Hommage à José Francés

C’est à la suite de mon premier article paru en 2005 que j’ai été convié à participer à un comité de rédaction par Chantal Nicolas, la rédactrice en chef de l’époque. Impressionné d’être invité par cette revue que je lisais depuis vingt ans et qui était, à mes débuts, le seul lien entre documentalistes, j’étais arrivé très en avance et dans mes petits souliers (ce qui est à la fois un zeugma et une litote car je chausse du 47). José, sans doute en raison de l’horaire matinal de son train, était déjà là. Il m’a aussitôt accueilli avec une grande chaleur, enveloppante, qui chassa le trac de me retrouver devant une vingtaine de personnes que je ne connaissais pas. Il me donna immédiatement l’impression que je faisais partie de « la famille », que j’étais adopté. Au fil des réunions, au fil des ans, j’appris à le connaître, à l’aimer.
José était un homme bienveillant. Toujours prêt à monter au créneau pour défendre notre profession, toujours prêt à soutenir un collègue, José était toujours confraternel.
José, grand lecteur de journaux, avait trouvé sa juste place à la tête de notre revue. Sans lui, elle ne serait pas ce qu’elle est.
José avait une autorité apaisante. Lors des échanges parfois vifs entre les membres du Comité de rédaction, il intervenait et tranchait, c’était son rôle, mais en prenant à chaque fois en considération les opinions des uns et des autres pour que personne ne se sente oublié ou blessé.
José était d’une grande rigueur intellectuelle et morale. Pas d’étroitesse, pas de bassesse d’esprit chez cet homme-là.
José était respectueux des autres. Il avait ainsi un respect quasi filial pour Roger Cuchin, le fondateur de notre revue.
José n’a jamais cessé de nous accompagner, et lorsque, parfois, le vent mauvais nous traversait, il était toujours là pour nous conseiller ou annoncer des jours meilleurs.
José donnait l’impression d’être un homme solide, un pied ancré dans sa terre ardéchoise, l’autre en Espagne, du côté de Valence. Même s’il n’a pas gagné son dernier combat, il s’est toujours battu vaillamment.
José était rieur. Je revois son grand sourire, ses yeux qui pétillaient et ses épaules qui se secouaient lorsque je sortais une mauvaise blague (je n’en connais que des mauvaises !).
Comme qui aime bien, châtie bien, je l’avais gentiment chambré dans le début de mon billet « Pour en finir une bonne fois pour tout avec la culture », qui, je sais, l’avait amusé :
« Lorsque le mercredi 14 octobre 2009, au cours du Comité de Rédaction de votre revue préférée José Francés, notre vénéré directeur de la publication, pointa son doigt sur moi en m’interpellant : « Pour le numéro spécial Culture, Jean-Marc, tu nous feras bien un truc rigolo ? », je me suis retrouvé comme le taureau dans l’arène qui, tête baissée alors qu’il admire tranquillement l’élégance des espadrilles du toréador, sent brutalement l’acier glacé de l’épée pénétrer son cou et briser une à une ses vertèbres cervicales.
La métaphore taurine m’est tout de suite venue à l’esprit car je soupçonne José d’avoir des origines hispaniques. D’autant plus qu’il vient aux réunions d’InterCDI habillé de lumière et que quand on lui demande s’il veut un café, il répond toujours : « Olé ! »
Je ne pouvais me défiler devant une commande aussi pressante de celui dont la photo orne chacun des éditos de la revue et qui, tel le Grand Timonier, guide nos pas dans la purée de pois d’un métier injustement méconnu… »

Salut et Fraternité Grand Timonier
Hasta la vista, compa ñero !

Jean-Marc David
Secrétaire général du CEDIS

——————————————————–

Immense peine.
J’ai eu la chance de connaître José, professeur documentaliste infatigable, exerçant en collège dans le Nord, et militant pour la profession et l’éducation à l’information et aux médias pour tou.te.s.
Je me souviens de ce jour de l’année 2003 où il est venu s’attabler dans le salon de mon domicile parental, à Lens, pour travailler avec moi sur un article qu’on me demandait d’écrire à propos de mon travail de recherche effectué dans le cadre de mon mémoire de Maîtrise en Info-Comm. À propos des « travaux croisés », et de leur perception par les élèves. Un échange d’une grande richesse pour l’aspirante professeure documentaliste que j’étais alors.
Je me souviens de ce numéro de la Revue Intercdi, envoyé par José à mon domicile, et reçu juste avant de prendre le TGV pour aller passer les oraux du CAPES Documentation à Marseille. Sur la première page de cette revue, José avait rédigé un petit mot, plein d’encouragements et de confiance à mon égard. J’ai emporté ce numéro avec moi, et l’ai lu dans le train, le mot de José posé bien en évidence, comme un mantra.
Depuis l’obtention du concours, les années ont passé, mais je n’ai jamais oublié José, sa modestie, sa franche sympathie, sa bienveillance, et sa vision du métier et du monde, sa force de conviction. Je n’ai jamais oublié ce que ce regard profondément confiant avait provoqué en moi, en tant que (future) professionnelle mais aussi tout simplement en tant qu’être humain.
De façon régulière, et toujours discrète, José m’adressait, depuis cette première et forte rencontre, des petits signes, des mots, toujours empreints de cette gentillesse. Aujourd’hui, je garde précieusement au fond de moi chaque mot, chaque regard, chaque expression de ce visage si chaleureux. Et regrette de n’avoir pas dit tout cela à José de son vivant. Même si, je le sais déjà, il aurait balayé ce remerciement d’un revers de la main, baissant les yeux modestement, et disant « Je n’y suis pour pas grand-chose, je fais de mon mieux ».
Mais ce mieux était tant, José.

Anne Cordier
Ex-professeure documentaliste (62)
Maîtresse de Conférences en SIC, Espé de Rouen

Veille numérique 2019 N°1

Éducation

Etincel

Développée dans le cadre du projet « École, numérique et industrie », cette plateforme met à disposition des professeurs des objets industriels accompagnés de scénarios pédagogiques. Le contenu est accessible via un moteur de recherche ou par champ disciplinaire. Un compte CANOPE est obligatoire pour utiliser la plateforme qui est en version bêta jusqu’au 1er trimestre 2019.

Le Maitron libre sur le web

Le dictionnaire biographique du mouvement ouvrier et social est en accès libre depuis décembre 2018.
La nouvelle version du site internet incite les internautes à rebondir de fiche en fiche biographique (plus de 187 000), lesquelles détaillent les vies d’ouvriers, d’enseignants, de résistants, de syndicalistes… Iconographies et représentations cartographiques complètent le site.

Lecture numérique

Ambient literature

Ce projet collaboratif de narration numérique interactive, dotée d’un environnement propre, a débuté à l’automne 2018, après deux ans de développement en partenariat avec les universités Bath Spa, Birmingham et West of England. Afin de rendre la lecture plus immersive, le récit prend en compte les données mobiles (géolocalisation, météo, heure, date…) au moment de la lecture et induit donc plusieurs scénarios. Avec ce nouveau genre littéraire, les concepteurs espèrent toucher le jeune public plus attiré par la technologie que par l’évasion. En anglais uniquement.

TVA réduite pour le livre numérique

Depuis le 4 décembre 2018, les États membres de l’Union Européenne peuvent appliquer la TVA réduite
ou aucune TVA sur les publications numériques (livre, périodique), ce qui était déjà le cas pour les éditions papier.

Paralleltext, lecture bilingue

Cet outil libre et gratuit en ligne reprend un principe, déjà utilisé dans les ouvrages bilingues papier, qui consiste à mettre en regard deux textes en langues différentes. Une vingtaine d’ouvrages classiques libres de droit sont proposés à la double lecture. Point fort de cette application : la version audio.

Internet

Le ballon web Loon

Le projet du web stratosphérique de Google X se concrétise : un premier accord commercial a été signé avec le Kenya pour relier à Internet les régions isolées à l’aide du ballon Loon. Les ballons seront opérationnels courant 2019, ils évolueront à haute altitude en se dirigeant uniquement avec les vents planétaires. Suite à des expérimentations en Nouvelle-Zélande, au Brésil, au Pérou ou encore en Australie, la filiale d’Alphabet prévoit de créer un ensemble connecté sur la même latitude.

Fin des téléphones fixes traditionnels

Depuis le 15 novembre 2018, il n’est plus possible de s’abonner à une ligne de téléphonie fixe sur le réseau historique RTC (réseau téléphonique commuté). Actuellement, seulement 25 % des lignes de téléphone ne passent pas par Internet. D’ici 2023, l’opérateur prévoit un abaissement de ce chiffre à 15 %. À partir de cette date, Orange débranchera progressivement le réseau téléphonique commuté et fournira aux abonnés un boîtier qui numérisera les conversations.

Droit et données personnelles

RGPD et hausse des plaintes

Depuis la mise en œuvre du RGPD, la CNIL enregistre une augmentation constante des plaintes portant majoritairement sur des demandes de suppression des données personnelles. La plainte de l’association La Quadrature du Net contre les GAFAM constitue le dossier le plus important de la CNIL. Le texte européen semble s’imposer au niveau international.

Face au harcèlement en ligne des enfants

Le partenariat entre l’ONG e-Enfance et les réseaux sociaux se resserre, que ce soit pour la réactivité face au harcèlement, pour le financement de l’association, la visibilité sur les plateformes ou encore la collaboration pour créer de nouveaux outils. Facebook a lancé, en novembre, un fonds d’un million d’euros pour des projets qui visent à promouvoir les comportements responsables sur le web.

Base de données et moteur de recherche

Qwant au Parlement

Le moteur de recherche européen a été installé fin 2018 sur tous les équipements informatiques de l’Assemblée nationale. Le ministère des armées et le conseil régional d’Ile-de-France devraient suivre la même voie. Objectif du gouvernement : montrer l’exemple en utilisant un moteur de recherche qui respecte la vie privée puisqu’il ne conserve pas d’historique de navigation, ni de cookies et n’affiche pas non plus de publicités. Pour rappel, Qwant est, en partie, financé par l’Europe (BEI), sa part de marché en France s’élève à 0,6 %.

Le Grand Mémorial

Créé dans le cadre du centenaire de la guerre 14-18, ce site propose de retracer le parcours d’un poilu grâce à la mise en ligne de plus de 8,1 millions de fiches matricules de soldats de la Grande Guerre et de 1,3 million de fiches des Morts pour la France. Deux modes de recherche sont disponibles : simple en entrant le nom du poilu ou bien avancée avec les filtres suivants : lieu, date, profession, diplôme, type de document et base de données. Les internautes peuvent participer à l’annotation collaborative des registres matricules proposée par certains services d’archives départementales.

Grand Mémorial

 

Audio et vidéo numériques

Les premiers sons de Mars

Le robot InSight de la Nasa a divulgué les premiers sons de la planète rouge. Ils proviennent des vibrations de l’air sur le capteur de pression et de l’enregistrement par le sismomètre des vibrations à l’atterrissage dues au vent. Contrairement à sa structure, l’environnement sonore de mars reste encore totalement méconnu.

Lasso de Facebook

Mark Zuckerberg lance une nouvelle application pour mettre en ligne des selfies vidéos de quelques secondes. Il espère ainsi se maintenir dans la course auprès des jeunes, lesquels raffolent de l’application chinoise TikTok grâce à laquelle ils peuvent danser et/ou chanter en play-back pendant 15 secondes sur un morceau de musique. Lasso est destiné à être élargie à tous les divertissements avec option de publication vidéo dans les stories de votre compte Faceboook.

Application Lasso de Facebook

Shows de Snapchat

Depuis le 17 novembre 2018, en France, cette application intègre des émissions au format court – quelques minutes – en partenariat avec les grands groupes de médias : BFMTV (la Pépite, le look à copier), France Télévision (Slash), M6… Ces contenus, du divertissement pour l’essentiel, sont ajoutés dans la section Discover afin de capter les jeunes téléspectateurs qui désertent la télévision traditionnelle. Contrairement aux USA où la section vidéo a été lancée depuis plus de 2 ans, Shows France ne produit pas de contenus originaux pour le moment.

Sécurité informatique

Solid, Coffre-fort du web

L’inventeur du World Wide Web, Timothy John Berners-Lee, a créé un système de gestion de données personnelles d’un nouveau genre. Il s’agit d’un coffre-fort numérique qui contient les identifiants, mots de passe, contacts, rendez-vous, préférences musicales, etc.… d’une personne. Lorsque cela est nécessaire, Solid fournit ces informations à des services web sans que les données sortent du coffre de manière à ce qu’elles ne puissent pas être utilisées à d’autres fins. Pour être compatibles, les différents sites internet doivent accepter ce type d’accès. Pas sûr que les GAFAM jouent le jeu !

Images piégées sur Facebook

En décembre 2018, de nombreux internautes ont signalé des images piégées (souvent le début d’une BD) se répliquant sur leur profil facebook et se diffusant, à leur insu, à tous leurs contacts. Selon le réseau social, le problème a été résolu et aucune donnée n’a été collectée.

Fin de GOOGLE+

Google a confirmé les révélations du Wall Street Journal concernant une faille de sécurité et la fin programmée de son réseau social Google+ courant 2019. Cet outil n’ayant jamais vraiment suscité l’intérêt des internautes, Google a saisi ce prétexte pour clore ce réseau et ne souhaite pas revenir sur cette décision, malgré les protestations des utilisateurs, lesquels ont, pour la plupart, commencé à migrer sur d’autres réseaux.

Technologie et objets connectés

Thérapie numérique pour enfants traumatisés

Les traitements chimiques sont interdits pour soigner ou soulager les enfants victimes de stress post-traumatique. Suite aux attentats de ces dernières années en France, une équipe de chercheurs de l’Institut Claude Pompidou de Nice a élaboré une thérapie numérique, expérimentée par une vingtaine d’enfants. Mesure par électroencéphalogramme des effets de films 3D avec odeurs, serious game créé en collaboration avec Genious Healthcare.

Les GAFAM et l’habitat

Chaque jour, les géants du net sont un peu plus présents dans nos logements. Apple (Homekit, Siri), Google (Google home) et Amazon (Alexa) misent de plus en plus sur le marché de la maison connectée. De son côté, Facebook développe le Marketplace (plateforme de vente entre particuliers) pour les membres de son réseau avec possibilité de proposer des locations immobilières. Seul Microsoft n’a pas encore investi la domotique.

Sac à dos connecté Lumzag

Terminé les effets personnels perdus grâce à ce sac à dos connecté. Pour cela, il suffit de placer une puce RFID sur toutes vos affaires. Ainsi, lorsque vous vous en éloignez ou si quelqu’un tente d’ouvrir votre sac, une alerte vous prévient via une application sur votre téléphone. De plus, vous pouvez suivre votre sac à dos grâce au GPS, en vérifier le contenu la nuit grâce à des leds, l’utiliser comme borne WI-FI sans oublier qu’il permet de recharger sa tablette ou son smartphone.

Vesta, le robot d’Amazon

Le département des innovations chez Amazon (Lab126) continue d’investir dans les foyers en élaborant un compagnon capable de suivre et de répondre aux demandes d’une personne en communiquant avec des objets connectés. Ce droïde domestique est en période de test et sera probablement en vente d’ici fin 2019. D’autres sociétés, telles LG, Sony ou Asus développent des prototypes similaires.

No future…

AR Hololens dans l’armée US

L’armée américaine a conclu un contrat de 480 millions de dollars avec Microsoft pour l’achat de 100 000 casques de réalité augmentée. Ces prototypes AR Hololens seront destinés à l’entraînement et au combat, bien réels.

Robot chinois au JT

En Chine, l’agence de presse Xinhua a dévoilé le présentateur du journal télévisé du futur, basé sur l’intelligence artificielle. Ce journaliste à l’apparence humaine a été conçu à l’aide du moteur de recherche Sogou. Certains spécialistes se demandent si la technologie utilisée ne serait pas liée aux deepfakes (remplacer un visage par un autre en gardant les expressions tout en changeant le discours). Selon l’agence de presse, le principal avantage de ce prototype serait sa capacité à présenter le JT 24h/24.

L’histoire noire

Le mois de février est, aux États-Unis principalement, l’occasion de célébrer le Black History Month, le Mois de l’Histoire Noire, celle faite et vécue par les personnes noires. L’objectif de cette manifestation est de mettre en valeur nombre d’événements, de périodes et de représentations culturelles, notamment au sein du système éducatif, alors que ceux-ci sont presque systématiquement mis à l’index au profit de l’histoire globale, celles des blancs.
La littérature, comme témoin d’une époque donnée, est un outil privilégié pour mettre les jeunes lecteurs en contact avec ces histoires, qui sont parfois les leurs et celles dont ils héritent, consciemment ou non. La constitution d’un corpus permet alors de tenter de former un tout, ou du moins de combler certains manques cruciaux dans notre chronologie commune.

Grandes figures de l’Histoire Noire

La collection Histoire et Société chez Oskar Jeunesse est le principal pourvoyeur de récits historiques liés aux communautés noires. Pour n’en citer que quelques-uns, on trouvera dans son catalogue des titres documentaires romancés comme Harriet Tubman, la femme noire qui montra le chemin de la liberté, de Erik Simard, qui relate le parcours de cette ancienne esclave dont le combat contre l’abolition de l’esclavage a permis de mener vers la liberté nombre de ses compatriotes. Ensuite, c’est le portait de Rosa Parks, la femme noire qui refusa de se soumettre que ce même auteur dresse, au cœur de l’Amérique ségrégationniste. Le geste de cette Afro-Américaine, qui refusa de céder sa place dans le bus à un homme blanc, est au cœur de l’ouvrage, lequel s’attache à montrer comment cela marqua un élan important dans la lutte contre la ségrégation. Dans la même veine, Erik Simard ne pouvait bien évidemment pas oublier d’écrire sur Martin Luther King, dans un ouvrage intitulé Je suis un homme qui s’intéresse à son parcours à travers l’évolution d’un jeune membre du Ku Klux Klan, dont la pensée se transforme lorsqu’il découvre le discours de non-violence véhiculé par le célèbre pasteur. Yves Pinguilly quant à lui, dans son ouvrage Aimé Césaire, le nègre indélébile, porte un regard sur les colonies françaises, en l’occurrence la Martinique, en suivant le parcours et la pensée politique de l’anticolonialiste et poète. Enfin, nous pouvons évoquer le livre de Philippe Barbeau sur l’icône sud-africaine Nelson Mandela, humble serviteur de son peuple, qui revient tant sur son cheminement militant que sur son emprisonnement et sa carrière politique.
Par ailleurs, d’autres éditeurs et auteurs s’intéressent à certains événements ayant marqué l’Histoire Noire, notamment aux États-Unis. Un épisode semble avoir particulièrement marqué les esprits tout en s’intégrant aux impératifs de la littérature pour adolescents, de par l’âge des personnes concernées et l’environnement scolaire. Il s’agit de l’application, dans les années 1950, de la décision de la Cour Suprême de rendre inconstitutionnelle la ségrégation dans les écoles publiques, forçant ainsi les établissements à accepter des élèves noirs. Sweet sixteen, d’Annelise Heurtier, met ainsi en scène la jeune Molly Costello (inspirée de la véritable Melba Patillo), qui fût l’une des neuf premiers étudiants noirs à intégrer un lycée jusque-là réservé aux élèves blancs, à Little Rock, dans l’Arkansas, État du sud des États-Unis où la tradition ségrégationniste était particulièrement bien ancrée. Robin Talley à son tour situe son roman Des mensonges dans nos têtes à Davisburg en Virginie, et met en scène les personnages fictifs de Sarah Dunbar et neuf autres adolescents noirs lors de leur intégration dans un établissement scolaire réservé aux blancs. Ces deux romans utilisent le même processus pour montrer le rejet et le traitement infernal qu’ont subi ces étudiants. Les deux héroïnes noires, Molly et Sarah, voix principales de leurs récits respectifs, partagent dans les deux cas la narration avec une autre étudiante, blanche cette fois-ci. Grace dans Sweet Sixteen et Linda dans Des mensonges dans nos têtes sont au départ les pires ennemies de ce projet d’intégration des élèves noirs, mais leur rôle marque finalement l’évolution indispensable de la pensée blanche, de la ségrégation vers l’acceptation.
En bande dessinée, nous retiendrons l’œuvre en trois volumes Wake up America qui retrace, à travers le regard de l’ancien député démocrate John Lewis, compagnon de Martin Luther King, l’évolution de la société américaine et la conquête des droits civiques entre 1940 et 1965.

Grandes figures de la culture noire

L’évocation d’une Histoire noire ne saurait être complète sans l’évocation d’une culture noire. Pourtant, la littérature s’attarde peu sur les artistes de manière générale et, en l’occurrence, c’est la musique américaine qui attire principalement les auteurs. Du côté des romans, Louis Atangana propose deux œuvres dans la collection doAdo aux éditions du Rouergue. Billie H., d’abord, décrit l’enfance de la jeune Eleanora qui grandit seule avec sa mère dans les années 1920 et deviendra la grande Billie Holiday. Dans la même veine, Jimi-X retrace la vie du célèbre guitariste Jimi Hendrix, des premières années passées dans la misère et la violence jusqu’au succès éphémère avant sa mort prématurée à seulement 27 ans.
Enfin, deux bandes dessinées sur deux autres figures de la musique noire sont à évoquer. Coltrane, A Love Supreme de Paolo Parisi, d’abord, retrace de manière presque aléatoire et rythmée la carrière et les rencontres du saxophoniste John Coltrane. Et pour finir, le Josephine Baker, de Catel et Bocquet, parcourt la vie de celle qui est aujourd’hui connue comme la première star mondiale noire. Enfance, début de danseuse, militantisme, de Saint-Louis à Paris en passant par Cuba, les auteurs font ici le portait passionnant d’une artiste aux mille et une vies.

Vies anonymes à travers l’Histoire

Outre les récits s’intéressant à des personnages historiques, la littérature permet de figurer des événements à travers des personnages imaginaires ou des personnes inconnues. La situation américaine est particulièrement explorée et les auteurs s’intéressent ainsi à l’esclavage, la ségrégation et le combat pour les droits civiques.
Marche à l’étoile, d’Hélène Montarde, narre l’échappée d’un jeune esclave, Billy, qui relate son parcours dans un carnet retrouvé plus tard par un étudiant américain, Jasper. Par ce biais, Jasper découvrira de manière concrète les conditions de vie de ses ancêtres. Les Larmes noires de Julius Lester, d’abord édité en littérature générale et désormais disponible au Livre de Poche Jeunesse, fait figure d’œuvre clé du récit sur l’esclavage. Il mêle réalité historique, en mettant en scène la plus grande vente d’esclaves jamais réalisée aux États-Unis, et l’imaginaire, en s’attardant sur le destin d’un personnage fictionnel, Emma, jeune esclave de 12 ans vendue à cette occasion. Autre roman majeur, Black boy de Richard Wright s’attaque à la question de la ségrégation dans les États du Sud où elle s’est appliquée le plus durement. Récit autobiographique, ce texte relate l’enfance et l’adolescence de l’auteur dans les années 1920 : la pauvreté, la violence des blancs, le Ku Klux Klan, le racisme ordinaire…
Tristan Koëgel, avec Bluebird, s’attaque aussi à cette thématique. Situant son récit un peu plus tard, dans les années 1940, l’auteur prend le prétexte de l’histoire de Minnie et de son père, musiciens itinérants, pour parcourir les États du Sud et proposer un regard sur la situation. Alors que l’esclavage est pourtant aboli, le traitement des noirs par les blancs demeure indigne dans cette contrée et dans les plantations de coton. Les deux personnages seront témoins de l’humiliation que subissent les travailleurs noirs et eux-mêmes, victimes du Ku Klux Klan, mais feront aussi de grandes rencontres. Enfin, Le Rêve de Sam de Florence Cadier explore également la thématique de la ségrégation et, au-delà, celle de la lutte pour les droits civiques, à travers son jeune personnage dont les parents sont assassinés pour avoir voulu voter et dont le parcours se fera en parallèle du combat mené par Martin Luther King.
Quelques auteurs se sont penchés sur l’histoire française, liée à la colonisation en Afrique et dans les territoires d’Outre-Mer. Sophie Chérer, par exemple, s’intéresse à une histoire singulière de l’île Bourbon (l’île de la Réunion actuelle). La Vraie Couleur de la vanille relate le destin d’Edmond Albus, qui y vécut au xixe siècle et dont les incroyables connaissances en botanique lui permirent de découvrir le secret de la pollinisation de la fleur de vanille. Par la suite, cette avancée assurant un important développement économique à l’île, le jeune Edmond, cet oublié de l’Histoire, fut bien évidemment spolié de sa découverte par les notables blancs qui ne pouvaient accepter que ce progrès fût le fait d’un esclave.
Autre thème traité dans quelques romans : l’utilisation des populations colonisées comme soldats pendant les conflits au cours desquels la France fût impliquée. Nous pouvons évoquer deux romans mettant en scène des combattants venus d’Afrique de l’ouest : Force noire de Guillaume Prévost et Le Chant noir des baleines de Nicolas Michel. Dans le premier, la rencontre, 70 ans plus tard, d’une jeune fille, Alma, et d’un vieux monsieur, Bakary Sakoro, permet la transmission de l’Histoire grâce au récit témoignage de ce dernier. Bakary vient du Mali et s’engage à 17 ans pour retrouver son frère en France. Comme souvent dans ce type d’œuvre, l’histoire personnelle du protagoniste est l’occasion de raconter la grande Histoire. Le lecteur voit ainsi défiler, à travers le regard du personnage, les horreurs de la Première Guerre mondiale. Le Chant noir des baleines fonctionne un peu de la même manière. Cette fois-ci, le jeune Léon découvre Tierno, un tirailleur sénégalais échoué sur la plage suite au naufrage du bateau qui le ramenait chez lui. Ce nouveau prétexte permet d’aborder sous un angle un peu différent le sort des populations colonisées et envoyées combattre pour un pays et contre un ennemi qui n’étaient pas les leurs.

Problématiques contemporaines

Bien entendu, certains récits dont la trame est contemporaine mettent également en scène des personnages noirs, et permettent alors d’aborder des problématiques actuelles. Le racisme, en premier lieu. Entre chiens et loups, la série de Malorie Blackman, opte pour un positionnement particulier pour aborder la question des rapports conditionnés par la couleur de peau. En effet, l’auteure choisit de créer un monde inversé où les personnes noires, les Primas, seraient la catégorie dominante tandis que les personnes blanches, les Nihils, seraient la catégorie dominée. Ce procédé permet de mettre à jour les différences qui existent en termes de pouvoir, de richesse, d’accès à l’éducation, à l’emploi… Les intolérances et les inégalités décrites, dans la trame du roman et à travers l’histoire romantique qui se crée entre les deux protagonistes Callum et Séphy, sont l’occasion d’une démonstration du racisme structurel qui existe dans nos sociétés.
D’autres romans s’ancrent plus dans la réalité pour nous parler du racisme concret que subissent les personnes noires. Black Saphir, de Marc Séassau, montre les insultes et le rejet que le père d’un ami fait subir à l’héroïne éponyme venue de Mayotte. De même, Erwan, jeune personnage métis du roman Uppercut d’Ahmed Kalouaz, se retrouve, dans un centre équestre où il doit faire un stage, au contact d’un patron caractérisé par un racisme ordinaire très ancré et d’autres personnages emplis de préjugés. Par ailleurs, Jodi Picoult s’attache, elle aussi, à décrire, dans Mille petits riens, ce racisme ordinaire qui perturbe significativement le quotidien des personnes racisées. En l’occurrence, cette réflexion est mise en perspective avec l’histoire de Ruth, seule sage-femme noire de son hôpital, et qui se retrouve accusée du meurtre d’un nouveau-né issu d’une famille de suprémacistes blancs. Cette trame est l’occasion de mettre à jour nombre de comportements courants vécus tout au long de sa vie par la protagoniste et qui, sous couvert de bienveillance ou de manière clairement malveillante, ne sont rien d’autre que des comportements discriminatoires à l’égard des personnes noires.
Enfin, la question des violences policières, particulièrement contre les personnes noires comme cela est fréquemment le cas aux États-Unis mais aussi en France, est traitée par Angie Thomas dans The hate U give Cette thématique est incarnée par le personnage de Khalil, tué par un policier blanc de trois balles dans le dos, sous les yeux de sa meilleure amie Starr. Ce roman prend naissance dans le mouvement Black Lives Matter, dénonçant les violences policières dont sont victimes les noirs, et, basé sur des faits réels, revêt un caractère presque documentaire.
Autre axe intéressant abordé par quelques auteurs : les problématiques liées aux conséquences de la colonisation et qui traduisent l’importance des origines dans la construction identitaire. Sur ce sujet, trois romans peuvent être cités. D’abord, Sarcelles Dakar d’Insa Sané, dans lequel Djiraël entreprend avec sa famille un voyage au Sénégal d’où sont originaires ses parents et au cours duquel il va en quelque sorte se réconcilier avec ses origines. De son côté, Les Déchaînés de Flo Jallier permet, grâce à quatre narratrices de la même lignée mais vivant à des époques différentes, de percevoir les conséquences de l’histoire de ses ancêtres. Ainsi, le lecteur peut notamment découvrir les cheminements d’Amelia, esclave en Martinique, puis de ses descendantes jusqu’à Marie-Jo, adolescente de nos jours qui va s’acharner à démêler son récit familial. Cette question de l’identité est également au centre du texte de Louis Atangana, Une étoile dans le cœur, dans lequel un jeune métis s’interroge sur son identité et sur ce que signifie être noir.
Pour finir, ce corpus peut être complété par une dernière réflexion. Représenter la vie contemporaine des personnes noires, ce n’est pas seulement évoquer les questions de racisme ou les combats civiques, c’est également représenter des modes de vie, des codes… Cette position reste taboue chez nous, où toute idée de communautarisme est généralement perçue comme négative, et ne sera pas exposée en littérature jeunesse. Néanmoins, aux États-Unis, une auteure comme Janet McDonald s’attache à présenter un tableau de la vie quotidienne des noirs américains. Même si leur parution n’est pas récente, la lecture de romans comme Brooklyn babies ou Des tifs et du taf demeure importante dans le but de s’imprégner des conditions de vie quotidienne d’une communauté régie par une organisation systémique de nos sociétés.

 

Ce corpus, principalement composé d’ouvrages destinés à un lectorat adolescent, tente de mettre en avant des séquences historiques marquantes pour les populations noires et d’interroger également les conséquences sur les descendants et descendantes. Toutefois, il semble important que les jeunes lecteurs ne s’en contentent pas et complètent leur connaissance de ces enjeux socio-historiques par la découverte d’auteurs majeurs, comme James Baldwin, Toni Morisson ou Maya Angelou.

 

 

Infodoclog

Aux origines du projet

Initialement utilisateur de CDIStat comme beaucoup d’entre nous pour gérer la fréquentation, notamment pour obtenir des statistiques utiles dans chaque bilan annuel, plusieurs éléments m’ont amené à développer un autre logiciel, dès 2015.

D’abord j’ai observé que CDIStat n’était plus développé, que le logiciel n’avait plus vocation à être distribué. À l’occasion d’un échange avec Bernard Cohen-Adad, son concepteur, qui a fait un travail colossal n’étant pas lui-même professeur documentaliste, j’ai glané quelques conseils et encouragements à l’aube du projet. Son programme était développé en Basic, avec un logiciel professionnel qui n’est pas accessible aisément, techniquement comme financièrement. De mon côté, j’ai commencé à travailler en C++, langage de programmation qui permet de créer des logiciels de bureautique à installer dans un système d’exploitation comme Windows et Ubuntu. Finalement, devant la difficulté pour moi de maîtriser ce langage, je me suis tourné vers les langages Web que je connaissais déjà, HTML5 et CSS3 pour l’affichage, MySQL et PHP5 pour la programmation.
C’est d’ailleurs la maîtrise de ces langages qui m’a motivé à développer ce nouveau logiciel dans un environnement web, qui permette ainsi un accès par Internet, de n’importe quel poste connecté ou dans un réseau d’établissement. Par ailleurs les langages utilisés permettent une grande souplesse pour travailler l’ergonomie, le graphisme, mais aussi pour faire évoluer efficacement les fonctionnalités selon l’expérience de chacun et selon les besoins exprimés. Enfin, même si ce peut également être le cas pour d’autres langages, ceux utilisés ici favorisent le principe de la distribution gratuite et libre en ce qu’ils peuvent être plus accessibles que d’autres, tout du moins plus faciles à expérimenter, sans nécessité de logiciels complexes. Dès le départ, la démarche d’un outil libre et disponible gratuitement était évidente, même s’il s’avère trois ans après que je travaille seul encore la programmation et répond alors aux demandes par des ajouts et modifications. Toutefois quelques utilisateurs me donnent parfois déjà les raisons techniques et solutions aux problèmes rencontrés, ce qui est très appréciable.
Une autre raison, essentielle, était de mieux entendre les divers besoins de la profession, sans outil intéressant sur des services d’emploi du temps ou d’évaluation. Il s’agissait donc de développer une possibilité de gérer des emplois du temps avec séances et suivi de ces séances selon les classes, comme d’évaluer les élèves en partant des séquences développées localement.

Les fonctionnalités du logiciel

InfodocLog permet ainsi de retrouver globalement les fonctionnalités de CDIStat, sur la question de la fréquentation du CDI notamment, dans un environnement différent, avec une autre ergonomie, mais répondre aux besoins d’appel, de communication de listes d’appel, de statistiques variées, complètes, avec des options avancées en matière de réservation, ou de fonctionnement par codes-barres ou numéros par exemple. Un journal permet de retrouver les fréquentations de l’année en cours, de les modifier éventuellement en cas d’erreur, avec par ailleurs la possibilité d’intégrer les retards dans le logiciel pour le signaler aux élèves présents. Le fonctionnement en ligne, avec la possibilité d’enregistrer plusieurs utilisateurs avec des droits d’accès différents, permet de donner des droits de visualisation des appels, notamment pour le service de vie scolaire, ou encore pour que les élèves puissent s’inscrire eux-mêmes.
Au-delà d’un respect des réglementations relatives à l’utilisation des données personnelles, les informations nominatives sur les fréquentations ne sont conservées que sur l’année en cours, avec ensuite le maintien de données pour obtenir des statistiques anonymes afin d’observer les évolutions sur plusieurs années, jusqu’à cinq ans.
Le logiciel permet aussi, pour son organisation personnelle et la communication dans l’établissement, de construire des emplois du temps pour le CDI et son personnel.
Ce module permet de suivre soi-même l’organisation pédagogique pour l’information-documentation et l’éducation aux médias et à l’information, avec le suivi des séquences selon chaque classe. Il permet aussi de diffuser l’emploi du temps, en ligne ou encore par PDF imprimable. En lien avec le module de fréquentation, ces emplois du temps permettent de suivre le parcours des élèves selon les séances pédagogiques prévues ou selon que le CDI est ouvert en heure d’étude, de permanence, ou encore dans le cadre de clubs, d’ateliers, de groupes, etc.
On peut aussi utiliser InfodocLog pour enregistrer, préparer et/ou formaliser des séquences pédagogiques, avec un module de création et de modification de séquences. Il est ainsi possible de mettre en relation un niveau, un nom de séquence et des compétences à développer, par exemple, ou bien préciser divers éléments de la séquence pour avoir une trace complète. Il est alors possible de mutualiser les séquences formalisées sur le site officiel d’InfodocLog.
Enfin, un dernier module, en relation directe avec la formalisation des séquences, consiste en l’évaluation des élèves, sous forme d’acquisition de savoirs ou compétences.

Ce module, qui peut pallier l’absence de telles facilités par ailleurs, permet une évaluation par division ou classe, par élève, ou encore par division et par séquence, selon les fiches formalisées. Il est possible d’évaluer selon des grilles existantes, ainsi les savoirs proposés dans le curriculum de l’APDEN [Disponible sur www.apden.org/Vers-un-curriculum-en-information-346.html], les compétences du référentiel EMI, mais il est aussi possible d’intégrer une grille personnalisée d’évaluation. On peut suivre les évaluations équivalentes des deux grilles existantes d’une année sur l’autre, et observer la progression de chaque élève sur trois ans, après quoi les données nominatives sont supprimées.
Cet ensemble de quatre modules s’appuie sur une base d’élèves modifiable, et sur un ensemble important de paramétrages qui permettent de répondre au mieux aux besoins locaux, selon le type d’établissement, la volonté d’inscrire les élèves individuellement ou par groupe, par l’action du professeur documentaliste, d’autres personnels, par les élèves eux-mêmes, etc.

 

 

 

Installation et découverte du logiciel

InfodocLog nécessite, pour fonctionner, un hébergement web et une base de données. Il peut être installé sur un serveur local ou sur un serveur distant. InfodocLog est compatible PHP 5.6 et 7, ce qui permet de l’installer sur la plupart des serveurs, éventuellement sur un serveur d’établissement quand l’administrateur est d’accord. La meilleure solution reste toutefois logiquement l’hébergement distant, sur un serveur académique quand cela existe, sur un serveur pris en charge dans l’établissement parfois, ou encore par un service externalisé d’hébergement mutualisé.
Un ensemble de tutoriels, sur le site officiel du logiciel, doit faciliter la prise en main d’InfodocLog jusqu’à en comprendre tous les paramétrages et toutes les subtilités, avec près de cinquante sections pour cette découverte. Par ailleurs, il existe une liste de diffusion spécifique, pour l’information sur les mises à jour, l’entraide, ou même proposer des améliorations, des nouveautés, des corrections.
Il existe ainsi des mises à jour régulières, avec une souplesse de programmation qui permet de satisfaire la plupart des demandes, grâce à un travail d’autoformation sur trois ou quatre ans qui m’amène à mieux maîtriser les arcanes de la programmation. De même l’interface a eu droit à un important renouvellement à l’été 2018 pour davantage de clarté et, je l’espère, une meilleure ergonomie.

Début 2019, la communauté continue à grandir, ce qui permet d’affiner l’outil, d’abord pour le module de fréquentation, le plus utilisé, puis pour la gestion des emplois du temps, en attendant une pratique plus importante de l’évaluation des élèves par ce biais.
Au bout de quatre années, le logiciel est clairement avancé et viable, en espérant que la communauté d’utilisateurs continue de se développer pour permettre une évolution continuelle, sans oublier le besoin de programmeurs et de graphistes volontaires pour participer à cette aventure !

 

Un « univers » IDDOCS

Le travail autour d’InfodocLog m’a redonné goût pour la programmation, activité que j’avais laissé de côté pendant six ans parce que je n’avais pas de projets concrets. D’autres idées ont alors pu prendre forme, depuis lors, suivant des difficultés à aborder certains sujets avec les élèves.

Des outils de simulation

Déjà développés et opérationnels, ce sont deux simulations, l’une de moteur de recherche, l’autre de média social en ligne. Initialement l’idée était de permettre aux élèves de comprendre le fonctionnement technique de ces outils numériques, ou leur face cachée, en les manipulant eux-mêmes, en découvrant par eux-mêmes, à leur rythme.
C’est ainsi que Webfinder, pour le moteur de recherche, et Weblink, pour le média social, permettent de visualiser, au fur et à mesure de plusieurs exercices l’interface publique d’un côté, et la base de données normalement non visible de l’autre. Le principe est de comprendre comment les informations affichées varient selon ce qu’on trouve dans la base de données, selon la complexification des algorithmes pour le moteur de recherche, selon l’alimentation de la base pour le réseau social.
Webfinder est accessible sans nécessité de comptes, tandis que Weblink nécessite un compte pour le professeur documentaliste, sur l’installation IDDOCS, mais peut être installé sur un autre serveur, ces deux simulations étant également sous licence libre.

https://iddocs.fr/webfinder/
https://iddocs.fr/weblink/

Des outils d’évaluation des sources

Une perspective pour la suite serait de développer une interface d’évaluation des pages web et des images trouvées sur le web, avec la proposition de formulaires de recherche d’informations pour mesurer la fiabilité d’une page, la crédibilité d’une image. Ce travail doit prendre en considération toute la complexité de ce type d’évaluation, sans proposer de notation ou de grille automatique, mais bien en amenant les élèves à relever un certain nombre d’informations sur le document qu’ils consultent. Le principe graphique est de disposer les formulaires d’un côté, les documents de l’autre, sous forme de fenêtres incrustées, ou iframes, avec un ensemble construit par l’enseignant autour d’un sujet ou d’un thème.
En souhaitant que l’outil prenne forme et soit le sujet d’expérimentations, j’espère que l’idée est en elle-même pertinente, avec la volonté de créer une base de données personnalisables de pages web et d’images à consulter, à évaluer puis à comparer.

Une nouvelle formule pour mon kiosque presse

Nous avons tous dans nos CDI un espace presse que nous essayons de rendre accueillant avec des présentoirs à journaux, des fauteuils confortables, une lumière agréable. Car nous savons l’intérêt, et même la nécessité d’une presse forte et vivante pour faire de nos élèves des acteurs de notre société et des citoyens responsables.
Mais trop souvent, cet espace est délaissé par nos élèves, voire utilisé à toute autre activité que la lecture de la presse : regarder son téléphone, écouter de la musique, bavarder, et même se bécoter ! C’est du vécu… Nous nous posons alors la question de notre choix de publications : n’y en a-t-il pas assez ? Ne sont-elles pas intéressantes ? Et nous nous tournons vers les nouvelles publications pour trouver celles qui vont enfin séduire et fidéliser nos élèves, celles qui auront LA ligne éditoriale qui correspondra à leurs besoins.

300 à 350 publications jeunesse

Et les supports ne manquent pas : il en naît et il en meurt presque tous les jours. On exagère à peine. On compterait aujourd’hui, tenez-vous bien, trois cents à trois cent cinquante périodiques destinés à la jeunesse1 (une originalité française !), dont une cinquantaine de nouveautés chaque année ! Pourquoi un tel nombre ? Parce que ce marché compte environ 9,6 millions de lecteurs2, ce qui est un énorme gâteau. La presse ado, celle qui s’adresse aux enfants à partir de 10-12 ans, en fait partie. Celle-ci doit séduire un public qui est dans la période de l’adolescence, celle des transformations physiques mais aussi intellectuelles ou relationnelles. Une période où, progressivement, les centres d’intérêt des jeunes se modifient, où le rôle des amis prend de l’importance et où la concurrence des écrans est de plus en plus forte : même si les études3 montrent que nos ados lisent toujours beaucoup des périodiques, en moyenne quatre heures par semaine, cette lecture se heurte à la compétition des écrans, notamment du smartphone mais aussi de la télévision qui fait de la résistance ! Sans oublier la radio : 74 % des 13-24 ans l’écoutent au moins une fois par jour4.
Cependant, il nous faut distinguer deux groupes sur notre planète ado : il y a le premier groupe, jusqu’à 13 ans environ, qui a une curiosité insatiable, ce que nous constatons quand nous sommes en collège. Ce groupe a une consommation média importante quel que soit le support et consacre une part très importante de son temps à la lecture de magazines : 4h30 hebdomadaires en moyenne5. C’est la tranche d’âge qui lit le plus et le plus régulièrement parmi les 1-19 ans. En revanche, le groupe des 13-19 ans lit beaucoup moins : seul un gros tiers a une lecture régulière de la presse6, les autres préférant, et de loin, Internet (vidéos en streaming, téléchargement de musique, jeux, etc.) et les réseaux sociaux (86 % d’entre eux sont inscrits sur au moins un réseau social7).

Pour tous les âges, tous les goûts, tous les centres d’intérêt

À cette concurrence des nouveaux médias, les éditeurs de journaux pour la jeunesse – ne se laissant pas abattre – répondent par le foisonnement et la nouveauté. Allez faire un tour dans votre kiosque à journaux, vous verrez qu’il y en a pour tous les âges, tous les goûts, tous les centres d’intérêt : au hasard, on peut citer, les sciences bien sûr, mais aussi les mangas, la cuisine, ou les stars, les comics, les sports…
De quoi être un peu désorienté devant cette multitude qui n’est pas toujours de très bon niveau. Nous, ce qu’on veut, c’est de l’excellence, de l’originalité, de la créativité, pas des journaux faisant la part belle aux licences ou à des people, pas des magazines genrés qui ne s’adressent qu’aux jeunes filles ou qu’aux jeunes garçons, en résumé, pas des supports pensés par des marketeurs opportunistes qui connaissent très bien leur marché, surfent sur la tendance et qui fournissent à tour de bras des titres formatés. Heureusement cette presse existe et on l’a rencontrée, le plus souvent dans une librairie ou sur Internet (pas ou peu de diffusion en kiosque) ou par le bouche-à-oreille car elle n’a pas toujours la force commerciale des grands éditeurs traditionnels comme Bayard Presse, Milan ou Fleurus (dont on parlera aussi).

Un coup de neuf pour notre kiosque

Il y a ainsi ces magazines qui sont apparus ces dernières années tels Albert ou encore Topo ou Groom pour les plus connus… Des magazines qui se veulent différents des titres qui tiennent le haut du pavé de la diffusion (Science et Vie Junior8, Okapi9, Julie10) par les sujets qu’ils traitent et/ou par leurs graphismes originaux. Des revues publiées par des associations ou des maisons d’édition indépendantes, souvent engagées dans la protection de l’environnement et le développement durable, attentifs aux débats d’actualité, et qui font preuve d’audace et de curiosité. De quoi, peut-être, donner un coup de neuf à notre fameux kiosque presse pour qu’il attire enfin nos élèves récalcitrants.
Petit panorama de ces magazines parce qu’ils le valent bien ! Bien sûr, cela ne sera pas exhaustif et cela sera forcément subjectif… Commençons par Cram Cram. Avec un nom pareil, on pourrait craindre le pire, et c’est pourtant là le meilleur qui se dégage ! On a quand même demandé à Patrick Flouriot, l’éditeur, ce que signifiait ce titre. Réponse : « Le cram cram est une graminée du Sahel, qui ressemble à une petite boule de velcro. C’est très attachant. Le cram cram agrippe aux lacets, au bas des pantalons, aux chaussettes. Il suit les pas des voyageurs.  La première idée du magazine nous est venue alors que nous habitions dans le Sahara. » Et effectivement, on confirme, on s’attache à ce titre pas comme les autres : on l’ouvre et on y revient ! Cram Cram est une invitation au voyage. Ce bimestriel convie ses lecteurs à explorer à chaque numéro « un nouveau pays à travers le récit d’une famille globe-trotteuse. Au cours du voyage, ils s’éveilleront à la culture locale, leurs modes de vie et leurs coutumes, et partiront à la rencontre des peuples. En chemin, un reportage, des rubriques pour aller plus loin, l’observation de l’animal emblématique, la fabrication de jouets artisanaux, la dégustation d’un dessert typique et la lecture d’un conte traditionnel illustré. » C’est aussi un magazine collaboratif. Pourquoi collaboratif ? Parce que toute famille globe-trotteuse est incitée à participer à la rédaction du journal en partageant son histoire, et parce qu’il donne la parole à ses lecteurs. On l’aura compris, Cram Cram n’est vraiment pas un magazine comme les autres : collaboratif, sans publicité, ouvert sur le monde et sur les autres. Autre fait marquant, c’est une publication engagée en faveur du développement durable. Ainsi la revue est imprimée à 10 km de son lieu de conception. Pas mal, non ? Le papier utilisé est éco-responsable et 100 % des magazines imprimés sont vendus (alors que la moyenne des journaux diffusés en kiosque a 50 à 60% d’invendus). Et sa diffusion est particulière puisqu’on le trouve dans certains magazines bio, en plus de l’abonnement. Chaque numéro est construit autour d’un reportage dans une région du monde et les rubriques, finement pensées, s’organisent autour : la carto du mois sur une double page, l’Animal du mois, la Grande Histoire (un conte traditionnel de la région en question), le Coin des Curieux qui explique un certain nombre de mots, la Boîte à Idées pour les loisirs créatifs, etc. Voici donc un magazine que l’on a envie de mettre dans les mains de tous nos élèves, en tout cas les plus jeunes, pour stimuler leur curiosité et les encourager à aller à la rencontre des autres, d’autant que sa mise en page est bien structurée et aérée et que les illustrations sont très belles.

Cram Cram magazine

Une presse jeunesse qui parie sur l’originalité et l’intelligence

Dans la même veine d’ouverture sur le monde, il y a Baïka (48 p.), un trimestriel édité par Salmantina qui, depuis novembre 2015, propose à ses jeunes lecteurs (8-12 ans) de découvrir les cultures du monde, mais aussi de les sensibiliser à l’immigration, en mêlant documentaire et fiction.
Nous avons demandé à la rédactrice en chef, Noémie Monier, ce que signifiait Baïka. Elle nous a répondu : « Nous avons choisi le titre Baïka car nous voulions en un mot ouvrir l’imaginaire des enfants sur l’ailleurs. En lisant ce titre, les enfants identifient tous une langue étrangère sans plus de précision, ce qui était tout à fait l’effet escompté. Ils voyagent déjà. En polonais, comme dans plusieurs langues de l’Est, Bajka signifie « conte de fées », « fable ». En japonais, il veut dire « fleur de prunier ». Par ailleurs, le mot rappelle le lac Baïkal. »
Son contenu, donc centré sur « du voyage à chaque page » comme on l’aura compris, alterne les récits mythologiques peu connus, un reportage, une BD, des interviews, des énigmes et des jeux… On aime la rubrique « Les Aventuriers de la mappemonde » qui donne la parole à de jeunes immigrants arrivés en France depuis quelques années et est suivie d’un dossier ludique sur la langue, l’histoire, la faune, l’art de leur pays d’origine. On découvre avec la rubrique 360° un fait historique ou géographique sur plusieurs pages (l’épopée du Canal de Suez, les mystères de l’Île
de Pâques, Aventurières d’hier et d’aujourd’hui, etc.). On notera la part importante accordée aux langues étrangères tout au long du journal (« blagues du monde », écrites dans une langue étrangère et traduites, par exemple), et la volonté d’interactivité avec les lecteurs qui sont conviés à envoyer leurs critiques de lecture.
« Un numéro peut avoir une thématique majeure comme celui sur l’Égypte (Baïka n°10), réalisé avec l’Institut du monde arabe, nous explique Noémie Monnier, mais d’ordinaire il y a deux thématiques principales (deux dossiers pays) par numéro. Notre ligne éditoriale étant l’ouverture à la diversité, nous aimons présenter plusieurs cultures dans un même magazine ». Prochain voyage proposé cet hiver : la mythologie Maya suivie d’un dossier sur le Guatemala (cuisine, géographie, langues), la découverte du Canada grâce à un entretien avec un jeune canadien vivant en France, et un reportage sur les aurores boréales. Baïka nous propose donc un contenu riche d’informations, varié et passionnant, et sans aucune publicité. C’est une très belle revue au dos carré collé, pleine de couleurs, édité sur un beau papier recyclé. Sa mise en page remplie d’illustrations est très agréable. Un support remarquable, intelligent, à mettre en avant dans nos CDI de collège.
Continuons notre exploration de cette presse qui parie sur l’originalité et l’intelligence. Nos jeunes collégiens, même s’ils ne s’en doutent pas, ont la chance de bénéficier de ce renouveau des magazines jeunesse, loin des schémas classiques et terriblement encadrés. C’est ainsi qu’on peut mettre entre leurs mains ce journal au titre marrant : Biscoto.
Biscoto est différent des titres précédents par son format journal (35×27), à l’égal des quotidiens pour les grands, mais c’est un mensuel de 20 pages qui met le dessin et l’humour à l’honneur. Édité par une association et géré par des bénévoles, Biscoto a pour ambition de défendre « une presse culottée, indépendante et audacieuse », ainsi que les valeurs antisexistes et antiracistes. Il est, bien sûr, sans publicité. Chaque mois, des artistes s’emparent des vingt grandes pages pour aborder un thème sous différents angles avec des rubriques de BD (l’Histoire du mois), des recettes de cuisine (Slurp !), des portraits, des informations très sérieuses, des expériences, des blagues et des jeux… Le journal fourmille de dessins originaux car il fait la part belle au graphisme non-formaté, qui penche plus vers la caricature que vers les belles illustrations. À souligner qu’il a reçu lors du Festival international de la Bande dessinée d’Angoulême le fauve de la BD alternative, une très belle récompense. Notons aussi que la revue est composée en caractères Heinemann Special, police créée pour faciliter la lecture des personnes dys.

Du côté des éditeurs traditionnels

Si Biscoto n’est pas encore très connu, en revanche Papillote – la cuisine des petits chefs commence à envahir nos CDI, pour le plus grand plaisir de nos élèves. Comment, en effet, résister à ce trimestriel sur papier glacé quand on est gourmand ? À chaque numéro, une cinquantaine de recettes – de débutant à p’tit chef – est présentée de manière très claire, avec de multiples encadrés, de belles photos et des graphismes rigolos. On y trouve aussi des informations sur des aliments, sur l’équilibre alimentaire, l’interview d’un chef ou encore des fiches recettes à découper et à conserver, des jeux… La mise en page est belle, on voit que ce sont des professionnels qui sont aux commandes, mais on regrette la présence de publicités dans le rédactionnel (même si nous savons tous que la presse n’est pas financièrement au mieux de sa forme) et nous aurions aimé plus de culot dans la ligne éditoriale. C’est donc un bon support « pour éveiller les papilles » de nos élèves, classique dans sa forme et dans son contenu, mais qui n’apportera rien de plus.
Les poids lourds des éditions de presse jeunesse ont bien compris qu’il fallait sans cesse se renouveler pour survivre. C’est donc le cas de Milan Presse (26 magazines, 385 000 abonnés) qui a lancé cette rentrée un nouveau magazine scientifique en direction des 8-12 ans, Curionautes des Sciences. Ce périodique met en scène une bande d’enfants de trois filles et deux garçons « qui représentent chacun un regard sur la science ». Ils sont accompagnés d’une mascotte, Curio, qui fait des blagues si on ne lui répond pas de manière scientifique. L’objectif affiché est de « rendre la science accessible à tous » grâce à un grand récit documentaire qui mêle une narration à des schémas et des photos, et de transmettre aux enfants la démarche scientifique. Chaque numéro comporte également un poster sous forme de carte mentale pour synthétiser les notions abordées dans le récit. À retrouver aussi : un test pour connaître les métiers scientifiques et techniques, l’histoire d’une invention célèbre en BD, un carnet d’expériences et d’observations, etc. Pour compléter leur lecture, les enfants peuvent se rendre sur le site du journal et visionner des vidéos de science animée sur un certain nombre de phénomènes, comme l’éruption des volcans ou la formation de la terre. On ne peut qu’adhérer aux cinq points clés de la ligne éditoriale, mis en avant par Milan Presse : permettre aux enfants d’accéder au raisonnement scientifique et exercer leur esprit critique ; lutter contre les fake news dans le domaine de la science ; promouvoir les modèles féminins dans les sciences ; développer une seule question plutôt que d’empiler les informations ; montrer que les sciences peuvent être ludiques et même poétiques. Curionautes des Sciences mérite qu’on le teste auprès des plus jeunes, ceux pour qui Science et Vie Junior est encore difficile d’accès. Un seul bémol : vont-ils adhérer au système de narration du grand récit documentaire, sans accompagnement adulte ?

Quoi de neuf pour les grands ?

Et du côté des plus grands ? Il y a là aussi des publications qui méritent qu’on s’y intéresse. Prenons Kezako Mundi, un magazine de société qui s’adresse aux jeunes à partir de 14 ans. Depuis mars dernier, c’est devenu un mensuel (32 p. / 10 numéros par an) qui offre à ses lecteurs un décryptage des questions de société « sans les considérer comme des enfants et sans jouer sur la corde people ! ». L’objectif est bien d’être au cœur de l’actualité, avec des rubriques qui laissent la place aux images et aux exemples concrets. On apprécie les nombreuses infographies, les encadrés « Dico », les rubriques variées tant scientifiques, que culturelles ou de loisirs. Il faut souligner ainsi la présence d’une rubrique « Hommes/Femmes » qui s’interroge chaque mois sur l’égalité entre les sexes, ainsi que « Les Dessous de l’image » qui décrypte une photographie. On regrettera le choix d’un papier brillant qui fait un peu trop « revue », un peu trop sérieux. Mais les thèmes traités sont toujours très intéressants, sur des sujets qui font débat : les migrants et l’Aquarius, l’égalité des salaires, l’interdiction du cannabis, etc. Le magazine est aussi présent sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram) et sur le web.
Dans le domaine de l’actualité, on ne présente plus TOPO, la revue d’actualités en bande dessinée pour les moins de 20 ans. Ce bimestriel de 144 pages a reçu dès son lancement (après la tragédie de Charlie Hebdo) un très bon accueil dans les CDI des lycées, car il tranche sur la presse généraliste souvent à disposition : de grands reportages dessinés, des chroniques ou des articles de vulgarisation scientifique, permettent de décrypter le monde contemporain, tout cela dans un fort esprit d’indépendance, et avec la volonté d’aiguiser l’esprit critique et d’apprendre à lire les images. Cela dit, nombre de nos élèves n’accrochent pas et il est parfois nécessaire de les accompagner dans la découverte de ce support audacieux.
En revanche, il semblerait que GROOM, revue de bande dessinée destinée plutôt aux collégiens, et édité par Spirou, mette la clé sous la porte, faute de lecteurs, ce qui est bien dommage…
Du côté des éditeurs traditionnels, on remarquera la nouvelle formule de Phosphore, depuis la rentrée 2018, qui est passé à deux numéros par mois (avec une pagination de 54 p.). Dans le numéro qu’on a eu en main, on relève la présence importante des photos, notamment avec la rubrique optimiste, « Treize raisons de se réjouir ». Les dossiers et les reportages s’organisent eux aussi autour des illustrations, avec beaucoup d’encadrés et d’infographies pour une lecture (très) rapide. Le rédactionnel des sujets les plus longs tient sur maximum deux pages, histoire de ne pas trop fatiguer nos ados petits lecteurs… et grands flemmards ! L’orientation et les métiers ont toujours une place importante à côté de sujets d’actualité, de santé, etc. La mise en page est très dynamique et devrait plaire à nos élèves dès la 4e-3e.
Nouvelle formule aussi pour Comment ça marche qui se décline maintenant en trois magazines : Tout comprendre pour les 13 ans et plus, Tout comprendre junior pour les 8-12 ans, et Tout comprendre Max, ex- Tout le savoir qui est trimestriel. Les trois s’adressent aux « passionnés de sciences, de technologies ou d’histoire. »
Tout comprendre, qui est donc destiné aux jeunes à partir de la 4e, met lui aussi en avant les infographies, les schémas et les photographies, pour vulgariser des sujets parfois pointus. Les illustrations sont très belles et les articles variés. Le format,
assez grand, permet une mise en page aérée qui facilite la lecture. Au sommaire, on trouve un gros dossier de 10 pages, une BD scientifique, des rubriques sciences, nature, espace, techno, histoire, et un agenda de plusieurs pages sur les livres, films, jeux vidéo, objets technos, etc.
Tout comprendre junior est quant à lui destiné aux 8-12 ans et met en avant une BD complète chaque mois, un dossier thématique à chaque numéro, des fiches (grammaire et orthographe…) et des rubriques qui se partagent entre Nature, Histoire, Corps, et Sciences. D’un format plus petit que son grand frère, il est moins attractif à notre avis car plus fourre-tout. Un magazine « zapping », en quelque sorte…

On l’aura remarqué, il y a énormément de titres pour les jeunes, et on est loin d’avoir épuisé le sujet. On aura constaté aussi que les nouvelles publications pour la jeunesse sont plus nombreuses pour le niveau collège que pour le niveau lycée, tant il est vrai qu’il est difficile aujourd’hui de cerner les attentes et d’attirer l’attention de cette population aux contours mouvants et aux centres d’intérêt très centrés sur les réseaux sociaux. Mais au niveau collège, malgré la variété des supports, le pari de faire lire à nos élèves des magazines n’est pas pour autant gagné. À nous de tester, notamment lors de la Semaine de la Presse et des Médias (Kiosque Presse) ou encore en achetant un numéro, voire en prenant des abonnements de 6 mois. Ensuite, il nous reste à observer à la loupe le comportement des élèves, ou encore nous pouvons faire des sondages, des questionnaires et/ou des tables rondes sur les nouveautés presse afin de déterminer à coup – presque – sûr les supports qui leur plaisent le plus.

INFOS

Cram cram  https://shop.cramcram.fr/
Abonnement 6 numéros : 35 euros
Baïka  www.baika-magazine.com
Abonnement : 4 numéros – 38,40 euros
Biscoto  biscotojournal.com
Abonnement : 10 numéros par an- 40 euros
Papillotte  www.turbulencespresse.fr/
Abonnement : 4 numéros – 18 euros
Curionautes des Sciences  www.curionautes.com
Abonnement : 1 an – 10 numéros – 59 euros
TOPO  www.toporevue.fr
Abonnement : 1 an – 6 numéros – 75 euros
Phosphore  www.phosphore.com
Abonnement : 1 an – 22 numéros – 94 euros
Tout Comprendre  www.fleuruspresse.com/magazines/pour-tous/tout-comprendre
Abonnement : 1 an – 11 numéros – 51 euros
Tout Comprendre Junior  www.fleuruspresse.com/magazines/juniors/tout-comprendre-junior
Abonnement : 11 numéros par an – 51 euros
Salamandre Junior  www.salamandrejunior.net
Abonnement : 1 an – 1 à 2 numéros – 29 euros
Les Arts dessinés  www.dbdmag.fr/artsdessines
Abonnement : 1 an – 4 numéros – 60 euros

 

Appel à contribution : Faites vos jeux

Espace de loisir, de divertissement, de libre disposition du temps, le jeu peut sembler incompatible avec l’exigence d’effort, de concentration et de rigueur qu’imposent les apprentissages scolaires. Pourtant, depuis quelques années, il regagne son droit de cité dans les établissements où la transversalité des disciplines, et des apprentissages, est de plus en plus sollicitée et valorisée. Nul besoin d’une veille professionnelle approfondie pour s’en rendre compte ! Serious games, club énigmes, ludothèque, escape games… exploitant toutes les facettes de son dé, le ludique s’installe officiellement au sein de nos CDI, qui pour autant ne se confondent pas avec le Foyer. 
Intercdi a ainsi choisi de consacrer son prochain dossier thématique de rentrée à cette enthousiasmante question : le jeu au CDI ! Quelle place ? Quelle forme ? Quels jeux ? Quels objectifs ? C’est avec impatience que nous attendons vos contributions : Faites vos jeux, rien ne va plus !

Date limite d’envoi des propositions de contribution : 30 avril 2019.
Pour une préparation optimale du numéro, n’hésitez pas à contacter la rédaction au plus tôt : intercdi.articles@gmail.com

Tous pareils, tous différents

À l’heure où nous écrivons cet édito se profile la Journée nationale de lutte contre toutes les formes de harcèlement – une problématique dont l’écho scolaire est malheureusement retentissant. Nous avons bien entendu tous, chacun à notre échelle, un rôle essentiel à jouer dans la prévention, la vigilance, l’action. Mais l’École a également un rôle primordial à tenir dans cette lutte par l’éducation au respect, à la diversité, à la tolérance, et le CDI apparaît comme un des espaces privilégiés de la construction de cette action au sein des établissements. 
Dans son article « Les bibliothèques, lieux ressources pour les publics LGBT+ », c’est bien ces rôles d’accueil et de représentation que Violaine Beyron nous enjoint à valoriser au cœur des établissements. Information, visibilité, inclusion, représentation, autant d’enjeux qui doivent conjuguer notre attention et nos efforts de manière à favoriser un climat d’ouverture et de respect mutuel. Car il n’y a pire ennemi que l’ignorance et les préjugés. Le Thèmalire, également proposé par Violaine Beyron, sur les figures d’adolescents transgenres dans la littérature jeunesse sera un outil précieux dans ce combat. Tout comme un travail élaboré autour de l’exposition Hugo Pratt du Musée des Confluences, qu’Hélène Zaremba nous présente avec un vif intérêt, et qui donne à voir, dans une scénographie inédite, le dialogue entre le monde « réel » et l’art d’une part, et l’enrichissement de la vie par le voyage, la découverte de l’autre, la rencontre des cultures d’autre part. Car lutter contre la stigmatisation c’est sans doute avant tout favoriser l’ouverture, la curiosité, l’enthousiasme au monde qui nous entoure dans toute sa richesse et sa diversité.
Des différences nous en trouverons encore dans notre position face à l’usage du téléphone. Kaltoum Mahmoudi, dans son article, a exploré la question en impliquant les élèves au moyen d’une consultation citoyenne, et nous livre le fruit de sa réflexion. Quant à Éric Garnier, il nous propose même d’utiliser cet objet devenu quasi organique de nos élèves dans une fonction ressource et pédagogique : « une cdibox dans votre CDI, et pourquoi pas ? » !
Enfin, l’ouverture culturelle consacrée à la condition animale, nous rappelle que le respect ne doit pas s’appliquer seulement aux êtres humains.
Un numéro qui démontre, s’il en était besoin, que le CDI doit se faire le sanctuaire de nos différences.

Une CDIBox dans votre CDI, Et pourquoi pas ?

Ayant lu des articles en ligne présentant le dispositif LibraryBox, développé par des bibliothécaires technophiles, je me suis lancé. Plusieurs facteurs m’ont décidé : le faible coût du routeur – une trentaine d’euros –, l’intérêt pour la difficulté technique à mettre en œuvre le dispositif, puisqu’il faut en passer par des protocoles que je ne connaissais pas… et surtout le champ des possibles offert par cette installation.

Tout d’abord le matériel nécessaire : un routeur TP-link MR30201, toujours en vente à l’heure où j’écris ces lignes et une clé usb (4 Go est un minimum). C’est tout !
Le principe de l’installation : ce routeur Wi-Fi, initialement prévu pour partager une connexion Internet, est détourné de sa fonction originelle. Il va ainsi générer un réseau Wi-Fi fermé, c’est-à-dire qu’une fois connecté, on ne peut pas accéder au World Wide Web. Il n’est possible d’accéder qu’aux documents préalablement déposés sur la clé usb branchée. Bien que les qualifications juridiques concernant l’accès à Internet dans les EPLE comportent une grande part d’incertitude, il est important de noter que la mise en œuvre d’une CDIBox, générant un réseau fermé, propose une solution de mise à disposition de documents confortable.
Une fois mon routeur ainsi commandé et reçu, le plus difficile commence. En effet, il est nécessaire de flasher la mémoire de l’engin pour remplacer le programme informatique originel par un programme de Jason Griffey, un bibliothécaire américain, basé sur le travail de Matthias Strubel, le développeur allemand de la PirateBox. C’est là que toute la difficulté de l’entreprise réside, puisque l’on touche au firmware du routeur. En cas de mauvaise manipulation, il est possible de « bricker » celui-ci, c’est-à-dire le rendre inutilisable ! Pas de panique, il existe des tutoriels en ligne très bien faits et je vous conseille celui de Christophe Rhein du Canopé de Limoges : « BiblioBox ou comment bricoler son serveur de fichier wifi personnel2 ».

Quels usages en lycée ?

Dans un lycée où l’usage des téléphones portables des élèves est toléré, voire autorisé et encouragé, une CDIBox va permettre de mettre à disposition des documents numériques en libre accès.
Dans un premier temps, j’ai choisi de déposer des livres numériques libres de droit et, en particulier, de grands classiques de la littérature. J’ai également ajouté des films libres de droit en anglais. Il est vrai que les spécificités du lycée où j’exerçais (série littéraire, hypokhâgne, classes euro anglais…) ont facilité mes recherches en ressources puisque, pour les films par exemple, on trouve surtout des œuvres libres de droit en anglais.
Dans un deuxième temps, il est indispensable de penser la médiation autour de la CDIBox. En effet, une fois branchée, il faut la rendre visible ! Affichage, explications, patience, sont alors les maîtres mots du professeur documentaliste… ce qui ne change pas trop de notre quotidien ! Le retour des élèves a été très encourageant et outre le téléchargement des œuvres littéraires classiques, les élèves ont beaucoup apprécié le visionnage d’œuvres cinématographiques comme La Nuit des morts-vivants par exemple, confortablement installés dans les fauteuils du CDI.
C’est également une porte d’entrée formidable pour aborder les Communs avec les élèves : images, textes, films tombés dans le domaine public, documents mis à disposition par leurs auteurs sous licence Creative Commons, tous ces exemples sont intéressants pour expliquer aux élèves pourquoi tel film a pu être déposé pour visionnage dans la CDIBox et pourquoi il n’est pas possible d’y trouver un film plus récent.
La CDIBox est un bel outil pédagogique et de médiation culturelle dans un lycée.

Quels usages en collège ?

Deux ans après, je suis nommé dans un collège. La politique de l’établissement vis-à-vis des téléphones portables ne me permet pas une utilisation de la CDIBox identique à celle que je pratiquais en lycée. En revanche, une mallette de 30 tablettes sommeillait dans une réserve. Quelques collègues ont bien essayé de les utiliser mais la volatilité de la connexion internet a eu raison de leur enthousiasme. J’ai alors reconverti ma CDIBox en serveur de fichiers portable, en me basant sur le travail de Christophe Rhein, du Canopé de Limoges.
J’ai donc modifié les dossiers de ma CDIBox en supprimant les intitulés « types de documents » – livres, films, etc. – et en les remplaçant par des intitulés « Disciplines » – sciences physiques, français…
Puis j’ai organisé une séance d’explications et de formation aux collègues intéressés. Dans un premier temps, il faut sélectionner les documents que l’on souhaite mettre à disposition des élèves. Puis les déposer sur la clé USB dans le dossier correspondant à sa matière. Ensuite, lorsque les tablettes sont distribuées aux élèves, un affichage du nom du réseau SSID et l’url que les élèves doivent taper dans leur navigateur suffisent pour lancer le travail. Mes collègues ont été surpris de la simplicité de mise en œuvre du dispositif et de sa fiabilité. En quelques clics, ils ont pu donner à voir les vidéos, animations, et ce sans crainte d’une coupure de connexion réseau !
La flotte de tablettes du collège a ainsi connu un net regain d’intérêt et certains collègues se sont même lancés dans l’utilisation pédagogique des téléphones portables des élèves. Une possibilité supplémentaire d’aborder la charte informatique du collège et de contribuer à la responsabilisation des usages, le tout dans un environnement sécurisé.
On voit alors que le domaine 2 du cycle 3 du Socle Commun de connaissances, de compétences et de culture est mobilisé et permet au professeur documentaliste de pleinement participer à l’évaluation des acquisitions des élèves.

La circulaire n° 2017-051 du 28 mars 2017 définit les missions du professeur documentaliste. Mettre en œuvre un dispositif tel que la CDIBox relève très clairement du point n° 2 : « le professeur documentaliste maître d’œuvre de l’organisation des ressources documentaires de l’établissement et de leur mise à disposition. », ce dispositif permettant précisément une mise à disposition de documents numériques, choisis et validés par le professeur documentaliste et la communauté éducative.
Cependant, comme évoqué précédemment, la CDIBox permet également d’introduire la notion de propriété intellectuelle, de droit d’auteur et de licences Creative Commons. On n’est alors plus dans la simple mise à disposition de ressources mais dans une démarche pédagogique à part entière. Le point n° 1 de la circulaire : « le professeur documentaliste, enseignant et maître d’œuvre de l’acquisition par tous les élèves d’une culture de l’information et des médias », est alors également convoqué.
Enfin, la lecture du point n° 3 : « le professeur documentaliste acteur de l’ouverture de l’établissement sur son environnement éducatif, culturel et professionnel », trouve à son tour un écho dans la mise en place d’une CDIBox.
La CDIBox est ainsi un dispositif technique complet pour le professeur documentaliste qui lui permet de proposer des documents numériques, des œuvres culturelles, des ressources en restant totalement indépendant de la qualité de la connexion internet de l’établissement, lui offre un support de séquence pédagogique pour toutes les disciplines d’un établissement, et devient un objet d’étude particulièrement adapté à l’enseignement du droit d’auteur et des Communs.

 

 

Consultation citoyenne sur la place du téléphone, Quel modèle de CDI pour demain ?

« Compagnon de leur existence2 »pour reprendre les mots de Serge Tisseron, le téléphone portable fait partie du monde des adolescents, et en objet médiateur, il participe de la construction de leur identité. 77 % des 13-19 ont un téléphone portable personnel et consomment 14 h 10 de contenu internet par semaine (Chiffres Ipsos de 2016). Nul besoin de borne wi-fi pour se connecter puisque de plus en plus d’élèves disposent d’un forfait personnel assurant une connexion dite « illimitée ». L’enquête exploratoire que nous avons menée au sein de notre lycée et auprès de 150 élèves usagers du CDI révèle que 72,1 % des élèves interrogés se connectent à Internet à partir de leur forfait personnel et contournent, par ce biais, les limites de connexion imposées par le réseau Kwartz de l’établissement scolaire.
Le téléphone portable est un objet symbole de la culture adolescente et de la démocratisation des technologies numériques. Plusieurs termes servent d’ailleurs à désigner l’objet : smartphone, téléphone intelligent, téléphone mobile… Pour faciliter la lecture, nous faisons ici le choix d’utiliser le mot « téléphone », terme générique qui évoque un téléphone personnel, portable ou mobile, doté d’une puissance de calcul suffisante permettant une connexion à Internet et l’utilisation de diverses applications. Cet objet connecté induit de nouvelles pratiques communicationnelles et informationnelles et, par voie de conséquence, de nouvelles manières d’être et de faire avec le numérique. La place du téléphone au CDI ne revient-elle pas ainsi à questionner celle du numérique, et précisément des pratiques numériques formelles et non formelles3 des élèves ? L’explosion de ces pratiques nous oblige-t-elle à repenser le modèle du CDI tel que nous le connaissons ?
La consultation citoyenne invite à l’expression et au développement de l’engagement citoyen. Et cette démarche stimule l’implication des usagers dans la vie du CDI. Les règles qui régissent ce lieu, bien commun de l’établissement, sont ainsi à repenser au regard de ces évolutions et dans l’intérêt de tous. Nous commencerons par contextualiser les débats actuels autour de la place du téléphone. Cet intrus4 qui s’invite à l’école met l’institution scolaire et ses acteurs face à de nouveaux enjeux. La conscientisation des pratiques informationnelles et communicationnelles via le téléphone participe de cette consultation citoyenne. Nous tenterons d’apporter des éclairages sur ces pratiques dans un second temps. La résistance des élèves vis-à-vis de « l’emprise » générée par la présence du téléphone ne conduit-elle pas à une forme d’empowerment ?
À travers toutes ces réflexions, quelle(s) conduite(s) tenir en tant que professeur documentaliste ?

Le téléphone au cdi : entre interdiction et autorisation à des fins pédagogiques

Différents espaces de l’établissement pour différents usages du téléphone

Le téléphone serait-il accusé de tous les maux ? Coupable d’entraver la concentration, de distraire, d’accaparer le temps des élèves au détriment du travail scolaire, le Président Emmanuel Macron a déclaré qu’il n’y aura plus de téléphones portables dans les écoles et les collèges à la rentrée 2018. Une interdiction répétée puisque l’article L511-5 du code de l’éducation créé par la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 stipulait déjà que « dans les écoles maternelles, les écoles élémentaires et les collèges, l’utilisation durant toute activité d’enseignement et dans les lieux prévus par le règlement intérieur, par un élève, d’un téléphone mobile est interdite ». Le 7 juin dernier, l’Assemblée a adopté une loi qui interdit à partir de la rentrée prochaine l’usage du téléphone dans les écoles et les collèges sauf avis contraire du règlement intérieur de l’établissement. Certains se demandaient déjà comment mettre en application concrètement cette loi5. La question du téléphone portable dans les lycées n’est pour le moment pas évoquée. Ce silence traduit-il une forme de sidération face à une situation qui nous dépasse ?
La question de la place du téléphone portable agite la société française. Coupable de provoquer des accidents en voiture, le plan présenté par le Premier ministre Edouard Philippe propose des mesures parmi lesquelles une répression renforcée contre l’usage du téléphone au volant. Dangereux pour la santé (dangerosité des ondes), coupable d’entraver le sommeil de nombreux adolescents, emprise ou addiction des écrans, publication d’études alertant sur les méfaits du téléphone sur les jeunes enfants… Sans nier toutes ces réalités, les nombreuses accusations incriminant le téléphone nous feraient presque oublier que peuvent exister également des usages pédagogiques et créatifs6.

« Au CDI c’est autre chose [par rapport à la classe], c’est un autre cadre, plus libre. C’est nous qui nous encadrons seuls ; c’est nous qui choisissons de venir, c’est nous qui choisissons quoi faire, quand, où ? Alors qu’en classe, c’est la prof qui choisit ce qu’on fait, quand, où, quoi. Je pense que le CDI est censé être un endroit où on peut travailler, et faire des recherches. Donc on peut aussi le faire avec le téléphone s’il n’y a pas de place aux ordis. Je ne pense pas qu’il faille interdire le téléphone au CDI. 
*Stéphane, 16 ans, classe de 1re  »

Sur le terrain, la réalité est complexe et plurielle allant de l’interdiction totale à diverses formes de tolérance, en passant par un usage déclaré du téléphone à des fins pédagogiques. Le règlement intérieur de notre lycée stipule que « les appareils électroniques portables sont interdits en émission et en réception pendant les cours ». Le téléphone est toutefois autorisé dans les espaces de vie et durant les temps de pause. Cette interdiction en classe reste néanmoins soumise au jugement de chaque enseignant. « Monsieur X, professeur d’Histoire-géographie et auteur d’un blog en autorise la consultation en classe » affirment les élèves interrogés. Bien qu’interdit en classe, le téléphone invisible y est pourtant (omni)présent, dissimulé dans le sac, dans la poche, sous la table, manipulé discrètement.

« KM : le téléphone est interdit en classe, est-ce que les élèves l’utilisent quand même ?
Léa, classe de Term, 18 ans : oui (rires)
KM : combien d’élèves dans votre classe ?
Léa : ben tout le monde je pense. Ils l’utilisent en cachette. Soit ils le cachent dans leur écharpe, soit euh… il y a plein de techniques, je ne vais pas tout dire parce que… (rires)
KM : vous ne voulez pas dévoiler les techniques ?
Léa : nan (rires) ! »

Au CDI, les règles sont différentes. Stéphane évoque l’unicité de ce lieu* dans lequel une borne wi-fi a été installée. Suivant le référentiel d’usage du wi-fi en établissement diffusé par la Direction du numérique pour l’éducation, cet équipement vise à favoriser « les usages dans et hors la classe, en donnant accès aux ressources et services numériques en tout temps et en tout lieu7 ». Ce discours ministériel semble en contradiction avec les débats sur l’interdiction du téléphone à l’école et au regard du développement de services numériques éducatifs comme l’application esidoc ou pronote pour mobile.
Le règlement intérieur du CDI de notre établissement tolère l’usage du téléphone pour l’écoute musicale, la prise de photographies d’extraits de documents du CDI, ainsi que la recherche sur Internet à des fins pédagogiques et éducatives. Les appels téléphoniques, la prise de photographies entre élèves, les jeux et la consultation de contenu internet non éducatif y sont interdits. Le règlement intérieur indique que « tout usage du téléphone qui entraverait le calme du lieu est prohibé ». Dans la réalité, ces limitations restent difficiles à contrôler pour le professeur documentaliste. Une tolérance vis-à-vis de pratiques « qui ne dérangent pas » pour reprendre les mots de collègues documentalistes, à savoir des pratiques discrètes et silencieuses, est constatée. Les élèves n’ont aucune difficulté à comprendre les enjeux qui animent la question de la place du téléphone au CDI et les attentes de cette consultation citoyenne. Circuler entre les différents espaces de l’établissement les oblige à adapter leurs pratiques du téléphone en conséquence. Cette consultation citoyenne peut-elle toutefois suffire à ce qu’un élève passif, consommateur de services numériques, devienne un citoyen acteur capable de réguler ses pratiques et de s’adapter à son environnement ?

Une question de temps : quand l’objet technologique pallie les insuffisances techniques de l’établissement

Les entretiens menés révèlent que le téléphone pallie à l’absence de postes informatiques ainsi qu’aux pannes et défaillances du réseau d’établissement. 23,1 % affirment que l’utilisation du téléphone compense l’insuffisance du nombre de postes informatiques au CDI. Le manque de places est évoqué, notamment durant la pause déjeuner pendant laquelle le taux de fréquentation est élevé, ou lors de séances pédagogiques mobilisant l’espace informatique du lieu. 45 % déclarent utiliser le téléphone au CDI pour la consultation internet liée au travail scolaire, essentiellement de la recherche informationnelle. Une enquête menée par HADOPI parue en mai 2017 autour de la génération des « smartphones natives8 » évoque les attentes des jeunes en matière de pratiques culturelles. Facilité d’accès, gratuité, immédiateté (pratiques de streaming, séries à la demande sur Netflix…) et rapidité de la consommation (prédilection pour les formats courts type MP3, vidéos…) sont caractéristiques de la culture jeune. L’accès à l’information, aisément et rapidement, est un argument exprimé en faveur de la présence du téléphone au CDI.
Yolande Maury analyse la dimension idéologique véhiculée par certains discours et questionne les ambiguïtés des concepts liés à l’empowerment rapportés à l’éducation à l’information : pouvoir d’agir, compétences, capacités, autonomisation. L’auteure évoque le « pouvoir de l’information » comme « une aide à l’intégration sociale et culturelle des individus, leur permettant d’accéder au savoir nécessaire pour améliorer leur vie de tous les jours et atteindre leur plein potentiel9 ».
Un « minimum informationnel » paraît nécessaire à l’exercice de ce pouvoir. Anne-Emmanuèle Calvès retrace l’histoire et l’origine du mot empowerment qui désigne un processus d’organisation autonome des plus démunis (pauvres, immigrés, femmes…), des opprimés, en une force politique organisée10. Ce terme renvoie à l’idée de libération par une prise de conscience des individus eux-mêmes de leur capacité d’agir et d’accéder à plus de pouvoir. Témoin de ces évolutions qui nourrissent sa réflexion, le professeur documentaliste facilite l’accès à l’information et demeure le garant de l’acquisition d’un « minimum info-documentaire » inhérent au développement du « pouvoir de l’information ».
La présence du téléphone impose indéniablement une nouvelle temporalité au CDI. Ces injonctions d’immédiateté, d’instantanéité, d’accessibilité sont inhérentes à l’objet technologique lui-même. Le temps rapide des objets technologiques se heurte au temps long de l’école et de l’appropriation des connaissances ; et au temps long de l’adaptation et de l’assimilation demandées aux enseignants pour maîtriser et expérimenter pédagogiquement ces objets. Le temps de « passer le temps ». Durant les entretiens, nombreux sont les élèves qui affirment « passer le temps » avec leur téléphone. Lequel occupe durant les moments d’attente en nous donnant parfois le sentiment que les élèves perdent leur temps. Interdire le téléphone au CDI n’est-ce pas finalement se confronter à des élèves qui chercheraient à braver cet interdit ? Léa évoque cette situation durant l’entretien. Entre interdiction et autorisation, une alternative semble à trouver par les usagers eux-mêmes.

Le CDI connecté : champ d’observation des pratiques informationnelles et communicationnelles formelles et non formelles

Conscientiser ses pratiques, décider et agir

En sciences de l’éducation, la participation désigne « une action pédagogique et éducative qui sollicite le concours, l’adhésion de l’enfant, de l’élève dans les processus de formation et d’enseignement11 ». Pour participer, il convient de prendre conscience de ses propres pratiques. Seul ce mouvement de conscientisation peut amener les élèves à s’exprimer pertinemment autour de la question de la place du téléphone au CDI et des pratiques formelles et non formelles du numérique. Inspiré de la pédagogie active de Paolo Freire, ce mouvement de conscientisation amène à prendre acte de sa condition et de son environnement. Cette dynamique de conscientisation invite l’élève à passer de l’expression (le dire) à l’action (le faire) en développant sa capacité d’agir sur son environnement.
L’Internet mobile autorise une communication permanente. Tous connectés, partout et tout le temps. Alors qu’auparavant les moyens de communication avaient pour fonction de réunir virtuellement des personnes séparées géographiquement, les élèves sont désormais ensemble physiquement et virtuellement, notamment sur les réseaux sociaux par le biais de la connexion dite « illimitée ». 66,9 % déclarent utiliser le téléphone pour envoyer des SMS et 45,7 % pour consulter les réseaux sociaux. Ces pratiques communicationnelles devenues routinières s’inscrivent dans le quotidien des élèves. Ce besoin de connexion semble jouer un rôle de compensateur social face à une « vie scolaire » ressentie parfois comme lourde, pesante, source d’inquiétude et de frustration. Comme cet élève qui affirme que son téléphone « est un remède pour survivre au monde scolaire ».
La convergence numérique rend en effet possible une multiplicité de pratiques simultanées dans une même unité de temps. 45 % déclarent se connecter à Internet pour travailler et souhaitent se détendre simultanément sur des temps courts. Nous voyons au quotidien les élèves travailler tout en écoutant de la musique et, par intermittence, communiquer sur les réseaux sociaux par exemple. 43,7 % des élèves interrogés déclarent utiliser le téléphone pour écouter de la musique : l’isolement ainsi créé favorise selon eux la concentration. Le téléphone, objet intime, leur permet finalement de reconstruire un univers personnel – celui de la chambre ? – au CDI, avec leur musique, leur connexion personnelle, leur profil sur les réseaux, leur recherche informationnelle privée. Quelle légitimité accorder à ces pratiques non formelles qui s’élaborent dans la sphère scolaire ? Et quelle conduite tenir pour le professeur documentaliste face à des pratiques qui échappent à la prescription scolaire ? Ces pratiques sont en effet peu visibles et par conséquent difficiles à contrôler. Pascal Lardellier12 évoque la blessure narcissique des institutions de transmission que sont l’école et la famille, dépossédées de leur pouvoir et de leur contrôle. Est-il véritablement question de contrôler ? Ou s’agit-il plutôt d’accompagner et de former ? Cette question se pose d’autant plus que certains élèves avouent durant les entretiens que ce multitasking13 ne favorise pas l’attention et la concentration nécessaires au travail scolaire.
Il n’est pas étonnant d’observer de la part de certains professeurs documentalistes une forme de tolérance vis-à-vis de ces pratiques « qui ne dérangent pas ». Une partie de leur formation professionnelle est liée à la maîtrise des outils technologiques de recherche. Les nombreuses séances pédagogiques autour de Google, Wikipédia, des bases de données, ainsi que les expériences menées à partir d’objets technologiques comme les tablettes montrent que les professeurs documentalistes cherchent à « pédagogiser » ces outils en les mettant au service des apprentissages info-documentaires. Le téléphone est un complexe technologique aux fonctionnalités multiples. Il offre aux professeurs documentalistes la possibilité d’observer les pratiques informationnelles et communicationnelles formelles et non formelles des élèves. Et la conscientisation de ces pratiques renvoie à la notion de pouvoir. Conscientiser permet aux individus de prendre acte de leur condition et vise à leur donner le pouvoir d’agir face à une situation qu’ils souhaitent changer. Le terme empowerment est basé sur le désir de transformation sociale qui repose sur une remise en cause d’un modèle existant.

Résister à « l’emprise » suscitée par le téléphone portable : une forme d’empowerment ?

« KM : Considérez-vous que la présence du téléphone vous déconcentre dans votre travail ?
Inès, 17 ans, Terminale : Beaucoup oui. C’est un facteur de déconcentration.
KM : Pourquoi les élèves ont-ils entre les mains un objet qui les déconcentre ?
Inès : C’est paradoxal. Ça peut les déconcentrer mais ça peut aussi leur servir pour des recherches. Euh… les recherches de l’école. En fait ça déconcentre quand on ne l’utilise pas bien. Faut savoir se poser des limites… Je ne peux pas jouer 2h, 2h30 à un jeu à la place de faire mes devoirs, il faut donc apprendre à s’en servir pour que ça devienne quelque chose qui ne déconcentre pas.
KM : Et vous y arrivez ?
Inès : Non… moi je dis ça… mais je n’y arrive pas ! (rires) »

Les propos d’Inès nous apportent un éclairage à la compréhension du « phénomène téléphone » à l’école. Ce dernier déconcentre les élèves dans leur travail. Tous l’expriment lors des entretiens mais ils ne sont que 25 % à l’affirmer sur le questionnaire. Un élève évoque « la dangerosité du téléphone pour étudier ». Dérangé trop souvent, il nous dit se sentir « esclave » de son téléphone mais dans l’incapacité de changer les choses pour le moment. Interdire le téléphone au CDI, est-ce aider cet élève à se concentrer davantage sur son travail ? Deux études récentes ont montré que les établissements où le téléphone était banni obtenaient de meilleurs résultats que ceux où il était autorisé14. Et cette interdiction avait un effet encore plus positif sur les élèves en difficulté. L’étude américaine The World Unplugged visait à demander à un millier d’étudiants provenant d’une douzaine d’universités des cinq continents, de faire l’expérience de 24h de déconnexion médiatique. Une majorité d’étudiants admet l’échec de leurs efforts de déconnection15. Durant les entretiens, les élèves nous font part des stratégies de résistance face à « l’emprise » suscitée par la présence du téléphone : retourner l’objet pour ne pas le voir, le laisser au fond du sac, le mettre dans la trousse, activer le mode avion ou l’éteindre par exemple.
La présence du téléphone à l’école exige de l’élève de développer sa capacité à résister à la tentation face aux sollicitations nombreuses générées notamment par les notifications et les Sms. Résister, c’est faire appel à ses ressources. Inés évoque la nécessité de savoir se poser des limites et d’apprendre à se servir de l’objet. Accroître la capacité des élèves à résister pourrait avoir pour finalité de les responsabiliser en leur donnant le pouvoir de décider de la place qu’occupe le téléphone dans leur vie d’élève et de citoyen. Selon un principe d’éducabilité, il appartient au professeur documentaliste d’aider les élèves à mobiliser leur potentiel et leurs capacités individuelles afin de résister à l’influence engendrée par la présence du téléphone. Former à un usage critique et raisonné du téléphone afin de développer le pouvoir d’agir des élèves sur leurs propres pratiques comporte une dimension citoyenne qui amène à l’émancipation puis à l’autonomie. Les élèves affirment que leur travail scolaire est régulièrement interrompu par le téléphone sauf s’ils décident eux-mêmes de changer les choses. Et cette capacité à agir pour changer les choses se nomme empowerment qui signifie littéralement « renforcer ou acquérir du pouvoir » (Calvès, op. cit p. 739). Ce terme renvoie à la capacité de se défaire de la domination, qu’elle soit humaine ou technologique, ainsi qu’au pouvoir créateur d’accomplir16. L’empowerment représente une évolution afin que chacun puisse étendre sa liberté et ses choix d’actions. Il est question du savoir vivre ensemble avec les objets technologiques.

 

Avant de conclure, il nous faut préciser que les élèves interrogés ne constituent pas une catégorie homogène. Et les réalités des pratiques informationnelles et communicationnelles déclarées et/ou observées sont plurielles. Cette expérience de consultation citoyenne n’en est qu’à ses débuts. Les élèves ont fait entendre leurs voix. Participer comporte toutefois plusieurs dimensions. Il s’agira d’aller au-delà de la consultation en prenant des initiatives qui amèneront à des actions concrètes et à une prise de décisions. En un mot, à l’exercice du pouvoir. Parce que tolérer les pratiques numériques non formelles nous oblige à repenser le modèle du CDI tel que nous le connaissons aujourd’hui. C’est donc collégialement qu’il faudrait poursuivre cette enquête en interrogeant les non-usagers du CDI et en prenant en considération les élèves s’exprimant en faveur d’une interdiction du téléphone afin de leur offrir au sein du CDI un espace de déconnexion (soit 11,4 % des élèves interrogés). Il appartient au professeur documentaliste de veiller aux conditions de représentation de cette souveraineté collective. En mettant en œuvre un dispositif de gouvernance dont les modalités sont encore à définir, nous croyons en l’existence d’un potentiel en chaque élève. Développer l’autonomie dans les prises de décisions amène les élèves à se positionner en codirigeant des espaces de l’établissement qu’ils occupent quotidiennement. Yolande Maury évoque une approche responsabilisante « visant à ce que l’élève soit en capacité d’assumer les changements, de gérer aléas et incertitudes et résoudre lui-même les défis et/ou problèmes rencontrés » (op.cit., p. 13). Elle considère que le concept d’empowerment et les mots qui lui sont associés (pouvoir d’agir, capacité, autonomisation…) sont liés à la culture informationnelle.
En interdisant le téléphone au collège et en fermant les yeux sur sa présence dans certains lycées, l’institution scolaire ne creuse-t-elle pas le fossé numérique entre elle et les nouvelles générations d’élèves ? Pourtant le téléphone offre l’occasion de penser une éducation aux médias et à l’information qui s’articulerait autour de trois dimensions : une utilisation raisonnée et responsable des objets technologiques par le développement de capacités ; la transmission de connaissances sur l’information et les contenus médiatiques ; l’acquisition enfin d’une distance critique vis-à-vis de l’objet technologique lui-même ainsi que de l’information et des médias auxquels les élèves accèdent quotidiennement via le téléphone. Autant d’enjeux pour le professeur documentaliste.

 

Hugo Pratt à l’horizon

Rendez-vous est pris pour une visite guidée destinée à la presse, en présence d’Hélène Lafont-Couturier, directrice du musée, Patrizia Zanotti, ancienne coloriste de Pratt et directrice de l’association Cong, en charge de la valorisation de son œuvre, Michel Pierre, commissaire invité, spécialiste de Pratt, Yoann Cormier, chef de projet au sein du musée, Gilles Mugnier, scénographe, et Tiphaine Massari, graphiste.
En guise de préambule, une première salle expose des planches originales et quelques éléments clés sur la vie de Hugo Pratt : l’influence de ses voyages sur ses œuvres, celle d’autres auteurs de bandes dessinées, notamment l’américain Milton Caniff, et du cinéma. Car si son personnage principal, Corto Maltese, est très présent dans cette exposition, il est bien question de l’œuvre de Hugo Pratt dans son ensemble. Celui-ci a eu une vie mouvementée qui l’a mené tout autour du monde : Abyssinie italienne (actuelle Éthiopie), Argentine, Brésil, Océanie, Canada. Il voyage par goût, par passion, tantôt dilettante, tantôt ethnographe, notamment en Amérique du Nord. Il tirera de ces voyages les aventures de Corto Maltese, mêlant dans son œuvre inspiration du réel et représentation fantasmée d’un aventurier dans un monde à la poésie cruelle.

Corto Maltese – Fable de Venise (1977) © Cong S.A. Suisse D.R.
© photo B. Stofleth, musée des Confluences

Michel Pierre donne quelques éléments de compréhension, notamment sur la manipulation de l’ironie nous expliquant comment Pratt s’amuse avec les clichés de l’exotisme, de l’aventurier du bout du monde, des femmes asiatiques mystérieuses. Lui-même jouait de son personnage de baroudeur, racontant différentes versions de ses voyages suivants ses interlocuteurs. Il attire notamment notre attention sur l’intérieur de la maison de Corto Maltese à Hong Kong, dans le salon de laquelle trône un magnifique piano à queue, objet peu courant pour un marin baroudeur et solitaire.
Puis, avant d’entrer dans la salle principale, Yoann Cormier nous avertit que l’exposition ne suit pas un parcours, mais qu’elle est une mise en scène de l’œuvre de Pratt. En pénétrant dans l’espace, nous comprenons immédiatement ce qu’il veut dire… L’exposition se déploie dans une seule immense salle, assez sombre et très haute de plafond. Des planches originales sont accrochées le long des murs, mais c’est bien les agrandissements spectaculaires de certains extraits qui attirent l’attention. À proximité de ces agrandissements se trouvent les objets représentés, placés dans des vitrines. La plupart de ces objets sont issus des collections du musée. Nous déambulons ainsi au milieu de ces boîtes, qui parfois, par un jeu de lumière et de rétro-éclairage, nous révèlent leur trésor. Sur l’une de ces boîtes, le dessin d’un chef de tribu, le visage menaçant et entouré d’une parure qui semble constituée d’os et de cuir. Soudain, la lumière s’allume à l’intérieur de la boîte et apparaît en surimpression une véritable coiffe, qui encadre le visage du personnage dessiné ! On apprend ainsi qu’il s’agit d’une coiffe de la vallée de l’Omo, en Éthiopie, effectivement constituée de cuir, d’os et de dents de phacochère. Est-ce la réalité qui inspire la bande dessinée, ou la fiction qui (re)donne vie à cette parure de chef, qui ne serait sinon qu’une pièce de musée, exposée telle un animal mort ?

Corto Maltese – La Ballade de la mer salée (1967) © Cong S.A. Suisse. D. R.
Masque (20e siècle – Papouasie-Nouvelle Guinée, région du Sepik) Collection Claudine Gay et Gilles Sournies © Photo O. Garcin – Musée des Confluences

Patrizia Zanotti nous indique que c’est la première fois qu’une exposition de bande dessinée est ainsi scénographiée, faisant dialoguer les dessins avec les objets, introduisant la troisième dimension dans un univers intrinsèquement à deux dimensions. Nous évoluons littéralement dans la BD, côtoyant et pouvant presque toucher les éléments iconiques de l’univers de Corto Maltese, notamment le scaphandrier et la marionnette, présents de manière diffuse et récurrente dans ses aventures… Seuls les initiés, dont je ne suis pas, savent l’importance de ces artefacts. Mais maintenant, grâce à cette visite, je sais tout ! Cette anecdote pour rassurer ceux et celles qui ne connaissent pas particulièrement l’œuvre de Pratt : il s’agit bien de mettre en lumière le dialogue entre objets réels et appropriation artistique.
Au fond de la salle, nous pénétrons dans un immense cylindre de tissu et nous voilà au cœur d’une lanterne magique. Assis sur des coussins au centre, nous regardons les dessins s’envoler sur la paroi, à côté des silhouettes projetées, comme plongés dans un rêve prattien où se mêlent monstres, Raspoutine, étoiles et masques lointains.
Émerveillée, les mains moites et la voix chevrotante, je m’approche
de Patrizia Zanotti :

« - C’est incroyable cette collection ! C’est magnifique de voir comme ça, en vrai, les œuvres représentées dans les BD.
– Oui, il faut considérer ça comme un retour aux sources ! Ce qui est intéressant, c’est que Hugo Pratt avait fait ce travail de recherche, par des voyages ou des visites, pour dessiner fidèlement ces objets. Et tant d’années après, nous faisons le chemin inverse, celui de retrouver les objets qui ont servi de modèle. Il s’agit de faire prendre conscience du travail d’investigation et de recherche, qui était beaucoup plus long et compliqué avant Internet ! »

Corto Maltese – Têtes et champignons (1970) © Cong S.A. Suisse. D. R.
Coiffe (20e siècle – Éthiopie, vallée de l’Omo, population mursi) Don d’Antoine de Galbert. Musée des Confluences © Photo Olivier Garcin – Musée des Confluences

Une dernière petite salle présente une partie de l’œuvre de Pratt publiée dans des magazines de BD, ou les magazines dont il s’est inspiré, en face d’un étonnant trombinoscope de tous les personnages rencontrés au fil des aventures de Corto Maltese. C’est le moment des questions-réponses, posées par les différents journalistes présents :
Q : cette exposition peut-elle amener des publics plus jeunes, qui ne connaissent pas nécessairement Hugo Pratt ou Corto Maltese ?
Yoann Cormier : cette exposition est conçue pour être familiale, les enfants peuvent aussi être fascinés par les objets du bout du monde.
Michel Pierre : Corto Maltese est un mythe qui dépasse la BD. Sans l’avoir lu, on le retrouve partout, dans des publicités de parfum, des nom de bars, même en Guyane où son image décore le bol pour payer le passeur qui fait traverser le Maroni !
Q : Corto Maltese prend quand même beaucoup de place dans cette exposition…
Patrizia Zanotti : Corto Maltese représente effectivement une grande partie de l’œuvre de Pratt, c’est notamment celle qu’il a à la fois écrite et dessinée.
Q : les BD de Hugo Pratt sont en noir et blanc, comment se fait la rencontre avec la couleur ?
Patrizia Zanotti : Pratt dessinait toujours en noir et blanc : l’exposition essaye de garder la philosophie de ce choix, et propose en contrepoint de mettre en valeur la couleur à travers les objets. On trouve une exception, c’est le travail d’aquarelle qu’il a fait pour les représentations des Indiens d’Amérique du Nord [dont Pratt était devenu un grand connaisseur, notamment toute la période des guerres indiennes en Virginie Occidentale N.D.L.R.].
Une dernière halte pour profiter de cette invitation feutrée au voyage, et c’est le retour dans le grand couloir clair du premier étage du musée.

© Hélène Zaremba
Petit masque (20e siècle – Papouasie-Nouvelle-Guinée, région d’Angoram) Musée du quai Branly- Jacques Chirac

Pistes pédagogiques

Projets menés par le professeur documentaliste seul

Dans le cadre d’un AP ou d’un club lecture, vous pouvez explorer les pistes suivantes :

Travail autour de la bande dessinée (collège)
Qu’est-ce qu’une BD ? Comment représente-t-elle le monde ? Quel peut être son degré de réalisme ? Ici, cette question prend tout son sens, car Hugo Pratt utilise des éléments très réalistes qu’il inclut dans une fiction, aux accents quasi oniriques. On peut ainsi comparer des BD type fantasy, aux univers complètement imaginaires, avec des BD très réalistes, voire documentaires.
Réalisations :
Exposition au CDI présentant différents types de BD sous l’angle de réaliste / pas réaliste / crédible / imaginaire.
Recréer l’univers d’un auteur en mettant en regard des planches de la BD avec des objets de la vie quotidienne.
Ce travail répond aux attentes du domaine 5 du socle commun : « Organisations et représentations du monde : il exprime à l’écrit et à l’oral ce qu’il ressent face à une œuvre littéraire ou artistique ; il étaye ses analyses et les jugements qu’il porte sur l’œuvre ; il formule des hypothèses sur ses significations et en propose une interprétation en s’appuyant notamment sur ses aspects formels et esthétiques. Il justifie ses intentions et ses choix expressifs, en s’appuyant sur quelques notions d’analyse des œuvres. Il s’approprie, de façon directe ou indirecte, notamment dans le cadre de sorties scolaires culturelles, des œuvres littéraires et artistiques appartenant au patrimoine national et mondial comme à la création contemporaine. »

Le travail de collecte de documents (lycée)
Dans le cadre des TPE cette proposition vise à sensibiliser les élèves au travail de collecte de documents : où trouver des documents fiables et comment les exploiter pour ne pas faire de paraphrase mais bien une création nouvelle. Le TPE n’est pas un exposé, mais bien un travail de recherche personnel problématisé, et doit donc générer une réflexion originale à partir de recherches.
Réalisation : étudier la collecte de documents et d’informations par Hugo Pratt et voir comment il se les réapproprie pour créer son œuvre. Transposer la méthodologie au travail personnel de chaque groupe d’élèves.
Ce travail répond aux attentes du domaine 2 du socle commun : « les méthodes et outils pour apprendre : ces compétences requièrent l’usage de tous les outils théoriques et pratiques à sa disposition, la fréquentation des bibliothèques et centres de documentation, la capacité à utiliser de manière pertinente les technologies numériques pour faire des recherches, accéder à l’information, la hiérarchiser et produire soi-même des contenus. »

Travail transdisciplinaire, EPI

Cultures du monde (documentation, histoire-géographie)
Hugo Pratt était un grand voyageur et s’est beaucoup inspiré de sa propre expérience pour raconter les aventures de Corto Maltese. Il a ainsi donné une représentation du monde ; au tour des élèves de donner la leur, en s’appuyant sur leurs recherches, et sur le travail effectué en cours d’Histoire-géographie sur les activités humaines autour du monde.
Ce travail répond aux attentes du domaine 5 du socle commun : « Organisations et représentations du monde : l’élève se repère dans l’espace à différentes échelles, il comprend les grands espaces physiques et humains et les principales caractéristiques géographiques de la Terre, du continent européen et du territoire national : organisation et localisations, ensembles régionaux, outre-mer. Il sait situer un lieu ou un ensemble géographique en utilisant des cartes, en les comparant et en produisant lui-même des représentations graphiques. »

Le récit d’aventure (documentation, français)
Le récit d’aventure est au programme du cycle 3, notamment en 6e. Un album de Corto Maltese peut être compris dans le corpus d’étude, et l’exposition permettra de faire un prolongement au travail effectué en classe.
Réalisation : co-construction et/ ou co-animation de la séance autour de Hugo Pratt et Corto Maltese. Co-organisation de la sortie des élèves à l’exposition, présentation d’albums au CDI.
Ce travail répond aux attentes du domaine 1 du socle commun : « des langages pour penser et communiquer : il découvre le plaisir de lire. L’élève s’exprime à l’écrit pour raconter, décrire, expliquer ou argumenter de façon claire et organisée. Lorsque c’est nécessaire, il reprend ses écrits pour rechercher la formulation qui convient le mieux et préciser ses intentions et sa pensée. Il utilise à bon escient les principales règles grammaticales et orthographiques. Il emploie à l’écrit comme à l’oral un vocabulaire juste et précis. »

Corto Maltese – La Ballade de la mer salée (1967) © Cong S.A. Suisse. D. R.