Les Bibliothèques

Histoire, représentations, utopies

Qu’elles soient nichées au cœur d’un monument historique, construites dans une architecture futuriste et grandiose, ou cachées dans l’intimité d’un salon privé, les bibliothèques sont les lieux où règnent l’écrit et la connaissance, quels que soient leurs supports, imprimés ou virtuels. à ce titre, elles peuvent fasciner autant qu’effrayer, subjuguer autant qu’horripiler. Labyrinthiques et infinies, ou lugubres décors de crimes ou de sortilèges, elles peuplent la littérature et le cinéma et nourrissent folles utopies et imaginaires foisonnants. Panorama subjectif des représentations des bibliothèques et des ressources liées à leur histoire.

Incroyables bibliothèques

Tour d’horizon de quelques bibliothèques remarquables à visiter. Les sites de chacune de ces bibliothèques sont pourvus d’une rubrique qui en retrace l’histoire, l’évolution architecturale, et met en lumière les manuscrits, incunables et œuvres patrimoniales qui y sont conservés.

En France :

BNF site François Mitterrand et site Richelieu, Paris  www.bnf.fr/fr/la_bnf/histoire_de_la_bnf.html

Bibliothèque Sainte-Geneviève, Paris  www.bsg.univ-paris3.fr/iguana/www.main.cls

Bibliothèque Mazarine, Paris  www.bibliotheque-mazarine.fr/fr/

En Europe :

Trinity College, Dublin  www.tcd.ie/library/about/history.php

Abbaye bénédictine d’Admont, Autriche  www.stiftadmont.at/en/library

Bibliothèque de l’Abbaye bénédictine d’Admont

Bibliothèque abbatiale St Gall, Suisse  www.stiftsbezirk.ch/fr/container/stiftsbibliothek/

Bibliothèque Nationale de Prague, République Tchèque  www.en.nkp.cz/about-us/about-nl/national-library-s-history

Bibliothèque Nationale de Prague

Abbaye bénédictine de Metten, Allemagne  www.kloster-metten.de/?page_id=23&layout_id=1

Openbare Bibliotheek Amsterdam (OBA), Pays-Bas  www.oba.nl/

Openbare Bibliotheek Amsterdam

Bibliothèque Laurentienne, monastère de San Lorenzo, Florence (Italie) www.bmlonline.it/

Ailleurs dans le monde :

Bibliothèque du Congrès, Washington D.C., USA   www.loc.gov/

Bibliothèque du Congrès, Washington D C

Bibliotheca Alexandrina, Le Caire (Égypte)  www.bibalex.org/fr/Default

Bibliothèque de Tianjin (Chine) www.francetvinfo.fr/monde/chine/chine-la-bibliotheque-de-tianjin-une-architecture-impressionnante_2627424.html

Bibliothèque de Tianjin

Bibliotheca Vasconselos, Mexico www.bibliotecavasconcelos.gob.mx/

Cette galerie photos explore l’architecture des grandes bibliothèques partout dans le monde, qu’elles soient très anciennes ou contemporaines  www.tuxboard.com/les-plus-belles-bibliotheques-dans-le-monde/

Le Mundaneum à Mons (Belgique) : créé par les Belges Paul Otlet (1868-1944), père de la documentation, et Henri La Fontaine (1854-1943), Prix Nobel de la paix en 1913. On y trouve les meubles-tiroirs qui renfermaient les fiches du Répertoire Bibliographique universel, ancêtre du Web, ce « Google de papier » qui entendait recenser à travers leurs références bibliographiques, toutes les parutions mondiales. Aujourd’hui le Mundaneum est un lieu d’exposition, et un centre d’archives dont le fonds documentaire se compose des ouvrages personnels des fondateurs, d’affiches, de cartes postales, de plaques de verre, du Répertoire Bibliographique Universel, du Musée International de la Presse et de fonds d’archives relatifs à trois thématiques principales : le pacifisme, l’anarchisme et le féminisme  www.mundaneum.org/

Warburg Institute à Londres : centre de recherche, d’archives, lieu d’expositions et de conférences, l’institut Warburg renferme la bibliothèque d’Aby Warburg, critique d’art et essayiste, qui possède son propre système très personnel de classement, dans une pièce circulaire et en perpétuel changement  https://warburg.sas.ac.uk/

Expositions

La bibliothèque, la nuit : bibliothèques mythiques en réalité virtuelle (qui s’est déroulée à la BNF site François Mitterrand en 2017).
Cette exposition en partenariat avec les Archives nationales du Québec prend pour fil conducteur le livre d’Alberto Manguel, La bibliothèque, la nuit ; après une introduction consacrée à l’imaginaire des bibliothèques, à partir des collections de la BNF, le visiteur se retrouve plongé grâce à un casque de réalité virtuelle, dans une salle aux arbres-livres où il peut visiter dix bibliothèques mythiques, réelles ou imaginaires  www.bnf.fr/fr/evenements_et_culture/expositions/f.bibliotheque_la_nuit.html

Exposition La bibliothèque la nuit, BNF

Labrouste, architecte (1801-1875) : la structure mise en lumière, exposition qui s’est déroulée à la cité de l’architecture et du patrimoine, en 2012-2013  www.citedelarchitecture.fr/fr/exposition/labrouste-1801-1875-architecte-la-structure-mise-en-lumiere

Expositions virtuelles

BNF, Galerie d’histoire des représentations : Tous les savoirs du Monde. Exposition virtuelle sur l’encyclopédisme, les grands livres de l’histoire de la pensée, les tentatives de rassembler les connaissances au travers de l’histoire  http://expositions.bnf.fr/savoirs/index.htm
BNF, Galerie du Livre et de l’écrit :
L’aventure du livre  http://classes.bnf.fr/livre/index.htm
L’aventure des écritures  http://classes.bnf.fr/ecritures/index.htm
Choses lues, choses vues  http://expositions.bnf.fr/lecture/arret/01_1.htm

Cette dernière galerie virtuelle comprend entre autres un article sur l’histoire de la lecture rédigé par Roger Chartier, la retransmission filmée d’une conférence d’Alberto Manguel sur la lecture, des représentations sur les pratiques de lecture et de l’arbre des savoirs, une anthologie de textes sur la lecture, les bibliothèques, le classement des livres.

Dossiers thématiques

Cours en ligne de l’Université de Montpellier : histoire du livre et des bibliothèques, classée en deux principales parties, « L’objet » et « L’usage ». Dans cette dernière, les thèmes « Conservation / Utilisation / Circulation » permettent de revenir sur les grandes bibliothèques et leur histoire  http://meticebeta.univ-montp3.fr/lelivre/sommaire/index.html

Sur le site Remue.net, un dossier thématique garni d’anthologies sur le thème « Bibliothèques en Littérature », foisonnant de citations, références et documents pour alimenter les représentations imaginaires des bibliothèques.  http://remue.net/spip.php?rubrique169

La bibliothèque humaine « Human Library »  http://humanlibrary.org/
Le concept fondé par une association danoise est de proposer des « livres humains », à savoir des personnes qui viennent témoigner sur un sujet précis, lors de groupes de parole. L’idée est de reprendre la métaphore de la bibliothèque pour « emprunter » ces témoins pendant quelques minutes afin d’écouter leur histoire. L’association tourne partout en Europe et en France pour libérer la parole. À lire  www.lexpress.fr/actualite/societe/human-library-quand-les-auteurs-de-livres-racontent-leur-histoire_1887978.html

Temps forts

Nuit de la lecture : Organisée par le Ministère de la Culture, cet événement qui a eu lieu cette année le samedi 19 janvier, est l’occasion de mettre à l’honneur la lecture grâce à une ouverture en nocturne des bibliothèques publiques qui proposent animations, spectacles, jeux de pistes, sélections, contes etc. On peut facilement faire écho à cet événement dans les CDI en proposant en journée des animations similaires qui permettent la promotion de la lecture.
https://nuitdelalecture.culture.gouv.fr/
À noter, la rubrique « Piochez des idées » est une petite mine d’or d’activités à mettre en œuvre sur la lecture au CDI  https://nuitdelalecture.culture.gouv.fr/Participez/Piochez-des-idees-pour-organiser-un-evenement

Nuit des Bibliothèques : événement similaire à la Nuit de la Lecture, la Nuit des Bibliothèques s’est déroulée le samedi 13 octobre 2018 dans de nombreuses médiathèques. Animations, concerts, et ambiance festive lors de l’ouverture en nocturne des bibliothèques.  http://mediatheques.bordeaux-metropole.fr/zoom/la-nuit-des-bibliotheques-2

 

Bibliographie

Mangas

Shinohara / Umiharu. Le Maître des livres. Komikku editions, 2011-2017. Série en 15 tomes.

Yumi, Kiiro / Arikawa, Hiro. Library wars : love & war. Glénat, 2008-2015. Série en 15 tomes, adaptée des 4 light novels éponymes écrits en 2006-2007.

Gakuto Mikumo, Chako Abeno. The Mystic Archives of Dantalian, Soleil Manga, 2008-2011. Série en 8 tomes.

Bande dessinées

MATHIEU, Marc-Antoine, L’Ascension et autres récits. Delcourt, 2005.

MATHIEU, Marc-Antoine. Le Livre des livres. Delcourt, 2017.

SCHUITEN, François, PEETERS Benoît. Les Cités obscures, 3. L’Archiviste. Casterman, 2000.

SHIGA Jason. Bookhunter. Cambourakis, 2001.

Livre jeu

Gueidan, Clémence ; Natas, Guillaume ; Steiner, Florent. Une nuit à la bibliothèque. Mango, 2018 (livre jeu d’escape game, énigmes)

Romans jeunesse

BEN KEMMOUN Hubert. N’allez jamais à la bibliothèque pour plaire à la fille dont vous êtes amoureux. Pocket Jeunesse, 2005

BRISOU-PELLEN, Evelyne. Le Grand Amour du bibliothécaire. Casterman, 2005.

CHEE, Traci. La Lectrice ; éd. Robert Laffont, 2017.

COLFER, Eoin. Panique à la bibliothèque. Gallimard jeunesse, 2004.

GUDULE, La bibliothécaire, Hachette, Le livre de poche, 1995.

HASSAN ; RADENAC. La Fille qui n’aimait pas les fins. Syros, 2013

HASSAN, Yaël. Momo petit prince des Bleuets. Syros, 1998.

MAHY, Margaret. L’Enlèvement de la bibliothécaire. Gallimard Jeunesse, 2002

MORGENSTERN, Suzie. Le Vampire du CDI. L’école des Loisirs, 1997

SANVOISIN, Eric. Le Buveur d’encre. Nathan, 2005

THOMPSON, Colin. Le Livre disparu. Circonflexe, 1998.

ZUSAK, Markus. La Voleuse de livres. Oh éditions, 2007.

Littérature (liste subjective et non exhaustive)

On peut citer, avec Manguel, quelques-unes des représentations imaginaires des bibliothèques : celle qu’invente Rabelais dans Pantagruel, qui est une satire du monde savant et monastique ; celle de Charles Dickens chez lui, qui comporte une porte secrète dissimulée derrière une étagère composée de dos de livres imaginaires écrits par des auteurs fantaisistes ; ou encore les bibliothèques fictives peuplées de livres bien réels comme celles du capitaine Némo ou celle dans laquelle mène l’enquête Guillaume de Baskerville dans Le Nom de la Rose d’Eco.

BEINHART, Larry. Le Bibliothécaire. Gallimard, Folio policier, 2005.

BONGRAND, Caroline. Le Souligneur. Stock, 1993

BORGES, Jorge Luis. La Bibliothèque de Babel. Fictions Gallimard, Folio, 1986.

BRADBURY, Ray. Fahrenheit 451. Gallimard, Folio SF, 2005.

CHRISTIE, Agatha. Un cadavre dans la bibliothèque. LGF, 2001

DESALMAND, Paul. Le Pilon. Quidam éditeur, 2011.

DAMASIO, Alain. La Horde du contrevent. Gallimard, 2015.

DAOUD, Kamel. Zabor ou Les psaumes. Actes Sud, 2017

DIVRY, Sophie. La Cote 400, 10/18, 2013.

ECO, Umberto. Le Nom de la rose, Lgf, 1983.

FASMAN, Jon. La Bibliothèque du géographe, Seuil, 2005.

FINKEL, Irving. Au paradis des manuscrits refusés, 10/18, 2017.

FOENKINOS, David. Le Mystère Henri Pick. Gallimard, 2016.

GROSSMAN, Lev. Codex : le manuscrit oublié. LGF, 2004. HAUMONT, Thierry. Le Conservateur des ombres. Gallimard, 1985.

HUYSMANS, JK. A rebours. Gallimard, Folio, 1991.

LIBIS, Jean. La Bibliothèque. Ed. du Rocher, 2000.

MUSIL, Robert. L’Homme sans qualités. Seuil, 1982. À noter : on y trouve la méthode du personnage de bibliothécaire inventé par Robert Musil en 1930 pour retenir tous les titres des livres de sa bibliothèque : il n’en a lu aucun ! Cela lui permet, assure-t-il, d’en avoir une vue d’ensemble, sans se noyer dans les détails de leur contenu.

PADURA, Leonardo. Les Brumes du passé. Métailié, 2015. Découverte d’une bibliothèque privée intouchée depuis des années.

POSLANIEC, Christian. Les Fous de Scarron. Le Masque, 1990.

RABELAIS. Pantagruel. Seuil, 1996.

ROTHFUSS, Patrick. trilogie Chronique du tueur de roi. Bragelonne, 2009.

RUIZ Zafon, Carlos. L’Ombre du vent. Librairie générale française, 2005.

VERNE, Jules. Vingt mille lieues sous les mers. Lgf, 2001. Pour la bibliothèque du Capitaine Némo dans le Nautilus.

Essais / Livres documentaires

ANDRE, Marie-Odile ; DUCAS Sylvie (dir.) Écrire la bibliothèque aujourd’hui. Éd. du Cercle de la librairie, 2007.

BAEZ, Fernando ; LHERMILLIER, Nelly. Histoire universelle de la destruction des livres : des tablettes sumériennes à la guerre d’Irak. Fayard, 2008.

BAILLY, Jean-Christophe. Une nuit à la bibliothèque ; suivi de Fuochi sparsi. C. Bourgois, 2005

BARATIN, Marc ; JACOB, Christian. Le pouvoir des bibliothèques : la mémoire des livres en Occident. Albin Michel, 1996.

BENJAMIN, Walter. Je déballe ma bibliothèque, Rivages poche, 2015.

BERTRAND, Anne-Marie. Les Bibliothèques. La Découverte, 2011

BERTRAND, Anne-Marie ; KUPIEC, Anne.Ouvrages et volumes : architecture et bibliothèques. Cercle de la Librairie, 1997.

CHAINTREAU, Anne-Marie ; LEMAITRE, Renée. Drôles de bibliothèques : le thème de la bibliothèque dans la littérature et le cinéma. Cercle de la librairie, 1993.

CHARTIER, Roger. L’Ordre des livres : lecteurs, auteurs, bibliothèques en Europe entre le XIVe et le XVIIIe siècle. Alinéa, 1992.

DESMAZIERES, Erik ; ROLIN, Olivier. Voyage au centre de la bibliothèque. Catalogue d’exposition, BNF, Hazan, 2012.

ECO, Umberto. De Bibliotheca. L’Échoppe, 1986.

ECO, Umberto ; CARRIERE, Jean-Claude. N’espérez pas vous débarrasser des livres. Grasset, 2009.

EL ABADIE, Mostafa. Vie et destin de l’ancienne bibliothèque d’Alexandrie. Unesco, PNUD, 1992.

FIGUIER, Richard. La Bibliothèque, miroir de l’âme, mémoire de l’âme. Autrement, 1991.

HOBSON, Anthony. Grandes bibliothèques. Stock, 1971.

JOLLY, Claude ; POULAIN, Martine ; VARRY, Dominique ; VERNET, André. Histoire des bibliothèques (4 vols). éd. Du Cercle de la Librairie, 1989-1992, rééd. 2008-2009.

LAUBIER, Guillaume (de) ; BOSSER, Jacques. Bibliothèques du monde. éd. De la Martinière, 2003

LEVIE, Françoise. L’Homme qui voulait classer le monde : Paul Otlet et le Mundaneum. Les impressions nouvelles, 2006.

MANGUEL, Alberto. La bibliothèque, la nuit. Actes Sud / Leméac, 2006.

MANGUEL, Alberto. Je remballe ma bibliothèque : une élégie et quelques digressions. Actes Sud, 2018.

MELOT, Michel. La Sagesse du bibliothécaire. L’œil neuf, 2004.

MINOUI, Delphine. Les Passeurs de livres de Daraya : une bibliothèque secrète en Syrie. Seuil, 2017.

NAUDE, Gabriel. Advis pour dresser une bibliothèque. 1627, édition par Bernard Teyssandier, Klincksieck, 2008.

OLENDER, Maurice. Un fantôme dans la bibliothèque. Seuil, 2017.

ORSENNA, Erik. Voyage au pays des bibliothèques. Stock, 2018.

PEREC, Georges. Penser / Classer. Seuil, 2003.

PIVOT, Bernard ; BONCENNE, Pierre. La Bibliothèque idéale. Albin Michel, 1988.

PLAINE, Jacques. Souvenirs d’un libraire. Le Cherche Midi, 2002.

POLASTRON, Lucien Xavier. Livres en feu : histoire de la destruction sans fin des bibliothèques. Gallimard, 2009.

WOOLF, Virginia. Comment lire un livre. L’Arche, 2008.

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Le Rat de Bibliothèque Carl Spitzweg, 1850, huile sur toile, musée Georg-Schafer, Schweinfurt (Allemagne)
Bibliothèque Imaginaire du Nautilus

 

Le cas Sikoryak

La caractéristique de la parodie, c’est d’évoquer une œuvre existante tout en présentant des différences perceptibles et de manifester humour ou raillerie. Une parodie est donc une œuvre originale qui en imite une autre : elle engage une relation critique à l’objet parodié, lui faisant subir certaines transformations dans un esprit ludique ou satirique, avec l’intention d’amuser, et pas nécessairement de moquer ou dénigrer l’œuvre originale ; de nombreuses parodies sont des hommages rendus à des œuvres dont on reconnaît l’importance.
Dans le détournement, qui peut apparaître comme l’un des moyens de la parodie, dans la bande dessinée, le procédé consiste en un jeu de décontextualisation et d’hybridation d’images ou de planches existantes, pas forcément redessinées, mais sorties de leur contexte initial, détournées de leur intention ou de leur public d’origine.
En plus d’être ludique, la parodie en bande dessinée s’avère souvent pédagogique. En proposant un regard décalé, l’exercice de la parodie invite le lecteur à une lecture ou relecture des œuvres. Par les choix qu’ils font, la sélection dessine un corpus des œuvres référentielles, essentielles, celles qu’il faut connaître ou qui ont marqué l’histoire de la bande dessinée.

Robert Sikoryak est un auteur américain atypique dont l’essentiel de l’œuvre se concentre sur d’étonnantes expérimentations que l’on peut qualifier de parodiques. Il redessine en utilisant le même style graphique que l’œuvre parodiée, dans un exercice proche du pastiche ou du détournement, mais en ajoutant une dimension ludique et critique et en s’imposant d’autres contraintes, ce qui aboutit à des formes de bande dessinée inédites.

Dostoyevsky Comics planche P. 51

 

 

Masterpiece Comics

Ancien membre de l’équipe éditoriale de Raw, la prestigieuse revue d’Art Spiegelman et de Françoise Mouly, Robet Sikoryak est dessinateur pour le New Yorker et publie chez Drawn & Quarterly. Masterpiece Comics est le seul album de cet auteur publié en France par les éditions Vertige graphic, en 2012. Les planches réunies dont la production s’est échelonnée sur 20 ans (1989-2009) ne sont peut-être pas vraiment des parodies, mais relèvent d’une expérience étrange et originale entre littérature et bande dessinée, qu’on pourrait nommer hybridation ou interfécondité.
Sur la couverture française est mentionnée en titre secondaire La bande dessinée prend d’assaut la littérature alors que le sous-titre original en anglais (where classics and cartoons collide) signifie plutôt « entrer en collision ». Il faut plutôt y voir une confrontation voire une alliance. En tout cas, il ne s’agit pas d’une simple adaptation de classiques de la littérature, même doublée d’une intention ironique. Loin de réaliser un exercice de style « à la manière de », Sikoryak organise une association délibérée. Il va orchestrer un croisement entre une grande œuvre du patrimoine littéraire mondial et un comics, en recherchant une analogie entre la bande dessinée choisie et le texte littéraire. R. Sykoryak ne se contente pas de plaquer une œuvre sur une autre, il cherche des interactions profondes ou des passerelles symboliques entre des grands personnages littéraires et des héros de bande dessinée. Ce qui permettra au lecteur de chercher à identifier les points de convergence, d’enquêter afin de découvrir où se situe le travail de greffe de l’auteur.
Observons deux de ces récits.
Avec Dostoyevsky comics, qui rappelle le mythique Detective comics où paraît pour la première fois Batman, Sikoryak revisite Crime et Châtiment dans un récit de onze pages. Dans BD Zoom en 2012, Cecil MacKinley relevait que « le fait de prendre la nature profondément torturée de Batman pour la plonger dans le contexte moralement anxiogène de Crime et châtiment constitue une équation passionnante, cela questionne le personnage de Bob Kane avec ironie, en immergeant la fausse naïveté des bandes du Golden Age dans une trame littéraire tragique et classique, jetant des ponts entre cette littérature reconnue et un genre injustement méprisé ». Et effectivement, entre Raskolnikov et Batman, une affinité existe, mise en valeur par R. Sikoryak. Raskolnikov, ancien étudiant qui vit dans la solitude et la pauvreté, assassine une vieille prêteuse sur gage pour lui voler son argent. Or si l’on se concentre sur la justification de son acte par l’auteur russe, Raskolnikov en devient un prétendant à la surhumanité : « Les hommes ordinaires doivent vivre dans l’obéissance et n’ont pas le droit de transgresser la loi […] Les individus extraordinaires, eux, ont le droit de commettre tous les crimes et de violer toutes les lois pour cette raison qu’ils sont extraordinaires ». On n’est pas loin de la définition du super-héros, et le choix par Sykoryak de Batman dont l’âme sombre et les motivations douteuses ont souvent été exposées révèle ses fondements dans la planche de la page 51 ci-jointe. Raskolnikov et Batman s’imaginent au-dessus de la loi, en tout cas, ils sont prêts à la transgresser. Et ils estiment qu’il est juste d’employer des mesures extraordinairement cruelles pour lutter contre ce qu’ils considèrent être injustes.
Observons également sur cette planche une case décentrée où apparaît le visage grimaçant de la vieille femme, victime du crime de Raskol, qui vient le hanter en permanence. Elle apparait ici sous l’apparence du Joker, le super vilain, perpétuel adversaire de Batman ! Le costume du super-héros est montré comme un travestissement qui facilite le meurtre. Ici, à peine Raskol l’a-t-il enfilé qu’il trucide la vieille femme. Lorsqu’à la fin, il enlève son masque, et retire son costume de chauve-souris, il redevient un homme libre, libéré de son mensonge et de son crime.

Sikoryak travaille au plus près du style des auteurs cités : « Dans le cas de ma version de Crime et Châtiment de Dostoïevski, j’ai réuni un grand nombre de rééditions de Batman des années 50 pour pouvoir m’imprégner de leurs techniques de narration, de composition et de dessin. Pour cet exemple, je me suis tout particulièrement inspiré du style de Dick Sprang que je considère comme l’artiste le plus important de l’époque sur cette série. J’ai fait des photocopies de certaines de ses cases. Je les ai remontées, puis collées en fonction de leurs spécificités pour les rassembler ensuite dans un classeur : cela m’a servi de référence pour la conception de mes planches. En parallèle, j’ai dégagé les grandes lignes du roman pour les adapter aux contraintes narratives de la bande dessinée. Je pousse le vice jusqu’à imiter le lettrage des Batman de l’époque. Ce qui prime, c’est de respecter les intentions des deux œuvres : le style du comics et la trame du roman1. »
Observons une seconde rencontre proposée dans Masterpiece Comics, cette fois-ci entre Superman, de Siegel et Shuster, et L’Étranger d’Albert Camus. Le récit est condensé en huit couvertures d’Action Camus qui caricaturent les couvertures d’Action Comics, magazine qui publiait Superman. Ici, si le principe de l’hybridation est le même que précédemment, l’adaptation se double d’une contrainte, celle de la réduction.
Cette rencontre a priori improbable est pourtant assez judicieuse. Tout d’abord, les fausses couvertures, tout en reprenant les problématiques du roman, sont en accord avec Superman et ce que sous-entend sa présence sur notre planète : la solitude, l’abandon, l’absurdité et une forme de condamnation de la société : « J’ai toujours éprouvé un grand plaisir à jouer avec les similitudes et les disparités entre les personnages des comics et ceux des œuvres littéraires. Dans ce cas précis, les deux protagonistes, Meursault et Superman, sont des orphelins et des sortes de marginaux2 ».
Superman, envoyé dans l’espace par ces parents avant que leur planète natale ne disparaisse, est un émigré sur Terre, obligé de cacher sa vraie nature, coincé dans une double vie et une double identité. Le fils de Krypton devient ainsi aisément L’Étranger, semblable à Meursault, un personnage en marge de la société qui, à l’enterrement de sa mère, ne se comporte pas comme l’exigent les codes sociaux : il ne pleure pas et ne manifeste pas le moindre chagrin, alors que le soleil « insoutenable » et la chaleur lui paraissent le plus menaçants et désagréables pendant les obsèques. Tous les éléments de cette scène sont très bien rendus par Sykoriak qui plante un Superman, désinvolte et fumeur au milieu du cimetière. L’incipit de Camus, une des phrases les plus célèbres de la littérature, « Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas » est scindé en deux, entre le titre de l’épisode et la question posée en direct par Superman.
Dans ces huit couvertures, on retrouve l’articulation du roman autour de trois événements importants : l’enterrement de la mère au début, le meurtre de l’Arabe au milieu et la condamnation à la fin. Dans les deux premiers événements, le soleil a une symbolique marquée, étroitement liée à la souffrance et à la mort, parfaitement mis en valeur ici par Sikoryak. Dans la bande dessinée, on se souvient de l’influence du soleil sur Superman : une partie de ses pouvoirs lui viennent de cette planète dont il absorbe les radiations…
L’éventail des styles abordés par Sikoryak est impressionnant. Il fait montre d’une capacité extraordinaire à se glisser dans le style de chacun des dessinateurs choisis. Il ne s’est pas engagé dans un seul genre de littérature ou de comics. Il va piocher dans toute l’histoire de la bande dessinée américaine, depuis le début du xxe siècle avec Little Nemo jusqu’aux Garfield ou Peanuts plus récents, en passant par les comics des années 50 et 60, pour les marier avec Voltaire, Kafka, Emily Bronte, Oscar Wilde, Goethe… Ce qu’agence Sikoryak, c’est une « inadaptation » délibérée. Mais, comme le souligne Loleck, « cette inadaptation est mesurée : car une analogie existe, de sorte qu’une forme de complicité s’articule entre l’œuvre littéraire choisie et le registre graphique dans lequel elle se trouve déplacée3. »
Entre pastiche, caricature, parodie, mise en relation, adaptation, ces hybridations manigancées par l’artiste, par-delà leur caractère parfois saugrenu, disent une vérité de chacune des deux sources ainsi « mixées ». Il y a bien quelque chose d’irrévérencieux et de réjouissant dans l’hybridation – le fait que Raskolnikov se transforme en Batman – mais il y a aussi ce travail de convergence, ce jeu de miroirs qui s’instaure entre ces récits croisés de sorte que Dostoievsky revèle une vérité sur Batman, Oscar Wilde sur Little Nemo, ou Kafka sur Charlie Brown. Dans une interview, Sikoryak précise : « j’essaie de choisir des œuvres qui ont eu un impact culturel, qui appartiennent à notre conscience culturelle collective. J’aime l’idée de trouver une connexion entre deux univers qui appartiennent clairement à des pôles opposés, en termes d’intentions et de publics et j’espère trouver suffisamment de parallèles entre leurs intrigues ou personnages pour en tirer profit4 »
On voit bien qu’un des objectifs de Sikoryak est de casser des clichés quant aux représentations qu’on se fait de la littérature ou de la bande dessinée et de créer des passerelles entre elles, montrer qu’il y a des traces de l’un dans l’autre à travers des problématiques communes. Au final, rend-il la littérature plus proche aux amateurs de bande dessinée et/ou rend-il la bande dessinée plus intéressante aux yeux des amateurs de littérature ? Probable qu’il parvienne plus à séduire les amateurs de bande dessinée, car le background en matière d’histoire de la bande dessinée se révèle plus important pour apprécier le jeu qu’il propose que le background en termes de littérature.

The Unquotable Trump

« Que pensez-vous du “waterboarding” [une forme de torture simulant la noyade] ? Je l’apprécie beaucoup. Je crois qu’elle n’est pas assez sévère. »

Plus récemment, en 2017, Sikoryak a publié The Unquotable Trump, une satire du Président américain à travers le détournement de couvertures de magazines ou d’albums de bandes dessinées emblématiques. Sikoryak s’est ici imposé une contrainte : n’utiliser que les mots prononcés par Trump lors d’événements publics ou d’interviews, sans procéder à aucune modification de termes.
Ce titre, The Unquotable Trump, est une référence à tiroirs ! En effet, il fait directement référence à The Uncredible Hulk, son titre et évidemment ce personnage particulièrement monstrueux, ce Dr Jekyll et M. Hyde de la bande dessinée, incapable de contrôler sa colère et ses métamorphoses. Mais le titre s’amuse également de la contrainte de la citation que s’est imposée Sikoryal puisque The Unquotable Trump pourrait être traduit par « l’Incitable Trump », on a presque envie de dire « celui dont on ne peut pas citer les propos » tant ils sont choquants, et dont le procédé choisi révèle toute la provocation  !
Sykoryak met en scène des batailles épiques entre super-héros et super-vilains qui constituent d’après lui un contexte particulièrement adéquat à la mise en scène de Trump : « Je pense qu’une partie de la raison pour laquelle cela fonctionne si bien est que les bandes dessinées sont souvent très tranchées lorsqu’elles décrivent le bien et le mal. Et parfois, leur vision du monde est très simpliste, tout comme les déclarations de Trump. Je pense que la bande dessinée peut être assez subtile et nuancée, mais pour cette série, je joue définitivement avec les stéréotypes de la bande dessinée5. »
Trump se trouve ainsi intégré dans des couvertures mythiques de la bande dessinée américaine, caricaturé en Hulk ou super-vilain. Le fait d’être transporté dans l’univers de la fiction déréalise le président américain, il n’est plus qu’un personnage de papier affublé des tares des personnages qu’il représente. Cette mise en scène attire l’attention du lecteur sur les mots de Trump. Des déclarations d’ailleurs souvent prononcées plutôt qu’écrites. En les sortant de leur contexte et en les écrivant comme un texte de personnage, l’auteur met ces déclarations à distance, les exhibe, les expose, les donne à relire. L’extravagance ou la violence des propos de Trump ressurgissent dans toute leur crudité, comme mis à neuf par cette expérience. La parodie de Sikoryak dévoile ici son esprit satirique. Cette mise en scène s’avère également jubilatoire pour un amateur de comics qui pourra chercher à identifier l’auteur, le style, le genre, l’époque à laquelle fait référence Sikoryak, et surtout le point de convergence entre le texte de Trump et l’œuvre sélectionnée. C’est donc à la fois un jeu de référence sur la bande dessinée et la parodie d’un homme politique, dont le but est de discréditer.

« Nous allons tellement gagner que vous allez être fatigués de gagner et vous allez venir vers moi et me dire: «S’il vous plaît, nous ne pouvons plus gagner ! »

Terms and Conditions,
The Graphic novel

Autre projet assez incroyable de Sikoryak : la mise en bande dessinée d’un document particulièrement illisible, à savoir les conditions générales d’utilisation d’Itunes d’Apple, un document de 20 000 mots qu’aucun utilisateur ne lit et que pourtant tous valident en cliquant sur le bouton « Accepter ». Ce texte est un document juridique qui engage l’utilisateur et protège surtout la société éditrice. Le seul à l’avoir lu entièrement est peut-être Robert Sikoryak qui l’a adapté en bande dessinée (publié chez Drawn and Quaterly en mars 2017, pas encore traduit en français). « Je me suis dit que les conditions générales d’iTunes feraient une bande dessinée très improbable. J’ai adoré l’idée d’adapter dans son intégralité un texte dont tout le monde a entendu parler, mais que très peu de gens ont réellement lu. » Et il ajoute « C’est quelque chose que les conditions d’utilisation ont en commun avec de nombreux classiques de la littérature ».
Ce projet aura demandé plusieurs années ; le résultat tient en 94 pages. Chaque page est réalisée d’après une planche de bande dessinée existante, redessinée dans le style de l’artiste original, avec une représentation de Steve Jobs qui prend la place et le style graphique du personnage d’origine. Les dialogues et les commentaires narratifs sont la retranscription exacte et intégrale des conditions contractuelles iTunes d’Apple. « En choisissant un texte sans narration, cela signifiait que je pouvais utiliser les scénarios des bandes dessinées que je parodiais pour créer un drame, du suspense ou de l’humour6 ».
Steve Jobs déambule dans ces univers multiples, allant de Little Nemo aux X Men. Steve Jobs a l’avantage de parler à tout le monde : sa tenue, lunettes et pull noir col roulé, est un uniforme parfait pour un personnage de bande dessinée, parce que forte visuellement et donc reconnaissable facilement. Aucune autre personnalité du monde du numérique n’égale son statut iconique. « Si j’avais utilisé les conditions d’utilisation de Facebook ou Amazon, par exemple, je n’aurais pas eu un personnage principal avec le même impact » révèle lui-même Sikoryak.
Le contraste est assez saisissant entre la neutralité du texte et certaines pages connues ou représentatives du style d’un auteur : celle de Steve Jobs en pleine recherche des Cigares du Pharaon par exemple. Ou discutant avec les protagonistes dubitatifs de Persepolis. Sikoryak précise : « J’ai vraiment essayé de représenter les différents types de bande dessinée : il y a des artistes européens et japonais, des auteurs indépendants et d’autres plus traditionnels, des auteurs édités sur papier et d’autres sur le web, des auteurs de roman graphique et des artistes publiés dans les journaux du début du xxe siècle… Je dois avoir passé autant de temps à choisir les artistes et à trouver des pages qu’à les dessiner ! »
Ce qui ressort de cette juxtaposition de planches, c’est qu’il n’y a pas de hiérarchie à l’intérieur de l’album, des auteurs à privilégier au détriment d’autres. Pour Sikoryak, il n’y a pas de barrières ni d’échelons. Le lecteur est convié à une représentation générale et éclectique de la bande dessinée, loin de tout sectarisme. Évidemment, le lecteur le plus aguerri s’amusera à reconnaître telle ou telle planche et en tirera du plaisir. Pour les autres, cela ne sera peut-être qu’une invitation à la découverte graphique ou une promenade dans l’histoire de la bande dessinée.

Terms & Conditions

Sykoriak ne cherche pas, comme dans les travaux précédents, à faire émerger des associations entre le texte et les planches choisies, mais cela ne signifie pas qu’on ne peut pas en trouver ! Comme dans une planche tirée du travail de Kate Beaton où un paysan médiéval demande une jeune fille en mariage. La proposition de mariage (un peu forcé) de Jobs n’est qu’une suite d’injonctions qui répète you agre, you agree / vous etes d’accord… Difficile de ne pas tisser de liens ! Sur une autre planche se produit un télescopage assez réussi et humoristique. Steve Jobs embrasse Jean Grey (connue en France sous le nom de Strange girl ou Marvel girl) juste avant qu’elle ne meure dans la Saga de Phénix noir (un récit des X-Men des années 70, écrit par Chris Claremont et John Byrne). Pendant qu’il l’embrasse, il lui chuchote passionnément à l’oreille : « Ceux qui recevront des cadeaux doivent avoir un équipement et des paramètres de contrôle parental compatibles pour utiliser certains de ces cadeaux. » par sa mise en scène, Sikoryak parvient à conférer à cette phrase un contenu quasi érotique !
Un critique américain a souligné : « le produit fini est remarquable pour plusieurs raisons : le texte reste tout à fait inaccessible, même transposé dans cette excitante tradition visuelle de bandes dessinées. Ce qui montre que délibérément ou pas, Apple a fait de vous un serf asservi à un seigneur dont vous ne parlez pas la langue. » Sikoryak met ainsi en évidence le langage sibyllin des documents de ce type où tout est fait pour que l’utilisateur ne comprenne rien de ce qui lui est énoncé, et qui ne sert en fait qu’à protéger les sociétés. Il affirme pourtant qu’avec ce projet, il ne cherche pas à devenir un ennemi d’Apple mais bel et bien d’expérimenter et de jouer avec cette forme d’adaptation.

Le travail de Sikoryak qui s’exerce dans l’aire du pastiche, de la référence détournée et de la parodie est tout à fait atypique. Entre ses adaptations littéraires qui sont plutôt des hybridations, ses mises en scène de Trump qui sont effectuées sous contrainte textuelle et iconique et son dernier travail qui est de l’ordre de l’exercice de style, du détournement et du pastiche, difficile de catégoriser cet auteur et d’étiqueter son travail. Il y a bien chez lui quelque chose d’oubapien qui relève du ludique, de l’expérimentation, du plaisir de la transgression et de l’emprunt de voies inexplorées par la bande dessinée.

Terms & Conditions : Sikoryak reprend ici une planche culte de Will Eisner qui avait intégré le titre du Spirit dans la forme architecturale du building, et qui avait utilisé le cadre de l’ascenseur pour figurer les premières cases.

 

 

¡ ADELANTE !

En cette fin 2018, c’est avec un profond chagrin que la rédaction d’Intercdi a accueilli la nouvelle du décès de José Francés.
Si quelques lignes ne suffiront jamais à rendre compte de ce que José a apporté à la revue, et encore moins à chacun d’entre nous, lui dédier cet édito qu’il a rédigé à votre attention de nombreuses années durant était une évidence. Les témoignages d’affection qui lui ont été adressés esquissent tous cette même présence au monde et à l’autre, attentive, généreuse, sensible. Avec son sourire si chaleureux, sa prévenance constante, son humanisme, sa bienveillance et sa grande humilité, José était un homme exceptionnellement attachant, qui nous manquera terriblement.
C’est en 1986, sur l’invitation de Roger Cuchin, fondateur du CEDIS, que José rejoint votre revue. Depuis, s’impliquant toujours davantage dans la vie de l’association, il a travaillé sans relâche à faire exister InterCDI à l’aune de son engagement professionnel, sur un chemin de partage, d’ouverture, et de curiosité. Lors de son mandat de président (2000-2010) mais déjà avant, et encore longtemps après, jusqu’à cet automne. Il nous a consacré une grande partie de sa vie, nous offrant, avec discrétion mais sans réserve, son regard précis, sa tempérance, son enthousiasme.
Ce numéro que vous tenez entre vos mains est le premier que nous aurons préparé sans lui. Et pourtant. Mon bureau recèle de mille et une de ses précieuses attentions qui rappellent toutes combien l’efficacité technique offerte par la modernité ne doit jamais faire passer un moyen pour une fin : pas un document de travail sans un petit mot personnel, pas un courrier sans une jolie carte choisie avec soin, pas un BAT sans un coup de fil enthousiaste se terminant invariablement par la même exclamation : ¡ Adelante ! Injonction joyeuse et résolument tournée vers l’avenir dont nous avions fait notre mot d’ordre, une sorte de cri de guerre même, qui scande chaque page de ce nouveau numéro dont le hasard du calendrier a fait qu’il soit le premier de l’année.
Le premier édito rédigé par José en tant que président (Intercdi n°167, sept-oct. 2000) s’intitulait « Continuité », et c’est sans aucun doute le plus bel hommage que nous pourrons lui rendre : continuer. Continuer de faire vivre la revue et le lien avec nos lecteurs en gardant pour cap ses principes, que Julie Mallon, sa compagne, décrit avec tant de justesse : « un partage harmonieux et complet des expériences, une curiosité critique mais sans jugement abrupt, disons une curiosité bienveillante pour ce qui se passe dans les CDI et une vigilance critique (pas forcément hostile…) vis-à-vis de l’Institution, le rappel à la mission d’éducation, c’est-à-dire d’ouverture des jeunes esprits et vers eux, en partant d’eux et du concret, de la vie, mais en les « élevant », pour leur donner des chances de comprendre leur vie personnelle et sociale. » C’est ainsi forts de ces lignes qu’il a défendues tant d’années, accompagnées d’un carré de chocolat (selon sa prescription annuelle) et de son injonction favorite, que nous vous proposons ce numéro pour bien débuter cette nouvelle année, que nous vous souhaitons douce, riche en projets et heureuse.
¡ Adelante !

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C’est à la suite de mon premier article paru en 2005 que j’ai été convié à participer à un comité de rédaction par Chantal Nicolas, la rédactrice en chef de l’époque. Impressionné d’être invité par cette revue que je lisais depuis vingt ans et qui était, à mes débuts, le seul lien entre documentalistes, j’étais arrivé très en avance et dans mes petits souliers (ce qui est à la fois un zeugma et une litote car je chausse du 47). José, sans doute en raison de l’horaire matinal de son train, était déjà là. Il m’a aussitôt accueilli avec une grande chaleur, enveloppante, qui chassa le trac de me retrouver devant une vingtaine de personnes que je ne connaissais pas. Il me donna immédiatement l’impression que je faisais partie de « la famille », que j’étais adopté. Au fil des réunions, au fil des ans, j’appris à le connaître, à l’aimer.
José était un homme bienveillant. Toujours prêt à monter au créneau pour défendre notre profession, toujours prêt à soutenir un collègue, José était toujours confraternel.
José, grand lecteur de journaux, avait trouvé sa juste place à la tête de notre revue. Sans lui, elle ne serait pas ce qu’elle est.
José avait une autorité apaisante. Lors des échanges parfois vifs entre les membres du Comité de rédaction, il intervenait et tranchait, c’était son rôle, mais en prenant à chaque fois en considération les opinions des uns et des autres pour que personne ne se sente oublié ou blessé.
José était d’une grande rigueur intellectuelle et morale. Pas d’étroitesse, pas de bassesse d’esprit chez cet homme-là.
José était respectueux des autres. Il avait ainsi un respect quasi filial pour Roger Cuchin, le fondateur de notre revue.
José n’a jamais cessé de nous accompagner, et lorsque, parfois, le vent mauvais nous traversait, il était toujours là pour nous conseiller ou annoncer des jours meilleurs.
José donnait l’impression d’être un homme solide, un pied ancré dans sa terre ardéchoise, l’autre en Espagne, du côté de Valence. Même s’il n’a pas gagné son dernier combat, il s’est toujours battu vaillamment.
José était rieur. Je revois son grand sourire, ses yeux qui pétillaient et ses épaules qui se secouaient lorsque je sortais une mauvaise blague (je n’en connais que des mauvaises !).
Comme qui aime bien, châtie bien, je l’avais gentiment chambré dans le début de mon billet « Pour en finir une bonne fois pour tout avec la culture », qui, je sais, l’avait amusé :
« Lorsque le mercredi 14 octobre 2009, au cours du Comité de Rédaction de votre revue préférée José Francés, notre vénéré directeur de la publication, pointa son doigt sur moi en m’interpellant : « Pour le numéro spécial Culture, Jean-Marc, tu nous feras bien un truc rigolo ? », je me suis retrouvé comme le taureau dans l’arène qui, tête baissée alors qu’il admire tranquillement l’élégance des espadrilles du toréador, sent brutalement l’acier glacé de l’épée pénétrer son cou et briser une à une ses vertèbres cervicales.
La métaphore taurine m’est tout de suite venue à l’esprit car je soupçonne José d’avoir des origines hispaniques. D’autant plus qu’il vient aux réunions d’InterCDI habillé de lumière et que quand on lui demande s’il veut un café, il répond toujours : « Olé ! »
Je ne pouvais me défiler devant une commande aussi pressante de celui dont la photo orne chacun des éditos de la revue et qui, tel le Grand Timonier, guide nos pas dans la purée de pois d’un métier injustement méconnu… »

Salut et Fraternité Grand Timonier
Hasta la vista, compa ñero !

Jean-Marc David
Secrétaire général du CEDIS

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Immense peine.
J’ai eu la chance de connaître José, professeur documentaliste infatigable, exerçant en collège dans le Nord, et militant pour la profession et l’éducation à l’information et aux médias pour tou.te.s.
Je me souviens de ce jour de l’année 2003 où il est venu s’attabler dans le salon de mon domicile parental, à Lens, pour travailler avec moi sur un article qu’on me demandait d’écrire à propos de mon travail de recherche effectué dans le cadre de mon mémoire de Maîtrise en Info-Comm. À propos des « travaux croisés », et de leur perception par les élèves. Un échange d’une grande richesse pour l’aspirante professeure documentaliste que j’étais alors.
Je me souviens de ce numéro de la Revue Intercdi, envoyé par José à mon domicile, et reçu juste avant de prendre le TGV pour aller passer les oraux du CAPES Documentation à Marseille. Sur la première page de cette revue, José avait rédigé un petit mot, plein d’encouragements et de confiance à mon égard. J’ai emporté ce numéro avec moi, et l’ai lu dans le train, le mot de José posé bien en évidence, comme un mantra.
Depuis l’obtention du concours, les années ont passé, mais je n’ai jamais oublié José, sa modestie, sa franche sympathie, sa bienveillance, et sa vision du métier et du monde, sa force de conviction. Je n’ai jamais oublié ce que ce regard profondément confiant avait provoqué en moi, en tant que (future) professionnelle mais aussi tout simplement en tant qu’être humain.
De façon régulière, et toujours discrète, José m’adressait, depuis cette première et forte rencontre, des petits signes, des mots, toujours empreints de cette gentillesse. Aujourd’hui, je garde précieusement au fond de moi chaque mot, chaque regard, chaque expression de ce visage si chaleureux. Et regrette de n’avoir pas dit tout cela à José de son vivant. Même si, je le sais déjà, il aurait balayé ce remerciement d’un revers de la main, baissant les yeux modestement, et disant « Je n’y suis pour pas grand-chose, je fais de mon mieux ».
Mais ce mieux était tant, José.

Anne Cordier
Ex-professeure documentaliste (62)
Maîtresse de Conférences en SIC, Espé de Rouen

L’esclavage

Cette litanie de dates montre l’évolution de la prise de conscience du caractère génocidaire de la traite négrière telle qu’elle s’est mise en place à partir du 15e siècle2. La loi Taubira parle bien de cet aspect de l’esclavage dans l’article 1 : « La République française reconnaît que la traite négrière transatlantique ainsi que la traite dans l’océan Indien d’une part, et l’esclavage d’autre part, perpétrés à partir du xve siècle, aux Amériques et aux Caraïbes, dans l’océan Indien et en Europe contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes constituent un crime contre l’humanité. » L’article 2 évoque son enseignement à l’école : « Les programmes scolaires et les programmes de recherche en Histoire et en sciences humaines accorderont à la traite négrière et à l’esclavage la place conséquente qu’ils méritent .»

Un Marron, planche ©éd. Des Bulles dans l’Océan-Denis Vierge

Repères pédagogiques

L’esclavage et les traites sont au programme de 4e, dans le thème 1 : le 18e s., expansions, Lumières et révolutions. Un quart du programme d’Histoire est effectivement consacré aux traites négrières au 18e siècle, soit à l’apogée de ce trafic. Il est explicitement recommandé dans les programmes de ne traiter que cette partie, et non pas les origines de l’esclavage ou sa mise en place.

En classe de 2de, l’esclavage est traité surtout du point de vue des mouvements abolitionnistes, comme partie des mouvements de liberté des nations au 19e siècle, comme le précise le thème 5 du programme : Révolutions, libertés, nations, à l’aube de l’époque contemporaine.

Sites institutionnels

La création d’un comité chargé d’organiser les lieux et actions de commémoration de l’esclavage et de la traite est ordonnée par la loi Taubira. Après plusieurs changements de nom, ce comité devient en 2013 le Comité National pour la Mémoire et l’Histoire de l’Esclavage (CNMHE).  www.cnmhe.fr/
Ce site est très utile notamment pour toutes les informations législatives, et le calendrier des événements autour de la commémoration, notamment à travers sa page :
 www.esclavage-memoire.com/
Attention, certaines pages ne sont pas rafraîchies depuis quelques temps, et la rubrique Enseignement est un peu maigre.

Projet de fondation pour la mémoire de l’esclavage  www.lemonde.fr/politique/article/2018/04/27/une-fondation-pour-la-memoire-de-l-esclavage-sera-creee-en-2018-a-annonce-emmanuel-macron_5291735_823448.html

Organisation des Nations Unies
Le site web de l’ONU regroupe sur une page l’ensemble des ressources qu’elle propose à l’occasion de sa propre journée de commémoration de l’abolition de l’esclavage, le 2 décembre. On y trouve de nombreux textes de lois, déclarations d’intention et qui concernent aussi beaucoup l’esclavage moderne. Il peut être toutefois intéressant de signaler la dimension internationale de la commémoration.  www.un.org/fr/events/slaveryabolitionday/index.shtml

Un laboratoire du CNRS travaille sur les questions de l’esclavage, le Centre International de Recherches sur l’Esclavage (CIRESC). Sur son site, on trouve les travaux du laboratoire  www.esclavages.cnrs.fr, ainsi qu’un lien vers un site pédagogique  http://education.eurescl.eu . Ce dernier n’est pas vraiment à jour, mais certaines pistes peuvent donner des idées de parcours d’expositions.

Les musées

Mémorial de l’abolition de l’esclavage, Nantes. La ville de Nantes possède un grand mémorial de l’esclavage, en lien bien entendu avec le passé de port négrier de la ville.
 http://memorial.nantes.fr/
Le site propose des infos pratiques sur le musée, ainsi que des éléments pour aider les enseignants à préparer leur visite.
 www.chateaunantes.fr/fr/enseignants.
Différents parcours sont proposés, du primaire au lycée. Une sélection de ressources accompagne ces parcours d’exposition. Des expositions itinérantes peuvent également être empruntées.

Association Les anneaux de la mémoire, Nantes. Cette association, créée à la suite de l’exposition éponyme, travaille sur les mémoires de la traite négrière et l’ouverture culturelle entre l’Europe, l’Afrique et l’Amérique.  http://anneauxdelamemoire.org/
Elle propose également la location de matériel d’exposition, mallettes, expositions, etc.
 http://anneauxdelamemoire.org/outils-de-mediation/outils-pedagogiques/

Le mémorial ACTe, Pointe-à-Pitre
Ce mémorial, construit à la place d’une ancienne usine sucrière, est également un lieu d’expression de la culture caribéenne et programme, en plus des expositions permanentes et temporaires, des rencontres, concerts, contes, conférence, etc.
 http://memorial-acte.fr/

La route des abolitions de l’esclavage – Pôle mémoriel du Grand-Est. Ce pôle mémoriel est en fait un réseau de musées ou de lieux de mémoire situés dans l’Est de la France. Il est une association loi 1901 reconnue d’intérêt générale. Sur le site, on trouve l’ensemble des lieux visitables, mais également des ressources mises à disposition, notamment des expositions en prêt et des bibliographies.  www.abolitions.org
Quelques musées de ce réseau ont une page Facebook, notamment la maison de la Négritude à Champagney  www.facebook.com/MaisondelaNegritude/
et l’espace muséographique Victor Schoelcher, à Fessenheim  www.facebook.com/museeschoelcher/

Portrait de Renty, esclave africain, 1850, Les Routes de l’esclavage ©CPB Films

Déroulé de cours en ligne

Un déroulé de cours sur Bordeaux et le commerce triangulaire. http://pedagogie.ac-guadeloupe.fr/lettres_histoire_geographie_lp/bordeaux_et_commerce_triangulaire#attachments

« Les chemins d’une liberté, esclavage et abolitions »  http://pedagogie.ac-guadeloupe.fr/lettres_histoire_geographie_lp/bordeaux_et_commerce_triangulaire#attachments

Dossiers pédagogiques

 https://education.francetv.fr/matiere/temps-modernes/cm1/dossier/l-esclavage-comprendre-son-histoire
Dossier très complet autour de l’esclavage. Attention, il est à destination d’élèves de CM1, certains documents ne seront pas adaptés notamment les dessins animés « Il était une fois… ». Pour le reste, le format court des articles et des vidéos se prêtent très bien à une exposition au CDI, en collège.

 www.inrap.fr/dossier-actualite/sur-les-traces-de-l-esclavage-colonial
Un dossier constitué par l’Institut National de Recherches Archéologiques Préventives sur les fouilles de sites liés à l’esclavage : usines sucrières, plantations, etc.

 www.esclavage-martinique.com/
Chronologie de l’histoire de l’esclavage en Martinique.

 https://gallica.bnf.fr/essentiels/parcours-pedagogiques/esclavage
Ce parcours s’appuie sur les documents de Gallica (iconographie mais également littérature) pour créer un parcours pédagogique avec notamment des questions posées aux lecteurs, qui doivent trouver la réponse dans les documents. Plutôt pour le lycée.

Site Histoire par l’Image  www.histoire-image.org/fr/albums/traite-noirs

Expositions virtuelles

 http://exposvirtuelles.charente-maritime.fr/fr/expositions/la-traite-negriere-rochelaise-au-xviiie-siecle
Exposition virtuelle qui raconte cette fois-ci l’activité négrière de La Rochelle, autre grand port négrier français. On trouve des cartes, des panneaux explicatifs, des fac-similés de documents d’époque, type registres de commerces, etc.

La visite virtuelle d’une habitation sucrerie en Martinique, créée par quatre enseignants. Fiches pédagogiques téléchargeables, iconographie. Une ressource agréable à explorer.
 www.habitation-sucrerie.fr/index.php?lang=fr

 www.thinglink.com/scene/651720949619490817?buttonSource=viewLimits
Une carte Thing Link des principaux ports négriers français, avec des liens vers des ressources pédagogiques type FranceTV éducation. Idéal pour une mise à disposition sur un ordinateur en libre service lors d’une exposition dans l’établissement.

Marché aux esclaves à Zanzibar, Les Routes de l’esclavage ©CPB Films

Les routes de l’esclavage

Les Routes de l’esclavage est un documentaire en quatre parties de 52 minutes qui propose de retracer une histoire de l’esclavage, de l’Antiquité à la fin du xixe siècle, en s’appuyant sur l’ouvrage de l’historienne Catherine Coquery-Vidrovitch3, d’ailleurs conseillère historique du film. Né de la rencontre de trois documentaristes – Daniel Cattier, Juan Gélas et Fanny Glissant –, il s’avère un outil précieux à exploiter en fonction des ressources disponibles ou acquises en CDI pour cette occasion (cf. Ouverture culturelle de ce même numéro) et des possibilités dans votre établissement, lors de séances en co-enseignement avec les collègues d’Histoire-géographie qui ont cette problématique au programme. Résultat d’un travail de cinq ans, d’interviews de quarante historiens et de dix voyages à travers le monde, le film est une grande réussite, aussi bien sur le fond que sur la forme.
Tout d’abord, la forme. Le film est aisé à regarder : le discours est clair, et malgré le sujet tragique, le ton n’est jamais dramatique ou misérabiliste. Pour illustrer des événements précis ou des paroles de contemporains de l’époque, des séquences animées sont intercalées, ce qui permet d’introduire de l’anecdotique dans la suite des explications et interviews, et de varier le rythme du récit. Elles sont réalisées façon aplats de peinture animés, ce qui change des traditionnelles séquences de reconstitution un peu datées, où des acteurs pas toujours excellents amenaient plus de gêne que de compréhension…

Concernant le fond, la problématique du documentaire est la suivante : il s’agit non seulement de comprendre les mécanismes et l’économie de l’esclavage, mais aussi de se demander comment l’Afrique subsaharienne s’est retrouvée au cœur des routes de l’esclavage. Entre le viie et le xixe siècles, ce sont ainsi près de 20 millions d’Africains venus de tout le continent (Akans, Peuls, Yorubas etc. à l’ouest, Somalis à l’est) qui vont être réduits en esclavage et déportés. Comment une traite d’une telle ampleur a-t-elle pu se produire ?

476-1375 : Au-delà du désert

L’esclavage existe dès l’Antiquité, mais ce sont souvent des populations plutôt blanches et géographiquement proches, notamment de l’Empire romain. Si en latin on emploie le mot servus, qui a donné les termes « serf » « servitude », le mot esclave dérive lui du nom des Slaves.
En 476, l’Empire romain s’effondre, laissant la place à d’autres expansions. Au viie s., l’Empire musulman commence ses conquêtes, et a besoin de forces armées mais également de bras pour travailler. L’Islam interdisant d’asservir des musulmans, il faut trouver des forces plus loin. Au ixe siècle, une première traite s’organise entre l’Éthiopie, la Somalie et le monde arabe. Ces esclaves, nommés Zandj, arrivent en masse pour travailler en Mésopotamie. En 869, une révolte très violente marque un coup d’arrêt à cette traite. Petit à petit, Bagdad décline, au profit du Caire. Le marché de l’Afrique intérieure s’ouvre alors, d’autant que les esclaves commencent à se convertir à l’Islam pour échapper à leur condition. Les Arabes cherchent alors plus à l’Ouest, et traitent avec les Berbères, connaisseurs des routes du désert. Une route s’ouvre, reliant Le Caire à Tombouctou, porte de l’Empire du Mali, qui regorge de richesses, notamment d’or. À sa tête, l’empereur Soundiata Keita souhaite développer son pays et entretenir cette relation avec les Arabes. Mais il convertit son pays à l’Islam et les Arabes poursuivent plus au sud leurs recherches.
Entre les viiie et xive siècles, les Arabes ont ainsi déporté et réduit en esclavage près de 3,5 millions d’Africains. Aujourd’hui encore, ces routes transsahariennes sont utilisées par les populations fuyant les guerres et la misère, et tombent encore aux mains des marchands d’esclaves.

1375-1620 : Pour tout l’or du monde

Le Portugal, petit royaume côtier, cherche lui aussi à s’enrichir. En quête d’or bien sûr, mais les esclaves sont aussi une richesse. Plusieurs facteurs poussent les armateurs, encouragés par le roi Henri Le Navigateur, à chercher des voies de commerce vers l’Atlantique : contourner les Arabes présents dans le Sahara pour débarquer directement sur les côtes d’Afrique noire d’une part, d’autre part la place même de Lisbonne, seule capitale européenne donnant directement sur l’Atlantique. Les Portugais se lancent à l’assaut de l’Océan. Ils ne restent pas longtemps seuls : lorsqu’en 1453 Constantinople tombe, la route commerciale avec les Arabes et les Ottomans est coupée. L’Europe se lance à son tour sur la route atlantique : Flamands, Génois, Vénitiens suivent les Portugais. En 1471, ceux-ci s’installent alors sur l’île Saõ Tomé, d’où ils commercent avec le royaume Kongo, qui n’avait pas été en contact avec les musulmans. Le roi se convertit au christianisme, la noblesse s’entiche des nouveautés amenées par les Portugais. Ils s’y retrouvent en situation de monopole commercial. Toutefois, c’est toujours l’or qui les intéresse, et celui-ci se trouve dans l’actuel Ghana : se met alors en place une première forme de commerce triangulaire entre le royaume Kongo, les mines d’or et Saõ Tomé.
Sur l’île, les Portugais mettent en place le modèle économique de la plantation, en l’occurrence de canne à sucre. Le sucre est un produit très demandé, donc vendu cher, et est produit par une main-d’œuvre gratuite : c’est un modèle très rentable. Il est ainsi exporté rapidement au Brésil, découvert en 1500. Le sucre et la traite négrière qui en permet la culture deviennent ainsi la principale source de revenus pour la couronne portugaise. Toutefois, notamment à Saõ Tomé, une telle concentration de population opprimée conduit à des soulèvements : malgré la politique de « métissage » visant à défendre les intérêts des colons, une violente révolte éclate en 1595. Les Portugais abandonnent Saõ Tomé ; les plantations et les esclaves sont transférés vers le Brésil et les Caraïbes, au climat propice à la culture de la canne.
En 1620, les Portugais sont les maîtres incontestés de la traite négrière, 1 million d’Africains ont ainsi été déportés entre le xve et le xviie siècle.

1620-1789 : Du sucre à la révolte

Les nations se livrent à une guerre du sucre : 75% des esclaves sont déportés à cause du sucre. Les Antilles offrant les mêmes conditions que Saõ Tomé, la Hollande, l’Angleterre, la France font la guerre aux Espagnols et aux Portugais pour s’implanter dans la région. La reine d’Angleterre Elisabeth Ire encourage et finance ces raids corsaires.
Dans les plantations, les conditions sont extrêmement difficiles : à cause de la dureté du travail, les femmes tombent rarement enceintes, et le taux de mortalité infantile est très élevé. De plus, l’espérance de vie dépasse rarement les dix ans. Il y a donc un besoin constant de main-d’œuvre renouvelée.
Dans ce contexte, le système bancaire et d’assurances de l’Angleterre se développe, pour financer et assurer les grandes expéditions négrières. Les ports négriers se développent : Liverpool, Anvers, Nantes, La Rochelle, Bordeaux. L’argent de l’esclavage enrichit considérablement ces villes, et irrigue tout le pays. Souhaitant profiter de la situation, Louis XIV arme la France, mais la flotte ne fait pas le poids face à l’Angleterre ou la Hollande. La guerre a lieu sur les flots mais également sur les terres africaines : tout le long de la façade atlantique, des forts européens s’élèvent et sont de véritables enjeux stratégiques. Le commerce se poursuit avec les chefs de guerre locaux : les Européens vendent du métal, des objets, du tabac… en échange de captifs. C’est durant cette période que se met réellement en place la superposition de l’apparence et du statut, l’opposition entre les « Noirs » « Nègres », qui regroupent l’ensemble des populations noires toutes nations confondues, et les « Blancs », appelés ainsi par les esclaves des Caraïbes pour qui les oppresseurs n’étaient pas non plus issus de différentes nations.
En 1685 paraît en France le Code Noir. Ce code est une première tentative de régir les rapports entre maître et esclave, notamment en fixant des limites à la violence. Il est toutefois bien peu appliqué.
Dans les plantations, le feu de la révolte couve : de plus en plus d’esclaves se sauvent et se réfugient dans les forêts tropicales, on les appelle neg’marrons, terme dérivé de l’espagnol cimarron, qui désigne du bétail retourné à la vie sauvage. À partir des années 1720, les Caraïbes connaissent une flambée de violence qui met à mal l’industrie du sucre et de la traite. Dans les années 1780, l’opinion publique commence à s’émouvoir du sort des esclaves, des mouvements abolitionnistes se font entendre. Fin xviiie s., l’esclavage semble en perte de vitesse et décrié de par le monde.

1789-1888 : nouvelles frontières de l’esclavage

Mandy, cuisinière asservie à une famille d’Austin, Texas, 1865 ©AustinHistoryCenter/CPB Films

Les Blancs commencent à développer une grande peur des Noirs, tant ils craignent un soulèvement, à l’image de ce qui s’est passé en 1791 à Saint-Domingue. Menée par Toussaint Louverture, cette guerre dure douze ans, et se solde par une défaite de Napoléon Ier. En 1804 est proclamée la première république noire au monde : Saint-Domingue devient Haïti. C’est un très grand choc économique, dans une période de grande demande.
Les esclavagistes quittent Haïti et implantent les méthodes de culture intensive aux États-Unis (coton), à Cuba (sucre) et au Brésil (café). On passe à une économie de masse, avec une augmentation du rendement par esclave : à cette époque, l’Europe consomme massivement ces produits issus des colonies.
En Angleterre, les centres financiers se détournent peu à peu de l’esclavage et cherchent à investir dans les filatures locales : la traite finit par être abolie en 1807 et l’esclavage en 1833. À partir de 1815, elle oblige les autres pays à abandonner les routes de la traite négrière dans l’Atlantique nord4. Les esclaves nés aux Caraïbes sont emmenés aux États-Unis où la culture du coton se développe le long du Mississippi.
Entre 1815 et 1850, le Brésil continue la traite illégalement dans l’Atlantique sud : à Rio de Janeiro, pour un Blanc on compte quatre Noirs qui traversent l’Atlantique. Le principal port d’échange négrier est désormais Zanzibar, sur la façade Est de l’Afrique. Les États-Unis mettent en place l’esclavage industriel, et encouragent les naissances, quitte à en passer par le viol5.
Toutefois, tout au long du xixe s., les idées abolitionnistes gagnent du terrain : les États-Unis sont embarrassés, ils ne souhaitent pas être distancés par les idées progressistes européennes, mais ce sont les planteurs du Sud qui tiennent l’économie. En 1861 éclate la guerre de Sécession, qui fera des ravages entre le Nord abolitionniste et le Sud esclavagiste. En 1865, les Nordistes gagnent la guerre et l’esclavage est aboli. Dans les faits, les Noirs restent des citoyens de seconde zone, cantonnés aux tâches subalternes, n’ayant ni droit de vote, ni liberté de circulation.
1873 : les Européens, sous couvert de lutter contre la traite, contrôlent puis occupent les côtes africaines. Si la traite se termine avec Zanzibar, progressivement les colons s’enfoncent dans le continent pour faire main basse sur les richesses. L’esclavage n’existe plus, mais les colons font appel au travail forcé pour exploiter café, sucre, cacao, coton, caoutchouc. Des aventuriers comme Stanley6 achètent à vil prix des pans entiers du Congo au profit du roi des Belges Léopold II. Même les missions d’évangélisation ont une position ambiguë : il s’agit bien sûr d’instruire et de soigner les Africains, tout en affichant une « supériorité ».
En 1888, le Brésil est le dernier pays d’Amérique à abolir l’esclavage, c’est la fin de 450 ans d’esclavage, avec l’idée que le pays devait se « civiliser », « progresser ». Mais alors que faire de tous ces Noirs ? On veut « blanchir » la population, en encourageant la migration de milliers d’Européens pauvres.
C’est la fin de l’époque des grandes traites négrières, qui auront entraîné la mort de 50 millions d’Africains entre le viie et le xixe siècle.

Femmes esclaves du harem du sultan de Zanzibar, entre 1890 et 1900 ©CPB Films

C’est sur ce chiffre terrible que se conclut ce documentaire. Ce résumé est loin d’être exhaustif ; il n’inclut bien entendu pas tous les éclairages d’universitaires du monde entier, qui apportent moult précisions, mais qu’il aurait été fastidieux de retranscrire. Un détail m’a intéressée : ce film retrace une histoire de l’esclavage à l’échelle mondiale, et ne cherche ainsi pas à entrer dans toutes les dates qui jalonnent chaque Histoire nationale. Cela permet de sortir du côté « Histoire de France », qui n’est d’ailleurs pas de mise dans les programmes7, et de comprendre que la France n’est qu’un rouage dans l’Histoire du monde et pas son pivot.

Youtube à l’école

Youtube, qu’est-ce que c’est ?

En 2017, Youtube est le réseau social le plus utilisé par les 11-17 ans. À la question « Quel réseau social utilises-tu le plus ? », posée par l’étude de l’association Génération Numérique1, les jeunes répondent en premier Youtube (28 %), devant Snapchat (24 %).
Car, à l’instar de Facebook, Twitter et Instagram, Youtube est bien un réseau social. On y crée un profil, on y dépose du contenu (en l’occurrence des vidéos), qu’on aime, qu’on partage, qu’on commente. Le public touché par la diffusion de ces contenus est si vaste que dès lors que l’on souhaite publier quelque chose, on passe par Youtube : les artistes font la promotion de leur travail ou de leur actualité via des vidéos placées sur la plateforme ; les institutions ont leur chaîne, les médias traditionnels aussi, sans parler des innombrables particuliers qui se créent des communautés autour de sujets aussi divers que le maquillage, les jeux vidéo, les défis plus ou moins idiots, les récits de vie, etc.

Youtube, plate-forme éducative

Puisque tout le monde, créateurs de contenu et audience, semble se donner rendez-vous sur Youtube, il paraît pertinent de se pencher sur ce média, notamment pour en découvrir les trésors. Ce qui nous intéresse ici, ce sont les chaînes à vocation culturelle, éducative, voire pédagogique. Il en existe beaucoup ; le ministère de la Culture a d’ailleurs publié en novembre 2018 une liste de 350 chaînes culturelles et scientifiques francophones classées par discipline2. Le document est facile d’accès, l’introduction est claire, des liens vers des articles de revues professionnelles sont indiqués. Il peut donc tout à fait être diffusé tel quel à l’ensemble de l’équipe pédagogique et les collègues pourront choisir dans le sommaire la sélection de chaînes concernant leur discipline.
Toutefois, je l’ai étudiée pour vous, et vous propose ici, pour une exploitation plus immédiate, ma « sélection dans la sélection », en vous présentant quelques chaînes et indications pédagogiques : niveau, utilisation possible en cours, etc. Dans tout ce foisonnement, il est possible que je ne mentionne pas des chaînes qui vous semblent indispensables : n’en prenez pas ombrage et partagez vos chaînes préférées sur le compte Facebook @Revue Intercdi !

Informatique

Cookie connecté
Pour comprendre des concepts numériques et informatiques avec des graphiques et des émojis, rendez-vous sur cette chaîne. Les vidéos, d’une dizaine de minutes, expliquent ce qu’est un cloud, un algorithme ou qu’est-ce que la RGPD. Lien sur la chaîne
Le + : La vidéo qui explique les Systèmes d’Information en émojis.

 

Sciences

Physique-Chimie

Florence Porcel
Florence Porcel, journaliste, s’est spécialisée dans les vidéos scientifiques, tendance astronomie.
Le + : La playlist « les perles du PAF » où elle corrige et/ou précise des inexactitudes à propos de l’espace véhiculées dans les médias.

Mathématiques

Hans Amble
Cette chaîne est très clairement un support pédagogique : pas d’humour, pas d’effets de coupes, c’est simple mais efficace. Les playlists sont classées par niveau : terminale S option maths, première S, etc. Lien sur la chaîne
Le + : Sobriété et efficacité sont les maîtres mots de cette chaîne !
A voir aussi : Math un peu ça, avec un peu d’histoire des sciences. LPB Maths Vidéos

Biologie, Paléontologie

Cédrik Jurassik
Chaîne de paléontologie classique et bien ficelée, de l’ordre de l’amateur éclairé. Je ne conseillerai pas comme support de cours, mais comme conseil pour changer des clips, c’est tout à fait adapté. Lien sur la chaîne
Le + : Des dinosaures partout !
A voir aussi : M – Gigantoraptor, PaleoWorld

Connecsciences
Un biologiste et un géologue nous parlent de sciences naturelles à travers deux formats de vidéos, les unes d’environ 3 min, intéressantes pour attirer l’attention sur un point précis, plutôt niveau collège, les autres plus longues, environ 20 min pour développer un sujet. Lien sur la chaîne
Le + : Des « parenthèses » plus techniques insérées dans certaines vidéos, qui font un point sur des éléments comme la classification du vivant.

Biologie, sciences du vivant

La minut’
En 5 min, le youtubeur aborde des questions principalement autour de la nutrition et de l’alimentation. C’est clair, rapide et peut facilement servir à une introduction de séquences. Lien sur la chaîne
Le + : Convient dès le collège, pour changer un peu de C’est pas Sorcier.

Prof SVT 71
Une chaîne pédagogique, clairement conçue comme un support de cours. Les vidéos sont organisées par niveau de classe, de la 6e à la Terminale S spécialité SVT. Lien sur la chaîne
Le + : Conçue aussi pour les enseignants qui souhaitent mettre en place la classe inversée.

Dans ton corps
Julien Ménielle (frère d’Adrien Ménielle, pour celle et ceux qui suivent Golden Moustache), ancien infirmier puis journaliste, évoque des sujets un peu intimes comme le clitoris ou le psoriasis. Le ton décalé et l’allure de fan de métal du vidéaste peuvent aider à dédramatiser certains sujets. Lien sur la chaîne
Le + : Peut servir pour amorcer des cours d’éducation à la sexualité.

Dirty Biology
Léo Grasset est sans conteste le Youtubeur scientifique superstar (et accessoirement doctorant en biologie). De nombreuses vidéos, un parti pris un peu décalé « À quoi sert un pénis ? », « Godzilla aurait-il pu exister ? », font de cette chaîne une grande réussite. Lien sur la chaîne
Le + : La chaîne YouTalks, un podcast qu’il anime avec Viviane Lalande sur la vulgarisation scientifique sur Internet et Youtube.

Lettres, littérature

Bulldop
Booktube
Sur sa chaîne, Émilie alias Bulldop livre ses coups de cœur, ses dernières lectures, ses piles à lire…
Le + : Elle rassure les adultes en ayant une chronique régulière dans l’émission C’est au programme sur France 2, et manie parfaitement les codes des différentes vidéos Youtube : le déballage des nouveautés (Unboxing), ses rendez-vous (Mes dernières lectures, les 5 conseils, etc.), ce qui rend le format familier pour les ados.
A voir aussi : Les lectures de Nine, la chaîne de Nine Gorman, Piko Books

 

La brigade du livre
La Brigade, c’est une bande de fous du livre qui décortique pour nous les mystères de la littérature. Les vidéos font une dizaine de minutes, et sont construites comme une mini-série.
Le + : Le style est dynamique et agréable à suivre, le montage est très pro. Crossover avec l’excellente chaîne de cinéma Le Fossoyeur de films.

Le Mock
Deux étudiants lyonnais traitent de divers sujets autour du monde des livres : chroniques d’ouvrages, mais aussi histoire de l’édition, visite dans les médiathèques de la région… Les vidéos durent entre 5 et 10 min et sont construites comme des mini-documentaires. Lien sur la chaîne
Le + : Ils abordent également certains sujets d’EMI, comme l’orientation politique de la presse.

Histoire

Confessions d’Histoire
Les grands événements de l’Histoire du monde racontés par ceux qui les ont vécus ! Retrouvez les interviews de Jules César, Cléopâtre ou Agnès Sorel qui vont expliqueront tout en une dizaine de minutes. Lien sur la chaîne
Le +: Des costumes plutôt jolis, une info correcte sous forme humoristique. Quelques gros mots de temps en temps, mais rien d’affolant.
A voir aussi : Chroniques d’histoires

C’est une autre histoire
Manon Bril est une thésarde en Histoire et nous fait partager sa passion, notamment pour le monde antique, à travers différents types de vidéos. Lien sur la chaîne
Le + : Elle a créé différentes playlists, jouant sur l’effet « épisode de série », que l’on retrouve avec plaisir d’une fois sur l’autre. Peut permettre de créer un effet de rituel pour chaque nouvelle séquence, en Histoire mais aussi en arts plastiques (playlist « tu vois le tableau »)
A voir aussi : les portraits très réussis de femmes qui ont marqué l’Histoire, Virago, par Aude GG.

AlterHis
Cette chaîne s’amuse à proposer des uchronies, ces scénarios d’anticipation qui imaginent la marche du monde si un événement ne s’était pas déroulé comme il l’a fait. Par exemple, comment serait le monde si l’Allemagne nazie avait eu la bombe atomique ou si la France avait gagné la guerre en 1870. Lien sur la chaîne
Le + : Vidéos assez longues (plutôt 15 min) mais qui peuvent être utilisées pour une séquence en commun entre français (le récit d’invention) et Histoire (la période étudiée) en classe.

Revue du Monde
Charlie Danger, archéologue, explore l’Histoire le long de vidéos plutôt drôles, quasi pro et ainsi vraiment agréables à regarder, d’une dizaine de minutes. Lien sur la chaîne
Le + : Elle traite souvent de sujets un peu macabres, tels que les momies, les squelettes de diamant et les têtes réduites, qui devraient bien plaire aux élèves, souvent amateurs de sensations fortes

Géographie, Géopolitique

HugoDécrypte
Le jeune Youtubeur et étudiant à Sciences Po Hugo Travers propose une série de vidéos, courtes, documentées et dynamiques sur des sujets d’actualité. Il propose un décryptage des événements et des interviews politiques. Lien sur la chaîne
Le + : Le format court et l’aisance du jeune homme peuvent faire de bonnes introductions de séquences, en géographie mais aussi en EMI.
A voir aussi : Hugo Travers a également une autre chaîne, où il évoque plutôt l’actualité internationale, mais en anglais.

Mister Geopolitix
Des cartes, des graphiques pour répondre à des problématiques type « comment résoudre des conflits » ou « Séparer des pays par un mur ? ». Les vidéos sont assez longues, autour d’une vingtaine de minutes, mais bien documentées. Lien sur la chaîne
Le + : Une voix agréable et calme, loin du débit mitraillette de certains youtubeurs.
A voir aussi : Un peu moins travaillé mais intéressant quand même : Terra Incognita

Arts

Musique

Les chaînes musicales accessibles pour les élèves de secondaire sont souvent centrées sur le genre préféré du ou de la vidéaste :
Rock, métal : Metalliquoi ?, ou Enjoy the noise
Rap : Le Rapporteur
Opéra : L’Opéra et ses zouzs
Musique classique (que les profs de musique me pardonnent pour l’intitulé fourre-tout) : Révisons nos classiques
Pour les enseignant.e.s de musique, quelques tutoriels autour de la composition, les altérations, les rythmes : SiFaSil’le
Le + : La playlist Tutos.

Histoire de l’art

Muséonaute
Petite chaîne bien fichue qui emmène les spectateurs au musée sur des thématiques précises. Les vidéos durent une petite dizaine de minutes et sont accessibles dès le collège, dont utilisables en cours d’arts plastiques. Lien sur la chaîne
A voir aussi : Sous la Toile, une autre étudiante en Histoire de l’art ou REG’Art

Audiovisuel, cinéma, jeux vidéo

Développeuse du dimanche
Lola Guilldou nous fait découvrir les coulisses de la création d’un jeu vidéo en indépendant. Outre l’aspect découverte technique, il peut aider pour orienter une recherche de métiers. Lien sur la chaîne
Le + : Une femme qui présente son métier de développeuse, ça aide à casser les clichés…

Le Fossoyeur de films
François Theurel est un fou de cinéma et a développé sur sa chaîne toutes sortes de formats pour en parler. Top 10, Après-séances, courts-métrages qui mettent en scène son personnage de fossoyeur qui déterre les pépites cinéma. Lien sur la chaîne
Le + : La vidéo « Manuel de savoir-vivre du spectateur », qui devrait être montrée à tous les élèves avant une sortie au cinéma.

Game Spectrum
Chaîne qui parle des jeux vidéo comme sujets d’étude (et non pas des captations de jeu, qui intéressent beaucoup les élèves, mais qui sont plutôt du loisir). Lien sur la chaîne

Spécial Professeurs documentalistes

Les chaînes présentées ci-dessous sont plus spécifiquement à destination des profs docs. Ce sont des chaînes qui traitent des médias en général, et qui peuvent être utilisées soit en cours, soit à titre de veille professionnelle.

Le roi des rats
Large audience pour ce youtubeur anonyme qui dénonce des faits de société liés aux médias ou à Internet qui lui semblent importants : travail des enfants sur Youtube, téléréalité etc. Il y a clairement un parti pris, mais il peut être intéressant de jeter un œil, ne serait-ce que pour comprendre son audience. Lien sur la chaîne
Le + : Sa vidéo qui explique le fonctionnement de Tik Tok et qui a bien circulé sur les réseaux professionnels des profs-docs.

Fils de Pub
Petite chaîne pour décrypter les mécanismes de la publicité et du marketing pour donner envie d’acheter des produits. Le youtubeur parle du McDo et de parfum, produits courants dans l’environnement des élèves. Plutôt pour le niveau lycée. Lien sur la chaîne

Hygiène Mentale
Excellente chaîne où Christophe Michel explique les mécanismes de l’esprit critique avec des animations. Le propos est assez fouillé et les vidéos assez longues (15 min), ce qui en fait plutôt une chaîne pour le lycée, voire pour les enseignants. Lien sur la chaîne

Officiel Defakator
Defakator est un superhéros en cape et masque qui démasque les fake news ! La Terre est plate, les extraterrestres sont parmi nous, etc. Mais comme chaque vidéo dure entre 30 min et une heure, c’est clairement un outil de préparation de séances pour les profs docs.

Aude WTFake
Aude est journaliste et décortique les mécanismes des fake news, théorie du complot, site douteux, etc. Contenu sérieux et présentation pop, les vidéos sont réussies et facilement exploitables dès le collège. Lien sur la chaîne

Des Médias presque parfaits
Chaîne intéressante mais plutôt pour de la veille documentaire pour les profs-docs. Lien sur la chaîne

Absol Vidéos
Je classerai cette chaîne plutôt en EMI qu’en informatique, car le jeune homme a un discours assez conséquent sur Youtube et les mécanismes de diffusion de l’information sur Internet. Plutôt pour de la veille professionnelle. Lien sur la chaîne
Le + : Des entretiens assez longs avec des personnalités de Youtube mais pas que.

À part pour celles qui sont explicitement destinées aux enseignants, ces vidéos sont de la vulgarisation, elles n’ont pas vocation à remplacer un cours. Toutefois elles permettent de varier les approches et de se familiariser avec la syntaxe de ce langage très familier aux ados. Humour, travail sur le montage, citation et apparition (featuring, abrégé en ft.) dans les vidéos les uns des autres sont les constantes de ces vidéos, qui font ainsi passer des informations sérieuses dans un format ludique.

Dong !

Pouvez-vous nous présenter en quelques mots l’ambition éditoriale de cette nouvelle revue ?

Son ambition est d’essayer de donner le goût de la lecture de reportage. Le reportage, l’histoire vraie, le témoignage : tout ce qui raconte le monde qui nous entoure. Nous aimerions que Dong ! propose aux lecteurs de 10 à 15 ans un rapport à l’actualité un peu différent, plus distancié, sur l’air du temps plus que sur l’actualité immédiate.

Pourquoi privilégier le format du reportage, et plus généralement, à lire votre premier sommaire, du témoignage direct : reportage, autoportrait, entretien, mon histoire ?

Parce qu’il nous semble important de réfléchir ensemble au rapport à l’actualité proposé aux jeunes lecteurs aujourd’hui et de proposer des alternatives. C’est une génération qui a le smartphone en poche, une génération surinformée… Tous ces témoignages directs que nous donnons à lire dans Dong ! explorent le monde qui les entoure. Prendre le temps de lire, se plonger dans ce monde-là avec une revue de papier entre les mains, accepter un rythme de narration différent permet d’appréhender autrement les autres et peut-être mieux les comprendre et faire preuve d’un peu plus d’empathie…

Pourquoi ce nom : Dong ! ?

Pour des tas de drôles de raisons. Disons que c’est le résultat de très nombreuses listes, discussions, fous rires… Nous ne voulions surtout pas faire « faux jeunes », nous ne voulions pas de mot anglais, nous voulions faire envie et ne pas avoir l’air trop sérieux. Un jour, nous sommes tombés d’accord sur Gong (l’idée venait de la couverture d’un livre posé sur l’étagère du bureau d’Isabelle Péhourticq, éditrice documentaire Actes sud jeunesse à l’origine du projet avec moi), mais ce mot n’était pas libre (déposé par un groupe allemand dont c’est le titre d’un journal télé) ! Bref, un peu déçus et las car nous avions déjà un beau logo, on s’est dit que si on prenait Dong, on aurait qu’une seule lettre à changer ! Et finalement, c’est resté. Dong ! s’est imposé et aujourd’hui on adore ce nom. Il répond aux contraintes fixées initialement, il est léger et dynamique, c’est une onomatopée qui donne de l’élan…

Quel est le public cible ?

Les 10/15 ans. Cela peut sembler large, et en fait les lecteurs de cette tranche d’âge-là ont des niveaux de lectures et des centres d’intérêt très variables. Mais cela correspond à l’âge du collège. Nous avons fait en sorte que les textes soient accessibles sans être simplistes. Si des notions ou des mots sont un peu plus complexes, ils sont normalement toujours compréhensibles dans le contexte. Quelques mots sont quand même parfois expliqués en bas de page, mais nous avons essayé de ne pas en abuser pour ne pas alourdir la lecture. Par ailleurs, une rubrique du site a vraiment été conçue pour être complémentaire. Dans « Les plus », le journaliste apporte des précisions plus théoriques sur le sujet (par exemple, pour le premier reportage dans une classe UPE2A, on trouve le nombre d’élèves ainsi scolarisés, l’origine de ce dispositif…).

Dans un contexte de difficulté de la presse écrite, pourquoi ce(t audacieux !) pari ?

Parce qu’on y croit, même si on sait que c’est difficile ! Parce qu’on est convaincu que c’est important… Quand on lit l’enquête passionnante « L’abus de smartphone rend-il idiot ? » dans le Télérama n° 3594, on en est encore plus convaincu !

Comment s’organisent la rédaction de la revue et les rapports avec la maison d’édition Actes Sud ?

La rédaction en chef se fait en collaboration entre Isabelle et moi. Nous discutons beaucoup toutes les deux des sujets. Tous les avis sont bienvenus : le directeur artistique, Kamy Pakdel, notre secrétaire de rédaction, les graphistes… participent, et Thierry Magnier, directeur de la publication, nous fait aussi part du sien. Les auteurs sont indépendants et nous espérons qu’au fil des mois, ils seront de plus en plus impliqués pour nous proposer des sujets et que Dong ! soit le rendez-vous d’auteurs désireux de partager leur goût du reportage.

Comment le monde de la presse et le monde de l’édition se rencontrent-ils ?

Dong ! n’est pas vraiment un livre et pas vraiment un magazine. La rencontre se fait naturellement : les documentaires d’Actes Sud junior ont toujours incarné un regard, un point de vue sur le monde, avec une approche assez journalistique d’une certaine manière. La filiation avec la revue se fait assez naturellement. Et puis, comme nous portons le souhait de proposer un rapport à l’actualité plus doux, plus lent, le monde du livre, du papier est cohérent.

Qui sont les contributeurs ?

Des auteurs, des journalistes, des illustrateurs, des photographes… Tous viennent d’univers et d’horizons assez différents mais ils ont tous l’envie de s’adresser à de jeunes lecteurs. Trois rubriques sont directement écrites par des lecteurs (la correspondance en partenariat avec La Fondation d’entreprise la Poste, le témoignage en partenariat avec la ZEP, Zone d’expression prioritaire, la rubrique Ma mère revue et corrigée).

Il y a quelques photos, mais le parti pris graphique semble résolument tourné vers l’illustration : pourquoi ce choix ?

Le parti pris est surtout de montrer à quel point les visuels racontent aussi un sujet de reportage. Illustrations ou photographies ne viennent pas « souligner » le texte, ils apportent autre chose, comme un jeu de regards montrant les différentes facettes que peut prendre un sujet. Bref, dans Dong ! il y aura normalement autant d’illustrations que de photographies selon les sujets. Dans le numéro 2 par exemple, il y aura un reportage raconté essentiellement par les images d’un photo-reporter et le texte sera moins conséquent.

Ne craignez-vous pas que la longueur de certains articles (sans encadrés) ne décourage des ados qui ont plutôt tendance à faire de la lecture fragmentée ?

Cela fait partie du pari ! En fiction, ils prouvent qu’ils savent avaler des pavés… Nous avons le souci de soigner la narration pour les emporter dans notre histoire. C’est aussi dans la continuité de la ligne éditoriale d’Actes Sud junior pour les documentaires.

Pourquoi ne pas avoir créé de rubrique d’actualité culturelle dont on sait les ados friands ?

Parce que nous ne sommes pas un magazine justement, et que d’autres le font très bien. Nous les amenons vers autre chose. Cela ne nous empêchera pas de parler de musique ou de cinéma mais d’une autre façon que l’agenda des sorties.

Des hors-séries sont-ils imaginés ?

Nous en avons très envie et les thèmes ne manquent pas !

Dong ! est-elle présente sur Internet ? Si oui, de quelle manière ?

Un site est en ligne depuis mi-novembre. Il présente la revue en détail et comporte un contenu inédit dans la rubrique Les plus. Là, les auteurs racontent de façon très personnelle la façon dont ils ont travaillé et appréhendé le sujet. L’enjeu est de décrypter le travail médiatique et d’expliquer la façon de travailler des auteurs et journalistes mais aussi d’assumer leur subjectivité, leur regard, leurs hésitations, leurs appréhensions, leurs satisfactions.

Hommage à José Francés

C’est à la suite de mon premier article paru en 2005 que j’ai été convié à participer à un comité de rédaction par Chantal Nicolas, la rédactrice en chef de l’époque. Impressionné d’être invité par cette revue que je lisais depuis vingt ans et qui était, à mes débuts, le seul lien entre documentalistes, j’étais arrivé très en avance et dans mes petits souliers (ce qui est à la fois un zeugma et une litote car je chausse du 47). José, sans doute en raison de l’horaire matinal de son train, était déjà là. Il m’a aussitôt accueilli avec une grande chaleur, enveloppante, qui chassa le trac de me retrouver devant une vingtaine de personnes que je ne connaissais pas. Il me donna immédiatement l’impression que je faisais partie de « la famille », que j’étais adopté. Au fil des réunions, au fil des ans, j’appris à le connaître, à l’aimer.
José était un homme bienveillant. Toujours prêt à monter au créneau pour défendre notre profession, toujours prêt à soutenir un collègue, José était toujours confraternel.
José, grand lecteur de journaux, avait trouvé sa juste place à la tête de notre revue. Sans lui, elle ne serait pas ce qu’elle est.
José avait une autorité apaisante. Lors des échanges parfois vifs entre les membres du Comité de rédaction, il intervenait et tranchait, c’était son rôle, mais en prenant à chaque fois en considération les opinions des uns et des autres pour que personne ne se sente oublié ou blessé.
José était d’une grande rigueur intellectuelle et morale. Pas d’étroitesse, pas de bassesse d’esprit chez cet homme-là.
José était respectueux des autres. Il avait ainsi un respect quasi filial pour Roger Cuchin, le fondateur de notre revue.
José n’a jamais cessé de nous accompagner, et lorsque, parfois, le vent mauvais nous traversait, il était toujours là pour nous conseiller ou annoncer des jours meilleurs.
José donnait l’impression d’être un homme solide, un pied ancré dans sa terre ardéchoise, l’autre en Espagne, du côté de Valence. Même s’il n’a pas gagné son dernier combat, il s’est toujours battu vaillamment.
José était rieur. Je revois son grand sourire, ses yeux qui pétillaient et ses épaules qui se secouaient lorsque je sortais une mauvaise blague (je n’en connais que des mauvaises !).
Comme qui aime bien, châtie bien, je l’avais gentiment chambré dans le début de mon billet « Pour en finir une bonne fois pour tout avec la culture », qui, je sais, l’avait amusé :
« Lorsque le mercredi 14 octobre 2009, au cours du Comité de Rédaction de votre revue préférée José Francés, notre vénéré directeur de la publication, pointa son doigt sur moi en m’interpellant : « Pour le numéro spécial Culture, Jean-Marc, tu nous feras bien un truc rigolo ? », je me suis retrouvé comme le taureau dans l’arène qui, tête baissée alors qu’il admire tranquillement l’élégance des espadrilles du toréador, sent brutalement l’acier glacé de l’épée pénétrer son cou et briser une à une ses vertèbres cervicales.
La métaphore taurine m’est tout de suite venue à l’esprit car je soupçonne José d’avoir des origines hispaniques. D’autant plus qu’il vient aux réunions d’InterCDI habillé de lumière et que quand on lui demande s’il veut un café, il répond toujours : « Olé ! »
Je ne pouvais me défiler devant une commande aussi pressante de celui dont la photo orne chacun des éditos de la revue et qui, tel le Grand Timonier, guide nos pas dans la purée de pois d’un métier injustement méconnu… »

Salut et Fraternité Grand Timonier
Hasta la vista, compa ñero !

Jean-Marc David
Secrétaire général du CEDIS

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Immense peine.
J’ai eu la chance de connaître José, professeur documentaliste infatigable, exerçant en collège dans le Nord, et militant pour la profession et l’éducation à l’information et aux médias pour tou.te.s.
Je me souviens de ce jour de l’année 2003 où il est venu s’attabler dans le salon de mon domicile parental, à Lens, pour travailler avec moi sur un article qu’on me demandait d’écrire à propos de mon travail de recherche effectué dans le cadre de mon mémoire de Maîtrise en Info-Comm. À propos des « travaux croisés », et de leur perception par les élèves. Un échange d’une grande richesse pour l’aspirante professeure documentaliste que j’étais alors.
Je me souviens de ce numéro de la Revue Intercdi, envoyé par José à mon domicile, et reçu juste avant de prendre le TGV pour aller passer les oraux du CAPES Documentation à Marseille. Sur la première page de cette revue, José avait rédigé un petit mot, plein d’encouragements et de confiance à mon égard. J’ai emporté ce numéro avec moi, et l’ai lu dans le train, le mot de José posé bien en évidence, comme un mantra.
Depuis l’obtention du concours, les années ont passé, mais je n’ai jamais oublié José, sa modestie, sa franche sympathie, sa bienveillance, et sa vision du métier et du monde, sa force de conviction. Je n’ai jamais oublié ce que ce regard profondément confiant avait provoqué en moi, en tant que (future) professionnelle mais aussi tout simplement en tant qu’être humain.
De façon régulière, et toujours discrète, José m’adressait, depuis cette première et forte rencontre, des petits signes, des mots, toujours empreints de cette gentillesse. Aujourd’hui, je garde précieusement au fond de moi chaque mot, chaque regard, chaque expression de ce visage si chaleureux. Et regrette de n’avoir pas dit tout cela à José de son vivant. Même si, je le sais déjà, il aurait balayé ce remerciement d’un revers de la main, baissant les yeux modestement, et disant « Je n’y suis pour pas grand-chose, je fais de mon mieux ».
Mais ce mieux était tant, José.

Anne Cordier
Ex-professeure documentaliste (62)
Maîtresse de Conférences en SIC, Espé de Rouen

Veille numérique 2019 N°1

Éducation

Etincel

Développée dans le cadre du projet « École, numérique et industrie », cette plateforme met à disposition des professeurs des objets industriels accompagnés de scénarios pédagogiques. Le contenu est accessible via un moteur de recherche ou par champ disciplinaire. Un compte CANOPE est obligatoire pour utiliser la plateforme qui est en version bêta jusqu’au 1er trimestre 2019.

Le Maitron libre sur le web

Le dictionnaire biographique du mouvement ouvrier et social est en accès libre depuis décembre 2018.
La nouvelle version du site internet incite les internautes à rebondir de fiche en fiche biographique (plus de 187 000), lesquelles détaillent les vies d’ouvriers, d’enseignants, de résistants, de syndicalistes… Iconographies et représentations cartographiques complètent le site.

Lecture numérique

Ambient literature

Ce projet collaboratif de narration numérique interactive, dotée d’un environnement propre, a débuté à l’automne 2018, après deux ans de développement en partenariat avec les universités Bath Spa, Birmingham et West of England. Afin de rendre la lecture plus immersive, le récit prend en compte les données mobiles (géolocalisation, météo, heure, date…) au moment de la lecture et induit donc plusieurs scénarios. Avec ce nouveau genre littéraire, les concepteurs espèrent toucher le jeune public plus attiré par la technologie que par l’évasion. En anglais uniquement.

TVA réduite pour le livre numérique

Depuis le 4 décembre 2018, les États membres de l’Union Européenne peuvent appliquer la TVA réduite
ou aucune TVA sur les publications numériques (livre, périodique), ce qui était déjà le cas pour les éditions papier.

Paralleltext, lecture bilingue

Cet outil libre et gratuit en ligne reprend un principe, déjà utilisé dans les ouvrages bilingues papier, qui consiste à mettre en regard deux textes en langues différentes. Une vingtaine d’ouvrages classiques libres de droit sont proposés à la double lecture. Point fort de cette application : la version audio.

Internet

Le ballon web Loon

Le projet du web stratosphérique de Google X se concrétise : un premier accord commercial a été signé avec le Kenya pour relier à Internet les régions isolées à l’aide du ballon Loon. Les ballons seront opérationnels courant 2019, ils évolueront à haute altitude en se dirigeant uniquement avec les vents planétaires. Suite à des expérimentations en Nouvelle-Zélande, au Brésil, au Pérou ou encore en Australie, la filiale d’Alphabet prévoit de créer un ensemble connecté sur la même latitude.

Fin des téléphones fixes traditionnels

Depuis le 15 novembre 2018, il n’est plus possible de s’abonner à une ligne de téléphonie fixe sur le réseau historique RTC (réseau téléphonique commuté). Actuellement, seulement 25 % des lignes de téléphone ne passent pas par Internet. D’ici 2023, l’opérateur prévoit un abaissement de ce chiffre à 15 %. À partir de cette date, Orange débranchera progressivement le réseau téléphonique commuté et fournira aux abonnés un boîtier qui numérisera les conversations.

Droit et données personnelles

RGPD et hausse des plaintes

Depuis la mise en œuvre du RGPD, la CNIL enregistre une augmentation constante des plaintes portant majoritairement sur des demandes de suppression des données personnelles. La plainte de l’association La Quadrature du Net contre les GAFAM constitue le dossier le plus important de la CNIL. Le texte européen semble s’imposer au niveau international.

Face au harcèlement en ligne des enfants

Le partenariat entre l’ONG e-Enfance et les réseaux sociaux se resserre, que ce soit pour la réactivité face au harcèlement, pour le financement de l’association, la visibilité sur les plateformes ou encore la collaboration pour créer de nouveaux outils. Facebook a lancé, en novembre, un fonds d’un million d’euros pour des projets qui visent à promouvoir les comportements responsables sur le web.

Base de données et moteur de recherche

Qwant au Parlement

Le moteur de recherche européen a été installé fin 2018 sur tous les équipements informatiques de l’Assemblée nationale. Le ministère des armées et le conseil régional d’Ile-de-France devraient suivre la même voie. Objectif du gouvernement : montrer l’exemple en utilisant un moteur de recherche qui respecte la vie privée puisqu’il ne conserve pas d’historique de navigation, ni de cookies et n’affiche pas non plus de publicités. Pour rappel, Qwant est, en partie, financé par l’Europe (BEI), sa part de marché en France s’élève à 0,6 %.

Le Grand Mémorial

Créé dans le cadre du centenaire de la guerre 14-18, ce site propose de retracer le parcours d’un poilu grâce à la mise en ligne de plus de 8,1 millions de fiches matricules de soldats de la Grande Guerre et de 1,3 million de fiches des Morts pour la France. Deux modes de recherche sont disponibles : simple en entrant le nom du poilu ou bien avancée avec les filtres suivants : lieu, date, profession, diplôme, type de document et base de données. Les internautes peuvent participer à l’annotation collaborative des registres matricules proposée par certains services d’archives départementales.

Grand Mémorial

 

Audio et vidéo numériques

Les premiers sons de Mars

Le robot InSight de la Nasa a divulgué les premiers sons de la planète rouge. Ils proviennent des vibrations de l’air sur le capteur de pression et de l’enregistrement par le sismomètre des vibrations à l’atterrissage dues au vent. Contrairement à sa structure, l’environnement sonore de mars reste encore totalement méconnu.

Lasso de Facebook

Mark Zuckerberg lance une nouvelle application pour mettre en ligne des selfies vidéos de quelques secondes. Il espère ainsi se maintenir dans la course auprès des jeunes, lesquels raffolent de l’application chinoise TikTok grâce à laquelle ils peuvent danser et/ou chanter en play-back pendant 15 secondes sur un morceau de musique. Lasso est destiné à être élargie à tous les divertissements avec option de publication vidéo dans les stories de votre compte Faceboook.

Application Lasso de Facebook

Shows de Snapchat

Depuis le 17 novembre 2018, en France, cette application intègre des émissions au format court – quelques minutes – en partenariat avec les grands groupes de médias : BFMTV (la Pépite, le look à copier), France Télévision (Slash), M6… Ces contenus, du divertissement pour l’essentiel, sont ajoutés dans la section Discover afin de capter les jeunes téléspectateurs qui désertent la télévision traditionnelle. Contrairement aux USA où la section vidéo a été lancée depuis plus de 2 ans, Shows France ne produit pas de contenus originaux pour le moment.

Sécurité informatique

Solid, Coffre-fort du web

L’inventeur du World Wide Web, Timothy John Berners-Lee, a créé un système de gestion de données personnelles d’un nouveau genre. Il s’agit d’un coffre-fort numérique qui contient les identifiants, mots de passe, contacts, rendez-vous, préférences musicales, etc.… d’une personne. Lorsque cela est nécessaire, Solid fournit ces informations à des services web sans que les données sortent du coffre de manière à ce qu’elles ne puissent pas être utilisées à d’autres fins. Pour être compatibles, les différents sites internet doivent accepter ce type d’accès. Pas sûr que les GAFAM jouent le jeu !

Images piégées sur Facebook

En décembre 2018, de nombreux internautes ont signalé des images piégées (souvent le début d’une BD) se répliquant sur leur profil facebook et se diffusant, à leur insu, à tous leurs contacts. Selon le réseau social, le problème a été résolu et aucune donnée n’a été collectée.

Fin de GOOGLE+

Google a confirmé les révélations du Wall Street Journal concernant une faille de sécurité et la fin programmée de son réseau social Google+ courant 2019. Cet outil n’ayant jamais vraiment suscité l’intérêt des internautes, Google a saisi ce prétexte pour clore ce réseau et ne souhaite pas revenir sur cette décision, malgré les protestations des utilisateurs, lesquels ont, pour la plupart, commencé à migrer sur d’autres réseaux.

Technologie et objets connectés

Thérapie numérique pour enfants traumatisés

Les traitements chimiques sont interdits pour soigner ou soulager les enfants victimes de stress post-traumatique. Suite aux attentats de ces dernières années en France, une équipe de chercheurs de l’Institut Claude Pompidou de Nice a élaboré une thérapie numérique, expérimentée par une vingtaine d’enfants. Mesure par électroencéphalogramme des effets de films 3D avec odeurs, serious game créé en collaboration avec Genious Healthcare.

Les GAFAM et l’habitat

Chaque jour, les géants du net sont un peu plus présents dans nos logements. Apple (Homekit, Siri), Google (Google home) et Amazon (Alexa) misent de plus en plus sur le marché de la maison connectée. De son côté, Facebook développe le Marketplace (plateforme de vente entre particuliers) pour les membres de son réseau avec possibilité de proposer des locations immobilières. Seul Microsoft n’a pas encore investi la domotique.

Sac à dos connecté Lumzag

Terminé les effets personnels perdus grâce à ce sac à dos connecté. Pour cela, il suffit de placer une puce RFID sur toutes vos affaires. Ainsi, lorsque vous vous en éloignez ou si quelqu’un tente d’ouvrir votre sac, une alerte vous prévient via une application sur votre téléphone. De plus, vous pouvez suivre votre sac à dos grâce au GPS, en vérifier le contenu la nuit grâce à des leds, l’utiliser comme borne WI-FI sans oublier qu’il permet de recharger sa tablette ou son smartphone.

Vesta, le robot d’Amazon

Le département des innovations chez Amazon (Lab126) continue d’investir dans les foyers en élaborant un compagnon capable de suivre et de répondre aux demandes d’une personne en communiquant avec des objets connectés. Ce droïde domestique est en période de test et sera probablement en vente d’ici fin 2019. D’autres sociétés, telles LG, Sony ou Asus développent des prototypes similaires.

No future…

AR Hololens dans l’armée US

L’armée américaine a conclu un contrat de 480 millions de dollars avec Microsoft pour l’achat de 100 000 casques de réalité augmentée. Ces prototypes AR Hololens seront destinés à l’entraînement et au combat, bien réels.

Robot chinois au JT

En Chine, l’agence de presse Xinhua a dévoilé le présentateur du journal télévisé du futur, basé sur l’intelligence artificielle. Ce journaliste à l’apparence humaine a été conçu à l’aide du moteur de recherche Sogou. Certains spécialistes se demandent si la technologie utilisée ne serait pas liée aux deepfakes (remplacer un visage par un autre en gardant les expressions tout en changeant le discours). Selon l’agence de presse, le principal avantage de ce prototype serait sa capacité à présenter le JT 24h/24.

L’histoire noire

Le mois de février est, aux États-Unis principalement, l’occasion de célébrer le Black History Month, le Mois de l’Histoire Noire, celle faite et vécue par les personnes noires. L’objectif de cette manifestation est de mettre en valeur nombre d’événements, de périodes et de représentations culturelles, notamment au sein du système éducatif, alors que ceux-ci sont presque systématiquement mis à l’index au profit de l’histoire globale, celles des blancs.
La littérature, comme témoin d’une époque donnée, est un outil privilégié pour mettre les jeunes lecteurs en contact avec ces histoires, qui sont parfois les leurs et celles dont ils héritent, consciemment ou non. La constitution d’un corpus permet alors de tenter de former un tout, ou du moins de combler certains manques cruciaux dans notre chronologie commune.

Grandes figures de l’Histoire Noire

La collection Histoire et Société chez Oskar Jeunesse est le principal pourvoyeur de récits historiques liés aux communautés noires. Pour n’en citer que quelques-uns, on trouvera dans son catalogue des titres documentaires romancés comme Harriet Tubman, la femme noire qui montra le chemin de la liberté, de Erik Simard, qui relate le parcours de cette ancienne esclave dont le combat contre l’abolition de l’esclavage a permis de mener vers la liberté nombre de ses compatriotes. Ensuite, c’est le portait de Rosa Parks, la femme noire qui refusa de se soumettre que ce même auteur dresse, au cœur de l’Amérique ségrégationniste. Le geste de cette Afro-Américaine, qui refusa de céder sa place dans le bus à un homme blanc, est au cœur de l’ouvrage, lequel s’attache à montrer comment cela marqua un élan important dans la lutte contre la ségrégation. Dans la même veine, Erik Simard ne pouvait bien évidemment pas oublier d’écrire sur Martin Luther King, dans un ouvrage intitulé Je suis un homme qui s’intéresse à son parcours à travers l’évolution d’un jeune membre du Ku Klux Klan, dont la pensée se transforme lorsqu’il découvre le discours de non-violence véhiculé par le célèbre pasteur. Yves Pinguilly quant à lui, dans son ouvrage Aimé Césaire, le nègre indélébile, porte un regard sur les colonies françaises, en l’occurrence la Martinique, en suivant le parcours et la pensée politique de l’anticolonialiste et poète. Enfin, nous pouvons évoquer le livre de Philippe Barbeau sur l’icône sud-africaine Nelson Mandela, humble serviteur de son peuple, qui revient tant sur son cheminement militant que sur son emprisonnement et sa carrière politique.
Par ailleurs, d’autres éditeurs et auteurs s’intéressent à certains événements ayant marqué l’Histoire Noire, notamment aux États-Unis. Un épisode semble avoir particulièrement marqué les esprits tout en s’intégrant aux impératifs de la littérature pour adolescents, de par l’âge des personnes concernées et l’environnement scolaire. Il s’agit de l’application, dans les années 1950, de la décision de la Cour Suprême de rendre inconstitutionnelle la ségrégation dans les écoles publiques, forçant ainsi les établissements à accepter des élèves noirs. Sweet sixteen, d’Annelise Heurtier, met ainsi en scène la jeune Molly Costello (inspirée de la véritable Melba Patillo), qui fût l’une des neuf premiers étudiants noirs à intégrer un lycée jusque-là réservé aux élèves blancs, à Little Rock, dans l’Arkansas, État du sud des États-Unis où la tradition ségrégationniste était particulièrement bien ancrée. Robin Talley à son tour situe son roman Des mensonges dans nos têtes à Davisburg en Virginie, et met en scène les personnages fictifs de Sarah Dunbar et neuf autres adolescents noirs lors de leur intégration dans un établissement scolaire réservé aux blancs. Ces deux romans utilisent le même processus pour montrer le rejet et le traitement infernal qu’ont subi ces étudiants. Les deux héroïnes noires, Molly et Sarah, voix principales de leurs récits respectifs, partagent dans les deux cas la narration avec une autre étudiante, blanche cette fois-ci. Grace dans Sweet Sixteen et Linda dans Des mensonges dans nos têtes sont au départ les pires ennemies de ce projet d’intégration des élèves noirs, mais leur rôle marque finalement l’évolution indispensable de la pensée blanche, de la ségrégation vers l’acceptation.
En bande dessinée, nous retiendrons l’œuvre en trois volumes Wake up America qui retrace, à travers le regard de l’ancien député démocrate John Lewis, compagnon de Martin Luther King, l’évolution de la société américaine et la conquête des droits civiques entre 1940 et 1965.

Grandes figures de la culture noire

L’évocation d’une Histoire noire ne saurait être complète sans l’évocation d’une culture noire. Pourtant, la littérature s’attarde peu sur les artistes de manière générale et, en l’occurrence, c’est la musique américaine qui attire principalement les auteurs. Du côté des romans, Louis Atangana propose deux œuvres dans la collection doAdo aux éditions du Rouergue. Billie H., d’abord, décrit l’enfance de la jeune Eleanora qui grandit seule avec sa mère dans les années 1920 et deviendra la grande Billie Holiday. Dans la même veine, Jimi-X retrace la vie du célèbre guitariste Jimi Hendrix, des premières années passées dans la misère et la violence jusqu’au succès éphémère avant sa mort prématurée à seulement 27 ans.
Enfin, deux bandes dessinées sur deux autres figures de la musique noire sont à évoquer. Coltrane, A Love Supreme de Paolo Parisi, d’abord, retrace de manière presque aléatoire et rythmée la carrière et les rencontres du saxophoniste John Coltrane. Et pour finir, le Josephine Baker, de Catel et Bocquet, parcourt la vie de celle qui est aujourd’hui connue comme la première star mondiale noire. Enfance, début de danseuse, militantisme, de Saint-Louis à Paris en passant par Cuba, les auteurs font ici le portait passionnant d’une artiste aux mille et une vies.

Vies anonymes à travers l’Histoire

Outre les récits s’intéressant à des personnages historiques, la littérature permet de figurer des événements à travers des personnages imaginaires ou des personnes inconnues. La situation américaine est particulièrement explorée et les auteurs s’intéressent ainsi à l’esclavage, la ségrégation et le combat pour les droits civiques.
Marche à l’étoile, d’Hélène Montarde, narre l’échappée d’un jeune esclave, Billy, qui relate son parcours dans un carnet retrouvé plus tard par un étudiant américain, Jasper. Par ce biais, Jasper découvrira de manière concrète les conditions de vie de ses ancêtres. Les Larmes noires de Julius Lester, d’abord édité en littérature générale et désormais disponible au Livre de Poche Jeunesse, fait figure d’œuvre clé du récit sur l’esclavage. Il mêle réalité historique, en mettant en scène la plus grande vente d’esclaves jamais réalisée aux États-Unis, et l’imaginaire, en s’attardant sur le destin d’un personnage fictionnel, Emma, jeune esclave de 12 ans vendue à cette occasion. Autre roman majeur, Black boy de Richard Wright s’attaque à la question de la ségrégation dans les États du Sud où elle s’est appliquée le plus durement. Récit autobiographique, ce texte relate l’enfance et l’adolescence de l’auteur dans les années 1920 : la pauvreté, la violence des blancs, le Ku Klux Klan, le racisme ordinaire…
Tristan Koëgel, avec Bluebird, s’attaque aussi à cette thématique. Situant son récit un peu plus tard, dans les années 1940, l’auteur prend le prétexte de l’histoire de Minnie et de son père, musiciens itinérants, pour parcourir les États du Sud et proposer un regard sur la situation. Alors que l’esclavage est pourtant aboli, le traitement des noirs par les blancs demeure indigne dans cette contrée et dans les plantations de coton. Les deux personnages seront témoins de l’humiliation que subissent les travailleurs noirs et eux-mêmes, victimes du Ku Klux Klan, mais feront aussi de grandes rencontres. Enfin, Le Rêve de Sam de Florence Cadier explore également la thématique de la ségrégation et, au-delà, celle de la lutte pour les droits civiques, à travers son jeune personnage dont les parents sont assassinés pour avoir voulu voter et dont le parcours se fera en parallèle du combat mené par Martin Luther King.
Quelques auteurs se sont penchés sur l’histoire française, liée à la colonisation en Afrique et dans les territoires d’Outre-Mer. Sophie Chérer, par exemple, s’intéresse à une histoire singulière de l’île Bourbon (l’île de la Réunion actuelle). La Vraie Couleur de la vanille relate le destin d’Edmond Albus, qui y vécut au xixe siècle et dont les incroyables connaissances en botanique lui permirent de découvrir le secret de la pollinisation de la fleur de vanille. Par la suite, cette avancée assurant un important développement économique à l’île, le jeune Edmond, cet oublié de l’Histoire, fut bien évidemment spolié de sa découverte par les notables blancs qui ne pouvaient accepter que ce progrès fût le fait d’un esclave.
Autre thème traité dans quelques romans : l’utilisation des populations colonisées comme soldats pendant les conflits au cours desquels la France fût impliquée. Nous pouvons évoquer deux romans mettant en scène des combattants venus d’Afrique de l’ouest : Force noire de Guillaume Prévost et Le Chant noir des baleines de Nicolas Michel. Dans le premier, la rencontre, 70 ans plus tard, d’une jeune fille, Alma, et d’un vieux monsieur, Bakary Sakoro, permet la transmission de l’Histoire grâce au récit témoignage de ce dernier. Bakary vient du Mali et s’engage à 17 ans pour retrouver son frère en France. Comme souvent dans ce type d’œuvre, l’histoire personnelle du protagoniste est l’occasion de raconter la grande Histoire. Le lecteur voit ainsi défiler, à travers le regard du personnage, les horreurs de la Première Guerre mondiale. Le Chant noir des baleines fonctionne un peu de la même manière. Cette fois-ci, le jeune Léon découvre Tierno, un tirailleur sénégalais échoué sur la plage suite au naufrage du bateau qui le ramenait chez lui. Ce nouveau prétexte permet d’aborder sous un angle un peu différent le sort des populations colonisées et envoyées combattre pour un pays et contre un ennemi qui n’étaient pas les leurs.

Problématiques contemporaines

Bien entendu, certains récits dont la trame est contemporaine mettent également en scène des personnages noirs, et permettent alors d’aborder des problématiques actuelles. Le racisme, en premier lieu. Entre chiens et loups, la série de Malorie Blackman, opte pour un positionnement particulier pour aborder la question des rapports conditionnés par la couleur de peau. En effet, l’auteure choisit de créer un monde inversé où les personnes noires, les Primas, seraient la catégorie dominante tandis que les personnes blanches, les Nihils, seraient la catégorie dominée. Ce procédé permet de mettre à jour les différences qui existent en termes de pouvoir, de richesse, d’accès à l’éducation, à l’emploi… Les intolérances et les inégalités décrites, dans la trame du roman et à travers l’histoire romantique qui se crée entre les deux protagonistes Callum et Séphy, sont l’occasion d’une démonstration du racisme structurel qui existe dans nos sociétés.
D’autres romans s’ancrent plus dans la réalité pour nous parler du racisme concret que subissent les personnes noires. Black Saphir, de Marc Séassau, montre les insultes et le rejet que le père d’un ami fait subir à l’héroïne éponyme venue de Mayotte. De même, Erwan, jeune personnage métis du roman Uppercut d’Ahmed Kalouaz, se retrouve, dans un centre équestre où il doit faire un stage, au contact d’un patron caractérisé par un racisme ordinaire très ancré et d’autres personnages emplis de préjugés. Par ailleurs, Jodi Picoult s’attache, elle aussi, à décrire, dans Mille petits riens, ce racisme ordinaire qui perturbe significativement le quotidien des personnes racisées. En l’occurrence, cette réflexion est mise en perspective avec l’histoire de Ruth, seule sage-femme noire de son hôpital, et qui se retrouve accusée du meurtre d’un nouveau-né issu d’une famille de suprémacistes blancs. Cette trame est l’occasion de mettre à jour nombre de comportements courants vécus tout au long de sa vie par la protagoniste et qui, sous couvert de bienveillance ou de manière clairement malveillante, ne sont rien d’autre que des comportements discriminatoires à l’égard des personnes noires.
Enfin, la question des violences policières, particulièrement contre les personnes noires comme cela est fréquemment le cas aux États-Unis mais aussi en France, est traitée par Angie Thomas dans The hate U give Cette thématique est incarnée par le personnage de Khalil, tué par un policier blanc de trois balles dans le dos, sous les yeux de sa meilleure amie Starr. Ce roman prend naissance dans le mouvement Black Lives Matter, dénonçant les violences policières dont sont victimes les noirs, et, basé sur des faits réels, revêt un caractère presque documentaire.
Autre axe intéressant abordé par quelques auteurs : les problématiques liées aux conséquences de la colonisation et qui traduisent l’importance des origines dans la construction identitaire. Sur ce sujet, trois romans peuvent être cités. D’abord, Sarcelles Dakar d’Insa Sané, dans lequel Djiraël entreprend avec sa famille un voyage au Sénégal d’où sont originaires ses parents et au cours duquel il va en quelque sorte se réconcilier avec ses origines. De son côté, Les Déchaînés de Flo Jallier permet, grâce à quatre narratrices de la même lignée mais vivant à des époques différentes, de percevoir les conséquences de l’histoire de ses ancêtres. Ainsi, le lecteur peut notamment découvrir les cheminements d’Amelia, esclave en Martinique, puis de ses descendantes jusqu’à Marie-Jo, adolescente de nos jours qui va s’acharner à démêler son récit familial. Cette question de l’identité est également au centre du texte de Louis Atangana, Une étoile dans le cœur, dans lequel un jeune métis s’interroge sur son identité et sur ce que signifie être noir.
Pour finir, ce corpus peut être complété par une dernière réflexion. Représenter la vie contemporaine des personnes noires, ce n’est pas seulement évoquer les questions de racisme ou les combats civiques, c’est également représenter des modes de vie, des codes… Cette position reste taboue chez nous, où toute idée de communautarisme est généralement perçue comme négative, et ne sera pas exposée en littérature jeunesse. Néanmoins, aux États-Unis, une auteure comme Janet McDonald s’attache à présenter un tableau de la vie quotidienne des noirs américains. Même si leur parution n’est pas récente, la lecture de romans comme Brooklyn babies ou Des tifs et du taf demeure importante dans le but de s’imprégner des conditions de vie quotidienne d’une communauté régie par une organisation systémique de nos sociétés.

 

Ce corpus, principalement composé d’ouvrages destinés à un lectorat adolescent, tente de mettre en avant des séquences historiques marquantes pour les populations noires et d’interroger également les conséquences sur les descendants et descendantes. Toutefois, il semble important que les jeunes lecteurs ne s’en contentent pas et complètent leur connaissance de ces enjeux socio-historiques par la découverte d’auteurs majeurs, comme James Baldwin, Toni Morisson ou Maya Angelou.