La ruralité

Le terme ruralité vient du latin ruralis qui signifie la campagne. L’INSEE1 caractérise ces territoires ruraux comme des espaces où la densité de population est faible. Certaines zones sont sous forte influence d’un pôle urbain ou non. Ce mot renvoie également aux modes de vie liés au fait d’habiter dans ces zones à faible densité. Les espaces ruraux étaient auparavant centrés autour de l’agriculture ; ils tendent aujourd’hui à être également tournés vers les paysages, l’environnement et le patrimoine.
Selon L’INSEE, 33 % de la population vit dans une zone rurale. Nos élèves y vivent donc pour 1/3 d’entre eux. Nous y travaillons et y habitons aussi. Cette ruralité est même au cœur des lycées agricoles. À quoi ressemble la ruralité dans nos CDI ? Dans nos partenariats culturels ? Dans nos pédagogies ?
Les zones rurales sont depuis longtemps le lieu d’une culture vivace, animée par des artistes et écrivains qui sont restés en lien avec le lieu où ils ont grandi (école de Brive, Colette, Marcel Pagnol, Jean Giono), qui s’y sont installés, attirés par la beauté des paysages et le faible coût de la vie (école de Pont-Aven et de Barbizon), ou qui s’en servent comme source d’inspiration majeure (George Sand et ses romans champêtres) ou plus ponctuelle (Émile Zola et Honoré de Balzac).
L’objectif de cet article est de proposer des ressources incontournables ou récentes qui témoignent de cette dynamique culturelle, afin de permettre aux élèves ruraux de se retrouver dans les rayons et dans les actions pédagogiques et aux urbains d’assouvir leur curiosité sur ces espaces.

 

Musées, expositions et festivals

Musées

La ruralité étant par définition disséminée sur le territoire, c’est dans les réseaux des musées locaux que le patrimoine rural et les pratiques culturelles, souvent paysannes, sont valorisés. L’avantage : il y a sans doute un musée proche de votre établissement scolaire !

Fédération des écomusées et des musées de société : un moteur de recherche permet d’accéder à l’ensemble des écomusées du territoire français.
https://fems.asso.fr/

Fédération des musées de l’agriculture et du patrimoine rural. Ce site recèle notamment une carte interactive qui renvoie vers les musées consacrés en totalité ou en partie à ces thématiques.
https://www.museesagriculture.fr/musees/

Les fermes pédagogiques : les deux principaux réseaux proposent soit des activités pédagogiques dans les fermes d’animation, soit la visite d’exploitations en activité.
Bienvenue à la ferme :
https://www.bienvenue-a-la-ferme.com/decouvrir-et-s-amuser-ferme-pedagogique
Accueil paysan :
https://www.accueil-paysan.com/fr/

Expositions – Festivals

Ma ruralité heureuse : un projet porté par la région Nouvelle Aquitaine en 2020 qui a fait appel aux talents des photographes amateurs pour recueillir une diversité de points de vue sur la campagne de cette nouvelle grande région. L’exposition peut être empruntée et est disponible en ligne.
https://www.urcaue-na.fr/ma-ruralite-heureuse-2/
Le livret de l’exposition :
http://www.urcaue-na.fr/wp-content/uploads/2022/06/livret_expo.pdf

Paysages français. Une aventure photographique, 1984-2017, BnF : une exposition virtuelle d’après un travail photographique pilotée par la DATAR (Délégation interministérielle à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale) qui a pour objectif de photographier le paysage français alors en plein renouvellement, loin des images d’Épinal. Les zones rurales y ont une place essentielle et la richesse de ce travail à la croisée entre géographie et art photographique vaut le détour.
http://expositions.bnf.fr/paysages-francais/#menu

Le monde rural vu par les artistes 1848-1914. Un parcours guidé au sein du musée d’Orsay qui permet d’aborder la deuxième partie du 19e siècle de façon interdisciplinaire : histoire, littérature et peinture.
https://www.musee-orsay.fr/sites/default/files/2020-12/fiche_visite_monde_rural.pdf

Caméras des champs – Festival international du film documentaire sur la ruralité,
Ville-sur-Yron (54) : tous les ans depuis 1999, ce festival s’attache à filmer la ruralité dans sa diversité, le plus souvent au format documentaire.
http://cameradeschamps.fr/

Dans les programmes

Collège

Sixième, Géographie. Thème 2 : « Habiter un espace de faible densité- Habiter un espace à forte(s) contrainte(s) naturelle(s) ou/et de grande biodiversité. – Habiter un espace de faible densité à vocation agricole ». Bulletin officiel spécial n° 11 du 26 novembre 2015

Lycée

Seconde, SVT. Les enjeux contemporains de la planète, Géosciences et dynamique des paysages, « Structure et fonctionnement des agrosystèmes » puis « Vers une gestion durable des agrosystèmes » : « Recenser, extraire et organiser des informations issues du terrain (visite d’une exploitation agricole, par exemple), pour caractériser l’organisation d’un agrosystème : éléments constitutifs (nature des cultures ou des élevages) ».
La Terre, la vie et l’organisation du vivant, Biodiversité, résultat et étape de l’évolution : « Au cours de sorties de terrain, identifier, quantifier et comparer la biodiversité interindividuelle, spécifique et écosystémique. »
BO spécial n° 1 du 22 janvier 2019

Première technologique, Géographie. Thème 3 : « Les espaces ruraux : une multifonctionnalité toujours plus marquée. » Sujets au choix : « Les espaces périurbains en France » « L’agro-tourisme en France » BO spécial n° 1 du 22 janvier 2019

Première générale, Géographie. Thème 3 : « Les espaces ruraux : multifonctionnalité ou fragmentation ? » ; « La fragmentation des espaces ruraux » ; « Affirmation des fonctions non agricoles et conflits d’usages » BO spécial n° 1 du 22 janvier 2019

Première voie professionnelle, Géographie. Un thème de géographie est axé sur les espaces urbains mais la ruralité appartient au corpus des notions. BO spécial n° 1 du 6 février 2020.
https://eduscol.education.fr/1790/programmes-et-ressources-en-histoire-geographie-voie-professionnelle

Pistes pédagogiques

Les programmes d’histoire-géographie proposent des études de lieux précis propices à la recherche documentaire et à la lecture de la presse. Il est alors possible d’affiner et d’apprendre aux élèves à repérer les stéréotypes dans les différents articles en fonction du type de documents (presse quotidienne régionale, journaux nationaux, communication des collectivités territoriales sous forme de magazines locaux, etc.).

La notion de marketing territorial abordée en lycée général et technologique peut être l’occasion de produire avec des élèves des supports de communication pour attirer des habitants sur des territoires à faible densité : quels atouts mettre en avant ? Quels codes de communication utiliser ? Quel est le public cible ? Les productions peuvent être exposées au CDI, publiées sur le site de l’établissement et /ou sur le portail du CDI. Ce travail peut se faire de façon interdisciplinaire en STMG.

Développer l’ouverture culturelle des établissements en instaurant des partenariats avec des structures culturelles et artistiques rurales. Cela peut, par exemple, prendre place dans le parcours avenir, les filières forestières et agricoles pouvant proposer des parcours de découverte
https://www.onf.fr/
https://chambres-agriculture.fr/

L’éducation socioculturelle en lycée agricole est une porte d’entrée vers des partenariats culturels tournés vers la richesse culturelle et artistique des zones rurales.
https://lebimsa.msa.fr/developpement-local/les-champs-de-la-creation-art-et-ruralite/

Valoriser les savoirs culturels ruraux au sein du CDI par des expositions autour de la pêche, des champignons, du jardinage et du bricolage, etc. Constituer un fonds spécifique : romans, documentaires.

Collaboration avec un professeur d’histoire : recherches documentaires dans les archives du site Retronews ; le lexique de la campagne dans la presse parisienne au 19e siècle.

Mise en place d’une veille documentaire sur e-sidoc autour de l’actualité culturelle rurale : expositions, résidences d’artistes, musées, cinémas, évènements musicaux, venue de compagnies théâtrales, journées du patrimoine, par exemple.

Avec les professeurs principaux, les PsyEN, les professeurs de SVT, découverte des métiers de la ruralité, notamment tout ce qui tourne autour de l’écologie, de la biodiversité et de la préservation du patrimoine naturel, de l’alimentation ; invitation de professionnels, visite de fermes pédagogiques.

Sites institutionnels

Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation. Réseau national agricultures et ruralités :
https://www.reseaurural.fr/
https://www.reseaurural.fr/sites/default/files/documents/fichiers/2021-12/2021_rrn_guide_culture_ruralite_2.pdf

Agence nationale de cohésion des territoires. Territoires et ruralités : Réduire les inégalités entre les territoires. Ce site répertorie depuis 2017 les politiques publiques nationales qui ont pour projet de réduire les inégalités entre territoires via une collaboration avec les collectivités locales.
https://agence-cohesion-territoires.gouv.fr/territoires-et-ruralites-99

Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, IGEN-IGAEN. Mission ruralité : adapter l’organisation et le pilotage du système éducatifs aux évolutions et aux défis des territoires ruraux, 2018. Rapport qui présente notamment les écarts en termes de poursuite d’études entre élèves ruraux et urbains. Ce phénomène est intéressant à analyser dans le cadre du parcours avenir.
https://www.education.gouv.fr/mission-ruralite-adapter-l-organisation-et-le-pilotage-du-systeme-educatif-aux-evolutions-et-defis-2864

Projet AGATE, INRAE : Institut National de recherche pour l’Agriculture, l’alimentation et l’Environnement, en partenariat avec la BnF et les Archives nationales : bibliothèque numérique autour de l’Agriculture, l’Alimentation, les Territoires et l’Environnement.
https://agate.inrae.fr/agate/fr/content/propos-dagate

 

Presse

Lycée

Espace rural, espaces ruraux, Géoconfluences, 2020.
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/espace-rural-espaces-ruraux.

Gandilhon, Michel, L’héroïne en milieu rural en France : une réalité ignorée, The Conversation, 16 juillet 2023.
http://theconversation.com/lhero-ne-en-milieu-rural-en-france-une-realite-ignoree-207844

Le monde rural dans le roman français. Lire n° 488, 09/2020, p. 62-69.

Les espaces ruraux en France, Documentation photographique n° 8131, 10/2019 : numéro entièrement consacré à la ruralité.

Mariette, Maëlle, Deux mondes paysans qui s’ignorent, Monde diplomatique n° 805, 04/2021, p. 18-19.

Marinone, Isabelle, Les paysans à l’écran : quelles représentations ? Cahiers français n° 431, 01/2023, p. 88-95.

Rieutort, Laurent, Les territoires ruraux face à quatre transitions, Population et Avenir n° 761, 01/2023, p. 4-7, 20.

Collège

Chez les paysans du Grand Siècle, Arkeo Junior n° 280, 01/2020, p. 20-21.

Land Art, DADA n° 241 : dossier, 2019.

Filmographie

Documentaires

Agou Christophe, Sans Adieu. Les Enragés, 2017, 99 mn. Un film qui montre la vie loin du monde des paysans du Forez, qui vivent de peu et souffrent des représentations associées à leur mode de vie.

Culand, Gabrielle. Sacrifice Paysan. Arte, Elephant prod, 2022. Ce documentaire s’ouvre sur le décès de Jérôme Laronze, agriculteur du Morvan, lors d’un contrôle de gendarmerie. Objectif : montrer les tensions entre la paysannerie traditionnelle et les contraintes liées aux nouvelles normes. Disponible sur :
https://www.youtube.com/watch?v=CxW5pWB7b5g

Depardon, Raymond. Trilogie, profils paysans : L’approche (2001), Le quotidien (2005), La vie moderne (2008). Issu d’une famille paysanne, Raymond Depardon, dans cette trilogie, filme avec pudeur un monde qui parle peu et souffre en silence.

Lifshitz, Sébastien. Adolescentes. Agat Films – Ex nihilo, 2019, 135 mn. Un documentaire qui suit pendant cinq années deux adolescentes corréziennes. Leur différence d’origine sociale est structurante dans ce film qui réussit aussi à montrer ce que c’est que de vivre dans une petite ville de province qui reste marquée par sa ruralité et où la nature est proche.

Prunault, Delphine. Moi, agricultrice. Galaxie Presse, LCP, France 3 Pays de la Loire, 2022, 52 mn. Un documentaire sur la place essentielle mais peu reconnue des femmes agricultrices.

Rouaud, Christian. Tous au Larzac, Elzévir Films, 2011, 120 mn. Documentaire sur les luttes paysannes contre l’extension du camp militaire du Larzac en 1971.

Rouquier, George. Farrebique. Les Films Étienne Lallier, 1946, 35 mn. Un film patrimonial entre fiction et réalité sur la vie d’une famille paysanne aveyronnaise.

Varda, Agnès. Les Glaneurs et la glaneuse. Ciné-Tamaris, 2000, 82 mn. Agnès Varda part à la rencontre des glaneurs des villes et des champs. Un film poétique sur le glanage, pratique ancestrale et rurale d’assistance aux démunis.

Les documentaires d’Armand Chartier qui a beaucoup filmé la ruralité dans les années 70. Ces films ont été réalisés dans le cadre du ministère de l’agriculture et sont disponibles sur le catalogue en ligne de la BnF :
https://www.bnf.fr/fr/filmer-la-ruralite

Fictions

Bergeon Édouard. Au nom de la terre. Diaphana distribution, 2019, 103 mn. La chute d’un paysan qui, pour échapper à ses difficultés financières, ne trouve pour seule solution que de mettre fin à ses jours

Charuel Hubert. Petit Paysan. Pyramide Vidéo, 2017, 86 mn. Pierre, un jeune paysan, gère un troupeau d’une trentaine de vaches. Lorsque sa sœur vétérinaire lui apprend qu’une de ses vaches est malade, il décide de le cacher de crainte qu’on abatte tout son troupeau.

Klapisch, Cédric. Ce qui nous lie. Ce Qui Me Meut, 2017, 113 mn. De retour en Bourgogne car son père est sur le point de mourir, Jean retisse des liens avec son frère et sa sœur au fil des saisons et de la culture de la vigne.

La guerre des boutons : un grand classique sur l’enfance à la campagne, à voir en version originale (1962, Yves Robert) ou en version revisitée (2011, Yann Samuell).

Salvadori, Pierre. La petite Bande. Les Films Pelléas, 2022, 106 mn. Des ados d’un village corse décident de saboter l’usine qui pollue leur rivière depuis des années. Un film décapant et drôle qui aborde de façon décalée les raisons pour lesquelles on est amené à vouloir protéger la nature qui nous entoure et les difficultés de l’adolescence.

 

Radio

Deroeux, Iris ; Amsellem-Mainguy, Yaëlle. « R » Comme Ruralité. Émission « Les Mots de La Science » : The Conversation, 29 avril 2021, 17 mn. Une histoire de la sociologie de la ruralité par l’autrice des Filles du coin. http://theconversation.com/les-mots-de-la-science-r-comme-ruralite-159848

Gillon, Gaël ; Maucort, Pauline. Le complexe rural. France Culture, série en 4 épisodes : 1. Grandir à la ferme, 58 mn. ; 2. La maison au village et les voisins parisiens, 1 h 05 mn. ; 3. Quand les femmes battent la campagne, 59 mn. ; 4. Choisir de revenir, 59 mn.

La ruralité est-elle un désert culturel ? Mercredi 31 mai 2023 France culture, 16 mn.

 

Harcèlement en littérature : dire l’indicible

À l’heure où cet article était en cours d’écriture, un adolescent de 15 ans, victime de harcèlement scolaire, se donnait la mort à Poissy. Son nom vient s’ajouter à une liste déjà trop longue pour la seule année 2023, faisant du harcèlement scolaire un problème de société majeur ainsi qu’un sujet médiatique de premier plan, comme l’attestent le large relais médiatique ainsi que les mesures institutionnelles récentes prises par Gabriel Attal : le décret du 16 août 2023, la journée de lutte contre le harcèlement, Safer internet day, le dispositif Sentinelles et Référents, Phare, Prix Non au harcèlement…
Pourtant, ce douloureux et complexe sujet n’est pas l’apanage de notre époque et de nombreux auteurs s’en étaient déjà emparés : Maupassant, dans sa nouvelle Le papa de Simon, Flaubert dans ses Mémoires d’un fou, Delacretelle, Jules Renard et d’autres avaient déjà écrit en leur temps sur le sujet.

 

Aujourd’hui, l’offre éditoriale est plurielle et se décline en différents formats et types de textes : certains ont une approche éducative, parfois trop appuyée, d’autres s’inscrivent dans une démarche davantage littéraire avec des textes complexes tant dans l’exploration de la psychologie des personnages que dans leur construction ou la variété des thématiques abordées. Mais l’essence est toujours la même, parler à l’intime et permettre au jeune lecteur de cheminer dans ses émotions et sa réflexion : « La littérature reste une des meilleures garanties pour espérer une sorte de progrès dans nos sociétés hypertechniques », nous dit Mario Vargas Llosa. Saisissons-nous de cette citation pour offrir à nos élèves des textes variés sur le sujet, pour les sensibiliser mais aussi parce que ce thème familier, effrayant et bouleversant peut les amener sur le chemin de la littérature.

Des formats courts pour des fictions à visée éducative

Il importe de toucher le plus grand nombre possible d’ados et pré-ados et pas uniquement les lecteurs confirmés qui tentent la folle aventure du roman de plus de cent pages. Les fictions pouvant constituer une sorte de « produit d’appel » sont nombreuses, dont quelques bandes dessinées.

Du côté de la BD et du roman

Dès 2012, Dominique Saint Mars et Serge Bloch imaginent dans une BD ludique et éducative au dessin humoristique, une Lili harcelée à l’école après s’être laissé séduire par une bande de filles populaires mais loin d’être bienveillantes. On y comprend que le harcèlement existe aussi dans le monde des adultes, puisque le père de Lili est contrarié à cause des moqueries répétées de ses collègues au sujet de la forme de son menton. On s’interroge aussi sur les motivations de la camarade qui harcèle Lili : elle manque totalement de confiance en elle et veut se donner avec sa position de bourreau l’illusion d’être forte. Autre bande dessinée qui choisit la distance de l’humour, Seule à la récré propose des planches aux dessins et couleurs tendres qui atténuent la gravité du propos ; elle nous livre l’histoire d’Emma, progressivement isolée et harcelée par ses camarades de classe, qui choisit au départ de ne rien dire, puis expliquera ce qui se passe à ses parents. La situation mettra néanmoins du temps à évoluer. On s’intéresse ici aussi à l’instigatrice de ce harcèlement, victime de la pression que ses parents exercent sur elle pour qu’elle soit la meilleure en tout, quitte à écraser les autres. Camelia, autre héroïne de bande dessinée, trouvera dans le soutien de ses parents et amis, mais aussi dans la pratique théâtrale, la force de surmonter l’épreuve et de faire face à la meute. On retrouve ici le thème de l’art libérateur.

Plus étoffé, utilisant lui aussi le ressort comique sans rien perdre de sa subtilité d’analyse et ponctué d’illustrations, le roman La Team collège interroge les liens amicaux, les stéréotypes sociétaux et la construction du phénomène de harcèlement.
Le recueil Malaise au collège propose quatre courts récits mettant en scène différentes formes de harcèlement (cyberharcèlement, racket, ostracisation, harcèlement physique) ; ils permettent une sensibilisation rapide, mais le texte devient parfois trop informatif.

Des pages documentaires et informatives viennent enrichir ces textes de fiction et proposent des descriptifs des mécanismes du harcèlement, des numéros d’écoute et des réseaux associatifs dédiés. Ils ont également en commun des « happy ends » grâce à la libération de la parole et l’écoute de proches, d’amis, de professeurs (c’est plus rare) ou de pratiques artistiques. Le bouc émissaire sort alors du cercle vicieux grâce à ses adjuvants. Mais la vie n’est pas un conte de fées et pour d’autres, le chemin sera plus laborieux, plus difficile encore.

Des fictions plus denses aux thématiques multiples pour une entrée en littérature

Des textes qui vont à l’essentiel

Il y a des textes qui cognent. Dans son court roman, Six contre un, Cécile Alix adopte un point de vue interne qui permet dès l’incipit une identification avec Ludo, bouc émissaire en raison de son surpoids. Le vocabulaire est cru, percutant, incisif et sans concession, pour un effet coup de poing propice à la prise de conscience ; c’est en permettant à ce corps moqué de s’exprimer par la danse, que Ludo retrouvera l’estime de lui-même et la confiance en la vie. Encore une fois, l’autrice propose l’art comme remède à la souffrance.
Même crescendo de violences et d’humiliations, même sensation de panique et d’impasse chez Arthur Tenor qui décrit un Enfer au collège à la construction habile. Il alterne le point de vue du bourreau et celui de sa victime, situe l’incipit après les faits, laissant pressentir au lecteur que quelque chose de grave s’est produit, sur lequel le récit nous éclairera. On retrouvera ce procédé dans le roman Blacklistée dont nous parlerons plus loin.
Les deux auteurs ont décidé de s’exprimer dans une postface, Cécile Alix par un plaidoyer aussi bref que percutant ; Arthur Tenor en expliquant comment le témoignage de la mère d’un jeune harcelé qui s’est suicidé l’a plongé dans l’urgence d’écrire.

Des romans plus étoffés : exploration psychologique, découverte d’autres univers…

D’autres romans abordent la question du harcèlement sans que ce soit le thème central et plongent le lecteur dans de nouveaux univers.
Ainsi, Sherman Alexie dans son roman autobiographique Le premier qui pleure a perdu raconte avec un humour féroce ses difficultés et péripéties d’adolescent harcelé : Junior, un jeune Indien Spokane souffrant de différents handicaps, vit dans une réserve indienne où dominent misère sociale et humaine. Il sait qu’un déplorable avenir l’attend s’il ne quitte pas la Réserve. Brillant, il est admis à Reardan, une école prestigieuse surtout fréquentée par les Blancs. Son amour du dessin, son travail, son talent et sa puissante autodérision lui permettront de s’en sortir.

Troublante similitude avec Max, jeune garçon handicapé, qui rase les murs pour éviter les moqueries et vexations répétées dont il fait l’objet depuis sa sixième, faisant de sa vie un calvaire. Là encore, la rencontre artistique avec une mystérieuse BD, Dragon boy, va s’avérer salvatrice : le héros et la comédie musicale vont l’inspirer au point de transformer sa vie. Le récit est entrecoupé des planches BD des jubilatoires aventures de Dragon Boy, véritable exutoire pour Max mais aussi pour le lecteur.
Ces deux romans semblent se faire écho tant par leur humour corrosif que par leur forme très illustrée, leurs thèmes et leur profonde humanité.

Dans Chère Fubuki Katana, Anne Lise Heurtier fait le choix de placer son récit au Japon. Sûrement pas par hasard, puisqu’on y excelle dans l’art de réparer les vases brisés : on met en valeur les brisures plutôt que de les camoufler et l’image est d’autant plus forte dans une culture où l’intime semble devoir rester muet. La jeune Emi et sa mère sont adeptes de cette activité. Emi est harcelée et tente vainement de faire bonne figure en taisant les humiliations dont elle fait l’objet quotidiennement. La construction du récit est singulière et très bien maîtrisée, le dénouement final est une surprise pour ne pas dire un choc. Ce roman vient interroger notre société contemporaine sur les thèmes de l’image, l’amitié, l’amour et le mensonge. La poésie, l’émerveillement et l’art sont néanmoins très présents, notes d’espoir et de beauté dans un texte d’une grande finesse.
On ne saurait évoquer le Japon sans proposer quelques mangas. Deux d’entre eux ont retenu mon attention par leur similitude : Kasane et Rouge Eclipse. Ils ont en commun deux héroïnes persécutées dans leur lycée à cause de leur physique jugé ingrat. Toutes les deux ont des relations compliquées avec leur mère pour des raisons différentes. Elles vont avoir recours à un procédé surnaturel pour se glisser dans le corps d’une jolie jeune fille populaire, qui s’avère être le bourreau dans l’un des deux cas. À peine sont-elles libérées de leur laideur qu’elles se laissent gagner toutes les deux peu à peu par la cruauté et la méchanceté, intéressante métaphore qui rappelle que les postures dans l’infernal triangle du harcèlement ne sont que postures et que chacun peut passer de l’une à l’autre… nombre de harceleurs sont ou ont été victimes de harcèlement. Ces deux mangas offrent une vraie réflexion sur la quête d’identité, l’estime de soi, le respect de l’autre, le bien-être psychique, autant de problématiques étroitement liées à celle du harcèlement.
Claire Mazard a choisi de parler du harcèlement dans un de ses romans noirs pour aborder ce thème. La commissaire Razinsky enquête sur le meurtre d’un jeune harceleur dont Anton, frappé de la malédiction d’être roux, était la victime. Ils se sont justement rencontrés le soir du meurtre. Mais le jeune harcelé ne sera finalement pas inquiété, il retrouvera une vie plus sereine. Au-delà de la problématique du harcèlement, bien d’autres thèmes sont abordés : liens familiaux, blessures, perte, deuil, exclusions… Le format enquête amène tout le suspense et les rebondissements propres au genre et rappelle que certains actes peuvent conduire à l’irrémédiable.

Les romans du passage à l’acte

Allure de roman noir également pour la couverture du best-seller Blacklistée à ranger du côté des romans addictifs. Il nous entraîne dans un lycée américain où l’image est un diktat, où la popularité se mesure à la marque de ses vêtements ou de son make-up et à sa capacité à être craint par les autres. D’un milieu social très favorisé, Regan, légèrement peste, voit son destin radicalement basculer à la suite de la diffusion publique de ses messages privés. Son statut d’icône populaire lui est instantanément ôté, ses « amies » lui tournent le dos, le harcèlement commence et sa vie devient un enfer. Dès lors, il lui faut trouver des stratégies de réhabilitation. Des secrets et un rapprochement avec le jeune Nolan vont bouleverser ses plans et lui permettre d’aller à la découverte d’elle-même. Cependant, une des élèves du lycée va payer le prix fort et aller jusqu’à une tentative de suicide dont elle sera sauvée in extremis.
Passage à l’acte aussi dans le roman déjà évoqué d’Athur Tenor, L’enfer au collège ou encore dans Silent Boy. Dans ce roman court et percutant, Gaël Aymon, qui avait déjà écrit sur le sujet (ndlr Ma réputation) fait vivre l’expérience d’une plongée immersive dans le monde des ados, leurs codes et leur vocabulaire. Anton, alias Silent boy sur les réseaux, est le témoin muet du harcèlement de Nathan, un jeune homme qui ne correspond pas aux stéréotypes de genre. Particularité, les réseaux sociaux jouent ici un rôle positif même si un personnage dira qu’il en a assez des relations virtuelles et préfère désormais se consacrer à sa vie réelle. Sur un tchat, Anton va échanger et devenir « ami » avec une jeune fille. Peu à peu, il va se dévoiler et puiser dans cette relation la force de sortir du silence. Mais il aura fallu la défenestration de Nathan pour qu’Anton soit gagné par la rage et la soif de laisser éclater la vérité. Loin de tout manichéisme, ce roman offre une lecture nuancée des postures et enjeux à l’œuvre dans le harcèlement, des émotions qui traversent les protagonistes et en particulier les témoins. Et il soulève la question de l’identité.
Suicide encore mais réussi cette fois dans 13 reasons why de Jay Asher dont a été tirée la célèbre série éponyme. Hannah Baker a pris le temps avant son suicide de s’enregistrer sur de vieilles cassettes audio pour expliquer les 13 raisons qui l’ont poussée à cette dernière extrémité. Clay est le premier garçon à recevoir les cassettes, lui qui pensait n’avoir rien à voir avec la mort d’Hannah. Le lecteur découvre le contenu des cassettes avec lui, ponctué d’incessants flash-back pour comprendre l’enchaînement macabre. Nul n’est épargné : camarades ayant nui directement ou indirectement à la jeune fille, profs ou parents quasi aveugles ou maladroits. Le lecteur sent se resserrer l’étau de la solitude extrême dans laquelle Hannah s’est trouvée plongée.

Dans Johnny de Martine Pouchain, c’est Alice, dont il était amoureux, qui démêle l’écheveau de l’histoire de Johnny, puisque lui n’est plus là pour raconter le calvaire qu’il a subi. Calvaire auquel Alice a d’ailleurs participé, sans penser bien sûr que les choses pouvaient aussi mal tourner. Cette histoire aussi crue et dépouillée qu’elle est brève, ne laisse pas le lecteur indemne.
Enfin, parce que les histoires vraies touchent les lecteurs et constituent une tendance éditoriale forte, on peut proposer sur nos étagères le témoignage de Nora Fraisse, maman de la jeune Marion qui s’est suicidée à l’âge de 13 ans : Marion, 13 ans pour toujours. Nora Fraisse, qui a contribué au scénario de la BD Camélia, fondé une association, et lancé des campagnes de sensibilisation. L’institution scolaire n’est pas épargnée dans son récit mais c’est une parole qui mérite d’être écoutée non pour se flageller mais peut-être pour interroger notre posture et notre vigilance.
D’ailleurs, dans nombre de textes évoqués dans cet article, les adultes, parents, professeurs, pris dans leurs rôles et préoccupations, au mieux jouent les aveugles et les indifférents, au pire aggravent les faits en s’en tenant aux apparences ou se disant que si l’on est rejeté par les autres, c’est qu’on ne fait peut-être pas d’efforts ! Quant aux parents, les enfants hésitent à leur parler pour les protéger puis finissent par leur en vouloir de ne pas comprendre où est le problème. C’est également la honte qui les pousse au silence.
Ainsi l’offre éditoriale sur la problématique du harcèlement est large tant par la diversité des genres que par la diversité des niveaux de lecture. Le professeur documentaliste dans sa double mission de veille informationnelle en lien avec l’actualité et de promotion de la lecture peut puiser là une matière sérieuse, propice à libérer la parole des élèves et à étayer leur réflexion. 
Ces ouvrages nous incitent surtout en tant qu’éducateurs à nous garder nous-mêmes des stéréotypes et des interprétations, à accroître notre vigilance, à ouvrir le dialogue. Et pourquoi pas à nous inscrire dans un dispositif existant, puisque le CDI est l’un des espaces phares de la vie des élèves dans les établissements.

 

 

Demain les IA génératives

Novembre 2022, ChatGPT, l’intelligence artificielle conversationnelle de l’entreprise américaine OpenAI conquiert la planète web en répondant instantanément à toute question des internautes de façon directe, synthétique et ordonnée. Cette IA s‘appuie sur un corpus textuel déterminé entièrement constitué de données issues du web mais non connecté à celui-ci en temps réel. Néanmoins, depuis 2019, la plateforme payante Playground d’OpenAI permettait déjà aux développeurs et à tout internaute féru d’algorithmes de tester les différentes versions de Cha­tGPT, grâce à de multiples réglages, et de générer du texte ou du code afin de les intégrer dans des applications. En 2023, tout s’accélère, avec le développement de versions toujours plus performantes, dont ­ChatGPT 4 (version payante), qui, grâce à l’un de ses plugins, peut désormais chercher des informations sur le web (actualité, sources, etc.). En mars 2023, OpenAI s’associe avec Microsoft qui intègre ChatGPT 4 au moteur de recherche Bing (application Copilot), rendant cette version accessible gratuitement au grand public. Enfin, en décembre 2023, OpenAI signe le premier accord de partenariat avec un important groupe de presse européen, Axel Springer, offrant ainsi l’accès à une base de données d’articles aux utilisateurs de ChatGPT 4.
La concurrence n’est pas en reste. Une course mondiale est engagée, de nombreuses autres IA conversationnelles performantes sont développées, parmi lesquelles on peut citer : Mistral AI (France), Perplexity AI (USA), Meta AI de Facebook (USA), Ernie Bot de Baidu (Chine) et, particulièrement, Bard de Google, sortie en 2023, dont la version multimodale1, Gemini, prétend rivaliser avec ChatGPT 4.
Les IA génératives2, dont font partie les IA conversationnelles, évoluent donc constamment et proposent également la création d’image à partir d’un texte (DALL.E d’OpenAI, Bing créateur d’image de Microsoft, Text to image de Canva, Midjourney avec Discord) ou la transcription vocale (Speech-to-Text de Google, Whisper d’OpenAI…). Elles se diversifient avec l’émergence d’autres options telles que la génération de vidéo, de musique, de traduction vocale, de diaporama à partir d’un prompt3. Il est également possible de faire une traduction vocale en langue étrangère d’un audio ou d’une vidéo (HeyGen). Une tendance vers les intelligences artificielles génératives multimodales semble donc se dessiner. Dans un avenir très proche, les IA génératives feront probablement partie de notre quotidien, exécutant de nombreuses tâches basiques ou complexes.

Face aux enjeux sociétaux liés au déploiement et à l’utilisation de ces nouvelles technologies, notamment les multiples plaintes en violation des droits d’auteur, les atteintes à la protection des données personnelles (RGPD), la CNIL a publié le 16 mai 2023 « un plan d’action pour un déploiement de systèmes d’IA respectueux de la vie privée des individus ». En outre, le 9 décembre 2023, l’Union européenne est parvenue à un accord entre les différents États membres sur un texte qui encadre les intelligences artificielles, l’AI Act : « Ce règlement vise à garantir que les droits fondamentaux, la démocratie, l’État de droit et la durabilité environnementale sont protégés contre les risques liés à l’IA, tout en encourageant l’innovation […]. Les règles établissent des obligations relatives au niveau de risque et d’impact que l’IA peut générer. »

À la suite de l’annonce, par le ministre de l’Éducation nationale, de l’introduction de l’IA dans l’apprentissage du français et des mathématiques en seconde (application MIA), dès la rentrée 2024, il est urgent de réfléchir à l’usage de ces outils, comme le signale Manon Lefebvre, dans son article sur ChatGPT, en nous présentant son fonctionnement, ses limites, et en suggérant des pistes de réflexion, d’apprentissage et de production de contenus pédagogiques.

 

 

Appel à contribution : Penser le CDI inclusif

Handicap, illettrisme, décrochage scolaire, besoins éducatifs ou pédagogiques particuliers, illectronisme… Comment penser le CDI inclusif en faveur de la réussite de tous les élèves ?

En 2006, l’Unesco définit l’inclusion comme « […] une approche dynamique [permettant] de répondre positivement à la diversité des élèves et de considérer les différences entre les individus non comme des problèmes, mais comme des opportunités d’enrichir l’apprentissage1 ». Dans la même veine, le récent manifeste IFLA-UNESCO sur les bibliothèques publiques de 20222 insiste sur les liens qui existent entre information, éducation, participation citoyenne et inclusion. De par leurs missions-clés, les bibliothèques sont appelées à contribuer à la construction de sociétés plus humaines, équitables et durables. Ce qui nous conduit à réfléchir à la contribution des CDI et au rôle des professeurs documentalistes.

Pour ce numéro, sont attendues des propositions d’articles sur les problématiques suivantes :
– accueillir et repenser les espaces documentaires (signalétique, circulation…) pour répondre aux besoins de chacun.e ;
– viser l’inclusion (numérique, culturelle, sociale, scolaire) de tous les élèves ;
– favoriser l’accessibilité des collections, des ressources, des documents et de l’information en tenant compte des singularités ;
– développer des activités pédagogiques et didactiques qui visent l’acculturation informationnelle de tous les élèves, dans leur diversité, dans le cadre de l’information-documentation et/ou de l’ÉMI.
– encourager l’insertion professionnelle, la coopération et la solidarité à l’école dans un but inclusif ;
– œuvrer à l’inclusion scolaire des élèves migrants, réfugiés et/ou nomades, en situation de handicap, à besoins éducatifs particuliers, en difficultés (d’ordre physique, psychique, moral, socio-économique et culturel) ;

Pour penser ensemble le CDI inclusif, nous avons besoin de vos réflexions, de vos mises en œuvre pédagogiques et d’exemples précis.

À vos idées ! À vos articles !

Date limite d’envoi des propositions de contribution
31 mars 2024

Pour une préparation optimale du numéro,
n’hésitez pas à contacter la rédaction au plus tôt

intercdi.articles@gmail.com

Image(s) de soi

Au moment où nous imprimons cette revue, nous apprenons avec effroi l’assassinat de notre collègue professeur de lettres, Monsieur Dominique Bernard. Toute la rédaction exprime sa peine et son soutien à sa famille dans ce moment particulièrement douloureux.

Dans un thèmalire particulièrement fouillé et documenté, Fanette Bianchi retrace l’évolution éditoriale des romans jeunesses centrés autour de la première relation sexuelle : depuis les débuts du genre dans lesquels la sexualité n’est mentionnée que de façon elliptique ou sous un angle préventif via ses conséquences, la plupart du temps dramatiques, jusqu’à nos jours où la première relation sexuelle et l’érotisme deviennent le thème central du roman avec un réel questionnement autour des sexualités, sans sombrer dans l’apologie des pratiques extrêmes. Une bonne introduction à l’éducation à la sexualité. À ce sujet, on lira avec attention l’ouverture culturelle de Yannick Denoix dans laquelle il ne manque pas de rappeler la grande liberté amoureuse et sexuelle de Colette, sans oublier ses multiples facettes artistiques et intellectuelles qu’il nous fait redécouvrir, à l’occasion des 150 ans de sa naissance.

Adeline Segui-Entraygues et Sybil Nile, dans un article consacré au selfie, reviennent sur son origine et sa proximité apparente avec l’autoportrait pour immédiatement élargir le champ en rappelant que le selfie constitue une forme de communication active à trois : émetteur, récepteur, contexte, qu’il est genré et qu’on ne peut limiter son interprétation au narcissisme de la génération des millenials. Elles plaident, exemples de séances à l’appui, pour une éducation aux usages numériques dispensée par les professeurs documentalistes qui permettrait aux élèves « de passer d’un statut d’objet ou de sujet de leur selfie à celui d’acteur ». Ceci afin de développer des pratiques d’information raisonnées : maîtriser son identité numérique, comprendre les multiples enjeux des réseaux sociaux, réfléchir à l’exposition et à la publication de soi. Agnès Deyzieux s’intéresse également à la question de la mise en image(s) de soi, de ses émotions en choisissant de rédiger un gros plan autour de Benoît Vidal, auteur de la BD Gaston en Normandie, lequel, pour raconter le débarquement en Normandie à travers les yeux de sa grand-mère, opte pour une forme tombée en désuétude mais réinventée par les éditions FLBLB : le roman photo.

Brigitte Réa analyse les évolutions catalographiques liées au développement d’internet, notamment la création de formats universels d’échange de données (UNIMARC), l’accès des usagers à la recherche sur des catalogues en ligne sans que pour autant les notices desdits catalogues soient accessibles via les moteurs de recherche type google et enfin, ultime étape, la transition bibliographique qui vise à adapter le catalogage à l’environnement Web afin de faciliter les recherches. Elle nous rappelle que ces évolutions sont déjà présentes sur nos portails avec, notamment, l’intégration de métadonnées issues de ressources numériques externes, celles de l’encyclopédie Wikipédia, par exemple, qui font d’ailleurs l’objet d’un focus dans la veille numérique de Gabriel Giacomotto. Enfin, Lucie Sire détaille dans une fiche pratique les étapes de la création d’un podcast, en passant par les partenaires et outils disponibles, les concours, les compétences travaillées, la réalisation et les droits. Elle conclut avec quelques exemples de podcasts bien choisis, notamment une série sur notre métier réalisée par deux professeures documentalistes : 621.3 Prof Doc sur Spotify, bonne écoute.

La transition bibliographique : que doit-on comprendre ?

Peut-on considérer que les catalogues de bibliothèques sont des outils obsolètes et pourquoi ? Les formats de ces derniers ne seraient plus adaptés aux usages et aux formats actuels du Web, ce qui, par conséquent, laisse à entendre qu’il convient d’engager une évolution en adéquation. C’est ce défi que les deux grandes agences bibliographiques françaises, ABES , BnF, ont décidé de relever en créant un programme en 2014 dont l’objectif est de permettre l’ouverture, sur le Web, des données et notices d’autorité contenues dans les catalogues. Ce processus d’adaptation suppose une période de transition appelée « transition bibliographique ». 

 

Le modèle actuel repose sur des fichiers qui présentent des fiches qui se succèdent et qui décrivent des entités matérielles en liste, fichiers de données bibliographiques juxtaposées, autorités et exemplaires. Il a donc été nécessaire de repenser le modèle existant afin de coller à celui du web sémantique ; il convient, à présent, d’aller vers des bases de données relationnelles ou orientées objet. Il est légitime de s’interroger sur toutes ces évolutions, y compris au sein des CDI en raison de l’intérêt, porté par les professeurs documentalistes, à la description des documents. De nouveaux enjeux professionnels concernant la description des objets du savoir sont donc essentiels à comprendre s’agissant d’éventuelles évolutions d’outils de gestion de nos catalogues ou relevant de la compréhension de la recherche dans les bases de données.
L’enjeu est double, il s’agit de réfléchir à un nouveau code de catalogage (RDA, Resource Description and Access) « afin de satisfaire au critère d’interopérabilité des données au cœur du web sémantique » (Raup, 2016)1 et à une adaptation des catalogues allant vers une inversion du système actuel, permettant ainsi de placer l’œuvre en tant que concept central (FRBR, Functional Requirements of Bibliographic Records-Spécifications fonctionnelles des notices bibliographiques).
Afin de mieux comprendre cette transition, nous devons, au préalable, revenir sur l’évolution des logiciels et portails documentaires et appréhender progressivement ce qui a permis l’engagement dans le processus.

Des catalogues vers le web de données

Pour rappel, un catalogue est un ensemble d’éléments constituant une collection. Les fonctions principales de ce dernier sont les description et localisation. Pour l’Agence bibliographique de l’enseignement supérieur (ABES) et selon le vocabulaire de la documentation, un catalogue est une « liste ordonnée de notices d’objets ou de documents (notice bibliographique, notice catalographique) d’une collection permanente ou temporaire, réelle ou fictive, constituant un instrument de recherche (identification et localisation de documents) et de gestion pour les utilisateurs. Un catalogue peut être consultable sur différents supports : fiches papier, catalogues imprimés, microforme, banque de données informatisée quel que soit son accès. L’ordonnancement ou l’accès peut être : chronologique ; topographique (par ordre de classement sur les rayons ou de cote de rangement) ; systématique ou alphabétique par titre, par auteur (catalogue-auteurs) ou par matière (catalogue-matières, catalogue-sujets)2. »
Cette définition renvoie au fonctionnement de la plupart des catalogues dans lesquels les notices sont classées au sein de fichiers en silos. Les différents fichiers sont reliés entre eux mais néanmoins indépendants (fichiers auteurs ou éditeurs).
L’informatisation des fonds documentaires s’est faite dans le respect des fichiers papiers qui permettaient autrefois l’accès aux documents. Ces fichiers étaient et sont, toujours, organisés en collection grâce au fruit d’un travail de catalogage, afin de répondre à plusieurs objectifs :
• permettre l’accès aux usagers ;
• conserver les documents ;
• réaliser des outils donnant accès aux différentes caractéristiques des documents sans avoir à les consulter, soit le catalogue.

Le catalogue est donc le fruit d’un travail construit dans le respect de différentes normes, telle que, entre autres, la norme Z44-050 (avril 2005) pour le catalogage des monographies. Ce qui est à comprendre dans les réalisation et réflexion autour de cet outil, c’est cette nécessité à penser et à adopter des décisions communes au niveau international. En 1961, lors d’une conférence internationale de l’IFLA (Fédération internationale des associations et institutions de bibliothèques), « Les Principes de Paris3 » sont adoptés afin de définir une position commune s’agissant des règles de catalogage et des formats. Des normes et formats vont donc être mis en œuvre afin de permettre l’échange de notices et la constitution de catalogues informatisés. Le format MARC (Machine Readable Cataloguing) est créé en 1965 à la Bibliothèque du Congrès, l’objectif majeur étant l’amélioration des échanges entre bibliothèques. L’ISBD M (International Standard Bibliographic Description) voit le jour, en 1971, et ouvre la voie à de nouvelles pratiques de catalogage normalisées. À la suite de la multiplication des formats MARC nationaux, la création d’un format universel UNIMARC vise l’uniformisation des échanges entre les différents systèmes. L’adoption est donc internationale et contribue à faciliter la collaboration entre les bibliothèques qui cherchent à progressivement informatiser leurs collections. Aujourd’hui d’autres langages tels que les SGML (Standard Generalized Markup Language) ou XML (Extensible Markup Language) permettent l’échange de données.

En France, au milieu des années 80, la bibliothèque Sainte Geneviève expérimente un logiciel, « MOBICAT », « logiciel de saisie guidée et d’aide au catalogage sur micro-ordinateur. Il permet, à partir d’une saisie en conversationnel des données bibliographiques, l’édition de fiches catalographiques conformes aux normes en vigueur dans les bibliothèques et la production d’un support magnétique structuré suivant un format international de type MARC4. » Ce logiciel n’a pas vocation à permettre la recherche par les usagers mais à faciliter la saisie du catalogage.
L’arrivée du web va engager différentes évolutions, dans un premier temps l’accès au catalogue sera rendu possible, sur la toile, grâce à un OPAC puis à un portail. Les logiciels portails documentaires voient le jour et sont dotés d’un SIGB et d’un CMS, soit un système permettant la création et la gestion des notices et un site, à l’exemple de BCDI et ESIDOC. « On parle de système intégré de gestion de bibliothèques (SIGB) quand toutes les fonctionnalités de gestion et de recherche des documents sont assurées par l’informatique ; le SIGB propose en effet une gestion intégrée de l’ensemble des fonctionnalités, les acquisitions, le catalogue et la recherche documentaire, le prêt, les statistiques, le bulletinage, voire le dépouillement des périodiques – chaque fonction correspondant à un module5. »

Les systèmes documentaires se sont adaptés aux attentes des usagers en simplifiant leur interface de recherche documentaire et en intégrant des possibilités de collaboration. Néanmoins les catalogues ne sont pas ouverts sur le web, puisque non interrogeables par les différents moteurs. C’est la raison pour laquelle la transition bibliographique sera mise en œuvre. Cet engagement est précédé par une période (1992 à 1997) durant laquelle un travail mené par un groupe d’expert sera conduit sur les protocoles de catalogage et donnera lieu à une production de données FRBR. « Il s’agit d’une modélisation conceptuelle de l’information contenue dans les notices bibliographiques. Ce n’est ni une norme ni un format de catalogage. » (Paillard, 2014, màj 2015). L’objectif étant d’inverser le modèle, lors d’une recherche il est possible dans un catalogue de trouver plusieurs versions d’une même œuvre ainsi celles-ci n’apparaissent pas sous leur forme intellectuelle mais en liste. « Le modèle FRBR inverse cette approche : le contenu, l’œuvre devient le concept central. » (Paillard, Ibid.).
Comme précisé par Françoise Leresche et Vincent Boulet dans l’article RDA comme outil pour la transition bibliographique : la position française (2016), il s’agit de ménager une transition en douceur. Le principe des FRBR repose sur un modèle entités-relations. Les entités au sein de ce modèle sont
• Œuvre : œuvre individuelle de création intellectuelle (loi, programme informatique, donnée, texte juridique) ou artistique (textuelle, musicale, graphique, photographique, filmique, cartographique, en 3D), des compilations d’œuvres, des parties composantes d’œuvres ;
• Expression : réalisation d’une œuvre sous la forme d’une notation alphanumérique, musicale, chorégraphique, sonore, visuelle, objectale, etc. ;
• Manifestation : matérialisation / publication d’expression(s) d’oeuvre(s) ;
• Item : exemplaire isolé d’une manifestation en un ou plusieurs volumes. » (Raup, 2016).

Ce modèle est à présent obsolète et a été remplacé par le Library Reference Model – Modèle de Référence pour les Bibliothèque (LRM), « modèle conceptuel publié par l’IFLA en 2017, conçu pour être utilisé dans le web de données et promouvoir l’utilisation des données bibliographiques. Il remplace les trois modèles FRBR, FRAD et FRSAD qu’il fusionne en résolvant les incohérences qui existaient entre ces modèles développés séparément. Modèle générique, il permet des extensions selon une granularité plus ou moins fine de l’information bibliographique, selon les implémentations et les règles de catalogage6. » Les technologies du web sémantique sont reprises par l’adoption du langage et modèle de graphe destinés à décrire de façon formelle les ressources Web et leurs métadonnées. La grammaire du web sémantique repose sur la construction de triplets aboutissant à des ensembles, les graphes. Le triplet est la plus petite unité de données du graphe, il est composé d’un sujet, d’un prédicat et d’un objet.

Exemple ci-dessous avec le livre Couleurs de l’incendie écrit par Pierre Lemaître.
Le titre est sujet de plusieurs objets ; quant à l’auteur, il est objet et sujet. Plusieurs triplets sont donc présents dans ce schéma et représentent le début d’un graphe.

Figure 1 – Exemple de triplet et de relations entre les différents éléments / Brigitte Réa

À la suite de la construction de ce modèle dans lequel l’œuvre devient le concept central, la question qui s’est imposée portait sur le passage d’un monde de normalisation des notices à un autre adapté à la logique du Web, dans lequel les données sont structurées afin de les partager et prenant en compte le modèle FRBR (Leresche & Boulet, 2016).
Le RDA-FR sera donc adopté en France en tant que nouveau code à appliquer au sein des bibliothèques permettant ainsi d’établir des règles françaises de catalogage adaptées au contexte du Web. « Le code RDA-FR est la transposition française du code RDA (Resource Description and Access), code de catalogage anglo-saxon à vocation internationale paru en 2010 et révisé en 2019. Dans le cadre de l’Afnor, le groupe Normalisation « RDA en France » de la Transition bibliographique a été mandaté pour adapter le nouveau code de catalogage aux pratiques et aux spécificités françaises. RDA-FR remplace progressivement les normes Afnor. Il s’appuie sur le modèle IFLA LRM (Library Reference Model) et définit une nouvelle approche du catalogage adaptée à l’environnement actuel des bibliothèques, dominé par le web7. »
« Conçu pour faciliter la recherche d’informations sur une ressource documentaire dans le contexte des technologies du web, le nouveau code de catalogage RDA-FR vise à ce que la description bibliographique et sa structuration répondent mieux aux différentes tâches des utilisateurs en ligne (trouver, identifier, choisir, obtenir, naviguer)8. »
Ce nouveau code permet de cataloguer la manifestation (l’édition produite ou publiée) et de construire des relations avec l’œuvre et ses expressions.

Figure 2 – Exemple de catalogage dans le respect du code RDA-FR / Brigitte Réa

L’information bibliographique dans RDA respecte le modèle IFLA-LRM (évolution du modèle FRBR) et repose sur un réseau de relations comme indiqué dans le schéma ci-dessus. La publication par le Livre de Poche en 2019 est une manifestation de l’œuvre de Pierre Lemaître Couleurs de l’incendie dont plusieurs exemplaires (item) se trouvent dans différentes bibliothèques. « La relation de sujet (indexation matière ou Dewey) se fera uniquement au niveau de l’œuvre. Le catalogueur n’aura plus à « réinventer » une indexation déjà créée pour cette œuvre9. »
Cette évolution qui semble essentielle pour les deux grandes agences françaises est-elle néanmoins considérée comme importante, voire mise en œuvre dans le monde de la lecture publique ?

Dans les bibliothèques et CDI : quelles retombées pour les usagers ?

Dans un article écrit par Fabrice Papy (PU université de Lorraine) et Edwige Pierrot (ATER université Aix-Marseille) La « transition bibliographique » en France : à qui profite le changement ?, la question est posée. Les auteurs s’interrogent sur l’ensemble des changements inhérents à ce programme laissant supposer que « l’exposition des données sur le Web serait malaisée, voire impossible, hors FRBRisation des catalogues. Or, depuis 1997, bien des technologies Web et des procédés de traitement ont mûri et les initiatives conduites par l’OCLC et l’ABES sur ces bases montrent que la transcription de la structure et des données des catalogues vers le Web des données est possible depuis plusieurs années. Pourtant, les bibliothèques municipales, généralement attentives à leurs usagers et soucieuses d’améliorer leurs services, n’ont pas encore réussi à s’emparer de ces évolutions technologiques destinées à soutenir de probables usages numériques qui restent encore à identifier. » (Papy & Pierrot, 201810).

S’agissant donc des bibliothèques ou des CDI, il y a lieu de s’interroger sur l’impact que ces changements auront sur l’usager. Toujours pour ces mêmes auteurs,
« il ne s’agit pas ici de remettre en question ici la pertinence de la famille de modèles FRBR qui a fait l’objet, pendant et après sa finalisation de nombreuses publications qui, en leur temps, ont souligné ses avantages et ses limites en fonction de contextes d’utilisation précis. La FRBrisation pour l’amélioration des usages et l’exposition des données sur le Web constitue un prétexte acceptable que les deux agences bibliographiques françaises ont élaboré pour orienter une stratégie globale du changement dont elles bénéficieront directement en les consacrant comme intermédiaire et fournisseurs de services et de données complémentaires pour les catalogues FRBRisés des bibliothèques. » (Papy & Pierrot, 2018).

Une prise en compte des usagers comme des implications budgétaires est nécessaire, et ce, parce qu’il convient de favoriser des lieux dans lesquels les espaces sont à construire avec ceux qui les fréquentent.
Ainsi nous devons peut-être, en notre qualité de professeurs documentalistes, maintenir notre connaissance sur les outils de gestion dont nous faisons usage au quotidien mais également nous affranchir d’un certain nombre de contraintes qui viendraient perturber nos activités pédagogiques et de gestion. Pour toutes ces raisons, les éditeurs de nos outils de gestion assurent un travail garantissant une évolution allant dans le sens d’une amélioration des fonctionnalités pour tous les utilisateurs, usagers et professeurs documentalistes.

D’après l’enquête annuelle TOSCA de 2023 (98 % du marché et 110 logiciels pour bibliothèques), il n’y a « pas de nouvelle solution sur le marché, mais une amélioration de l’offre existante et une progression de l’open source, en attendant la transition bibliographique et les nouvelles normes de catalogage ».
« PMB Services va mettre PMB en conformité avec le Référentiel général d’amélioration de l’accessibilité (RGAA). Grâce à un financement participatif, le module de diffusion et sélection de l’information sera entièrement refondu avec la possibilité de traiter tant les contenus éditoriaux du portail que les notices issues du catalogue ou des contenus de veille documentaire. PMB Services indique engager par ailleurs une réflexion sur l’écoconception. Réseau Canopé Pôle solutions documentaires a amélioré l’ergonomie des interfaces publiques d’e-sidoc avec notamment l’implémentation de la police Marianne et la refonte des interfaces de recherches experte et avancée. Une nouvelle version mobile a également été livrée. Un nouveau workflow est proposé pour l’administration des avis de lecture rédigés par les utilisateurs du portail. E-sidoc héberge désormais les métadonnées des articles de Brief.science, des vidéos d’ARTE Campus et des livres numériques des plateformes de Scholarvox CDI (édité par Cyberlibris) comme de BiblioAccess (édité par Numilog). L’interopérabilité avec Pronote a connu de nouveaux développements. En 2023, e-sidoc hébergera les métadonnées de Mémodocnet, base référençant des sites ou des parties de site internet sélectionnés sur la base de critères tels que la complémentarité avec les programmes scolaires, l’adéquation avec les sujets de recherche des élèves ou les compétences de lecteur requises pour une exploitation en autonomie par les élèves. Le support des fonctions de BCDI par un e-sidoc augmenté est annoncé pour 2024. » (Asselin & Maisonneuve, 2023, p. 7511).

Nous avons pensé également qu’il était important d’interroger Canopé Poitiers afin de comprendre comment se situait l’évolution de BCDI dans cette transition et nous vous livrons ci-dessous la réponse qui nous a été donnée par Christelle Fillonneau, directrice du pôle national Solutions documentaires (Réseau Canopé – Direction territoriale Nouvelle Aquitaine) :
«  Réseau Canopé via son pôle Solutions documentaires suit avec attention les travaux menés sur la transition bibliographique et notamment les évolutions induites par les trois chantiers les plus structurants : la validation du modèle IFLA LRM, la publication du format d’échange Unimarc LRM et la publication prochaine du manuel de catalogage RDA-FR.
Pour travailler autour de ces sujets, le pôle Canopé Solutions documentaires a été plusieurs fois en interaction avec des représentants du programme national Transition bibliographique. Par ailleurs, le pôle échange régulièrement avec la société Electre Data Services qui détient une expertise éprouvée du modèle LRM pour l’avoir mis en œuvre dans sa base de production et dans sa nouvelle version d’Electre (Electre NG). Dans le cadre de leur partenariat d’édition, Electre et le pôle déclineront très prochainement ce modèle dans le service MémoElectre Plus. Depuis quelques années, il est à souligner que les catalogues de CDI, accessibles depuis e-sidoc, évoluent de manière majeure avec la multiplication des ressources numériques acquises par les établissements. Par ailleurs, Canopé Solutions documentaires travaille actuellement sur un projet qui consiste à remplacer le logiciel BCDI pour proposer à terme de nouvelles fonctionnalités bibliothéconomiques au sein d’un espace numérique unifié. Il s’appliquera à prendre en compte les prochaines normes de description bibliographique dans ce futur service pour optimiser/alléger le travail de catalogage des professeurs documentalistes et réaliser des interfaces à destination des publics des CDI qui rendent compte de la richesse et de la pertinence des fonds documentaires physiques comme numériques. » (Fillonneau, 2023).

Cette transition, très certainement nécessaire au regard de l’évolution de l’accès à l’information, ne doit pas être source d’inquiétude parce qu’elle sera intégrée dans l’évolution de nos outils et même si elle ne concerne pas les professeur·e·s documentalistes dans l’immédiat, elle est cependant à connaître et à suivre avec intérêt parce qu’elle s’intéresse aux disciplines, situées au cœur de notre activité, à savoir la documentation et les sciences de l’information et de la communication.

 

 

Un selfie réfléchi : des pratiques d’information juvéniles à des pratiques documentaires raisonnées

Cet article prend appui à la fois sur une expérimentation pédagogique réalisée en contexte scolaire et sur une formation en documentation animée dans le cadre du Plan Académique de Formation (PAF), auprès d’enseignants documentalistes, en 2021-2023. Les séances pédagogiques proposées en sus mais non expérimentées sont le résultat du travail des participantes au stage de formation. Nous présenterons tout d’abord notre réflexion sur les enjeux éducatifs, sociaux et citoyens du selfie. Puis nous détaillerons une séquence pédagogique menée avec une classe de 4e. 

 

Propos liminaires

L’une des missions du professeur documentaliste mentionnée dans la circulaire de missions de 2017 est l’accompagnement des pratiques numériques juvéniles : « Il [le professeur documentaliste] prend en compte l’évolution des pratiques informationnelles des élèves et inscrit son action dans le cadre de l’éducation aux médias et à l’information. » Comme y invite le texte, intégrer ces pratiques à l’école apparaît essentiel : d’une part, pour ouvrir un espace d’échange auprès des adolescents et d’autre part, pour adapter la pédagogie documentaire en faisant notamment une place à la créativité numérique.

Le selfie, des enjeux sociétaux

Revenons, dans un premier temps, sur ce qu’est un selfie et sur ces enjeux.
Parfois considéré comme l’évolution naturelle de l’autoportrait hérité de l’histoire de la peinture, le selfie constitue un nouveau mode de communication et trouve sa place dans le monde médiatique et politique. Pour Laurence Allard, chercheure à l’Université Paris 3-IRCAV, « le selfie n’est pas seulement un autoportrait mais un autoportrait de soi dans le monde. Le plus important est à l’arrière-plan », c’est le partage d’une expérience1 qui est premier dans le message (Allard, 2014).
Ainsi, un selfie posté sur Flickr par Stewart Butterfield et Caterina Fake en octobre 2005 illustre ce point : intitulé “View – Hi mom”, il montre les deux co-fondateurs de la plateforme devant une vue de San Francisco. La légende indique : “This was sent for my parents as I was talking to them on a phone so they could see the view from where we were standing” – « Je l’ai envoyé à mes parents alors que nous parlions au téléphone pour qu’ils puissent voir la vue de là où nous étions ».

Figure 1 – Selfie de Stewart Butterfield et Caterina Fake devant une vue de San Francisco, octobre 2005. Source : http://journals.openedition.org/etudesphotographiques/3529 (Gunthert, 2015)

 

Le selfie participe d’une communication en triangle. L’image est un message virtuel dont l’interprétation dépend de l’émetteur, de l’occasion représentée et du récepteur. Sa compréhension résulte fortement du contexte dans lequel il s’inscrit. Lorsqu’ils s’y intègrent, les individus prennent une part active à l’action qu’ils décrivent : ils ne sont pas seulement spectateurs mais acteurs des événements.

Cette décision de se placer au centre de l’événement est-elle le résultat d’une attitude générationnelle tendant au narcissisme ? Il serait réducteur de répondre « oui » et naïf de répondre « non », nous optons donc pour une voie médiane.

La généralisation du selfie courant 2000 a conduit certains psychologues à qualifier la génération des millennials (née entre le début des années 1980 et la fin des années 1990) de génération narcissique et égocentrique. Ainsi Jean M. Twenge, autrice et psychologue américaine (Generation Me, 2006 ; The Narcissism Epidemic, 2009) affirme que l’éducation bienveillante et l’encouragement à l’expression de soi ont amené toute cette génération à avoir « le langage du moi pour langue maternelle ». On constate rapidement les dérives d’une telle réflexion, la pratique du selfie par la jeunesse devenant le bouc émissaire de toutes les difficultés rencontrées par la société : si le chômage augmente c’est parce que les jeunes ne veulent plus travailler, trop occupés qu’ils sont à prendre des selfies…

Il s’agit d’une approche caricaturale qui ne doit cependant pas nous faire oublier que le selfie est effectivement une pratique générationnelle et genrée.

Figure 2 – Les effets du genre et de l’âge sur la prise de selfies individuels. Source : https://doi.org/10.1016/j.chb.2016.05.053 (Dhir, Amandeep, Pallesen, Ståle, Torsheim, Torbjørn & Andreassen, Cecilie Schou, 2016).

 

Une étude récente (Dhir & al., 2016) montre que les adolescents (qui ne sont alors plus des millenials) postent davantage de selfies que les jeunes adultes, qui eux-mêmes en postent plus que les adultes. Et toutes catégories confondues, les femmes postent plus de selfies que les hommes. Ainsi, réduire la pratique du selfie à un mode d’expression égocentrique revient à dire que les adolescents sont plus narcissiques que les adultes mais aussi que les femmes sont plus narcissiques que les hommes…

La question est davantage celle de la représentation de soi de la personne qui prend le selfie. Est-elle sujet, objet, ou acteur de l’image d’elle-même qu’elle produit ?

Figure 3 – Courbe de mise en relation entre l’implication dans la prise
de photographie individuelle et les symptômes de la boulimie au regard du niveau d’auto-objectivation. Source : https://doi.org/10.1016/j.chb.2017.10.027 (Cohen, Rachel, Newton-John, Toby & Slater, Amy, 2018).

 

Rachel Cohen, Toby Newton-John & Amy Slater (2018) font un parallèle entre le nombre de symptômes de la boulimie apparue chez leurs patientes, la quantité de photos d’elles-mêmes qu’elles peuvent déposer sur les réseaux et leur niveau d’auto-objectivation. Ils remarquent que si le niveau d’auto-objectivation est haut, plus une patiente dépose de selfies, plus les symptômes de la boulimie seront multiples. À l’inverse, si le niveau d’auto-objectivation est bas, les symptômes diminuent, y compris lorsque la prise de selfies est importante.
Le rôle de l’enseignant documentaliste se situe à ce niveau : comment permettre aux élèves de passer d’un statut d’objet ou de sujet de leur selfie à celui d’acteur (acteur de la représentation d’eux-mêmes, de leur image numérique…) ? En d’autres termes, comment les amener à évoluer d’une pratique narcissique et/ou auto-objectivante à une réelle expression de soi ?

État de l’art et concepts en lien avec le selfie

Nous faisons ici un point théorique sur quatre notions que la pratique du selfie interroge : les pratiques d’information juvéniles, les réseaux sociaux numériques (RSN), l’exposition de soi et la publication.

Les pratiques d’information juvéniles

Chez les adolescents, les pratiques d’information, définies comme « l’ensemble des rapports à l’information qu’ils soient informationnels, communicationnels, sociabilisants ou ludiques » sont presque exclusivement centrées sur les RSN (Entraygues, 2020). Elles sont marquées par un primat des pratiques communicationnelles sur les pratiques informationnelles (Dauphin, 2012, p. 23), la communication représente un enjeu essentiel pour la construction identitaire adolescente.
Dans leur dimension informationnelle, les pratiques informationnelles renvoient au besoin d’information et à l’acte de s’informer (Aillerie 2011, p. 99‑100). Elles correspondent alors à « la manière dont un ensemble de dispositifs, de sources formelles ou non, d’outils, de compétences cognitives sont effectivement mobilisés, par un individu ou un groupe d’individus, dans les différentes situations de production, de recherche, d’organisation, de traitement, d’usage, de partage et de communication de l’information ». (Chaudiron & Ihadjadene, 2011, p. 12.)
Enfin, rapportées à un objectif éducatif, elles participent d’une socialisation informationnelle, définie comme « un ensemble d’inculcations qui concerne aussi bien les pratiques, les représentations et les attitudes communicationnelles ». (Chapron & Delamotte, 2010, p. 291.) Ce qui montre l’importance d’une éducation à des pratiques raisonnées, tournées vers le développement d’une culture critique de l’information (Entraygues, 2019).

Les Réseaux Sociaux Numériques (RSN)

Les réseaux sociaux sont au centre des pratiques des jeunes et servent à partager, communiquer, s’informer et à se divertir. Ces dispositifs techniques fonctionnent à partir de trois éléments : le profil, le réseau et le contenu. Les définitions qui suivent mettent en lumière leurs spécificités de fonctionnement :
« Un site de réseau social est une plate-forme de communication en réseau dans laquelle les participants 1) ont des profils uniques identifiables constitués de contenu fourni par l’utilisateur, de contenu fourni par d’autres utilisateurs et / ou de données fournies par le système ; 2) peuvent articuler publiquement des connexions qui peuvent être vues et traversées par d’autres ; et 3) peuvent consommer, produire et / ou interagir avec des flux de contenu généré par les utilisateurs provenant de leurs connexions sur le site. » (Ellison & Boyd, 2013.)
« Les RSN comportent 1) une dimension technologique (services et technologies web, base de données, intelligence artificielle) ; 2) une dimension documentaire (informations personnelles et nominatives, documents, pages, contenus textuels, photos, vidéos) ; 3) une dimension sociale (traces numériques, liens et relations entre les personnes, discussions synchrones ou asynchrones, réactions, partages). » (Capelle & Rouissi, 2018, p. 12.)
À ces définitions, Alexandre Coutant et Thomas Stenger ajoutent une caractéristique qui selon eux est centrale à l’utilisation des RSN, l’importance des liens relationnels : « Il s’agit de spécifier la particularité des usages observés sur les réseaux socionumériques : ces sites fondent leur attractivité essentiellement sur l’opportunité de retrouver ses « amis » et d’interagir avec eux par le biais de profils, de listes de contacts et d’applications à travers une grande variété d’activités. » (Coutant et Stenger, 2011 ; Coutant, 2011.)

Exposition de soi et identité numérique

La diffusion de selfies sur les RSN pose la question de l’identité numérique, un ensemble de signes qui manifeste l’utilisateur sur Internet, et elle met en lien publication et exposition de soi. Fanny Georges distingue trois types d’identités, dont certaines sont non maîtrisables par l’usager : l’identité déclarative, l’identité agissante et l’identité calculée (Georges, 2008 ; 2009 ; 2010). La notion de visibilité développée par Dominique Cardon engage la connaissance de ces enjeux (Cardon 2008).
Pour des adolescents en quête de construction identitaire, l’identité numérique est souvent au cœur des relations sociales entre jeunes. De la composition de cette image dépend la reconnaissance affective par les pairs.
Nous pouvons mentionner ici L’invention de soi du sociologue Erving Goffman pour qui « l’individu doit compter sur les autres pour compléter un portrait de lui-même qu’il n’a le droit de peindre qu’en partie » (Goffman, 1974, p. 75), un point de vue très moderne et applicable aux pratiques d’exposition de soi sur les réseaux sociaux. Les chercheurs parlent ainsi de textualisation de soi (Allard, 2005), de figuration de soi (Allard & Vandenberghe, 2003) ou de mise en forme de soi (Coutant & Stenger, 2012), ce qui procède d’une forme de théâtralisation de l’identité. Réfléchir sous ce prisme-là, c’est réfléchir à son identité numérique.

La publication

Parfois caractérisé de photo sociale, le selfie est directement lié à la publication. Travailler le selfie en classe peut être l’occasion d’aborder la notion de publication, « action de rendre public, à travers le filtre des réseaux sociaux, questionnant la notion de diffusion et de communication sur un espace spécifique les RSN » (Apden, 2015), ce qui permet d’engager une réflexion sur cet acte d’un point de vue citoyen, en tant qu’acteur de la société de l’information.
Dans ce contexte, la publication pédagogique s’inscrit pleinement dans les missions de l’enseignant documentaliste. Elle trouve naturellement sa place dans les projets : qu’il s’agisse de développer la motivation, de valoriser les productions des élèves, de favoriser la communication entre pairs en respectant une déontologie numérique, ou d’accompagner des pratiques sur un support informel.

Un exemple de séquence pédagogique : pour un selfie réfléchi

La séquence présentée ci-après a été expérimentée avec une classe de 4e SEGPA. Nous proposons de développer son déroulé. Nous l’avons nommée «un selfie réfléchi» car nous souhaitions amener les élèves vers des pratiques d’information raisonnées (au sens de raisonnement) et leur faire comprendre les enjeux multiples qui se cachent derrière cette pratique juvénile quotidienne.

Objectifs de la séquence pédagogique

Les objectifs de la séquence sont d’engager une réflexion sur la notion de selfie, de faire comprendre aux élèves la différence entre selfie et autoportrait, et de les sensibiliser aux notions d’exposition de soi et de publication. Composée de trois séances d’une heure, la séquence a été réalisée en co-intervention avec le professeur de français. La production finale, à savoir le selfie réfléchi, est l’objet d’une évaluation.

Déroulé de la séquence

Séance 1 : Qu’est-ce que le selfie ?
Pour débuter la séance, nous avons choisi d’entrer directement dans le vif du sujet, mettant les élèves en activité en leur demandant de réaliser un selfie et de nous l’envoyer. Nous avons donné nos coordonnées téléphoniques pour rassembler et pouvoir projeter les selfies de tous les élèves. Nous aurions pu demander aux élèves de les déposer sur une plateforme.
Dans un deuxième temps, nous voulions comparer les représentations des élèves : pour ce faire, ils devaient répondre à deux questions sous la forme d’un questionnaire interactif sur Wooclap2. Les questions étaient :
Pour vous, un selfie et un autoportrait, c’est pareil ? OUI ou NON ;
Donnez un mot-clé que vous associez au selfie.
Nous avons ensuite confronté les réponses, laissé la place au débat et travaillé sur la définition à partir des mots-clés choisis. Quelques critères du selfie ont fait consensus : la photo de soi prise par soi-même, le smartphone, le réseau, le partage. La discussion s’est prolongée sur la notion de publication, de partage et d’exposition de soi.
Pour conclure la séance, nous avons travaillé à partir de la définition d’égoportrait extraite du site de l’Office québécois de la langue française : « Autoportrait photographique fait à bout de bras, la plupart du temps avec un téléphone intelligent, un appareil photo numérique ou une tablette, généralement dans le but de le publier sur un réseau social3

Nous avons intégré le visionnage d’une vidéo4 de la Collab’de l’info disponible sur la plateforme Lumni qui revient sur les objectifs pour réfléchir au rôle du selfie dans la société, notamment dans les médias (Marteau & Porcel, 2018).

Séance 2 : Préparation du selfie
Pour la deuxième séance, nous sommes passées à la mise en œuvre avec comme consigne d’imaginer un selfie réfléchi mis en scène pour se représenter.
L’objectif était alors de réfléchir à ce qu’on veut montrer de soi, de sa personnalité, de ses goûts en construisant précisément la composition de la photo. Les élèves devaient aussi réfléchir au lieu, à leur expression sur la photo et au cadrage.

Séance 3 : Réalisation et mise en scène de soi
La consigne a été donnée aux élèves d’apporter tout le matériel nécessaire à la réalisation du selfie : smartphone et accessoires pour la décoration. Du temps a été consacré à la réalisation.
Une fois le selfie réalisé, ils devaient écrire quelques lignes sous la forme d’un texte autobiographique ou d’un poème pour l’accompagner dans le cadre du partenariat avec le professeur de français.
Les productions de cette séquence ont été valorisées et affichées dans la classe ; elles peuvent être diffusées sur le site de l’établissement sous réserve des autorisations requises et de l’acceptation des élèves. Elles peuvent également constituer une photo de classe afin de donner une dynamique de groupe.

Pour conclure

Cette séquence sur le selfie permet d’ouvrir le débat sur une pratique d’information juvénile quotidienne et de questionner l’exposition de soi et la publication pour des adolescents en quête de reconnaissance des pairs. Elle peut se décliner avec tous les niveaux de classe au collège (mais aussi en 2de Bac Pro5) et peut donner lieu à des partenariats disciplinaires variés. Nous proposons en illustration de cet article, en annexes (1 à 4), les réalisations des participantes au stage ‌de formation.

 

 

Annexe 1

Séquence
« Un selfie original qui me ressemble »

Cécile Mauron, Élodie Delage & Sandrine Reynaud, participantes au stage de formation

Un documentaliste et un professeur d’arts plastiques/Une classe de 3e.

• Séance 1 au CDI : recherches sur l’ordinateur
Trouver, par groupe de deux, deux autoportraits originaux réalisés par des artistes connus ou des célébrités.
Projection et analyse commune de ces autoportraits (En quoi ces autoportraits sont-ils originaux ?).
• Séance 2 au CDI
Les élèves remplissent une fiche les décrivant : description physique, centres d’intérêt, qualités, défauts (apprendre à se connaître).
Ils imaginent un selfie original à partir de leur description personnelle et des exemples vus en séance 1. Ils font un croquis de leur selfie en tenant compte des éléments suivants : cadrage/ point de vue/lumière/décor/accessoires/message sur pancarte.
• Réalisation du selfie à la maison. Envoi par mail à la professeure documentaliste.
• Impression et accrochage des selfies au CDI. Vote des autres élèves à qui on demande de choisir le selfie le plus original.

 

 

Annexe 2

Séquence
« Se décrire, s’écrire »

Régine Vidal & Carine Bonnard, participantes au stage de formation

Socle Commun de Connaissance et de Culture
Domaine 1. Des langages pour penser et communiquer (notamment langue française, langues vivantes ou régionales et langage des arts et du corps).

La séance est proposée à une classe d’UPE2A de lycée, des élèves à spécificité particulière1. Parfois les élèves confient qu’ils sont différents dans leur pays et en France : introvertis ici, réservés là-bas – ou inversement ! Comme s’ils étaient deux personnes distinctes et que c’était pour eux une des manières d’affronter le changement et d’en venir à bout.

Les objectifs : communiquer, prendre confiance en soi, au sein du groupe, s’ouvrir, s’épanouir et « mesurer le chemin parcouru ».

L’évaluation se fait en deux temps. La première, par les élèves eux-mêmes, lors des présentations orales souvent commentées, approuvées, appréciées.
La deuxième, par le professeur de FLE et le professeur documentaliste sur des critères d’originalité, d’humour, de créativité, d’investissement. Pas de note.

La production finale : un carnet individuel fabriqué à partir des selfies, dessins et commentaires collectés pendant ces quatre temps. Les commentaires sont écrits à la main ou tapés à l’ordinateur (au choix), pourvu que cela soit fait proprement. Les élèves conserveront leur carnet.

Le téléphone intelligent est un medium nécessaire chez les élèves. Il leur permet, surtout au début, d’effectuer des traductions.

La séquence se déroule en quatre temps, essentiellement au CDI. Chaque selfie est accompagné d’un texte de plus en plus élaboré en français. Tous les travaux sont conservés au CDI ou en classe. La longueur des séances est forcément variable : il faut prendre son temps.

• Dans la classe
« Comment je suis maintenant ».
Prendre un selfie au tout début de leur arrivée dans l’établissement avec un objet (vêtement, bijou, costume, jouet, photo…) représentant le pays qu’ils quittent, leur famille, les traditions.
Ils doivent également rédiger un court texte dans leur langue expliquant ce choix et la prise de vue. Ils peuvent faire parler l’objet.
Ils se présentent à l’oral en français : nom, prénom, âge, nationalité et montrent la photo.
On se pose la question du terme selfie : existe-t-il dans leur langue, sinon quel est-il ? Ils l’écrivent sur une feuille.

• En dehors de la classe
Prendre un selfie (avec un peu d’aide selon le cas) d’eux en train de pratiquer un hobby, un sport, une activité culturelle. Ils doivent également se dessiner et répondre aux questions :
« J’aime parce que… »
« Je pratique parce que… »
Argumentation en français, présentation à l’oral.

• En classe, un 3e selfie et/ou 4e selfie symboliques (partiel ou total)
Comment sont-ils en classe UPE2A et dans la classe d’inclusion ? Comment se voient-ils au sein des groupes ? Quels sont les adjectifs qui traduisent leur place ?
Description, comparaison en français, présentation à l’oral

• En classe, un selfie de fin
« Comment suis-je maintenant, après quelques mois dans mon pays d’accueil ?»
Prendre le selfie de fin avec un objet français représentatif, bizarre ou curieux.
Présentation à l’oral. Comparaison avec le selfie de départ.

 

1. L’UP2A (unité pédagogique pour élèves allophones arrivants) est un dispositif d’aide à l’apprentissage du français par les élèves nouvellement arrivés en France (primo-arrivants) et allophones.

 

 

Annexe 3

Séquence
« Se représenter dans la peau d’un élève anglo-saxon »

Milena Geneste & Laurence Bardin, participantes au stage de formation

Anglais cycle 4 (5e)

Les objectifs disciplinaires
– Découvrir les aspects culturels d’une langue vivante ;
– Percevoir les spécificités culturelles des pays et des régions de la langue étudiée en dépassant la vision figée et schématique des stéréotypes et des clichés ;
– Mobiliser ses connaissances culturelles pour décrire des personnages réels ou imaginaires, raconter.

Les objectifs info-documentaires
– Aspect fictionnel du selfie qui ne représente pas forcément la réalité, le quotidien de l’élève ;
– Mener des recherches documentaires.

Le contexte/Le scénario
Une enseignante d’anglais souhaite travailler avec le profes­seur documentaliste. Les élèves de sa classe de 5e doivent se mettre dans la peau d’un élève anglo-saxon. Après avoir effectué des recherches documentaires au CDI (livres, revues et recherches en ligne), les élèves découvrent la culture anglaise. Ils doivent ensuite se mettre en scène en prenant un selfie réfléchi : mise en scène, accessoires… Cela se fait au CDI avec le matériel du CDI (appareil photo, tablette…).

Organisation de la séquence
En amont de cette séquence, l’enseignante d’anglais a déter­miné une liste des thèmes qu’elle souhaite traiter : les différents repas, les loisirs, l’école, des monuments emblématiques…
Le professeur documentaliste a sélectionné des sites fiables correspondant au sujet.
Les enseignants ont préparé une trame pour les recherches avec quelques éléments à travailler impérativement.

• Séance n° 1 (1 h)
Présentation aux élèves des objectifs de la séquence. Répartition des élèves par groupe de deux ou trois. Chaque groupe tire au sort le thème qu’il aura à traiter.
Les élèves débutent leurs recherches.

• Séance n° 2 (1 h)
Les élèves terminent leurs recherches. Ils peuvent imprimer des images (en demandant l’autorisation aux enseignants). Ils réfléchissent à la mise en scène de leur selfie.
Devoirs à faire : les élèves réfléchissent à leurs accessoires et doivent les apporter au prochain cours.

• Séance n° 3 (1 h)
Chaque élève met en place son matériel, se prend en photo individuellement (avec le matériel du collège) dans le studio (réserve du CDI). Pendant ce temps-là, les autres élèves trouvent une légende à leur selfie (écrite en anglais). Au fur et à mesure, les photos et les légendes sont déposées par les enseignantes sur un mur virtuel privé.

• Séance n° 4 (1 h)
Correction des légendes par l’enseignante d’anglais. Réflexion et débat autour de la notion de stéréotype.

 

 

Annexe 4

Séquence
« Je suis une œuvre d’art »

Nadia Ghani & Laureline Vles, participantes au stage de formation

Une séquence Documentation/Arts plastiques

1. Recherche documentaire dans le fonds du CDI ou sur internet. Constitution d’un corpus de portraits et d’autoportraits (peinture) ;
2. Réaliser un selfie ressemblant à un portrait mais détourné, avec un accessoire ou une pose qui représente l’élève : intégrer un élément qui le caractérise.
– Analyse en arts plastiques : comment reconnaît-on l’élève ?
– Notion de représentation de soi en info-documentation.

• Séance 1
Au cdi, présentation du projet et réalisation de selfie en vue de créer une exposition de portraits-selfies (cadres or). Distribution d’une fiche outil pour effectuer des recherches documentaires
Choisir un portrait dans lequel vous vous reconnaissez (ambiance, physique, couleurs, endroits, origines…).

Objectifs info-documentaires
– Exploiter le centre de ressources comme outil de recherche de l’information ;
– Développer des pratiques culturelles à partir d’outils de production numérique.

Objectifs en arts plastiques
– Faire preuve d’autonomie, d’initiative, de responsabilité, d’engagement et d’esprit critique dans la conduite d’un projet artistique ;
– Mener à terme une production individuelle dans le cadre d’un projet accompagné par le professeur ;
– Porter un regard curieux et avisé sur son environnement artistique et culturel, proche et lointain, notamment sur la diversité des images fixes et animées, analogiques et numériques.
1. Choix d’un artiste
2. Choix d’une œuvre
3. Citation de la source

• Séance 2 : Le storyboard de mon projet
Les élèves viennent avec le portrait choisi.
Fiche outil pour analyser le portrait choisi (composition du portrait, lieu, expression du visage, cadrage, couleurs).
Préparation de la mise en scène de leur futur selfie à l’aide d’un storyboard (composition de la photo, lieu, expression du visage, cadrage, couleurs, idées d’accessoires qu’ils ont à la maison, idée pour personnaliser le selfie, soit par un accessoire, soit par un geste, une posture, une expression, trouver un titre personnalisé à son œuvre).
Consigne : ne pas copier le portrait, faire un selfie inspiré mais unique. Reconnaître l’œuvre mais surtout l’élève.
Devoirs : photo à réaliser à la maison.

Objectif en arts plastiques
– Recourir à des outils numériques de captation et de réalisation à des fins créatives.

Objectif info-documentaire
– Découvrir des représentations du monde véhiculées par les médias.
• Séance 3 : La présentation des selfies de chaque élève
Argumentation sur le choix de l’œuvre (procédé de confection, expression des difficultés rencontrées).

Objectif en arts plastiques
– Expliciter la pratique individuelle ou collective, écouter et accepter les avis divers et contradictoires.

Objectif info-documentaire
– Exploiter l’information de manière raisonnée.
• Séance 4 : Le montage de l’exposition au cdi : panneaux avec selfie et portrait original à côté
Classification par courants artistiques selon les siècles.

Objectifs info-documentaires
– Classer ses propres documents sur sa tablette, son espace personnel, au collège ou chez soi sur des applications mobiles ou dans le « nuage » ;
– Organiser des portefeuilles thématiques.

 

 

Veille numérique

éducation

Dictionnaire de l’Académie française

La première édition du Dictionnaire de l’Académie française date de 1694. Le portail numérique de l’Académie française met à disposition les 9 éditions du dictionnaire. Par défaut, la définition est celle de la neuvième qui est plus descriptive et comprend l’étymologie, la métalangue, la révision de l’orthographe de 1990 et des titres d’œuvres pour illustrer les mots. La nomenclature est passée de 32 000 mots (8e éd) à 55 000 mots (9e éd). Le portail du dictionnaire est enrichi de ressources éditoriales : conjugaison intégrale de 6200 verbes, difficultés ou curiosités de la langue française, liens hypertextes vers le portail Gallica de la BnF, courriers des internautes, liens vers France Terme (terminologie), liens vers la BDLP et l’OQLF (francophonie).
 https://www.dictionnaire-academie.fr/

Le projet AGATE de l’INRAE

L’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement développe le projet AGATE, une bibliothèque numérique patrimoniale. Son objectif est de mettre en valeur le fonds numérisé de l’INRAE (images et monographies) en partenariat avec la BnF et les Archives nationales. Les thématiques : Agriculture, Machinisme agricole, Restauration des terrains en montagne, Montagnes, glaciers et alpages, Comité d’histoire, Botanique, Vigne et vin, Entomologie.
 https://agate.inrae.fr/agate/

Lizards & Lies, jeu sur la théorie du complot

Ce jeu de société simule l’évolution de la désinformation en ligne. Pour cela, une équipe composée de trolls et de conspirationnistes propage de fausses informations, tandis qu’une autre équipe composée de modérateurs et de décrypteurs tente de freiner l’extension des fake news ! Ce jeu de plateau canadien est téléchargeable gratuitement en français, anglais et lituanien.
 https://www.lizardsandlies.ca/

Wikipédia

Wikipédia hors ligne

On méconnaît souvent le possible téléchargement gratuit et légal de l’encyclopédie Wikipédia sur un ordinateur. À l’heure de la fibre et du haut débit sur presque tout le territoire, l’intérêt semble limité. Néanmoins, certaines localités subissent régulièrement des coupures internet (intempérie, entretien du réseau…) et le réseau internet en dehors de l’hexagone n’est pas forcément facilement accessible. Le poids de l’encyclopédie est tout de même de 31,8 Go (avec images) ou de 12,6 Go (sans images). À savoir : en choisissant cette option, vous ne bénéficierez plus des mises à jour.
 https://fr.wikipedia.org/wiki/Wikip%C3%A9dia:Wikip%C3%A9dia_hors-connexion

Jouer à Wikipédia avec WikeyS

Ce jeu collaboratif diffusé par Wikimédia a pour objectif de faire comprendre le processus éditorial de l’encyclopédie Wikipédia. Le jeu a été conçu par des professeurs documentalistes et la SCOP Prismatik avec le soutien du ministère de la culture. Jeu de plateau, la version pdf est librement téléchargeable et imprimable. Une courte vidéo sur la page d’accueil du jeu explique les règles de WikeyS.
 https://www.wikimedia.fr/wikeys/

Misogynie sur Wikipédia

Les contributeurs de l’encyclopédie collaborative sont à 90 % des hommes selon une étude de la fondation Wikimédia. De plus, les biographies concernent à plus de 80 % des hommes d’après le collectif Les sans pagEs. Régulièrement, les pages sur des femmes ou des personnes transgenres sont supprimées ou “corrigées” de façon malintentionnée. Bien que conscient de cette situation, Wikipédia ne parvient pas à régler les problèmes de violence sexiste et les biais de genre auxquels l’encyclopédie est confrontée. Instaurer la parité parmi les administrateurs de Wikipédia pourrait constituer un début de solution.

Lecture numérique

DigitALL, pédagogie inclusive

Le projet européen DigitALL se consacre à l’inclusion dans l’apprentissage numérique des élèves du premier et second degré. La plateforme propose six types de ressources : un guide sur les besoins d’adaptation numérique, des fiches pratiques, une boîte à outils, des tutoriels vidéo, des checklists d’adaptation par trouble et handicap, des fiches de travail pour les enseignants. La plupart des documents sont au format PDF et tous disponibles en six langues sous licence Creative Commons.
 https://digitall-project.eu/index.php/fr/projet

éditeurs

Tromperie dans l’édition sur Amazon

L’autoédition a fait apparaître de nouveaux escrocs sur les sites de e-commerce. Un ouvrage peut se retrouver en double avec deux éditeurs différents, l’éditeur officiel et l’autoéditeur. La couverture est strictement identique, par contre, le livre de l’autoéditeur ne contient que des pages vierges, un cahier en somme ! Par exemple, l’ouvrage Son odeur après la pluie de Cédric Sapin-Defour a été victime de la supercherie sur Amazon en juillet 2023. Les autoéditeurs indésirables se nomment Eyuait pablishingg, Pellafoxx Publishing, wellaw california, malokaz,…

écologie

Les panneaux de pluie ?

Après les panneaux photovoltaïques dont l’efficacité pour transformer les rayons du soleil en énergie ne cesse de s’améliorer, un nouveau type de panneau pourrait voir le jour. En Chine, les chercheurs ont réussi à mettre au point une technologie qui transforme l’impact des gouttes de pluie en énergie. La capacité serait de l’ordre de 200 watts par mètre carré, soit presque autant qu’un panneau solaire.

géant du web

Financement des réseaux télécoms par les GAFA

Les géants du net utiliseraient plus de 50 % de la bande passante mondiale. De nombreux réseaux télécoms (Orange, Bouygues, BT, Deutsche Telekom, Vodafone, Telefonica,…) réclament une contribution financière des grandes entreprises technologiques telles que Google, Facebook, Amazon, Netflix et TikTok. La mandature actuelle de la commission européenne, qui s’achève en juin 2024, souhaiterait faire passer ce projet de taxation malgré une sérieuse opposition des lobbyistes et des pays du nord de l’Europe.

Réseaux sociaux

X vs la presse

Le réseau social X, anciennement Twitter, n’affiche plus ni le titre, ni le lien, ni le châpo d’un article de presse en ligne qui a été tweeté par un internaute. Seuls une image et le nom du journal apparaissent sur le tweet depuis le 4 octobre 2023. Serait-ce en lien avec l’assignation en justice engagée par des médias français durant l’été 2023 et l’obligation de se conformer à la législation européenne des droits voisins ! Par ailleurs, bien plus inquiétant, depuis que X s’est retiré du code de bonnes pratiques de l’UE en matière de désinformation, les fake news sont en pleine expansion sur la plateforme.

Droit et données personnelles

Les influenceurs et le respect de la loi

Selon la Direction générale de la répression des fraudes, plus de la moitié des influenceurs ne respectent pas la réglementation sur la publicité et les droits des consommateurs. Petit florilège d’entorses à la loi citées par la DGCCRF : “non respect des règles de transparence du caractère commercial de leurs publications”, “tromperie sur les propriétés des produits vendus”, “opérations de promotions non autorisées”, “pratiques commerciales trompeuses”, dropshipping (vente de produits sans posséder les stocks)…

Carte d’identité numérique

Depuis 2023, il est désormais possible pour chacun de détenir une carte d’identité numérique sur son smartphone avec l’application France identité. Elle permet de prouver son identité dans les démarches administratives sur internet en délivrant des attestations numériques à usage unique. Si vous devez renouveler votre carte d’identité physique, la version numérique n’est en aucun cas obligatoire. Néanmoins, il est impératif de posséder une carte d’identité à puce pour activer la carte numérique. L’application est encore en version bêta et est disponible uniquement sur Android et iOS.
 https://france-identite.gouv.fr/

Technologie

L’appel du 18 juin 1940 reconstitué

Il ne reste aucun enregistrement de l’appel du 18 juin 1940 par le Général De Gaulle. Afin de recréer la voix du Général, l’intelligence artificielle a été requise pour reconstituer l’un des plus grands discours de l’histoire. L’Ircam est à l’origine de cette prouesse technologique qui donne tout de même à réfléchir sur les potentiels risques de création de faux discours parmi les deepfakes.
 https://www.lemonde.fr/videos/video/2023/01/18/moi-general-de-gaulle-l-appel-du-18-juin-peut-il-etre-reconstitue_6158301_1669088.html

L’écriture par la pensée

L’Université de Stanford en Californie a inventé un système de connexion directe entre le cerveau et l’ordinateur. La pensée de l’individu est transmise par des signaux qui sont analysés puis retranscrits par une IA. Plus précisément, un programme informatique enregistre les signaux au moyen d’implants dans la tête, puis les associe à des phonèmes (éléments sonores d’une langue) pour les retranscrire en texte. Cette invention en phase de test en laboratoire présente actuellement un taux d’erreur de moins de 25 %. À terme, l’interface entre le cerveau et la machine se fera sans fil. L’objectif premier est de donner la parole aux personnes en situation de handicap. Rédiger une veille numérique par la pensée ferait assurément gagner du temps !

NFT : œuvre d’art, certificat d’authenticité ?

En mai 2023, le rapport de l’Inspection générale des finances clarifie l’usage et les enjeux juridiques des NFT (non fungible tokens). La synthèse précise clairement que ces “jetons à identifier” à vocation commerciale ne sont ni des œuvres d’art ni des supports d’œuvre. Une NFT « ne constitue que la réunion, dans la mémoire d’un programme, de l’identifiant d’un détenteur, d’un lien vers l’emplacement du fichier numérique constituant l’œuvre, et d’éventuelles métadonnées ». Le rapport insiste également sur le fait qu’il ne peut être considéré comme un certificat d’authenticité.

HeyGen, une IA polyglotte

Avec l’application HeyGen, toute personne qui souhaite s’exprimer dans une langue étrangère, sans faire d’efforts, en a la possibilité. Il suffit d’enregistrer une vidéo dans sa langue natale puis d’indiquer la langue souhaitée. Grâce à une IA, la vidéo change de langue et le mouvement de la bouche est modifié afin de s’adapter à la langue étrangère.
L’application payante offre quelques essais gratuits.
 https://www.heygen.com/

No future…

Les câbles internet sous-marins sous contrôle des GAFAM

En dix ans, les géants du net (principalement Alphabet et Meta) ont mis la main sur les câbles de fibre optique sous-marins en les finançant eux-mêmes. Auparavant, seuls les consortiums pouvaient les construire étant donné les coûts astronomiques (300 millions d’euros pour un câble transatlantique actuellement). 99 % du trafic internet mondial passe par les câbles sous-marins, ce qui donne un pouvoir considérable à ceux qui les possèdent.

 

Colette

Ressources, partenaires, projets

Colette l’écrivaine. Colette la star des nuits parisiennes. Colette la femme entravée, la femme libérée. Colette la Bourguignonne…
Originaire de Saint-Sauveur-en-Puisaye, dans l’Yonne, Colette n’a jamais perdu son accent, son attachement pour sa terre natale, qu’elle a si souvent et si brillamment évoqué dans son œuvre. En cette année 2023, où l’on fête les 150 ans de sa naissance, les hommages sont nombreux dans la région, mais également sur tout le territoire, tant Colette a marqué, et marque encore, la vie culturelle française.
De ses origines bourguignonnes, Colette gardera toute sa vie un attachement viscéral à la nature, aux animaux, à la vie rurale. Nombre de ses romans décriront une campagne riche, fertile, propice à une vie en communion avec la nature. Car c’est une campagne rêvée que Colette nous décrit, avec sa plume si riche, si nuancée. Et si sensuelle… Car ce sont les sens que Colette va exalter tout au long de ses textes. Une sensualité liée à la nature, aux éléments, et au corps… Car Colette la Bourguignonne, qui ne peut vivre sans ses chats, est aussi Colette la Parisienne, qui dansa quasiment nue sur scène, et scandalisa le Tout-Paris par son audace.
Tout au long de sa vie, Colette émaillera ses récits de touches autobiographiques. Son affection pour sa mère, féministe et athée, son enfance, que l’on devine derrière le personnage de Claudine, ses amours, ses envies, ses chats…
En cette année de commémoration, expositions, animations et différentes parutions rendent hommage à l’artiste. À Besançon, Colette est partout, à la gare ou encore sur les tramways. À Saint-Sauveur en Puisaye, le musée et la maison Colette entretiennent son souvenir et son héritage artistique. À Granville, une exposition décortique son roman Le blé en herbe.
Une année de célébrations pour une écrivaine à la personnalité complexe, attachante, qui fit parfois scandale, et qui a laissé une empreinte indélébile dans la vie culturelle française.
Une femme qui ose, qui défie, qui affronte. Une artiste.

 

MUSÉES / EXPOSITIONS

Maison de Colette, Saint-Sauveur-en-Puisaye (Yonne)
Pour comprendre Colette, sa vie et son œuvre, la Maison de Colette, à Saint-Sauveur-en-Puisaye, est incontournable. C’est dans cette maison que va se construire durant son enfance tout ce qui fera de Colette ce qu’elle est. Son amour pour la nature, son goût pour la liberté, l’audace et la création artistique. De nombreuses expositions, conférences et animations sont à découvrir dans cette maison-musée, à l’ambiance agréable, au cœur d’une Bourgogne vallonnée. La Bourgogne fait partie intégrante de la vie de Colette. On peut la sentir, la respirer à travers son œuvre. Une étape dans sa maison natale est donc indispensable. Le lieu abrite les archives Colette, gérées par le Centre d’Études Colette.
www.maisondecolette.fr

 

Musée Colette, Saint-Sauveur-en-Puisaye (Yonne).
Non loin de la maison natale de Colette, le musée propose une découverte de la vie et de l’œuvre de l’autrice grâce à une série d’installations artistiques permettant une approche sensorielle. Il est également possible d’y découvrir une partie des meubles de l’appartement parisien de Colette, au Palais-Royal. Des expositions autour de Colette y sont régulièrement organisées, elles sont réalisées par le Centre d’études Colette.
http://www.musee-colette.com/
En 2023, exposition Devenir Colette, Centre d’Etudes Colette, Département de l’Yonne :
https://www.facebook.com/museecolette89?locale=fr_FR

Maison de Colette, Besançon (Doubs)
De 1900 à 1905, Colette passa plusieurs séjours à Besançon, dans une charmante maison située dans le quartier des Montboucons. Cette bâtisse fut acquise par son mari Willy, avec les revenus générés par la série des Claudine. Colette y appréciait tout particulièrement le verger entourant la maison. Celle-ci n’est ouverte qu’à certaines occasions. Un projet de Maison des écrivains est actuellement en cours de réflexion. La maison est restée « dans son jus », et c’est un véritable voyage dans le temps qui attend le visiteur lorsqu’il pousse les portes de la maison de l’artiste. Un endroit « à fort potentiel », dont il faudra suivre les évolutions futures.

Non loin de la gare Viotte (Besançon), c’est un grand visage de Colette qui accueille le visiteur à la descente du train. Réalisée en résine blanche, haute de près de quatre mètres, l’oeuvre ne laisse pas le passant indifférent. Elle est signée Nathalie Talec, cheffe d’atelier aux Beaux-Arts de Paris. L’artiste a collaboré plusieurs fois avec le FRAC de Franche-Comté et le musée des Beaux-Arts de Besançon.

Musée d’Art Moderne Richard Anacréon, Granville (Manche). Exposition Colette, le blé en herbe (2023). Cette exposition plonge le visiteur dans le roman Le blé en herbe, en mettant en lumière le scandale lié à sa parution, les liens avec Chéri et l’adaptation cinématographique de Claude Autant-Lara en 1953.
www.ville-granville.fr/a-voir-a-faire-a-granville/vie-culturelle-et-artistique/musee-dart-moderne-richard-anacreon/

DANS LES PROGRAMMES

Lycée

Français, première générale et techno­logique
Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle : Colette, Sido suivi de Les Vrilles de la vigne / parcours : la célébration du monde.
Bulletin Officiel n° 5, du 4 février 2021.
www.education.gouv.fr/bo/21/Hebdo5/MENE2036974N.htm

HLP, première générale
Les représentations du monde : l’homme et l’animal ; « La relation à l’animal constitue un révélateur de la place que l’homme s’attribue dans la nature et dans le monde, avec de fortes implications philosophiques, éthiques et pratiques. »
Bulletin Officiel spécial n° 8 du 25 juillet 2019.

Histoire, première
Thème 3 : La Troisième République avant 1914 : un régime politique, un empire colonial – Chapitre 2. Permanences et mutations de la société française jusqu’en 1914. L’évolution de la place des femmes.
Bulletin officiel spécial n° 1 du 22 janvier 2019

Collège

Français, Culture littéraire et artistique, cycle 3
Vivre des aventures : un roman d’aventures […] dont le personnage principal est un enfant ou un animal.
BOEN n°31 du 30 juillet 2020 et le BOEN n°25 du 22 juin 2023
https://eduscol.education.fr/document/50990/download

Histoire, cycle 4, classe de 4e
Thème 3 : Société, culture et politique dans la France du XIXe siècle.
« Conditions féminines dans une société en mutation »
Bulletin officiel spécial n° 11 du 26 novembre 2015

Histoire-Géographie, cycle 4, classe de 3e
Thème 3 : Français et Françaises dans une République repensée.
« Dans la seconde moitié du XXe siècle, la société française connaît des transformations décisives : place des femmes »
Bulletin officiel spécial n° 11 du 26 novembre 2015

PISTES PÉDAGOGIQUES

Donner le goût de lire : en classe de 6e, les Dialogues de bêtes sont toujours très appréciés par les élèves. Ils pourront, par exemple, être étudiés parallèlement à une série de lectures autour des animaux : Les fables de La Fontaine ou Contes du chat perché de Marcel Aymé, par exemple.

Colette sera bien entendu un élément incontournable d’une recherche documentaire sur le féminisme et son évolution historique. Son rôle dans la vie culturelle parisienne pourra également être abordé dans l’histoire du début du XXe siècle, en particulier celle de l’entre-deux-guerres.

Une approche interdisciplinaire peut relier entre eux les thèmes de l’écriture de Colette, de son attachement pour les animaux, et son amour de la nature. Un travail reliant lettres, SVT ou encore arts plastiques pourra mettre en lumière les différents aspects de la vie et de l’œuvre de Colette. La Maison de Colette sera à ce titre un support très intéressant.

Parcours culturel sur les pas de Colette : la découverte de la Maison de Colette pourra également s’élargir à d’autres sites du département de l’Yonne, comme la vieille Ville d’Auxerre, le château de Guédelon ou le Conservatoire des Arts de la forge.

Le site Gallica permettra des recherches documentaires iconographiques, afin de mettre en lumière, par exemple, la grande diversité des créations artistiques de Colette. Cette multiplicité d’activité pourra être mise en forme à l’aide de de cartes mentales ou de nuages de mots.

Un travail d’analyse d’image autour des affiches des adaptations filmiques des œuvres de Colette est également envisageable.

 

ARTICLES

Colette, tout feu, tout femme ! Lire, le magazine littéraire, Les classiques, hors-série, T.12, février 2023.
Le magazine retrace ici la vie de Colette selon trois axes : « Portrait d’une féministe tout-à-tout », « Sido, la mère partie » et « Une icône sans tabou ».

Colette. Le tourbillon de la vie. Le Monde, hors-série : une vie, une œuvre, n° 55, janvier 2023.
Ce numéro hors-série du Monde propose une sélection d’écrits de Colette, dont quelques lettres inédites, ainsi que des témoignages et des textes d’auteurs contemporains. Il met en particulier l’accent sur la profondeur de l’œuvre de Colette, alors qu’elle fut longtemps considérée comme une romancière aux textes légers et quelque peu frivoles.

Panique, Delphine. Pas si sage… Topo n° 004, 03/2017, p.104-113.
Un numéro qui évoque le premier roman de Colette et ses débuts d’autrice.

Daveau, Hélène. Gabrielle Colette : le jour où elle s’est fait couper les cheveux. Je Bouquine n° 467, 01/2023, p.18-22.
Dans les années 1920, la coupe à la garçonne a fait fureur. Se couper les cheveux était alors vécu comme une libération pour les femmes. Colette illustre ici cet épisode bien moins anecdotique qu’il n’y paraît.

FILMOGRAPHIE

De nombreux films et pièces de théâtre filmées autour de Colette et de son œuvre ont été réalisés, la société des amis de Colette en offre un recensement : https://www.amisdecolette.fr/ressources/filmographie/

FICTIONS

Poitou-Weber, Gérard. Colette, l’immobile vagabonde. 1985 (version DVD : Doriane films, 2004).
Feuilleton en quatre parties avec Clémentine Amouroux (Colette jeune), Macha Meryl (Colette âgée). 350 minutes.

Trintignant, Nadine. Colette, femme libre. Gaumont Columbia Tristar Home Vidéo, 2004.
Feuilleton en deux parties « librement inspiré de la vie de Madame Colette ».
Première partie : La femme trahie, 100 minutes.
Seconde partie : La femme vengée, 100 minutes.
Westmoreland, Wash. Colette. Studio Canal, 2019. 1 h 52 mn.
Biopic américano-britannique avec Keira Knightley (dans le rôle de Colette), Dominic West (dans celui de Willy) et Denise Gough (dans celui de Missy).

DOCUMENTAIRES

Bellon, Yannick. Colette. Les Films Jacqueline Jacoupy, 1952. Court-métrage : 29 mn.
Avec Colette, Maurice Goudeket, Pauline Tissandier et Jean Cocteau. Scénario de Colette.
Assise dans son appartement du Palais-Royal, Colette revit ses souvenirs. Fascinant.

Denjean, Cécile. Colette l’insoumise. Arte, 2017. 54 mn.
Grâce à de nombreuses ressources iconographiques, la réalisatrice brosse le portrait d’une Colette complexe, libre, parfois exubérante, et toujours tellement attachante.
https://www.arte.tv/fr/videos/079398-000-A/colette-l-insoumise

RADIO

Garrigou-Lagrange, Mathieu. Colette, affirmer sa liberté. France Culture : émission La Compagnie des œuvres, 2017, 4 épisodes d’environ 58 mn. 1 : Je veux faire ce que je veux ; 2 : Il faut voir et non inventer ; 3 : Romancière mais moraliste ; 4 : La jouissance féminine. Quatre grands axes sont ici proposés : la vie libre de Colette, sa volonté de naturalisme, une romancière au jugement parfois sévère et la jouissance féminine.
www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-colette

Kristeva, Julia. De l’écriture au féminin : Colette selon Julia Kristeva. France Culture. 2003, 5 épisodes d’environ 29 mn. 1 : Colette est un écrivain de goût dont on attend qu’elle éveille le goût de ceux qui n’osent pas avoir de goût ; 2 : Les Vrilles de la vigne signent l’entrée de Colette dans le Panthéon des Lettres françaises ; 3 : Colette ou la chair du monde ; 4 : L’Enfant et les sortilèges, une méditation psychanalytique de Colette sur la relation mère-enfant ; 5 : Le couple, la guerre et le féminisme selon Colette. Dans cette série, Julia Kristeva analyse ici la vie et l’œuvre de Colette sous différents angles : la relation mère-enfant, le féminisme, son rapport au couple, à l’amour, à l’écriture…
www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-de-l-ecriture-au-feminin-colette-selon-julia-kristeva

Compagnon, Antoine. Un été avec Colette. France Inter, 2021, chaque épisode dure 4 minutes.
Sous la forme d’un « feuilleton » régulier d’Antoine Compagnon, c’est un voyage au coeur de la vie et de l’œuvre de Colette qui est ici présenté. Si les thèmes « classiques » sont abordés, telles sa sexualité ou sa vie dans le music-hall, d’autres aspects moins connus sont développés. Une émission s’attarde sur son père Jules, dont on parle rarement, et une autre sur les liens de Colette avec la musique.
www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/un-ete-avec-colette

RESSOURCES EN LIGNE 

La Société des amis de Colette (site incontournable) propose de découvrir l’œuvre de Colette dans le cadre d’une préparation au bac. Sido et Les vrilles de la vigne figurent au programme de français de série générale et technologique, dans un parcours « La célébration du monde ». Une sélection de photographies anciennes, des vidéos, une bibliographie permettent une approche historique et littéraire.
www.amisdecolette.fr/colette-au-bac/

https://www.amisdecolette.fr/

 

Febvre, Cécile ; Zemmour, David. Conférence sur Sido et Les vrilles de la vigne (en ligne). Académie d’aix-Marseille. 2023, 47 mn.
www.pedagogie.ac-aix-marseille.fr/jcms/c_11104940/fr/3-conferences-sur-les-nouvelles-oeuvres-au-programme-en-premiere-roman

Gallica propose un choix de documents variés : photographies, articles de magazines des années 1910 et 1920, ainsi que le catalogue de l’exposition proposée par la BnF en 1973.
www. gallica.bnf.fr/conseils/content/colette

 

Colette – Domaine public via Wikimedia Commons

 

 

Rencontre avec un auteur de bande dessinée atypique : Benoit Vidal

Deux classes du lycée Washington-Touchard du Mans (3e PrépaPro et 2de Pro) participant au prix BD Une Case en Plus ont travaillé autour du titre Gaston en Normandie et posent leurs questions à l’auteur, Benoit Vidal (cf. annexe 1). Ce titre retenu dans la sélection du prix 2022-2023 présente un réel intérêt pédagogique par son contenu comme par sa forme. En effet, outre qu’il aborde la question de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale en croisant des souvenirs de témoins directs, avec des allers-retours passé/présent, il propose une mise en récit originale, alliant roman-photo et bande dessinée. 

 

Un parcours atypique

Pourquoi et comment avez-vous décidé d’être auteur ?

J’ai publié Gaston en Normandie en mai 2022, chez FLBLB. J’avais publié, chez le même éditeur, Pauline à Paris qui est sorti en 2015. Et j’ai aussi coscénarisé une autre bande dessinée, plus traditionnelle, qui est publiée chez Glénat1. Entre mes deux albums, j’ai fait un documentaire en bande dessinée chez un autre éditeur2.
Mais auteur, ce n’est pas mon métier principal. Je suis enseignant-chercheur. J’ai été prof en lycée, j’ai passé une thèse de doctorat et j’ai un poste de maître de conférences à l’université. J’ai donc plusieurs casquettes : enseignant, chercheur et auteur de roman-photo ou de roman graphique. Quand on est enseignant-chercheur, on publie des articles de recherche ou des manuels scolaires. J’ai donc publié beaucoup de choses !
Alors, pourquoi ai-je décidé de devenir auteur, et précisément auteur de roman graphique ? Eh bien, parce que cela me faisait plaisir ! Parce que j’en avais envie, ce n’était pas une contrainte. J’avais déjà un métier et des revenus par ailleurs.

Comment avez-vous eu envie de faire de la bande dessinée ?

Quand j’avais votre âge, je lisais beaucoup de bandes dessinées. Au collège, on faisait des fanzines. À l’origine, ça veut dire magazines de fans. Ce sont de petites revues qu’on réalise soi-même, qui ne sont pas faites de façon professionnelle, qui ne sont pas éditées. Demain, vous prenez une feuille A3, vous la pliez, et vous faites des articles et des dessins que vous réalisez vous-mêmes. Vous en faites cinquante exemplaires que vous distribuez autour de vous ou même que vous vendez. Il y en a plein qui existent ainsi partout, des millions ! Moi, j’ai fait cela avec des copains quand j’étais collégien, puis lycéen et aussi étudiant à la fac. Raconter des histoires, c’est quelque chose qui me tenait vraiment à cœur. Quand j’étais ado, mon rêve, c’était de devenir auteur de bande dessinée.

La découverte du roman-photo

Couverture du magazine FLBLB, n° 14, 2003.

Il y a autre chose d’important dont je voudrais vous parler, c’est de ma relation à ma grand-mère Joséphine. Quand j’ai eu 22/23 ans, j’ai commencé à enregistrer mes grand-mères avec un enregistreur et des cassettes. Je les faisais parler : comment elles avaient vécu leur enfance, leurs parents, leurs grands-parents, des histoires personnelles et familiales. Et puis, un jour, à Angoulême, dans les années 2000, je tombe sur des jeunes qui avaient créé un magazine intitulé FLBLB, un nom imprononçable ! (Ils venaient de l’école des Beaux-Arts de Poitiers et ils créeront ensuite les éditions FLBLB.).
Vous voyez là le numéro 14 qui n’est composé que de romans-photos. Moi, je ne connaissais pas trop le roman-photo. J’en avais lu dans Fluide Glacial, un journal de BD humoristique important à l’époque, qui publiait toujours deux pages de roman-photo dont l’auteur était Léandri. Je savais que le roman-photo existait mais je ne connaissais pas vraiment. Vous voyez cette image ? Deux pigeons qui discutent. C’est simple : on a une photo de pigeons, on met des bulles et on les fait parler. C’est ça, la magie de la bande dessinée ! Vous pouvez faire parler n’importe qui, n’importe quoi, même des objets ! C’est une construction mentale. On dit que la bande dessinée, c’est un art séquentiel. On ne voit pas l’image bouger, les images sont fixes. C’est le cerveau qui reconstruit, et on imagine ce qui s’est passé entre les deux images.
Je découvre dans ce fameux magazine FLBLB n° 14 un récit qui se proclame roman photobiographique (remarquez le jeu de mot), une sorte d’autobiographie réalisée par Grégory Jarry. Je n’avais jamais vu cela, je trouvais ça très étrange. Entre temps, je comprends que FLBLB fait de la bande dessinée et que ce numéro 14 n’était qu’un numéro spécial sur le roman-photo. J’étais déçu ! Mais ensuite, voilà un autre livre de FLBLB qui m’a donné le déclic. Il s’intitule Les Maquisards du Poirier. C’est un livre qui a été réalisé avec les enfants d’une école primaire et des auteurs de FLBLB. Le projet, c’était que les enfants aillent voir les personnes âgées de leur village, les fassent parler de leur vie et de comment elles avaient vécu la Seconde Guerre mondiale. Ils les ont enregistrées et photographiées. Ils ont mis les textes dans les bulles. Ce n’était pas très sophistiqué comme procédé et les photos ne sont pas très jolies ! Je me suis dit alors : « J’aime bien la BD, j’aurais bien aimé en faire, mais bon, je ne suis pas dessinateur et c’est un rêve qui ne s’est pas réalisé. Cette histoire en photos me donne des idées ».

Couverture de Les maquisards du Poirier. Grégory Jarry. FLBLB, 2007.

Une démarche personnelle

J’avais les histoires enregistrées de ma grand-mère et je me suis dit : « Je vais faire la même chose. Je vais la prendre en photo et mettre ce qu’elle me raconte dans des bulles. ». C’est comme ça que j’ai commencé à faire mes premières pages ! La première histoire faisait trois pages. Des amis m’ont dit : « Ah ! tu devrais en faire d’autres. ». Je les ai publiées sur un blog3. À la fin, j’ai réalisé quatre-vingts pages. Puis je les ai autoéditées : j’ai imprimé trois cents exemplaires de ce livre (Le débarquement et le platane) que j’ai vendu autour de moi, à ma famille et mes amis. L’année d’après, je retourne à Angoulême et je montre tout ça à FLBLB. Ils ne sont pas intéressés, mais ils m’encouragent à continuer et à revenir les voir ! Progressivement, dans mon travail, je me suis mis à ajouter des images d’archives pour illustrer ce que racontait la personne, procédé que vous avez remarqué dans Gaston en Normandie. Ça, c’est nouveau, je crois que je suis la seule personne au monde à faire ça ! C’est comme un documentaire que vous voyez à la télévision ; vous avez une personne interviewée et vous voyez des images, des extraits de films en rapport avec son propos. C’est la même chose, mais sur papier ! Voilà comment je suis devenu auteur de bande dessinée.

Pourquoi enregistrez-vous votre famille ?

Pour une raison principale qui peut être partagée par tous : connaître un peu mieux sa famille, savoir comment on vivait autrefois. Mais tout le monde ne va pas jusqu’à enregistrer. C’est dommage, car quand les gens partent, disparaissent, on se dit « mince, je ne me rappelle pas très bien ce que telle personne m’avait dit ». J’ai donc voulu garder une trace de la mémoire familiale avec des enregistrements. Et c’est comme ça que j’ai appris à poser des questions. Quand on pose une question, il faut savoir ensuite se taire. Ce n’est pas facile de se taire ! Écouter, laisser des blancs, jusqu’à ce que la personne aille au bout de ce qu’elle veut dire ou reparte sur autre chose. Au début, je posais trop de questions et je coupais la parole !

 

Roman-photo ou bande dessinée ?

La bande dessinée mêle dessins et textes, alors que vous, à la place des dessins, ce sont des photos. Est-ce que c’est original comme procédé ?

Le Journal illustré, n° 36, 4 septembre 1886, p. 284-285.

En fait, le roman-photo, ce n’est pas très original ! Voici un exemple de roman-photo qui date de 1896. C’est un reportage photographique : Paul Nadar va interroger Chevreul, un académicien qui avait 100 ans, comme ma grand-mère ! On y voit même Félix Nadar, pris en photo par son propre fils. Vous voyez ce genre existe depuis longtemps mais il ne s’est pas développé !
Dans les années 60-70, il y a eu beaucoup de romans-photos, c’était alors un genre très particulier, publié dans les magazines féminins, souvent des romances à l’eau de rose, cantonné à un style très particulier. C’est passé de mode dans les années 80 bien que le magazine Nous Deux existe toujours. C’est un des plus grands tirages de la presse française. Donc, en fait, ce n’est pas si original comme moyen d’expression !
Mais moi, je raconte une histoire avec une succession d’images de natures différentes. Quelle que soit la nature des images, pour faire un roman graphique, il faut que les images conduisent la narration.

Comment avez-vous procédé pour trouver les photos illustrant Gaston en Normandie ?

J’ai utilisé beaucoup de photos d’archives pour Pauline à Paris. Pour Gaston en Normandie, c’est plus ciblé comme thème. Donc, j’ai surtout utilisé les collections des services des armées américaine et anglaise. Certaines sont libres de droit mais on doit quand même les référencer. J’ai aussi utilisé des photos militaires allemandes. Je cherche sur Internet. Parfois, ce sont des photos d’anciens magazines que je scanne. Sur le site Photosnormandie4, des images ont été mises à disposition pour que les gens identifient éventuellement des personnes ou fassent des commentaires. J’ai découvert comme cela des photos où j’ai retrouvé mon grand-père !
Pour le reste, je prends des photos, j’ai acheté un appareil avec un grand angle. Au départ, je cadrais de trop près ma grand-mère et après, je ne savais pas où mettre ma bulle ! Du coup, j’ai par la suite fait des photos en grand angle, ce qui me permet après de zoomer comme j’en ai envie ! La qualité est suffisamment bonne, car les cases ne sont pas très grandes. Je prends ainsi les parties qui m’intéressent ! Par exemple, quand mon père est en short, je ne trouve pas cela élégant, alors je m’arrange pour le cacher ! Quand je photographie mon père, je ne fais pas de belles photos car ce n’est pas le plus important, c’est le témoignage qui est important. Je ne suis pas photographe ; je collecte la mémoire et je raconte des histoires. En bande dessinée, le beau dessin détourne souvent de l’histoire, il faut que le dessin soit au service de la narration. C’est la même chose ici avec la photo.

Comment procédez-vous après ?

Une fois le texte enregistré, il faut le retranscrire et c’est très long ! Parmi les photos, j’essaie de prendre l’expression qui correspond le mieux à ce que dit mon père. Quand j’ai pris cette photo-là de Gaston, croyez-vous que ce soit le texte qu’il disait ? Pas forcément et même probablement pas ! C’est vrai que c’est une forme de manipulation… Une fois que c’est retranscrit et que j’ai sélectionné les photos, je fais un montage. On peut utiliser un logiciel professionnel comme In design. Moi j’utilise Scribus qui est gratuit et qui me suffit pour organiser mes images et mon texte.

Gaston en Normandie, p. 62, case 4 – Droits de reproduction réservés © B. Vidal et FLBLB

Le rapport à l’intimité familiale

Pourquoi avoir choisi le Débarque­ment comme thème central ?

Je ne l’ai pas vraiment choisi… Mais un peu quand même ! Parmi les souvenirs de ma grand-mère, le Débarquement était un des moments les plus forts pour elle, mais aussi parce que la petite histoire (l’histoire familiale) croise la grande Histoire (celle qu’on apprend dans les livres d’école). Sur le Débarquement, quand j’étais ado, j’en ai vu des photos, des films et lu des bandes dessinées ! C’était un sujet très souvent traité. Et voilà que ma grand-mère me racontait des choses que j’avais vues au cinéma ! D’ailleurs, au départ, les premières histoires que j’ai faites sur mon blog, c’était autour du Débarquement. Je pensais que ça plairait aux gens parce que c’est un sujet dont ils ont déjà entendu parler et qui pourrait les toucher. Si je n’avais fait que collecter des témoignages du Débarquement, cela aurait pu intéresser les historiens mais qui d’autre ? Je pense qu’il faut ajouter des choses plus personnelles. C’est ce que je fais dans Gaston en Normandie : je veux parler de ma relation avec ma grand-mère et de la façon dont j’interprète ce qu’elle me raconte. Et j’en viens à parler de choses plus personnelles et plus intimes.

Gaston en Normandie, p. 15 – Droits de reproduction réservés © B. Vidal et FLBLB

Votre père a-t-il été traumatisé par la guerre ?

Quand on l’entend raconter, on n’a pas l’impression qu’il ait été traumatisé. On a l’impression d’un souvenir extraordinaire pour lui. Après, cela ne veut pas dire qu’il n’a pas eu de très grandes peurs ou des angoisses. Dans le livre, vous avez vu que dans ma famille, à Bayeux, personne n’est mort et rien n’a été détruit. À Caen, dans les villes autour, vous avez vu combien les gens ont souffert de la guerre : des morts, des blessés, des maisons détruites. Alors évidemment au moment même, quand on le vit, on ne sait de quoi sera fait demain et si on va s’en sortir. Et effectivement, avant que le front ne se déplace, pendant plusieurs mois, il va y avoir des combats dans la région. Ma grand-mère était très angoissée, elle avait quarante-cinq ans, quatre enfants et elle était enceinte. Tous les jours, avec son mari, ils avaient peur. Mon père raconte tout ça avec un certain recul, comme un enfant qui a vécu un moment extraordinaire. Mais il faut comprendre qu’il est né en 36 et il a trois ou quatre ans quand la guerre débute. Il n’a pas de souvenir d’avant la guerre.
Toute son enfance, entre trois et sept ans, s’est déroulée sous l’occupation militaire allemande. Il n’y avait pas de jouets, pas de cinéma et pas de télévision. Interdiction d’écouter la radio. La nourriture était rationnée, on produisait des biens qui ne servaient alors qu’à l’armée ou à l’économie allemande. Je n’ai aucune photo de mes grands-parents à cette époque car il était quasiment impossible de trouver des pellicules photos dans les magasins. Donc, mon père, enfant, n’a jamais connu le monde sans guerre. Tout d’un coup, du jour au lendemain, le 7 juin au matin, les Anglais rentrent dans Bayeux. Il n’y a pas eu de bataille dans la ville. Les gens sont heureux. Mon père ne voit que cette joie. Même s’il va aussi voir les blessés arriver des villes avoisinantes, il voit surtout de très jeunes soldats – dix-sept ou dix-huit ans – qui arrivent avec des motos, des chewing-gums et du chocolat que mon père n’a jamais mangé ! Il apprend à démonter des mitraillettes… Mais je pense qu’il est partagé entre deux extrêmes car il sait aussi que beaucoup de gens ont souffert.

Du côté de l’édition de bande dessinée

Avez-vous été aidé ou avez-vous fait ce livre tout seul ?

J’ai envie de dire, oui, je l’ai tout fait tout seul… Mais en fait on ne fait pas tout, tout seul ! Je me suis fait relire par des proches, des gens de ma famille et en fonction de ces retours-là, j’ai beaucoup modifié. Une chose que je n’ai pas faite, c’est la couverture ! C’est l’éditeur qui l’a réalisée ainsi que les pages ouvrant les chapitres. FLBLB est une petite entreprise qui publie une dizaine de livres par an, ils sont quatre salariés. Un des salariés est infographiste : il sait faire des couvertures, des photomontages. C’est lui qui a réalisé cette couverture pour Gaston en Normandie. On décide ensemble : je lui propose des choses et lui aussi. On a hésité entre plusieurs couvertures. Sur celle-là, vous avez vu, il reprend une photo de l’album, la colorise tout en la recadrant pour cacher la tête du général de Gaulle, c’est un parti pris original et je la trouve très réussie.

Combien d’exemplaires avez-vous vendu de Gaston en Normandie ?

En tant qu’auteur, je ne suis pas au fait tous les jours des ventes. Je dois demander à mon éditeur et lui aussi, il a toujours une marge d’erreur. Les livres sont chez les libraires mais peuvent être en stock. C’est donc le diffuseur qui donne les chiffres. Tous les ans, je reçois un relevé qui me dit combien j’ai vendu de livres. C’est à partir de cela que sont calculés mes droits d’auteur. L’an dernier, les ventes de Pauline à Paris avaient dépassé les 2000 exemplaires. On doit être autour de 2300 aujourd’hui. Pour Gaston en Normandie, entre 1000 et 2000. Mais il faut savoir que, dans le monde de l’édition, c’est généralement au cours de la première année de publication que les ventes sont élevées. Récemment, j’ai reçu un prix intitulé Cases d’Histoire. Je peux espérer que ça augmentera les ventes !

Combien gagne un auteur pour chaque livre vendu ?

Ce livre-là est vendu 20 euros. Ce n’est pas cher par rapport à une bande dessinée en couleur, de 160 pages, qui va coûter plutôt 25 ou 30 euros. Un manga, de format plus réduit, en noir et blanc, c’est entre 6 et 7 euros. Un album traditionnel cartonné, c’est plutôt 12-13 euros. L’auteur va avoir environ 10 % des 20 euros, c’est-à-dire entre 1 et 2 euros. S’il vend 1000 livres, combien gagne l’auteur ? Entre 1000 et 2000 euros. Si vous y avez travaillé pendant un mois, ça va ! Mais si vous avez travaillé pendant 5 ans… Vous comprenez que pour gagner beaucoup, eh bien, il faut beaucoup vendre ! C’est le cas de quelques titres comme Astérix ou Thorgal qui sont vendus à des dizaines, voire centaines de milliers d’exemplaires. On ne gagne pas d’argent en fonction de son travail, mais en fonction du succès de son livre. Un tout petit nombre d’auteurs gagne beaucoup d’argent et de très nombreux autres ne gagnent pas leur vie comme auteurs et font un autre métier en parallèle. Pour vivre honorablement, il faut pouvoir vendre 20 000 exemplaires par an. Or, vendre 5000 exemplaires, c’est déjà beaucoup. C’est déjà un succès éditorial mais c’est à peine suffisant pour en vivre ! Il n’y a que 200 ou 300 auteurs de bande dessinée en France et en Belgique qui peuvent vivre de ce métier et ils ne représentent que 5% des auteurs de bande dessinée. L’immense majorité n’en vit pas, ils ont donc un métier à côté qui leur permet de vivre et éventuellement de continuer la bande dessinée.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées pour publier cette bande dessinée ?

J’ai rencontré des difficultés de plusieurs ordres. J’ai fait huit versions différentes de cette histoire – dont une fin différente que vous pouvez lire sur mon blog5. J’ai envoyé la quatrième version à FLBLB. Comme Pauline à Paris a bien marché – c’est le roman-photo qui se vend le mieux chez cet éditeur – je savais que j’avais de fortes chances qu’ils acceptent de publier ce livre. C’est déjà bien d’avoir un éditeur ! Il y avait aussi des contraintes techniques. J’ai utilisé de nombreuses images : les miennes mais aussi 500 à 1000 images d’archives que j’ai prises ailleurs. Sont-elles libres de droit ? Ai-je le droit de les utiliser ? Il a fallu que j’effectue les recherches et cela m’a pris plusieurs mois. Une autre contrainte très forte : vais-je oser enregistrer mon père ? Le photographier ? Car je sais qu’il n’aime pas être photographié.

De tous vos livres, quel est votre préféré ?

Je les aime tous ! J’avais de très bons retours sur Pauline à Paris alors j’avais peur de ne pas avoir le même retour positif sur Gaston en Normandie… J’avais peur de lasser, mais les retours sont très bons, en fait !

Avez-vous des projets ?

J’en ai, mais c’est un peu vague. J’y réfléchis ! Je n’ai rien commencé. Je suis dans une phase où je m’interroge…

 

 

 

Annexe 1

Déroulé pédagogique
Gaston en Normandie

L’objectif global de cette étude de Gaston en Normandie s’inscrit dans le dispositif Une Case en Plus dont le but est d’appréhender la richesse de la bande dessinée et ce, sous toutes ses facettes : en tant qu’objet éditorial, objet de savoirs, source de plaisirs de lectures et surtout en tant que langage spécifique. Proposer une étude approfondie d’une bande dessinée en classe, c’est envisager un travail sur la bande dessinée et non pas seulement avec la bande dessinée.

Cette séquence autour de l’album Gaston en Normandie a été conçue et réalisée en co-animation avec une professeure de lettres-histoire du lycée professionnel, pour une classe de 3e PrépaPro, composée de 16 élèves, globalement faibles lecteurs et peu accoutumés à la lecture de bande dessinée, et pour une classe de 2de Pro.

Dans le cadre du projet Une Case en Plus, les élèves ont bénéficié de plusieurs séances autour de la bande dessinée où ils ont manipulé des albums. Ils ont été ainsi amenés à identifier les différents acteurs d’une bande dessinée et à décrypter des images (rallye bd, énigmes/jeux autour des albums de la sélection). Ils n’ont pas lu Gaston en Normandie avant la première séance. Ils rencontrent l’auteur en cours d’année, à l’issue des quatre premières séances.

1. Découverte de l’album Gaston en Normandie

À partir d’un questionnaire proposant une analyse minutieuse de la couverture (image et paratexte) et de la 4e de couverture (photomontage, résumé), complété par une visite sur le site de l’éditeur, les élèves découvrent l’auteur Benoit Vidal et l’éditeur FLBLB puis émettent des hypothèses autour de l’album. La lecture guidée de la page 27 leur permet d’affiner les intentions de l’auteur (croiser les souvenirs de Joséphine et Gaston autour du Débarquement) et de préciser les liens familiaux entre les trois personnes.

Objectif : amener les élèves à réaliser que Gaston en Normandie est une bande dessinée basée sur la collecte de témoignages familiaux et une bande dessinée sur le Débarquement en Normandie.

2. Prendre conscience des spécificités de ce récit : entre bande dessinée et reportage-photo

En analysant les planches 44 et 45, les élèves sont amenés à préciser la nature des images présentes dans ces deux planches : photos venant de sources diverses (photos personnelles, photos de guerre, reproduction de peintures, de tapisseries, d’illustrations populaires ou savantes…). Ayant accès à la liste des sources iconographiques citées par l’auteur, ils prennent conscience de la richesse et de la diversité des photomontages et de la nécessité légale de la citation des sources à laquelle est confronté l’auteur.

Objectif : amener les élèves à comprendre la distinction entre roman-photo et bande dessinée, réaliser que ce titre qui emprunte aux deux genres compose une œuvre hybride et singulière.

3. Le Débarquement à travers Gaston en Normandie

À partir d’un questionnaire autour des pages 14, 18, 31-32, 55 et 85, les élèves confrontent les témoignages de Gaston et Joséphine aux événements historiques (les bombardements et le Débarquement en Normandie).

Objectif : comprendre le contexte historique des témoignages mis en scène par Benoît Vidal.

4. Les civils dans la guerre à travers Gaston en Normandie

À partir d’un questionnaire autour des pages 15-17, 30, 32-33, 38-39, 40-41, 22-23, 46-54 et 77-83, les élèves travaillent sur le thème Les civils dans la guerre, selon trois axes proposés par l’album : Partir ou rester ?, Soigner et accueillir, Les enfants dans la guerre.

Objectif : comprendre l’importance historique des témoignages tout en prenant conscience de leur subjectivité, de la différence entre témoignage et histoire.

5. Rencontre avec l’auteur

Préparation de la rencontre avec l’auteur : mot d’accueil adressé par deux élèves à l’auteur, organisation des questions par thèmes et ordre des questions. Organisation d’un goûter de fin de rencontre. Lors de la rencontre, prise de notes par une des classes.

Objectif : marquer un temps fort avec la rencontre physique de l’auteur, mieux appréhender les enjeux et les choix narratifs et graphiques de l’auteur, valoriser le travail collectif mené en classe.

6. Création graphique

Chaque élève compose une planche à « la manière de Benoit Vidal » à l’aide du logiciel BDnF1.
Thème imposé : raconter un souvenir d’enfance en utilisant des images de natures et d’origines diverses.
Contraintes : sur une planche de 9 cases de taille régulière, l’élève auteur se mettra en scène (trois photos au moins du présent), les autres images peuvent être des photographies personnelles de leur enfance ou, au choix, créées, trouvées, détournées (mais libres de droit). Les élèves devront présenter la liste des références iconographiques de leur planche.

Objectifs : en créant une narration en images basée sur la photographie ou l’illustration, prendre conscience du procédé du roman-photo et du langage spécifique de cette narration. S’initier à un outil numérique spécialisé. Être sensibilisé aux droits à l’image.

Toutes les séances (questionnaire/correction) ci-dessus sont téléchargeables via le site Le Dock (http://ledockbd.blogspot.com) qui mutualise les séances réalisées dans le cadre Une Case en Plus.

 

1. BDnF : outil de création numérique gratuit mis au point par la BnF permettant de créer des récits mêlant textes et images. https://bdnf.bnf.