes ses petites vidéos didactiques et amusantes, également visibles sur YouTube  www.youtube.com/micmaths. Il y aborde de nombreuses notions mathématiques avec des mises en perspective historiques et des exemples tirés de la vie quotidienne.
 www.micmaths.com/

Dans la chaîne E-penser de Bruce Benamran, une série de 8 vidéos à l’humour caustique sont consacrées à l’histoire des sciences, intitulée « La preuve par vieux : l’histoire des sciences et des scientifiques ». On y trouve notamment une vidéo sur Alan Turing et Enigma, une autre sur Eratosthène et la mesure de la Terre, ou encore sur Heisenberg et le principe d’incertitude.  www.youtube.com/playlist?list=PLGPWPtcc-r80Bw3WaPBGYQ2yMn3lzcUXY

Sur la chaîne de Fermat Science, sont disponibles de nombreuses vidéos intitulées « Voyage en mathématique » où de célèbres mathématiciens et mathématiciennes contemporains relatent des épisodes de l’histoire des maths et font des focus sur des mathématiciens des siècles passés 
 www.youtube.com/channel/UCt2Tzl1Nr-mZxmALIYGxMsg/videos

Veille numérique 2018 N°1

Éducation

IA pour l’éducation

Les projets CoachElève (diagnostic et conseils pour le parcours des élèves) et AssistProf (avancement de la classe et suivi des élèves) seront développés dans le cadre du programme Entrepreneur d’Intérêt Général 2018. Ces outils pédagogiques reposeront sur l’intelligence artificielle.

Veyon 4 Le logiciel de gestion

de salle de cours informatisé Veyon succède à Italc. Peu de changements : l’interface du poste du professeur est plus simple d’utilisation, l’installation du logiciel est plus rapide, la configuration est plus complexe, enfin, le logiciel plante moins souvent.

Audio et vidéo numériques

MP3 chez Wikimedia

Les sites Wikimedias n’utilisent que des formats audio open source (wav, midi…) conformément à la politique de la Wikimedia Foundation depuis 2009, dont les contenus sont tous sous licence Creative Commons. Suite à la tombée du MP3 dans le domaine public, la médiathèque de sons et images Wikimedia Commons a annoncé la prise en compte de ce format avec bien entendu des musiques libres de droit.

X-Files en livre audio

Mulder et Scully reprennent du service avec de nouveaux épisodes en version livre audio de la série X-files. Cinq épisodes inédits, en français, sont proposés par Audible. La vérité est ailleurs !

Wattpad Raccoon

Le site de rédaction, publication et lecture de fanfictions se diversifie avec une application vidéo destinée à raconter des histoires courtes face à la caméra. Selon l’un des fondateurs de Wattpad, Ivan Yuen, « L’objectif de Raccoon est de proposer de vraies histoires racontées par de véritables personnes ». Un concurrent de plus pour Snapchat et YouTube !

Lecture numérique

Diderot et d’Alembert sur Internet

L’Encyclopédie de Diderot, d’Alembert et Jaucourt est consultable en version numérique sur le site du projet ENCCRE (Édition Numérique Collaborative et CRitique de l’Encyclopédie). Cette version collaborative est enrichie par des notes et critiques de chercheurs, une transcription, des liens vers les planches d’illustration et des renvois entre articles. Ce travail a été conçu à partir du premier exemplaire (28 vols) détenu par la bibliothèque Mazarine.

YouScribe en Afrique

Organisé par AFD, French Tech et Bpifrance, le concours Digital Africa a récompensé la bibliothèque numérique YouScribe qui promeut la lecture en langue française dans le monde. Accessible sur PC, tablette et mobile, YouScribe est particulièrement présent en Afrique grâce à des partenariats avec des États, des entreprises et des ONG qui misent sur l’EdTech. De plus, la société est impliquée dans des programmes tels que « lecture pour tous » dans plusieurs pays d’Afrique ou « Un pour Un » dans le monde entier, lesquels favorisent l’accès à la lecture de ceux qui en sont le plus éloignés pour des raisons économiques.

Manuscrits médiévaux numérisés par la BnF

La British Library et la Bibliothèque nationale de France se sont associées avec l’aide de la Fondation Polonsky afin de numériser 800 manuscrits médiévaux (700-1200) d’ici fin 2018. Les ouvrages sélectionnés : des textes religieux (notamment bibles, évangiles et poèmes), des traités de musique et d’astronomie. À consulter via Gallica.

Google comic strips

Google lance une application gratuite qui convertit les petites vidéos en comic strips. Cette application est téléchargeable sur le site internet Product Hunt, uniquement pour l’OS Android. Actuellement, la BD obtenue n’est pas modifiable. Cet outil contient un potentiel intéressant à condition que l’on puisse, à terme, choisir les images à placer dans les cases, leur taille et leur disposition, rédiger des bulles et des légendes. Dans l’attente que cette application évolue… gratuitement.

Des contes d’épouvante par une IA

Le Massachusetts Institute of Technology a développé l’intelligence artificielle Shelley, dont la vocation est d’écrire des histoires d’horreur. L’IA s’inspire des récits terrifiants rédigés par les membres du site Reddit dans la rubrique Nosleep puis les finalise en interagissant avec les internautes. Actuellement, Shelley ne s’exprime qu’en anglais.

Harry Potter écrit par une IA

Harry Potter et le Portrait de ce qui ressemblait à un gros tas de cendres est une œuvre réalisée par Botnik Studios. Ce n’est pas un énième volet de la saga Harry Potter, mais plutôt le résultat de la collaboration entre un humain et une IA basée sur les sept tomes de J. K. Rowling.

Wattpad payant

Si vous voulez supprimer les publicités sur Wattpad, il faudra passer à la caisse avec la version premium. La lecture, l’écriture et la publication restent en libre accès. Disponible en Amérique du nord, cette option va bientôt être proposée dans d’autres pays. Espérons que la version gratuite ne soit pas submergée de publicités invasives…

Droit et données personnelles

Protection des internautes

Trois décrets publiés en septembre 2017 encadrent la protection des usagers sur Internet. Ils visent l’obligation faite aux opérateurs de plateformes de mettre en ligne une charte de bonne pratique (en vigueur au 1/1/2019), d’informer sur le traitement des avis de consommateurs, le référencement et le classement des sites (en vigueur au 1/1/2018).

Mails privés au travail

La grande chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a considéré le 5 septembre 2017 la surveillance de mails privés contraire à l’article 8 de La Convention européenne des droits de l’homme, quel que soit le règlement intérieur d’une entreprise. Pour rappel, la même Cour avait estimé en janvier 2016 cette surveillance « raisonnable dans le contexte d’une procédure disciplinaire ». Un revirement qui vise à lancer un message fort aux employeurs tentés par le marché très prospère des logiciels espions.

Refroidissement social sur internet !

Selon le chercheur néerlandais, Tijman Shep, les internautes prennent conscience de l’incidence de l’e-réputation sur leur quotidien. De plus, les révélations d’Edward Snowden sur la surveillance de masse de la NSA rendent les usagers méfiants et les incitent à l’autocensure. Ce phénomène de social cooling en référence au réchauffement climatique (global warming) modifie notre degré de liberté d’expression sur Internet.

Sécurité informatique

Détection de visage par Google

Google travaille sur la mise au point d’un détecteur de visage afin de permettre aux utilisateurs de smartphones de repérer les indélicats qui lisent discrètement par dessus leur épaule. Le «E-screen protector» captera la présence d’un intrus, ouvrira l’appareil photo de votre téléphone, fermera votre messagerie et affichera le visage de l’indésirable…Big brother is watching you.

Thales et Gemalto

Le groupe Thales actif dans de nombreux domaines (aéronautique, espace, électronique, transport, sécurité, défense) rachète Gemalto, spécialisé dans les cartes à puce. Objectif : créer un géant de la sécurité numérique capable de rivaliser avec Symantec et Idemia. Deux projets phares en cours : l’Internet des objets connectés et les cartes à puces, dont la sécurité serait dématérialisée.

Haven, l’outil de surveillance mobile d’Edward Snowden

L’application Haven utilise l’ensemble des capteurs d’un smartphone (son, lumière, mouvement) afin de sécuriser l’usage de ces appareils en détectant des utilisations ou présences suspectes. Elle a été créée pour protéger des personnes bien précises : journalistes d’investigation, défenseurs des droits de l’homme, personnes menacées de disparition mais aussi pour préserver les informations détenues par
ces mêmes personnes. Cet outil ne s’adresse donc pas au grand public, mais il est fort probable, vu son potentiel, que de nombreux internautes s’en servent pour des raisons plus prosaïques, voire moins nobles.

Système d’exploitation et moteur de recherche

Google passe au mobile-first

En 2018, le moteur de recherche met l’accent sur l’indexation des sites web version mobile. Le « mobile-first indexing » favorisera les sites au contenu adapté aux smartphones. Par contre, aucune conséquence notable concernant le classement des sites internet adaptatifs, dont le contenu est similaire sur écran de bureau et téléphone mobile, selon Google.

Gmail connectée à Cortana

Les utilisateurs de Windows 10 peuvent dorénavant connecter leur compte Gmail à l’assistante virtuelle Cortana de Microsoft. Vous pouvez accéder à vos contacts et à votre agenda en ajoutant Gmail dans les « Services connectés » du carnet de notes de Cortana.

Technologie et objets connectés

MP3 libre de droit

Standard des fichiers musicaux chez les utilisateurs, le MP3 est tombé dans le domaine public en avril 2017 car les derniers brevets portant sur les outils de compression mp3 sont arrivés à expiration.

Salon IFA

Le salon high tech de Berlin a présenté les nouveautés électroniques de la rentrée. On y trouve pêle mêle : l’imprimante 3D couleur grand public, le radiateur à eau intelligent grâce à des vannes connectées, les écouteurs sans fil à atténuation de bruit ambiant, la télévision 8K et une petite caméra d’action haute résolution.

No future…

Facebook achète TBH

L’application anonyme To Be Honest est une messagerie qui propose aux utilisateurs des questions
qui se veulent uniquement bienveillantes (Ex : qui est le plus intelligent ?). Parmi quatre personnes choisies au hasard dans le carnet d’adresses de l’utilisateur, une seule doit être sélectionnée pour l’envoi de ce message anonyme mais forcément positif, à rebours de toutes les applis anonymes très souvent utilisées à des fins malveillantes ces dernières années. Très populaire chez les adolescents, disponible uniquement aux USA, cette application « neuneu » qui a d’ailleurs été rachetée par Facebook et sa fameuse unique option « j’aime », sera bientôt présente dans nos cours de récréation…pour développer l’esprit critique !

Les logiciels espions

Le marché des logiciels espions grand public est en pleine expansion en France bien que la loi encadre rigoureusement ce genre de pratique. Des sociétés basées à l’étranger revendiquent un nombre important de clients français ! Les logiciels s’installent soit sur les ordinateurs, soit sur les smartphones. Néanmoins, les mesures de sécurité de plus en plus performantes des OS conduiront sans doute à terme à la disparition de ce marché florissant, mais douteux.

Prédire le crime : Hunchlab vs Predvol

Ces outils de police prédictive ont été présentés par la Police et la Gendarmerie nationales lors d’un colloque à l’Institut national des hautes études sur la sécurité et la justice. Hunchlab serait « un logiciel de gestion de patrouille de police proactif », c’est-à-dire une police prédictive responsable où l’être humain interagit avec la machine. Predvol, expérimenté dans l’Oise, est une application qui permet d’analyser la délinquance commise sur les véhicules avec une représentation cartographique prévisionnelle à la semaine. Les citoyens peuvent dormir tranquille, les robots veillent.

Messages numériques vers la constellation Petit Chien

Solar Calling en collaboration avec les chercheurs du METI (Messaging ExtraTerrestrial Intelligence) et le IEEC (Institute of Space Studies of Catalonia) ont envoyé en octobre 2017 des tutoriels mathématiques ainsi que des chansons en direction de l’exoplanète GJ273b de la constellation Canis Minor qui contient de l’eau, c’est à dire potentiellement de la vie extraterrestre ! Certains scientifiques (SETI, notamment) ne sont pas favorables à ces contacts arguant que la vie extraterrestre n’est pas forcément bienveillante. Réponse éventuelle attendue d’ici 25 ans…

Les représentations du sport au féminin

S’affranchir des difficultés

Les récits retenus pour ce corpus proposent diverses ramifications autour du thème du sport, mais nombre d’entre eux se retrouvent autour de ce point commun. Souvent, le personnage principal, en l’occurrence féminin, s’implique dans une pratique sportive pour s’extraire de conditions de vie difficiles.
Une situation sociale marquée par une certaine précarité est notamment une bonne raison pour ces filles et jeunes femmes de faire de l’entraînement et de la compétition un véritable projet de vie. Ainsi, dans le roman Angélique boxe de Richard Couaillet, Angélique vit dans les cités minières du Nord de la France. Depuis le décès de sa mère et l’internement de son père, elle s’investit dans ce sport de combat pour ne plus avoir à subir passivement les difficultés qui parsèment son existence, avec la ferme intention de « boxer la mort […] et boxer la vie ». De son côté, dans La Gazelle d’Hubert Ben Kemoun, la forme narrative épouse le rythme de la réflexion de Valérie au fil des kilomètres du marathon de Buenos Aires, au long desquels elle pense notamment à sa situation familiale, plus précisément à sa mère ouvrière sans emploi et à son père, qu’elle ne connaît pas. Le parallèle entre le récit et la course révèle un objectif commun pour l’athlète : assurer son avenir par le dépassement de soi et la victoire finale. De même, Point décisif de Florence Aubry relate l’histoire de Lilly, une joueuse de tennis dans l’entraînement de laquelle s’investit son père au chômage ; ou encore La Seule Chose qui compte vraiment de Nathalie Somers nous présente Lise, qui grandit sans père et qui vit avec une mère qui ne s’occupe pas d’elle. À son tour Bliss, l’héroïne de Shauna Cross, tente également de se libérer d’un environnement qui ne lui convient pas, elle qui vit dans une ville reculée du Texas, travaille au Bistrot du Groin et se voit affublée d’une mère férue de concours de beauté alors qu’elle aime se teindre les cheveux en bleu, écouter de la musique punk-rock et rêve d’aventures underground ! C’est alors qu’elle découvre le roller derby…
Dans un autre registre et dans une autre région du monde, la position de Farrukh illustre cette fois-ci l’opportunité que représente le sport pour une enfant face à une oppression qui lui est culturellement imposée. Son pays, l’Afghanistan, autorise de manière traditionnelle les familles qui n’ont pas de garçon à élever l’une de leur fille comme tel. Ce sont les Bacha Posh. Charlotte Erlih met donc ici en scène le/la jeune Farrukh qui s’épanouit grâce à sa passion pour l’aviron, et dont le rêve est de qualifier son équipe pour les Jeux Olympiques. Bien entendu, le récit se déroule au moment crucial de l’arrivée de sa puberté, l’obligeant à réintégrer sa condition féminine et à subir de nouveau toutes les restrictions et brimades qui y sont liées. Privée de la liberté dont jouissent les garçons, la jeune Afghane est automatiquement privée d’une quelconque pratique sportive et est exclue de l’équipe d’aviron.
Le sport peut également être un moyen de surpasser un handicap ou de mieux vivre avec. Tara, la boxeuse de Mon plus grand combat de Flo Jallier, commence l’entraînement à 7 ans malgré son asthme lui interdisant normalement toute activité sportive ; tandis qu’Elina, dans La Vitesse sur la peau de Fanny Chiarello, qui a perdu la parole à la suite du décès de sa mère dans un accident de voiture, se met à courir par hasard, trouvant là un moyen d’expression et de soulagement. Enfin, Jodi, l’athlète de Filer droit de Michael Coleman, est aveugle. Elle court avec Luke, un jeune délinquant qui, pour échapper à une condamnation pour vol et à un séjour en centre de détention, se voit contraint par le juge d’accompagner la jeune fille dans ses entraînements de course à pied. Si le thème principal de ce roman est la réinsertion et le droit à une seconde chance après un délit, le contexte choisit par l’auteur n’est pas anodin. Jodi, dont le rêve est de participer aux Jeux Olympiques de Londres, court avant tout « pour être aussi normale que possible. »

Sport et souffrance

Toutefois, ces romans n’ont pas pour seul objectif de démontrer les bienfaits du sport au féminin. Certains d’entre eux s’attachent aussi à pointer les difficultés inhérentes à une pratique parfois intensive. Les blessures, les attentes de l’entourage ou encore la pression de la compétition sont autant de facteurs à ne pas négliger.
Trois récits concernent justement les blessures et les conséquences sur la vie des athlètes. De nos propres ailes de Kinga Wyrzykowska, dont nous reparlerons plus loin, prend comme point de départ la blessure de Tina, l’une des joueuses de l’équipe de volley-ball, alors qu’elle célébrait leur victoire en Coupe de France. Cette dernière se voit ainsi privée d’une participation lors de la finale internationale. Flo Jallier, pour sa part, relate dans Mon plus grand combat la période suivant le premier KO subi par Tara. Après trois jours de coma, la boxeuse remet en question sa vie, dont chaque aspect tournait autour de la pratique de son sport. Elle croise notamment le chemin d’un homme de ménage philosophe, dont la rencontre l’invite à réfléchir à la tournure qu’elle souhaite donner à son existence. D’une autre manière, Bonnie, la protagoniste de Plongeon de haut vol, s’éloigne aussi de son sport à la suite d’une blessure. Bien que sans gravité, celle-ci entraîne un changement radical dans la manière qu’aura la jeune fille de considérer son investissement. Cette épreuve survenant au moment même où le passage de l’adolescence à l’âge adulte l’oblige à s’interroger réellement sur son avenir, Bonnie en profite pour s’aménager un temps hors du plongeoir et du bassin, dans le but de réévaluer ses priorités.
Dans La Seule Chose qui compte vraiment, Nathalie Somers s’intéresse au corps de l’athlète sous l’angle de l’adolescence. Championne de gymnastique, rêvant encore une fois du titre olympique, Lise voit son ambition se confronter aux changements corporels liés à son âge, alors qu’elle échoue à se qualifier pour le championnat de France. L’auteure pointe ici les difficultés à se remettre d’un tel échec et cherche avant tout à montrer à ses lectrices et lecteurs qu’il est toujours possible de rebondir dans un autre domaine – en l’occurrence l’escrime, sport grâce auquel Lise va retrouver confiance en elle.
Enfin, La Petite Communiste qui ne souriait jamais de Lola Lafon, Prix Femina 2014, est un roman hybride autour de l’icône de gymnastique Nadia Comaneci, championne olympique à quatorze ans en 1976 à Montréal, et est l’occasion, à travers l’exploit sportif, de faire le portrait de la Roumanie de l’époque. Mais une grande partie du roman se concentre aussi sur le formatage de l’athlète via les régimes alimentaires drastiques et les traitements hormonaux, dont l’un des objectifs est de retarder la puberté.
Au-delà des enjeux du sport liés au corps, les auteurs s’intéressent également à la pression psychologique à laquelle est soumise l’athlète. Cette problématique est souvent induite par la présence d’un entourage trop exigeant, comme le père de Tara qui, dans Mon plus grand combat, n’hésite pas à négliger le reste de sa famille pour faire de sa fille une championne, ou encore celui de la joueuse de tennis de Point décisif. Ce dernier, obsédé par la réussite de Lilly, en arrive à de tels extrêmes (empoisonnant par exemple les adversaires de sa fille) que la passion de la jeune fille pour ce sport se transforme vite en calvaire.
Certains entraîneurs ne sont pas non plus exempts de reproches. Le personnage de Jacky, l’entraîneur de Valérie dans La Gazelle, permet non seulement d’incarner les exigences extrêmes que peuvent exprimer les coachs à l’encontre de leurs athlètes, mais aussi d’aborder un fléau d’autant plus grave du milieu du sport amateur et professionnel : les agressions sexuelles, ou quand ces adultes référents profitent de leur pouvoir pour infliger des sévices à celles qui devraient être leurs protégées et qui dépendent d’eux pour réaliser leurs rêves.
Enfin, les difficultés rencontrées par ces sportives tiennent également à la question des performances. Par exemple, dans De nos propres ailes, Kinga Wyrzykowska met en scène le personnage de Gladys, remplaçante au sein de l’équipe de volley-ball, et sa difficulté à trouver sa place lorsqu’elle doit remplacer l’une des joueuses titulaires pour la finale. Dans 8 minutes de ma vie, Gilles Bornais choisit de construire son récit d’un point de vue introspectif pour aborder la question de la souffrance qu’implique le choix d’être une nageuse de haut niveau. Ainsi Alizée, dans la chambre d’appel, évoque tout un ensemble de difficultés auxquelles elle doit faire face pour exceller dans son sport : la dureté des entraînements, les blessures, le manque de motivation, la dépression face à la défaite ou encore la pression que l’on s’inflige à soi-même et celle de l’entourage.

Question de genres

Bourdieu, lorsqu’il s’intéresse au rapport entre sport et classes sociales, définit le sport comme étant un entraînement à la virilité, associant ainsi d’office la pratique sportive à la masculinité. Ce corpus s’oppose bien sûr à cette interprétation, et si le genre des personnages n’est en général pas mis en exergue dans la majorité des ouvrages, certains sont tout de même construits en partie selon cette dynamique. Bacha Posh, bien sûr, doit être cité dans cette partie, dans la mesure où il soumet aux lectrices et lecteurs une situation particulière dans un univers où filles et garçons ne sont pas égaux en droits et où un personnage reconnu comme féminin n’aurait pas été en mesure de vivre l’aventure sportive vécue par Farrukh.
Cette exception mise à part, quatre d’entre eux, sur les quatorze présentés, fonctionnent en effet sur cette dichotomie de genre dans un contexte occidental prétendument égalitaire. D’une part, les deux romans sur la boxe, Angélique boxe et Mon plus grand combat, placent leurs protagonistes dans un contexte masculin (entraîneurs, partenaires d’entraînement, pères présents dans la carrière sportive, amis). Nous retrouvons par exemple Angélique, seule fille de sa fratrie, qui utilise ses capacités pour se défendre contre les garçons à l’école. Tara, quant à elle, évolue aussi dans un milieu strictement masculin dont l’auteure du roman s’attache à montrer toute l’agressivité et la vulgarité.
D’autre part, deux textes, le roman Bliss. Métamorphose d’une fille ordinaire de Shauna Cross et le roman graphique Roller Girl de Victoria Jamieson, permettent de (re)découvrir un sport inventé par et pour les filles : le roller derby. Porté par des joueuses s’affranchissant des stéréotypes de genre qui régissent nos sociétés, ce sport fait office de combat féministe à lui tout seul. C’est ainsi que l’héroïne éponyme Bliss, en découvrant cette pratique et cet univers à part, parvient à affirmer sa véritable personnalité et à trouver sa place parmi un groupe qui lui ressemble et avec lequel elle partage les mêmes codes. De même, la jeune Agathe dans Roller Girl intègre un monde atypique qu’elle n’imaginait même pas. La nature du roman graphique permet de visualiser directement les joueuses qui se caractérisent par leurs tatouages, leurs piercings ou encore leurs cheveux (courts ou longs) colorés, et ainsi de donner à voir aux lectrices et aux lecteurs d’autres modèles de filles et de femmes que ceux qu’elles et ils ont l’habitude de voir à travers les divers médias. Par ailleurs, ces deux ouvrages mettent en avant une véritable solidarité qui fait la qualité de ce sport, lorsque les protagonistes commencent à se dépasser et à progresser au cours des entraînements, en se confrontant aux autres et en apprenant d’elles-mêmes.

Le sport féminin comme contexte

Pour finir, il faut noter l’importance que revêtent tout autant les romans qui utilisent le sport féminin comme un contexte à leur histoire. Sans aborder des problématiques de fond comme peuvent le faire les textes précédemment évoqués, ils permettent d’accorder une visibilité non négligeable aux sportives qui sont encore aujourd’hui souvent perdantes face au déséquilibre des traitements, tant médiatiques que financiers, octroyés aux versants masculins des sports.
Ainsi, nous avons déjà évoqué le roman De nos propres ailes de Kinga Wyrzykowska. Si l’enjeu sportif n’est ici pas inexistant, l’élément narratif principal concerne une enquête sur la disparition de la cagnotte mise en place pour permettre à la joueuse blessée d’accompagner son équipe lors de la finale. L’auteure évoque les tensions que créent cette situation et brosse, à travers cet événement, un portrait de l’adolescence en détaillant les différents types de personnalités des jeunes personnages.
Quant à Chasses Olympiques de Nicolas Cluzeau, pour finir, il s’agit d’un roman policier et historique dont les Jeux Olympiques de Stockholm en 1912 ne sont encore une fois qu’un élément contextuel, mettant en scène Sonia qui, bien que devant participer aux épreuves de natation dans son propre pays, saisit l’occasion de venger le meurtre de sa famille quinze ans auparavant.

Ce rapide panorama a permis de montrer la richesse des personnages de sportives en littérature, et plus particulièrement dans les récits édités à destination d’un public adolescent. Leur mise en avant participe ainsi à éclairer des athlètes souvent laissées dans l’ombre de leurs homologues masculins et à reconnaître des protagonistes abîmées par la vie, fonceuses ou en quête d’identité, auxquelles toute en chacune peut être en mesure de s’identifier.

Planche extraite de Roller Girl © 404 éditions

René Goscinny, au-delà du rire

Du 27 septembre 2017 au 4 mars 2018, le Musée d’Art et d’Histoire du judaïsme (MAHJ) présente une exposition consacrée à René Goscinny. « Comment, Goscinny, vous êtes juif ? » pourrait-on lui demander comme Louis de Funès à son chauffeur Salomon dans Rabbi Jacob. En effet, rien dans son œuvre ne laisse transparaître sa judaïté. Comme le remarque Paul Salmona, le directeur du MAHJ, « ce qui frappe précisément chez Goscinny c’est l’écart entre les origines, l’enfance, la jeunesse – profondément marquées par le cosmopolitisme juif et une existence véritablement diasporique – et une œuvre parfaitement laïque, emblématique de la France des Trente Glorieuses (…) Cette exposition retrace le parcours de celui dont l’œuvre est devenue universelle avec 500 000 000 exemplaires de livres et d’albums vendus dans le monde, traduits en 150 langues. » En voici quelques étapes…

Les mésaventures du petit René (1926-43)

René Goscinny est né à Paris, en 1926. Son père Stanislas, venu de Pologne, et sa mère Anna Beresniak, venue d’Ukraine, se marient en 1919. Stanislas Goscinny a rejoint la France, à la suite de son frère, pour terminer ses études de chimie ; Anna est la fille d’Abraham Beresniak, fondateur dans la capitale, avec son fils Léon, d’une imprimerie capable d’éditer en yiddish, hébreu, russe, polonais… (Le nom d’Astérix serait-il un hommage typographique à ce grand-père imprimeur ?) En 1928, la famille Goscinny s’installe à Buenos Aires. Son père polyglotte (il parle huit langues) a été envoyé en Argentine par la Jewish Colonization Association pour accueillir les juifs originaires d’Europe orientale. René suit ses études au Colegio francés où l’on enseigne la culture française classique. Dès août 1940, son père adhère au comité De Gaulle créé par un groupe de Français de Buenos Aires. À partir de 1941, René se lance dans la caricature : il croque dans ses carnets Mussolini, Hitler et Staline. La même année, à Paris, l’imprimerie Beresniak est aryanisée, c’est-à-dire confiée à un Français ayant prouvé qu’il n’est pas juif. En 1942, Léon et ses deux frères sont dénoncés, arrêtés par la police allemande, déportés et assassinés à Auschwitz. En décembre 1943, à quelques jours d’intervalle, René obtient son baccalauréat tandis que son père décède d’une hémorragie cérébrale, laissant sa famille dans une certaine précarité.

Ils sont fous ces Américains (1944-1951)

En 1944, pour aider sa mère qui a trouvé un emploi de secrétaire, René Goscinny travaille chez un comptable dans une fabrique de pneus puis comme dessinateur dans une agence de publicité. L’année suivante, ils partent à New York retrouver un frère d’Anna. Au cours des années qui suivent, entrecoupées par son service militaire, René cherche du travail comme dessinateur chez les éditeurs, dans les journaux ou les agences de presse. Durant cette période, il rencontre Harvey Kurtzman qui l’introduit dans un studio où des dessinateurs produisent des comics à la chaîne. Ce même Harvey Kurtzman qui, quelques années plus tard, révolutionne la bande dessinée américaine en créant le mythique magazine Mad. Basé sur la parodie, ce magazine influencera des générations de dessinateurs français de Pilote à Fluide glacial. En attendant, Harvey Kurtzman fait travailler son ami français comme illustrateur de livres pour enfants. Il dessinera quatre albums. En 1949, dans le Connecticut, Goscinny rencontre Jijé, dessinateur belge de Spirou et de Jerry Spring. En pleine Guerre froide, Jijé, inquiet de l’avancée du communisme et craignant un conflit mondial atomique, s’est installé aux États-Unis après un périple mémorable jusqu’au Mexique en compagnie de Franquin et Morris. On lira à ce sujet Gringos Locos de Yan et Schwartz chez Dupuis qui retrace cette traversée des États-Unis des trois dessinateurs dans une vieille Ford Hudson ! C’est donc grâce à Jijé que les futurs auteurs de Lucky Luke feront connaissance et pourront partager leur admiration pour John Ford. C’est également grâce à Jijé que René Goscinny rencontre Georges Troisfontaines, directeur de l’agence World Press qui travaille avec l’éditeur Dupuis. En 1951, Goscinny prend le bateau pour l’Europe et se rend dans les locaux de cette agence. Sur les conseils de Jean-Michel Charlier, futur auteur de Blueberry, il est engagé par Troisfontaines.

L’homme qui écrit plus vite que son ombre (1951-1958)

Couverture de l’édition originale, 1961 © éditions Albert René / Goscinny-Uderzo

Dans les bureaux de la World Press, Goscinny fait la connaissance d’Uderzo. Les deux hommes, l’un issu de la diaspora juive et l’autre de l’immigration italienne, sympathisent immédiatement et créent Oumpah-Pah, les aventures humoristiques d’un jeune indien de la tribu des Pieds plats. Leur bande dessinée, refusée par Spirou et les agences de presses américaines, ne sera publiée que des années plus tard dans le journal Tintin. Toujours dans les bureaux de la World Press, en 1954, Goscinny rencontre le jeune dessinateur Sempé, âgé d’une vingtaine d’années. Ensemble ils proposent une première version des Aventures du Petit Nicolas en bande dessinée au journal belge Moustique (ces planches sont rééditées pour la première fois cette année). Pour l’anecdote, Sempé trouva le nom de son personnage en voyant une publicité pour le célèbre marchand de vins sur un autobus ! À la demande du rédacteur en chef de Sud-Ouest, les aventures du Petit Nicolas et de sa chouette bande de copains seront publiées chaque semaine, le dimanche, sous la forme que nous connaissons, durant six ans avant de rejoindre Pilote. À cette époque, Goscinny, engagé par le journal Tintin, abandonne le dessin et travaille uniquement comme scénariste. Sa machine à écrire, une Royal Keystone visible à l’exposition, crépite jour et nuit pour fournir du grain à moudre à une dizaine de dessinateurs. Il écrit entre autres la série Spaghetti pour Attanasio, Strapontin pour Beck, un épisode de Jerry Spring pour Jijé, quelques gags pour Modeste et Pompon de Franquin… En 1956, Goscinny commence sa collaboration avec Morris qui jusque-là écrivait seul les scénarios de Lucky Luke. Des rails sur la prairie paraît dans Spirou et, à la fin de l’album, pour la première fois Lucky Luke s’éloigne vers le soleil couchant en fredonnant « I’m a poor lonesome cowboy… » En 1958, Morris qui se mord les doigts d’avoir tué les frères Dalton dans Hors-la-Loi demande à Goscinny de les ressusciter, ce qu’il fait dans Les Cousins Dalton où apparaissent ceux qu’il appellera « les quatre chevaliers de la bêtise : Joe, William, Jack et Averell ».

Jean-Jacques Sempé, Dessin pour Le Petit Nicolas fait du sport, 2014 © IMAV éditions / Goscinny–Sempé

Pilote, mâtin quel journal ! (1959-1973)

En 1959, Goscinny, Charlier, Uderzo et deux autres associés, lancent Pilote, le grand magazine illustré des jeunes. Le premier numéro contient les premières planches d’Astérix le Gaulois, imaginées en deux heures dans le HLM de Bobigny où Uderzo habitait. Auparavant les deux amis avaient eu l’idée d’adapter Le Roman de Renart, mais un projet concurrent les en empêcha. Astérix, lisible au deuxième degré par les parents, sort la bande dessinée du monde de l’enfance. La série devient un fait de société et s’affiche à la une de L’Express. Le journal Pilote représente, lui, une véritable révolution dans la presse jeunesse en associant bande dessinée et sujet d’actualité. Par des choix éclectiques et novateurs, cet hebdomadaire marquera l’histoire de la bande dessinée française. Dans ce premier numéro, on trouve des reportages sur la conquête spatiale, l’ascension de l’Everest et des conseils du footballeur Raymond Kopa, mais également Barbe Rouge et Les Aventures de Tanguy et Laverdure. Goscinny et Charlier devenus rédacteurs en chef recentreront le journal sur la bande dessinée. Ils ouvriront leurs portes à une nouvelle génération d’auteurs : Giraud, Cabu, Gotlib, Brétecher, Gébé, Reiser. René Goscinny possède le talent de repérer de jeunes auteurs dont il pressent le talent même si leur univers lui est incompréhensible. Il est capable d’aller contre ses goûts. Ainsi, lui, le petit juif au costume toujours impeccable accueillera Philippe Druillet, fils d’un collaborateur notoire, porteur de cuir et de bagues à tête de mort. En 1962, avec Tabary, il crée Les Aventures du calife Haroun el Poussah, d’abord pour le magazine Record puis pour Pilote sous le titre d’Iznogoud. En mai 1968, à la suite des événements, Goscinny est convoqué dans un café par une vingtaine de dessinateurs du journal, dont Giraud, Mandryka, Gotlib, Bretécher et Druillet, qui entendent faire évoluer leur statut. Il sortira de ce « procès quasi stalinien » profondément blessé et refusera à partir de ce moment de traiter directement avec les dessinateurs qu’il avait introduit dans le journal. En 1974, il quitte Pilote.

Walt Goscinny (1974-1977)

Du 4 octobre 2017 au 4 mars 2018, la Cinémathèque française rend également hommage à René Goscinny dans une exposition : Goscinny et le cinéma. Astérix, Lucky Luke et Cie. Du film Le Tracassin (1961) d’Alex Joffé dans lequel il écrit quelques gags pour Bourvil, en passant par Le Viager (1972) dont il est le scénariste jusqu’à La Ballade des Dalton (1978), l’œuvre audiovisuelle de René Goscinny se révèle particulièrement riche et protéiforme.
C’est Marcel Gotlib qui, connaissant son admiration pour le créateur de Blanche Neige et les Sept nains, lui donna cet affectueux surnom : Walt Goscinny. En effet, le panthéon cinématographique du père du Petit Nicolas est composé en premier lieu de Disney (pour lui le sommet de la perfection), puis de Laurel et Hardy (préfiguration du duo Astérix et Obélix) et de Buster Keaton. À propos de ce dernier, Goscinny racontait : « quand j’étais gosse et que j’avais de bonnes notes, mon père, pour me récompenser, m’emmenait voir Keaton. Et quand je n’étais pas sage, pour m’encourager, il m’emmenait encore voir Keaton. » Il faut ajouter une admiration sans borne pour le cinéma de John Ford et en particulier de « sa trilogie de la cavalerie » : Fort Apache, La Charge héroïque, Rio Grande. Admiration partagée avec Morris et qui nourrira Lucky Luke.
En avril 1974, le plus important studio de dessin animé de France et sans doute d’Europe ouvre ses portes : Les studios Idéfix. À sa tête, trois hommes : Georges Dargaud, Albert Uderzo et René Goscinny. Les deux auteurs qui n’ont pas apprécié l’adaptation, faite dans leur dos, d’Astérix le Gaulois (1967), entendent bien reprendre les rênes en mains. Ils embauchent à l’année (ce qui sera une erreur) une armée d’anciens collaborateurs de Georges Grimaud et s’installent dans de luxueux locaux. L’idée du premier film des studios vient d’Uderzo qui propose de transposer les douze travaux d’Hercule. Pierre Tchernia participe activement à l’écriture du scenario. Goscinny demande à la Chambre de commerce et d’industrie de Paris de créer une section cinéma d’animation en garantissant aux futurs étudiants du travail aux studios Idéfix. Cette section deviendra l’École de l’image Les Gobelins, aujourd’hui mondialement reconnue. Les 12 Travaux d’Astérix sortent en 1976 et connaissent un vif succès avec 9 millions de spectateurs. Durant de longs mois, le studio, faute de travail, tourne au ralenti jusqu’à la mise en chantier du prochain film : La Ballade des Dalton. Nourri de référence au western classique, le film rend également hommage à la comédie musicale américaine dans une légendaire scène de rêve due à l’absorption par les Dalton de champignons hallucinogènes. René Goscinny ne verra pas le film achevé. Faute d’activité et véritable gouffre financier, les studios Idéfix fermeront après ces deux films.

Le 5 novembre 1977, René Goscinny décède d’une crise cardiaque, chez son cardiologue après un test d’effort sur un vélo d’appartement. Son seul gag pas drôle ! Il avait 51 ans.
En 1978, le père du petit gaulois vif et teigneux reçoit, à titre posthume, un César d’honneur !

Autoportrait à la table à dessins, 1948 © Anne Goscinny / Institut René Goscinny.

Aborder la migration par la bande dessinée

Aborder la question migratoire par l’image permet de répondre à trois grandes questions :
Comment intéresser les élèves à l’actualité ? Comment les aider à développer des capacités d’analyse critique des images, plus particulièrement des images dessinées ? La bande dessinée de reportage est-elle un support attractif et efficace ?
Cela permet par ailleurs de mobiliser de nombreux points aux programmes et de mettre en œuvre de multiples compétences du socle commun. C’est ainsi que plusieurs actions menées par et avec les élèves du lycée professionnel Émile Zola d’Aix-en-Provence ont pu voir le jour autour de cette thématique au cours de mon année de stage, en 2016-2017.

Les programmes

Avant même de se lancer dans la construction effective d’activités pédagogiques, il était intéressant de se pencher sur les programmes de la 3e à la Terminale dans les disciplines de l’enseignement général : français, histoire/géographie et éducation morale et civique.
J’ai ainsi relevé tous les points d’entrée possibles concernant soit l’étude de l’image, soit la question migratoire.

En classe de 3e préparation professionnelle

Français : lire et comprendre des images fixes ou mobiles variées […] en fondant sa lecture sur quelques outils d’analyse simples.
Histoire : enjeux et conflits dans le monde après 1989 (nature des rivalités et des conflits dans le monde contemporain).
Géographie : l’Union européenne, un nouveau territoire de référence et d’appartenance ; la France et l’Europe dans le monde.

En classe de 2de

Français : la construction de l’information ; l’image.
Éducation morale et civique : égalité, différences, discrimination.
Géographie : les inégalités Nord / Sud.

En classe de 1re

Français : les philosophes des Lumières et le combat contre les injustices, la notion d’Humanisme ;
Géographie : les flux migratoires, les migrations internationales Nord / Sud.

En classe de Terminale

Français : identité, diversité (l’autre / la différence) ; différence de culture (doit-on renoncer à sa culture ?) ; transmission (qu’est-ce que je transmets de ma culture ?).
Géographie : l’Union Européenne et ses frontières ; l’espace Schengen.

Les compétences

Les compétences transversales, tirées du socle commun

• Des langages pour penser et communiquer : comprendre, s’exprimer en utilisant la langue française à l’oral et à l’écrit.
• Les méthodes et outils pour apprendre : coopération et réalisation de projets ; médias, démarches de recherche et de traitement de l’information (rôle de l’image).
• La formation de la personne et du citoyen : expression de la sensibilité et des opinions, respect des autres (lutter contre les préjugés et les stéréotypes, faire preuve d’empathie et de bienveillance).

Les compétences propres à l’éducation morale et civique

• Exercer sa citoyenneté dans la République française et l’Union européenne.
• Les enjeux moraux et civiques de la société de l’information (éthique, sens critique, travail en équipe).

Les compétences concernant l’éducation aux médias et à l’information

• Prélever l’information.
• Communiquer, échanger.
• Décrypter l’image, son langage, les émotions qu’elle suscite.
• Développer son esprit critique.
• S’informer, se documenter.

Bien que toutes ces compétences soient à développer par l’ensemble de l’équipe pédagogique, elles sont à mettre en perspective avec celles propres au professeur documentaliste, inscrites dans le Référentiel de compétences des enseignants de juillet 2013, où l’EMI représente la première de ses missions.

Les compétences propres au professeur documentaliste

Pour le professeur documentaliste, ce projet s’appuie en particulier sur la compétence D1 concernant la maîtrise des connaissances et des compétences propres à l’éducation aux médias et à l’information, et plus particulièrement :
• faciliter et mettre en œuvre des travaux disciplinaires ou interdisciplinaires qui font appel à la recherche et à la maîtrise de l’information ;
• accompagner la production d’un travail personnel d’un élève ou d’un groupe d’élèves et les aider dans leur accès à l’autonomie.

La compétence D4 mentionne également que le professeur documentaliste contribue à l’ouverture de l’établissement scolaire sur son environnement éducatif, culturel, ce qu’aborder une question de société et d’actualité permet tout particulièrement.

Nous ne pouvons ainsi que constater la transversalité d’un tel projet, riche, trouvant des portes d’entrée dans les programmes de chaque niveau et permettant de développer un grand nombre de compétences.

jungle © Un an à Calais, Loup Blaster. D. R.

Les activités pédagogiques

L’ensemble des activités proposées s’attache ainsi au traitement de la question migratoire, sujet très présent dans les médias, mais toutes ne convoquent pas l’image, car je souhaitais également explorer des approches plus directes et sensibles. Ainsi, avec un panel de propositions variées, les collègues de discipline peuvent choisir de s’impliquer dans celle qui leur conviendra le mieux. Par ailleurs, proposer du « clef en main » était une manière personnelle de palier au statut de stagiaire : il est parfois un peu long de développer des liens et des collaborations au sein d’une équipe, et construire un projet proposant de travailler autour de la bande dessinée et de la thématique des migrants me tenait tout particulièrement à cœur ; ce fut donc la solution choisie pour mobiliser le plus de personnes possible. Au final, trois professeurs de lettres/histoire/géographie se sont joints au professeur documentaliste pour faire vivre ce projet qui a débuté en janvier.

Tour d’horizon

Documentaire : Australie, la solution Pacifique
Ce documentaire, proposé par la plateforme Spicee et mêlant images vidéo et images animées, traite de la solution envisagée par le gouvernement australien face à l’arrivée des migrants : il les envoie sur de petites îles du Pacifique à des milliers de kilomètres de son territoire. La partie en images animées, réalisée par Lukas Schrank, a été primée au festival international de Melbourne en 2015. Elle met en relief le témoignage d’un réfugié à l’intérieur du camp de Manaus, d’où les journalistes sont exclus. Étude, avec une classe de Terminale, du choix du réalisateur de mélanger les deux genres d’images, et de la force qui se dégage ainsi du récit.

Exposition Un an à Calais
Cette exposition est un reportage dessiné de l’artiste Loup Blaster sur la situation des migrants à Calais. Un travail en amont a permis aux élèves d’être des acteurs pleinement impliqués comme commissaires de l’exposition, de découvrir les panneaux, de préparer des cartels, d’organiser l’accrochage, le vernissage, pour une visite guidée proposée à une classe de Terminale.

Panneau de l’exposition Un an à Calais © Loup Blaster. D. R.

Correspondance
Une correspondance est proposée avec des migrants volontaires du Centre d’accueil et d’orientation de Briançon (05). Une approche plus directe, concrète et sensible d’aborder ces chemins de vie.

Jeu Parcours de migrants
Il semblait intéressant et complémentaire d’inviter des acteurs informés sur la question migratoire et engagés aux côtés des demandeurs d’asile sur le territoire d’Aix-en-Provence. C’est l’objectif de l’intervention de la Cimade-Aix, autour d’un jeu qui permet de découvrir les raisons des migrations : de la demande de visa accordée ou non, à l’arrivée dans le pays d’accueil, il faut passer par la préfecture, l’Office français pour les réfugiés et apatrides (OFPRA), déposer une demande d’asile, qui sera acceptée ou refusée.

BD et migration : un parcours de lecture
• Sélection de bandes dessinées sur le thème de l’immigration, issue du fonds du CDI (cf. encadré).
• Étude de la bande dessinée L’Étrange de Jérôme Ruillier, avec une présentation de l’auteur et de son univers (retrouvez l’analyse de ce titre paru aux éditions L’Agrume dans le Cahier des livres du n°267 d’Intercdi, p. 51) : aborder la lecture d’image par des activités de manipulation pour reconstituer le scénario de planches, par exemple. Puis, si possible, organiser une rencontre avec l’auteur-illustrateur pour échanger autour de l’autre, de la différence, thèmes qui lui sont chers et qu’il développe dans ses œuvres. Un dossier a été déposé auprès de la DAAC, suite à l’appel à projets pour le « Soutien à la structuration du parcours artistique et culturel de l’élève ».

Une revue d’actualité dessinée : Groom
L’opportunité s’est présentée de travailler avec la classe de 3e prépa-professionnelle. Or nous ne disposions que d’une seule séance et la bande dessinée de Jérôme Ruillier semblait trop complexe pour être abordée avec eux en si peu de temps. J’ai donc choisi d’étudier deux planches tirées de la revue d’actualité dessinée Groom, qui présentait dans son numéro 3 un dossier sur les migrants. Les revues qui traitent entièrement d’actualité par la bande dessinée se sont développées ces dernières années, notamment avec l’arrivée il y a deux ans de La Revue dessinée, puis de sa petite sœur Topo pour les moins de 20 ans, et enfin Groom, l’équivalent pour les collégiens.

Zoom sur deux activités

Deux séances abordaient plus précisément le traitement de la question migratoire par l’image.

Exposition Un an à Calais de Loup Blaster
Cette exposition a été gracieusement mise à notre disposition par l’association Tous migrants de Briançon (05). Une convention a été signée avec l’établissement, incluant treize panneaux et un inventaire. Il était important que les élèves s’approprient l’exposition et s’impliquent pleinement dans le projet, en d’autres termes qu’ils soient acteurs de leur apprentissage. C’est ainsi une classe de 1re gestion-administration qui a joué les commissaires d’exposition.
Cinq séances de 2h ont été nécessaires, de la présentation du projet à la visite organisée pour une classe de Terminale. Elles se sont toutes déroulées au CDI, quatre avec le professeur de lettres/histoire, et une en présence des professeurs d’arts plastiques (1h) et d’anglais (1h).

Séance 1 – Présentation du projet
Introduction sur la notion d’actualité, et sur la manière dont s’informent les élèves, leurs connaissances du sujet des migrants, sous forme de brainstorming au tableau. Puis présentation du contexte de réalisation de l’exposition, de l’artiste Loup Blaster et première découverte des panneaux.

Séances 2 et 3 – Recherches et lecture d’images
Projection de « La jungle de Calais en 1 min » afin de remettre en contexte le projet et le travail du jour.
• Les recherches : le vocabulaire difficile et spécifique (exil, xénophobie, immigrants, réfugiés…) est relevé pour être explicité ; puis production de cartels, textes courts disposés à côté des panneaux d’exposition qui en mentionnent le titre ou précisent le sens d’un terme, ainsi que les noms des pays afin d’en réaliser les fiches d’identité (Soudan, Libye, Érythrée…).
• Lecture d’images dessinées : les élèves commencent l’exploration des panneaux dans leurs spécificités, les observent, les décrivent et les interprètent. Ils se succèdent par deux, présentent un panneau pour dire, dans un premier temps, ce qu’ils voient, c’est-à-dire proposer une description objective sans interprétation. C’est ce qu’on appelle la dénotation. Ils énumèrent toutes leurs observations, le décor, les personnages, les couleurs,
le montage…
Puis ils abordent la connotation, une interprétation de l’implicite, de ce que l’image leur suggère : le jeu des émotions, les impressions, les couleurs qui se dégagent de chaque panneau, ce que l’auteur donne à voir, ses intentions : les difficultés de vie, les doutes mais aussi la culture, le partage, l’espoir.
La présence du professeur d’arts est très appréciée, car il apporte son expertise en faisant des liens avec des notions abordées en cours, notamment sur la subjectivité de l’artiste, qui utilise le « je » comme pour un journal intime ou un journal de bord.

Séance 4 – Préparation J-7
Le travail est réparti entre quatre groupes pour finaliser la préparation. Les élèves sont libres de choisir leur atelier :
– l’accrochage de l’exposition sur les grilles du CDI ;
– la réalisation des invitations (sous Word) pour l’équipe de direction et la classe de Terminale GAA, ainsi que des affiches (sous Piktochart) pour communiquer les dates de l’exposition au sein de la cité scolaire ;
– la finalisation et l’installation des cartels et des fiches d’identité des pays ;
– l’écriture du fil conducteur de la visite.

Séance 5 – Jour J
– installation du buffet ;
– répétition du fil conducteur ;
– installation d’un arbre à mots, afin de recueillir un sentiment, une émotion, une image pour définir ce que les visiteurs retiennent de l’exposition ;
– accueil et visite de la classe de Terminale GAA.

Évaluation envisagée
Les critères sont l’investissement personnel que chaque élève mobilisera au service d’un projet collectif, la capacité à coopérer, à s’organiser dans le travail de groupe et à communiquer aussi bien à l’écrit dans les productions attendues qu’à l’oral lors des visites guidées. Toutes les productions seront évaluées sur le respect des critères de forme et de fond indiqués dans les consignes.

Bilan
La séance sur la lecture des panneaux a présenté des difficultés pour au moins deux raisons. L’ouverture du CDI, occasionnant une gêne mutuelle pour les élèves qui viennent sur leur temps libre comme pour la classe qui est dérangée par les va-et-vient incessants. D’autre part, deux heures sur l’interprétation des panneaux demandent une attention soutenue, or la capacité de concentration des élèves est faible. Cela souligne un point de vigilance à retenir dans l’organisation des tâches ; je pouvais tout à fait leur proposer en deuxième heure de finaliser les cartels et les fiches d’identité des pays.
L’intérêt de proposer à cette classe d’être commissaire d’exposition était de les intéresser à une question d’actualité bien sûr, et aussi de leur apprendre à s’investir et collaborer au profit d’un projet de groupe, projet qu’ils ont baptisé « Partir d’où l’on vient » afin de se l’approprier. Suivre une classe sur plusieurs séances était porteur, pour eux comme pour moi ; j’ai ainsi pu mieux les connaître, observer la manière dont ils s’engageaient et s’impliquaient dans le projet. Les échanges étaient nombreux, certes pas toujours en relation avec nos objectifs et il nous a fallu régulièrement les ramener à la tâche demandée, dans un brouhaha constant mais révélateur d’un enthousiasme et d’une énergie positive bien que parfois débordante. Bien sûr il aura fallu recadrer, mais ils ont participé à toutes les tâches, l’accrochage, la mise en place du buffet, de l’arbre à mots.
Cette action a été valorisante pour ces élèves du lycée professionnel qui souffrent d’un manque de reconnaissance par rapport à leurs camarades du lycée général. L’accueil des Terminales s’est fait avec professionnalisme, en présence du proviseur adjoint. Pour l’occasion, ils s’étaient entendus sur le port d’une chemise blanche et d’un pantalon sombre : ils étaient tous très élégants.
Il est difficile de mesurer précisément l’impact que cette exposition sous forme de bande dessinée de reportage a pu avoir en termes d’acquis. Mais il semble que leur attitude lors de la visite guidée peut être un indicateur. Ils se sont exprimés avec clarté, alors que la répétition avait été plus laborieuse ; ils ont peu consulté leurs notes, ce qui laisse supposer qu’ils ont mémorisé, donc intégré certaines notions et définitions spécifiques.

BD d’actualité : Sawa pas être facile

Il semblait pertinent de tester une approche de l’actualité par le biais d’une revue dessinée. Le n°3 de Groom propose un dossier sur les migrants, et notamment deux planches sur le parcours de jeunes Érythréens fuyant la dictature et le service militaire obligatoire pour traverser le Soudan et la Libye avant de s’embarquer sur la Méditerranée. Tout cela non sans une pointe d’humour, malgré la situation dramatique sous-jacente. Une distanciation que permet le dessin par rapport à une photo, plus réaliste et qui peut choquer.
Déroulement de la séance
La classe de 3e prépa-professionnelle est divisée en deux groupes. Le premier est venu au CDI, la séance a été difficile : en effet, le CDI doit rester ouvert (c’est une exigence de la direction), et il est difficile de mener à bien une séance dans ces conditions. On peut s’en accommoder, mais rarement s’en satisfaire… Je me suis donc déplacée dans une salle de classe pour la séance avec le second groupe.
Après une introduction et une présentation du contexte de la séance, les élèves forment des binômes auxquels sont distribuées deux planches de bande dessinée, découpées en bandes et qu’il leur faut reconstituer. Nous vérifions ensemble le scénario, retraçant le parcours des deux personnages, grâce aux mêmes planches imprimées au format A3 qu’ils viennent disposer au tableau, validées après échanges et discussions.
Puis ils sont interrogés : de quoi parle cette histoire, où se déroule-t-elle, afin de recueillir leurs premières impressions avant de les confirmer ou non par les réponses au questionnaire distribué dans un deuxième temps (retrouvez la fiche élève sur notre site www.intercdi.org).
Les élèves colorient sur une carte d’Afrique de l’Est le pays d’origine des deux personnages et nomment le continent afin de situer le contexte géographique, puis répondent aux différentes questions pour affiner leur compréhension de l’histoire.
Nous corrigeons ensemble le questionnaire avant de faire un bilan sur les éléments à retenir et de donner un titre personnel à la bande dessinée. Cette dernière activité me permet de vérifier l’acquisition par les élèves du contenu de la séance.

Deuxième planche de la bande dessinée Sawa pas être facile © Groom n°3 / Dupuis D. R.

Bilan
La séance avec le premier groupe a largement été perturbée par le contexte d’ouverture du CDI et par les allées et venues des élèves qui viennent réviser, et n’a ainsi pas permis d’aiguiser l’intérêt des élèves.
La séance avec le second groupe s’est en revanche déroulée avec beaucoup d’échanges, d’intérêt et de questions. Ceci pour plusieurs raisons : les élèves étaient moins nombreux, présentés par leur professeur comme appliqués et investis ; l’environnement clos de la salle de classe ; une meilleure contextualisation de ma part avec une introduction sur la Semaine de la presse, la manière dont les élèves s’informent, s’intéressent à l’actualité ; un changement de mon mode d’animation, fondé uniquement sur l’interaction.
Nous partons de la vision initiale des élèves sur les migrants : des gens sans papiers, qui viennent d’autres pays, qui sont pauvres. Nous verrons leur représentation s’élargir en fin de séance.
Plus de temps a été accordé à la reconstitution du scénario, favorisant les échanges sur sa compréhension. En quelques mots, ils expriment ce qu’ils ont compris du parcours des deux personnages.
Puis nous avons exploré ensemble le questionnaire, alors que le premier groupe y avait répondu individuellement, abordant les spécificités du genre de la bande dessinée plus en détail, guidés par des questions plus directives : comment peut-on comprendre ce récit alors qu’il n’y a pas de bulles ? Comment les émotions sont-elles évoquées ? Quel est le ressort comique de la dernière bande ?
Enfin, il leur est demandé de résumer en une phrase l’essentiel de cette histoire. Dans leurs propositions, ils associent finalement bien les causes de la migration et ses conséquences, c’est-à-dire la fuite et la mise en danger : on est en danger dans son propre pays, donc on fuit  ; mais en fuyant on se met également en danger. Nous observons ainsi une bonne compréhension et restitution du phénomène migratoire.
Cette expérience était très riche : les suivre dans leurs questionnements, les voir étudier l’image en profondeur, cherchant les signes qui font sens pour un bon enchaînement du scénario : les expressions des visages, les décors des différentes situations, les couleurs (nuit / jour), les émotions exprimées par les personnages… Autant d’indices qui leur ont permis de déduire, interpréter, construire, et surtout échanger, collaborer, discuter.
La reconstitution du scénario a bien fait appel aux trois composantes spécifiques de la bande dessinée (textuelle, iconique et plastique) que les élèves ont effectivement convoquées et utilisées pour résoudre cette situation problème.
Cette séance a ainsi atteint ses objectifs, au regard des trois critères fixés pour l’évaluation : la participation orale, l’écoute et le respect de la parole de l’autre ; la prise de notes dans le support ; la reconstitution du scénario réussie. Toutefois, une deuxième séance aurait été la bienvenue afin de réinvestir les acquis, consolider et enrichir cette exploration de la question migratoire en bande dessinée.

Propositions

Cette expérience d’aborder l’actualité par la bande dessinée est vraiment riche et gagnerait bien entendu à être affinée et approfondie. Elle n’est ici qu’une première expérience avec tout ce qu’elle comporte d’imperfections, de tatonnements, d’incertitudes mais aussi d’explorations, de belles découvertes et d’échanges.
L’envisager dans le Parcours d’éducation artistique et culturelle (PEAC) de l’élève serait une bonne opportunité de lui donner un peu plus de légitimité. Il semble qu’à bien des égards le projet autour de la bande dessinée présenté ici réponde aux exigences du PEAC. Nous avons trouvé des appuis dans le socle commun de connaissances, de compétences et de culture, ainsi que dans les programmes ; le PEAC prend corps dans les enseignements, autour de projets et de partenariats avec des acteurs et institutions de la vie artistique et culturelle (DRAAC, DAAC, musées, association, artistes, auteur…), ce que nous avons modestement mis en place avec la participation à l’appel à projet de la DAAC. Nous regrettons que notre dossier n’ait pas été sélectionné, il aurait permis la rencontre avec l’auteur-illustrateur Jérôme Ruillier. Néanmoins les élèves ont rencontré une œuvre, l’exposition, s’en appropriant les codes pour apprendre à exprimer des émotions, développer un jugement critique, un vocabulaire spécifique.
Un véritable partenariat avec le professeur d’arts plastiques nous permettrait d’investir la pratique de différentes techniques d’expression, en s’inscrivant dans une démarche de création et de réflexion, en construisant par exemple une carte en collage représentant le parcours de migrants.
Un autre prolongement possible serait d’inscrire ce projet dans le Parcours citoyen de l’élève. Car en choisissant d’explorer la question migratoire, c’est bien un enjeu citoyen qui se dessine : déconstruire les idées reçues, désamorcer les peurs et développer les compétences psycho-sociales de l’élève : l’empathie, la sensibilité, le vivre ensemble et l’ouverture sur le monde. L’occasion pour les élèves d’exercer un engagement citoyen au sein de l’établissement en organisant, pendant l’exposition, une journée d’actions et de sensibilisation à l’intention de leurs camarades.

Pour repenser l’éducation aux médias et à l’information

Cependant, face à ce foisonnement de possibilités, il s’avère que sur le terrain des pratiques, et en particulier dans le cadre de l’École, l’EMI peine à s’installer dans des démarches pérennes, généralisées et denses comme le promet le projet lui-même. Bien sûr, de nombreux enseignants se sont saisis du domaine et ont trouvé des moyens efficaces et originaux de faire de l’éducation aux médias et à l’information. Mais ces cas-là ne se sont pas généralisés et restent marginaux alors même que l’EMI occupe maintenant une place dans les programmes scolaires dès le cycle 1. Ma position de formatrice de futurs enseignants du premier degré, mais aussi ponctuellement du second degré toutes disciplines confondues, me permet de constater à quel point l’EMI est encore un champ obscur pour ceux qui doivent l’appliquer.

À de très (trop) rares exceptions près, les enseignants en formation ne savent pas ce qu’est l’éducation aux médias et à l’information. Pour ceux et celles qui le savent, ils en ont une vision parfois caricaturale ou du moins limitée à des concepts flous à partir desquels il leur est bien difficile de construire des séquences pédagogiques solides. Loin de moi l’idée d’incriminer ici le corps enseignant. Au contraire, cette méconnaissance d’un champ pourtant officiellement inscrit aux programmes tient en grande partie à l’absence de formation concrète proposée aux étudiants. La formation à laquelle ils ont accès est assez représentative des mises en œuvre observées sur le terrain, c’est-à-dire des conceptions parcellaires d’un projet pourtant d’une extrême richesse. Les futurs professeurs documentalistes restent largement favorisés dans cette formation à l’EMI, et pour cause ils en sont « les maîtres d’œuvre » à l’École. Or de quoi est-il question derrière cette « culture de l’information et des médias » dont on leur demande d’assurer l’acquisition par tous les élèves ?
Ceux pour qui l’EMI n’est pas une totale découverte fortuite s’attellent à défendre l’idée selon laquelle elle a pour objectif d’inculquer un esprit critique, et cela, en particulier par l’apprentissage de la recherche d’information fiable. Il n’est évidemment pas question de revenir sur le bien-fondé de cette représentation, dont on sait qu’elle est structurante de toute démarche d’éducation à l’information. Mais est-elle suffisante pour penser une « culture de l’information et des médias » ? J’aimerais, dans cet article, m’attarder sur « les grands oubliés » de l’éducation aux médias et à l’information.
Pour cela, rappelons brièvement le mouvement ayant conduit à l’instauration d’une éducation aux médias et à l’information dans les programmes, ce qui devrait nous éclairer sur les choix thématiques qui se sont dès lors opérés. Ceci étant revu, intéressons-nous en quelques points aux démarches à mettre en place pour une éducation aux médias et à l’information qui peut traiter de tous les contenus et de tous les dispositifs médiatiques en veillant à laisser l’élève toujours au centre de ses apprentissages.

D’où vient l’EMI ?

Aujourd’hui, l’EMI conserve le caractère transversal qui caractérise les choix stratégiques faits pour l’éducation aux médias dès son apparition dans le paysage institutionnel français au début des années 1980. Elle est associée à la fois aux Enseignements Pratiques Interdisciplinaires (EPI) issus de la réforme des collèges, aux Enseignements Moraux et Civiques (EMC) valorisés par le plan du parcours citoyen, et reste un élément à mettre en place au sein des disciplines par les enseignants, avec ou sans la collaboration des professeurs documentalistes. Depuis l’apparition de leurs fonctions dans les établissements scolaires, mais aussi dans les autres lieux éducatifs que sont les bibliothèques, les centres culturels, etc., les professeurs documentalistes et autres professionnels de la documentation travaillent cette information sur les différents supports qui la conditionnent. Initialement sur le document imprimé, les mutations numériques ont conduit chacun de ces professionnels à intégrer une réflexion plus large sur les médias. Aujourd’hui explicitement identifiés pour leur rôle en EMI, c’est bien dans une perspective globale qu’ils doivent appréhender l’information. Mais cela suffit-il à faire entrer les médias dans l’école, et suivant quels enjeux ?
Nous savons que l’institutionnalisation de l’EMI tient à un double mouvement : celui de la réforme de l’éducation allant vers le sens d’acquisition de compétences transversales et socialement inscrites, par notamment les « éducations à » ; et celui d’une réaction à une situation sociale et politique complexe autour d’événements tragiques conduisant à la réaffirmation du républicanisme éducatif, par le renforcement d’une éducation à la citoyenneté notamment. L’EMI s’est donc faite porteuse des ambitions citoyennes de l’éducation scolaire, tout comme l’était historiquement l’éducation aux médias depuis son apparition (Loicq, 2011 ; Bevort, Gonnet, 2001*). Les enjeux de cette EMI sont alors essentiellement portés sur les usages « raisonnés et raisonnables » des médias numériques, notamment les réseaux sociaux numériques. Elle propose à la fois d’accompagner à une pratique citoyenne active (dont les médias sont dits être garants) et protéger contre les dérives possibles par ces moyens de communication (dont ils sont accusés d’être la cause). L’objectif de cet article n’est pas de revenir sur les (in)fondés des postulats de ces orientations politiques, mais bien de souligner les éléments manquants pour une approche riche et complète de l’EMI à l’école.
À l’heure où les politiques éducatives françaises font la part belle à l’accompagnement éducatif des pratiques médiatiques des jeunes sous cette appellation d’EMI (qui n’est par ailleurs pas sans poser problème – Loicq, Serres, 2015), il semble toujours nécessaire de faire un petit détour historique pour en comprendre les enjeux. À la rencontre de deux champs historiquement distincts (éducation aux médias et éducation à l’information – Serres, 2010), l’EMI se présente comme champ homogène alors que ce rapprochement ne va pas de soi.
L’éducation aux médias est un mouvement apparu simultanément ou presque aux médias eux-mêmes. En effet, l’apparition de chaque forme médiatique (certains remonteraient même jusqu’à l’écriture – voir Platon, 427-347 av. J.-C.) fait naître de nombreuses préoccupations éducatives chez ceux en charge des accompagnements pédagogiques des jeunes. Ces préoccupations sont largement portées par trois fonctions des médias que sont :

• La possibilité via les dispositifs médiatiques et au sein même des contenus qu’ils produisent d’être en contact avec le monde extérieur étendu (plus loin dans le temps et l’espace). On parle ici d’un « élargissement de l’horizon expérientiel de l’individu » (Mattelart, 2008 : 20) invitant à savoir se repérer au sein de cet environnement (savoir se repérer dans le flot continu d’informations, connaître et comprendre les sources, catégoriser les types de contenus, etc.).
• Se repérer au sein de cet environnement médiatique (Rieffel, 2005) signifie également avoir conscience du caractère construit de tout contenu médiatique. Si les fictions audiovisuelles ne jouent pas sur l’ambiguïté de leur genre puisqu’elles sont explicitement des narrations construites, les informations d’actualité par exemple (sous leurs diverses formes écrites, radiophoniques ou audiovisuelles) sont plus équivoques alors même qu’elles empruntent les mêmes logiques narratives (Lochard, Boyer, 1998). Aussi, c’est bien autour de la question du sens, et plus précisément des façons de « faire sens » que se structure cet environnement médiatique.
• La construction d’un environnement communicationnel médiatique et médiatisé dictant les conditions de citoyenneté qui, par extension, questionnent la capacité des individus à s’émanciper et à participer pleinement à la vie des sociétés modernes (Granjon et al., 2011). Cette idée a pu être portée par l’idée d’empowerment (souvent traduit « capacitation »). Ces deux caractéristiques de l’environnement médiatique dans lequel nous sommes immergés sont à l’origine du mouvement prônant la nécessité de développer un esprit critique.
Parallèlement à cela, l’éducation à l’information connaît également une ascension importante dans les préoccupations éducatives, autour du document comme objet et outil majeur du rapport au savoir. Cette éducation à l’information est aussi forte d’une histoire propre (Juanals, 2003) et est de surcroît associée à des professions prenant également une place de plus en plus importante dans les cadres éducatifs. L’évolution d’une « pédagogie du document » vers une « culture informationnelle » (Cordier, Loicq, 2016 ; Lehmans, 2007) montre un détachement progressif de « l’objet » et de la démarche procédurale circonscrite à un lieu (de stockage et d’accès au dit document) vers une autonomie intellectuelle face à l’information dont on sait qu’elle déborde largement les lieux de culture pour s’inscrire dans les pratiques courantes.
En effet, si le document est fondateur de l’éducation à l’information, celui-ci prend de plus en plus place dans un système organisé par les industries médiatiques. Il change alors progressivement de forme, puis de nature et n’est plus seulement cet objet que l’on cherche, mais devient protéiforme et manipulable à souhait par ceux qui le produisent, bien sûr, mais aussi par ceux qui le consomment. L’information devient alors véritablement un objet social dont il est temps de se saisir et qu’il est indispensable de comprendre dans son environnement, dans cet écosystème informationnel conditionné dans un environnement médiatique. À l’heure du passage généralisé à des formats numériques, les frontières se complexifient entre les différents usagers de ces documents et entre les documents eux-mêmes qui mutent, changent de formats et de formes (Le Crosnier, 2010). Dès lors, il apparaît indispensable d’approcher ces documents dans l’environnement médiatique qui les structure, les hiérarchise, les évalue et leur donne sens. L’éducation à l’information ne peut alors faire l’économie d’une connaissance des médias. Le professionnel en charge d’accompagner cette « maîtrise de l’information » est finalement sommé de participer à une « culture de l’information » plus englobante et moins procédurale tant les pratiques médiatiques induisent une multitude d’accès, de traitement et de production de ces dits documents.

Où va l’EMI ?

L’éducation aux médias qui s’est développée autour des médias comme objets d’étude, mais aussi comme outils, aborde également le traitement de l’information. De fait, l’information est l’unité de sens présente dans tous les contenus médiatiques. Par définition, informer (informare – donner une forme) est l’objectif originel des médias. Mais rapidement les projets d’éducation aux médias ont adopté une approche simplifiée de l’information : celle construite par un genre se définissant lui-même comme tel. L’information d’actualité, les « news », le journalisme, sont autant de mises en formes de l’information (au sens large) pour une approche éducative réduisant cette information à un genre.
Or il apparaît important de décloisonner la notion d’information du genre médiatique qui la construit comme tel. En effet, la fonction informative se trouve inhérente à tout genre médiatique puisqu’elle contribue à construire le sens du monde. Les séries télévisées, les jeux vidéo, les mangas, la télé-réalité, les magazines thématiques, les antennes de radio libres, les expositions, etc. contribuent, au même titre que l’information d’actualité, à informer le monde, à lui donner une forme « compréhensible », à produire un sens. En cela, tous ces contenus sont des objets d’études en éducation aux médias et à l’information.
Pour résumer, nous pourrions dire que l’éducation aux médias s’est spécialisée sur la forme la plus médiatique de l’information, la « news », alors que l’éducation à l’information s’est construite autour de sa forme la plus matérielle, le document.
Mais l’enjeu éducatif n’est-il pas le même ? Ne s’agit-il pas, in fine, de développer des outils de compréhension du monde à travers la façon dont les médias le structurent ?
Nous comprenons alors la nécessité, d’une part, de s’affranchir de la dichotomie artificielle information/médias, car l’information est bien inscrite dans un environnement médiatique et les médias sont dans tous les cas porteurs d’information. D’autre part, il nous apparaît nécessaire de remettre cette notion du « sens » au cœur du projet de l’EMI pour se libérer d’une approche trop souvent instrumentale, techniciste et manipulatoire visant à former à l’utilisation d’outils ou à des démarches procédurales.
Il est bien question ici d’aller au cœur de ce que les environnements médiatiques permettent : construire symboliquement le monde qui nous entoure et ainsi conditionner nos capacités d’agir en son sein. Loin d’être portée par des idées déterministes, il semble que la capacité d’agir des individus, qui modèle à son tour le fonctionnement même des médias, est inscrite dans cette démarche. L’éducation aux médias et à l’information vise donc avant tout à une prise de conscience réflexive sur nos propres pratiques, conduisant à l’analyse du rôle et de la place des médias dans nos vies quotidiennes.

Pour une EMI riche et complète

Si l’éducation aux médias et à l’information répond à des enjeux majeurs de nos sociétés modernes, c’est bien parce que les médias se sont installés dans nos quotidiens comme « prolongement des sens humains », parce qu’ils permettent de voir plus loin (dans le temps et l’espace). Cette extension possible des expériences du monde devient « problématique » dès lors qu’elle se donne comme « naturelle » alors qu’elle structure (et donc, discrimine et donne du sens). Pour le dire autrement, la catégorisation du monde ne se fait plus par la perception individuelle, mais est en partie construite par des industries médiatiques. Les contenus et dispositifs médiatiques nous permettant de nous connecter au monde et de le découvrir présentent celui-ci selon un point de vue, avec un angle donné et une catégorisation qui les chargent de sens. C’est bien là tout l’enjeu de l’éducation aux médias et à l’information que de rendre visible l’invisible en dévoilant la « non-transparence » des médias (Masterman, 1985, Masterman et Mariet, 1994). La compréhension est plus largement applicable à l’ensemble des contenus médiatiques entendus comme discours. Comprendre le sens d’un message publicitaire, c’est à la fois savoir lire une histoire (scénarisée selon les critères et conditions publicitaires), savoir interpréter une intention commerciale (la belle histoire vise à faire connaître ou faire acheter), savoir décrypter les valeurs sous-jacentes et comprendre leurs impacts sur la société, le/les groupe(s) au(x)quel(s) je me sens appartenir, et sur moi-même. Ce double mouvement allant du sens le plus évident du message
à ses sous-entendus est en parallèle inversé de la réflexion allant du macro sociétal au micro individuel. Pour cela, l’EMI doit s’atteler à plusieurs étapes indispensables pour travailler avec les élèves :
• Observer. L’observation est la première étape pour « dénaturaliser » l’environnement médiatique dans lequel nous sommes plongés et qui a tendance à s’invisibiliser, se naturaliser même. Elle concerne le micro comme le macro, questionnant à la fois des usages et contenus singuliers (un texto par exemple) et des organisations internationales (GAFAM – Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft pour ne citer qu’elles).
• Discuter. Échanger au sujet de ses pratiques, mais aussi de ses ressentis, émotions, craintes, attentes, permet de mieux saisir sa place au sein de cet environnement et de comprendre l’articulation qui se fait entre les usagers, les dispositifs et les contenus. Cela permet également d’accompagner la réflexivité pour conduire à des usages « en conscience » (plutôt que « raisonnés »).
• Comprendre. À partir des pratiques effectives des élèves, il s’agit alors de comprendre le circuit établi entre l’individu et les industries culturelles en partant du micro (je constate et comprends mes pratiques) pour aller vers le macro (je constate et comprends comment fonctionnent les industries médiatiques). Comprendre cet environnement à partir de ce qui a du sens pour moi en tant qu’usager encourage à la réflexivité et à la curiosité.
• Créer. Il ne s’agit pas ici de développer des pratiques artistiques ou de former à la créativité (si tant est que cela soit possible), mais bien d’encourager à ne plus être seulement le dernier maillon (récepteur) de la chaîne de la culture, et d’y occuper une place active à partir de ses propres pratiques. Créer, c’est d’abord observer, discuter et comprendre ses usages dès lors que ceux-ci permettent de produire des contenus qui rejoindront le grand bouillon de culture médiatique.
• Critiquer. Si les élèves sont déjà pour la plupart créateurs de contenus (de divers degrés de complexité et de différentes natures), et si cette participation médiatique est proprement articulée aux étapes précédentes (d’observation : qu’est-ce que je produis ? ; de discussion : qu’est-ce que ça m’apporte et qu’est-ce que ça fait à celui qui le reçoit ? ; de compréhension : à qui cela profite-t-il, comment cela vient-il prendre place dans l’environnement médiatique ?), alors ces créations se soumettent d’elles-mêmes à la critique, c’est-à-dire qu’elles sont jugées à l’aune de leurs mérites et leurs défauts.
Ces différentes étapes s’appliquent à absolument tous les contenus et dispositifs médiatiques : d’une chaîne Youtube à un soap opéra brésilien ; d’un blog amateur à une émission radio ; d’un magazine spécialisé à une application pour courir ; d’un moteur de recherche à un site de stockage de données, etc.
C’est bien de la diversité des pratiques que se nourrit l’EMI et c’est par elle qu’elle doit se penser. Cependant, cette diversité des pratiques n’est pas nécessairement liée à une consommation de contenus médiatiques diversifiés. On sait par exemple qu’il est nécessaire de distinguer le pluralisme « consommé » du pluralisme « offert », tant ce premier est bien moins important que ce dernier. Les études les plus récentes montrent en effet que la consommation d’informations sur Internet est plutôt redondante du fait notamment de pratiques informationnelles non diversifiées (Rebillard, 2012). De même, il apparaît que parmi la multitude de contenus culturels accessibles en ligne et la diversité de genres et de formats, ce sont souvent les plus « mainstream » qui sont les plus consommés, et que cette diversité offerte n’est encore une fois pas représentative de la moindre diversité consommée (Cicchelli et Octobre, 2017). Avoir une pratique plurielle des médias ne signifie pas nécessairement que nous sommes confrontés à une pluralité de sens, à diverses façons de représenter le monde.

L’environnement médiatique recèle encore bien des mystères pour qui souhaite l’explorer. Cette acculturation à l’environnement médiatique mériterait d’être l’objectif poursuivi par l’éducation aux médias et à l’information, qui ne peut se limiter à des démarches procédurales ou à des interrogations éthiques. La combinaison des capacités d’observation, de compréhension et de création est garante d’une prise en main complète des possibilités offertes par cet environnement.

 

Appel à contribution : Pratiques participatives

Le concept moderne de démocratie participative agite plus que jamais le débat politique et citoyen. La rencontre de l’insuffisance de la démocratie représentative et de la démocratisation des technologies du numérique invite à repenser profondément les moyens de participation de tous à l’intérêt général, l’accroissement du pouvoir d’agir – l’empowerment –, l’autonomisation et l’engagement de chacun au collectif, la formation d’un contre-pouvoir nécessaire à la société démocratique. Il s’agit de redonner au citoyen un rôle et un pouvoir d’acteur de la vie publique en faisant « tomber les murs ». Selon John Dewey, cette nécessité s’appuie sur une « citoyenneté active et informée » et sur la « formation d’un public actif, capable de déployer une capacité d’enquête et de rechercher lui-même une solution adaptée à ses problèmes »*. En ce sens, la participation citoyenne est notamment intrinsèquement liée à l’accès à l’information, et à la capacité d’en exercer une lecture critique (cf. dossier spécial sur la pensée critique in InterCDI n°268-69). Et nous touchons là du doigt le rôle, essentiel, du professeur documentaliste, et la résonance évidente de ces questions au cœur de ses pratiques ! Il n’y a d’ailleurs qu’à relire à cette lumière la circulaire de missions 2017, qui replace le professeur documentaliste au cœur de « l’équipe pédagogique » dont il partage les « missions communes » et anime les « co-enseignements ». Ses missions spécifiques en font par ailleurs un « acteur de l’ouverture de l’établissement sur son environnement éducatif, culturel et professionnel (…) en lien avec les dispositifs pédagogiques et éducatifs mis en place dans l’établissement, dans et hors du CDI ». Le professeur documentaliste se trouve ainsi posé en véritable maître d’œuvre d’une « pédagogie favorisant l’autonomie, l’initiative et le travail collaboratif des élèves, autant que la personnalisation des apprentissages, l’interdisciplinarité et l’usage des technologies de l’information et de la communication » dont le but est de « rendre l’élève acteur de ses apprentissages ». Et il s’agit bien là, à l’échelle de l’École, de la formation du futur citoyen au collectif, à une participation et une action démocratique éclairées. Il nous semble donc intéressant d’aller explorer et de nous interroger sur les pratiques participatives des lieux de formation et d’information, notamment vos CDI, qui recèlent souvent des trésors de créativité !
En effet, dans une dynamique collaborative, la posture de l’enseignant comme unique interface du savoir est abolie, et le CDI, lieu particulier au sein de l’établissement, espace tout à la fois d’enseignement, de culture, de documentation, d’information, d’ouverture, semble tout indiqué pour accueillir et nourrir la mise en oeuvre d’une pédagogie coopérative.
Les pratiques participatives peuvent revêtir des visages multiples et variés, reflets d’une pédagogie repensée au prisme de l’implication d’acteurs multiples : élèves, enseignants, équipe pédagogique au sens plus large, mais aussi parents, partenaires extérieurs… Clubs CDI, participation à la politique d’achat du fonds, projets pédagogiques transversaux et/ou hors les murs, partenariats locaux, apprentissages connectés, communs de la connaissance (cf. dossier InterCDI n°261), mutualisation des ressources et actions, médias sociaux, écriture de textes collaboratifs grâce entre autres à Framapad, logiciel en licence libre, et pourquoi pas même BiblioRemix, expérience de reconfiguration collaborative des locaux… un terreau d’une fertilité qui n’a pour limite que votre imagination ! Et InterCDI se propose, à l’occasion de son dossier spécial de rentrée, de vous ouvrir ses colonnes pour un Lab que nous espérons riche de vos expériences engagées !