Veille numérique 2018 N°2

éducation

Le CNRS sur Youtube

Le Centre National de Recherche Scientifique continue de se positionner sur les réseaux sociaux en développant des chaînes sur Youtube afin de toucher un public plus large. Zeste de science, destinée aux adolescents, aborde les sciences au travers d’expériences et avec un brin d’humour via des sujets surprenants comme la chute d’une mouche ou l’explosion d’un ballon. La chaîne Que reste-t-il à découvrir ? met en ligne les rencontres du forum du CNRS. Plus étonnante encore, la chaîne NanoCar Race analyse des courses de véhicules microscopiques !

L’école dans la société du numérique  

Dans le cadre de la mission d’information sur l’école dans la société du numérique, l’Assemblée Nationale a auditionné Gaëlle Sogliuzzo, présidente de l’APDEN (Association des professeurs documentalistes de l’Éducation nationale), le 8 mars 2018. Vidéo en ligne sur le site de l’Assemblée Nationale.

Arte 360 VR

La chaîne de télévision culturelle franco-allemande propose des expériences en réalité virtuelle à 360° sur smatphone ou tablette. L’application est téléchargeable sur iOS, Android, GearVR et Daydream. De nombreux projets sont disponibles pour vivre des expériences en immersion à 360°. Arte trips permet notamment de s’immerger dans les tableaux de peintres célèbres afin de les redécouvrir sous un angle tout à fait nouveau.

À la découverte de l’espace

Depuis fin 2017, grâce à la collaboration de la NASA, de l’ESA (Agence Spatiale Européenne) et de GOOGLE, l’application Google espace offre la possibilité d’explorer les planètes et les satellites du système solaire, ou encore de prendre la place d’un astronaute dans la Station Spatiale Internationale.
À propos de S’CAPE Afin de s’orienter plus facilement, la nouvelle version du site d’escape game propose des ressources par catégorie (niveau, discipline). Les énigmes, les outils pour créer son propre jeu et les autres ressources en ligne dans la rubrique Bric-à-Brac ont été enrichis. Créée dans l’académie de Créteil en 2017, cette très riche plateforme de jeu d’évasion pédagogique a été conçue, paraît-il, comme un escape game !

Educadroit : Les jeunes et le droit

L’éditeur Le Défenseur des droits a mis en ligne, à la rentrée 2017, le site Educadroit. Ce projet d’éducation aux droits des enfants et des adolescents comprend des ressources pédagogiques pour les professeurs, les professionnels et les parents. Le site propose une recherche par filtre (points clés, thématique, public, format), l’intervention de spécialistes dans toutes les régions ainsi que d’autres sites qui traitent du droit.

Fin de l’internet gratuit pour accéder à Wikipedia

La Fondation Wikimedia a annoncé la fin progressive en 2018 du programme Wikipédia zéro, lequel permettait à 72 pays d’accéder à l’encyclopédie totalement gratuitement, sans même payer l’accès à Internet. Depuis 2012, la Wikimedia Foundation avait conclu des partenariats avec 97 opérateurs, ceci afin de lutter contre l’illettrisme et répandre le savoir et les connaissances. Les raisons avancées pour expliquer la fin du programme sont : l’incessante évolution du téléphone mobile, les modifications des tarifs des opérateurs et le manque de partenaires financiers.

Lecture numérique

Rapport Orsenna sur les bibliothèques

Erik Orsenna et l’inspecteur général des affaires culturelles, Noël Corbin, ont remis au président Macron
leur rapport sur les bibliothèques, un dimanche après-midi, en février 2018, dans une médiathèque des Yvelines. Parmi les 19 préconisations : une plus grande amplitude horaire, l’ouverture dominicale et l’embauche d’étudiants à hauteur de 50% du personnel. Grands absents de ce rapport : les moyens financiers et le droit de prêt numérique.

Une liseuse pour la francophonie par Adiflor

Après la version papier (200 000 livres offerts par an), l’association Adiflor passe au numérique (100 liseuses avec 146 ebooks en 2017) afin de renforcer son activité dans les pays francophones. Pour 2018, Adiflor compte sur ses partenaires financiers, les fondations, les institutions et les particuliers pour augmenter le nombre de liseuses. Pour développer les contenus, elle s’appuiera sur ses partenariats éditoriaux : Présence africaine, l’Harmattan, Nouvelles éditions numériques africaines, Hachette.

Les éditeurs de manga et le piratage

Les ventes de manga au Japon ont chuté de 12% au cours de l’année 2017. En réponse à une importante baisse de chiffre d’affaire depuis 2005, les éditeurs se focalisent sur la fermeture des sites pirates, sans succès. Des méthodes de vente archaïques en boutique, telle la mise sous blister systématique des mangas, conduisent les lecteurs à lire les planches sur internet. Enfin, les formules d’abonnement numérique à lecture illimitée sont très peu développées. De nombreux mangakas déplorent l’obstination
et le manque d’adaptation des éditeurs Japonais.

Retour de l’illimité chez Scribd

Cette application de lecture numérique avec bibliothèque intégrée permet de télécharger toutes sortes de documents sous différents formats. Après trois années d’offres restrictives, la fonction payante permettant de lire un nombre illimité d’ouvrages a été rétablie en février 2018 en raison de la bonne santé financière de la société et du nombre toujours croissant d’abonnés. Les documents (magazines, romans, livres audios et documentaires) sont principalement en anglais.

Droit et données personnelles

Renforcement de la protection des données personnelles

Après avoir été adopté par l’UE en avril 2016, le règlement général sur la protection des données (RGPD) se met en place à partir du 25 mai 2018. Les entreprises devront obligatoirement obtenir le consentement éclairé des consommateurs pour l’utilisation de leurs données sous peine de lourdes sanctions. Un système de portabilité des données a été introduit afin de faciliter le passage d’une entreprise à une autre par les internautes.

Majorité numérique à 15 ans

Initialement prévue à 16 ans, l’Assemblée Nationale a fixé à 15 ans l’âge pour s’inscrire librement à un réseau social. De 13 à 15 ans, le consentement des parents sera obligatoire. En dessous de 13 ans, l’interdiction sera de mise. Le texte doit être adopté avant l’application du RGPD européen le 25 mai 2018.

Google et la protection par anticipation

Le géant Américain est en train de tester une nouvelle Intelligence Artificielle qui exclurait par anticipation des résultats de recherche les pages protégées par le droit d’auteur. Actuellement, les détenteurs de droits doivent effectuer une démarche auprès du moteur de recherche pour désindexer les pages incriminées. Un conseiller en copyright chez Google, assure que, dans un futur proche, l’IA sera capable de ne pas indexer préventivement une page protégée par le droit d’auteur.

Sécurité informatique

Cryptojacking

Ne soyez pas surpris si votre ordinateur subit des ralentissements permanents. En effet, l’essor des cryptomonnaies a entraîné le développement des logiciels pirates qui s’installent à votre insu afin de créer de la monnaie virtuelle via votre ordinateur. Le pirate le plus célèbre, Coinhive, s’intègre facilement dans une page internet et crée la monnaie numérique Monero.

Commissariat du net

Sur le web, les piratages de comptes en banque via les cartes bancaires se multiplient. Désormais les victimes pourront déposer une main courante sur le site Perceval (service-public.fr), ceci afin de faciliter le remboursement par les banques. Pour les dépôts de plainte qui engagent des poursuites judiciaires (vol de données bancaires, piratage de messagerie, chantage, arnaque affective, escroquerie par des annonces ou des faux sites), l’enregistrement se fera sur la plateforme Thésée. Ce commissariat en ligne sera opérationnel d’ici la fin de l’année 2018.

Moteur de recherche

Google et la presse

En mars 2018, le moteur de recherche a lancé le programme Google News Initiative, constitué d’un ensemble de dispositifs qui visent à apporter un soutien financier aux éditeurs de médias en ligne du monde entier ainsi qu’à favoriser la diffusion d’informations fiables et à développer les usages des nouvelles technologies. Ainsi, les algorithmes privilégieront les résultats contenant des informations de médias vérifiés. Le laboratoire Disinfo Lab sera chargé de lutter contre la désinformation. Enfin Subscribe with Google facilitera l’abonnement des internautes aux médias participant au dispositif, Le Parisien, les Echos et Le Figaro sont déjà partenaires de Google.

Fauteuil roulant sur Google Maps

Grâce à la nouvelle option « fauteuil roulant », les personnes handicapées peuvent suivre un itinéraire adapté. En France, seules les données récoltées à Paris semblent fiables. Néanmoins au vu du grand retard des infrastructures françaises en la matière, cette application pourrait s’avérer fort utile, notamment pour les personnes utilisant une canne, des béquilles ou une poussette.

Technologie et objets connectés

Clavier virtuel antisexisme

L’antenne finlandaise de l’ONG Plan International a conçu le Sheboard, un clavier virtuel qui lutte contre le sexisme. Ce clavier fait des suggestions pour compléter une phrase ou remplacer une expression afin de valoriser les femmes. Cet outil est disponible en anglais sur Android.

Internet de poche

Grâce à de petits boîtiers, Nommi ou Bitebird, il est possible de se relier à internet un peu partout dans
le monde avec un ordinateur, une tablette ou un smartphone sans payer des frais d’itinérance exorbitants ! Ces boitiers embarquent une carte sim internationale (Bitebird) ou dématérialisée (Nommi). Nommi possède en plus une fonction de batterie externe pour les smartphones et les tablettes.

Bague connectée

Réalisée par la start up Corse Icare Technologies, la bague Aeklys aux 28 fonctions effectue, entre autres, des paiements sécurisés par contact. Pour fonctionner, une application doit être installée sur votre smartphone afin de gérer les différentes options et périphériques. La sécurisation comprend un système antivol, anticopie et un chiffrement. Pour éviter les fausses manipulations, le paiement ne peut se faire qu’en rapprochant l’auriculaire de l’index. L’autonomie est garantie par un système de récupération d’énergie par cellules photovoltaïques.

Réalité virtuelle en 2018

Selon Aurélien Fache, le célèbre développeur d’API (interface de programmation) qui a créé In bed with Thomas Pesquet, la technologie de la réalité virtuelle ne serait qu’à 1% de ses capacités. En développement depuis 30 ans, la VR devrait prendre son envol en 2018 avec le casque OculusGo de Mark Zuckerberg, à un tarif accessible pour le grand public (moins de 220€). Le monde professionnel, apprentissage du pilotage ou de la médecine, s’intéresse lui aussi de plus en plus à la réalité virtuelle. Afin de rendre l’immersion maximale, les ingénieurs de VR s’attachent à progresser dans la simulation des 5 sens de l’être humain. En attendant, vous pouvez toujours aller voir le film Ready Player One…

No future…

Lecture : IA versus humain

Microsoft et Alibaba ont développé des Intelligences Artificielles qui lisent et comprennent un texte.
Les experts en IA de Stanford ont conçu un test pour comparer la compréhension d’un humain
et d’une machine, lequel consiste à faire lire des textes puis à poser des questions sur le contenu.
Bien que proches, les résultats des IA sont meilleurs que ceux des êtres humains. Bientôt des ordinateurs
à la place des profs docs et des bibliothécaires. Voir Glissement de temps sur Mars de Philip K. Dick.

E-sport au JO de Paris ?

Le président du comité d’organisation, Tony Estanguet, a évoqué en août 2017 la possibilité de mettre au programme des Jeux olympiques les compétitions de jeux vidéo. Suite à cette déclaration, lors d’un sommet à Lausanne, le CIO a abordé le sujet avec intérêt. C’est sans doute la baisse importante des téléspectateurs de moins de 35 ans et l’attrait de cette même tranche d’âge pour cette discipline qui a suscité cette réflexion. Néanmoins, de nombreux obstacles, dont des conflits d’intérêts entre les différents éditeurs pour le choix des jeux, semblent pour le moment insurmontables. Dans l’attente de jeux libres de droit, la manne financière de l’e-sport n’est pas encore tombée dans l’escarcelle des JO.

Assassin’s creed discovery tour

Après avoir créé en 2007 le jeu à succès Assassin’s creed, Ubisoft publie une version sans combat :
le Discovery tour. Cette version permet de visiter l’Égypte antique en choisissant un avatar dans une galerie de personnages, parmi lesquels Cléopâtre. Dans ce jeu éducatif, influencé par le puritanisme américain, les partie intimes des statues ont été recouvertes de coquillages. Dans la version originale, aucune censure n’avait été pratiquée.

Apprendre le klingon

L’application de cours gratuits de langues Duolinguo offre la possibilité d’apprendre une langue imaginaire issue d’un univers fictif. Depuis fin 2017, l’apprentissage du Valyrien de Game of Thrones était accessible. Désormais, le Klingon de Star trek est en ligne avec des cours classiques, des exercices et des QCM. La grammaire est simple mais les sonorités sont complexes à reproduire. L’apprentissage suppose la maîtrise de la langue anglaise.

L’informatisation de la société selon Simon Nora et Alain Minc

Il y a quarante ans, Alain Minc était un jeune Inspecteur Général des Finances encore inconnu. C’est pourquoi le Président de la République, Valéry Giscard d’Estaing, s’est adressé par lettre datée du 20 décembre 1976, publiée en avant-propos dans cet ouvrage, à Simon Nora, « grand commis de l’État », Inspecteur Général des Finances ayant conduit de nombreuses missions à la tête de directions administratives ou de grandes sociétés privées donnant lieu à l’édition de plusieurs rapports remarqués. Cet Inspecteur Général des Finances, issu d’une famille de lettrés très connue (Pierre Nora, l’historien, Dominique Nora, journaliste), est chargé « de faire progresser la réflexion sur les moyens de conduire l’informatisation de la société. » La réponse de Simon Nora, lettre du 20 janvier 1978 introduisant l’ouvrage, donne des explications à la présence d’Alain Minc, jeune énarque, comme co-signataire de ce texte : « Alain Minc, Inspecteur des Finances, co-signe ce rapport, à la conception et à la rédaction duquel il a été pleinement associé. Nous en assumons en commun la responsabilité. » Cet éclaircissement permet de comprendre l’ordre des auteurs, Simon Nora en premier et Alain Minc en second en dépit de l’ordre alphabétique qui aurait pu être retenu.

Après ce premier succès éditorial, la jeunesse et les talents tant d’écriture que médiatiques d’Alain Minc en feront un auteur à succès et un homme dont les conseils furent recherchés par les hommes politiques. Le lecteur peut apprécier ou, au contraire, rejeter les idées de cet écrivain ayant eu le courage de s’appliquer ses propres recommandations en renonçant au statut de la fonction publique et au pouvoir de l’Inspection Générale des Finances3.
La période d’écriture de ce rapport, 1976-1978, se révèle propice à une réflexion sur l’informatisation de la société française avec ses espoirs, « le plan calcul » devant permettre à la France de rattraper son retard et de rejoindre les USA4 et ses craintes pour les libertés individuelles avec la parution d’un article percutant de Philippe Boucher, « SAFARI5 ou la chasse aux Français6 » mettant en évidence les contradictions et oppositions existantes au plus haut niveau quant à la nécessité de croiser et de recouper les données nominatives détenues par les administrations.
L’ouvrage comprend une introduction présentant la crise française et le rôle probable de l’informatique dans sa résolution, suivie d’un constat technique menant de l’informatique à la télématique. L’ouvrage s’articule autour de trois axes : les défis7, les points d’appui et les questions d’avenir. Cet ensemble est complété par le résumé des annexes, la liste des contributeurs et un glossaire très utile à l’époque où le vocabulaire informatique n’avait pas encore envahi les espaces publics et privés.
Si l’informatisation de la société est largement évoquée tout au long de ce rapport, l’éducation et l’enseignement font l’objet de nombreuses réflexions de la part de Simon Nora et Alain Minc, d’où la structure de cette recension en deux parties, l’une consacrée à l’ensemble de la société et l’autre revenant plus particulièrement sur l’informatique et la pédagogie.
Le constat posé par les deux rédacteurs revient sur la persistance de la crise depuis le premier choc pétrolier de 1973-1974. Selon eux, l’emploi judicieux de l’informatique par la société française serait en partie une solution à cette crise, comme une informatisation non préparée par l’État risquerait au contraire d’aggraver la situation, voire de mener le pays au pire. Les auteurs tablent sur un développement informatique continu et harmonieux où chacun aurait sa place avec des tensions atténuées par la mutation des structures économiques tout en maintenant l’indépendance nationale. Les aspirations contradictoires du peuple sont rappelées, un désir d’émancipation qui se heurte à l’appétit d’égalité. C’est ici qu’intervient la « révolution informatique » qui amène à une crise en même temps qu’elle offre les moyens de la résoudre, comme toutes les révolutions technologiques précédentes, telles l’imprimerie, la machine à vapeur ou encore l’électricité.
Visionnaires et perspicaces, Simon Nora et Alain Minc prévoient le développement exponentiel de la « télématique », qui est aujourd’hui la connectique véhiculant des informations, donc du pouvoir. L’informatisation devrait apporter un gain de productivité, donc de compétitivité sur le long terme, diminuant ainsi le chômage et ouvrant de nouveaux débouchés. Toujours, selon nos auteurs, l’informatique offre des solutions diversifiées par la décentralisation des grandes entités centralisées et l’autonomisation des secteurs locaux comme les collectivités territoriales. Ce schéma se retrouverait dans le secteur privé par le renforcement des petites et moyennes entreprises aux dépens des grandes. L’informatisation permettrait l’amélioration des rapports entre l’administration et les citoyens. En fait, elle devrait accroître la transparence et transformer les rapports de pouvoir au sein de notre société.
Se pose aussi la question des interactions et rapports de force entre les grands groupes informatiques, comme IBM et l’État. Sans nier que l’informatisation risque en ses débuts d’accroître le chômage, les auteurs indiquent qu’il faut développer les effets positifs de cette révolution pour réorganiser les administrations, renforcer les petites et moyennes entreprises et informer les citoyens en évitant une domination de la société par l’industrie informatique. L’exemple donné est IBM ; aujourd’hui, il est question des GAFA ou GAFAM – Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft8. Pour préparer l’avenir, Simon Nora et Alain Minc indiquent formellement que le développement informatique impose l’abandon des anciennes méthodes et que l’État assume sa puissance régalienne tout en acceptant de ne plus être l’acteur exclusif du jeu social.
Cette deuxième partie de l’introduction des termes « informatique » et « télématique » revient sur les développements technologiques de l’époque avec l’arrivée de « petites machines » efficaces, peu coûteuses et synonymes de liberté. C’est une anticipation osée, car le micro-ordinateur et le minitel sont encore en période d’expérimentation et n’ont pas pénétré dans les sphères des petites et moyennes entreprises, de l’artisanat, et encore moins des familles.
La notion de télématique inventée par Simon Nora et Alain Minc est extraordinaire. Le mot est tombé en désuétude en France depuis l’arrivée d’Internet et du vocabulaire anglo-saxon l’accompagnant. Selon nos deux auteurs, la télématique correspond à l’association de deux réseaux, celui de la télévision et celui du téléphone qui entrent en synergie pour équiper dans un futur proche les familles avec un système permettant d’obtenir rapidement des informations de tous types et des échanges interpersonnels avec textes, sons et images filmées. Ce lien, cette osmose croissante entre le téléviseur, le téléphone et la constitution d’un immense réseau télématique doit beaucoup à la connaissance, par les deux Inspecteurs Généraux, des plans français « Câble9 » et « Transpac.10 » ainsi que de « l’ARPANET » des universitaires et militaires américains. Ce dernier donnera naissance au réseau Internet11. Les deux rédacteurs estimaient que ce réseau télématique ne serait pas un réseau supplémentaire parmi d’autres, mais l’unique réseau du futur.

Les défis

Trois chapitres divisent cette première partie : « Télématique et nouvelle croissance » ; « Télématique et nouveaux jeux de pouvoirs » et « Télématique et Indépendance nationale ».
Selon les auteurs, l’informatisation massive aurait un effet négatif immédiat sur l’emploi de la main-d’œuvre et dans les services comme les banques, les assurances ou encore la Sécurité sociale. Toutefois, les gains de productivité, l’accroissement des débouchés entraîneraient une meilleure compétitivité qui à son tour enclencherait le maintien de l’emploi dans la production industrielle. La rationalisation introduite par l’informatisation devrait permettre de produire mieux et plus, en particulier à l’exportation.
Cependant, les deux auteurs estiment que l’informatique ne sera pas suffisante pour résoudre la crise française. Ils pensent que l’informatique suscitera des demandes nouvelles et ils donnent en exemple les deux pays, alors les plus avancés dans ce domaine : les États-Unis et le Japon. Ces références et le titre de la première partie ne doivent rien au hasard, d’autant que Jean-Jacques Servan Schreiber a publié en octobre 1967 Le Défi Américain12, vendu à plus de deux millions d’exemplaires, et dans la foulée, en 1980, Le Défi Mondial13, dont le Japon est l’acteur principal.
Les jeux de pouvoir sont incontestablement modelés et modifiés par les innovations techniques. Les inventions successives de l’écriture, de l’imprimerie, du téléphone, de la radio et de la télévision en sont des exemples. Il en sera de même avec l’arrivée de la micro-informatique connectée en réseau. L’informatique décentralisée permet de déléguer certains pouvoirs des grandes administrations et des grandes entreprises centralisées parisiennes à des entités provinciales plus petites devenues autonomes. Les pouvoirs se fractionnent autorisant dans notre pays hypercentralisé autonomie et décentralisation des pouvoirs provinciaux et périphériques. Des exemples pratiques, aujourd’hui ordinaires, sont imaginés par les deux auteurs, comme la réservation des places, la monnaie électronique, la décentralisation et la déconcentration administratives, ainsi que la facilité d’accès aux soins médicaux.
Simon Nora et Alain Minc envisagent une véritable remise en cause des modes d’enseignement et de qualification professionnelle. L’un des problèmes majeurs évoqué reste bien celui de la conjugaison entre les libertés, l’efficacité et la transparence14.
Le dernier point de cette première partie, si riche, reprend le thème gaullien de la consolidation de l’indépendance nationale grâce à la mise en œuvre d’un réseau informatique puissant s’appuyant sur des avancées technologiques importantes comme la création d’un réseau national de communication par satellites spatiaux.

Les points d’appui

Trois chapitres composent également cette partie : « Le pôle des télécommunications » ; « L’État et les nouveaux acteurs » et « L’informatisation de l’administration ». Les auteurs regrettent l’absence d’une stratégie unifiée en raison de multiples centres de décision qui ralentissent la progression de la filière électronique française. Cette multiplication des centres décisionnaires et leur dispersion résultaient d’un exercice défaillant des tutelles de l’État. Pour remédier à cette situation, nos deux auteurs souhaitaient la création d’un ministère de la Communication15.
Pour réussir ce passage à la télématique, l’État doit soutenir une politique volontariste tout en favorisant l’émergence de nouveaux acteurs de la société civile et industrielle tant dans le domaine de la production des outils informatiques que dans le renforcement des sociétés de services par la diffusion de la micro-informatique. Plusieurs grandes sociétés françaises, comme Bull et la CII-HB, aujourd’hui disparues dans l’effondrement de la filière nationale de production de minitels et d’ordinateurs16, sont citées en exemple.
L’État doit aussi donner l’exemple en matière d’administration en acceptant le développement décentralisé de l’informatique, c’est-à-dire en déléguant ses pouvoirs. Cette redondance de la première partie est un rappel nécessaire tant la force centralisatrice de l’État tire ses racines et sa puissance d’une histoire propre à notre pays. « L’informatique traditionnelle était hiérarchisée, isolée, centralisée… Désormais, l’informatique peut être déconcentrée, décentralisée ou autonome : c’est affaire de choix ».

Questions pour l’avenir

Cette troisième partie propose deux hypothèses d’avenir : « Société informatisée, société de conflits culturels ? » et « Le projet en avenir aléatoire : socialiser l’information ». Sans le dire, mais en le suggérant, Simon Nora et Alain Minc donnent à penser que la lutte entre deux classes, les possédants et le prolétariat, va disparaître : « La scène sociale traditionnelle tendra à se désarticuler… [car] la valeur “travail” se dissoudra ». Cette hypothèse séduisante sera reprise seize ans plus tard par Jean Baudrillard17. Le travail ne sera plus la source principale des conflits qui migreront vers d’autres thèmes, comme la santé, l’éducation, la ville… L’écologie est très rapidement citée.
Ce qui est très bien vu, c’est que la télématique et ses réseaux seront des lieux de savoirs, de prolongement des mémoires collectives et de création d’outils d’égalisation ou de discrimination. La simplification obligée du vocabulaire par la normalisation informatique risque de créer une communication à moindres frais aux dépens du contenu et de la culture.

En conclusion, les deux auteurs lancent un appel à l’élaboration d’un projet de régulation autorisant la socialisation de l’information. Toutefois, il faut remarquer une part de rêve et d’espérance déçue par le maintien non prévu de pouvoirs forts. Simon Nora et Alain Minc ont cru, comme Marshall McLuhan18, que la circulation de l’information numérique et la société de l’information en construction permettraient l’émergence d’une véritable société de transparence. Or les pouvoirs établis ont su créer des filtres puissants et imparables comme les plateformes et les automates de redirection téléphoniques19.

Culture de l’information et humanités digitales, des chemins communs

L’expression d’humanités digitales a été précédée par une autre, les humanities computing, qui mettait en avant l’utilisation d’outils informatiques pour améliorer le traitement des données, depuis la mécanographie à des dispositifs d’encodage des corpus comme la TEI, Text encoding initiative qui définit une série de métadonnées pour normaliser leur production sur les corpus de textes et de manuscrits. La TEI émerge dans les années 80 et reste aujourd’hui un système encore utilisé, qui s’étend à d’autres types de documents, notamment musicaux.
Le passage à l’utilisation de l’expression humanités digitales s’effectue dans les années 2000 : des ouvrages paraissent où cette nouvelle expression marque le fait que les pratiques et usages des chercheurs sont également liés au web. Le web devient ainsi également un lieu d’étude, et pas seulement un moyen de communiquer et d’échanger de l’information et des données.

Paul Otlet comme point commun

Pour revenir sur la liaison qui existe entre les humanités digitales et la culture de l’information, une mise au point historique s’impose. En effet, si on considère les humanités digitales comme un mouvement qui a débuté avec les premières techniques de traitement de l’information, il est alors possible de considérer que les humanités digitales et la culture de l’information partagent la même volonté d’accessibilité à la connaissance. Parmi les éléments communs entre les deux, un nom apparaît ici essentiel : Paul Otlet, considéré à la fois comme le père de la documentation et comme un des visionnaires les plus importants en ce qui concerne les systèmes d’information actuels. Il y a quelques mois, Martin Grandjean, historien, spécialiste des réseaux et notamment des réseaux pacifistes et représentant de l’association francophone des humanités numériques : Humanistica, a même consacré Paul  Otlet comme figure tutélaire des humanités digitales.
On peut en effet le considérer comme un préfigurateur des humanités digitales, en quelque sorte des « humanités proto-digitales », en ce qu’il va n’avoir de cesse d’améliorer l’accessibilité à l’information et aux documents. C’est aussi quelqu’un qui va envisager, notamment dans son Traité de documentation (1934), plusieurs pistes concernant l’accessibilité aux documents ainsi que les possibilités d’analyse de données. Paul Otlet marque une rupture historique dans son passage à une documentation différente de la vieille bibliothéconomie. L’enjeu est de pouvoir accéder à l’information et à son traitement, et pas seulement de pouvoir accéder au document tel que peut l’être le livre, ce qui signifie une prise en compte étroite entre le fond et la forme. Il promeut une analyse statistique documentaire et une approche par un traitement mathématique de la connaissance. Une vision et une logique qui se rapprochent sensiblement des actuelles humanités digitales.
On pourrait citer plusieurs passages emblématiques du Traité de documentation. Retenons celui-ci :

« L’idéal serait d’avoir tout document à portée de la main. De là des tables de travail avec tiroirs divers, des dispositifs de tables circulaires avec siège rotatif au centre, des meubles classeurs à la portée de la main et des yeux et installés sur roues. Un principe nouveau vient d’être réalisé : le classeur sur rail à moteur électrique. On le place sur le sol perpendiculaire à la table de travail. Il avance ou recule sous l’action des doigts opérés sur une simple roulette. Sans déplacement de la personne, le document désiré vient s’offrir à la main et à l’œil. »

On est bien dans une approche technique de l’accès à l’information, certes mécanique à l’époque, et évidemment pas encore numérique ou digitale.
Considérer Paul Otlet comme un héritage commun à la culture de l’information et aux humanités digitales établit déjà un premier pas décisif entre les deux concepts.

Une longue histoire des humanités digitales

Le fait de parler d’humanités digitales plutôt que d’humanités numériques permet de se resituer dans une histoire plus longue qui débute avec la création des premiers index, moyens d’accéder à l’information sans être contraint à une lecture exhaustive. L’indexation demeure essentielle dans nos outils de traitement de l’information, si ce n’est qu’elle s’effectue de plus en plus de façon automatisée. C’est aussi considérer l’ensemble des techniques pour traiter et accéder à l’information et ne pas les réduire à la seule informatique. Le mot numérique tendant de plus en plus à proposer une acception réduite comme corollaire de l’informatique, le mot digital permet de mieux prendre en compte l’ensemble des techniques mobilisées, et de rappeler l’importance des médiations humaines et du caractère double des outils de traitement de l’information et notamment de l’indexation. On a donc un point de convergence sur la question de l’indexation et des métadonnées.
Les humanités digitales ont partie liée avec la culture de l’information tant il s’agit de se préoccuper des méthodes de traitement de l’information et des données, des façons de les présenter et des médiations existantes. C’est un rappel que la culture de l’information est aussi une culture technique.
Des cultures de l’information
On peut distinguer, au sein des humanités digitales, quatre cultures de l’information différentes : une culture de l’accès à l’information ; une culture de l’analyse des contenus ; une culture du traitement de l’information ; une culture des réseaux.

Une culture de l’accès à l’information

La première culture de l’information présente dans les humanités digitales remonte aux travaux d’indexation durant le Moyen Âge, avec notamment les travaux de Jean Hautfuney qui effectue l’indexation d’un ouvrage de nature encyclopédique, le speculum historiale de Vincent de Beauvais. L’objectif est alors de pouvoir améliorer les possibilités de retrouver rapidement l’information (statim invenire) et de donner un nouvel outil au lecteur pressé et intelligens (diligens et intelligens lector).
Cette culture repose sur les premières avancées en ce qui concerne la gestion des manuscrits avec notamment les travaux d’Hugues de Saint-Victor et son art de lire, qui est aussi une méthode d’écriture. Ce sont finalement en quelque sorte les premiers travaux en matière de design de l’information, et c’est ainsi à cette longue lignée qu’appartiennent les humanités digitales. Pour tracer à gros traits ces diverses avancées, il faut songer également ici aux différentes méthodes d’organisation des connaissances qui ont été élaborées durant les siècles précédents avec notamment les différentes méthodes de classifications des connaissances que nous connaissons jusqu’à celle de Dewey, ou bien encore la CDU d’Otlet et de La Fontaine.
Il convient de rappeler le travail essentiel en matière de normalisation de ces dernières en ce qui concerne le répertoire bibliographique universel (RBU) qui participe au projet du Mundaneum. À ce titre, l’œuvre d’Otlet n’est pas tant de vouloir réaliser une bibliothèque qui contiendrait tous les savoirs du monde, que de produire une sorte d’index de toutes les connaissances notamment imprimées. Voilà pourquoi il est parfois dit que Paul Otlet a inventé le Google de papier ! La logique d’indexation de l’existant va peu à peu se coupler avec une réduction des temps d’accès au document pour aller vers des logiques d’immédiateté telles celles que l’on peut espérer avec la dynamique de l’open access et des archives ouvertes.
Désormais, les enjeux sont aussi de pouvoir accéder non pas à quelques documents, mais à de grands ensembles que l’on peut analyser de façon massive grâce à des traitements automatisés. La consultation de l’information évolue donc et le lecteur n’est plus tout à fait le même tant il s’agit d’effectuer des lectures dites à distance avec des outils qui permettent l’extraction de concepts ou d’occurrences. Les masses documentaires et informationnelles parfois nommées Big Data nécessitent de nouveaux traitements qui cherchent à relier et effectuer des comparaisons entre les documents au sein de corpus.
Une culture de l’analyse des contenus
Par conséquent, la culture de l’accès à l’information s’associe à la nécessité de produire une analyse des contenus de plus en plus poussée. Cela implique une logique différente qui consiste à désacraliser l’objet livre pour procéder à une délivrance des contenus, permise notamment par les outils numériques et le web :
« Le recours à l’expression “dé-livraison” ne présuppose ici aucun jugement de valeur quant au sens des évolutions en cours, mais l’observation d’une déconstruction-reconstruction d’une culture héritée et façonnée par le livre en tant qu’objet technique, en termes de prise en compte d’autres formes culturelles et en termes d’invention de nouvelles formes plus ou moins liées à de nouveaux supports, dits numériques ou digitaux, qu’il reste à qualifier précisément.2 »
Cette culture de l’analyse du contenu et de l’accès à une information contenue est celle du cheminement de l’ancienne bibliothéconomie à la documentation qui va privilégier des méthodes de traitement des données plus complexes :
« L’Humanité est à un tournant de son Histoire. La masse des données acquises est formidable. Il faut de nouveaux instruments pour les simplifier, les condenser ou jamais l’intelligence ne saura ni surmonter les difficultés qui l’accablent, ni réaliser les progrès qu’elle entrevoit et auxquels elle aspire » (Otlet, 1934).

C’est donc une évolution de la traditionnelle analyse documentaire avec ses formes professionnelles que sont l’indexation et la condensation dans des formes renouvelées avec le web et les nouveaux outils d’analyse qui permettent d’extraire des concepts voire de produire des cartographies de lien.
Il demeure néanmoins un important travail d’analyse et d’interprétation qui s’inscrit dans la longue tradition de la philologie et les besoins actuels en évaluation de l’information face aux mécanismes de désinformation, de fabrique du faux, mais aussi face à la qualité parfois médiocre des métadonnées disponibles. On retrouve alors au sein des humanités digitales des opérations bien connues des professionnels de l’information.

Une culture du traitement de l’information
Parmi ces méthodes mobilisées par les humanités digitales, on pratique des opérations classiques de collecte d’informations et de données pour former des corpus qui pourront être ensuite analysés. Cette opération se diversifie en matière documentaire depuis des besoins de numérisation de corpus anciens jusqu’à l’extraction, par exemple, de tweets.
Après le travail de collecte, suit un travail de sélection pour délimiter méthodologiquement et thématiquement ce qui va mériter une analyse scientifique. Des travaux de découpage, de rassemblement, de tri vont alors être effectués, avant des opérations statistiques ou de métries.

Une culture des réseaux
Dernier élément de la culture de l’information présent dans les humanités digitales, la présence d’une culture des réseaux qui repose sur le réseau comme objet d’études, mais qui surtout renvoie à la constitution de réseaux de chercheurs au niveau international. En effet, les collèges invisibles décrits par Eugène Garfield renvoient à une pratique courante lors des différentes Républiques des lettres, comme notamment le réseau épistolaire de Marin Mersenne, ou bien encore la pratique des livres d’amis (liber amicorum) tel celui de Conrad Gesner qui faisait ainsi signer toutes les personnes de son réseau qu’il avait rencontrées. Cette logique de réseau de chercheurs va se développer fortement au xxe siècle notamment par l’échange de correspondances et d’articles, mais aussi par des événements dédiés. Ils vont être les moteurs de l’Arpanet/Internet tant il s’agit de pouvoir doter les chercheurs d’outils qui facilitent la communication et les échanges d’informations.
Une nouvelle fois, le rôle d’Otlet et de La Fontaine est important par leur influence sur la constitution d’associations internationales : les associations pacifistes, mais aussi les associations pour l’accès à la connaissance, comme la Fédération Internationale de Documentation qui n’existe plus, quelque peu suppléée désormais par la puissante IFLA.
Les réseaux sont donc des outils que les humanités digitales cherchent à analyser avec des outils dédiés depuis les réseaux de citation scientifique qui sont la base des logiques scientométriques jusqu’aux analyses plus actuelles des liens sur le web, ce qui permet d’établir des cartographies d’influence et de relation.
En tout cas, cette culture des réseaux marque aussi la nécessité d’une culture collaborative entre plusieurs acteurs, chercheurs et ingénieurs, bibliothécaires et autres membres du projet.

Pour l’instant, la démocratisation des humanités digitales n’a pas atteint le point d’imaginer des humanités digitales populaires, ou qui inclueraient tout au moins davantage les amateurs. Il s’agit désormais de poursuivre un mouvement similaire à celui qui va de l’IST (information scientifique et technique) au développement de la culture de l’information et des formations corrélées en intégrant les humanités digitales de façon plus précoce dans les cursus. La réflexion commence désormais à émerger au sein de l’éducation Nationale pour envisager une intégration et une formation des élèves de manière plus précoce (transcription de textes numérisés, utilisation d’outils de textmining, etc.). En comprenant les liens qui existent entre humanités digitales et culture de l’information, il y a un enjeu indéniable dont les professeurs-documentalistes devraient se saisir.

À quoi rêvent les algorithmes ? Nos vies à l’heure des big data

Si un algorithme peut être défini de façon simple comme « une série d’instructions permettant d’obtenir un résultat », il se traduit dans le domaine numérique par un ensemble de calculs mathématiques utilisant les données brutes issues des big data. Dans ce que l’auteur appelle la « société des calculs », tout devient quantifiable par la mesure statistique, cette quantification étant accentuée par l’accélération du processus de numérisation de la société et la massification des données. En effet, nous produisons actuellement en deux jours autant d’informations que toutes celles accumulées depuis les débuts de l’écriture. Face à cette abondance, les algorithmes sont conçus pour donner du sens à ces données brutes en les triant, les traitant et les représentant. Sans tomber dans les pièges du déterminisme technique, où ce serait l’outil algorithmique qui façonnerait les individus, l’auteur montre bien, de façon nuancée, que c’est la société elle-même qui crée, oriente et favorise ces formes de calculs.
Pour pouvoir comprendre les enjeux sociaux, politiques et éthiques qui sont liés au développement des algorithmes, il faut entrer réellement à l’intérieur de leurs mécanismes de fonctionnement. C’est ce que l’auteur développe dans une première partie consacrée aux quatre grandes familles de calculs algorithmiques sur le web, fort éclairante. La deuxième partie est consacrée à l’analyse des remises en cause des catégories sociologiques traditionnelles qu’apportent les algorithmes en ne se basant plus que sur les usages « réels », tracés, des internautes, sans référence à des ensembles sociaux englobants. La troisième partie, la plus développée, présente les différentes formes de signaux et de traces utilisés par les calculs algorithmiques qui, par leur comportementalisme omniprésent, témoignent au final d’une reproduction des inégalités socioculturelles habituelles. Enfin, la dernière partie tente de montrer par quels aspects politiques et sociaux la société se montre ainsi calculable et prédictible.
La thèse sous-jacente de l’auteur est que la disparition d’une référence théorique aux grandes catégories sociales traditionnelles par la seule collecte des traces des comportements des internautes et par la personnalisation à l’extrême des contenus reconfigure une nouvelle forme de social, un positionnement de l’individu dans le vivre-ensemble, qui le rend plus libre dans ses choix mais renforce aussi le caractère hasardeux et risqué de sa situation. Il ne faut pas oublier ce qu’impliquent les formes de guidage automatique des algorithmes, en gardant esprit critique, lucidité et, ce qui nous paraît le plus important, en apprenant à ne pas désapprendre.

Les quatre grands types d’algorithmes numériques

Dominique Cardon propose dans cette première partie une analyse très claire et utile (particulièrement pour les professeurs documentalistes et pour tous les enseignants souhaitant faire de l’éducation aux médias et à l’information) des différents types d’algorithmes utilisés sur le web. Il adopte une grille de lecture qui semble tout à fait pertinente et qui permet de bien comprendre les différences entre chaque grande famille de calcul.
Cette typologie se construit comme suit :
– la popularité est mesurée par le nombre de clics des internautes (on se place « à côté » du web pour le mesurer) ;
– l’autorité se mesure au nombre de liens hypertextes des sites, comme pour le PageRank de Google (on est placé « au-dessus » du web) ;
– la réputation est quantifiée en nombre de likes sur les réseaux sociaux (on est « dans » le web) ;
– la prédiction est réalisée grâce aux traces laissées par les internautes (on est « en dessous » du web).

La première forme de mesure algorithmique qui est apparue dès les premiers sites web, est celle de la popularité, qui comptabilise le nombre de visiteurs sur un site. Deux méthodes peuvent être utilisées. La première, baptisée user centric, reprend les techniques traditionnelles des mesures d’audience : on sélectionne un panel représentatif de la population et on suit leurs consultations internet via une sonde installée sur leurs ordinateurs. La deuxième méthode, appelée site centric, est désormais celle qui s’est généralisée : on mesure la fréquentation au nombre de clics comptabilisés directement sur chaque site. Si la technique user centric donnait une bonne idée des individus en fonction de leurs profils sociologiques, la méthode site centric donne davantage une idée des comportements réels mais pas des usagers eux-mêmes. Dans tous les cas, ce type de mesure, qui représente pourtant d’énormes enjeux publicitaires, ne dit rien de l’impact de la consultation sur l’internaute : a-t-il lu la page ? L’a-t-il appréciée ?
À l’image du PageRank de Google qui en est un bon exemple, le deuxième type d’algorithme, placé « au-dessus » du web, entend hiérarchiser l’information et mesurer l’autorité des sites. Il se base pour cela sur « la force sociale de la page », c’est-à-dire ici le nombre de liens hypertextes qui renvoient vers une même page. Dans l’idéal, ce n’est pas le site le plus lu qui apparaîtra en premier résultat, mais celui qui aura acquis la plus grande reconnaissance et confiance dans la communauté des internautes, celui qui sera le plus cité par les autres producteurs d’information. Ce classement des sites se fait donc a posteriori, après sa publication, et non en amont. Cet idéal, pour Google notamment, témoigne d’une volonté de sortir des prescriptions habituelles et de donner toute leur importance aux internautes eux-mêmes qui font office en quelque sorte de comité de validation scientifique. Si les tentatives des entreprises pour acquérir plus de visibilité sont nombreuses (faux sites, liens placés par des robots sur de multiples sites…), elles ne sont pas si efficaces que cela en raison des multiples paramètres sans cesse remaniés qui composent le PageRank. Néanmoins, la mesure d’autorité finit souvent par coïncider avec celle de la popularité, puisque les sites en haut de liste sont également les plus consultés.
Le troisième type d’algorithme mesure la réputation « dans » les réseaux sociaux en comptant le nombre de likes sur Facebook par exemple. Cette nouvelle forme de fabrication d’une visibilité individuelle numérique adopte des techniques dites d’« e-réputation » pour augmenter l’influence sur le web. La multiplication des avis entraîne toutes sortes de dérives dans ce système de notation généralisée : faux avis ou avis biaisés, trop indulgents ou peu objectifs, parole d’experts discréditée au profit d’utilisateurs lambda. Les deux principales critiques touchant ces mesures de réputation concernent les effets de bulle (les internautes se retrouvent enfermés dans un cercle d’intérêt restreint) et l’absence de représentativité pertinente des likes, en raison de l’écart qui existe entre ce que l’on veut paraître sur le web, une sorte d’idéal de soi, et ce que l’on fait réellement.
Enfin, les algorithmes prédictifs compilent les traces laissées par les internautes quand ils naviguent en ligne pour leur proposer publicités ciblées et conseils personnalisés, et transmettre à prix d’or ces traces à d’autres entreprises. Ce traçage souterrain (d’où l’expression « en dessous » du web proposée par l’auteur), est basé sur l’apprentissage automatique (machine learning), qui collecte toutes les informations de navigation des utilisateurs et rapproche les profils pour prédire les envies d’achats en fonction de ce que les autres ont acheté : « Le futur de l’internaute est prédit par le passé de ceux qui lui ressemblent » résume D. Cardon. Ce marketing comportemental utilise massivement les cookies, et notamment les cookies tiers qui, à la différence des first party cookies (dépendants d’un unique site), appartiennent à une régie publicitaire regroupant de nombreuses entreprises. Ainsi, quand on navigue sur n’importe quel site affilié à cette régie, on verra apparaître des publicités ciblées, le plus souvent par retargeting (relance d’une publicité parlant d’un site qui vient juste d’être consulté par l’internaute). Cette généralisation des mouchards et du traçage donne lieu à un énorme marché des données personnelles, échangées, revendues via des courtiers en données, sans que le consommateur n’en ait réellement conscience. L’auteur mentionne également l’extension CookieViz1, proposée par la CNIL, qui permet de retracer l’itinéraire des cookies lors d’une navigation.

Les nouvelles formes de calculs statistiques

Au-delà de l’omniprésence des algorithmes sur le web, ce sont également les méthodes mêmes de la statistique qui subissent plusieurs sortes de transformations. Un renversement s’opère, qui ne passe plus par les grandes catégories théoriques de la sociologie pour comprendre la société « du dessus », mais bien par la seule collecte des comportements et des actions des internautes, sans les catégoriser et en se référant à leur singularité. L’idéal-type (catégorie abstraite permettant de comprendre des phénomènes sociaux complexes) théorisé par le sociologue allemand Max Weber serait-il en passe de disparaître ?
Ainsi, c’est dans un premier temps la position du calculateur qui change. Que les mesures algorithmiques soient, comme le montre l’auteur dans la première partie, « à côté », « au-dessus », « dans » ou « en dessous » du web, la collecte des données se fait souvent à l’insu des usagers, de manière à appréhender directement le réel, de façon quasi exhaustive, par un traçage permanent. Les statistiques ne servent d’ailleurs plus à représenter des phénomènes, mais à chiffrer des objectifs, d’où la multiplication des palmarès, indicateurs, notations, qui enlèvent aux mesures statistiques toute valeur objective et scientifique puisque ce sont souvent les services évalués qui produisent eux-mêmes ces mesures.
La mutation des calculs statistiques s’accompagne d’une méfiance envers les catégories sociologiques trop englobantes. On ne part plus de la théorie pour vérifier une hypothèse, mais bien de la vérification systématique de deux variables dans leurs corrélations, au cas par cas. Cette vérification est permise grâce à la puissance quasi infinie de calcul des programmes informatiques. On peut noter ici qu’une corrélation ne correspond pas à une relation de cause à effet, elle ne traduit pas une causalité, mais seulement l’évolution parallèle (ou au contraire opposée) de deux grandeurs qui semblent avoir un lien. La plus grande vigilance doit donc être de mise en matière de corrélations qui peuvent se révéler totalement factices, la cause se trouvant dans de multiples facteurs non mesurés2.
Ce changement correspond également à une méfiance globale envers les systèmes de représentation politique et sociale : la diversité des comportements culturels ne permet plus de se reconnaître dans tel ou tel profil. La récolte de données brutes, en temps réel, par les algorithmes, tranche radicalement avec la méthode utilisée jusque-là, mais induit par là même de nouvelles critiques. En effet, les statistiques ainsi produites ne concernent que les internautes les plus actifs sur le web, ceux qui laissent le plus de traces, et non un échantillon représentatif de l’ensemble de la population. D’autre part, si on zoome trop sur les comportements individuels et locaux, on ne peut pas remonter vers une compréhension d’ensemble des phénomènes socioculturels. Ainsi, « l’internaute est collé par l’algorithme à ses propres traces sans pouvoir s’en distancier ».
L’idéologie portée par les promoteurs des big data est que les chiffres et données récoltés parlent d’eux-mêmes. Il s’instaure donc ici un nouveau rapport à la causalité qui n’a plus besoin de modèle explicatif pour comprendre les corrélations et préfère une « mosaïque de micro-variables comportementales » à une grille de lecture issue des sciences humaines traditionnelles.

Signaux et traces : les marqueurs d’un « comportementalisme radical »

Avec la massification des données et l’optimisation mathématique de leur collecte, ce sont d’énormes gisements qui sont désormais à la disposition des entreprises, mais aussi des citoyens, grâce notamment aux open data3, qui permettent d’assurer une vigilance citoyenne sur les pouvoirs publics. Encore faut-il réussir à transformer la donnée brute en information. Dominique Cardon rappelle ici à juste titre que l’idée d’une « donnée brute » est en soi une sorte de mythe. En effet, « toute quantification est une construction qui installe un dispositif de commensuration des enregistrements et établit des conventions pour les interpréter ». La donnée, par la finalité de sa récolte et l’orientation donnée aux questions qui lui sont posées, pourra être sujette à bien des interprétations différentes. On rejoint ici l’idée nietzschéenne du fait prenant forme seulement en tant qu’interprétation, le « fait en soi », objectif et neutre n’existant pas4. Par ailleurs, hormis dans les open data et les sites communautaires comme Wikipédia, l’accès aux données se monnaye à prix d’or. Enfin, les interrogations des bases de données génèrent beaucoup de bruit documentaire qui rend la compréhension des résultats difficile.
L’auteur revient ensuite sur le fonctionnement actuel des algorithmes et plus globalement sur celui de l’Intelligence Artificielle. Cette dernière ne reproduit pas un réel raisonnement, mais s’alimente dans les masses de données pour se référer à une multitude de contextes, de situations, qui lui permettent de réagir avec le plus d’efficacité possible en fonction des occurrences les plus fréquentes. L’IA est avant tout statistique avant d’être intelligente5. Le deep learning (ou apprentissage profond) s’appuie sur cette puissance de calcul qui permet d’utiliser l’estimation statistique comme clé de réussite à toute requête, à l’instar des traducteurs automatiques qui ne disposent pas de règles de grammaire ou de conjugaison, mais se basent uniquement sur les occurrences les plus fréquentes des traductions humaines recensées. L’IA devient capable, à partir de situations déjà présentées et grâce à un système qui reproduit un réseau de neurones (dits « neurones convolutifs »), de prendre des décisions encore plus rapides et optimales, à l’image d’AlphaGoZero qui a battu son homologue AlphaGo à plate couture au jeu de go6 en ne se référant pas à des millions de parties humaines comme ce dernier, mais en affinant sa stratégie en jouant contre lui-même.
Dominique Cardon distingue par ailleurs les signaux, qui sont les contenus explicites d’information ou d’expression subjectives comme un statut sur Facebook par exemple, des traces, qui recouvrent tous les éléments implicites liés à une navigation (clics, vitesse de lecture, géolocalisation…). Les algorithmes les plus efficaces sont ceux qui couplent signaux et traces en temps réel dans une boucle d’apprentissage. Ainsi, le PageRank va recueillir les clics des internautes lors d’une requête et voir si leur navigation s’arrête au premier site consulté, ou s’ils continuent leurs recherches. Si l’internaute ne cherche pas d’autre site, l’algorithme en conclura que ce site est bien le plus pertinent pour ce mot-clé-ci. Le couplage traces/signaux se retrouve également dans le « filtrage collaboratif » qui est à l’œuvre dans les recommandations culturelles des sites comme Amazon entre autres. Il s’agit de prédire ce que l’usager pourrait avoir envie d’acheter, en comparant son profil à celui d’autres utilisateurs ayant acheté le même produit que lui. Ces outils se basent sur l’idée d’une régularité des goûts et des intérêts, une prévisibilité des pratiques culturelles qui n’est pas sans rappeler les habitus socioculturels définis par Bourdieu.
Quant à l’algorithme qui régit le fil d’actualité de Facebook, le EdgeRank, il privilégie les informations publiées par les amis avec lesquels on interagit le plus, si bien que les publications de certaines personnes peuvent passer totalement inaperçues et n’être jamais mises en avant. La critique fréquente adressée à l’algorithme du réseau social est de créer un effet de bulle (filter bubble) qui enferme l’internaute dans un groupe aux centres d’intérêt cloisonnés. En réalité, une enquête menée aux États-Unis sur 10 millions de comptes Facebook portant sur leurs opinions politiques, montre que les utilisateurs n’ont pas besoin d’algorithmes pour s’enfermer eux-mêmes dans une bulle à la socialisation restreinte, qui reflète leurs points de vue et les conforte, que ce soit par le choix de leurs amis, des sites partagés et des sources d’information consultées. Le biais dit de confirmation joue ici à plein.
Le « comportementalisme radical », que véhiculent les algorithmes, colle au plus près aux pratiques réelles des internautes : si quelqu’un développe des goûts périphériques et originaux, les recommandations prédictives ne chercheront pas à le ramener vers le centre et la norme, mais le conforteront au contraire dans la « niche » de ses centres d’intérêt. Les algorithmes font preuve d’un « réalisme efficace. Ils nous emprisonnent dans notre conformisme ». Ils se fondent sur le fait que notre futur sera identique à notre passé. L’auteur explique que « le comportementalisme algorithmique est ce qui reste de l’habitus lorsqu’on a fait disparaître les structures sociales ».

Biais, déformation du réel et « idiotie » des algorithmes

Si le couplage traces/signaux se révèle relativement efficace, il y a bien souvent des signaux sans traces et des traces sans signaux. Ainsi, l’ensemble des contenus tels que les tweets, posts, selfies, etc. qui prolifèrent sur le web, ne donne pas lieu à des interprétations sociologiques ou épistémologiques valables. Les « prédictions » issues de ces données non structurées ne sont en réalité que des « estimations statistiques imparfaites », bien souvent déjouées par la réalité. Inversement, les traces sans signaux (comme les données de consommation électrique, téléphonique, liées aux transports, etc.) seront difficilement exploitables car beaucoup trop volumineuses.
Se multiplient également les mesures de quantification de soi (quantified self) et les outils d’autocontrôle : c’est l’individu qui produit des traces et des mesures sur lui-même dans un but de perfectionnement de soi, que ce soit dans le domaine du sport, de la santé ou de l’hygiène de vie. Ce self data fait de la personne la collectrice et l’administratrice de ses propres données.
La notion de vie privée évolue dans ce sens : si elle ne disparaît pas, on assiste à un glissement. D’une notion collective régie par des valeurs communes (tact, pudeur, discrétion), la vie privée « se privatise », pour recouvrir des définitions, des limites et des normes différentes pour chaque individu. Chaque internaute choisit ce qu’il décide d’exposer ou non, de dévoiler ou pas, sachant qu’en réalité, c’est bien souvent a posteriori là encore que l’on peut contrôler l’utilisation des données personnelles et leur circulation, et non en amont.
Les critiques fréquentes qui sont adressées aux algorithmes pointent la déformation du réel qu’ils génèrent. C’est particulièrement le cas pour les algorithmes de popularité et de réputation qui sont détournés par les robots cliqueurs qui gonflent le nombre de vues, par les faux profils sur les réseaux sociaux, ou encore les faux avis de consommateurs qui pourraient représenter jusqu’à 30 % du total. C’est moins le cas pour le PageRank, dont les multiples paramètres sont plus difficilement identifiables. Pour ce dernier, l’accusation de déloyauté peut par contre être de mise : si des services affiliés à Google se retrouvent systématiquement bien placés dans la liste des résultats, il peut y avoir soupçon de favoritisme.
Enfin, en ce qui concerne les algorithmes qui récoltent les traces, leurs résultats sont le « reflet idiot d’une régularité statistique » : les automatismes mis en œuvre peuvent donner des réponses choquantes, comme lorsque les requêtes proposées par Google proposent le mot « Juif » accolé au nom d’une personnalité célèbre à cause du nombre d’occurrences de ce terme laissées par les traces des autres internautes. En collant aux comportements du plus grand nombre, les algorithmes reproduisent « bêtement » les stéréotypes sociaux et les discriminations sans rééquilibrage. L’auteur donne pour exemple une chercheuse afro-américaine qui voyait systématiquement apparaître sur son ordinateur une publicité pour un site de recherche de casier judiciaire, alors que cette publicité n’était jamais proposée à ses collègues « blancs ». Il n’y a pas d’intention discriminatoire de l’algorithme, simplement une reproduction statistique qui entérine un certain ordre social inégalitaire.
De même, les nouvelles techniques du data mining (fouille des données) permettent le croisement des fichiers clients de plusieurs entreprises pour aboutir à des profils de ciblage d’individus très pointus, de plus en plus précis, sans jamais en informer les utilisateurs. L’exemple de Netflix est parlant : le classement des goûts cinématographiques des usagers est divisé en 77 000 micro-genres, qui composent une mosaïque complètement surréaliste pour personnaliser les publicités. L’individualisation à l’extrême des calculs recrée donc, sans en avoir l’air, des catégories basées sur les traces récoltées, sans avoir besoin de connaître les individus, leur histoire, leurs projets. Dans ce système, la reproduction sociale fait perdurer les inégalités : « les mal notés seront mal servis et leur note deviendra plus mauvaise encore ». Cette reproduction insidieuse de l’ordre social est résumée ainsi par l’auteur pour conclure : « Réduits à leur seule conduite, les individus sont assignés à la reproduction automatique de la société et d’eux-mêmes. Le probable préempte le possible. »

À quoi rêvent les algorithmes : implications politiques et sociales

L’un des premiers aspects qui sous-entend le règne des algorithmes est, conformément à la vision libertarienne du monde, une société où les prescripteurs habituels (médias, monde politique, milieu culturel) n’interfèrent plus dans les choix des individus qui disposent librement des contenus. La société « s’auto-organise et sécrète elle-même les chiffres qui la représentent », sans la déformation inhérente à des formes de représentation issues d’instances supérieures. Aux normes collectives (popularité et autorité), les algorithmes numériques substituent des normes personnelles (prédiction) et locales (réputation). La légitimité des nouveaux « influenceurs » du web ou le succès disproportionné de certaines musiques ou vidéos démontrent en réalité que les algorithmes accentuent les effets de centralité, comme la concentration de l’attention sur un très petit nombre de personnes ou la hiérarchisation du mérite.
En effet, si l’un des rêves des algorithmes est celui de la transparence absolue dans les mécanismes de popularité grâce à une offre d’informations plus vaste et plus partagée, les effets de pics d’attention créent sur le web des popularités éphémères fulgurantes et massives. Les techniques de clickbait (informations à cliquer) se développent sur de nombreux sites pour provoquer les buzz et générer des affluences de fréquentation qui augmentent les profits publicitaires. Si l’impact de ces popularités improbables et fluctuantes reste à nuancer (les célébrités traditionnelles conservant la part belle des mesures de réputation), on peut dire que ce sont les formes d’attention qui se sont diversifiées chez les internautes, de l’envoûtement à l’investigation critique, du vagabondage à la dispersion en passant par le grégarisme…
Un autre aspect de l’idéologie qui traverse l’avènement des algorithmes est celui d’une valorisation des « méritants ». Le calcul d’autorité de Google se fonde sur cette vision méritocratique des résultats, mais renforce là aussi les effets de polarisation. La Loi de Pareto (80 % de la richesse est détenue par 20 % des individus) est fortement accentuée sur le web, puisque 1 % des individus détiennent 99 % de la visibilité. Les inégalités se creusent, puisque ce sont ceux qui ont la richesse, qui ont aussi la notoriété et la visibilité. Dominique Cardon résume ainsi ce phénomène : « L’autorité des excellents fabrique des gagnants individualisés et des perdants invisibilisés ».
Les algorithmes mettent en avant une société qui organiserait par elle-même son réseau d’affinités et serait structurée par ce dernier. Si la vie numérique permet de multiplier et de valoriser de nouvelles formes de sociabilité et d’actions collectives, elle impose également une visibilité qui devient un principe de hiérarchisation de la valeur sociale de chaque individu. La frontière entre un contenu éditorial, « méritant », authentique, sincère, et un contenu publicitaire, basé sur le calcul, est de plus en plus floue. Les blogueurs ou les youtubeurs sont sponsorisés par les marques pour promouvoir leurs produits dans leurs tutoriels ; l’image de soi véhiculée sur les réseaux sociaux est une construction qui n’a rien d’authentique ; le digital labor (travail numérique bénévole) devient monétisé et rémunéré. Là encore, les profils extrêmes se côtoient en oubliant la moyenne : les « individus par excès » qui accentuent leur réputation à l’infini cohabitent avec les « individus par défaut » qui deviennent invisibles.
Davantage que l’effet de bulle sur les réseaux sociaux, c’est bien la reproduction des inégalités socioculturelles qui est à l’œuvre, entérinée par l’algorithme de réputation : plus on est cultivé, plus on a des amis cultivés, plus l’ouverture informationnelle et culturelle sera grande sur Facebook dans notre fil d’actualité.
Enfin, l’auteur termine par la description du rêve ultime des algorithmes : celui de créer « un environnement technique invisible qui permettrait de nous orienter sans nous contraindre », de nous délester de certaines tâches ingrates, mécaniques, pour accroître notre liberté. C’est l’idée des nudges, les outils du « paternalisme libertaire », tels les assistants personnels, ces intelligences artificielles de bureau. Dominique Cardon conclut cette partie en développant une idée qui me paraît essentielle : si les algorithmes nous remplacent dans les tâches techniques, dans certaines habiletés humaines, « il est de plus en plus nécessaire d’apprendre à ne pas désapprendre ». C’est également ce que dit Serge Abiteboul, chercheur à l’INRIA et auteur de l’essai Le temps des algorithmes7 : « Comme l’écriture, l’alphabet et l’imprimerie, l’informatique participe d’un vaste mouvement d’externalisation de nos facultés intellectuelles, notamment de notre mémoire. » Cette externalisation d’algorithmes que nous effectuions auparavant à l’intérieur de notre esprit pose de nouveaux et vastes enjeux. Le couple homme/machine interagit mutuellement et peut cohabiter si l’on sait encore « passer en manuel », si on adopte un usage critique, réfléchi de ces outils, et si l’on sait opposer aux algorithmes des contre-calculs alternatifs quand c’est nécessaire8. « Il est encore temps de dire aux algorithmes que nous ne sommes pas que la somme imprécise et incomplète de nos comportements ».

Le sociologue conclut cet essai en utilisant la métaphore de la table d’orientation : avant, les prescripteurs traditionnels (médias, institutions culturelles, monde politique) nous indiquaient, tels une table d’orientation, les éléments à voir et les informations dignes d’intérêt ; actuellement, la liberté de choix est totale dans ce que l’on peut ou non regarder, au risque de se perdre ou de se tromper. Les nouveaux repères dans cette masse d’informations nous sont fournis par les algorithmes, qui, par le précepte de singularisation et d’individualisation des contenus, ont pour but de « guider l’internaute vers ses propres choix ». Pour filer la métaphore de la route et du paysage, Dominique Cardon se réfère au GPS qui, à l’image des autres algorithmes, ne nous impose pas une destination, mais calcule la route la plus efficace ou plus globalement la « meilleure » pour nous, selon le paramétrage sélectionné. Le résultat de ce guidage automatique est présenté comme ultra-individualisé, alors qu’il se réfère toujours en secret aux occurrences statistiques du plus grand nombre. On y perd d’ailleurs la compétence de savoir lire une carte et la possibilité d’emprunter des chemins de traverse. La méfiance doit donc être de mise, couplée avec une compréhension critique et vigilante du fonctionnement des algorithmes et une surveillance des intérêts qui animent leurs concepteurs.

 

Pour conclure, on peut souligner que cet ouvrage est absolument éclairant sur les mécanismes à l’œuvre dans les algorithmes numériques et sur leurs implications sociales, que ce soit le renversement des méthodes sociologiques traditionnelles, le règne de la singularité, la fin de la causalité au profit des seules corrélations, la reproduction des inégalités socioculturelles, ou encore le risque de désapprendre de nombreuses habiletés déléguées aux programmes informatiques. Si certaines formulations stylistiques de l’auteur incitent à plusieurs reprises au cours de l’essai, à personnifier les algorithmes, Dominique Cardon ne tombe toutefois pas dans l’écueil du déterminisme technique : il rappelle souvent et à juste titre que ce sont les hommes et les sociétés qui orientent et produisent ce type d’outils de calculs, et non les calculs eux-mêmes qui les modèleraient à leur gré. Écoutons un instant les propos de Cédric Villani, médaille Fields, mathématicien chargé de la rédaction d’un rapport parlementaire sur l’IA en 2018, qui résume parfaitement les enjeux des algorithmes et de l’Intelligence Artificielle en faisant écho à la thèse développée chez Dominique Cardon :
« L’IA est très emblématique de la rencontre à laquelle on assiste entre les mathématiques et les questions de société. […] L’IA s’invite partout. Ce qui a permis ce revirement […], c’est le poids pris par les statistiques. On est passé d’une tentative d’appréhender l’intelligence par la compréhension de ses mécanismes à un paradigme de l’intelligence par l’exemple. D’où un bond énorme dans la performance qui s’est accompagné en pratique d’une certaine régression dans la compréhension de ce qu’est l’intelligence et de ses mécanismes9. »

L’importance de l’éducation aux médias, qui n’est pas du tout mentionnée chez Dominique Cardon, paraît pourtant prééminente : en effet, pour que chacun puisse être vigilant et capable de « repasser en manuel », il faut avoir une bonne connaissance des différentes formes d’algorithmes qui, loin d’être des objets magiques, peuvent être déconstruits comme tout autre outil technique. Le professeur documentaliste a ici toute sa place pour mener des activités pédagogiques sur les données personnelles, le traçage en ligne, les implications économiques, médiatiques et éthiques des big data, la compréhension des algorithmes de popularité, d’autorité et de réputation, de manière à conduire les élèves à l’acquisition d’une culture numérique véritablement réfléchie et éclairée.

La Maison de Victor Hugo

Hauteville House © Graham Jackson/Paris musées/DR.

La maison de Victor Hugo : une maison ou un musée ?
La Maison de Victor Hugo, c’est-à-dire aujourd’hui le musée que l’on désigne sous le nom de « Maisons de Victor Hugo, Paris / Guernesey » est par nature hybride. Elle est composée de deux lieux distants de plus de quatre cents kilomètres et de nature très différente.
À Paris, malgré le nom de « Maison de Victor Hugo » porté depuis l’origine, le fonctionnement est plutôt celui d’un musée. Il y a eu une interruption entre l’occupation par Victor Hugo et la création du musée, les lieux-mêmes avaient été amplement modifiés, les collections y ont été réintroduites. Le bâtiment occupé par le musée ne se limite pas à l’appartement, mais occupe presque tout l’immeuble : un étage est ainsi dédié aux collections permanentes (celui de l’appartement de Victor Hugo), un autre aux expositions temporaires.
À Guernesey, au contraire, il s’agit d’une maison d’écrivain, à l’état pur, avec cette spécificité d’avoir été entièrement aménagée et décorée par Victor Hugo lui-même. C’est à la fois un sanctuaire et une œuvre d’art.

Dans quelles circonstances la Maison a-t-elle été ouverte ?
Le musée a été créé pour le centenaire de la naissance de Victor Hugo, en 1902, même s’il n’a ouvert qu’en 1903. Paul Meurice, ami très proche de Victor Hugo et exécuteur testamentaire, avait depuis longtemps le projet d’un lieu consacré au poète, à l’instar des maisons de Shakespeare, de Goethe ou encore de Dante. Il en a fait la proposition au Conseil de Paris, avec l’accord de la famille, c’est-à-dire de Georges et Jeanne, les petits-enfants, et de leur mère Alice Lockroy. Il était attaché au lieu car c’est place des Vosges, alors place Royale, qu’il avait connu Hugo. L’immeuble appartenant à la Ville, cela évitait un achat et facilitait le projet.

Comment a été constitué son fonds ?
C’est Paul Meurice qui a constitué le fonds primitif du musée à partir de sa collection personnelle, de dons importants de la famille et d’acquisitions auxquelles il a consacré les revenus qui lui provenaient de l’édition des œuvres de Victor Hugo, et dont la principale a été celle de la collection de Juliette Drouet. C’est Paul Meurice qui, également, a donné sa physionomie à la collection, la voulant « totale », capable de témoigner, de la manière la plus exhaustive, à la fois de l’homme, de l’écrivain et de l’artiste. Ainsi la collection est depuis l’origine incroyablement polymorphe : dessins, peintures, sculptures, photographies, objets de mémoire, effigies, mobilier, décors, livres, imprimés, etc. Depuis la collection a été continuellement enrichie notamment avec des dons importants des filles de Paul Meurice et de Jean Hugo. Paul Meurice a tenu à l’écart les manuscrits que Victor Hugo, dans son testament, destinait à la Bibliothèque nationale. Si le musée ne conserve donc pas les manuscrits de Victor Hugo, hormis quelques brouillons ou « copeaux », il est en revanche riche d’écrits familiaux et de correspondances. L’ensemble de dessins de Victor Hugo, véritable cœur de la collection, a été l’objet d’une attention continue, que l’envolée de sa « cote » a seule atténuée. Aujourd’hui, si elles tentent de maintenir la diversité, les acquisitions mettent surtout l’accent sur les œuvres originales illustrant les écrits de Victor Hugo.

Hauteville House, Look out © Visit Guernesey/DR.

Qui a été son premier conservateur ?
Le premier conservateur a été Louis Koch, le neveu de Juliette Drouet. C’est le fruit d’un curieux arrangement pour l’acquisition de la collection de Juliette Drouet que Paul Meurice a pu obtenir contre une somme d’argent et… le poste de conservateur. Louis Koch, il faut bien le reconnaître, n’a guère marqué l’histoire du musée qu’il a dirigé jusqu’à sa mort en 1913, le laissant tel que Meurice l’avait organisé. C’est Raymond Escholier qui l’a transformé après la guerre de 1914-1918, en en faisant un musée plus littéraire, thématiquement organisé. L’autre étape importante fut celle du réaménagement du second étage « sous forme d’appartement », non pas comme une reconstitution de l’appartement de Victor Hugo, mais comme une mise en perspective des collections, dont le parcours chronologique évoque la vie de Hugo à travers des ambiances décoratives donnant au visiteur l’impression d’être dans un appartement et de partager l’intimité du grand homme.

Quelle est la place de cette maison dans la vie et dans l’œuvre de Victor Hugo ?
Victor Hugo arrive place Royale – aujourd’hui place des Vosges – auréolé d’une triple gloire : celle du jeune poète des Orientales, celle du chef de file du drame romantique avec Hernani, celle du grand romancier qu’il est devenu avec Notre-Dame de Paris. Les années qu’il va passer là, de 1832 à 1848, sont celles de sa pleine gloire en même temps que de sa pleine maturité. Sa réputation de poète et d’homme de théâtre surtout, malgré l’alternance de succès et d’échecs (souvent dus à la censure), se confirme, jusqu’en 1843. Mais cette année-là va être celle du basculement. Située entre son élection à l’Académie française en 1841 et sa nomination comme pair de France en 1845, 1843 est l’année du drame, celui de la mort tragique de Léopoldine. Victor Hugo ne va pratiquement plus publier et s’orienter résolument vers la politique. De pair de France, il deviendra en 1848 élu de la République à laquelle il se rallie alors. Les seize années passées place Royale sont à la fois des années de gloire et de transition, des années décisives, en tout cas.

Quelle est la spécificité de Hauteville House à Guernesey ?
Au sein du musée, Hauteville House est la vraie maison d’écrivain ! C’est le sanctuaire absolu ! Cette maison n’est pas seulement le lieu d’exil et d’écriture de Victor Hugo, c’est aussi son œuvre, une œuvre d’art totale, qu’il a aménagée et dont il a créé les décors, ne laissant aucun vide, projetant, sa pensée, son imagination, son esprit sur toutes les parois. Hugo y a complètement façonné l’espace par une véritable méthode de collage qui est comme une grammaire, dont il fait varier le vocabulaire dans chaque pièce, mêlant boiseries sculptées, tapisseries, carreaux de faïence, soieries, meubles de laque, sculptures, meubles qu’il a lui-même dessinés, panneaux qu’il a également lui-même dessinés et peints.
Mais avec le temps, ces décors ont souffert et une grande campagne de restauration va ainsi avoir lieu en 2018 et 2019. Destinés à résoudre des problèmes d’infiltration, récurrents depuis l’époque de Victor Hugo, les travaux vont permettre des interventions significatives sur les décors : restauration et restitutions, afin de retrouver l’aspect visuel originel, voulu par Victor Hugo. Cette campagne a été précédée d’une étude historique et esthétique afin de bien comprendre le processus de mise en œuvre et l’esprit avec lequel Victor Hugo réalisait cette décoration.
Retrouver cet aspect visuel, c’est – nous l’espérons – retrouver l’esprit de Victor Hugo, sa puissance, sa démesure, sa poésie autant que sa fantaisie ou son sens du sacré. C’est offrir une expérience visuelle et émotive singulière et forte. Beaucoup de visiteurs disent n’avoir vraiment compris Victor Hugo qu’après avoir visité Hauteville House.

Maison de Victor Hugo © Pierre Antoine/Paris musées/DR.

Quelles sont les offres éducatives à Paris ?
À Paris, la Maison de Victor Hugo a préparé pour tous les niveaux d’enseignement plusieurs types d’activités : visites contées, animations, conférences, lectures, parcours urbains ou encore ateliers. Leurs contenus ont été pensés soit comme un accompagnement des programmes scolaires – comme « Victor Hugo : citoyen et homme engagé », visite consacrée aux combats de Victor Hugo, ou « Cosette et Gavroche », visite contée à partir des Misérables –, soit comme une invitation à la découverte – ce qui est le cas notamment des séances permettant d’appréhender Victor Hugo comme dessinateur et concepteur de décors.
Le musée s’engage aussi avec l’Éducation nationale dans des partenariats pluriannuels – offrant ainsi des projets artistiques et culturels pour plusieurs classes d’un même établissement, avec le soin d’en renouveler les contenus et les approches chaque année et d’y intégrer des séances de création plastique. Par ailleurs, des ateliers photo ou vidéo, réalisés en petits groupes, permettent aux élèves en apprentissage du français langue étrangère de s’approprier le personnage de Victor Hugo à travers des créations personnelles ou collectives.
Désirant donner une place au regard et à la créativité des jeunes, la Maison de Victor Hugo a choisi en 2015 d’associer une dizaine de lycées professionnels de l’académie de Créteil à l’élaboration d’une exposition – « La pente de la rêverie. Un poème, une exposition ». Ayant ainsi reçu « carte blanche », les classes ont été invitées à partager leur lecture et leur vision du poème à travers des créations les plus diverses. Selon leur spécialité, les propositions ont pris forme d’installations, de dessins, de photographies, de vêtements, de mobiliers, de rap, de vidéo ou encore de textes et ont constitué le cœur de l’exposition en occupant la plus grande salle.
Le musée participe aussi à des dispositifs comme « Enfants conférenciers », favorisant l’autonomie des jeunes visiteurs et leur permettant après une première visite et un travail en classe, de proposer à leur tour une médiation à d’autres élèves-visiteurs.
La Maison de Victor Hugo souhaite développer une offre éducative variée, favorisant la médiation, l’échange, la participation active des élèves, mais aussi leur autonomie et collaboration. Ainsi, l’application de visite autonome « Connaître Victor Hugo », téléchargeable et en prêt gratuit sur tablettes au musée, est pensée comme une des formes numériques d’introduction ou de synthèse d’un travail mené par un enseignant. Notre désir durant la période de fermeture pour travaux (mai 2018-mai 2019) est de constituer un ensemble d’outils et de dossiers numériques à la disposition des enseignants et des élèves favorisant leur connaissance de nos collections et des problématiques qu’elles permettent d’étudier.

Que proposez-vous à Guernesey ?
Hauteville House, la maison d’exil de Victor Hugo à Guernesey, est ouverte chaque année pendant 6 mois entre avril et septembre. La découverte de la maison se fait toujours à travers une visite guidée d’une heure, menée par un conférencier.
L’accueil des groupes scolaires à Hauteville House constitue une mission importante pour le musée. En 2017, 1 721 élèves ont visité Hauteville House, ce qui représente environ 10 % du nombre total de visiteurs.
L’accès et les modalités de visites sont néanmoins soumis à plusieurs conditions. Située dans l’archipel des îles anglo-normandes, Guernesey est accessible par bateau depuis le port de Diélette en Normandie et St-Malo en Bretagne. La visite représente donc un coût important pour les établissements scolaires. La visite est aussi soumise aux horaires des compagnies maritimes et aux conditions météorologiques. De plus, la configuration de l’espace de Hauteville House, ainsi que les impératifs de sécurité, permettent la circulation d’un maximum de 30 personnes en même temps. Enfin, le décor conçu par Victor Hugo à Hauteville House occupe tout l’espace de la maison, ce qui ne permet pas d’avoir par exemple une salle réservée à un atelier pédagogique.
Plusieurs mesures sont donc mises en place pour tenir compte de ces contraintes et recevoir les écoles dans les meilleures conditions. Un tarif spécifique de £1,50 par personne est réservé aux groupes scolaires. En comparaison, le tarif plein s’élève à £8 et le tarif réduit à £6.
La capacité d’accueil journalière des groupes scolaires a été augmentée en 2016. Des créneaux de visites sont ainsi réservés aux écoles, ce qui permet de recevoir jusqu’à 60 personnes par jour et par établissement, sur une capacité journalière totale de 220 visiteurs. Depuis 2016, les horaires d’ouverture ont également été repensés et des visites supplémentaires sont disponibles en début de matinée, ce qui permet de s’adapter aux horaires d’arrivée des bateaux.
Enfin, les groupes scolaires doivent effectuer une réservation par e-mail ou par téléphone, au cours de laquelle il leur est demandé de fournir le projet pédagogique dans lequel s’inscrit leur visite à Hauteville House, afin que les conférenciers puissent en tenir compte dans l’élaboration de leur visite. La visite se fait donc sous la conduite d’un guide conférencier, par groupes de 10 personnes maximum. Ce petit nombre permet d’offrir un confort de visite et de faciliter les échanges entre le guide et les élèves.
Depuis 2014, une conférence dans le jardin de Hauteville House est également proposée aux visiteurs. Elle est particulièrement adaptée à la demande des écoles qui se rendent souvent à Guernesey à la journée et n’ont pas toujours le temps de suivre la visite guidée de la maison. La conférence dans le jardin permet aussi de proposer des créneaux de visite supplémentaires aux groupes scolaires de plus de 60 personnes.
Un dossier pédagogique a été conçu pour être mis à la disposition des enseignants en 2019, au moment de la réouverture de la maison au public suite aux travaux de restauration en cours.

Pourquoi faut-il lire et faire lire Victor Hugo ?
Rien n’y oblige : il faudrait précisément en finir avec cette pratique ou ces souvenirs du Victor Hugo des manuels scolaires, auteur soi-disant « incontournable ». Il faudrait donc simplement, comme pour tous les autres, avoir envie de le lire, de le découvrir ou de le relire comme s’il était l’un de nos contemporains, comme s’il s’adressait à nous, à l’aube du xxie siècle, comme s’il ne restait pas, en dépit du temps, d’une formidable et d’une étonnante actualité. Qu’il s’agisse d’amour, de compassion, d’idéal, de liberté, de solidarité, de tristesse ou de deuil, d’enfance ou de nature, qu’il s’agisse de poésie, de romans, de théâtre ou de discours politique, Hugo nous parle, d’où que nous soyons, de notre vie, de nos désespoirs, de nos souffrances, de nos espérances. Rares sont les auteurs que l’on dit « universels ». Victor Hugo est l’un d’eux, et cela vaut dans l’espace comme dans le temps.
S’il fallait enfin une autre raison pour le lire ou le relire, c’est que cet écrivain est l’un des plus formidables manieurs de mots de toute la littérature française, un fabricant d’images comme on en voit peu, une sorte de magicien démesuré et cosmique. Son lyrisme, sa générosité, sa puissance fascinent. Laissons-nous emporter.

Quels ouvrages sur Victor Hugo récemment parus pourriez-vous conseiller les CDI d’acheter ?
Il existe une courte biographie de l’écrivain dans la collection Découverte Gallimard, mais elle est malheureusement épuisée (Sophie Grossiord, Victor Hugo. « Et s’il n’en reste qu’un », 1998) – pour les CDI qui pourraient se la procurer, je la conseille vivement, car elle est vivante et très illustrée. Un autre genre de récit biographique est la bande dessinée de Bernard Swysen, Victor Hugo, Joker P Et T Production, 2014) à la fois accessible et documentée. Pour des jeunes lecteurs, un choix de poèmes illustrés par les dessinateurs de bande dessinée et accompagnés de dossiers documentaires peut être une bonne entrée en matière (Poèmes de Victor Hugo en BD éd. Petit à petit, 2002). Les œuvres de Victor Hugo sont souvent éditées dans les collections abrégées (Hatier, Bordas) accompagnés des dossiers et notes destinés aux élèves. Nicole Savy (Le Paris de Victor Hugo, éd. Alexadrines 2016) présente à la fois le rapport de l’écrivain à la ville et un choix de courts extraits qu’elle contextualise ; Marie-Noëlle Rio préface le célèbre discours de Victor Hugo (Du péril de l’ignorance, éd. du Sonneur, 2011). Les engagements politiques de l’écrivain ont aussi été un thème d’une exposition très pédagogique, accompagnée d’une publication intitulée Victor Hugo politique (MVH, 2013). Enfin, l’exposition La pente de la rêverie. Un poème, une exposition (MVH, 2016) a donné lieu à une édition numérique comprenant des contributions des élèves et professeurs participant à l’élaboration de l’exposition (Pente de la rêverie, application, Paris Musées, 2016) Dans un autre genre, Judith Perrignon a écrit un roman documenté par les archives de la préfecture de la police et ceux de la MVH. Elle y relate de façon très imagée les funérailles de l’écrivain (Judith Perrignon, Victor Hugo vient de mourir, éd. Iconoclaste, 2017) réussissant à rendre palpables les tensions liées aux combats et à la célébrité de l’écrivain, mais aussi le défi que pose son souhait de funérailles laïques.

Quel avenir pour ces deux maisons ?
L’avenir immédiat des deux maisons est dans les deux campagnes de travaux qui auront lieu en 2018. Une intervention majeure sur le clos et le couvert à Guernesey, accompagnée par d’importantes restaurations et restitutions de décors, afin de rendre aux espaces leur aspect visuel d’origine, tel qu’il avait été conçu par Victor Hugo. À Paris, il s’agira d’une redistribution de certains espaces et d’une extension dotant le musée d’un jardin, d’un salon de thé et d’un espace pédagogique, tout en améliorant la circulation des visiteurs.
Au-delà de ces travaux, le musée reste très attentif à ses missions de base, et en particulier concernant ses collections, leurs études, leur valorisation et leur mise à disposition du public. Deux axes sont privilégiés, avec d’abord la poursuite de la mise en ligne des collections, accompagnée de notices d’œuvres plus documentées, voire d’un accompagnement documentaire pour la mise en ligne des œuvres et des décors de Hauteville House. Par ailleurs, le musée projette également une nouvelle manière de montrer les collections, place des Vosges, plus souple, plus mobile, qu’une exposition au sens strict du terme et en prenant en compte la nature du public qui est constitué à 70 % d’étrangers, non-francophones, mais en intégrant aussi un mode participatif. Le musée est d’ailleurs très actif en direction du champ social et entend poursuivre son action en ce domaine.
L’avenir de la Maison de Victor Hugo, comme celui de tout musée, doit être de rester en prise avec l’évolution des pratiques réelles et virtuelles.

Maison de Victor Hugo, le salon chinois © Pierre Antoine/Paris musées/DR.

L’Inde

Une Inde mythique

Parmi les mythes fondateurs de la culture de l’Inde, il y a deux épopées de plusieurs milliers de vers, le Mahabharata et le Ramayana. Racontées, mais aussi écrites, dansées, chantées, jouées, ces histoires sont encore aujourd’hui connues de tous. On peut les lire en édition intégrale, mais cela demande une certaine abnégation… On pourra commencer par le très bel album de Patrick Favaro et Véronique Joffre, La Grande Légende de Rama et Sita. Avec ses 15 contes de l’Inde, Partap Sharma nous offre un recueil de fables à la manière d’un Esope indien, où des animaux instruisent les hommes.
Si vous êtes perdus au milieu des (très) nombreux dieux et déesses indiennes, rassurez-vous, vous pouvez vous plonger dans La Mythologie indienne de Jean-Charles Blanc, et essayer enfin de démêler qui est l’avatar de qui. Issue du Mahabharata, la tradition étonnante qui consiste à consacrer une petite fille en déesse ne pouvait qu’inspirer François Roca et Fred Bernard : ils en ont tiré Uma, la petite déesse, album aux couleurs éclatantes. Enfin, en 2015, est paru aux éditions des Grandes personnes un très beau roman aux allures de conte des mille et une nuits, La Lune du Tigre : la jeune Safia, hindoue, devient la huitième épouse d’un riche marchand musulman. Toutefois, elle n’est pas vierge, comme ses parents l’avaient affirmé. Elle raconte alors à un jeune eunuque son histoire, où se croisent un tigre blanc, Krishna et Vishnu lui-même.

Une Inde aux multiples inégalités

La difficile question des inégalités sociales, très marquées en Inde, est sans conteste la thématique principale des romans. Alors que le système des castes n’existe officiellement plus depuis 1950, il reste toutefois difficile de sortir de son milieu social, et à plus forte raison si on est un Intouchable (dalit). Les femmes sont également victimes d’oppression, entre mariages forcés et agressions dans l’espace public, quand elles arrivent simplement à naître1. La différence de traitement se ressent dans les sujets des romans, suivant qu’ils mettent en scène des garçons ou des filles.
Plusieurs romans mettent en scène les violences subies par les petites filles. Dans Un sari couleur de boue, la petite Leela, pleine de joie de vivre, se retrouve subitement veuve à 13 ans. Et dans l’Inde des années vingt, cela signifie demeurer recluse, en proie aux moqueries de tous. Heureusement sa famille la soutient, et son combat pour la liberté rejoint celui de ce petit bonhomme nommé Gandhi… Son destin ressemble à celui de Chandra, héroïne du roman éponyme, qui doit aussi faire face à un mariage et un veuvage précoce, et qui réussit malgré tout à s’échapper. Dans 13 ans, 10 000 roupies, Lakhsmi, elle, subit un autre sort : à 13 ans, elle est vendue à une maquerelle et devient esclave sexuelle… Une autre héroïne, Devi, issue d’une basse caste, mariée de force à un homme plus âgé qu’elle, décide de s’enfuir et finit par rejoindre une bande de brigands : c’est le début du roman Devi, bandit aux yeux de fille, inspiré de l’histoire vraie de Phoolan Devi2.
Plus léger, le joli roman d’Anne-Marie Pol Le Sari défendu se passe à Pondichéry en 1905 et raconte comment la fille du colon et sa sœur de lait indienne tombent amoureuses du même homme. Sous le vernis du triangle amoureux se pose toutefois la question du peu de choix qu’on laisse aux jeunes filles quant à leur avenir.
Le sort des garçons n’est pas meilleur : Broken Glass, c’est le verre cassé que doivent ramasser Sandeep et Suresh pour survivre dans la grande ville, dans une atmosphère à la fois misérable et pleine de vie, façon Slumdog Millionnaire. À ces garçons des villes jetés là par la misère, Kashmira Sheth ne donne même pas de noms. Courbés toute la journée dans un atelier de tissage de perles, les enfants ne parlent plus, deviennent des Garçons sans noms, jusqu’à ce que Gopal se rebiffe. Dans Les Cerfs-volants, Agnès de Lestrade nous parle des gamins fouilleurs de décharges dont l’un d’eux a l’idée de fabriquer des cerfs-volants à partir de sacs plastiques pour financer l’opération qui pourrait empêcher sa sœur de devenir aveugle.
Le rude destin de cornac ou mahout, les dresseurs et/ou soigneurs d’éléphants, fait également l’objet de deux romans, avec une trame similaire : Mahout, de Patrice Favaro, et Enchaînés de Lynne Kelly. À chaque fois, le héros est un jeune garçon pauvre, aussi prisonnier de sa condition que son éléphant, et qui cherche à gagner sa liberté.
Enfin, quand garçons intouchables et filles indésirables se rencontrent, cela donne le très joli roman de Claire Ubac, Le Chemin de Sarasvati, où deux enfants parias s’unissent pour gagner leur liberté, malgré les embûches, sous le regard bienveillant de la déesse au luth, Sarasvati…

Entre exil et traditions

On rêve d’Inde comme l’Inde rêve du monde. Espoir d’un avenir meilleur, nouvelle vie dans une nouvelle culture, mais aussi désillusion quand le rêve n’est pas à la hauteur de l’attente, tous les migrants passent par ces étapes. Dans En attendant New York, le père des deux héroïnes est parti chercher du travail aux États-Unis, en attendant de faire venir sa famille. Hélas, il ne trouve pas aussi vite qu’il voudrait, et les deux jeunes filles doivent emménager chez des parents, qui ont pour elles des projets plus classiques… comment concilier traditions et modernité ? Le Chemin de l’exil, c’est aussi la solution de Marvinder, 13 ans en 1947, pour fuir la misère. Elle, c’est en Angleterre que l’attend son père, que l’attend l’avenir. Quand l’Inde vient à soi, c’est ce qu’expérimente Sunita (Le Monde de Sunita). Ses parents sont nés en Inde et sont bien intégrés en Amérique où elle-même est née. Mais le jour où ses grands-parents arrivent du pays, elle commence à avoir honte de ses traditions : la question de la double culture n’est pas évidente pour une ado qui construit son identité.
Voyage en sens inverse pour Nina, héroïne de Bye-Bye Bollywood. Sa mère les a traînées sa sœur et elle dans un ashram. Un ashram ! Pas de connexion, du yoga et des plats végétariens, bonjour le cauchemar. Et pourtant, la situation aidant, Nina va vivre des aventures inoubliables loin des paillettes de Bollywood, qui la feront mûrir.

Trois thématiques sont ainsi principalement traitées lorsque l’on évoque l’Inde dans la littérature jeunesse : une mythologie foisonnante, des inégalités sociales encore très marquées et une transition vers une société davantage « occidentalisée ». Alors les saris, les villes bondées, les vaches sacrées, ce serait donc quand même l’Inde authentique ? À la lecture de tous ces ouvrages, il semblerait que oui, et que l’Inde reste encore une source de fascination, un pays exotique, avec tout ce que ce terme peut évoquer de dépaysement, de découverte d’une culture différente, riche et jamais complètement appréhendée en entier…

Algorithmes et Intelligence Artificielle

Si dans l’imaginaire collectif, l’algorithme est vu comme une sorte de côté obscur des mathématiques, doté d’intentions mystérieuses et de pouvoirs aussi puissants que magiques, lorsque l’on évoque l’Intelligence artificielle, on se retrouve là dans des représentations collectives nourries de science-fiction et de dystopies, face au mythe de l’androïde mi-homme mi-robot qui signera la fin de l’Humanité. Ce sont bien là deux aspects d’une même problématique, car l’IA est composée d’algorithmes et comme le dit bien Dominique Cardon, elle n’est pas véritablement intelligente (en tout cas, pas pour l’instant), mais seulement « statistique ».
La notion d’apprentissage, beaucoup utilisée dans le vocabulaire des algorithmes, ne recouvre pas la même signification que l’apprentissage humain et c’est cette confusion sémantique qui alimente les visions apocalyptiques d’une prise de pouvoir prochaine des IA sur les humains. En revanche, tous les chercheurs et les institutions s’accordent à demander dès maintenant une régulation et une plus grande transparence du secteur pour ne pas laisser des objectifs purement marchands orienter les algorithmes. Il est déjà grand temps de leur donner la dimension éthique qui rendra possible la coexistence homme-IA dans la société future.
Dans le domaine de l’éducation, la compréhension des algorithmes numériques et des avancées de l’IA fait partie de l’éducation aux médias, sans cesse renouvelée par les évolutions technologiques récentes (data journalisme, contenus d’informations ciblées, robots rédacteurs…). Si ce domaine est très pointu et parfois difficilement compréhensible pour le grand public, d’autant que les secrets de fonctionnement des algorithmes sont très bien gardés, il semble néanmoins indispensable de se l’approprier et d’en avoir une vision à la fois critique et rationnelle, pour éviter les manipulations et les biais possibles. La sélection documentaire présentée ici balaie un champ qui va de la science des données à l’informatique en passant par la science-fiction et les applications des algorithmes dans le domaine des arts, de manière à donner aux professeurs documentalistes et aux enseignants qui travaillent sur ce thème en classe, un ensemble de ressources utiles pour débroussailler ce sujet complexe.

Centres de recherche et institutions

Institut européen Dataia (centre de recherches universitaires en sciences des données, sciences humaines et sociales).  http://dataia.eu/

CNIL (Commission Nationale Informatique et Libertés). La CNIL est l’instance de régulation des droits dans le domaine du numérique : gestion et accès aux données ; sanctions et contrôles ; conseils envers les entreprises et les particuliers pour gérer ses données ; réflexion sur les enjeux éthiques et sociaux en lien avec le numérique.  www.cnil.fr
Retrouvez la liste de toutes les conférences, ateliers et débats organisés en lien avec la CNIL sur la thématique des algorithmes, de la protection des données et de l’intelligence artificielle, à l’adresse suivante  www.cnil.fr/fr/le-calendrier-des-evenements

INRIA (Institut National de Recherche en Informatique et en Automatique)  www.inria.fr
Interstices.Info est la revue de culture et de vulgarisation scientifique en ligne publiée par l’INRIA : son site regorge de nombreuses ressources (articles indiqués avec un niveau de lecture bien utile) sur les sciences du numérique, débats, conférences, podcasts, lien sciences et arts, etc.  https ://interstices.info/jcms/jalios_5127/accueil

Expositions

Artistes & Robots, du 5 avril au 9 juillet 2018. Cette exposition aux galeries nationales du Grand Palais entend montrer les applications de l’intelligence artificielle dans le domaine de l’Art en questionnant l’idée « d’imagination artificielle » ou de « créativité artificielle ». Une machine ou un robot peuvent-ils créer une œuvre d’art ? Il s’agit ici de présenter « des artistes qui créent des machines qui créent de l’art », des « machines à créer » que ce soit en peinture, en sculpture, en architecture, en design, en musique… La vingtaine d’installations alliant logiciels informatiques, robotiques et IA créées par des artistes, donne à voir ce que sera peut-être l’art contemporain de demain.
 www.grandpalais.fr/fr/evenement/artiste-robots
Un dossier pédagogique est disponible en ligne       www.grandpalais.fr/pdf/Dossier_Pedagogique_ARTISTESetROBOTS.pdf

Olympe de Gouges, Nam June Paik, 1989
exposition Artistes & Robots © Nam June Paik Estate
photo Eric Emo / Musée d’Art Moderne de la ville de Paris

L’exposition Terra Data, nos vies à l’heure du numérique s’est déroulée à la Cité des sciences et de l’Industrie de Paris du 4 avril 2017 au 7 janvier 2018 (commissaire de l’exposition : Serge Abiteboul, chercheur à l’INRIA).
Très complètes et pédagogiques, les ressources en ligne de cette exposition sont tout à fait adaptées à une bonne compréhension par les élèves de ce qu’est une donnée, de la manière dont les algorithmes les traitent et les organisent, et du développement de l’IA dans toutes les sphères de la société.
 www.cite-sciences.fr/fr/au-programme/expos-temporaires/terra-data/lexposition/
Le pdf du dossier enseignant, très bien construit, est téléchargeable gratuitement.
 www.cite-sciences.fr/fileadmin/fileadmin_CSI/fichiers/vous-etes/enseignant/Documents-pedagogiques/_documents/Expositions-temporaires/Terra-data/TerraData-enseignants.pdf

Palais de la Découverte : espace Informatique et sciences du numérique. Trois manipulations en lien avec le fonctionnement des algorithmes sont proposées dans cet espace : Le labyrinthe (algorithme pour sortir du labyrinthe) ; L’apprenti illustrateur (sur le machine learning) ; Fluid (sur la reconnaissance d’image).
 www.palais-decouverte.fr/fr/au-programme/expositions-permanentes/informatique-et-sciences-du-numerique/visite-libre/

Textes de lois et rapports officiels

Rapport de la CNIL sur les enjeux éthiques de l’intelligence artificielle et des algorithmes. Le compte rendu des débats menés à l’automne 2017 dévoile des priorités (appliquer un principe de loyauté des algorithmes où l’intérêt de l’usager doit primer et un principe de vigilance sur tous les maillons de la chaîne algorithmique) et des objectifs à mettre en œuvre. 
 www.cnil.fr/fr/comment-permettre-lhomme-de-garder-la-main-rapport-sur-les-enjeux-ethiques-des-algorithmes-et-de
Règlement général sur la protection des données du conseil Européen du 27/04/2016.
 www.cnil.fr/textes-officiels-europeens-protection-donnees
Rapport de Cédric Villani sur l’IA. À l’heure où nous écrivons ces lignes, ce rapport n’a pas encore été remis. Il devrait s’accompagner d’une série de mesures législatives sur le sujet de la régulation des algorithmes.

Dans les programmes

Cycle 4

Histoire et géographie. « S’informer dans le monde du numérique ».

Technologie. Comprendre le fonctionnement d’un réseau informatique. Écrire, mettre au point et exécuter un programme.

Mathématiques. Algorithmique et programmation.

Éducation aux médias et à l’information. Utiliser les médias et les informations de manière autonome. Exploiter l’information de manière raisonnée. Utiliser les médias de manière responsable. Produire, communiquer, partager des informations.

Lycées général et technologique

 Seconde – première – Terminale, Mathématiques. Statistiques et probabilités : statistique descriptive, analyse des données. Échantillonnage. Algorithmique : instructions élémentaires. Boucle et itérateur, instruction conditionnelle.

Classes de Seconde

Enseignement moral et civique. La personne et l’État de droit.

Enseignement d’exploration. Informatique et création numérique. Création et innovation technologiques.

Classes de Première

Enseignement moral et civique. Les enjeux moraux et civiques de la société de l’information.

Histoire et géographie. Mobilités, flux et réseaux de communication dans la mondialisation.

Sciences économiques et sociales 1re ES. Sociologie générale et sociologie politique : groupes et réseaux sociaux. Contrôle social et déviance.

Première et Terminale S. Sciences de l’ingénieur : Analyse d’un système. Communiquer.

Classes de Terminale

Enseignement moral et civique. Biologie, éthique, société et environnement.

Histoire et géographie. Les dynamiques de la mondialisation.

Droit et grands enjeux du monde contemporain (TL). Internet et le droit.

Physique-chimie. Transmettre et stocker de l’information.

ISN Terminale S. Représentation de l’information, algorithmique, langages et programmation, architectures matérielles.

Lycée professionnel

Lettres 2de professionnelle. « Construction de l’information » ;

Lettres 1re professionnelle. « L’homme face aux avancées scientifiques et techniques : Enthousiasmes et interrogations. »

Pistes pédagogiques

Logo Safer Internet Day

• À l’occasion du Safer Internet Day le 6 février de chaque année, on peut faire réaliser aux élèves, que ce soient des collégiens dans le cadre par exemple d’un EPI liant histoire-géo, mathématiques et technologie, ou encore des lycéens en EMC, des panneaux de prévention autour de la protection de la vie privée : qu’est-ce qu’une donnée ? Quels sont les enjeux des big data ? Comment protéger ses traces de navigation web ? Comment fonctionnent les algorithmes numériques ? Ces panneaux pourraient faire l’objet d’une exposition et d’une sélection de ressources sur le sujet au CDI, accompagnés d’interventions de l’association Internet sans crainte par exemple  www.internetsanscrainte.fr
ou de Génération Numérique http://asso-generationnumerique.fr/.

• L’utilisation de ressources comme Do Not Track ou de serious games comme 2025 exmachina peut faire l’objet de séances pédagogiques assorties d’une production comme l’écriture de l’histoire ou la description du profil d’une personne à partir des données récoltées pendant une navigation web sur le mode enquête.

Do not track

• En liant cours de Lettres et documentation, on peut également imaginer un projet autour des représentations de l’intelligence artificielle dans la science-fiction, à travers l’étude de textes littéraires et de films, et de faire inventer aux élèves leurs modèles d’IA (que pourrait-elle faire ? sous quelle forme ? avec quels risques ?) par le biais de l’écriture d’une nouvelle de science-fiction.

• Enfin, pendant la semaine de la presse, on peut envisager de faire réaliser, à des élèves de 3e ou à des lycéens, une enquête de datajournalisme en interrogeant les bases de données ouvertes comme data.gouv.fr ou Opendata.net : on leur demande de récolter des données sur un sujet précis et d’en proposer une représentation graphique pertinente.

Art contemporain et algorithmes

Qu’on les désigne sous le nom d’arts algorithmiques, d’arts génératifs, d’art fractal ou encore à travers le groupe d’artistes des Algoristes, il s’agit, dans le domaine de la musique, de la chorégraphie, de la littérature, du cinéma ou des arts plastiques, de créer un algorithme original qui va ensuite produire une œuvre d’art.

Lauren McCarthy
Cette artiste américaine questionne l’omniprésence des algorithmes et de l’IA dans notre vie quotidienne, notamment dans le cadre de la domotique. À mi-chemin entre la performance artistique et la pièce de théâtre, elle propose une installation dans son studio d’artiste qui singe ce qui peut se passer lorsqu’on s’en remet à la domotique (réglage du chauffage, de la lumière, choix de la musique, programmation des appareils ménagers etc.), à un détail près : ce n’est pas un programme informatique qui accomplit tout cela mais bien elle, Lauren, une personne humaine. On s’aperçoit là de l’effet intrusif que cela peut prendre. Cette même artiste a également créé une fausse application intitulée Crowdpilot  www.crowdpilot.me, qui propose d’aider l’usager dans n’importe quelle situation gênante (rendez-vous galant, embarras ou timidité…) en donnant des conseils et en suggérant des choses à dire. Il s’agit encore une fois de mettre en lumière l’aspect ambivalent des relations sociales établies par le truchement des applications pour smartphone.  https://get-lauren.com

Charles Sandison
Cet artiste crée des installations monumentales et immersives générées par ordinateur où, sous forme de vidéos numériques, des mots ou des points se déplacent sur les murs ou sur le corps du visiteur et aboutissent à la réalisation d’autres figures. C’est à lui que l’on doit la « rivière de mots » qui s’écoule dans la montée du musée du Quai Branly, mais il propose également jusqu’au 1er septembre 2018, au Centre d’art des Pénitents noirs d’Aubagne, une installation intitulée « The Nature of Love » dans le cadre de Marseille-Provence 2018, où les points projetés partout autour du spectateur sont autant de symboles de la rencontre amoureuse.  www.sandison.fi

Manifesto, projection vidéo aléatoire de Charles Sandison sur la façade du Grand Palais à Paris lors de l’exposition « Dans la nuit des images ». © CC Wikimedia, 2008.

Deep Dream
Ce programme d’IA de Google permet, grâce à la reconnaissance d’image du deep learning, de faire apparaître dans une image (photo, tableau, dessin…) d’autres formes. Cela donne un résultat assez psychédélique, proche d’une paréidolie (illusion visuelle) ou d’une représentation fantasmagorique.
 https://deepdreamgenerator.com
Sur le site de la Cité des sciences, on trouve une liste d’artistes utilisant algorithmes et informatique pour réaliser des œuvres d’art (en lien avec l’exposition « Art robotique » qui s’est déroulée en 2014-2015)  www.cite-sciences.fr/fr/ressources/expositions-passees/art-robotique/lexposition

Vincent Van Gogh interprété par le Deep Dream

Musique

L’IRCAM (Institut de Recherche et de Coordination Acoustique et Musique) a créé une pièce de théâtre musical mettant en scène deux comédiens et une « machinerie musicale », basée sur un algorithme prédictif qui lui permet, à partir d’une base de données sonores, de créer de nouveaux sons, de façon aléatoire. Ce spectacle, intitulé La fabrique des monstres ou Démesure pour mesure et qui revisite le personnage de Frankenstein, sera joué dans plusieurs villes de France entre mars et juin 2018.  www.ircam.fr/agenda/la-fabrique-des-monstres-ou-demesure-pour-mesure/detail

Le compositeur Pierre Barbaud est l’un des principaux compositeurs de musique dite algorithmique, c’est-à-dire basée sur la conception d’un programme informatique qui va produire des sons, soit selon le hasard en combinant notes et chiffres, soit selon un guidage algorithmique opéré par le compositeur. Plus d’informations sur le site de l’association Pierre Barbaud (biographie, liste exhaustive de ses œuvres, bibliographie)
 www.associationpierrebarbaud.fr/index.html
À consulter également le site très complet sur la musique algorithmique (histoire, outils, techniques, modèles mathématiques, entretiens)  http://musiquealgorithmique.fr/quest-ce-que-la-musique-algorithmique

Amper, « I AM AI ». Taryn Southern, chanteuse américaine, a sorti un album (I AM AI) dont la musique est entièrement composée par une intelligence artificielle dénommée Amper. Voici le lien vers la vidéo du clip « Break Free »  www.youtube.com/watch?time_continue=11&v=XUs6CznN8pw

Kyle McDonald, « The infinite Drum Machine ». Cette expérimentation mêlant code et sons permet de visualiser et d’agencer sous forme de carte interactive des milliers de sons de la vie quotidienne ou issus d’instruments de musique. Impressionnant !  https://experiments.withgoogle.com/ai/drum-machine

Deep Shimon. Ce robot qui fonctionne à l’aide du deep learning est capable de jouer de la musique et de composer ses propres morceaux.  www.sciencesetavenir.fr/high-tech/shimon-le-premier-robot-capable-d-ecrire-et-jouer-de-la-musique_113857

Plus globalement, le projet Magenta affilié à Google Brain, entend créer une IA capable de créer et de jouer de la musique, puis de réaliser des vidéos et de se déployer dans le domaine des arts visuels.  https://magenta.tensorflow.org

À noter : la plupart de ces projets alliant IA et Art proposent les codes des algorithmes en open source directement sur les sites en question.

Danse

Performance dansée : Robot, l’amour éternel de Kaori Ito. Dans une boîte rectangulaire qui lui sert de scène, la danseuse livre une sorte de journal intime ou d’emploi du temps mécanisé qui passe par un dialogue chorégraphié avec Siri, l’assistant vocal de son smartphone. En tournée en France en 2018. Plus d’informations sur  www.kaoriito.com/projet/robot-lamour-eternel

Cinéma

Benjamin, IA créée par Ross Goodwin, a déjà écrit deux scénarios de courts-métrages :
Sunspring en 2016 et It’s not game en 2017.
 www.artificiel.net/its-no-game-court-metrage-ia-2804

La combinaison d’un algorithme de deep learning et d’un montage vidéo peut donner des manipulations visuelles de type deepfake : certains internautes ont utilisé le code en open source TensorFlow créé par Google (voir ci-dessus le projet Magenta) pour incruster dans des extraits de films célèbres le visage de Nicolas Cage en lieu et place de celui des acteurs. Plus inquiétant, le phénomène existe dans des vidéos pornographiques et peut nuire gravement aux personnes touchées. Attention donc à ce nouveau type de fake news vidéos qui utilisent l’IA à fort mauvais escient.  www.archimag.com/vie-numerique/2018/02/20/deepfakes-fakenews-video-intelligence-artificielle-menace-e-reputation

Ressources numériques

Educnum, les ressources pédagogiques de la CNIL. Ce site truffé d’outils interactifs (vidéos, infographies, boîte à outils et conseils méthodologiques simples) propose des ressources accessibles aux élèves sur la protection de la vie privée et des données sur les réseaux sociaux, les smartphones, le web en général, et donne de nombreuses astuces pour mieux se protéger et veiller à son e-reputation.
 www.educnum.fr

InfoHunter. Parcours pédagogique sur le circuit de l’information et l’esprit critique (sur inscription gratuite pendant la semaine de la presse).  www.infohunter.education

Serious Game 2025 exmachina.net. Ce jeu créé par l’association Internet sans crainte a pour but de sensibiliser les jeunes sur les risques liés aux réseaux sociaux, la protection des données personnelles ou encore le cyber harcèlement.  www.2025exmachina.net

Data journalisme. Page Scoop.it du Clemi avec le mot-clé datajournalisme, sélection de sites web sur ce sujet.  www.scoop.it/t/infodoc-presse-veille-sur-l-actualite-des-medias/?tag=datajournalisme

Blog du Monde sur les données : « J’ai du bon data : ingrédients et recettes du journalisme de données par les Décodeurs ». Des articles explicatifs sur les méthodes d’enquête de datajournalisme des équipes du Monde.
 http://data.blog.lemonde.fr

Blog « Les clés de demain, regards croisés sur l’ère cognitive », qui associe à la fois Le Monde, L’Obs, Challenge et Le Huffington Post, pour publier de courts articles sur l’actualité du numérique à travers ses enjeux de société, économiques, scientifiques et techniques.  http://lesclesdedemain.lemonde.fr/

Retrouvez le compte rendu et les actes du séminaire qui s’est déroulé au collège des Bernardins sur le thème « Journalisme et bien commun à l’heure des algorithmes » à l’adresse.  www.collegedesbernardins.fr/recherche/journalisme-et-bien-commun-lheure-des-algorithmes
Un ensemble de ressources web rassemblées sur ce même thème est également disponible sur le scoop-it.  www.scoop.it/t/journalisme-et-algorithmes

Le blog Méta-Média.fr, dirigé par Éric Scherer (directeur de la prospective et du MédiaLab de France Télévisions) est un blog collectif alimenté par les journalistes de France Télévisions, qui propose des articles et diverses ressources sur le data-journalisme, l’intelligence artificielle, les évolutions technologiques en lien avec les médias (algorithmes, Bot, journalisme automatique…). À signaler la parution trimestrielle de leur cahier de tendances intitulé Méta Média qui regorge d’articles intéressants sur médias et algorithmes, à l’instar du no 14 daté de l’hiver 2017-2018 : « Les GAFA, seuls maîtres de notre avenir ? ».

Salon de l’Intelligence Artificielle, Paris, Cité de la mode et du design, 11-12 juin 2018 : conférences, exposants, rdv d’affaires. Plus d’informations sur  www.aiparis.fr

Challenge Data. En lien avec le CNRS, cette plateforme permet de recueillir les idées de projets en science des données, à partir de problèmes concrets posés par diverses entreprises, en matière d’algorithmes et de traitement des data.  https://challengedata.ens.fr/fr/accueil

Le Projet Mesinfos. Créé par la Fondation
Internet Nouvelle Génération (Fing), il vise à promouvoir le self data, c’est-à-dire la production, l’exploitation et le partage de données personnelles par les individus eux-mêmes.
 http://mesinfos.fing.org/

Open data. La plateforme des données publiques de toutes les institutions françaises permet de consulter en libre accès toutes les données gouvernementales que ce soit dans le domaine de la santé, de l’agriculture, de la culture, de l’éducation, de l’économie ou encore des transports.  www.data.gouv.fr

Podcasts et vidéos

Do not track. Webdocumentaire en 7 épisodes (en partenariat avec Arte). Des ressources vidéos et infographiques très complètes et pédagogiques sur la question à la fois des données (vie privée sur les réseaux sociaux et le smartphone, traçage en ligne, cookies, big data), des algorithmes prédictifs, des enjeux sociaux, économiques et politiques autour de l’utilisation des données personnelles. Chaque épisode renvoie à une liste d’articles sur ce sujet issus des médias en ligne comme Rue 89, INA Global, Le Monde ou encore Libération. L’épisode 5 intitulé Big data, un monde d’algorithmes part de nos réponses et du traçage de nos actions pendant la vidéo pour déterminer notre profil. Impressionnant et complètement angoissant !
 https://donottrack-doc.com/fr/episodes/

Vidéos des débats sur l’IA dans le cadre du forum organisé par France Inter et Libération le 24/01/2018 sur le thème « Comment l’intelligence artificielle va changer nos vies »  www.franceinter.fr/culture/forum-liberation-france-inter-voyage-au-coeur-de-l-intelligence-artificielle-mercredi-24-janvier-18

Data Gueule. Chaîne Youtube qui propose de courtes infographies rythmées et simples :
épisode 15 sur les données  www.youtube.com/watch?time_continue=54&v=5otaBKsz7k4
et épisode 40 Privés de vie privée ?
 www.youtube.com/watch?v=wShQYeH9qJk

La tête au carré, France Inter, émission du 30/01/2018 sur « Les sciences des données »
 www.franceinter.fr/emissions/la-tete-au-carre/la-tete-au-carre-30-janvier-2018
et émission du 24/01/2018 sur « les enjeux éthiques de l’intelligence artificielle »
 www.franceinter.fr/ emissions/la-tete-au-carre/la-tete-au-carre-24-janvier-2018

Cours inaugural au Collège de France de Stéphane Mallat, sur la science des données, à l’occasion de l’ouverture d’une chaire consacrée à cette discipline
 www.college-de-france.fr/site/stephane-mallat/inaugural-lecture-2018-01-11-18h00.htm

Le Webmagazine d’Arte BiTS consacre 4 courtes vidéos au transhumanisme et à la réflexion sur l’intelligence artificielle sous le titre Transhuman  
  www.arte.tv/fr/videos/059492-001-A/bits-trans-human

 

 

Veille numérique spéciale 2018

Livre audio en forte croissance

Le livre audio connaît une très forte croissance depuis 2 ans : face au mastodonte Amazon qui se taille la part du lion, les géants du net déploient les grands moyens pour ne pas prendre de retard.

Audible d’Amazon

Avec 41% de parts de marché du livre audio, Amazon conforte sa place de numéro 1 du secteur. Un choix de plus de 200000 titres, des livres disponibles à l’unité ou par abonnement, des contenus inédits, des ouvrages enrichis par rapport à la version papier sont les plus d’Audible.

Google play

Depuis janvier 2018, Google essaie de rattraper son retard en créant une page Livres audio avec écoute illimitée, sans abonnement et hors connexion. Un extrait gratuit est disponible pour chaque ouvrage. De nombreux ouvrages sont proposés en langue française. L’assistant des smartphones Android, iOS ou l’enceinte Google home vous feront désormais la lecture.

Storytel

Cette plateforme de livres numériques sur abonnement s’impose peu à peu grâce à son service de livres audio qui est passé de 65 millions d’heures d’écoute en 2016 à 100 millions en 2017. Présente dans la plupart des pays européens, la société suédoise devrait s’implanter prochainement en France.

 

IA et robotique

La robotique de A à Z

Le dossier réalisé par Agnès Guillot et Jean-Arcady Meyer sur le site Futura-sciences retrace l’histoire de la robotique : des automates jusqu’à l’approche animat. 10 chapitres le composent : La robotique de A à Z, Histoire de la robotique : des automates aux premiers robots, Petite histoire de l’intelligence artificielle, L’approche animat, Animat : le déplacement des robots, Le « cerveau » des robots : réseau neuronal et évolutionnisme, Microrobotique et robotique « molle », Robotique hybride : les biobots, Robots : autonomie énergétique et polyvalence, Robotique : les enjeux de demain.

IA et préjugés

Ayant constaté que les logiciels de reconnaissance faciale avaient plus de mal à l’identifier que ses collègues, la chercheuse noire américaine, Joy Buolamwini du Massachusetts Institute of Technology (MIT) a testé différents programmes d’identification du visage. Les résultats sont édifiants : les logiciels se trompent pour 1% des hommes à la peau claire mais échouent à reconnaître 34% des femmes à la peau foncée. La raison de cette déficience est simple et ahurissante : les bases de données qui entraînent les IA sont principalement alimentées avec des profils d’hommes blancs ! Or, l’IA, tout comme les humains, apprend avec l’environnement que lui fournissent les chercheurs…majoritairement blancs. Très inquiétant pour la neutralité, le tri de CV ou encore l’accès aux études supérieures. La transparence sur le fonctionnement de ces IA doit être exigée par et pour tous les utilisateurs.

Robot en kit

Pour apprendre de façon autonome les bases de la robotique, vous pouvez acquérir Robby, un robot modulable livré en kit et programmable via une interface graphique et des tutoriels. Sa structure évolutive autorise l’ajout de périphériques au moyen d’une clé allen : webcam, capteur infrarouge, bras articulé. Disponible dès août 2018 sur bit.do/d8LB7

 

Le numérique en chiffre

Les réseaux sociaux en 2017

59% de la population française (12 ans et +) a visité des réseaux sociaux (source : CREDOC)
3,196 milliards de personnes utilisent les réseaux sociaux (agence We Are Social)
16% des français s’informent principalement via les réseaux sociaux (sondage Odoxa)
66% des français ayant un compte ne publient plus ou ont supprimé des messages pour protéger leur vie privée (source : CREDOC)

La musique en streaming en 2017

42,5 milliards de titres de musique écoutés par les français en 2017 (Source : Snep)
42% des français écoutent de la musique en streaming (Source : Snep et institut GfK)
4,4 millions de français disposent d’un abonnement à une plateforme de streaming audio en 2017 (Source : Snep)
243 millions de revenus générés par le streaming musical en 2017 (Source : Snep)

Prévisions numériques pour 2018

8,4 milliards d’objets connectés (source : Gartner )
110 milliards dépensés en applications mobiles (source : App Annie )
20 millions de ventes de casques de réalité virtuelle (source : CCS Insight )

 

Les salons du numérique

Mobile World Congress 2018

A retenir pêle mêle parmi les nouveautés du salon international de la téléphonie mobile à Barcelone : arrivée imminente de la 5G, reconnaissance faciale, écran qui prend toute la surface du mobile avec une encoche pour les différents capteurs (son, image). En résumé, peu de réelles innovations pour cette édition du MWC 2018.

Consumer Electronics Show 2018

L’édition du CES 2018 de Las Vegas dédié aux produits de l’univers numérique a offert son lot de surprises en innovation. Les objets connectés les plus impressionnants sont : l’épicerie mobile autonome et réfrigérée de Robomart, le drone taxi autonome, l’aspirateur de moustique programmable, le télescope contrôlé par une appli mobile, la bague multifonction de la startup Corse ICARE Technologies, le parasol connecté qui intègre de la musique, analyse le vent, se meut en fonction du soleil et fonctionne évidemment à l’énergie solaire.

 

Engagement

Ouvrons le dictionnaire. Le Robert des noms communs, édition 2009, ne présente pas moins de dix acceptions du mot « engagement » ! Laissons de côté l’action de mettre en gage… etc., et concentrons-nous quelques instants sur celles qui concernent votre, notre revue : « Action de se lier par une promesse ou une convention ». Et peut-être encore plus la dernière acception proposée par le dictionnaire : « action ou attitude de l’intellectuel, de l’artiste qui prenant conscience de son appartenance à la société et au monde de son temps (…), met sa pensée au service d’une cause. »
En effet, depuis sa fondation par Roger Cuchin, InterCDI s’est fait la promesse, et a passé contrat moral avec ses lecteurs, de défendre la profession en se mettant à l’écoute et au service des professeurs documentalistes, de se faire leur porte-voix. Et nous entendons bien, si les circonstances le permettent, persévérer dans cette voie.
Marqué par l’engagement et son nécessaire préalable – la pratique d’un esprit critique –, ce numéro l’est, assurément. L’article de Catherine Migné (p. 4) propose ainsi l’analyse critique d’une façon de « décrire » notre société, d’une manière d’«informer », qui dans un passé pas si lointain, a débouché sur des situations historiques de funeste mémoire. Le Thèmalire (p. 25) est lui consacré à l’engagement dans la marche de la société, y compris dans la littérature pour la jeunesse, si importante dans nos CDI, et qui nous offre les portraits de jeunes héros en prise avec des événements contemporains, ou des épisodes du passé ; donner à lire aux élèves, d’une façon vivante, la lutte pour les droits civiques aux USA, la révolution russe ou les événements de 68, c’est aussi les aider à comprendre les enjeux de l’Histoire. Les événements de Mai 68, justement, dont nous fêtons le cinquantième anniversaire cette année, c’est le thème de l’Ouverture culturelle de ce numéro. Une porte ouverte sur des expositions, des sites à exploiter, de multiples ressources concernant un épisode qui a sans conteste façonné en profondeur notre Histoire moderne.
Esprit critique aussi, nous l’avons dit, avec une approche très pratique : un ouvrage directement destiné aux professeurs documentalistes, et en quelque sorte prêt à l’emploi (p. 15) ; une fiche InterCDI pour aider à rédiger une critique de roman (en direction des élèves, bien sûr !), en page 17.
D’autres rubriques, d’autres articles, dont le dernier entretien réalisé par notre collègue Odile Bonneel, page 36, sobrement intitulé « Libre comme l’art », prouvent l’attachement des professeurs documentalistes à leur profession, et à la communication de leurs travaux et recherches dans l’intérêt de tous. Cette volonté de participer à une œuvre collective a aussi, à notre sens, valeur d’engagement.

Jean-Michel Delambre

Entretien par Odile Bonneel. 

Jean-Michel Delambre est né en 1949 à Liévin, dans le bassin minier, mais a préféré travailler à la mine… de crayon. Écrivain et poète, il écrit pour la jeunesse des albums aux histoires amusantes ou des recueils de poèmes qu’il illustre lui-même d’aquarelles. Son plaisir est de jouer avec les mots, comme dans L’Horrible Recette de Sarah Tatouille la sorcière (éditions Henry), où il manie les « mots-valises ». Mais Jean-Michel Delambre a plus d’une plume à son arc : ancien professeur de français, il est aussi journaliste-dessinateur au Canard enchaîné qui l’a pris sous son aile il y a plus de trente ans. Il y fait des dessins truffés d’humour et des caricatures d’hommes politiques gratinées ! Il était l’ami de Cabu, Wolinski, Tignous, et a fait sienne la devise du Canard : « La liberté de la presse ne s’use que quand on ne s’en sert pas ». Jean-Michel Delambre a également une autre spécialité au Canard : il écrit les « bandeaux » et « manchettes », ces gros titres à calembours et mots-valises. Il collabore aussi à d’autres journaux comme Marianne, Psikopat, Le Parisien, le JDC (Journal De la Corse), Le Courrier Picard… Il écrit des nouvelles pour adulte (son dernier recueil, FIN, Nouvelles d’avant l’Apocalypse est paru en 2016 chez L’Harmattan), ainsi que des bandes dessinées sur la Corse : Da Vinci Corse, Le Diable au Corse. Artiste complet, il réalise des peintures et des sculptures engagées dans son atelier-galerie et, après avoir reçu le Prix du Club de la Presse Nord-Pas-de-Calais, il a reçu en mai 2017 le Prix de l’Humour du Salon de la sculpture d’Étaples pour sa sculpture Aquagym.
Rencontre avec un artiste faisant feu de tout bois, l’esprit toujours en éveil nourri de mots, d’arts, de musiques et de films, qui aime nous faire partager ses œuvres toujours empreintes d’humour !

Le  dessinateur qui écrit 

Quel type d’écolier étais-tu ?
Disons que j’étais un écolier timide qui apprivoisât très tôt la solitude et le rêve (l’absence du père et le mystère de sa disparition ?) pour pouvoir créer, lire, dessiner… Je m’ennuyais souvent à l’école, sauf en français et en dessin et j’ai le souvenir très vivace de deux ou trois maîtres merveilleux de l’école publique qui m’ont beaucoup apporté. La maison familiale était immense avec de longs couloirs (comme dans le film Shining) avec des livres et un jardin avec basse-cour. Nous étions quatre frères et sœur. Notre grand-père était à la fois artisan-cordonnier-boxeur-menuisier-jardinier-conteur-éleveur et bricoleur de génie… Tout est venu de l’enfance.

As-tu toujours voulu faire ce métier d’écrivain-dessinateur ?
Ma mère m’avait abonné à Spirou, puis à Tintin et enfin à Pilote. J’étais fasciné par la BD (Tillieux, Cuvelier, Jijé, Franquin, Hergé, Druillet, Bilal) et le dessin d’humour (Bosc, Chaval, Sempé, Cabu, Mordillo…). À l’âge où on rêve de devenir coureur cycliste, pompier ou chercheur d’or, je savais que je voulais raconter des histoires, dessiner, peindre, écrire… J’aimais d’abord lire, ce qui implique la solitude.

Pourquoi écrire et dessiner pour les enfants ? Quel est ton rapport à l’enfance en tant qu’artiste ?
Avant de vivre du dessin de presse et d’intégrer l’équipe du Canard Enchaîné, j’ai été maître-nageur pour payer mes études et professeur au collège. Enseigner c’était partager, se sentir utile. Puis j’ai quitté l’enseignement pour devenir « journaliste-dessinateur » tout en continuant à animer des ateliers de dessin et d’écriture avec les élèves ; histoire de garder le plaisir de transmettre devant des yeux émerveillés. Dessiner, imaginer, raconter des histoires… c’est une façon de ne pas quitter le monde de l’enfance.

Y a-t-il une écriture pour enfant et une autre pour adulte ?
Il y a juste une différence de forme, mais les contes s’adressent aussi bien aux petits qu’aux grands. Les belles histoires sont universelles et peuvent se relire à chaque âge. Le haïku rencontre un grand succès auprès des enfants grâce à sa forme très épurée et permet une initiation à la poésie.

Fais-tu une différence entre écriture et dessin, ou sont-ils fortement connectés ?
Certaines idées de dessins naissent d’un mot, d’une expression ou d’un jeu de mots. Parfois le dessin naît avant l’idée : juste le plaisir de la couleur et de la matière. J’aime beaucoup l’aquarelle, parce que le jeu avec l’eau réserve beaucoup de surprises. Je peux avoir envie d’exprimer la même idée par un dessin humoristique, une « illustration »
ou une sculpture…

Quels sont les poètes, les écrivains, les dessinateurs qui t’ont marqué ?
Les auteurs qui ont nourri mon imaginaire et m’ont aidé à grandir et à vivre sont Verlaine, Rimbaud, Jean Tardieu, René Char, Prévert, Aragon, Yves Bonnefoy… Hugo, Sade, Mérimée, Maupassant, Camus, Céline, je peux passer du recueil de poésie au polar ! Parmi les contemporains, j’aime bien le cynisme et l’humour de Régis Jauffret, Frédéric Beigbeder et le style de Sorj Chalandon.
À la maison, je lisais tout ce qui pouvait traîner : France-Soir, Le Hérisson, France-Dimanche… puis Le Canard Enchaîné. J’ai eu très tôt une grande admiration pour Tomi Ungerer qui peut passer de l’illustration pour enfant au dessin érotique ou au dessin de presse. Daumier, Doré, Benjamin Rabier, Fred, Topor, Tardi, Cabu, Cardon, Wozniak… il y en aurait tant à citer parmi ceux qui ont un vrai univers !

Y a-t-il des choses, animaux, personnes ou sujets, que tu préfères dessiner ?
J’aime beaucoup dessiner les animaux, car on peut faire passer pas mal de choses sur les humains. Quant au monde politique, c’est souvent une jungle ! J’aime dessiner Sarkozy, c’est un bon client, sans cesse en mouvement avec des mimiques à la De Funès ; Hollande tout en rondeur et qui n’est pas avare de « p’tites blagues », Macron est encore un peu tendre et lisse… les personnages les plus difficiles à « cerner » sont ceux qui ont peu d’expression. Les femmes sont plus difficiles à caricaturer, et on tombe facilement dans le sexisme.

Pourquoi aimes-tu la technique de l’aquarelle ?
L’aquarelle ou les encres de couleurs (rehaussées parfois de pastel) sont faciles à utiliser, car je travaille « à l’ancienne » avec papier d’Arches, grain torchon, des vrais pinceaux et de la vraie couleur, plutôt que sur Photoshop, pourtant bien pratique pour les retouches.

Comment les idées te viennent-elles ?
Y a-t-il une gymnastique de l’esprit pour trouver tous ces jeux de mots ?
On trouve sans chercher ; une conversation, une chanson, un film… tout est prétexte à jeux de mots et ça devient presque automatique. La nuit parfois, on se réveille avec une idée et il vaut mieux la noter pour ne pas l’oublier, quitte à se rendre compte au petit matin qu’elle n’est vraiment pas géniale.

Écrire, dessiner pour les enfants et croquer l’actualité politique : une complémentarité ?
C’est complémentaire et j’ai besoin, comme d’autres auteurs, de faire les deux. Le travail pour les enfants demande plus de « légèreté » et de poésie… Une même idée peut être exploitée à travers le regard d’un adulte ou celui d’un enfant, ou peut être comprise par les deux.

Le  journaliste qui dessine

Comment en es-tu arrivé à travailler au Canard enchaîné ? Cela a-t-il été difficile de percer ? Un choix de vie ?
J’ai commencé à dessiner pour diverses publications confidentielles ou fanzines et à l’École Libératrice, le journal du syndicat des enseignants, à l’époque où j’étais jeune remplaçant. Je demandais à mon « principal » de me libérer le lundi pour pouvoir porter mes dessins à la rédaction du Canard Enchaîné que je dévorais chaque semaine, et un jour j’y ai découvert mon dessin qui s’intitulait « Madame Bovary ratant son suicide » !

Comment organises-tu tes journées ?
Comme un musicien, il faut « faire ses gammes » chaque jour, pour espérer s’améliorer et s’inventer un univers. Je commence à potasser l’actu le dimanche mais en réalité, dans ce métier, on est accro chaque jour aux infos. Je consulte les journaux et évidemment j’écoute les infos midi et soir quand ce n’est pas en continu avec certaines chaînes. J’aime aussi regarder avec gourmandise les dessins des confrères et amis avec parfois un regret : « Mince, il a eu l’idée que j’aurais aimé avoir ! » Surtout aussi pour éviter de « piquer » l’idée qui circule déjà un peu partout.

Comment te tiens-tu au courant de l’actualité ? Choisis-tu librement tes sujets ou réponds-tu à une commande ?
Au Canard, on est vraiment libre du choix des sujets, pourvu que le dessin soit drôle. Mais il y a aussi des dessins de commande, les plus difficiles à réaliser, car on est dans les figures imposées. Cabu était le plus fort dans la discipline.

Qu’est-ce qui fait la force d’un dessin ?
Cavanna disait qu’un bon dessin était « un coup de poing dans la gueule ». Un dessin doit faire réagir, il peut surprendre, provoquer, susciter le rire ou la réflexion, mais ne doit jamais laisser indifférent.

Comment fais-tu pour saisir les traits et caricaturer un homme politique ?
Comme tous les dessinateurs, en observant les expressions, les tics et mimiques, sur les photos ou mieux, à la télé. Après il faut travailler et travailler encore, surtout avec les étoiles filantes de la politique.

Tu dis : « C’est l’actualité qui a du talent », peux-tu développer ?
C’est évident qu’il y a des périodes de vaches maigres pendant lesquelles l’actu ronronne ou nous sert du réchauffé. Notamment pendant les vacances d’été avec les « marronniers ». Difficile de faire un dessin hilarant quand il faut « illustrer », pour la énième fois, le trou de la sécu…

Une rédaction a-t-elle déjà refusé l’un de tes dessins ? Dans ce cas-là, le proposes-tu à un autre journal ?
Il faut rester humble et se dire que si un dessin n’a pas été publié c’est qu’il n’était pas bon. Après il est vrai qu’un dessin peut être refusé par un journal et bien accueilli par un autre ; le choix de publier ou non un dessin reste subjectif et il ne faut pas oublier que cela engage la responsabilité du directeur de la publication.

Faut-il réfléchir à deux fois avant de faire un dessin et se poser ainsi des limites ?
Je réfléchis même à 3 fois, car on peut parfois interpréter un dessin dans le mauvais sens, surtout s’il y a plusieurs « niveaux de lecture ». J’ai fait un dessin où Chirac, après l’affaire des emplois fictifs de la ville de Paris, disait : « Je n’ai jamais été alzheimer de Paris ». Quand on sait que l’ex-maire de Paris est maintenant malade, le dessin peut sembler outrancier… d’ailleurs, il n’a pas été publié.

La liberté d’expression, toujours à conquérir ?
Plus que jamais !

Est-ce que l’on a déjà porté plainte contre l’un de tes dessins ?
Oui, quand j’ai publié le « Jeu des 7 familles corses ». Une association vénérable, « Ava basta », sous la pression des nationalistes, y a vu du « racisme anti-corse », car tous les membres des 7 familles étaient encagoulés. Le tribunal (corse) a tranché en faveur de l’éditeur et de l’humour.

Après l’attentat de Charlie Hebdo, as-tu été découragé ou as-tu eu encore plus envie de dénoncer ?
Oui, j’ai pleuré de tristesse et de rage et, après une période de découragement, je me suis dit qu’il fallait redoubler de légèreté contre l’obscurantisme et la barbarie. De tout temps les créateurs, les auteurs et les artistes ont été menacés par les pouvoirs totalitaires, mais aujourd’hui chaque citoyen, quel que soit son métier, peut se sentir menacé…

Quel est ton message, par rapport à l’écriture, aux arts et à la culture pour la jeune génération ?
J’imagine en dessin, un futur où des archéologues trouveraient lors de fouilles, un fossile mystérieux, bizarroïde… renfermant d’étranges signes. Quelqu’un reconnaîtrait les restes d’un « livre » à moitié calciné, objet silencieux, inusité, disparu depuis longtemps…
Surtout pas de message, mais souvenons-nous, avec Stéphane Hessel, que « Créer c’est résister, résister c’est créer ! » Créer, c’est vivre tout simplement.