Infodoclog

Aux origines du projet

Initialement utilisateur de CDIStat comme beaucoup d’entre nous pour gérer la fréquentation, notamment pour obtenir des statistiques utiles dans chaque bilan annuel, plusieurs éléments m’ont amené à développer un autre logiciel, dès 2015.

D’abord j’ai observé que CDIStat n’était plus développé, que le logiciel n’avait plus vocation à être distribué. À l’occasion d’un échange avec Bernard Cohen-Adad, son concepteur, qui a fait un travail colossal n’étant pas lui-même professeur documentaliste, j’ai glané quelques conseils et encouragements à l’aube du projet. Son programme était développé en Basic, avec un logiciel professionnel qui n’est pas accessible aisément, techniquement comme financièrement. De mon côté, j’ai commencé à travailler en C++, langage de programmation qui permet de créer des logiciels de bureautique à installer dans un système d’exploitation comme Windows et Ubuntu. Finalement, devant la difficulté pour moi de maîtriser ce langage, je me suis tourné vers les langages Web que je connaissais déjà, HTML5 et CSS3 pour l’affichage, MySQL et PHP5 pour la programmation.
C’est d’ailleurs la maîtrise de ces langages qui m’a motivé à développer ce nouveau logiciel dans un environnement web, qui permette ainsi un accès par Internet, de n’importe quel poste connecté ou dans un réseau d’établissement. Par ailleurs les langages utilisés permettent une grande souplesse pour travailler l’ergonomie, le graphisme, mais aussi pour faire évoluer efficacement les fonctionnalités selon l’expérience de chacun et selon les besoins exprimés. Enfin, même si ce peut également être le cas pour d’autres langages, ceux utilisés ici favorisent le principe de la distribution gratuite et libre en ce qu’ils peuvent être plus accessibles que d’autres, tout du moins plus faciles à expérimenter, sans nécessité de logiciels complexes. Dès le départ, la démarche d’un outil libre et disponible gratuitement était évidente, même s’il s’avère trois ans après que je travaille seul encore la programmation et répond alors aux demandes par des ajouts et modifications. Toutefois quelques utilisateurs me donnent parfois déjà les raisons techniques et solutions aux problèmes rencontrés, ce qui est très appréciable.
Une autre raison, essentielle, était de mieux entendre les divers besoins de la profession, sans outil intéressant sur des services d’emploi du temps ou d’évaluation. Il s’agissait donc de développer une possibilité de gérer des emplois du temps avec séances et suivi de ces séances selon les classes, comme d’évaluer les élèves en partant des séquences développées localement.

Les fonctionnalités du logiciel

InfodocLog permet ainsi de retrouver globalement les fonctionnalités de CDIStat, sur la question de la fréquentation du CDI notamment, dans un environnement différent, avec une autre ergonomie, mais répondre aux besoins d’appel, de communication de listes d’appel, de statistiques variées, complètes, avec des options avancées en matière de réservation, ou de fonctionnement par codes-barres ou numéros par exemple. Un journal permet de retrouver les fréquentations de l’année en cours, de les modifier éventuellement en cas d’erreur, avec par ailleurs la possibilité d’intégrer les retards dans le logiciel pour le signaler aux élèves présents. Le fonctionnement en ligne, avec la possibilité d’enregistrer plusieurs utilisateurs avec des droits d’accès différents, permet de donner des droits de visualisation des appels, notamment pour le service de vie scolaire, ou encore pour que les élèves puissent s’inscrire eux-mêmes.
Au-delà d’un respect des réglementations relatives à l’utilisation des données personnelles, les informations nominatives sur les fréquentations ne sont conservées que sur l’année en cours, avec ensuite le maintien de données pour obtenir des statistiques anonymes afin d’observer les évolutions sur plusieurs années, jusqu’à cinq ans.
Le logiciel permet aussi, pour son organisation personnelle et la communication dans l’établissement, de construire des emplois du temps pour le CDI et son personnel.
Ce module permet de suivre soi-même l’organisation pédagogique pour l’information-documentation et l’éducation aux médias et à l’information, avec le suivi des séquences selon chaque classe. Il permet aussi de diffuser l’emploi du temps, en ligne ou encore par PDF imprimable. En lien avec le module de fréquentation, ces emplois du temps permettent de suivre le parcours des élèves selon les séances pédagogiques prévues ou selon que le CDI est ouvert en heure d’étude, de permanence, ou encore dans le cadre de clubs, d’ateliers, de groupes, etc.
On peut aussi utiliser InfodocLog pour enregistrer, préparer et/ou formaliser des séquences pédagogiques, avec un module de création et de modification de séquences. Il est ainsi possible de mettre en relation un niveau, un nom de séquence et des compétences à développer, par exemple, ou bien préciser divers éléments de la séquence pour avoir une trace complète. Il est alors possible de mutualiser les séquences formalisées sur le site officiel d’InfodocLog.
Enfin, un dernier module, en relation directe avec la formalisation des séquences, consiste en l’évaluation des élèves, sous forme d’acquisition de savoirs ou compétences.

Ce module, qui peut pallier l’absence de telles facilités par ailleurs, permet une évaluation par division ou classe, par élève, ou encore par division et par séquence, selon les fiches formalisées. Il est possible d’évaluer selon des grilles existantes, ainsi les savoirs proposés dans le curriculum de l’APDEN [Disponible sur www.apden.org/Vers-un-curriculum-en-information-346.html], les compétences du référentiel EMI, mais il est aussi possible d’intégrer une grille personnalisée d’évaluation. On peut suivre les évaluations équivalentes des deux grilles existantes d’une année sur l’autre, et observer la progression de chaque élève sur trois ans, après quoi les données nominatives sont supprimées.
Cet ensemble de quatre modules s’appuie sur une base d’élèves modifiable, et sur un ensemble important de paramétrages qui permettent de répondre au mieux aux besoins locaux, selon le type d’établissement, la volonté d’inscrire les élèves individuellement ou par groupe, par l’action du professeur documentaliste, d’autres personnels, par les élèves eux-mêmes, etc.

 

 

 

Installation et découverte du logiciel

InfodocLog nécessite, pour fonctionner, un hébergement web et une base de données. Il peut être installé sur un serveur local ou sur un serveur distant. InfodocLog est compatible PHP 5.6 et 7, ce qui permet de l’installer sur la plupart des serveurs, éventuellement sur un serveur d’établissement quand l’administrateur est d’accord. La meilleure solution reste toutefois logiquement l’hébergement distant, sur un serveur académique quand cela existe, sur un serveur pris en charge dans l’établissement parfois, ou encore par un service externalisé d’hébergement mutualisé.
Un ensemble de tutoriels, sur le site officiel du logiciel, doit faciliter la prise en main d’InfodocLog jusqu’à en comprendre tous les paramétrages et toutes les subtilités, avec près de cinquante sections pour cette découverte. Par ailleurs, il existe une liste de diffusion spécifique, pour l’information sur les mises à jour, l’entraide, ou même proposer des améliorations, des nouveautés, des corrections.
Il existe ainsi des mises à jour régulières, avec une souplesse de programmation qui permet de satisfaire la plupart des demandes, grâce à un travail d’autoformation sur trois ou quatre ans qui m’amène à mieux maîtriser les arcanes de la programmation. De même l’interface a eu droit à un important renouvellement à l’été 2018 pour davantage de clarté et, je l’espère, une meilleure ergonomie.

Début 2019, la communauté continue à grandir, ce qui permet d’affiner l’outil, d’abord pour le module de fréquentation, le plus utilisé, puis pour la gestion des emplois du temps, en attendant une pratique plus importante de l’évaluation des élèves par ce biais.
Au bout de quatre années, le logiciel est clairement avancé et viable, en espérant que la communauté d’utilisateurs continue de se développer pour permettre une évolution continuelle, sans oublier le besoin de programmeurs et de graphistes volontaires pour participer à cette aventure !

 

Un « univers » IDDOCS

Le travail autour d’InfodocLog m’a redonné goût pour la programmation, activité que j’avais laissé de côté pendant six ans parce que je n’avais pas de projets concrets. D’autres idées ont alors pu prendre forme, depuis lors, suivant des difficultés à aborder certains sujets avec les élèves.

Des outils de simulation

Déjà développés et opérationnels, ce sont deux simulations, l’une de moteur de recherche, l’autre de média social en ligne. Initialement l’idée était de permettre aux élèves de comprendre le fonctionnement technique de ces outils numériques, ou leur face cachée, en les manipulant eux-mêmes, en découvrant par eux-mêmes, à leur rythme.
C’est ainsi que Webfinder, pour le moteur de recherche, et Weblink, pour le média social, permettent de visualiser, au fur et à mesure de plusieurs exercices l’interface publique d’un côté, et la base de données normalement non visible de l’autre. Le principe est de comprendre comment les informations affichées varient selon ce qu’on trouve dans la base de données, selon la complexification des algorithmes pour le moteur de recherche, selon l’alimentation de la base pour le réseau social.
Webfinder est accessible sans nécessité de comptes, tandis que Weblink nécessite un compte pour le professeur documentaliste, sur l’installation IDDOCS, mais peut être installé sur un autre serveur, ces deux simulations étant également sous licence libre.

https://iddocs.fr/webfinder/
https://iddocs.fr/weblink/

Des outils d’évaluation des sources

Une perspective pour la suite serait de développer une interface d’évaluation des pages web et des images trouvées sur le web, avec la proposition de formulaires de recherche d’informations pour mesurer la fiabilité d’une page, la crédibilité d’une image. Ce travail doit prendre en considération toute la complexité de ce type d’évaluation, sans proposer de notation ou de grille automatique, mais bien en amenant les élèves à relever un certain nombre d’informations sur le document qu’ils consultent. Le principe graphique est de disposer les formulaires d’un côté, les documents de l’autre, sous forme de fenêtres incrustées, ou iframes, avec un ensemble construit par l’enseignant autour d’un sujet ou d’un thème.
En souhaitant que l’outil prenne forme et soit le sujet d’expérimentations, j’espère que l’idée est en elle-même pertinente, avec la volonté de créer une base de données personnalisables de pages web et d’images à consulter, à évaluer puis à comparer.

Une nouvelle formule pour mon kiosque presse

Nous avons tous dans nos CDI un espace presse que nous essayons de rendre accueillant avec des présentoirs à journaux, des fauteuils confortables, une lumière agréable. Car nous savons l’intérêt, et même la nécessité d’une presse forte et vivante pour faire de nos élèves des acteurs de notre société et des citoyens responsables.
Mais trop souvent, cet espace est délaissé par nos élèves, voire utilisé à toute autre activité que la lecture de la presse : regarder son téléphone, écouter de la musique, bavarder, et même se bécoter ! C’est du vécu… Nous nous posons alors la question de notre choix de publications : n’y en a-t-il pas assez ? Ne sont-elles pas intéressantes ? Et nous nous tournons vers les nouvelles publications pour trouver celles qui vont enfin séduire et fidéliser nos élèves, celles qui auront LA ligne éditoriale qui correspondra à leurs besoins.

300 à 350 publications jeunesse

Et les supports ne manquent pas : il en naît et il en meurt presque tous les jours. On exagère à peine. On compterait aujourd’hui, tenez-vous bien, trois cents à trois cent cinquante périodiques destinés à la jeunesse1 (une originalité française !), dont une cinquantaine de nouveautés chaque année ! Pourquoi un tel nombre ? Parce que ce marché compte environ 9,6 millions de lecteurs2, ce qui est un énorme gâteau. La presse ado, celle qui s’adresse aux enfants à partir de 10-12 ans, en fait partie. Celle-ci doit séduire un public qui est dans la période de l’adolescence, celle des transformations physiques mais aussi intellectuelles ou relationnelles. Une période où, progressivement, les centres d’intérêt des jeunes se modifient, où le rôle des amis prend de l’importance et où la concurrence des écrans est de plus en plus forte : même si les études3 montrent que nos ados lisent toujours beaucoup des périodiques, en moyenne quatre heures par semaine, cette lecture se heurte à la compétition des écrans, notamment du smartphone mais aussi de la télévision qui fait de la résistance ! Sans oublier la radio : 74 % des 13-24 ans l’écoutent au moins une fois par jour4.
Cependant, il nous faut distinguer deux groupes sur notre planète ado : il y a le premier groupe, jusqu’à 13 ans environ, qui a une curiosité insatiable, ce que nous constatons quand nous sommes en collège. Ce groupe a une consommation média importante quel que soit le support et consacre une part très importante de son temps à la lecture de magazines : 4h30 hebdomadaires en moyenne5. C’est la tranche d’âge qui lit le plus et le plus régulièrement parmi les 1-19 ans. En revanche, le groupe des 13-19 ans lit beaucoup moins : seul un gros tiers a une lecture régulière de la presse6, les autres préférant, et de loin, Internet (vidéos en streaming, téléchargement de musique, jeux, etc.) et les réseaux sociaux (86 % d’entre eux sont inscrits sur au moins un réseau social7).

Pour tous les âges, tous les goûts, tous les centres d’intérêt

À cette concurrence des nouveaux médias, les éditeurs de journaux pour la jeunesse – ne se laissant pas abattre – répondent par le foisonnement et la nouveauté. Allez faire un tour dans votre kiosque à journaux, vous verrez qu’il y en a pour tous les âges, tous les goûts, tous les centres d’intérêt : au hasard, on peut citer, les sciences bien sûr, mais aussi les mangas, la cuisine, ou les stars, les comics, les sports…
De quoi être un peu désorienté devant cette multitude qui n’est pas toujours de très bon niveau. Nous, ce qu’on veut, c’est de l’excellence, de l’originalité, de la créativité, pas des journaux faisant la part belle aux licences ou à des people, pas des magazines genrés qui ne s’adressent qu’aux jeunes filles ou qu’aux jeunes garçons, en résumé, pas des supports pensés par des marketeurs opportunistes qui connaissent très bien leur marché, surfent sur la tendance et qui fournissent à tour de bras des titres formatés. Heureusement cette presse existe et on l’a rencontrée, le plus souvent dans une librairie ou sur Internet (pas ou peu de diffusion en kiosque) ou par le bouche-à-oreille car elle n’a pas toujours la force commerciale des grands éditeurs traditionnels comme Bayard Presse, Milan ou Fleurus (dont on parlera aussi).

Un coup de neuf pour notre kiosque

Il y a ainsi ces magazines qui sont apparus ces dernières années tels Albert ou encore Topo ou Groom pour les plus connus… Des magazines qui se veulent différents des titres qui tiennent le haut du pavé de la diffusion (Science et Vie Junior8, Okapi9, Julie10) par les sujets qu’ils traitent et/ou par leurs graphismes originaux. Des revues publiées par des associations ou des maisons d’édition indépendantes, souvent engagées dans la protection de l’environnement et le développement durable, attentifs aux débats d’actualité, et qui font preuve d’audace et de curiosité. De quoi, peut-être, donner un coup de neuf à notre fameux kiosque presse pour qu’il attire enfin nos élèves récalcitrants.
Petit panorama de ces magazines parce qu’ils le valent bien ! Bien sûr, cela ne sera pas exhaustif et cela sera forcément subjectif… Commençons par Cram Cram. Avec un nom pareil, on pourrait craindre le pire, et c’est pourtant là le meilleur qui se dégage ! On a quand même demandé à Patrick Flouriot, l’éditeur, ce que signifiait ce titre. Réponse : « Le cram cram est une graminée du Sahel, qui ressemble à une petite boule de velcro. C’est très attachant. Le cram cram agrippe aux lacets, au bas des pantalons, aux chaussettes. Il suit les pas des voyageurs.  La première idée du magazine nous est venue alors que nous habitions dans le Sahara. » Et effectivement, on confirme, on s’attache à ce titre pas comme les autres : on l’ouvre et on y revient ! Cram Cram est une invitation au voyage. Ce bimestriel convie ses lecteurs à explorer à chaque numéro « un nouveau pays à travers le récit d’une famille globe-trotteuse. Au cours du voyage, ils s’éveilleront à la culture locale, leurs modes de vie et leurs coutumes, et partiront à la rencontre des peuples. En chemin, un reportage, des rubriques pour aller plus loin, l’observation de l’animal emblématique, la fabrication de jouets artisanaux, la dégustation d’un dessert typique et la lecture d’un conte traditionnel illustré. » C’est aussi un magazine collaboratif. Pourquoi collaboratif ? Parce que toute famille globe-trotteuse est incitée à participer à la rédaction du journal en partageant son histoire, et parce qu’il donne la parole à ses lecteurs. On l’aura compris, Cram Cram n’est vraiment pas un magazine comme les autres : collaboratif, sans publicité, ouvert sur le monde et sur les autres. Autre fait marquant, c’est une publication engagée en faveur du développement durable. Ainsi la revue est imprimée à 10 km de son lieu de conception. Pas mal, non ? Le papier utilisé est éco-responsable et 100 % des magazines imprimés sont vendus (alors que la moyenne des journaux diffusés en kiosque a 50 à 60% d’invendus). Et sa diffusion est particulière puisqu’on le trouve dans certains magazines bio, en plus de l’abonnement. Chaque numéro est construit autour d’un reportage dans une région du monde et les rubriques, finement pensées, s’organisent autour : la carto du mois sur une double page, l’Animal du mois, la Grande Histoire (un conte traditionnel de la région en question), le Coin des Curieux qui explique un certain nombre de mots, la Boîte à Idées pour les loisirs créatifs, etc. Voici donc un magazine que l’on a envie de mettre dans les mains de tous nos élèves, en tout cas les plus jeunes, pour stimuler leur curiosité et les encourager à aller à la rencontre des autres, d’autant que sa mise en page est bien structurée et aérée et que les illustrations sont très belles.

Cram Cram magazine

Une presse jeunesse qui parie sur l’originalité et l’intelligence

Dans la même veine d’ouverture sur le monde, il y a Baïka (48 p.), un trimestriel édité par Salmantina qui, depuis novembre 2015, propose à ses jeunes lecteurs (8-12 ans) de découvrir les cultures du monde, mais aussi de les sensibiliser à l’immigration, en mêlant documentaire et fiction.
Nous avons demandé à la rédactrice en chef, Noémie Monier, ce que signifiait Baïka. Elle nous a répondu : « Nous avons choisi le titre Baïka car nous voulions en un mot ouvrir l’imaginaire des enfants sur l’ailleurs. En lisant ce titre, les enfants identifient tous une langue étrangère sans plus de précision, ce qui était tout à fait l’effet escompté. Ils voyagent déjà. En polonais, comme dans plusieurs langues de l’Est, Bajka signifie « conte de fées », « fable ». En japonais, il veut dire « fleur de prunier ». Par ailleurs, le mot rappelle le lac Baïkal. »
Son contenu, donc centré sur « du voyage à chaque page » comme on l’aura compris, alterne les récits mythologiques peu connus, un reportage, une BD, des interviews, des énigmes et des jeux… On aime la rubrique « Les Aventuriers de la mappemonde » qui donne la parole à de jeunes immigrants arrivés en France depuis quelques années et est suivie d’un dossier ludique sur la langue, l’histoire, la faune, l’art de leur pays d’origine. On découvre avec la rubrique 360° un fait historique ou géographique sur plusieurs pages (l’épopée du Canal de Suez, les mystères de l’Île
de Pâques, Aventurières d’hier et d’aujourd’hui, etc.). On notera la part importante accordée aux langues étrangères tout au long du journal (« blagues du monde », écrites dans une langue étrangère et traduites, par exemple), et la volonté d’interactivité avec les lecteurs qui sont conviés à envoyer leurs critiques de lecture.
« Un numéro peut avoir une thématique majeure comme celui sur l’Égypte (Baïka n°10), réalisé avec l’Institut du monde arabe, nous explique Noémie Monnier, mais d’ordinaire il y a deux thématiques principales (deux dossiers pays) par numéro. Notre ligne éditoriale étant l’ouverture à la diversité, nous aimons présenter plusieurs cultures dans un même magazine ». Prochain voyage proposé cet hiver : la mythologie Maya suivie d’un dossier sur le Guatemala (cuisine, géographie, langues), la découverte du Canada grâce à un entretien avec un jeune canadien vivant en France, et un reportage sur les aurores boréales. Baïka nous propose donc un contenu riche d’informations, varié et passionnant, et sans aucune publicité. C’est une très belle revue au dos carré collé, pleine de couleurs, édité sur un beau papier recyclé. Sa mise en page remplie d’illustrations est très agréable. Un support remarquable, intelligent, à mettre en avant dans nos CDI de collège.
Continuons notre exploration de cette presse qui parie sur l’originalité et l’intelligence. Nos jeunes collégiens, même s’ils ne s’en doutent pas, ont la chance de bénéficier de ce renouveau des magazines jeunesse, loin des schémas classiques et terriblement encadrés. C’est ainsi qu’on peut mettre entre leurs mains ce journal au titre marrant : Biscoto.
Biscoto est différent des titres précédents par son format journal (35×27), à l’égal des quotidiens pour les grands, mais c’est un mensuel de 20 pages qui met le dessin et l’humour à l’honneur. Édité par une association et géré par des bénévoles, Biscoto a pour ambition de défendre « une presse culottée, indépendante et audacieuse », ainsi que les valeurs antisexistes et antiracistes. Il est, bien sûr, sans publicité. Chaque mois, des artistes s’emparent des vingt grandes pages pour aborder un thème sous différents angles avec des rubriques de BD (l’Histoire du mois), des recettes de cuisine (Slurp !), des portraits, des informations très sérieuses, des expériences, des blagues et des jeux… Le journal fourmille de dessins originaux car il fait la part belle au graphisme non-formaté, qui penche plus vers la caricature que vers les belles illustrations. À souligner qu’il a reçu lors du Festival international de la Bande dessinée d’Angoulême le fauve de la BD alternative, une très belle récompense. Notons aussi que la revue est composée en caractères Heinemann Special, police créée pour faciliter la lecture des personnes dys.

Du côté des éditeurs traditionnels

Si Biscoto n’est pas encore très connu, en revanche Papillote – la cuisine des petits chefs commence à envahir nos CDI, pour le plus grand plaisir de nos élèves. Comment, en effet, résister à ce trimestriel sur papier glacé quand on est gourmand ? À chaque numéro, une cinquantaine de recettes – de débutant à p’tit chef – est présentée de manière très claire, avec de multiples encadrés, de belles photos et des graphismes rigolos. On y trouve aussi des informations sur des aliments, sur l’équilibre alimentaire, l’interview d’un chef ou encore des fiches recettes à découper et à conserver, des jeux… La mise en page est belle, on voit que ce sont des professionnels qui sont aux commandes, mais on regrette la présence de publicités dans le rédactionnel (même si nous savons tous que la presse n’est pas financièrement au mieux de sa forme) et nous aurions aimé plus de culot dans la ligne éditoriale. C’est donc un bon support « pour éveiller les papilles » de nos élèves, classique dans sa forme et dans son contenu, mais qui n’apportera rien de plus.
Les poids lourds des éditions de presse jeunesse ont bien compris qu’il fallait sans cesse se renouveler pour survivre. C’est donc le cas de Milan Presse (26 magazines, 385 000 abonnés) qui a lancé cette rentrée un nouveau magazine scientifique en direction des 8-12 ans, Curionautes des Sciences. Ce périodique met en scène une bande d’enfants de trois filles et deux garçons « qui représentent chacun un regard sur la science ». Ils sont accompagnés d’une mascotte, Curio, qui fait des blagues si on ne lui répond pas de manière scientifique. L’objectif affiché est de « rendre la science accessible à tous » grâce à un grand récit documentaire qui mêle une narration à des schémas et des photos, et de transmettre aux enfants la démarche scientifique. Chaque numéro comporte également un poster sous forme de carte mentale pour synthétiser les notions abordées dans le récit. À retrouver aussi : un test pour connaître les métiers scientifiques et techniques, l’histoire d’une invention célèbre en BD, un carnet d’expériences et d’observations, etc. Pour compléter leur lecture, les enfants peuvent se rendre sur le site du journal et visionner des vidéos de science animée sur un certain nombre de phénomènes, comme l’éruption des volcans ou la formation de la terre. On ne peut qu’adhérer aux cinq points clés de la ligne éditoriale, mis en avant par Milan Presse : permettre aux enfants d’accéder au raisonnement scientifique et exercer leur esprit critique ; lutter contre les fake news dans le domaine de la science ; promouvoir les modèles féminins dans les sciences ; développer une seule question plutôt que d’empiler les informations ; montrer que les sciences peuvent être ludiques et même poétiques. Curionautes des Sciences mérite qu’on le teste auprès des plus jeunes, ceux pour qui Science et Vie Junior est encore difficile d’accès. Un seul bémol : vont-ils adhérer au système de narration du grand récit documentaire, sans accompagnement adulte ?

Quoi de neuf pour les grands ?

Et du côté des plus grands ? Il y a là aussi des publications qui méritent qu’on s’y intéresse. Prenons Kezako Mundi, un magazine de société qui s’adresse aux jeunes à partir de 14 ans. Depuis mars dernier, c’est devenu un mensuel (32 p. / 10 numéros par an) qui offre à ses lecteurs un décryptage des questions de société « sans les considérer comme des enfants et sans jouer sur la corde people ! ». L’objectif est bien d’être au cœur de l’actualité, avec des rubriques qui laissent la place aux images et aux exemples concrets. On apprécie les nombreuses infographies, les encadrés « Dico », les rubriques variées tant scientifiques, que culturelles ou de loisirs. Il faut souligner ainsi la présence d’une rubrique « Hommes/Femmes » qui s’interroge chaque mois sur l’égalité entre les sexes, ainsi que « Les Dessous de l’image » qui décrypte une photographie. On regrettera le choix d’un papier brillant qui fait un peu trop « revue », un peu trop sérieux. Mais les thèmes traités sont toujours très intéressants, sur des sujets qui font débat : les migrants et l’Aquarius, l’égalité des salaires, l’interdiction du cannabis, etc. Le magazine est aussi présent sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram) et sur le web.
Dans le domaine de l’actualité, on ne présente plus TOPO, la revue d’actualités en bande dessinée pour les moins de 20 ans. Ce bimestriel de 144 pages a reçu dès son lancement (après la tragédie de Charlie Hebdo) un très bon accueil dans les CDI des lycées, car il tranche sur la presse généraliste souvent à disposition : de grands reportages dessinés, des chroniques ou des articles de vulgarisation scientifique, permettent de décrypter le monde contemporain, tout cela dans un fort esprit d’indépendance, et avec la volonté d’aiguiser l’esprit critique et d’apprendre à lire les images. Cela dit, nombre de nos élèves n’accrochent pas et il est parfois nécessaire de les accompagner dans la découverte de ce support audacieux.
En revanche, il semblerait que GROOM, revue de bande dessinée destinée plutôt aux collégiens, et édité par Spirou, mette la clé sous la porte, faute de lecteurs, ce qui est bien dommage…
Du côté des éditeurs traditionnels, on remarquera la nouvelle formule de Phosphore, depuis la rentrée 2018, qui est passé à deux numéros par mois (avec une pagination de 54 p.). Dans le numéro qu’on a eu en main, on relève la présence importante des photos, notamment avec la rubrique optimiste, « Treize raisons de se réjouir ». Les dossiers et les reportages s’organisent eux aussi autour des illustrations, avec beaucoup d’encadrés et d’infographies pour une lecture (très) rapide. Le rédactionnel des sujets les plus longs tient sur maximum deux pages, histoire de ne pas trop fatiguer nos ados petits lecteurs… et grands flemmards ! L’orientation et les métiers ont toujours une place importante à côté de sujets d’actualité, de santé, etc. La mise en page est très dynamique et devrait plaire à nos élèves dès la 4e-3e.
Nouvelle formule aussi pour Comment ça marche qui se décline maintenant en trois magazines : Tout comprendre pour les 13 ans et plus, Tout comprendre junior pour les 8-12 ans, et Tout comprendre Max, ex- Tout le savoir qui est trimestriel. Les trois s’adressent aux « passionnés de sciences, de technologies ou d’histoire. »
Tout comprendre, qui est donc destiné aux jeunes à partir de la 4e, met lui aussi en avant les infographies, les schémas et les photographies, pour vulgariser des sujets parfois pointus. Les illustrations sont très belles et les articles variés. Le format,
assez grand, permet une mise en page aérée qui facilite la lecture. Au sommaire, on trouve un gros dossier de 10 pages, une BD scientifique, des rubriques sciences, nature, espace, techno, histoire, et un agenda de plusieurs pages sur les livres, films, jeux vidéo, objets technos, etc.
Tout comprendre junior est quant à lui destiné aux 8-12 ans et met en avant une BD complète chaque mois, un dossier thématique à chaque numéro, des fiches (grammaire et orthographe…) et des rubriques qui se partagent entre Nature, Histoire, Corps, et Sciences. D’un format plus petit que son grand frère, il est moins attractif à notre avis car plus fourre-tout. Un magazine « zapping », en quelque sorte…

On l’aura remarqué, il y a énormément de titres pour les jeunes, et on est loin d’avoir épuisé le sujet. On aura constaté aussi que les nouvelles publications pour la jeunesse sont plus nombreuses pour le niveau collège que pour le niveau lycée, tant il est vrai qu’il est difficile aujourd’hui de cerner les attentes et d’attirer l’attention de cette population aux contours mouvants et aux centres d’intérêt très centrés sur les réseaux sociaux. Mais au niveau collège, malgré la variété des supports, le pari de faire lire à nos élèves des magazines n’est pas pour autant gagné. À nous de tester, notamment lors de la Semaine de la Presse et des Médias (Kiosque Presse) ou encore en achetant un numéro, voire en prenant des abonnements de 6 mois. Ensuite, il nous reste à observer à la loupe le comportement des élèves, ou encore nous pouvons faire des sondages, des questionnaires et/ou des tables rondes sur les nouveautés presse afin de déterminer à coup – presque – sûr les supports qui leur plaisent le plus.

INFOS

Cram cram  https://shop.cramcram.fr/
Abonnement 6 numéros : 35 euros
Baïka  www.baika-magazine.com
Abonnement : 4 numéros – 38,40 euros
Biscoto  biscotojournal.com
Abonnement : 10 numéros par an- 40 euros
Papillotte  www.turbulencespresse.fr/
Abonnement : 4 numéros – 18 euros
Curionautes des Sciences  www.curionautes.com
Abonnement : 1 an – 10 numéros – 59 euros
TOPO  www.toporevue.fr
Abonnement : 1 an – 6 numéros – 75 euros
Phosphore  www.phosphore.com
Abonnement : 1 an – 22 numéros – 94 euros
Tout Comprendre  www.fleuruspresse.com/magazines/pour-tous/tout-comprendre
Abonnement : 1 an – 11 numéros – 51 euros
Tout Comprendre Junior  www.fleuruspresse.com/magazines/juniors/tout-comprendre-junior
Abonnement : 11 numéros par an – 51 euros
Salamandre Junior  www.salamandrejunior.net
Abonnement : 1 an – 1 à 2 numéros – 29 euros
Les Arts dessinés  www.dbdmag.fr/artsdessines
Abonnement : 1 an – 4 numéros – 60 euros

 

Appel à contribution : Faites vos jeux

Espace de loisir, de divertissement, de libre disposition du temps, le jeu peut sembler incompatible avec l’exigence d’effort, de concentration et de rigueur qu’imposent les apprentissages scolaires. Pourtant, depuis quelques années, il regagne son droit de cité dans les établissements où la transversalité des disciplines, et des apprentissages, est de plus en plus sollicitée et valorisée. Nul besoin d’une veille professionnelle approfondie pour s’en rendre compte ! Serious games, club énigmes, ludothèque, escape games… exploitant toutes les facettes de son dé, le ludique s’installe officiellement au sein de nos CDI, qui pour autant ne se confondent pas avec le Foyer. 
Intercdi a ainsi choisi de consacrer son prochain dossier thématique de rentrée à cette enthousiasmante question : le jeu au CDI ! Quelle place ? Quelle forme ? Quels jeux ? Quels objectifs ? C’est avec impatience que nous attendons vos contributions : Faites vos jeux, rien ne va plus !

Date limite d’envoi des propositions de contribution : 30 avril 2019.
Pour une préparation optimale du numéro, n’hésitez pas à contacter la rédaction au plus tôt : intercdi.articles@gmail.com

Tous pareils, tous différents

À l’heure où nous écrivons cet édito se profile la Journée nationale de lutte contre toutes les formes de harcèlement – une problématique dont l’écho scolaire est malheureusement retentissant. Nous avons bien entendu tous, chacun à notre échelle, un rôle essentiel à jouer dans la prévention, la vigilance, l’action. Mais l’École a également un rôle primordial à tenir dans cette lutte par l’éducation au respect, à la diversité, à la tolérance, et le CDI apparaît comme un des espaces privilégiés de la construction de cette action au sein des établissements. 
Dans son article « Les bibliothèques, lieux ressources pour les publics LGBT+ », c’est bien ces rôles d’accueil et de représentation que Violaine Beyron nous enjoint à valoriser au cœur des établissements. Information, visibilité, inclusion, représentation, autant d’enjeux qui doivent conjuguer notre attention et nos efforts de manière à favoriser un climat d’ouverture et de respect mutuel. Car il n’y a pire ennemi que l’ignorance et les préjugés. Le Thèmalire, également proposé par Violaine Beyron, sur les figures d’adolescents transgenres dans la littérature jeunesse sera un outil précieux dans ce combat. Tout comme un travail élaboré autour de l’exposition Hugo Pratt du Musée des Confluences, qu’Hélène Zaremba nous présente avec un vif intérêt, et qui donne à voir, dans une scénographie inédite, le dialogue entre le monde « réel » et l’art d’une part, et l’enrichissement de la vie par le voyage, la découverte de l’autre, la rencontre des cultures d’autre part. Car lutter contre la stigmatisation c’est sans doute avant tout favoriser l’ouverture, la curiosité, l’enthousiasme au monde qui nous entoure dans toute sa richesse et sa diversité.
Des différences nous en trouverons encore dans notre position face à l’usage du téléphone. Kaltoum Mahmoudi, dans son article, a exploré la question en impliquant les élèves au moyen d’une consultation citoyenne, et nous livre le fruit de sa réflexion. Quant à Éric Garnier, il nous propose même d’utiliser cet objet devenu quasi organique de nos élèves dans une fonction ressource et pédagogique : « une cdibox dans votre CDI, et pourquoi pas ? » !
Enfin, l’ouverture culturelle consacrée à la condition animale, nous rappelle que le respect ne doit pas s’appliquer seulement aux êtres humains.
Un numéro qui démontre, s’il en était besoin, que le CDI doit se faire le sanctuaire de nos différences.

Une CDIBox dans votre CDI, Et pourquoi pas ?

Ayant lu des articles en ligne présentant le dispositif LibraryBox, développé par des bibliothécaires technophiles, je me suis lancé. Plusieurs facteurs m’ont décidé : le faible coût du routeur – une trentaine d’euros –, l’intérêt pour la difficulté technique à mettre en œuvre le dispositif, puisqu’il faut en passer par des protocoles que je ne connaissais pas… et surtout le champ des possibles offert par cette installation.

Tout d’abord le matériel nécessaire : un routeur TP-link MR30201, toujours en vente à l’heure où j’écris ces lignes et une clé usb (4 Go est un minimum). C’est tout !
Le principe de l’installation : ce routeur Wi-Fi, initialement prévu pour partager une connexion Internet, est détourné de sa fonction originelle. Il va ainsi générer un réseau Wi-Fi fermé, c’est-à-dire qu’une fois connecté, on ne peut pas accéder au World Wide Web. Il n’est possible d’accéder qu’aux documents préalablement déposés sur la clé usb branchée. Bien que les qualifications juridiques concernant l’accès à Internet dans les EPLE comportent une grande part d’incertitude, il est important de noter que la mise en œuvre d’une CDIBox, générant un réseau fermé, propose une solution de mise à disposition de documents confortable.
Une fois mon routeur ainsi commandé et reçu, le plus difficile commence. En effet, il est nécessaire de flasher la mémoire de l’engin pour remplacer le programme informatique originel par un programme de Jason Griffey, un bibliothécaire américain, basé sur le travail de Matthias Strubel, le développeur allemand de la PirateBox. C’est là que toute la difficulté de l’entreprise réside, puisque l’on touche au firmware du routeur. En cas de mauvaise manipulation, il est possible de « bricker » celui-ci, c’est-à-dire le rendre inutilisable ! Pas de panique, il existe des tutoriels en ligne très bien faits et je vous conseille celui de Christophe Rhein du Canopé de Limoges : « BiblioBox ou comment bricoler son serveur de fichier wifi personnel2 ».

Quels usages en lycée ?

Dans un lycée où l’usage des téléphones portables des élèves est toléré, voire autorisé et encouragé, une CDIBox va permettre de mettre à disposition des documents numériques en libre accès.
Dans un premier temps, j’ai choisi de déposer des livres numériques libres de droit et, en particulier, de grands classiques de la littérature. J’ai également ajouté des films libres de droit en anglais. Il est vrai que les spécificités du lycée où j’exerçais (série littéraire, hypokhâgne, classes euro anglais…) ont facilité mes recherches en ressources puisque, pour les films par exemple, on trouve surtout des œuvres libres de droit en anglais.
Dans un deuxième temps, il est indispensable de penser la médiation autour de la CDIBox. En effet, une fois branchée, il faut la rendre visible ! Affichage, explications, patience, sont alors les maîtres mots du professeur documentaliste… ce qui ne change pas trop de notre quotidien ! Le retour des élèves a été très encourageant et outre le téléchargement des œuvres littéraires classiques, les élèves ont beaucoup apprécié le visionnage d’œuvres cinématographiques comme La Nuit des morts-vivants par exemple, confortablement installés dans les fauteuils du CDI.
C’est également une porte d’entrée formidable pour aborder les Communs avec les élèves : images, textes, films tombés dans le domaine public, documents mis à disposition par leurs auteurs sous licence Creative Commons, tous ces exemples sont intéressants pour expliquer aux élèves pourquoi tel film a pu être déposé pour visionnage dans la CDIBox et pourquoi il n’est pas possible d’y trouver un film plus récent.
La CDIBox est un bel outil pédagogique et de médiation culturelle dans un lycée.

Quels usages en collège ?

Deux ans après, je suis nommé dans un collège. La politique de l’établissement vis-à-vis des téléphones portables ne me permet pas une utilisation de la CDIBox identique à celle que je pratiquais en lycée. En revanche, une mallette de 30 tablettes sommeillait dans une réserve. Quelques collègues ont bien essayé de les utiliser mais la volatilité de la connexion internet a eu raison de leur enthousiasme. J’ai alors reconverti ma CDIBox en serveur de fichiers portable, en me basant sur le travail de Christophe Rhein, du Canopé de Limoges.
J’ai donc modifié les dossiers de ma CDIBox en supprimant les intitulés « types de documents » – livres, films, etc. – et en les remplaçant par des intitulés « Disciplines » – sciences physiques, français…
Puis j’ai organisé une séance d’explications et de formation aux collègues intéressés. Dans un premier temps, il faut sélectionner les documents que l’on souhaite mettre à disposition des élèves. Puis les déposer sur la clé USB dans le dossier correspondant à sa matière. Ensuite, lorsque les tablettes sont distribuées aux élèves, un affichage du nom du réseau SSID et l’url que les élèves doivent taper dans leur navigateur suffisent pour lancer le travail. Mes collègues ont été surpris de la simplicité de mise en œuvre du dispositif et de sa fiabilité. En quelques clics, ils ont pu donner à voir les vidéos, animations, et ce sans crainte d’une coupure de connexion réseau !
La flotte de tablettes du collège a ainsi connu un net regain d’intérêt et certains collègues se sont même lancés dans l’utilisation pédagogique des téléphones portables des élèves. Une possibilité supplémentaire d’aborder la charte informatique du collège et de contribuer à la responsabilisation des usages, le tout dans un environnement sécurisé.
On voit alors que le domaine 2 du cycle 3 du Socle Commun de connaissances, de compétences et de culture est mobilisé et permet au professeur documentaliste de pleinement participer à l’évaluation des acquisitions des élèves.

La circulaire n° 2017-051 du 28 mars 2017 définit les missions du professeur documentaliste. Mettre en œuvre un dispositif tel que la CDIBox relève très clairement du point n° 2 : « le professeur documentaliste maître d’œuvre de l’organisation des ressources documentaires de l’établissement et de leur mise à disposition. », ce dispositif permettant précisément une mise à disposition de documents numériques, choisis et validés par le professeur documentaliste et la communauté éducative.
Cependant, comme évoqué précédemment, la CDIBox permet également d’introduire la notion de propriété intellectuelle, de droit d’auteur et de licences Creative Commons. On n’est alors plus dans la simple mise à disposition de ressources mais dans une démarche pédagogique à part entière. Le point n° 1 de la circulaire : « le professeur documentaliste, enseignant et maître d’œuvre de l’acquisition par tous les élèves d’une culture de l’information et des médias », est alors également convoqué.
Enfin, la lecture du point n° 3 : « le professeur documentaliste acteur de l’ouverture de l’établissement sur son environnement éducatif, culturel et professionnel », trouve à son tour un écho dans la mise en place d’une CDIBox.
La CDIBox est ainsi un dispositif technique complet pour le professeur documentaliste qui lui permet de proposer des documents numériques, des œuvres culturelles, des ressources en restant totalement indépendant de la qualité de la connexion internet de l’établissement, lui offre un support de séquence pédagogique pour toutes les disciplines d’un établissement, et devient un objet d’étude particulièrement adapté à l’enseignement du droit d’auteur et des Communs.

 

 

Consultation citoyenne sur la place du téléphone, Quel modèle de CDI pour demain ?

« Compagnon de leur existence2 »pour reprendre les mots de Serge Tisseron, le téléphone portable fait partie du monde des adolescents, et en objet médiateur, il participe de la construction de leur identité. 77 % des 13-19 ont un téléphone portable personnel et consomment 14 h 10 de contenu internet par semaine (Chiffres Ipsos de 2016). Nul besoin de borne wi-fi pour se connecter puisque de plus en plus d’élèves disposent d’un forfait personnel assurant une connexion dite « illimitée ». L’enquête exploratoire que nous avons menée au sein de notre lycée et auprès de 150 élèves usagers du CDI révèle que 72,1 % des élèves interrogés se connectent à Internet à partir de leur forfait personnel et contournent, par ce biais, les limites de connexion imposées par le réseau Kwartz de l’établissement scolaire.
Le téléphone portable est un objet symbole de la culture adolescente et de la démocratisation des technologies numériques. Plusieurs termes servent d’ailleurs à désigner l’objet : smartphone, téléphone intelligent, téléphone mobile… Pour faciliter la lecture, nous faisons ici le choix d’utiliser le mot « téléphone », terme générique qui évoque un téléphone personnel, portable ou mobile, doté d’une puissance de calcul suffisante permettant une connexion à Internet et l’utilisation de diverses applications. Cet objet connecté induit de nouvelles pratiques communicationnelles et informationnelles et, par voie de conséquence, de nouvelles manières d’être et de faire avec le numérique. La place du téléphone au CDI ne revient-elle pas ainsi à questionner celle du numérique, et précisément des pratiques numériques formelles et non formelles3 des élèves ? L’explosion de ces pratiques nous oblige-t-elle à repenser le modèle du CDI tel que nous le connaissons ?
La consultation citoyenne invite à l’expression et au développement de l’engagement citoyen. Et cette démarche stimule l’implication des usagers dans la vie du CDI. Les règles qui régissent ce lieu, bien commun de l’établissement, sont ainsi à repenser au regard de ces évolutions et dans l’intérêt de tous. Nous commencerons par contextualiser les débats actuels autour de la place du téléphone. Cet intrus4 qui s’invite à l’école met l’institution scolaire et ses acteurs face à de nouveaux enjeux. La conscientisation des pratiques informationnelles et communicationnelles via le téléphone participe de cette consultation citoyenne. Nous tenterons d’apporter des éclairages sur ces pratiques dans un second temps. La résistance des élèves vis-à-vis de « l’emprise » générée par la présence du téléphone ne conduit-elle pas à une forme d’empowerment ?
À travers toutes ces réflexions, quelle(s) conduite(s) tenir en tant que professeur documentaliste ?

Le téléphone au cdi : entre interdiction et autorisation à des fins pédagogiques

Différents espaces de l’établissement pour différents usages du téléphone

Le téléphone serait-il accusé de tous les maux ? Coupable d’entraver la concentration, de distraire, d’accaparer le temps des élèves au détriment du travail scolaire, le Président Emmanuel Macron a déclaré qu’il n’y aura plus de téléphones portables dans les écoles et les collèges à la rentrée 2018. Une interdiction répétée puisque l’article L511-5 du code de l’éducation créé par la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 stipulait déjà que « dans les écoles maternelles, les écoles élémentaires et les collèges, l’utilisation durant toute activité d’enseignement et dans les lieux prévus par le règlement intérieur, par un élève, d’un téléphone mobile est interdite ». Le 7 juin dernier, l’Assemblée a adopté une loi qui interdit à partir de la rentrée prochaine l’usage du téléphone dans les écoles et les collèges sauf avis contraire du règlement intérieur de l’établissement. Certains se demandaient déjà comment mettre en application concrètement cette loi5. La question du téléphone portable dans les lycées n’est pour le moment pas évoquée. Ce silence traduit-il une forme de sidération face à une situation qui nous dépasse ?
La question de la place du téléphone portable agite la société française. Coupable de provoquer des accidents en voiture, le plan présenté par le Premier ministre Edouard Philippe propose des mesures parmi lesquelles une répression renforcée contre l’usage du téléphone au volant. Dangereux pour la santé (dangerosité des ondes), coupable d’entraver le sommeil de nombreux adolescents, emprise ou addiction des écrans, publication d’études alertant sur les méfaits du téléphone sur les jeunes enfants… Sans nier toutes ces réalités, les nombreuses accusations incriminant le téléphone nous feraient presque oublier que peuvent exister également des usages pédagogiques et créatifs6.

« Au CDI c’est autre chose [par rapport à la classe], c’est un autre cadre, plus libre. C’est nous qui nous encadrons seuls ; c’est nous qui choisissons de venir, c’est nous qui choisissons quoi faire, quand, où ? Alors qu’en classe, c’est la prof qui choisit ce qu’on fait, quand, où, quoi. Je pense que le CDI est censé être un endroit où on peut travailler, et faire des recherches. Donc on peut aussi le faire avec le téléphone s’il n’y a pas de place aux ordis. Je ne pense pas qu’il faille interdire le téléphone au CDI. 
*Stéphane, 16 ans, classe de 1re  »

Sur le terrain, la réalité est complexe et plurielle allant de l’interdiction totale à diverses formes de tolérance, en passant par un usage déclaré du téléphone à des fins pédagogiques. Le règlement intérieur de notre lycée stipule que « les appareils électroniques portables sont interdits en émission et en réception pendant les cours ». Le téléphone est toutefois autorisé dans les espaces de vie et durant les temps de pause. Cette interdiction en classe reste néanmoins soumise au jugement de chaque enseignant. « Monsieur X, professeur d’Histoire-géographie et auteur d’un blog en autorise la consultation en classe » affirment les élèves interrogés. Bien qu’interdit en classe, le téléphone invisible y est pourtant (omni)présent, dissimulé dans le sac, dans la poche, sous la table, manipulé discrètement.

« KM : le téléphone est interdit en classe, est-ce que les élèves l’utilisent quand même ?
Léa, classe de Term, 18 ans : oui (rires)
KM : combien d’élèves dans votre classe ?
Léa : ben tout le monde je pense. Ils l’utilisent en cachette. Soit ils le cachent dans leur écharpe, soit euh… il y a plein de techniques, je ne vais pas tout dire parce que… (rires)
KM : vous ne voulez pas dévoiler les techniques ?
Léa : nan (rires) ! »

Au CDI, les règles sont différentes. Stéphane évoque l’unicité de ce lieu* dans lequel une borne wi-fi a été installée. Suivant le référentiel d’usage du wi-fi en établissement diffusé par la Direction du numérique pour l’éducation, cet équipement vise à favoriser « les usages dans et hors la classe, en donnant accès aux ressources et services numériques en tout temps et en tout lieu7 ». Ce discours ministériel semble en contradiction avec les débats sur l’interdiction du téléphone à l’école et au regard du développement de services numériques éducatifs comme l’application esidoc ou pronote pour mobile.
Le règlement intérieur du CDI de notre établissement tolère l’usage du téléphone pour l’écoute musicale, la prise de photographies d’extraits de documents du CDI, ainsi que la recherche sur Internet à des fins pédagogiques et éducatives. Les appels téléphoniques, la prise de photographies entre élèves, les jeux et la consultation de contenu internet non éducatif y sont interdits. Le règlement intérieur indique que « tout usage du téléphone qui entraverait le calme du lieu est prohibé ». Dans la réalité, ces limitations restent difficiles à contrôler pour le professeur documentaliste. Une tolérance vis-à-vis de pratiques « qui ne dérangent pas » pour reprendre les mots de collègues documentalistes, à savoir des pratiques discrètes et silencieuses, est constatée. Les élèves n’ont aucune difficulté à comprendre les enjeux qui animent la question de la place du téléphone au CDI et les attentes de cette consultation citoyenne. Circuler entre les différents espaces de l’établissement les oblige à adapter leurs pratiques du téléphone en conséquence. Cette consultation citoyenne peut-elle toutefois suffire à ce qu’un élève passif, consommateur de services numériques, devienne un citoyen acteur capable de réguler ses pratiques et de s’adapter à son environnement ?

Une question de temps : quand l’objet technologique pallie les insuffisances techniques de l’établissement

Les entretiens menés révèlent que le téléphone pallie à l’absence de postes informatiques ainsi qu’aux pannes et défaillances du réseau d’établissement. 23,1 % affirment que l’utilisation du téléphone compense l’insuffisance du nombre de postes informatiques au CDI. Le manque de places est évoqué, notamment durant la pause déjeuner pendant laquelle le taux de fréquentation est élevé, ou lors de séances pédagogiques mobilisant l’espace informatique du lieu. 45 % déclarent utiliser le téléphone au CDI pour la consultation internet liée au travail scolaire, essentiellement de la recherche informationnelle. Une enquête menée par HADOPI parue en mai 2017 autour de la génération des « smartphones natives8 » évoque les attentes des jeunes en matière de pratiques culturelles. Facilité d’accès, gratuité, immédiateté (pratiques de streaming, séries à la demande sur Netflix…) et rapidité de la consommation (prédilection pour les formats courts type MP3, vidéos…) sont caractéristiques de la culture jeune. L’accès à l’information, aisément et rapidement, est un argument exprimé en faveur de la présence du téléphone au CDI.
Yolande Maury analyse la dimension idéologique véhiculée par certains discours et questionne les ambiguïtés des concepts liés à l’empowerment rapportés à l’éducation à l’information : pouvoir d’agir, compétences, capacités, autonomisation. L’auteure évoque le « pouvoir de l’information » comme « une aide à l’intégration sociale et culturelle des individus, leur permettant d’accéder au savoir nécessaire pour améliorer leur vie de tous les jours et atteindre leur plein potentiel9 ».
Un « minimum informationnel » paraît nécessaire à l’exercice de ce pouvoir. Anne-Emmanuèle Calvès retrace l’histoire et l’origine du mot empowerment qui désigne un processus d’organisation autonome des plus démunis (pauvres, immigrés, femmes…), des opprimés, en une force politique organisée10. Ce terme renvoie à l’idée de libération par une prise de conscience des individus eux-mêmes de leur capacité d’agir et d’accéder à plus de pouvoir. Témoin de ces évolutions qui nourrissent sa réflexion, le professeur documentaliste facilite l’accès à l’information et demeure le garant de l’acquisition d’un « minimum info-documentaire » inhérent au développement du « pouvoir de l’information ».
La présence du téléphone impose indéniablement une nouvelle temporalité au CDI. Ces injonctions d’immédiateté, d’instantanéité, d’accessibilité sont inhérentes à l’objet technologique lui-même. Le temps rapide des objets technologiques se heurte au temps long de l’école et de l’appropriation des connaissances ; et au temps long de l’adaptation et de l’assimilation demandées aux enseignants pour maîtriser et expérimenter pédagogiquement ces objets. Le temps de « passer le temps ». Durant les entretiens, nombreux sont les élèves qui affirment « passer le temps » avec leur téléphone. Lequel occupe durant les moments d’attente en nous donnant parfois le sentiment que les élèves perdent leur temps. Interdire le téléphone au CDI n’est-ce pas finalement se confronter à des élèves qui chercheraient à braver cet interdit ? Léa évoque cette situation durant l’entretien. Entre interdiction et autorisation, une alternative semble à trouver par les usagers eux-mêmes.

Le CDI connecté : champ d’observation des pratiques informationnelles et communicationnelles formelles et non formelles

Conscientiser ses pratiques, décider et agir

En sciences de l’éducation, la participation désigne « une action pédagogique et éducative qui sollicite le concours, l’adhésion de l’enfant, de l’élève dans les processus de formation et d’enseignement11 ». Pour participer, il convient de prendre conscience de ses propres pratiques. Seul ce mouvement de conscientisation peut amener les élèves à s’exprimer pertinemment autour de la question de la place du téléphone au CDI et des pratiques formelles et non formelles du numérique. Inspiré de la pédagogie active de Paolo Freire, ce mouvement de conscientisation amène à prendre acte de sa condition et de son environnement. Cette dynamique de conscientisation invite l’élève à passer de l’expression (le dire) à l’action (le faire) en développant sa capacité d’agir sur son environnement.
L’Internet mobile autorise une communication permanente. Tous connectés, partout et tout le temps. Alors qu’auparavant les moyens de communication avaient pour fonction de réunir virtuellement des personnes séparées géographiquement, les élèves sont désormais ensemble physiquement et virtuellement, notamment sur les réseaux sociaux par le biais de la connexion dite « illimitée ». 66,9 % déclarent utiliser le téléphone pour envoyer des SMS et 45,7 % pour consulter les réseaux sociaux. Ces pratiques communicationnelles devenues routinières s’inscrivent dans le quotidien des élèves. Ce besoin de connexion semble jouer un rôle de compensateur social face à une « vie scolaire » ressentie parfois comme lourde, pesante, source d’inquiétude et de frustration. Comme cet élève qui affirme que son téléphone « est un remède pour survivre au monde scolaire ».
La convergence numérique rend en effet possible une multiplicité de pratiques simultanées dans une même unité de temps. 45 % déclarent se connecter à Internet pour travailler et souhaitent se détendre simultanément sur des temps courts. Nous voyons au quotidien les élèves travailler tout en écoutant de la musique et, par intermittence, communiquer sur les réseaux sociaux par exemple. 43,7 % des élèves interrogés déclarent utiliser le téléphone pour écouter de la musique : l’isolement ainsi créé favorise selon eux la concentration. Le téléphone, objet intime, leur permet finalement de reconstruire un univers personnel – celui de la chambre ? – au CDI, avec leur musique, leur connexion personnelle, leur profil sur les réseaux, leur recherche informationnelle privée. Quelle légitimité accorder à ces pratiques non formelles qui s’élaborent dans la sphère scolaire ? Et quelle conduite tenir pour le professeur documentaliste face à des pratiques qui échappent à la prescription scolaire ? Ces pratiques sont en effet peu visibles et par conséquent difficiles à contrôler. Pascal Lardellier12 évoque la blessure narcissique des institutions de transmission que sont l’école et la famille, dépossédées de leur pouvoir et de leur contrôle. Est-il véritablement question de contrôler ? Ou s’agit-il plutôt d’accompagner et de former ? Cette question se pose d’autant plus que certains élèves avouent durant les entretiens que ce multitasking13 ne favorise pas l’attention et la concentration nécessaires au travail scolaire.
Il n’est pas étonnant d’observer de la part de certains professeurs documentalistes une forme de tolérance vis-à-vis de ces pratiques « qui ne dérangent pas ». Une partie de leur formation professionnelle est liée à la maîtrise des outils technologiques de recherche. Les nombreuses séances pédagogiques autour de Google, Wikipédia, des bases de données, ainsi que les expériences menées à partir d’objets technologiques comme les tablettes montrent que les professeurs documentalistes cherchent à « pédagogiser » ces outils en les mettant au service des apprentissages info-documentaires. Le téléphone est un complexe technologique aux fonctionnalités multiples. Il offre aux professeurs documentalistes la possibilité d’observer les pratiques informationnelles et communicationnelles formelles et non formelles des élèves. Et la conscientisation de ces pratiques renvoie à la notion de pouvoir. Conscientiser permet aux individus de prendre acte de leur condition et vise à leur donner le pouvoir d’agir face à une situation qu’ils souhaitent changer. Le terme empowerment est basé sur le désir de transformation sociale qui repose sur une remise en cause d’un modèle existant.

Résister à « l’emprise » suscitée par le téléphone portable : une forme d’empowerment ?

« KM : Considérez-vous que la présence du téléphone vous déconcentre dans votre travail ?
Inès, 17 ans, Terminale : Beaucoup oui. C’est un facteur de déconcentration.
KM : Pourquoi les élèves ont-ils entre les mains un objet qui les déconcentre ?
Inès : C’est paradoxal. Ça peut les déconcentrer mais ça peut aussi leur servir pour des recherches. Euh… les recherches de l’école. En fait ça déconcentre quand on ne l’utilise pas bien. Faut savoir se poser des limites… Je ne peux pas jouer 2h, 2h30 à un jeu à la place de faire mes devoirs, il faut donc apprendre à s’en servir pour que ça devienne quelque chose qui ne déconcentre pas.
KM : Et vous y arrivez ?
Inès : Non… moi je dis ça… mais je n’y arrive pas ! (rires) »

Les propos d’Inès nous apportent un éclairage à la compréhension du « phénomène téléphone » à l’école. Ce dernier déconcentre les élèves dans leur travail. Tous l’expriment lors des entretiens mais ils ne sont que 25 % à l’affirmer sur le questionnaire. Un élève évoque « la dangerosité du téléphone pour étudier ». Dérangé trop souvent, il nous dit se sentir « esclave » de son téléphone mais dans l’incapacité de changer les choses pour le moment. Interdire le téléphone au CDI, est-ce aider cet élève à se concentrer davantage sur son travail ? Deux études récentes ont montré que les établissements où le téléphone était banni obtenaient de meilleurs résultats que ceux où il était autorisé14. Et cette interdiction avait un effet encore plus positif sur les élèves en difficulté. L’étude américaine The World Unplugged visait à demander à un millier d’étudiants provenant d’une douzaine d’universités des cinq continents, de faire l’expérience de 24h de déconnexion médiatique. Une majorité d’étudiants admet l’échec de leurs efforts de déconnection15. Durant les entretiens, les élèves nous font part des stratégies de résistance face à « l’emprise » suscitée par la présence du téléphone : retourner l’objet pour ne pas le voir, le laisser au fond du sac, le mettre dans la trousse, activer le mode avion ou l’éteindre par exemple.
La présence du téléphone à l’école exige de l’élève de développer sa capacité à résister à la tentation face aux sollicitations nombreuses générées notamment par les notifications et les Sms. Résister, c’est faire appel à ses ressources. Inés évoque la nécessité de savoir se poser des limites et d’apprendre à se servir de l’objet. Accroître la capacité des élèves à résister pourrait avoir pour finalité de les responsabiliser en leur donnant le pouvoir de décider de la place qu’occupe le téléphone dans leur vie d’élève et de citoyen. Selon un principe d’éducabilité, il appartient au professeur documentaliste d’aider les élèves à mobiliser leur potentiel et leurs capacités individuelles afin de résister à l’influence engendrée par la présence du téléphone. Former à un usage critique et raisonné du téléphone afin de développer le pouvoir d’agir des élèves sur leurs propres pratiques comporte une dimension citoyenne qui amène à l’émancipation puis à l’autonomie. Les élèves affirment que leur travail scolaire est régulièrement interrompu par le téléphone sauf s’ils décident eux-mêmes de changer les choses. Et cette capacité à agir pour changer les choses se nomme empowerment qui signifie littéralement « renforcer ou acquérir du pouvoir » (Calvès, op. cit p. 739). Ce terme renvoie à la capacité de se défaire de la domination, qu’elle soit humaine ou technologique, ainsi qu’au pouvoir créateur d’accomplir16. L’empowerment représente une évolution afin que chacun puisse étendre sa liberté et ses choix d’actions. Il est question du savoir vivre ensemble avec les objets technologiques.

 

Avant de conclure, il nous faut préciser que les élèves interrogés ne constituent pas une catégorie homogène. Et les réalités des pratiques informationnelles et communicationnelles déclarées et/ou observées sont plurielles. Cette expérience de consultation citoyenne n’en est qu’à ses débuts. Les élèves ont fait entendre leurs voix. Participer comporte toutefois plusieurs dimensions. Il s’agira d’aller au-delà de la consultation en prenant des initiatives qui amèneront à des actions concrètes et à une prise de décisions. En un mot, à l’exercice du pouvoir. Parce que tolérer les pratiques numériques non formelles nous oblige à repenser le modèle du CDI tel que nous le connaissons aujourd’hui. C’est donc collégialement qu’il faudrait poursuivre cette enquête en interrogeant les non-usagers du CDI et en prenant en considération les élèves s’exprimant en faveur d’une interdiction du téléphone afin de leur offrir au sein du CDI un espace de déconnexion (soit 11,4 % des élèves interrogés). Il appartient au professeur documentaliste de veiller aux conditions de représentation de cette souveraineté collective. En mettant en œuvre un dispositif de gouvernance dont les modalités sont encore à définir, nous croyons en l’existence d’un potentiel en chaque élève. Développer l’autonomie dans les prises de décisions amène les élèves à se positionner en codirigeant des espaces de l’établissement qu’ils occupent quotidiennement. Yolande Maury évoque une approche responsabilisante « visant à ce que l’élève soit en capacité d’assumer les changements, de gérer aléas et incertitudes et résoudre lui-même les défis et/ou problèmes rencontrés » (op.cit., p. 13). Elle considère que le concept d’empowerment et les mots qui lui sont associés (pouvoir d’agir, capacité, autonomisation…) sont liés à la culture informationnelle.
En interdisant le téléphone au collège et en fermant les yeux sur sa présence dans certains lycées, l’institution scolaire ne creuse-t-elle pas le fossé numérique entre elle et les nouvelles générations d’élèves ? Pourtant le téléphone offre l’occasion de penser une éducation aux médias et à l’information qui s’articulerait autour de trois dimensions : une utilisation raisonnée et responsable des objets technologiques par le développement de capacités ; la transmission de connaissances sur l’information et les contenus médiatiques ; l’acquisition enfin d’une distance critique vis-à-vis de l’objet technologique lui-même ainsi que de l’information et des médias auxquels les élèves accèdent quotidiennement via le téléphone. Autant d’enjeux pour le professeur documentaliste.

 

Hugo Pratt à l’horizon

Rendez-vous est pris pour une visite guidée destinée à la presse, en présence d’Hélène Lafont-Couturier, directrice du musée, Patrizia Zanotti, ancienne coloriste de Pratt et directrice de l’association Cong, en charge de la valorisation de son œuvre, Michel Pierre, commissaire invité, spécialiste de Pratt, Yoann Cormier, chef de projet au sein du musée, Gilles Mugnier, scénographe, et Tiphaine Massari, graphiste.
En guise de préambule, une première salle expose des planches originales et quelques éléments clés sur la vie de Hugo Pratt : l’influence de ses voyages sur ses œuvres, celle d’autres auteurs de bandes dessinées, notamment l’américain Milton Caniff, et du cinéma. Car si son personnage principal, Corto Maltese, est très présent dans cette exposition, il est bien question de l’œuvre de Hugo Pratt dans son ensemble. Celui-ci a eu une vie mouvementée qui l’a mené tout autour du monde : Abyssinie italienne (actuelle Éthiopie), Argentine, Brésil, Océanie, Canada. Il voyage par goût, par passion, tantôt dilettante, tantôt ethnographe, notamment en Amérique du Nord. Il tirera de ces voyages les aventures de Corto Maltese, mêlant dans son œuvre inspiration du réel et représentation fantasmée d’un aventurier dans un monde à la poésie cruelle.

Corto Maltese – Fable de Venise (1977) © Cong S.A. Suisse D.R.
© photo B. Stofleth, musée des Confluences

Michel Pierre donne quelques éléments de compréhension, notamment sur la manipulation de l’ironie nous expliquant comment Pratt s’amuse avec les clichés de l’exotisme, de l’aventurier du bout du monde, des femmes asiatiques mystérieuses. Lui-même jouait de son personnage de baroudeur, racontant différentes versions de ses voyages suivants ses interlocuteurs. Il attire notamment notre attention sur l’intérieur de la maison de Corto Maltese à Hong Kong, dans le salon de laquelle trône un magnifique piano à queue, objet peu courant pour un marin baroudeur et solitaire.
Puis, avant d’entrer dans la salle principale, Yoann Cormier nous avertit que l’exposition ne suit pas un parcours, mais qu’elle est une mise en scène de l’œuvre de Pratt. En pénétrant dans l’espace, nous comprenons immédiatement ce qu’il veut dire… L’exposition se déploie dans une seule immense salle, assez sombre et très haute de plafond. Des planches originales sont accrochées le long des murs, mais c’est bien les agrandissements spectaculaires de certains extraits qui attirent l’attention. À proximité de ces agrandissements se trouvent les objets représentés, placés dans des vitrines. La plupart de ces objets sont issus des collections du musée. Nous déambulons ainsi au milieu de ces boîtes, qui parfois, par un jeu de lumière et de rétro-éclairage, nous révèlent leur trésor. Sur l’une de ces boîtes, le dessin d’un chef de tribu, le visage menaçant et entouré d’une parure qui semble constituée d’os et de cuir. Soudain, la lumière s’allume à l’intérieur de la boîte et apparaît en surimpression une véritable coiffe, qui encadre le visage du personnage dessiné ! On apprend ainsi qu’il s’agit d’une coiffe de la vallée de l’Omo, en Éthiopie, effectivement constituée de cuir, d’os et de dents de phacochère. Est-ce la réalité qui inspire la bande dessinée, ou la fiction qui (re)donne vie à cette parure de chef, qui ne serait sinon qu’une pièce de musée, exposée telle un animal mort ?

Corto Maltese – La Ballade de la mer salée (1967) © Cong S.A. Suisse. D. R.
Masque (20e siècle – Papouasie-Nouvelle Guinée, région du Sepik) Collection Claudine Gay et Gilles Sournies © Photo O. Garcin – Musée des Confluences

Patrizia Zanotti nous indique que c’est la première fois qu’une exposition de bande dessinée est ainsi scénographiée, faisant dialoguer les dessins avec les objets, introduisant la troisième dimension dans un univers intrinsèquement à deux dimensions. Nous évoluons littéralement dans la BD, côtoyant et pouvant presque toucher les éléments iconiques de l’univers de Corto Maltese, notamment le scaphandrier et la marionnette, présents de manière diffuse et récurrente dans ses aventures… Seuls les initiés, dont je ne suis pas, savent l’importance de ces artefacts. Mais maintenant, grâce à cette visite, je sais tout ! Cette anecdote pour rassurer ceux et celles qui ne connaissent pas particulièrement l’œuvre de Pratt : il s’agit bien de mettre en lumière le dialogue entre objets réels et appropriation artistique.
Au fond de la salle, nous pénétrons dans un immense cylindre de tissu et nous voilà au cœur d’une lanterne magique. Assis sur des coussins au centre, nous regardons les dessins s’envoler sur la paroi, à côté des silhouettes projetées, comme plongés dans un rêve prattien où se mêlent monstres, Raspoutine, étoiles et masques lointains.
Émerveillée, les mains moites et la voix chevrotante, je m’approche
de Patrizia Zanotti :

« - C’est incroyable cette collection ! C’est magnifique de voir comme ça, en vrai, les œuvres représentées dans les BD.
– Oui, il faut considérer ça comme un retour aux sources ! Ce qui est intéressant, c’est que Hugo Pratt avait fait ce travail de recherche, par des voyages ou des visites, pour dessiner fidèlement ces objets. Et tant d’années après, nous faisons le chemin inverse, celui de retrouver les objets qui ont servi de modèle. Il s’agit de faire prendre conscience du travail d’investigation et de recherche, qui était beaucoup plus long et compliqué avant Internet ! »

Corto Maltese – Têtes et champignons (1970) © Cong S.A. Suisse. D. R.
Coiffe (20e siècle – Éthiopie, vallée de l’Omo, population mursi) Don d’Antoine de Galbert. Musée des Confluences © Photo Olivier Garcin – Musée des Confluences

Une dernière petite salle présente une partie de l’œuvre de Pratt publiée dans des magazines de BD, ou les magazines dont il s’est inspiré, en face d’un étonnant trombinoscope de tous les personnages rencontrés au fil des aventures de Corto Maltese. C’est le moment des questions-réponses, posées par les différents journalistes présents :
Q : cette exposition peut-elle amener des publics plus jeunes, qui ne connaissent pas nécessairement Hugo Pratt ou Corto Maltese ?
Yoann Cormier : cette exposition est conçue pour être familiale, les enfants peuvent aussi être fascinés par les objets du bout du monde.
Michel Pierre : Corto Maltese est un mythe qui dépasse la BD. Sans l’avoir lu, on le retrouve partout, dans des publicités de parfum, des nom de bars, même en Guyane où son image décore le bol pour payer le passeur qui fait traverser le Maroni !
Q : Corto Maltese prend quand même beaucoup de place dans cette exposition…
Patrizia Zanotti : Corto Maltese représente effectivement une grande partie de l’œuvre de Pratt, c’est notamment celle qu’il a à la fois écrite et dessinée.
Q : les BD de Hugo Pratt sont en noir et blanc, comment se fait la rencontre avec la couleur ?
Patrizia Zanotti : Pratt dessinait toujours en noir et blanc : l’exposition essaye de garder la philosophie de ce choix, et propose en contrepoint de mettre en valeur la couleur à travers les objets. On trouve une exception, c’est le travail d’aquarelle qu’il a fait pour les représentations des Indiens d’Amérique du Nord [dont Pratt était devenu un grand connaisseur, notamment toute la période des guerres indiennes en Virginie Occidentale N.D.L.R.].
Une dernière halte pour profiter de cette invitation feutrée au voyage, et c’est le retour dans le grand couloir clair du premier étage du musée.

© Hélène Zaremba
Petit masque (20e siècle – Papouasie-Nouvelle-Guinée, région d’Angoram) Musée du quai Branly- Jacques Chirac

Pistes pédagogiques

Projets menés par le professeur documentaliste seul

Dans le cadre d’un AP ou d’un club lecture, vous pouvez explorer les pistes suivantes :

Travail autour de la bande dessinée (collège)
Qu’est-ce qu’une BD ? Comment représente-t-elle le monde ? Quel peut être son degré de réalisme ? Ici, cette question prend tout son sens, car Hugo Pratt utilise des éléments très réalistes qu’il inclut dans une fiction, aux accents quasi oniriques. On peut ainsi comparer des BD type fantasy, aux univers complètement imaginaires, avec des BD très réalistes, voire documentaires.
Réalisations :
Exposition au CDI présentant différents types de BD sous l’angle de réaliste / pas réaliste / crédible / imaginaire.
Recréer l’univers d’un auteur en mettant en regard des planches de la BD avec des objets de la vie quotidienne.
Ce travail répond aux attentes du domaine 5 du socle commun : « Organisations et représentations du monde : il exprime à l’écrit et à l’oral ce qu’il ressent face à une œuvre littéraire ou artistique ; il étaye ses analyses et les jugements qu’il porte sur l’œuvre ; il formule des hypothèses sur ses significations et en propose une interprétation en s’appuyant notamment sur ses aspects formels et esthétiques. Il justifie ses intentions et ses choix expressifs, en s’appuyant sur quelques notions d’analyse des œuvres. Il s’approprie, de façon directe ou indirecte, notamment dans le cadre de sorties scolaires culturelles, des œuvres littéraires et artistiques appartenant au patrimoine national et mondial comme à la création contemporaine. »

Le travail de collecte de documents (lycée)
Dans le cadre des TPE cette proposition vise à sensibiliser les élèves au travail de collecte de documents : où trouver des documents fiables et comment les exploiter pour ne pas faire de paraphrase mais bien une création nouvelle. Le TPE n’est pas un exposé, mais bien un travail de recherche personnel problématisé, et doit donc générer une réflexion originale à partir de recherches.
Réalisation : étudier la collecte de documents et d’informations par Hugo Pratt et voir comment il se les réapproprie pour créer son œuvre. Transposer la méthodologie au travail personnel de chaque groupe d’élèves.
Ce travail répond aux attentes du domaine 2 du socle commun : « les méthodes et outils pour apprendre : ces compétences requièrent l’usage de tous les outils théoriques et pratiques à sa disposition, la fréquentation des bibliothèques et centres de documentation, la capacité à utiliser de manière pertinente les technologies numériques pour faire des recherches, accéder à l’information, la hiérarchiser et produire soi-même des contenus. »

Travail transdisciplinaire, EPI

Cultures du monde (documentation, histoire-géographie)
Hugo Pratt était un grand voyageur et s’est beaucoup inspiré de sa propre expérience pour raconter les aventures de Corto Maltese. Il a ainsi donné une représentation du monde ; au tour des élèves de donner la leur, en s’appuyant sur leurs recherches, et sur le travail effectué en cours d’Histoire-géographie sur les activités humaines autour du monde.
Ce travail répond aux attentes du domaine 5 du socle commun : « Organisations et représentations du monde : l’élève se repère dans l’espace à différentes échelles, il comprend les grands espaces physiques et humains et les principales caractéristiques géographiques de la Terre, du continent européen et du territoire national : organisation et localisations, ensembles régionaux, outre-mer. Il sait situer un lieu ou un ensemble géographique en utilisant des cartes, en les comparant et en produisant lui-même des représentations graphiques. »

Le récit d’aventure (documentation, français)
Le récit d’aventure est au programme du cycle 3, notamment en 6e. Un album de Corto Maltese peut être compris dans le corpus d’étude, et l’exposition permettra de faire un prolongement au travail effectué en classe.
Réalisation : co-construction et/ ou co-animation de la séance autour de Hugo Pratt et Corto Maltese. Co-organisation de la sortie des élèves à l’exposition, présentation d’albums au CDI.
Ce travail répond aux attentes du domaine 1 du socle commun : « des langages pour penser et communiquer : il découvre le plaisir de lire. L’élève s’exprime à l’écrit pour raconter, décrire, expliquer ou argumenter de façon claire et organisée. Lorsque c’est nécessaire, il reprend ses écrits pour rechercher la formulation qui convient le mieux et préciser ses intentions et sa pensée. Il utilise à bon escient les principales règles grammaticales et orthographiques. Il emploie à l’écrit comme à l’oral un vocabulaire juste et précis. »

Corto Maltese – La Ballade de la mer salée (1967) © Cong S.A. Suisse. D. R.

Figures d’adolescents transgenres

La métamorphose de genre

Les différences et les caractéristiques liées au genre sont de plus en plus exploitées en littérature de jeunesse, en particulier dans les romans. Pour aborder cette question, les auteurs usent bien souvent de subterfuges tels que le travestissement de leurs personnages ou encore leur métamorphose du masculin au féminin, et inversement.
Figure récurrente en littérature de jeunesse, le personnage du travesti revêt des formes et des fonctions multiples. Garçon ou fille de l’auteur britannique Terence Blacker, dans lequel le jeune Sam devient Samantha le temps d’une semaine suite à un défi lancé par son cousin, est sans doute le roman le plus souvent cité sur cette thématique. D’autres romans remettent en cause la binarité de genre des adolescents, notamment en ne révélant pas, ou tardivement, le genre de leur personnage principal, comme Raph dans Je suis qui je suis de Catherine Grive ou Camille dans Troubles de Claudine Desmarteau, ou en leur donnant une apparence physique prêtant à confusion, à l’image d’Alex dans A kiss in the dark de Cat Clarke qui laisse Kate tomber amoureuse d’elle sans lui révéler qu’elle s’est trompée sur son identité, ou de Charly dans le roman éponyme de Sarah Turoche-Dromery.
Ces œuvres situent leur action dans un cadre réaliste et contemporain, mais d’autres revêtent un caractère fantastique lorsque cette inversion des rôles va jusqu’à la métamorphose. Ainsi, des récits comme Dans la peau d’une fille d’Aline Méchan ou Cinq jours par mois dans la peau d’un garçon de Lauren McLaughlin, exprimeront, grâce à un système narratif différent, des enjeux similaires.
S’il s’agit avant tout ici de révéler, par un échange de rôles, les attributs sociaux masculins et féminins, d’autres genres de récits s’intéressent plus particulièrement à la condition féminine et au rapport de pouvoir existant entre les divers genres, à une autre époque ou dans un autre lieu. Bacha Posh, de Charlotte Erlih, expose la situation de ces filles afghanes élevées en garçons, tandis que parmi les romans d’aventures ou historiques, les auteurs montrent des personnages féminins dont le travestissement est nécessaire à l’accomplissement d’une mission ou simplement à leur survie, comme cela peut être le cas dans Eon et le douzième dragon d’Alison Goodman.
Cependant, ces exemples n’induisent qu’un questionnement des rapports de genre ancré dans une perspective exclusivement binaire, entre le féminin et le masculin. Cela revient ainsi, malgré tout, à perpétuer en partie les stéréotypes qui peuvent y être liés. Pourtant cette confusion des genres peut aller au-delà du simple déguisement, comme l’illustrent les romans proposant des personnages transgenres. Ces œuvres, peu nombreuses, revêtent toutefois un caractère indispensable dans le paysage éditorial pour adolescents, dans la mesure où les enjeux de la littérature de jeunesse sont fortement liés à la construction identitaire de ses lecteurs.

Symptôme de l’invisibilité transgenre

Le roman-miroir s’attache à interroger de nombreuses problématiques sociales. La définition du roman réaliste comme un « extraordinaire instrument d’exploration du réel, de figuration de l’Histoire, d’analyse de la société1 » semble pouvoir s’appliquer aux éditions pour la jeunesse, de même que l’idée de Milan Kundera que « le roman n’examine pas la réalité mais l’existence », considérant alors que « l’existence est le champ des possibilités humaines2 ». La littérature destinée aux adolescents reste donc fortement associée au traitement de questions personnelles fondamentales et de sujets de société sensibles.
Néanmoins, déjà mis à l’écart au sein même de la collectivité, certains types de personnages sont également mis à la marge de la littérature de jeunesse. Parmi eux, les personnages transgenres sont très peu présents dans les romans pour adolescents. Souvent associée aux combats et aux revendications des gays et des lesbiennes, ainsi qu’à toute personne ne respectant pas un certain conformisme sexuel et de genre, la transidentité demeure nettement moins visible, dans la réalité comme en littérature. Dans son étude3, Renaud Lagabrielle comptait en 2007 trente romans dans lesquels il est question d’homosexualité, tandis qu’à l’heure actuelle, les ouvrages pour adolescents s’intéressant à la transidentité se font très discrets. La Face cachée de Luna, de Julie Anne Peters, est le premier d’entre eux, paru en 2005, puis réédité en 2016 sous le titre (inadapté à mon sens) Cette fille c’était mon frère. Puis, après quelques années, sans que le sujet ne soit abordé, paraît en 2010 Le Garçon bientôt oublié de Jean-Noël Sciarini. Enfin, suite à une nouvelle période de disette, les années 2016 et 2017 voient sortir quatre romans proposant un ou plusieurs jeunes personnages transgenres. Le « caractère mineur et non représentatif » d’un tel corpus ne permet pas réellement la « constitution d’[un] canon à une époque et dans un contexte donnés4 », mais suggère au contraire la visibilité restreinte à laquelle sont confrontées les personnes transgenres au sein du paysage médiatique. Dans l’édition pour la jeunesse, le traitement de cette thématique apparaît comme négligeable, ni réellement acceptée ni banalisée.
Malgré la recrudescence observée ces dernières années, il semble ainsi prématuré d’évoquer la naissance d’une voix transgenre dans les romans destinés aux adolescents. Néanmoins, l’existence de ces personnages transgenres, soit comme sujet textuel, soit comme sujet d’énonciation, permet une certaine reconnaissance de son autorité discursive, d’autant que plusieurs auteurs et autrices tels Alex Gino et Meredith Russo sont eux-mêmes transgenres.
L’émergence de ces protagonistes souligne, à travers leurs parcours respectifs, le caractère minoritaire et excluant d’une telle identité de genre. Ces romans insistent sur l’isolement dans lequel vivent ces jeunes, même lorsque ceux-ci, à l’instar de Luna, George ou Amanda, reçoivent le soutien d’un proche. La première scène du roman de Julie Anne Peters se veut l’illustration de l’injonction au secret qui oppresse en permanence les personnes transgenres. C’est uniquement dans l’intimité de la chambre de sa sœur, la nuit, que Liam peut sereinement devenir Luna, en empruntant les vêtements et le maquillage de celle-ci. Hors de cet espace protégé, cette liberté lui est retirée et son quotidien est marqué par son adhésion forcée aux divers codes masculins en vigueur dans nos sociétés. Toni aussi, dans Le Garçon bientôt oublié, tente de camoufler son mal-être par un comportement de « petit gars exemplaire », tandis que Grayson, dans le roman d’Ami Polonsky, s’isole de ses pairs pour ne pas risquer la découverte de son secret. Les adolescents transgenres font face à cette obligation de dissimulation, au risque de subir un important rejet. La crainte d’être découvert contraint nos personnages à adopter un comportement excessivement prudent. Liam a ainsi installé une alarme silencieuse à l’entrée du sous-sol de la maison où elle a l’habitude de s’habiller en Luna. Amanda, dans Celle dont j’ai toujours rêvé, malgré la confiance qu’elle accorde à son petit ami, garde le silence sur son passé aussi longtemps que possible par peur de se voir rejeter. Par ailleurs, les contraintes discursives font elles aussi partie du secret. Toni, après s’être divulgué-e par erreur décide de « gommer de [s]on langage tous les mots féminins identifiables à l’oreille. »
Pourtant, il arrive que le rejet précède le dévoilement de l’identité de genre réelle. Luna est régulièrement l’objet d’une suspicion d’homosexualité. Elle subit plusieurs agressions verbales violentes et des insultes homophobes sont lancées à son encontre à cause de son comportement décalé et de ses goûts jugés trop féminins, tout comme David, le personnage de Normal(e) de Lisa Williamson, harcelé au collège.
Pourtant, la crise que traversent ces personnages dans certains de ces romans atteint son paroxysme lors de l’étape de la révélation. La transgression des normes en vigueur, faisant alors d’eux de véritables marginaux, éclate dès lors qu’ils et elles décident de se dévoiler. En apparaissant dans un lieu social sous leur figure réelle, nombreux sont immédiatement repoussé(e)s par ces autres qui jettent dans un premier temps un regard obtus, plein de haine et de dégoût, à leur égard. C’est notamment le cas de Grayson dans Le Secret de Grayson, et de Liv dans Opération pantalon, que leurs meilleures amies vont trahir après avoir découvert leurs véritables identités pour rejoindre le camp des harceleurs. Amanda, de son côté, est partie vivre chez son père, dans une autre ville, afin de fuir les agressions violentes dont elle fût victime dans son précédent lycée alors qu’elle réalisait sa transition.
Ces références de la littérature de jeunesse permettent de traduire le dilemme des adolescents transgenres, les forçant à choisir entre dissimulation et rejet, tout en étant confrontés à l’absence de références concernant leur situation.

De la déconstruction des normes socio-culturelles

Par ailleurs, le rôle des personnages opposants de ces romans est bien de refléter l’incapacité de nos sociétés à envisager une remise en question des genres et à penser le concept de différenciation sexuelle au-delà d’une vision binaire. Dans cette perspective, nos protagonistes transgenres constituent des modèles mettant à mal ce système de division sociale, et l’observation de leurs cheminements particuliers peut conduire le lecteur à revoir sa perception des habitus sexués et de leur différenciation.
La prise de conscience de la transidentité, depuis le plus jeune âge, ou plus tardivement, amène nécessairement les personnes à envisager leur apparence d’une autre manière, à construire leur corps en confrontation aux normes de genre. Certaines et certains expriment leur appartenance à leur genre en adhérent aux codes, vestimentaires et sociaux, qui leur sont généralement associés. Certains personnages féminins, par exemple, sont attirés enfants par les jeux domestiques et les poupées, tandis qu’à l’adolescence, elles rêvent du bal de fin d’année, de tenues et de maquillage. De son côté, Liv, dans Opération pantalon de Cat Clarke, mène dans son école un combat pour porter l’uniforme scolaire dédié aux filles, alors que, à l’inverse, un personnage comme Toni se situe hors de toute catégorisation et met du temps avant de ne plus employer de pronoms masculins à son égard et considérer son corps comme étranger.
Le rapport au genre de tous ces personnages ne semble ainsi pas cristalliser autour des mêmes représentations. Néanmoins, dans plusieurs cas, le rejet de l’identité visible passe nécessairement par celui du corps et des attributs sexuels. La sœur de Luna évoque notamment l’épisode symbolique au cours duquel son petit frère tente de sectionner son pénis avec un couteau, tandis que Toni a « commencé à perdre pied » au moment de l’apparition de ses poils. L’auteur du Garçon bientôt oublié présente ici l’adolescence comme une réelle étape de transition, succédant à une enfance neutre et asexuée, et aboutissant à la détermination de l’identité. Ce rejet du corps interroge les rapports sociaux, déterminés par ces « visions essentialistes de la différence des sexes5 ». La hiérarchisation des caractéristiques biologiques fait alors peser sur les jeunes personnages assignés à un genre qui ne leur correspond pas une forte injonction à la virilité ou à la féminité. Ces contraintes normatives, apparaissant dans les œuvres sous la forme d’un encouragement permanent à la pratique sportive ou l’obligation de porter une jupe, mettent en évidence les principes d’organisation de la vie sociale et de négation des altérités.
La revendication du corps et le désir de reconnaissance qui en découle ne peuvent alors s’établir sans un sentiment de transgression à l’encontre des attentes directives de la société. La construction de ces romans accompagne les protagonistes transgenres vers l’élaboration de leur image, conforme à leur identité de genre, et révèle en outre la nécessité d’une « déconstruction de normes culturelles6 ». L’un des enjeux majeurs de tels récits serait alors lié à la remise en question de la simple répartition féminin-masculin et de la relation, prétendue naturelle, entre sexe et genre.
Il ne s’agit donc pas seulement de fournir des modèles et de jouer un rôle de soutien auprès de jeunes confrontés aux mêmes problématiques et en quête de réponses sur le déroulement de leur vie future. Luna et Toni, en d’autres termes, ne font pas seulement fonction de figures identificatoires, dans la mesure où le lecteur, ici, est également encouragé à considérer la déconstruction des catégories dont il a l’expérience et à élaborer son propre système de valeurs.

Morts ou vifs : quel avenir pour les adolescents transgenres ?

Quels que soient le mode de récit et le ton choisis, l’ensemble de ces romans s’attarde, plus ou moins longuement, sur le mal-être et la souffrance des personnages transgenres, inhérents à la crise identitaire qu’ils traversent ainsi qu’à leur isolement et à leur stigmatisation. Leur mise à la marge par l’ordre social dominant et les discours normatifs dont ils sont la cible s’ajoutent en effet à l’inconfort extrême de posséder un corps dans lequel ils ne se reconnaissent pas. Ainsi, Luna, Toni, George, Grayson, Kate, Léo et Liv se veulent l’expression des limites d’une telle situation, traduisant la vulnérabilité supérieure à laquelle sont soumis tous les adolescents transgenres.
Un roman comme Le Garçon bientôt oublié est entièrement construit autour de l’évocation de la douleur du personnage. La compréhension puis l’acceptation de sa situation ne permettent pas à Toni d’accéder à la résolution du conflit d’identité dont il est l’objet. D’une manière plus naïve et enfantine, George quant à elle, ne comprend pas pourquoi tout un chacun la perçoit comme un garçon, et passera ainsi l’ensemble de l’histoire à tâcher de montrer sa véritable identité à son entourage. Et tandis que Luna se voit comme une « erreur totale » et Leo comme un « monstre », nombre d’auteurs et autrices insistent sur les comportements à risques dont sont sujets les jeunes transgenres. Certains personnages semblent particulièrement ressentir le besoin de se blesser physiquement, soi-même ou en se battant avec d’autres, comme moyen d’éprouver ce corps détesté. Par ailleurs, la question de la prévalence des tentatives de suicide, bien plus élevée parmi les minorités sexuelles et de genre, occupe une part importante de ces romans.
La description de ces épisodes illustre les conséquences douloureusement néfastes que peuvent susciter l’assignation de genre imposée aux enfants et les contraintes normatives qui en découlent. Et pour ces personnages, il ne peut majoritairement y avoir de libération sans passage vers un réel statut social correspondant à leur identité réelle, afin de parvenir à la réappropriation de son corps et sortir de cette obligation de dissimulation.
L’idée d’une transition s’impose alors comme un besoin impérieux, un incontournable moyen de survie. Deux caractéristiques importantes liées au cheminement personnel des jeunes transgenres se détachent. D’une part, la nécessité de cette prise de décision semble dépasser les retentissements négatifs qui pourraient en découler tant la souffrance et les humiliations ressenties dans leur état actuel sont devenues lourdes à porter. D’autre part, cette transition doit passer par l’affirmation publique. Luna et Toni choisissent de commencer à porter des atours féminins dans leur vie quotidienne. De son côté, les revendications de Liv concernant son refus de porter des jupes sonnent comme la première étape de son parcours. Par ailleurs, deux personnages passent par le biais de la représentation théâtrale pour exprimer leur genre. George souhaite interpréter le personnage de Charlotte l’araignée dans la pièce de son école et y parvient grâce à sa meilleure amie avec qui elle va échanger son rôle au dernier moment. Grayson, quant à elle, obtient le rôle de Perséphone après avoir convaincu son professeur. Même Amanda, qui pouvait faire figure d’exception dans la mesure où elle arrive dans un nouvel environnement sous son identité définitive, parvient tout de même à affirmer son statut transgenre, bien que cela passe malheureusement par une révélation forcée.
Si souvent la divulgation auprès de leurs camarades est soldée par un rejet, nos personnages bénéficient tout de même de soutiens importants. La figure du ou de la meilleur.e ami.e notamment, qui fait dans un premier temps preuve de déni voire de violence, pour parvenir finalement à l’acceptation de leur situation, est importante. Ces alliés inattendus sont le symbole de l’exemple à suivre pour le jeune lecteur, qui est ainsi invité à accéder à un certain degré de compréhension. De même, le rôle des alliés transgenres est primordial dans le processus d’acceptation de soi et de survie de ces jeunes. Dans Celle dont j’ai toujours rêvé, Amanda reçoit l’appui et l’amitié de son groupe de soutien pour personnes transgenres, tandis que dans Normal(e), l’arrivée de Léo dans la classe de Kate va lui permettre de se sentir accompagnée et soutenue dans son parcours.
La révélation à la famille reste toutefois le palier le plus fondamental. « Malade » selon le père de Luna, et accusé de « tuer […] Dieu » par celui de Toni, ces enfants risquent constamment d’être exclus de l’environnement familial. Dans ces deux cas, la violence conduit les jeunes personnages transgenres au départ. Il est manifeste dans ces romans que les deux protagonistes n’envisagent pas leur avenir sans une transition totale, et donc une réassignation chirurgicale. Luna part ainsi à Seattle pour suivre le processus nécessaire, tandis que Toni quitte le domicile de ses parents en souhaitant pouvoir faire de même. Les étapes suivantes – la psychiatrisation, la médicalisation puis les transformations physiques et les méandres administratifs – ne sont que brièvement évoquées, malgré le soin pris par chaque auteur pour ne pas évacuer totalement cette problématique. Les autres romans, plus récents, se tournent moins vers ces deux thématiques, le rejet familial et la médicalisation, même si Celle dont j’ai toujours rêvé est le seul à proposer un personnage après une transition complète, tout en évacuant également les problématiques que cela implique (mais l’auteur s’en explique à la fin de l’ouvrage).
Nous distinguons ainsi deux courants quant aux propos tenus. Le premier concerne les deux romans parus jusqu’en 2010 qui, si leurs récits s’achèvent ainsi qu’il se doit en littérature pour la jeunesse sur une note d’espoir, en mettant leurs jeunes personnages sur le chemin de la réalisation de leur rêve, se caractérisent toutefois par la persévérance d’un discours craintif. Le deuxième courant englobe les romans parus ces trois dernières années, véhiculant un discours plus positif et des perspectives moins sombres.
Ces romans pour la jeunesse abordant la thématique de la transidentité sont insuffisants pour élaborer un véritable discours prescripteur, mais occasionnent néanmoins la définition de quelques caractéristiques liées au traitement du sujet. Néanmoins, il faut souligner que ces romans ne contestent pas les assignations identitaires normalisantes et binaires. La transidentité est ici conçue comme le passage d’un genre à un autre, sans laisser l’opportunité à une neutralité ou à une pluralité de subsister. Même Toni, qui commence par se considérer hors de toute catégorisation et emploie tant le masculin que le féminin pour se déterminer, opte finalement entièrement pour une identité féminine à la fin du roman. De même, la question de la sexualité n’est pensée que dans une optique hétérosexuelle.
En définitive, il faut constater que malgré une volonté indispensable de permettre enfin une visibilité, même mineure, de la question transgenre en littérature de jeunesse et malgré une apparence subversive, ces récits ne parviennent pas à remettre totalement en question la norme et la permanence des clichés. Cette limite se caractérise par l’association permanente des personnages à un genre fixe, ne permettant pas alors de réel dépassement de la binarité des genres. Ainsi, la littérature pour adolescent apparaît encore une fois comme le moyen de mettre en scène l’altérité sans outrepasser les frontières d’une certaine normalité.

La facilitation graphique

Ces dernières années, dans le contexte d’une société de plus en plus visuelle (images, schémas, pictogrammes, photos sont omniprésents dans nos vies : internet, journaux sms, appels vidéo, etc.), la pensée visuelle voit le nombre de ses adeptes comme de ses praticiens en constante augmentation.

La facilitation graphique est une discipline née dans les années 70 sur la côte ouest des États Unis, dans le chaudron de l’intelligence collective. Michael Doyle est l’un des premiers à avoir travaillé sur l’intelligence du groupe en se demandant en quoi un groupe d’individus est-il plus intelligent que la somme des personnes qui le composent. Dans la poursuite de cette démarche, David Sibbet est l’un des premiers à avoir fixé un panneau au mur durant un temps collectif et à y inscrire le contenu des propos échangés : c’est la naissance de la mémoire visuelle du groupe. David Sibbet fondera ensuite « The Grove », une entreprise de consultants spécialisée dans la pensée visuelle. Parallèlement à l’émergence de ce mouvement aux États Unis, les choses ont aussi évolué en Europe. En effet, c’est durant cette même période que Tony Buzan a mis à jour les principes du mind-mapping – ou carte mentale/heuristique – en calquant la structuration de la prise de notes au fonctionnement neuronal du cerveau dans le but de favoriser une meilleure mémorisation et appropriation des informations.
Bien que différentes, les deux disciplines ont des fondements très proches dans le fait de spatialiser la pensée, y ajouter des couleurs et des formes, apprendre à s’approprier la structuration de sa prise de notes, etc. La facilitation graphique s’appuie sur ces mêmes bases, mais s’affranchit de la structure caractéristique du mind-map qui pose le sujet au centre et différentes branches qui viennent le compléter, l’auréoler.
En France, la discipline est arrivée il y a un peu plus d’une quinzaine d’années maintenant. La liste n’est pas exhaustive, mais on peut citer Nicolas Gros (Wild is the Game) comme l’un des pionniers sur le territoire, mais aussi Roberta Faulhaber, Guillaume Lagane ou encore Vanina Gallo.

La pensée visuelle

La facilitation graphique est un outil qui permet de traduire visuellement les idées et les messages. C’est la modélisation graphique d’une intervention orale de manière à « cartographier » les idées qui s’expriment au sein d’un groupe. L’utilisation de la pensée visuelle, que ce soit dans un cadre personnel ou professionnel, permet de s’approprier les données et d’y voir plus clair, ce qui n’est pas toujours simple dans notre monde où les informations surgissent aujourd’hui de toutes parts et à tout moment. Le rôle du facilitateur graphique est de capter les paroles exprimées par une personne ou par le groupe ; en extraire les idées clés ; puis les donner à voir en direct sur un support visuel. Son rôle est ainsi d’accompagner la réflexion collective en proposant une visualisation adaptée au contexte, à l’objectif et à la dynamique. La facilitation graphique est ainsi un outil pédagogique très puissant. Si l’on s’appuie sur la théorie des intelligences multiples d’Howard Gardner, la pensée visuelle permet d’activer plusieurs leviers : l’intelligence visuelle spatiale bien sûre, mais aussi l’intelligence verbale-linguistique. Dans le cas où l’on réalise sa propre prise de note, cela peut faire appel à l’intelligence kinesthésique : on se met en mouvement durant le temps d’écoute, on pratique une écoute active qui met le corps en marche, une des clés de la mémorisation des contenus. Voir l’intelligence interpersonnelle si l’on construit le visuel en groupe. Le fait d’activer simultanément plusieurs de ces leviers permet de créer un ancrage fort pour les personnes et donc de comprendre et de retenir fortement les informations essentielles. Le rôle de la facilitation graphique ou la pensée visuelle est ainsi d’accompagner un processus de communication, la transmission d’un message.
Le visuel permet aussi de favoriser une meilleure compréhension entre les individus : le fait d’utiliser un support visuel pour expliquer sa pensée permet généralement de cibler très rapidement les points d’accords et de désaccords des différentes parties.
De plus, cet outil permet de produire un compte-rendu à la fois synthétique et immédiatement disponible. Il est vrai que bien souvent, on entre dans une salle de réunion, on travaille beaucoup, et lorsque l’on ressort, la salle est identique… Il n’y a quasiment aucune trace de ce que le groupe a fourni comme travail, mis à part le compte rendu texte de 5 pages linéaires qui sera envoyé ultérieurement aux participants et que peu d’entre eux liront réellement. Le fait de montrer (sur un paper-board, un tableau, une fresque, ou autre) ce que le groupe a produit, ou tout au moins le cheminement, l’élaboration de sa réflexion collective, a un impact énorme sur le développement de ces travaux. Élaborer un tel compte rendu oblige à sortir de la prise de notes linéaire, où l’on écrit, de manière passive, au kilomètre, ce que l’on entend sans même parfois comprendre ce que l’on note. La facilitation graphique permet de réfléchir au sens : quelles idées sont essentielles ? Quels sont les liens entre ces idées importantes ? Où se placent-elles dans l’architecture du discours/de la pensée ?

Détail © Julie Boiveau

Contextes d’application

Particulièrement efficace, cet outil peut être utilisé dans n’importe quel domaine, du moment où l’on cherche à transmettre un message : une conférence, un cours de quelque discipline que ce soit, une réunion de travail, une discussion entre collègues, etc. Plusieurs contextes dont les objectifs sont propres à chaque application :

• Au cours de réunions pour accompagner le travail d’un groupe et les faire avancer sur leurs réflexions. Objectifs : la pensée visuelle permet de concentrer le groupe sur le sujet, répartir la parole, faire avancer les idées émises : les faire évoluer, les amender ou les modifier. Cela permet aussi d’avoir un compte rendu de la session. Ce compte-rendu peut-être ensuite repris par le groupe pour la base de la prochaine session de travail. #scribing

• Lors de conférences afin de traduire en direct les propos des intervenants et les montrer à l’assemblée. Objectifs : la pensée visuelle permet de garder plus longtemps l’attention des participants concentrée sur le sujet. Cela permet aussi de favoriser la mémorisation post-événement grâce au compte-rendu visuel réalisé en direct. #scribing
• Dans un groupe pour co-construire un projet. Objectifs : la facilitation graphique permet une implication forte des participants dans la définition et/ou la construction du projet. Cela favorise la compréhension entre les individus et permet souvent une meilleure communication. #intelligence collective #pensée visuelle #co-construction

• Pour soi-même (noter ses pensées/projets, faire le compte-rendu d’un livre ou d’un cours, etc.). Objectifs : la facilitation graphique permet à la personne d’être actrice de sa prise de notes et cela favorise le processus de mémorisation. #sketchnoting

Par ailleurs, on peut tout à fait imaginer faire entrer la facilitation graphique à l’école ! Elle pourrait être utilisée par les enseignants pour expliquer et faire comprendre leurs cours, mais également par les élèves pour prendre des notes. Il semblerait que de plus en plus d’écoles se mettent au mind-mapping, ce qui est déjà un grand pas en avant ! Le mind-mapping est un premier pas vers la pensée visuelle. Il offre un cadre rassurant avec une structure fixe, qui une fois assimilée permet de prendre des notes facilement. En facilitation graphique, on garde ce principe de spatialiser l’information pour la comprendre, mais on va s’affranchir de la structure du mind-map. On cherchera à trouver une structure directement dépendante, propre aux idées que l’on va présenter.
Il existe des organisations qui forment les enseignants à la pensée visuelle (je pense notamment à l’ISFEC de Rennes). Certains enseignants l’utilisent, de manière plus ou moins confidentielle, intuitive, parfois sans même mettre le terme de facilitation graphique dessus. Ce sont des personnes très visuelles par nature, qui vont d’instinct présenter leurs cours de cette façon. Le réseau des documentalistes est lui aussi de plus en plus présent dans la discipline, notamment grâce à Magali Le Gall
(@magalilegall sur Twitter), professeur documentaliste à l’université Parie Sorbonne, facilitatrice graphique de talent qui contribue à partager ces outils dans l’univers de l’enseignement.

Restitution visuelle des 11e rencontres professionnelles de l’Andep © Julie Boiveau / blog julie boiveau.wordpress.com

Se former

Il existe plusieurs formations sur le sujet en France. Il me semble pertinent au début de suivre une formation afin de lever les premières barrières comme « ah non ce n’est pas pour moi, je ne sais pas dessiner ». Une fois que ces freins sont levés, il est clair qu’un peu de pratique est nécessaire avant d’oser se lancer à capter en direct devant un grand groupe. Il est bon de profiter de chaque opportunité pour pratiquer, que ce soit dans le cadre du travail (construction de projets avec les collègues, réunions, prise de note, présentation de cours, etc.) ou bien à la maison (liste des courses, préparation des vacances, etc.). La confiance vient avec au fur et à mesure de la pratique. Une fois que l’on a pris confiance sur des petits formats, on pourra oser se lancer à prendre le marqueur en réunion !

Le français vu du ciel

Entretien avec Marion Charreau par Sarah Sauquet

« Les espaces se sont multipliés, morcelés et diversifiés. Il y en a aujourd’hui de toutes tailles et de toutes sortes, pour tous les usages et pour toutes les fonctions. Vivre, c’est passer d’un espace à un autre, en essayant le plus possible de ne pas se cogner. » C’est dans son livre Espèces d’espaces que Georges Pérec, dont on connaît le goût pour la nomenclature et la classification, racontait comment l’histoire des sociétés était avant tout l’inscription dans un espace, à partir duquel et sur lequel on écrivait.
Marion Charreau, elle s’intéresse à l’histoire des langues, à leur transmission et à leur évolution, et a le talent de les mettre en images. Son ouvrage Le Français vu du ciel, paru en 2019 aux éditions Le Robert, est un incroyable voyage illustré au sein d’une contrée, la langue française, qu’elle nous présente comme des territoires à explorer. Riche et coloré, son livre permet une toute nouvelle approche du français, et séduira aussi bien spécialistes que néophytes. Nous avons souhaité en savoir plus sur la démarche de Marion, et l’intérêt pédagogique des « cartes mentales », ces cartes qui permettent de passer d’une notion linguistique à une autre sans jamais se cogner.

Sarah Sauquet : Pourrais-tu rapidement nous présenter Le Français vu du ciel, et nous raconter la genèse de ce projet ?
Marion Charreau : Le Français vu du ciel propose un voyage inédit dans la langue française. Il s’agit d’un beau livre au format BD qui présente la grammaire, la conjugaison et le lexique sous forme de cartes mentales illustrées, et reliées entre elles par les aventures d’un personnage. L’univers du livre est poétique, visuel et ludique.
Au début, un personnage observe un brouillard de mots (pronom, mode, complément, transitif, adjectif, etc.). Des mots que l’on utilise pour décrire la langue mais qui ne sont pas forcément clairs pour lui (ni pour nous). Curieux, il décide donc de partir en direction du brouillard et arrive dans les territoires des mots. Là, il va rencontrer les différents types de mots, comprendre leurs natures, leurs fonctions, et découvrir comment les utiliser pour exprimer sa pensée.
Avec Le Français vu du ciel, c’est un peu comme si on pouvait se déplacer dans les neurones d’une personne qui se pose des questions, comprend et apprend. En suivant le parcours et la progression du personnage, le lecteur décortique les mécanismes de la langue française, il clarifie et relie ses connaissances.
Ce livre est l’aboutissement de sept années d’enseignement du français à l’étranger à l’aide (notamment) des cartes mentales et d’une pratique de classe originale. À la demande d’enseignants souhaitant utiliser mes supports, l’idée de publier un livre a germé petit à petit. Rencontrer un éditeur qui ose parier sur ce projet a pris du temps. Mais voilà, c’est fait, Le Français vu du ciel est maintenant largement distribué.

Sarah Sauquet : Selon toi, à qui le livre s’adresse-t-il et quels usages peut-on faire des cartes mentales ?
Marion Charreau : Quand j’ai construit ce livre, j’ai toujours eu en tête une famille confortablement installée dans un canapé, discutant du français tout en naviguant dans les cartes. Le français vu du ciel est intergénérationnel, il s’adresse aux adolescents et aux adultes souhaitant rafraîchir leurs connaissances et se sentir à l’aise avec la langue. Mais il trouve d’autres publics : les enseignants qui s’en inspirent ou l’utilisent pour aborder certains points de grammaire en classe, les personnes qui apprennent le français langue étrangère, les personnes familiarisées avec les cartes mentales et la pensée visuelle, les professionnels de la pédagogie, les amateurs de beaux livres.
On peut utiliser les cartes mentales illustrées du livre pour avoir une vision d’ensemble des mécanismes de la langue française et se faire plaisir en apprenant. On peut consulter une carte en particulier pour revoir ou mémoriser un point de grammaire. On peut présenter un aspect de la langue sous un nouveau jour, s’inspirer des cartes pour parler de la langue autrement et associer des notions complexes à l’imaginaire des personnes qui nous écoutent. Ces cartes sont à la fois une proposition de voyage dans ses propres connaissances et un outil de discussion et de partage autour de la langue française.

Sarah Sauquet : L’ensemble, et c’est un tour de force, est à la fois extrêmement ordonné et construit tout en donnant une impression de profusion. Peux-tu nous en dire plus sur ton processus créatif, la façon dont tu as structuré et pensé l’ensemble ?
Marion Charreau : Pour créer, on part toujours de quelque chose d’existant. Dans le cas du livre, j’avais en stock et en mémoire des dizaines de cartes mentales sur la langue française réalisées pendant des années dans le cadre de cours de français.
J’ai tout de suite pensé le livre comme devant être un bel objet qui donne envie de se plonger dans les cartes. Puis j’ai dû trouver un fil conducteur (narratif et visuel) pour guider le lecteur et rendre le tout parfaitement cohérent.
Une fois les grandes lignes du livre définies, j’ai mis toutes ces informations dans une gigantesque carte mentale faite à l’aide d’un logiciel. Puis j’ai dessiné des cartes sur papier pour valider un prototype du livre auprès de l’éditeur et de l’équipe linguistique d’Orthodidacte.com qui a veillé sur ce projet. J’ai affiné le scénario, les cartes et l’univers visuel petit à petit, jusqu’à la réalisation des cartes originales. Pendant des mois, mon appartement a été envahi de cartes accrochées aux murs. J’ai littéralement vécu dans Le Français vu du ciel !

Sarah Sauquet : Dans ton livre, les notions grammaticales ou lexicales sont associées à des images (le tube des pronoms, les totems des modes, etc.). Comment ces choix se sont-ils faits ? Comment associes-tu une notion à une image ?
Marion Charreau : Certaines images viennent d’explications spontanées pendant les cours. J’aime beaucoup procéder par analogie pour aider quelqu’un à comprendre. J’ai aussi posé des questions du type « qu’est-ce qu’un verbe ? » à d’anciens élèves, des enseignants, des amis, des personnes d’âges et de nationalités différentes pour nourrir mon imaginaire et écouter ce qu’avait à dire mon futur public.
Au départ j’avais des images pour quelques notions seulement et puis petit à petit, l’univers des territoires des mots s’est construit et etoffé, imposant sa propre logique. C’était une sensation assez étrange, comme si ces lieux imaginaires devenaient autonomes.
Par exemple, si les noms sont des êtres sur une île et que les verbes se construisent dans la montagne, les pronoms sont logiquement reliés aux deux espaces en question car ils remplacent le nom mais sont aussi liés au verbe… C’est donc le tube des pronoms qui fait le lien entre l’île des noms et la montagne des verbes (par analogie avec le métro – tube en anglais qui est un moyen de déplacement relativement rapide comme chacun le sait). Dans une phrase, le pronom permet lui aussi d’aller plus vite, c’est une sorte de raccourci.

Sarah Sauquet : Le style graphique du livre est-il à l’image de ton style artistique habituel ? As-tu insisté sur certains aspects, travaillé certaines couleurs, ou souhaité avoir un rendu particulier ?
Marion Charreau : Comme je savais qu’il y aurait profusion d’informations, j’ai souhaité avoir un style graphique léger et organique pour mettre en avant les liens et donner une sensation de fluidité. Ce sont des éléments que l’on retrouve dans mon travail artistique mais il n’est pas visible sur Internet donc vous n’aurez pas d’élément de comparaison…
Je voulais aussi donner aux informations une texture, du relief. J’ai d’ailleurs observé beaucoup de lecteurs se déplacer dans le livre en caressant les pages.

Sarah Sauquet : Le livre est relativement exhaustif et aborde de nombreuses notions. Y a-t-il des notions ou thématiques que tu n’as pas voulu aborder, ou réussi à mettre en images ?
Marion Charreau : C’est vrai que ce livre donne une sensation réelle d’exhaustivité. Évidemment, il ne contient pas tous les aspects de la langue française, ce ne serait ni lisible ni utile, et aucun éditeur ne se risquerait à publier un livre aussi épais !
Le Français vu du ciel fait la synthèse de ce qui est vraiment nécessaire pour comprendre les mécanismes du français. Il contient les bases qui permettent de relier les notions essentielles aux plus complexes. Mon idée est que le lecteur puisse ensuite aller au-delà du livre avec l’assurance de l’expert et l’enthousiasme de l’explorateur. En naviguant dans les cartes et en suivant les aventures du personnage, on a l’agréable sensation que tout s’imbrique et se clarifie. On est donc prêt à poursuivre l’aventure.
Voici d’ailleurs un message pour les lecteurs : n’hésitez pas à prolonger les branches du Français vu du ciel par vous-même (dans votre tête ou avec un crayon) !

Sarah Sauquet : Pourrais-tu un jour concevoir un livre fondé sur le même principe et consacré au vocabulaire ? Peux-tu nous parler d’éventuels projets à venir ?
Marion Charreau : J’ai toute une carte mentale remplie de projets à venir ! Certains concernent la langue française ou d’autres langues, d’autres sont des variantes ou des compléments du livre existant. Il y a aussi des projets d’expositions, de parcours pédagogiques, des posters, des jeux éducatifs. Il y a aussi un projet très singulier concernant le vocabulaire, j’espère qu’il trouvera preneur…
Je ne sais pas si tout cela aboutira, mais je souhaite vivement que Le Français vu du ciel ouvre la voie à une nouvelle manière d’aborder l’enseignement et l’apprentissage du français (et des langues en général).

Sarah Sauquet : Pour finir, que dirais-tu à quelqu’un qui voudrait découvrir la langue française à travers ton livre ?
Marion Charreau : Je lui dirais avant tout qu’il s’agit d’un livre pour se faire plaisir, un compagnon de voyage. Je lui poserais ensuite des questions pour comprendre d’où il/elle part : cerner ses besoins, ses connaissances préalables, ses résistances, ses objectifs et ses motivations. Avec ses réponses, je pourrais lui indiquer comment utiliser mon livre et d’autres ressources adaptées.
Je lui dirais aussi qu’il y a plusieurs façons de lire et d’apprendre avec Le Français vu du ciel. On peut parcourir la langue en feuilletant l’ensemble, on peut se focaliser sur l’histoire et la progression du personnage sans entrer dans le détail, on peut consulter une carte en particulier pour un besoin précis (ex : comment poser des questions ?).
Je l’encouragerais vivement à réaliser « son » français vu du ciel en construisant ses propres cartes dans un grand cahier blanc, sur des thèmes qui l’intéressent, qu’il doit communiquer clairement ou mémoriser pour longtemps. Et je lui confierais ceci : le livre qu’il tient entre ses mains est né parce qu’un jour, me trouvant devant des personnes voulant apprendre le français, j’ai dû faire mes propres cartes pour apprendre à l’enseigner.