Écritures médiatiques et partage de savoirs

Dans le contexte du web participatif, de nouvelles formes de publication se sont développées, elles sont à l’origine d’un renouveau des pratiques d’écriture en ligne. Chacun, amateur ou expert, peut facilement devenir producteur de contenus, créer et publier ses propres productions médiatiques : rédiger des billets pour son blog, poster articles et messages sur les réseaux, contribuer à une définition wiki ou plus simplement échanger autour de contenus produits par d’autres. Ceci, dans une intention de communication, préoccupée de mise en visibilité, de participation, et/ou de partage de savoirs.
Ces questions sont au cœur de ce nouveau numéro d’Inter CDI qui étudie – et interroge – les formes, les codes et les langages que ces productions médiatiques mobilisent, individuellement ou collectivement, compte tenu des régimes de participation dans lesquels elles s’inscrivent.

Contribuer à l’encyclopédie collaborative Wikipédia, où « le pouvoir d’écriture est distribué » entre contributeurs volontaires (pas forcément experts), implique, comme le met en évidence Gilles Sahut, de suivre certaines règles formelles, qui visent à réguler le processus de publication et garantir un niveau de qualité aux articles. Deux règles rédactionnelles, au fondement de la politique éditoriale de Wikipédia, sont étudiées dans l’article : la neutralité de point de vue et la citation des sources ; elles constituent des cadres de négociation pour trancher d’éventuels désaccords entre contributeurs, en cas de sujets controversés notamment. En référence aux « politiques de vérité » de Michel Foucault, l’auteur distingue six régimes épistémiques qui fonctionnent comme une grille d’analyse des désaccords éditoriaux ; ils correspondent à autant de rapports à la vérité et de conceptions de la validité, dans Wikipédia, et même au-delà. Ce qui est une invitation à faire de la question complexe du « vrai » un objet de réflexion à part entière dans le cadre d’une éducation critique à l’information et aux médias.
C’est à une autre communauté de savoir, la blogo-sphère infodoc, que s’intéresse Victoria Pfeffer-Meyer, et plus particulièrement aux récits-témoignages de six professeurs documentalistes : des productions créatives qui réinventent des rhétoriques et développent des formes nouvelles de rapport au savoir. Le processus d’écriture est multimodal, interactif, et réflexif ; le média blog sert à communiquer avec les pairs et à prendre du recul sur sa pratique. Et si les discours font une large place à l’introspection, ils sont également l’occasion de produire et de partager des savoirs, à partir de l’expérience personnelle, et de créer des réseaux de savoirs et d’acteurs. À l’occasion, ils donnent aussi à voir des situations originales (deux exemples sont donnés) : débordant de l’info-documentaire au sens strict, et mettant à profit centres d’intérêt (yoga, méditation) ou pratique personnelle (allaitement sur le lieu de travail) pour créer ou approfondir des savoirs qui, partagés, constituent des ressources pour la communauté.
Avec les résultats de l’enquête réalisée via les listes de diffusion nationale et académique par Kaltoum Mahmoudi et Emilie Dooghe, un autre type de savoir professionnel est partagé, relatif à la mise en application du décret sur les ORS dans les établissements. Derrière les mots retenus par les professeurs documentalistes pour parler des obstacles, des bricolages ou des renoncements opérés, c’est de rapports singuliers à la fonction enseignante que témoignent les discours. Le texte du décret se révèle ambigu et diversement interprétable, ce qui ne peut qu’interroger.

Au-delà de ces trois articles, de nombreuses pistes de lecture sont proposées, sur des sujets variés (condition noire, changement climatique, pratique de l’oral, nouveautés éditoriales), dans d’autres formes médiatiques, qui élargissent la focale, ouvrant sur divers savoirs à explorer.

La question de la validité des savoirs au sein de Wikipédia

Les encyclopédies traditionnelles comme l’Universalis ou la Britannica ont trouvé le moyen de résoudre ce type de problèmes. L’écriture des articles est confiée à des experts du domaine qui choisissent de développer telle facette du sujet et pas telle autre. Les processus éditoriaux à l’œuvre s’avèrent autrement plus complexes pour Wikipédia où le pouvoir d’écriture est distribué à tous les contributeurs volontaires. Aussi la communauté wikipédienne a-t-elle élaboré des règles rédactionnelles telles la neutralité de point de vue (NPOV) et la citation des sources pour trancher les éventuels désaccords. Pourtant, malgré le fait que les conditions semblent réunies pour la tenue d’un échange pacifié et constructif, des pages de discussion accompagnant certains articles demeurent le lieu de dissensions. La référence aux différentes règles rédactionnelles n’est pas toujours suffisante pour canaliser les désaccords entre contributeurs. La survenue de conflits entre contributeurs est ainsi considérée comme un phénomène fréquent et endémique (Jemielniak, 2014). Ceux-ci semblent témoigner de l’existence, au sein de la communauté wikipédienne, d’une diversité de conceptions du « vrai » ou encore du « valide », autrement dit des appréciations divergentes de la valeur de vérité d’un énoncé. Avec mon collègue Guillaume Carbou, spécialiste de l’analyse du discours, nous avons entrepris d’étudier ces différentes conceptions de la validité chez les contributeurs (Carbou, Sahut, 2019).
L’enjeu de cette recherche réside tout d’abord dans une meilleure compréhension des mécanismes éditoriaux de Wikipédia, ceux-ci n’étant pas toujours perçus par le lecteur de l’encyclopédie. Au-delà, elle vise à attirer notre attention sur la pluralité des conceptions du « vrai » qui co-existent au sein de l’espace public et peut-être même dans le cadre de l’éducation aux médias et à l’information.

Le rôle des règles et du dialogue dans la rédaction des articles

La neutralité de point de vue (NPOV) et la citation des sources constituent les fondements de la politique éditoriale wikipédienne au sens où elles sont censées être mobilisées pour décider des savoirs publiables dans l’encyclopédie.
La première existe depuis l’origine de l’encyclopédie collaborative. Selon cette règle d’écriture, un article de l’encyclopédie doit rendre compte de la diversité des approches existantes sur un sujet. Elle stipule que « les articles doivent être écrits de façon à ne pas prendre parti pour un point de vue plutôt qu’un autre. Au contraire, il s’agit de présenter tous les points de vue pertinents, en les attribuant à leurs auteurs, mais sans en adopter aucun ». Pris isolément, ce principe peut paraître révélateur d’« une définition polyphonique et quasi relativiste de la vérité » (Cardon, Levrel, 2009, p. 61). Il est toutefois complété, voire contrebalancé par un second principe tout aussi important : la citation des sources. Adoptée entre 2005 et 2007, soit à un moment où les critiques envers Wikipédia abondent, elle a pour fonction de garantir la vérifiabilité et la crédibilité des informations publiées. Précisons qu’il ne s’agit pas ici simplement d’ajouter une liste bibliographique placée en fin d’article, mais de référencer les énoncés. Les notes bibliographiques au sein de Wikipédia rendent visibles les relations nouées avec des publications externes et favorisent, par là même, un transfert d’autorité de celles-ci vers l’encyclopédie collaborative. Elles sont la preuve documentaire d’un « déjà-publié » dont la présence doit compenser les incertitudes à propos de l’expertise ou de la bonne foi des contributeurs ainsi que l’absence d’un comité éditorial reconnu. Cette pratique permet ainsi de juguler l’expression de points de vue personnels et fait figure de critère primordial afin d’évaluer l’acceptabilité des informations intégrables dans l’encyclopédie (Sahut, 2014).
Indissociable de la dimension collaborative et polyphonique de cette écriture encyclopédique, la communication entre contributeurs constitue une autre facette essentielle de l’activité éditoriale de Wikipédia. Les pages de discussion associées aux articles sont ainsi conçues pour être le lieu de dialogues et de négociations entre contributeurs. Une proportion importante des échanges porte sur les informations pouvant ou non être intégrées au sein de l’article, les wikipédiens devant s’efforcer de chercher un terrain d’entente et, in fine, aboutir à des énoncés à la fois consensuels et valides. Les règles rédactionnelles de l’encyclopédie collaborative constituent alors des cadres de négociation, mais il apparaît que les contributeurs en font des interprétations divergentes notamment quand les sujets sont controversés. Il est ainsi avéré que les controverses sont particulièrement vives dans le cas de certains sujets historiques ou d’actualité ayant généré des débats polarisés dans la sphère publique, comme par exemple les Femen (Hocquet, 2015), les biographies de personnes vivantes (Rughinis et Matei, 2013) ou encore des thématiques religieuses ou scientifiques (Poudat et al., 2017).
À l’occasion de ces échanges, les contributeurs soulèvent une diversité de problèmes sur les principes éditoriaux de l’encyclopédie. Quels types de sources ont le droit d’être cités ? Tous les points de vue peuvent-ils figurer dans un article et dans quelle proportion ? Les sujets d’actualité sont-ils encyclopédiques ? À quel lecteur s’adresse-t-on ? Doit-on vulgariser au risque de la perte d’information ou entrer dans des précisions techniques au risque de n’être pas compris ? Tout le monde peut-il vraiment contribuer à Wikipédia sans distinction de compétences ? Ces questions sont autant de points de tension récurrents dans des échanges souvent vifs.

Cadre théorique et méthodologique de l’étude

Ces questionnements, nés des désaccords wikipédiens, sont l’objet de cette étude. Les échanges entre contributeurs permettent de saisir des conceptions différentes de la validité, de la formulation et de la constitution des savoirs. Nous avons appelé ces conceptions du « valide » sur Wikipédia des « régimes épistémiques », ce qui fait écho à ce que Michel Foucault nomme « politiques de vérité », c’est-à-dire « les types de discours [que la société] accueille et fait fonctionner comme vrais ; les mécanismes et les instances qui permettent de distinguer les énoncés vrais ou faux, la manière dont on sanctionne les uns et les autres ; les techniques et les procédures qui sont valorisées pour l’obtention de la vérité ; le statut de ceux qui ont la charge de dire ce qui fonctionne comme vrai » (Foucault, 2001, p. 158).
D’un point de vue méthodologique, nous avons adopté une perspective d’analyse argumentative du discours qui vise à mettre au jour les présupposés et le système de valeurs sur lesquels se fondent les argumentations des contributeurs (Amossy, 2000). Pour illustrer ce procédé, prenons un exemple de discussion sur la place des Pokémons dans Wikipédia. « La connaissance a des limites que les ados ne connaissent pas » assène un contributeur qui est opposé à l’existence d’un article consacré à Pikachu. Cette affirmation présuppose un monde où l’on peut distinguer des connaissances nobles (sans doute anciennes, littéraires, « culturelles ») et des connaissances de moindre valeur (sans doute modernes, médiatiques, « populaires », juvéniles).
Ce type d’analyse a été mené sur un corpus composé des pages de discussion de sept articles : Organisme génétiquement modifié, Race humaine, Mariage homosexuel en France, Dominique Aubier, Attentats du 11 septembre 2001, Affaire Dominique Strauss-Kahn et Homéopathie. Leurs pages de discussion présentent une activité importante en matière de nombre de contributeurs, de nombre de messages et de nombre d’éditions de l’article. Nous les avons choisis car ils ont suscité de nombreux débats qui ont amené les contributeurs à argumenter et ainsi à expliciter les raisons de leurs choix. Les sujets polémiques sont ainsi un matériau particulièrement bien adapté à l’étude des soubassements idéologiques dont dépendent les actions et les prises de position. Nous avons par ailleurs cherché à diversifier le type de polémique en jeu afin d’analyser un large panorama des formes de conflit : une controverse sociotechnique (OGM), une controverse idéologique (Race humaine), un débat de société (Mariage pour tous), une biographie de personne vivante polémique (Dominique Aubier), des faits d’actualité ayant eu une forte résonance sociale et médiatique (9/11, Affaire DSK) et une controverse scientifique (Homéopathie).
Chaque régime épistémique a été construit à partir de critères permettant de les comparer : la finalité implicite de Wikipédia, les sources privilégiées, l’image du contributeur idéal, celle du lecteur idéal, la position dans les controverses et la conception de la « vérité ». Chacun d’entre eux constitue un ensemble idéologique cohérent formé à partir de ces représentations. Ils doivent être considérés comme des idéaltypes, c’est-à-dire des modes de conceptualisation sélectionnant et mettant en évidence des traits essentiels à l’intelligibilité du réel.

La pluralité des régimes épistémiques à l’œuvre au sein de Wikipédia

Nous présenterons successivement les six régimes épistémiques que nous avons identifiés : le wiki, l’encyclopédiste, le scientifique, le scientiste, le critique et le doxique en spécifiant leurs caractéristiques et en les accompagnant de quelques verbatims significatifs.

Le régime wiki

Le régime wiki est l’émanation de l’esprit radicalement égalitaire et de la culture participative du Web. Il postule que tout le monde, sans distinction de compétence aucune, peut et doit collaborer à l’élaboration de l’encyclopédie. La plupart des wikis qui voient le jour dans la seconde moitié des années 1990 ressemblent à des forums où tout un chacun a la possibilité de s’exprimer et de faire valoir ses connaissances personnelles sur un sujet. Cet esprit wiki est très présent lors de la création de Wikipédia en 2001 et tend à perdurer par la suite dans des propos de contributeurs. Le régime wiki sous-tend l’acception la plus libérale de la NPOV selon laquelle être neutre, c’est rapporter l’avis de chacun sans prise de position et sans hiérarchisation : « Je pense qu’il faudrait que l’article de wikipédia expose les points de vue des gens au lieu de prendre position. [Le but de] Wikipédia n’est pas de dire la vérité mais de présenter l’état des choses » (Race humaine). Au bout du compte, le lecteur étant considéré comme autonome et compétent, il saura de lui-même trouver ce qui lui convient dans l’ensemble des informations qui lui sont proposées.
Dans cette logique, le rapport aux sources wiki tend à être particulièrement distant : toutes les opinions se valent, et dénier le droit d’un individu à s’exprimer sous prétexte qu’il ne présente pas de source fiable s’apparente à un déni de démocratie. Le concept de vérité mobilisé dans ce régime est ainsi parfaitement subjectiviste et n’a, au fond, pas vraiment de pertinence : seule compte l’agrégation des vues individuelles.

Tableau 1. Le régime wiki

Le régime encyclopédiste

Le régime que nous appelons encyclopédiste est une conception de la validité sur Wikipédia que l’on peut rapprocher de l’encyclopédisme traditionnel (Rey, 2007). L’encyclopédisme entend éclairer le lecteur en faisant la somme des savoirs « légitimes ». En ce sens, l’encyclopédisme privilégie les sources institutionnalisées : encyclopédies, manuels pédagogiques, sommes éditées par des sociétés savantes, des organisations gouvernementales, etc. À l’inverse, tout ce qui semble relever de la culture populaire, souvent associée aux médias sociaux, est régulièrement dénigré.
La conception de la vérité mobilisée par ce régime donne ainsi à voir l’image d’un savoir relativement intemporel, pacifié et lissé par un consensus naturel des élites de la nation (on consulte l’encyclopédie comme on consulte le dictionnaire). Face à la controverse, l’encyclopédisme tend à rechercher le consensus pacifique et affiche donc un certain œcuménisme : si des points de vue très différents existent dans l’espace social, il est possible de les rapporter, mais toujours en hiérarchisant la fiabilité des sources qui les portent.
Ce régime prend le parti de la vulgarisation pour rendre accessible son propos qui assume une relation asymétrique avec un lecteur à instruire : « Pensons au lecteur de base qui cherche précisément “les OGM pour les nuls” ou du moins quelque chose de clair et compréhensible et non pas une thèse académique ou de longues plaidoiries d’avocats et procureurs » (OGM). Il accepte des sources scientifiques à condition que leur contenu soit reformulé, leur réécriture et leur synthèse garantissant pleinement la visée vulgarisatrice de Wikipédia. Ainsi le contributeur idéal serait celui qui allie un certain degré d’expertise sur le sujet, des qualités rédactionnelles et de la distance à l’égard de l’actualité et des visions partisanes, ce qui renvoie à une image traditionnelle de l’enseignant. Comme une encyclopédie traditionnelle, Wikipédia a une mission éducative et doit contribuer à diffuser un savoir reconnu.

Tableau 2. Le régime encyclopédiste

Le régime scientifique

Le régime scientifique peut être décrit comme le transfert des procédures et des logiques académiques vers la confection de l’encyclopédie. L’article idéal s’apparente ainsi à un état de la question scientifique. Dès lors, seules les sources académiques font foi. La vulgarisation est regardée avec méfiance : « Universalis ne sera dans mon cas certainement pas une source, je regarderai plus dans les ouvrages scientifiques » (OGM). Dans ses versions les plus poussées, le régime va jusqu’à exiger une évaluation par les pairs en bonne et due forme : « […] La Recherche n’est pas une revue scientifique à comité de lecture, mais un magazine de vulgarisation, j’émettrais quelques doutes sur le sérieux de cette source » (Race humaine).
L’exigence en matière de technicité et de précision implique par ailleurs que le régime scientifique attend de la part du contributeur une maîtrise importante du sujet qu’il traite. La scientificité du propos impose rationalité, esprit critique, compétence et nuance. On comprend par ailleurs que le traitement de sujets d’actualité entre fondamentalement en conflit avec le régime scientifique. La politisation vive de ces sujets interfère avec le mode scientifique de production des connaissances. À l’instar de l’encyclopédiste, le scientifique est mal à l’aise avec les sujets controversés qui amène donc le scientifique soit à abdiquer, soit à ne contribuer que sur ce qu’il considère comme la partie « technique » du sujet : « Wikipédia est une encyclopédie, pas une revue de presse, il faut établir une ligne de démarcation claire entre les éléments scientifiques et les polémiques » (OGM). Dans ce régime, le contenu de Wikipédia se doit donc d’être précis et rigoureux. Cela implique une part importante de technicité et donc que le lecteur soit déjà spécialiste de la question.
Au bout du compte, le concept de vérité du régime scientifique tel que nous le décrivons ici est celui d’un état des savoirs académiques, certes temporaire, mais résultat d’une intelligence collective et rationnelle assez solide pour s’affirmer comme valide.

Tableau 3. Le régime scientifique

Le régime scientiste

Le régime scientiste est en quelque sorte la partie hypertrophiée du précédent. Il est néanmoins nécessaire de différencier la posture critique, nuancée et distanciée du scientifique de la position péremptoire, exclusive et triomphante du scientiste. Le régime épistémique scientiste entend dire le Vrai sur le monde à partir des connaissances assurées par la Science et plus particulièrement des sciences exactes.
L’invocation de la littérature scientifique pour le scientiste relève plus de l’argument d’autorité que de l’apport d’un contenu de qualité. Il les utilise afin d’exclure de la collaboration les contributeurs qu’il juge incompétents. Possédant le monopole de la rationalité, il impose ses vues et critique vertement l’irrationalisme médiocre de ses contradicteurs : « […] vous êtes sans doute totalement incompétent sur le sujet pour demander une référence sur une information qu’un étudiant en maîtrise de chimie connaît » (OGM).
Le scientiste entend séparer le bon grain de l’ivraie en matière de sujets controversés. Sa conception de la NPOV est diamétralement opposée à celle du wiki, chez lui aucune cohabitation des points de vue n’est possible. Il s’agit de donner le point de vue de la science et celui-là seul : « Stop : cet article ne doit se baser que sur des études réellement scientifiques. Pas une liberté de pensée ou d’esprit, que je respecte et pratique. Mais la liberté de convictions et croyances, n’est pas une source pour un article de Wikipédia (Homéo) ».
Le régime scientiste est sans doute celui qui possède la conception de la vérité la plus proche du sens commun du terme : il existe une réalité, démontrée scientifiquement, qui seule mérite d’être présentée dans Wikipédia.

Tableau 4. Le régime scientiste

Le régime critique

Le régime que nous avons appelé critique est à l’opposé des régimes encyclopédiste et scientifique. En effet, selon cette approche, la question du savoir est indissociable de la question du pouvoir. Il ne saurait exister de savoir neutre ou objectif car celui-ci renforce ou appuie des positions de pouvoir.
La pratique caractéristique du régime critique est donc d’interroger la probité des sources. Pour le critique, une source n’est valable que si elle ne présente pas de conflit d’intérêts avec le sujet traité. Cela signifie que les choix éditoriaux sont toujours soumis à l’examen des intérêts supposés de leurs auteurs.
Le défi principal que pose ce régime épistémique à la constitution d’une encyclopédie est donc son usage quasi systématique de la suspicion. En effet, celle-ci est à même de remettre en cause toute position, même la plus solide. C’est la raison pour laquelle, dans sa version la plus radicale, le criticisme devient conspirationniste et peut s’opposer sans ciller aux savoirs les plus établis : toute accointance politique décelée chez un expert suffira à discréditer son propos et, faute de preuve, on pourra décréter qu’il ne fait qu’ânonner la propagande orchestrée par un système doctrinaire. Par exemple, le Lancet prestigieuse revue scientifique médicale est considéré comme « clairement l’un des représentants de l’establishment scientifique, son interprétation est seulement la sienne » (Homéo).
Dans les discussions sur les sujets controversés, il va s’efforcer de montrer que des enjeux de pouvoir existent derrière les enjeux éditoriaux. Prenons un exemple de discussion à propos de l’article Race humaine. Un contributeur se situant dans le régime scientifique indique que la science réfute l’existence de race humaine. Le critique lui répond que cette affirmation relève d’un enjeu politique tout autant que revendiquer les différences entre races. Autrement dit, tout est politique, la science ne saurait être neutre. En outre, dans l’optique critique, rien n’est plus insupportable que la censure, outil de domination qui exclut les savoirs non conformes au pouvoir : « Le consensus privilégié étant le politiquement correct, il convient donc de donner l’illusion de l’inexistence des races sur wikipédia ? Je crois que j’ai compris le fonctionnement, merci » (Race humaine).
Selon cette perspective, la neutralité de point de vue devient quasiment impossible. L’indépendance des contributeurs et des sources est une illusion dont il faudrait se déprendre. Dès lors, le but de ce régime est de déciller le lecteur sur les intérêts que masquent toujours les connaissances prétendument objectives. La vérité dans ces circonstances est une notion assez délicate puisqu’elle ne découle que de l’honnêteté intellectuelle de sa source, celle-ci toujours sujette à caution.

Tableau 5. Le régime critique

Le régime doxique

Le régime que nous avons appelé doxique est le régime du témoignage et des faits. Le doxiste se doit de rapporter des faits, diligemment et impartialement. Les faits étant de l’ordre de l’évidence ou du sens commun, il n’y a donc rien à interpréter mais simplement à les exposer.
Le régime doxique possède ainsi une conception relativement naïve de la vérité. L’approche doxique présuppose ainsi toujours la validité de l’opinion générale : « Si l’homéopathie ne marchait pas, je pense qu’on ne serait même pas en train d’en parler, les patients et les pharmacies l’aurait simplement délaissé… Mais je doute que vous soyez sensible au Bon sens de cet argument (Homéo) ».
Cette approche n’est guère exigeante sur la qualité des sources. Nul besoin de cumuler les références et de les confronter : ce qui semble communément accepté est sans doute ce qui est valable. Dans cette optique, les sources journalistiques ou de vulgarisation paraissent souvent les meilleures, Dans le même esprit, l’avis des « célébrités » (M. Kassovitz ou J.-M. Bigard sur le 11 septembre, C. Angot sur l’affaire DSK, etc.) possède un poids certain et les sondages d’opinion sont valorisés en tant que représentants de l’opinion courante. Dans sa version la plus radicale, le régime doxique peut même se contenter de témoigner ou de rendre compte de sa propre « analyse », ce qui lui vaut souvent un rappel de la règle wikipédienne dite de « travaux inédits », celle-ci bannissant les théories, observations, ou idées qui n’ont jamais été publiées par une source.
Le régime doxique présente un rapport que l’on pourrait qualifier de « journalistique » aux controverses. Par exemple, lorsqu’il ne peut simplement rapporter des « faits », mais qu’il doit enregistrer un désaccord sur un sujet donné, sa conception de la neutralité consiste à polariser le conflit en deux camps et à rapporter la position de chacun, quitte à donner une vision artificiellement équilibrée des débats à l’image des micros-trottoirs du journal télévisé.
Il promeut ainsi un encyclopédisme au plus près de l’actualité et tend à privilégier un traitement des sujets sous l’angle de la réaction sociale qu’ils suscitent. Une de ses revendications les plus typiques est d’insister pour parler de « ce qui fait débat » ou de « ce qui intéresse le lecteur ».
En résumé, dans le régime épistémique doxique, la vérité est affaire d’évidence. Le sens commun tient une place centrale dans tous les aspects de l’édition encyclopédique : il faut rapporter au grand public ce qui intéresse le grand public en s’adressant au grand public.

Tableau 6. Le régime doxique

Régimes épistémiques et désaccords éditoriaux

À partir de cette grille d’analyse, il est ainsi possible d’interpréter différents désaccords éditoriaux que l’on peut rencontrer dans les pages de discussion de Wikipédia.
La NPOV est ainsi l’objet d’interprétations antagonistes. Les défenseurs d’une NPOV pluraliste se retrouvent du côté du régime wiki qui se refuse à tout jugement de valeur et recherche la neutralité par la juxtaposition. Au contraire, les défenseurs d’une « neutralité par l’équilibre » se trouvent du côté des régimes qui hiérarchisent les savoirs. L’encyclopédiste en est le parangon : cherchant à rapporter un savoir établi, il privilégie toujours le consensus des élites, quitte à diviser ce savoir en « écoles » si des désaccords perdurent. Le régime doxique adopte une posture similaire, à ceci près que le consensus privilégié est moins celui des élites que du sens commun, et que la division en deux camps de force égale fait partie de son logiciel. Les régimes scientifique, scientiste et critique occupent quant à eux une place à part : pour les deux premiers, être neutre, c’est dire la vérité, ou du moins dire les choses les plus rationnelles possibles ; pour le troisième, la NPOV est une illusion puisque l’impossibilité de la neutralité est au fondement de ce régime épistémique.
De même, le choix des sources est loin de faire systématiquement consensus. Dans les conflits qui opposent les contributeurs sur les pages de discussion, on peut ainsi voir s’exprimer des régimes particulièrement sélectifs sur le choix des sources (le scientiste, le scientifique et l’encyclopédiste) et d’autres beaucoup plus libres (le doxique, qui pourra même défendre l’usage de sources primaires ou certains Travaux Inédits), voire libertaires comme le wiki. En effet, celui-ci voit dans la citation des sources une restriction inutile et par trop élitiste : de son point de vue, chacun doit être libre de contribuer à sa guise, et la qualité de Wikipédia émergera elle-même par un processus d’amélioration graduelle inhérent à la collaboration du plus grand nombre. Le critique se montre lui suspicieux quelle que soit la source ou tend à valoriser ce qu’il considère comme des sources « indépendantes » des pouvoirs en place.
Par ailleurs, ces hiérarchisations des sources, mais plus largement les différentes conceptions épistémiques dont elles relèvent, expliquent également des conflits comme ceux qui ont trait à la forme du contenu des articles. Les scientifiques et les scientistes tendent à considérer toute vulgarisation ou traduction des sources comme un appauvrissement inacceptable, tandis que ce travail éducatif ou médiateur est la raison d’être de régimes comme l’encyclopédiste ou le doxique.

Pistes de réflexion sur l’enseignement de l’évaluation de l’information

Si notre étude porte spécifiquement sur le corpus de l’encyclopédie Wikipédia francophone, il nous semble qu’elle ouvre des perspectives de réflexion à un niveau plus général. En effet, en tant que projet à vocation épistémique, Wikipédia affronte la séculaire et complexe question de l’établissement du « vrai ». Bien que les règles et les procédures éditoriales soient spécifiques à l’encyclopédie collaborative, les régimes épistémiques analysés peuvent se retrouver dans notre culture et peut-être même au sein de chacun d’entre nous (et donc des élèves). Ils possèdent chacun un horizon de pertinence spécifique qui éclaire d’une manière singulière la complexité de la question de la validité du savoir. Il ne s’agit pas ici de sombrer dans un relativisme facile et sclérosant, mais de reconnaître cette pluralité d’attitudes et d’arguments afin de la mettre à distance.
Pour élargir le propos, on pourrait émettre l’hypothèse que cette diversité se retrouve plus ou moins implicitement lors des séquences ou projets pédagogiques consacrés à l’évaluation critique de l’information. Par exemple, le rapport récent du Conseil scientifique de l’éducation nationale (2021) sur le développement de l’esprit critique semble relever du régime scientifique, voire scientiste. Sans doute l’approche préconisée favorise-t-elle une prise de conscience de l’inégale valeur épistémique des sources et des points de vue, ce qui peut s’avérer rassurant dans un contexte informationnel où existent des phénomènes de désinformation et de mésinformation. Cependant, elle occulte le fait que la compréhension de discours réellement scientifiques demeure hors de portée de la majeure partie des élèves du secondaire et le rôle que peut jouer ici la vulgarisation. Par ailleurs, si cette option permet d’établir un critère de démarcation clair entre les contenus scientifiques et les théories pseudo-scientifiques ou fantaisistes (comme celle des platistes1), elle ne paraît guère opérationnelle pour appréhender les controverses scientifiques actuelles qui, certes, comportent leur lot d’incertitudes et de conflits, mais paraissent pourtant essentielles à la compréhension du monde contemporain. Le risque est enfin de développer une forme de dogmatisme qui, par définition, est contraire à une attitude prudente et questionnante.
Il est aussi possible de trouver des relations entre les autres régimes épistémiques évoqués et des manières d’envisager l’enseignement de l’évaluation critique de l’information. Par exemple, une approche des médias selon le prisme « critique » tel que nous l’avons entendu ici ne risque-t-elle pas de conduire à un dénigrement systématique de leur rôle démocratique et, par là même, à une suspicion excessive ? Cette attitude peut conduire à ne plus s’informer ou à se tourner vers des sources alternatives avec les risques de désinformation que cela comporte. À l’inverse, on peut penser que leur approche sous l’angle « doxique » s’avère quelque peu naïve, occultant les processus médiatiques de sélection, hiérarchisation et mise en scène de l’information.
Les pistes de réflexion, rapidement esquissées ici mériteraient à notre sens d’être prolongées. Que cela soit au sein de Wikipédia, à l’école et au CDI, on peut espérer qu’elles favorisent un gain de réflexivité et de lucidité sur la question à la fois si complexe et essentielle du « vrai ».

© Nohat (concept by Paullusmagnus); Wikimedia.

 

Raconter, expliquer, questionner sa pratique professionnelle : Le cas des récits-témoignage sur les blogs

En analysant la blogosphère info-doc dans sa thèse, Bérengère Stassin a montré l’émergence de « communautés de savoir en ligne ». Composées de « communautés de pratiques », « orientées vers la formalisation de connaissances tacites et l’échange de savoir-faire », et de « communautés épistémiques », plutôt dirigées « vers l’échange de connaissances explicites et la construction collective d’un savoir » (Stassin, 2016, p. 99), ces communautés représentent des lieux de création de connaissances. Soit elles ouvrent vers de nouvelles connaissances (communautés épistémiques), soit elles visent la réussite d’une activité (communautés de pratiques) ; la création de connaissances étant alors considérée comme une résultante involontaire de l’auteur (Cohendet et al., 2003, p.104-105). En tant qu’outil numérique, le blog est un dispositif de production d’information qui intègre deux types de dispositifs documentaires : primaire et secondaire, incorporant ainsi les principes de la « médiation documentaire » (Stassin, 2016). Bien que la structuration de base des médias sociaux soit développée par les plateformes éditoriales (les concepteurs proposent leurs modèles et leurs règles d’éditorialisation qui se veulent ergonomiques – prise en main facile -), et ne demandent pas une formation spécifique, avec ces outils numériques 2.0, les usagers s’approprient et développent des pratiques créatives nouvelles (Cardon, 2019). L’activité d’« auto-production » fonde sa particularité sur le fait qu’elle incite les usagers à la « création culturelle en incluant une partie d’eux-mêmes dans ce qu’ils fabriquent et partagent » (Cardon, 2019, p. 190). Ainsi, grâce aux outils numériques, les auteurs réinventent les rhétoriques et les stratégies énonciatives des discours et les combinaisons de supports qu’ils peuvent y intégrer. Le discours dans les blogs porte plus volontiers sur l’introspection, le soi, et l’expérience personnelle comme référence de l’action, du savoir. On peut alors se demander comment ces pratiques numériques contribuent à développer de nouvelles formes de rapport aux savoirs.

Pourquoi s’intéresser aux blogs dans le milieu professionnel ?

Dans les métiers de l’éducation, on voit des usages se répandre depuis une quinzaine d’années chez les professeurs des écoles qui partagent leurs activités sur des blogs ou des sites, mais aussi chez les professeurs du second degré qui utilisent les médias sociaux comme support complémentaire de cours pour leur matière. Ces outils permettent de créer du contenu scolaire à destination des élèves, de moderniser les productions pédagogiques. Les blogs intègrent une variété de contenus : texte, son, image animée ou fixe, liens hypertextes avec d’autres ressources. La technique offre des possibilités originales aux auteurs pour organiser, stocker des documents, des informations, créer des contenus dynamiques, modifiables à l’infini. Ce sont de nouvelles pratiques professionnelles qui se développent avec les outils de publication en ligne. Les professionnels ont, à présent, la possibilité de partager leur activité sur un autre espace, de diffuser et de développer du savoir sur et par l’outil numérique.
Nous nous sommes intéressée en particulier aux traces que dévoilent les professeurs documentalistes sur les blogs (cf. tableau ci-dessous). Dans le présent article, les termes employés pour désigner les auteurs des blogs sont pris au sens générique, ils ont à la fois la valeur d’un féminin et d’un masculin, excepté dans la seconde partie où l’emploi du féminin sera utilisé pour rapporter les propos des auteures citées. La visée des blogs n’est pas identique selon les individualités : plusieurs blogs sont en lien avec la passion de la lecture et proposent des bibliographies de littérature de jeunesse, d’autres sont plus personnels et proposent des billets d’humeur en lien avec le quotidien professionnel, d’autres encore sont davantage centrés sur la préparation au CAPES de documentation. Dès la fin des années 2000, certains [futurs] professeurs documentalistes ont profité de l’expansion de ce média pour rassembler et  organiser les connaissances pour préparer le CAPES de documentation (Entretiens, Blogs 2 et 4). D’autres choisissent d’utiliser ce média pour rassembler et partager en un même endroit leurs passions et les mettre en lien avec le métier (Blogs 1, 2 et 5). D’autres encore, plus nombreux, décident d’y publier leurs activités didactiques et pédagogiques et d’utiliser l’écriture numérique pour développer leur réflexion professionnelle (Blogs 1, 2, 3, 4, 5 et 6). Un autre encore s’initie aux usages du blog en utilisant d’abord l’outil comme « support de formation pour des stages du PAF », cherchant alors à trouver un moyen de partager des contenus de formation aux stagiaires, et réalisant en même temps la nécessité, en tant que professionnel, de se former à l’usage d’un outil émergent sur la toile (Blog 1). Au total, nous avons identifié sur la toile 58 blogs de professeurs documentalistes en France dont 1 provenant d’une professeure documentaliste canadienne. Pour notre corpus final nous avons retenu une dizaine de blogs qui répondent aux critères suivants :
– le blog doit toujours être en activité au moment de la recherche ;
– plusieurs facettes du métier doivent être évoquées (combinaison de pratiques professionnelles) ;
– le blog doit évoquer des situations professionnelles actuelles et en cours de manière régulière.

Pour cet article nous évoquerons en particulier les résultats de 6 blogs présentés dans le tableau suivant :

Des publications numériques aux traces professionnelles : créer des traces pour renforcer la communauté de savoirs

Usages et intentions des blogueurs

En croisant les résultats de l’analyse de données recueillies sur les blogs de notre corpus et des entretiens menés auprès des auteurs, nous avons identifié des « intentions » et nous avons tenté de les caractériser.

– Le blog, outil de veille informationnelle et de création documentaire
La première fonction identifiée est celle de « veille informationnelle et de création documentaire ». On la trouve au départ dans les blogs qui ont été créés en première intention pour préparer le CAPES de documentation. Les étudiants en documentation, précurseurs de l’apprentissage en ligne, innovent en utilisant à partir de 20061 les outils numériques pour rassembler les savoirs académiques, institutionnels et pratiques qu’ils doivent connaître pour passer le concours. Mais cela ne se limite pas à de la veille ; ils rédigent des conseils méthodologiques et d’organisation pour travailler, des fiches de lecture, des réflexions, font part de questionnements, de doutes, de peurs, de réussites ; ils partagent des liens vers des ressources professionnelles, des informations sur l’actualité liée au métier du livre et au système éducatif en particulier, mais aussi des bibliographies. Le blog est ici un « journal de formation », il raconte à la fois le parcours d’un auteur sous la forme d’un « récit de vie » et il est un espace de conservation des documents, des idées.

– Le blog, une « archive professionnelle »
La fonction d’« archive » ou de « mémoire » est la seconde intention identifiée dans les discours. Le blog permet de rassembler en seul endroit des ressources de natures différentes. Il est accessible sur tous les supports numériques, partout où la connexion internet est disponible. Il donne accès à des informations au sens où il est « porteur de messages et/ou d’instructions, appelé à devenir archive après son temps d’activité informative, c’est-à-dire dès qu’il a suscité la création de documents secondaires ou tertiaires » (Fondanèche, 1995). Sa structure documentaire permet aux auteurs d’organiser en thématiques ou « catégories » les données recueillies, transposant ainsi certaines pratiques documentaires comme le catalogage et l’indexation. Les articles sont formalisés avec un titre, le texte est développé (il n’y a pas de limites de caractères), on peut y adjoindre des mots-clés en langage naturel et les billets sont sauvegardés de manière antéchronologique. La structure propose un moteur interne pour retrouver les « billets » postés depuis plusieurs années.

– Le blog « l’écriture numérique pour mettre au jour et développer ses connaissances »
La troisième fonction repérée dans les entretiens est celle de « document d’élaboration de connaissances», en tant qu’il participe au processus de construction de connaissance. Cette fonction est d’ordre cognitive : l’écriture est un catalyseur pour apprendre. Le blog permet aux auteurs de développer leur pensée et donc de construire et d’élaborer de la connaissance. Le processus d’écriture numérique se compose de différentes étapes de structuration du texte. De l’émergence et de l’organisation des idées pour rédiger un article qui aura un intérêt, à la formalisation d’un titre qui interpelle les lecteurs, à la recherche d’informations complémentaires pour enrichir le contenu, en passant par l’insertion éventuelle de documents multimédias ou par l’intégration de liens hypertextes, ou encore par l’élaboration de mots-clés pertinents pour caractériser le contenu. Les auteurs effectuent un travail d’organisation et de structuration de la pensée, qui sont aussi les étapes nécessaires pour apprendre. L’écriture des billets engage les auteurs dans un processus d’élaboration de savoir ayant une incidence sur l’apprentissage pour soi, en premier lieu, puis pour autrui. Les billets sont relativement longs, il n’y a pas de limite de caractères comme sur certains réseaux sociaux. De plus, ils sont destinés à être lus et doivent donc être intelligibles ; cela oblige les auteurs à expliciter et à clarifier les contenus qu’ils publient. Cette action renforce le processus d’apprentissage implicite du blog. L’écriture sur les blogs entre en contradiction avec des formes d’écriture plus spontanée identifiées sur les réseaux sociaux. Dans les blogs, les auteurs expliquent prendre plusieurs jours pour rédiger les billets, ils commencent un article et y reviennent plusieurs fois avant de le rendre public, et parfois certains sont laissés de côté, voire ne sont pas publiés.

– Le blog, un outil de partage pour le collectif
Une quatrième fonction évoquée avec les auteurs est le partage, la mutualisation et la diffusion de connaissances, de ressources pour la profession. Les professionnels font ici référence à l’un des concepts fondamentaux lié à leur profession, le concept d’information : « l’information est la consignation de connaissances dans le but de leur transmission » (Cacaly, 1997), il s’agit donc pour eux d’enrichir les ressources et les réflexions professionnelles dans un esprit collectif.

– Le blog, une occasion de se mettre en posture de réflexivité
L’analyse des billets nous a conduite à repérer une autre intention, souvent implicite : mettre en mots la pratique professionnelle pour prendre de la distance. Les professionnels évoquent dans certains billets leurs réflexions, leurs analyses sur des situations réelles, vécues parfois comme difficiles, mais aussi des réussites, des fiertés. Ces billets rappellent les dispositifs de supervision ou les ateliers d’analyse de pratiques et de régulation qui permettent de questionner les actes éducatifs. Souvent commentés, ils peuvent conduire à un échange de mail avec l’auteur comme un partage d’expérience. Ils font échos dans la communauté professionnelle et cela renforce l’idée de mise en réseaux (Cardon et Delaunay-Téterel, 2006) des savoirs professionnels.

La visée du blog : espaces et frontières entre soi professionnel et soi personnel

Quand le blog est pérenne, il suit les professeurs documentalistes dans leur évolution, leur parcours professionnel. Une fois titularisés et en poste, les auteurs poursuivent l’écriture et adaptent leurs contenus à leur quotidien professionnel, ce qui fait émerger l’idée de « journal professionnel ». La visée initiale du blog peut être modifiée, les contenus se focalisent alors plutôt sur la professionnalisation et la pratique contextualisée en établissement scolaire. Bien qu’ils s’accordent tous à dire que ces publications font partie à présent de leurs habitudes professionnelles, les auteurs expliquent que poursuivre le travail de publication est difficile et chronophage. Pour pérenniser sa visibilité sur la toile, il faut publier régulièrement, c’est un temps à trouver dans un quotidien souvent déjà bien chargé. Globalement, l’espace-temps consacré à l’écriture est un espace et un temps personnel. Les blogueurs sondés n’écrivent jamais leurs billets sur le temps professionnel, même si la majorité de leurs publications concerne leur profession (veille, partage de séance, bibliographie de lecture).

De manière générale, les blogueurs proposent des récits sur des thématiques variées toujours en lien avec une activité professionnelle récente, mais aussi en lien avec leurs centres d’intérêts personnels. Une forte corrélation se crée entre centre d’intérêt et activité professionnelle : les blogueurs utilisent cet outil pour partager leurs passions de la lecture, de la culture, des arts, du sport, leurs activités de loisir et conçoivent des liens avec leur métier. Certains mettent en avant l’évolution de leur vie et des questions personnelles (arrivée d’un enfant, mutation dans une autre académie), et les incidences sur leur vie professionnelle. D’autres mettent en avant des réflexions sur l’activité professionnelle dans leur contexte établissement. D’autres encore expriment et partagent leurs billets d’humeur, leurs convictions et leur engagement dans la profession. Ils partagent tous l’envie de parler de leur pratique professionnelle réelle sans l’idéaliser. Les entretiens montrent que les auteurs font évoluer leurs contenus en fonction du développement professionnel et personnel.

Des parcours de formation en et avec l’information-documentation ?

Clarifier et faire valoir le qu’est-ce qu’on apprend avec le professeur documentaliste dans un CDI ? est toujours d’actualité, pour preuve la mobilisation du 17 décembre 20202 sur les réseaux sociaux, devenue « Journée nationale des professeurs documentalistes » portée par l’APDEN où les acteurs de certains établissements se sont mis en visibilité numériquement avec les #devantélève #jesuisprofdoc, #profdocencolère et ont publié des photos de leurs pratiques d’enseignement avec les élèves3. Depuis les années 1990, de nombreux chercheurs des sciences de l’information communication et des sciences de l’éducation et de la formation, mais aussi des professeurs-documentalistes, des formateurs, et des associations professionnelles ont questionné et caractérisé les contenus et les savoirs de l’information-documentation. Cette « discipline », pratiquée de façon singulière dans les établissements scolaires fait l’objet de savoirs et de pratiques de références plurielles dont la description peut parfois être complexe. Les formations en information-documentation-communication sont réalisées en lien avec des objets de savoirs et des situations de travail spécifiques. Ils sont composés de « questions vives », de « savoirs chauds » (Maury, 2016) liés aux évolutions de la société de l’information qui nécessitent d’adapter régulièrement les objets de formations : le professeur documentaliste travaille avec des « savoirs vivants », hétérogènes, qu’il faut sans cesse réorganiser (Frisch, 2012). En outre, les programmes et les curricula ne sauraient à eux seuls baliser les choix de formation opérés en établissement scolaire. En effet, la particularité des formations en information-documentation réside dans le fait qu’elles sont nécessairement situées, contextualisées. L’environnement de travail constitue une donnée primordiale pour élaborer des parcours de formations, ne serait-ce que parce qu’elles s’appuient sur les collaborations possibles, le profil des élèves, les partenariats extérieurs, autant de données individuelles et spécifiques aux situations d’établissement. Tous ces éléments ont une incidence sur l’organisation des parcours de formation. Les publications que nous avons analysées mettent ainsi en avant des activités pédagogiques et didactiques réelles avec les élèves et traitent de questions et de pratiques professionnelles situées.

La trace professionnelle, une occasion de produire du savoir

En tant que discipline de recherche, la didactique de l’information-documentation a fait émerger des concepts-clés pour comprendre l’activité des professeurs documentalistes en milieu scolaire. Muriel Frisch établit le double mouvement de transposition et de contre transposition pour identifier les savoirs enseignés en information-documentation4 (Frisch, 2001 ; 2016) que nous utilisons pour analyser les situations professionnelles évoquées sur les blogs.

Le double mouvement de transposition et de contre-transposition didactique de Muriel Frisch. Émergence en didactiques pour les métiers de l’humain. Paris : L’Harmattan, 2016, p. 142.

Nous observons le « Faire » et les pratiques professionnelles dans l’écriture, et, au fur et à mesure de l’identification et du repérage des données, nous allons cerner des « émergences », des « écloseries » (Frisch, 2016). Notre méthodologie focalise sur le mouvement de contre transposition, utilisant le mouvement ascendant d’émergence du savoir. En effet, en tant que dispositif numérique, le blog, constitue « le milieu » dans lequel le sujet évolue, c’est-à-dire le dispositif qu’il utilise pour évoquer son activité. Le blog représente le document que le professionnel élabore et grâce auquel sa pensée peut évoluer. L’écriture sur le blog a un double enjeu, réflexif pour soi, et mutualiste pour les autres. L’espace-temps, l’acte d’écriture, ainsi que les modalités techniques offertes par l’outil placent le sujet-auteur dans une situation d’élaboration particulière.

Processus de « contre-transposition » de l’activité sur les blogs pour en faire émerger du savoir, Victoria Pfeffer-Meyer, 2021

En définitive, les « récits-témoignages » partagés sur les blogs représentent des traces de l’expérience professionnelle. Ces traces sont formalisées « après-coup » (Chaussecourte, 2010), par les acteurs, toujours en lien avec l’activité professionnelle. La temporalité est décalée, elle forme un espace-temps de « reprise » (Kierkegaard, 1990) de l’activité professionnelle qui porte une intention et un sens nouveau. L’analyse des situations de travail fait apparaître de nouvelles connaissances en didactique pour la profession.

Des savoirs pour la communauté professionnelle

Nous avons identifié des thématiques ou catégories représentatives des contenus des billets publiés sur les blogs. L’analyse approfondie des billets fait apparaître de nouveaux objets de savoirs didactiques pour la communauté. Nous allons présenter deux billets analysés dans les blogs 1 et 2. Le premier provient de la catégorie que nous avons intitulée « situations d’apprentissage ».

L’auteure du « Bateau Livre », qui enseigne en collège, fait des liens entre pratique professionnelle et activité de loisir personnel. Sa pratique personnelle de la méditation et du yoga va orienter sa pratique professionnelle car elle va cerner un enjeu de formation pour ses élèves et va, en créant des situations d’apprentissage et des objets documentaires interconnecter les pratiques. L’analyse des billets, corroborée par l’entretien, met en évidence que ce qui est vécu dans l’intimité, la pratique personnelle, peut exercer une influence sur les projets et les activités menées à l’école avec les élèves. Du point de vue didactique, la professionnelle fait ici un choix original qui sort du cadre de référence strictement info-documentaire, mais garde toujours un lien avec la mission d’éducation et le développement de savoir-être des élèves. Elle s’appuie sur des « espaces libres », « les clubs » dans lesquels elle peut développer cette ouverture culturelle en référence à l’axe 3 de la circulaire de missions (BOEN, 13 mars 2017). Elle transpose sa pratique de référence au milieu scolaire, ayant identifié une « occasion d’apprendre » (Paragot, 2016). En approfondissant l’analyse, on observe aussi que les activités proposées ont toujours un lien avec la didactique info-documentaire. En effet, l’auteure crée un certain nombre de productions ou d’outils didactiques à destination des formations qu’elle veut mettre en place. Que ce soit à destination des collégiens : « petit journal conscient », « carnet de relaxation », « document guide pour se préparer à un examen », « contrat zen » entre l’élève et le professeur pour s’engager ensemble dans la formation, « météo des émotions », « valise des valeurs »5 ; ou à destination des adultes, lorsqu’elle se positionne en tant que formateur qui va partager son expérience et proposer des pistes pour engager d’autres enseignants dans des formations sur ce sujet : « carte mentale » pour construire une réflexion sur l’apport de la relaxation à l’école, « vadémécum »6 à destination des enseignants pour amorcer des pistes en utilisant le questionnement heuristique. Les billets sont illustrés de photos qui viennent répondre de façon concrète aux questionnements qui pourraient émerger des lecteurs. La professeure documentaliste, formatrice par ailleurs, utilise des savoirs et des techniques info-documentaires, à la fois pour communiquer sur ses formations, mais aussi pour les créer. Elle propose par ses billets des supports de formation à distance pour les stages du PAF. Son blog a une double vocation, support de formation à distance pour des stagiaires en formation continue et partage pour la communauté professionnelle. Elle crée par exemple un document interactif pour faire participer les stagiaires à une activité en ligne complémentaire sur son blog. On peut évoquer ici ce que Dominique Cardon nomme les « pratiques créatives en ligne » : faire des montages vidéo, animer et sous-titrer des documents en ligne, créer des contenus dynamiques et interactifs, « la généralisation des technologies simples à manipuler permet de s’impliquer et de diffuser une production culturelle et formatrice nouvelles » (Cardon, 2019). L’interaction didactique se crée ici entre l’activité choisie, la pratique de référence (le yoga ou la méditation) et l’intention éducative qui émane et est produite par la professeure documentaliste : elle a identifié un besoin des élèves, des enseignants, et propose une activité qui deviendra une formation sur le thème de la relaxation. Elle relate sur le blog l’impact sur les élèves : « une disponibilité nouvelle pour mieux accueillir les apprentissages ».

Le second billet provient du blog n° 2, il raconte une expérience menée sur le lieu de travail concernant le sujet de l’allaitement. Nous l’avons catégorisé sous le thème « problématique professionnelle ». Dans son blog l’auteure a pris l’habitude d’associer l’évocation des étapes de sa vie personnelle, de sa vie de famille et le professionnel. La forme du journal accentue l’évocation de la vie privée et de la vie professionnelle croisée, notamment lorsqu’il s’agit de concilier travail et famille. Le billet intitulé « prof doc et allaitante » parle de son cheminement de professionnelle, se questionnant sur l’allaitement sur son lieu de travail. Dans l’article, elle part d’une décision personnelle et d’un droit, « en tant que salariée, une femme peut allaiter sur son lieu de travail pendant un an à partir de la naissance de l’enfant »7. Ce billet évoque les AAPP8 durant lesquels les professionnels peuvent aborder des problématiques professionnelles et chercher à les résoudre. Elle « donne donc ici [son] expérience, [ses] conseils et astuces, si ça peut aider d’autres mamans…. » [extrait blog n° 2], elle produit un certain nombre d’informations, concernant la procédure pour mettre en place l’allaitement sur son lieu de travail, ses impressions avec les avantages et les inconvénients ; elle fait référence aux textes réglementaires, au matériel à utiliser pour pratiquer l’allaitement. Le billet devient un guide à l’usage des femmes qui veulent allaiter sur leur lieu de travail. Des commentaires viennent corroborer le témoignage et renforcer l’idée d’une préoccupation professionnelle partagée par la communauté. Cette expérience devient un savoir professionnel, un savoir d’expérience partagé par la communauté. Ce savoir pratique, selon elle, ne serait pas abordé en formation, pourtant il constitue un droit et un gage de bien-être au travail. Au cours de l’entretien, l’auteure explique avoir identifié, lors de discussions informelles, ce sujet comme intéressant pour ses pairs qui lui ont suggéré de partager son expérience, ce qui l’a conduite à créer un billet. En outre, au-delà du sujet abordé, ce qui nous semble important, c’est la structuration du contenu du billet. L’auteure ne se contente pas d’une simple description de son expérience. Elle a procédé à un travail de recherche détaillé sur le sujet, et met son expertise au service du développement professionnel, cherchant à répondre elle-même à ses propres interrogations. Elle évoque le code du travail et met en lien les articles correspondants grâce aux liens hypertextes ; elle renvoie à des articles d’autres sites et enrichit ainsi la ressource sur le sujet. Elle réalise une démarche de recherche, qu’elle met au service des autres sous la forme d’un article. Elle associe expérience personnelle, son organisation dans son milieu professionnel, et savoir institutionnel, savoir technique et pratique, et illustre avec des photos. Il y a une réelle construction, un croisement de sources d’information, un questionnement initial qui sont partagés. Le blog devient ici l’« espace-temps intermédiaire » (Frisch, 2020, p. 2019) qui permet de mettre au jour le savoir professionnel. L’espace du blog donne l’occasion d’approfondir et de partager un sujet ordinairement réservé à une discussion informelle ou à une rapide recherche personnelle. L’écriture numérique permet ici de rendre public un questionnement intime, de soumettre à la communauté ses interrogations, voire d’encourager la communauté à développer une pratique qui est un droit garanti par le code du travail, mais qui est peu pratiquée peut être par méconnaissance. Ici, l’idée de communauté de pratique est renforcée par les commentaires qui répondent de manière positive et en écho à ce sujet. C’est la publication sur le blog et les commentaires associés qui lui donnent sa dimension collective et partagée9.

Conclusion

Le média numérique blog sert à communiquer avec les pairs. L’usage développé ici par les auteurs donne une nouvelle perspective à la professionnalisation car il transforme le rapport au savoir pour soi et pour autrui. Un nouveau réseau de savoirs se crée pour la profession. Les professionnels gardent une trace de leurs actions, sorte d’« archive professionnelle » (Pfeffer-Meyer, 2019 ; 2021), ils développent une écriture réflexive qui donne la perspective d’une prise de recul, de distance, ils donnent aussi à voir des situations-expériences originales qui peuvent servir de référence pour la communauté professionnelle.

 

Appel à contributions : 50 ans d’Intercdi, retour vers le futur

Dans le numéro spécial 299-300 nous fêterons le cinquantième anniversaire d’InterCDI.

À cette occasion, l’équipe de la rédaction tient tout d’abord à vous remercier de votre fidélité et revient vers vous pour solliciter vos témoignages sur le lien particulier qui vous unit à InterCDI. Faites-nous part de ce qui vous a marqué dans la vie de la revue, de votre participation à cette aventure associative, de ce qui vous a été utile dans le cadre de votre pratique professionnelle, mais également de vos souhaits pour les numéros à venir.

Ce numéro est tourné vers l’avenir. Penser l’avenir c’est s’appuyer sur le passé – « le passé est la lanterne du futur » selon les mots de Hacène Mazouz –, c’est s’ancrer dans le présent pour envisager des continuités et jeter des ponts vers ce qui n’est pas encore, ce qui peut advenir et qui est souhaitable.

Avec vous, demandons-nous ce que sera, demain, le métier de professeur documentaliste. Un enseignant à part entière, producteur de contenu pédagogique ? Un spécialiste des médias ? Un organisateur de projets ou de contenus culturels ? Le CDI du futur sera-t-il écologique ? numérique ? ludique ? en réseau ? hors les murs ?

Le CDI sera-t-il Black Mirror ou Wonderful World ?

À vos plumes et à vos claviers pour nous envoyer vos contributions avant le 30 avril 2022 !

Pour une préparation optimale du numéro, n’hésitez pas à contacter la Rédaction au plus tôt : intercdi.articles@gmail.com

Entre modestie et résistance : la mise en mots du décret sur les ORS¹

Introduction

Les professionnels de la documentation occupent une place stratégique et centrale au sein des organisations en raison de leur niveau de formation et de la relation privilégiée qu’ils entretiennent avec l’information, à savoir leur « sensibilité informationnelle » pour reprendre l’expression de Claude Baltz (2003, p. 152). En tant qu’experts de la pédagogie de l’information-documentation, centrés sur l’éducation des élèves, les professeurs documentalistes sont également sensibles au contexte actuel de l’information et de ses désordres, auxquels s’ajoutent la crise sanitaire et son lot de désinformation. Sur le terrain de l’établissement scolaire, leur mandat pédagogique n’a jamais trouvé autant de légitimité à s’exercer. Un mandat conforté par leur circulaire de missions réactualisée en 2017 qui place, en premier axe, leur fonction d’« enseignant et maître d’œuvre de l’acquisition par tous d’une culture de l’information et des médias2 » en reconnaissant ainsi leur expertise pédagogique dans le champ des Sciences de l’information et de la communication (SIC). À ce titre, ils forment « tous les élèves à l’information documentation » en tant que champ d’intervention distinct de l’ÉMI. Le décret sur les ORS3 devrait conforter la légitimité de ce mandat pédagogique, mais comment s’applique-t-il sur le terrain de l’établissement scolaire et selon quelles modalités ? Sept ans après la parution du décret, où en sont les professeurs documentalistes à ce sujet ? Pour le savoir, nous avons envoyé un sondage anonyme sur les listes de diffusion académique et nationale des professeurs documentalistes à la suite duquel nous avons recueilli 276 réponses4. Nous préciserons tout d’abord le profil des répondants avant de proposer, ensuite, une lecture explicative du décret à partir de leurs témoignages. Leurs mots, qui constituent la matière première de notre réflexion, conduiront le lecteur, dans un dernier temps, à entrer en profondeur dans les résultats du sondage. Entre modestie et résistance, la mise en mots du décret sur les ORS dit « quelque chose » de la manière dont les professeurs documentalistes se perçoivent et se considèrent comme enseignants.

Qui sont les 276 répondants ?

En raison de la période chargée de fin d’année scolaire, nous avons opté pour un sondage court et articulé uniquement autour de deux questions : une question fermée, afin d’identifier le type d’établissement des répondants et une question ouverte visant à recueillir leurs témoignages spontanés :
« Appliquez-vous le décret ORS dans votre établissement ? Si oui, merci d’indiquer de manière explicite les modalités de son application (récupération horaire hebdomadairement, mensuellement, en fin d’année, paiement en heures péri-éducatives, autres…). Si non, merci d’indiquer explicitement les obstacles que vous rencontrez quant à son application. »
172 répondants sont professeurs documentalistes en collège, 50 exercent en lycée général et technologique, 26 en lycée professionnel et 28 au sein de structures mixtes.
Nous les avons répartis en trois catégories :
– 60 % déclarent ne pas appliquer le décret sur les ORS. Ce chiffre est identique à celui obtenu par le SNES à la suite de l’enquête menée en janvier-avril 20205.
– 31 % déclarent l’appliquer.
– 9 % ne répondent pas précisément à la question : oui et non, partiellement, occasionnellement, en partie, à demi, officieusement…
Le graphique ci-dessous indique la répartition des trois catégories en fonction du type d’établissement.

Graphique. Les 276 répondants appliquent-ils le décret sur les ORS ?

Décryptage, précisions et éclairages

J’ai mis le BOEN en copie au chef d’établissement, la première fois, il a répondu que c’était statutaire et ne s’y opposerait pas. Prof doc en lycée général et technologique

Le décret du 20 août 2014 relatif aux ORS des enseignants est un acte réglementaire pris par le gouvernement et signé du Premier ministre. En tant que représentant de l’État, le chef d’établissement est le garant de l’application des textes normatifs au sein de l’établissement scolaire. Ce décret abroge celui de 1950 qui régissait jusqu’alors le statut et les services des enseignants en incluant désormais les professeurs documentalistes dans un texte commun à tous les enseignants. Leur service hebdomadaire y est clairement défini. Nous soulignons cette avancée même si l’application du décret peut se révéler inégale sur le terrain ; nous y reviendrons dans un instant.
L’article 2 du décret définit ensuite les obligations réglementaires de service qui diffèrent selon le corps des enseignants [certifiés, agrégés, professeurs de lycée professionnel (PLP), professeurs des écoles (PE), professeurs d’éducation physique et sportive (EPS)] puis, par dérogation à ces obligations, l’article précise les dispositions particulières qui s’appliquent aux professeurs « de la discipline de documentation » :
« Par dérogation aux dispositions des I et II du présent article, les professeurs de la discipline de documentation et les professeurs exerçant dans cette discipline sont tenus d’assurer : – un service d’information et documentation, d’un maximum de trente heures hebdomadaires […] ­– six heures consacrées aux relations avec l’extérieur qu’implique l’exercice de cette discipline6. »
Qu’ils soient ainsi certifiés (18 h) ou agrégés (15 h), recrutés par la voie du CAPES de documentation ou non, les professeurs documentalistes doivent un service hebdomadaire de 30 h dans l’établissement. Le décret prend donc en considération le fait que de nombreux enseignants de corps différents (PLP, PE, EPS…), déjà titulaires d’un autre concours, se sont orientés vers la documentation.

Qu’est-ce qu’une « heure d’enseignement » ?

Je souhaitais récupérer mes heures pédagogiques, nous avons eu un désaccord avec le chef d’établissement. L’inspectrice a tranché : seules les heures d’AP, inscrites à l’emploi du temps des élèves, peuvent être récupérées. Je n’interviens pas dans le cadre de l’AP. Prof doc en collège

La mention « heure d’enseignement » apparaît officiellement dans le décret :
« Ce service peut comprendre, avec accord de l’intéressé, des heures d’enseignement. Chaque heure d’enseignement est décomptée pour la valeur de deux heures pour l’application du maximum de service prévu à l’alinéa précédent7 ».
L’information-documentation n’étant pas une discipline institutionnalisée, cette mention peut effectivement prêter à confusion comme en témoigne ce prof doc en collège. Pour la préciser, un détour par la circulaire d’application du décret du 29 avril 2015 semble nécessaire. Celle-ci précise que les heures d’enseignement correspondent « aux heures d’intervention pédagogique devant élèves telles qu’elles résultent de la mise en œuvre des horaires d’enseignement définis pour chaque cycle », et ce, « quel que soit l’effectif du groupe d’élèves concerné8 ». Conséquemment, et compte tenu de la situation singulière des professeurs documentalistes, nous définissons la mention « heure d’enseignement » comme une heure de face à face pédagogique devant élèves, prévue dans les grilles horaires du cycle, quel que soit le nombre d’élèves, en présence ou en l’absence d’enseignants disciplinaires, dans ou hors du CDI. Le décret étant silencieux sur ces deux derniers points, il convient d’envisager ces éventualités.
Si l’on s’en tient alors à la définition du décret de 2014 et de sa circulaire d’application de 2015, les « heures d’enseignement » des professeurs documentalistes ne dépendent absolument pas d’un quelconque emploi du temps hebdomadaire CDI inscrit à l’emploi du temps des élèves. Une précision s’impose, puisque cet élément peut constituer un point de désaccord entre les professeurs documentalistes et leur hiérarchie comme en témoigne le prof doc en collège. L’information-documentation n’étant pas une discipline institutionnalisée, elle n’a donc pas d’horaire d’enseignement dédié pour chaque cycle. Par conséquent, et pour être en cohérence à la fois avec le décret sur les ORS et la circulaire de missions, un professeur documentaliste qui assure une heure d’enseignement devrait se trouver alors :
– en face à face pédagogique devant élèves, ce qui signifie en situation de transmettre des notions info-documentaires qui visent l’appropriation de savoirs et de compétences propres à « une culture de l’information et des médias » lesquels sont inscrits dans les programmes disciplinaires ;
– en face à face pédagogique sur une heure dédiée à un enseignement disciplinaire et/ou aux dispositifs éducatifs officiels tels que les Enseignements Pratiques Interdisciplinaires (EPI) en collège, l’Accompagnement Personnalisé (AP) en collège et en lycée ou le chef d’œuvre en lycée professionnel.
Nous savons pourtant que, dans les faits, des professeurs documentalistes obtiennent des heures dédiées ajoutées à l’emploi du temps des élèves. Mais ce cas n’est pas pris en considération par le décret sur les ORS. Situer son action pédagogique dans ce cadre revient, dès lors, à prendre un risque, puisque la récupération des heures d’enseignement effectuées pourrait être acceptée ou refusée selon la volonté du chef d’établissement. Inscrire son action pédagogique dans des horaires « officialisés », dédiés aux enseignements disciplinaires et/ou aux dispositifs éducatifs, revient ainsi à limiter ce risque en situant son intervention pédagogique « dans la norme » édictée par le décret.

1 heure d’enseignement effectuée = 2 h de récupération sur le service hebdomadaire de 30 h

Je suis dans un établissement de près de 700 élèves. La Principale voulait que je prenne les 6e toute l’année. Je lui ai dit OK si j’applique le décret (même si je ne demandais pas 7 heures de récup, donc 7 h de fermeture du CDI), elle m’a rétorqué que ce décret ne s’appliquait pas pour ces heures de 6e. Elle refuse également que je fasse une banque de temps pour récupérer quand il y a moins de travail. Concernant les heures faites avec mes collègues, jamais je n’ai décompté. Prof doc en collège

Le décret sur les ORS précise enfin qu’1 heure d’enseignement devant les élèves vaut 2 heures « de service de documentation et d’information ». Chaque heure d’enseignement effectuée étant ainsi décomptée pour la valeur de 2 heures du service hebdomadaire de 30 h. Le prof doc en collège déclare, ci-dessus, assurer 7 heures d’enseignement par semaine. Si le décret s’appliquait « strictement », les 7 heures d’enseignement comptant pour 14 h de service, ses obligations hebdomadaires passeraient donc de 30 h à 23 h9. Ce témoignage n’est pas le seul à soulever les difficultés d’application du décret et notamment l’impossibilité d’une application « stricte ». D’autant plus qu’un seul poste de certifié de documentation à 30 h ne permet déjà pas une ouverture du CDI sur l’ensemble des horaires d’ouverture de l’établissement. Pourtant 31 % des répondants déclarent appliquer ce décret. Comment s’y prennent-ils alors ? Pour le savoir, entrons plus en profondeur dans les résultats du sondage.

Entre application officielle et petits arrangements officieux

Application officielle : bricolages et braconnages

Oui. Temps de présence prévue de 28 h hebdomadaire au lieu de 30 h et souplesse d’emploi du temps en fin d’année quand il n’y a plus d’élèves. (C’est en théorie, parce qu’en pratique, j’ai bien du mal à ne pas faire beaucoup plus d’heures). Prof doc en lycée général et technologique

L’expression « application officielle » désigne une application du décret qui fait l’objet d’un accord établi et reconnu dont les modalités sont acceptées par le chef d’établissement et le professeur documentaliste puis diffusées à l’ensemble de la communauté éducative. Une diversité de modalités d’application ressort des témoignages des répondants qui affirment appliquer le décret sur les ORS :


– 60 % disent effectuer une récupération hebdomadaire : leurs services se situant entre 24 h minimum et 28 h maximum au lieu de 30 h ;
– 16 % déclarent récupérer leurs heures durant les derniers jours de l’année. Parmi-eux, 4 répondants disent juxtaposer cette récupération en fin d’année scolaire avec un décompte hebdomadaire à l’instar de ce prof doc en lycée général et technologique ;
– 11 % déclarent être payés en heures supplémentaires (notamment en lycée), en heures péri-éducatives, en heures de vacation ou en heures dédiées à des dispositifs tels que devoirs faits (notamment en collège)10. Parmi-eux, 2 répondants disent juxtaposer une récupération hebdomadaire avec un paiement en heures péri-éducatives ;
– 9 % déclarent ensuite capitaliser leurs heures sous la forme d’un « réservoir » dans lequel ils piochent, au coup par coup, en fonction de leurs besoins, sous la forme d’une demande d’autorisation d’absence sans récupération. Un professeur documentaliste en collège nous en donne une illustration précise :

Chaque fin de mois, je fais un bilan écrit à mes chefs d’établissement des heures d’enseignement effectuées. Ces heures constituent un «réservoir» dans lequel je pioche en cas de besoin : absence maladie d’une journée, absence personnelle, arrêt quelques jours avant la fin de l’année… Concrètement, cette année, j’en ai récupérées environ 40 %. Prof doc en collège

Parmi-eux, 3 répondants affirment cumuler ce réservoir avec un décompte hebdomadaire.
– 2 % enfin disent récupérer mensuellement et trimestriellement leurs heures mais sans préciser le volume horaire global récupéré.
Alors même que ces professeurs documentalistes disent appliquer le décret sur les ORS, certains soulèvent par ailleurs les difficultés rencontrées face à un texte impossible à appliquer à la lettre qui génère des inégalités de traitement au sein de la profession. 9 % considèrent que l’application du texte dépend, d’une part, du bon vouloir du chef d’établissement et qu’il convient, d’autre part pour 5 % des répondants, de renégocier à chaque changement de direction. Cette situation conduit les professeurs documentalistes à toute sorte de bricolages, sous la forme d’empilement de modalités de récupération pour faire valoir leur droit à la reconnaissance des heures d’enseignement effectuées. Si le décret fait mention explicitement d’une récupération hebdomadaire, force est de constater que des modalités d’application variées sont mises en œuvre. Cette diversité témoigne de braconnages, à savoir de manières de faire singulières et originales en fonction des réalités concrètes de terrain et de la place de chacun au sein de son établissement scolaire. Des braconnages qui peuvent conduire à la résistance face aux difficultés d’application du décret comme l’illustrent les propos des répondants de la troisième catégorie (voir graphique supra).

Application « officieuse » : des braconniers ou des résistants ?

Oui je récupère 2 h dans mon emploi du temps hebdomadaire, sans accord préalable de la direction, qui ne m’a jamais fait de remarque à ce sujet. Prof doc en lycée général, technologique et professionnel

9 % des sondés ne répondent pas précisément à la question posée relative à l’application ou pas du décret. Dans cette troisième catégorie, des témoignages font état de récupérations horaires « officieuses » dont le prof doc en lycée ci-dessus. Finalement, que peut-on opposer à un enseignant qui ne fait qu’appliquer la loi ? 24 % des répondants de cette catégorie déclarent effectuer un décompte hebdomadaire et, parmi-eux, 16 % précisent que ce décompte est de 28 h/semaine au lieu de 30 h. Un sentiment de colère et d’injustice s’exprime à travers leurs témoignages face à un statut bâtard, à l’invisibilité de leur travail, de leur fonction, et face à ce qu’ils ressentent comme du mépris. Cette colère conduit certains d’entre eux, dont ce prof doc en lycée, à développer des stratégies de résistance qui sont le signe du combat mené sur le terrain pour faire valoir leur droit à la reconnaissance de leur mandat enseignant au prix de petits arrangements officieux avec le chef d’établissement qui prennent la forme d’accords ponctuels et tacites demeurant néanmoins fragiles car non pérennes. En effet, ces répondants savent parfaitement qu’en cas de changement de direction, les compteurs seraient remis à zéro les obligeant, sans doute, à entamer de nouvelles négociations.
Toutefois ces petits arrangements officieux ne sont pas propres à cette troisième catégorie puisque 4 % des répondants, qui déclarent ne pas appliquer le décret, font état de récupérations horaires sans accord « officiel » avec leur hiérarchie. Zoomons sur la catégorie la plus importante de notre échantillon.

Quels sont les éléments qui font obstacle à l’application du décret ?

(S’est) rendu coupable de fermer le CDI aux usagers

J’hésite beaucoup à demander l’application du décret car je rechigne à fermer le CDI pour compenser des heures d’enseignement qui ont déjà impliqué une fermeture du CDI au grand public pour des séances prévues avec des classes : cela fait un peu «double peine» pour les autres élèves qui peuvent avoir le sentiment de voir tout le temps le CDI fermé ! Ce décret n’est donc pas forcément la meilleure approche. Prof doc en collège

60 % des répondants déclarent ne pas appliquer ou ne pas parvenir à obtenir l’application du décret. La question de l’ouverture du CDI demeurant le point de discorde principal entre chefs d’établissements et professeurs documentalistes dans les négociations portant sur cette application. 26 % n’appliquent pas le décret en raison du refus du chef d’établissement tandis que 25 % affirment refuser volontairement cette application à cause de la fermeture du CDI qu’elle occasionnerait. Le témoignage ci-dessus illustre parfaitement cette situation. Le dilemme auquel est confronté tout professeur documentaliste qui souhaite appliquer le décret, entre l’accueil des usagers – qui le contraint alors à limiter les temps de fermeture du CDI – et la reconnaissance de sa fonction enseignante – mais sans pour autant léser les usagers – se traduit par l’expression d’un sentiment de culpabilité qui peut le conduire à une forme d’auto-censure. Ce sentiment de culpabilité n’est cependant pas l’apanage des 60 % qui déclarent ne pas appliquer le décret puisque parmi ceux qui disent l’appliquer, la fermeture du CDI reste encore une préoccupation majeure :

Je compte les heures à priori pour l’année (projets, EPI, AP) et je répartis. Je m’arrange pour ne pas trop dépasser (environ 80 heures) afin de ne pas trop fermer. Je répartis les fermetures 1 h/jour et 2 heures le vendredi pm. Prof doc en collège (qui applique le décret)

Ce prof doc en collège détaille ainsi les stratégies de comptage opérées pour minimiser l’impact de sa récupération sur l’ouverture du lieu. Si une application « stricte » du décret paraît difficile, faut-il pour autant que les professeurs documentalistes renoncent à faire valoir leur droit à la reconnaissance des heures d’enseignement effectuées ? L’application du décret semble s’accompagner d’une réflexion qui porte, d’une part, sur l’appartenance du professeur documentaliste au lieu CDI (qui revient à confondre le lieu et la personne), et d’autre part, sur les obstacles à l’exercice de son mandat pédagogique qui sont induits par l’amalgame de son temps de service avec l’ouverture du lieu. Les professeurs documentalistes sont-ils les seuls habilités à ouvrir et fermer le CDI pour en assurer la fonction d’accueil ? Portent-ils seuls la responsabilité de cette « double peine », exprimée par le prof doc en collège, en introduction de cette partie, ou s’agit-il plutôt d’une responsabilité partagée qui incomberait en premier lieu au chef de l’établissement ?
Si la circulaire de missions précise que « les heures d’enseignement sont effectuées dans le respect nécessaire du bon fonctionnement du CDI », elle ne dit pas, en revanche, que ce « bon fonctionnement » dépend du seul service du professeur documentaliste, ainsi que de sa seule responsabilité, d’autant plus que cette circulaire précise, de surcroît, que les modalités d’intervention pédagogique des professeurs documentalistes s’étendent au-delà des frontières du CDI :
« Le professeur documentaliste contribue à l’acquisition par les élèves des connaissances et des compétences définies dans les contenus de formation […], en lien avec les dispositifs pédagogiques et éducatifs mis en place dans l’établissement, dans et hors du CDI11. »
Dans le cadre d’une négociation visant ainsi l’application du décret, la mention « dans et hors du CDI » permettrait de plaider en faveur d’une responsabilité partagée du lieu et pour que le service hebdomadaire de 30 heures, qui incombe au professeur documentaliste, ne soit pas considéré comme un temps d’ouverture/fermeture du lieu. S’il est souhaitable enfin qu’un dialogue se mette en place avec la hiérarchie pour que le « bon fonctionnement » du CDI soit assuré, celui-ci ne peut se passer d’une réflexion sur l’amalgame du professeur documentaliste au lieu CDI tout autant que sur l’équilibre de ses missions.

Enseignement + ouverture culturelle + accueil des usagers et gestion des ressources = réflexion sur l’ordre des priorités

J’avoue que je n’ai pas voulu aller me battre auprès de mes chefs pour le faire appliquer…. Encore des arguments, des tensions, voire des conflits…. Je me suis épargné ça… Prof doc en collège

23 % des répondants qui déclarent ne pas appliquer le décret justifient cette non-application en raison de la position inconfortable d’être dans la demande, de réclamer une « faveur », d’avoir à se justifier. « Encore des arguments » nous dit ce prof doc en collège alors qu’un professeur documentaliste dit ne pas vouloir mendier l’application d’un texte qu’on ne devrait pas argumenter tandis qu’un autre avoue ne pas oser demander. Comme ce prof doc en collège, 8 % craignent que leurs demandes ne débouchent sur une situation de conflit et renoncent, de ce fait, à faire valoir leur droit à la reconnaissance des heures d’enseignement effectuées, d’autant que les témoignages soulignent l’isolement et le manque de soutien de l’inspection à ce sujet. 2 % disent ne pas appliquer le décret eu égard à l’opposition des inspecteurs tandis que 5 % évoquent l’inertie de l’inspection établissements et vie scolaire (EVS). Un manque de soutien qui renforce encore davantage l’isolement des professeurs documentalistes.
5 % déclarent ensuite ne pas appliquer le décret parce qu’ils assurent un nombre trop important d’heures d’enseignement qui impliquerait, ipso facto, une fermeture presque complète du CDI :

Avec presque 12 heures de séances devant élèves chaque semaine, je ne vois pas cela du tout réalisable. Prof doc en collège

Des professeurs documentalistes manifestent leur crainte de se voir retirer des heures d’enseignement parfois durement acquises en cas d’application du décret. Cette situation qui constitue pourtant une double infraction au regard de l’axe 1 de la circulaire de mission et du décret sur les ORS, appelle le soutien des enseignants disciplinaires de l’établissement lequel peut se révéler un précieux atout pour constituer une force de négociation afin d’arriver à un accord dans l’intérêt de la communauté. Toutefois l’absence de réflexion quant à l’équilibre des missions et à l’ordre des priorités, que les professeurs documentalistes se fixent, peut conduire à des contradictions flagrantes illustrées par le témoignage du prof doc en collège ci-dessus. Alors que le décret sur les ORS rappelle la quotité de service d’un certifié de discipline qui est de 18 h (hors EPS) et d’un agrégé qui est de 15 h, ce professeur documentaliste accepte d’exercer 12 h d’enseignement en plus des autres missions afférentes à la fonction de professeur documentaliste et sans reconnaissance des heures d’enseignement effectuées. Avec 12 heures d’enseignement par semaine, comment parvient-il à concilier les missions d’accueil des usagers au CDI, de gestion des ressources documentaires et d’ouverture culturelle de l’établissement ?
Le témoignage de ce prof doc en collège, qui n’est pas un témoignage isolé, soulève un certain nombre de questionnements : toutes les activités pédagogiques menées par les professeurs documentalistes donnent-elles forcément lieu à ce « face à face pédagogique » évoqué précédemment lors du décryptage du décret (voir point 1) ? Toutes les activités pédagogiques menées placent-elles forcément les professeurs documentalistes en situation de transmettre des savoirs et compétences info-documentaires selon un scénario pédagogique élaboré en amont et pour lequel il possède une expertise ? En définitive, qu’est-ce qu’« enseigner » et « transmettre » signifient pour les professeurs documentalistes ? Une application du décret qui prendrait en compte le « bon fonctionnement du CDI » devrait inclure une réflexion sur l’équilibre des missions qui incombent aux professeurs documentalistes et sur le rapport de chacun à la fonction enseignante.
La politique documentaire pourrait, à cet égard, s’avérer utile pour réfléchir sur cet équilibre puisqu’elle comprend « la définition des modalités de la formation des élèves » comme le stipule la circulaire de missions de 2017. D’autant plus que, parmi les raisons avancées par les répondants qui refusent volontairement l’application du décret, 4 % disent manquer de temps pour assumer toutes les tâches inhérentes à leur fonction et 4 % estiment leur charge de travail trop lourde pour un seul poste de professeur documentaliste. Sur ces deux points pourtant, le manque de moyens et les sous-effectifs impactent l’ensemble des enseignants quelles que soient leurs disciplines. La politique documentaire pourrait alors devenir le point d’appui d’une réflexion concernant l’équilibre des missions qui incombent aux professeurs documentalistes dont, prioritairement, la formation des élèves. Elle serait enfin un garde-fou essentiel face à une application du décret qui dépendrait du seul bon vouloir d’un chef.

Du manque d’information à la méconnaissance de ses droits

Parmi les raisons invoquées justifiant la non-application du décret figure, dans une moindre mesure, le manque d’information qui fait obstacle, selon nous, à la constitution d’une réelle force de négociation12. 2 % des répondants, qui déclarent ne pas appliquer le décret, avancent ne pas connaître son existence tandis que 3 % déclarent que les heures d’enseignement effectuées ne correspondent pas à la définition qu’en donne le décret. Sur ce dernier point, nous renvoyons à notre explication de la mention « heure d’enseignement ». Les répondants soulèvent ensuite deux éléments liés tout d’abord à la préparation des séances pédagogiques au CDI puis à la co-animation avec les enseignants de disciplines qui entraveraient, selon eux, l’application du décret. Concernant le premier élément, 5 % affirment ne pas appliquer le décret à cause du temps de préparation de leurs séances qui se déroule au CDI alors que, dans ce cas précis, le décret s’applique au même titre qu’un enseignant qui corrigerait ses copies ou préparerait un cours durant un temps d’évaluation des élèves. Concernant la co-animation pédagogique, lorsque deux enseignants disciplinaires assurent un enseignement en commun, chacun est payé une heure. Pourquoi le professeur documentaliste ne serait-il pas logé à la même enseigne que ses collègues ?
Pour finir, le manque de clarté du texte est un facteur de difficultés pour 5 % des 276 répondants. Si les témoignages soulèvent en effet l’existence d’un texte flou et interprétable, ces caractéristiques ne sont pas propres au décret sur les ORS. Les recherches menées dans le champ des SIC par Claire Oger et Caroline Ollivier-Yaniv ont soulevé les contraintes qui pèsent sur la production des discours institutionnels et les procédés de lissage qui dessinent les contours d’un discours neutre en apparence caractérisé par un effacement de toute réalité de terrain et de toute trace de conflictualité (Oger et Ollivier-Yaniv, 2006). L’imprécision du décret ne serait-elle pas liée, avant tout, à la singularité pédagogique des professeurs documentalistes ? Sans classes attitrées, sans discipline institutionnalisée, sans heures dédiées, pourtant… ils enseignent. Car quelle que soit la position des 276 répondants à l’égard du décret, seul 1 % dit ne pas assurer (ou très peu) d’heures d’enseignement tandis que 22 % affirment en assurer plus qu’ils n’en déclarent réellement.

Conclusion

Entre modestie et résistance, la mise en mots du décret sur les ORS par les professeurs documentalistes dévoile leur rapport singulier et unique à la fonction enseignante. Dans ce texte de 2003 qui nous paraît si actuel, Claude Baltz soulevait le niveau d’exigence de la formation des professionnels de l’information-documentation en posant ce questionnement qui nous sert de réflexion conclusive : « A-t-on alors vraiment pris la mesure de la qualité des compétences ainsi constituées et, par contrecoup, du sous-emploi relatif de la plupart des documentalistes, une fois en activité ? » (2003, p. 149). Un sous-emploi préjudiciable à la mise en œuvre d’une éducation à l’information et aux médias qui constitue pourtant un enjeu de société. Une éducation que seuls des enseignants formés, experts dans la pédagogie de l’information, du document et des médias dans une société où les technologies du numérique investissent la vie des élèves, sont en mesure d’assumer, d’assurer et d’en être les garants. Ils sont en cela des « cartographes et (…) passeurs de l’archipel des savoirs » (p. 153) pour reprendre les mots de Claude Baltz…
« Quand la documentation s’éveillera… ».

 

 

MÉMENTO
Rémunération, primes, indemnités, décompte d’heures…

 

Je suis professeur documentaliste,
voici ce à quoi je n’ai pas droit

– Indemnité de suivi et d’orientation des élèves (ISOE) : Taux annuel part fixe : 1 213,56 € / + part modulable (variable en fonction du niveau) pour la rémunération des fonctions de professeur principal ou référent.
> Décret n° 2021-1101 du 20 août 2021 modifiant le décret n° 93-55 du 15 janvier 1993 instituant une indemnité de suivi et d’orientation des élèves en faveur des personnels enseignants du second degré
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043950839
– Heures Supplémentaires à l’année (HSA) : Taux variable en fonction du corps et du grade (1 379,42 € pour 1 h à l’année pour un certifié classe normale). Heures supplémentaires annuelles, imposables dans la limite de 2 heures hebdomadaires en sus de leur maxima de service, qui figurent sur la VS (Ventilation de Service) signée au début de l’année et sont payées toute l’année, même pendant les vacances ou en période d’arrêt maladie. Ces heures concernent « L’ensemble de ces enseignants, à l’exception des professeurs documentalistes ».
> Missions et obligations réglementaires de service des enseignants des établissements publics d’enseignement du second degré. Circulaire n° 2015-057 du 29-4-2015
https://www.education.gouv.fr/bo/15/Hebdo14/MENH1506031C.htm
– Heures Supplémentaires Effectives (HSE) : Taux variable en fonction du corps et du grade (39,91 € par heure pour un certifié classe normale). Heures de face-à-face pédagogique ponctuelles :
« Situation particulière des professeurs documen­talistes [..] Les intéressés ne peuvent bénéficier d’heures supplémentaires ».
> Missions et obligations réglementaires de service des enseignants des établissements publics d’enseignement du second degré. Circulaire n° 2015-057 du 29-4-2015
https://www.education.gouv.fr/bo/15/Hebdo14/MENH1506031C.htm
– Prime d’équipement informatique : 176 € par an.
> Décret n° 2020-1524 du 5 décembre 2020 portant création d’une prime d’équipement informatique allouée aux personnels enseignants relevant du ministère chargé de l’éducation et aux psychologues de l’éducation nationale.
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042614334

 

Je suis professeur documentaliste,
voici ce à quoi j’ai droit

– Décompte des heures d’enseignement (article 2 du décret ORS : chaque heure est « décomptée pour la valeur de deux heures » et pondération des heures d’enseignement (Article 6, 7, 8 du Décret ORS 2014).
– Indemnité de Sujétions Particulières (ISP). 1000 €/an, versée mensuellement.
> Arrêté du 17 février 2021 modifiant l’arrêté du 14 mai 1991 fixant le taux de l’indemnité de sujétions particulières allouée aux personnels exerçant des fonctions de documentation ou d’information dans un lycée, un lycée professionnel ou un collège :
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043178888
– Indemnité Éducation Prioritaire : taux annuel. Part fixe : REP+ = 5 114 € / REP = 3 302 €. Part modulable : jusqu’à 702 €.
> Décret n° 2021-825 du 28 juin 2021 modifiant le décret n° 2015-1087 du 28 août 2015 portant régime indemnitaire spécifique en faveur des personnels exerçant dans les écoles ou établissements relevant des programmes « réseau d’éducation prioritaire renforcé » et « réseau d’éducation prioritaire ».
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043711782
– Indemnité pour Missions Particulières (IMP) : 5 taux annuels forfaitaires de 312,50 €, à 3 750 €, en fonction de la mission (coordination, référent culture, numérique, décrochage, de tutorat…) et de la charge effective de travail.
> Circulaire n° 2015-058 du 29-4-2015. Modalités d’attribution de l’indemnité pour mission particulière (IMP).
https://www.education.gouv.fr/bo/15/Hebdo14/MENH1506032C.htm
– Accompagnement éducatif : Taux horaire : 30 €. Ne donne lieu à rémunération que si l’heure intervient en dépassement de la durée du travail réglementaire. Par exemple : « Devoirs faits » en collège.
> Décret n° 96-80 du 30 janvier 1996 relatif à la rémunération des personnes assurant les études dirigées ou l’accompagnement éducatif hors temps scolaire. Modifié par Décret n°2009-81 du 21 janvier 2009
https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000191170/
– Indemnité pour activités péri-éducatives : Taux horaire 23, 81 €. Pour rémunérer les heures consacrées à « l’accueil et l’encadrement des élèves en dehors des heures de cours ».
> Décret n° 90-807 du 11 septembre 1990 instituant une indemnité pour activités péri-éducatives en faveur des personnels enseignants des écoles, collèges, lycées et établissements d’éducation spéciale et des personnels d’éducation
https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000351634/
– Vacation : taux horaire : 13,72 € pour rémunérer un intervenant qui se voit confier « de manière ponctuelle, des tâches spécifiques d’enseignement, de formation, d’animation ou d’accompagnement de nature pédagogique ».
> Décret n° 2012-871 du 11 juillet 2012 relatif à la rémunération des intervenants chargés à titre accessoire de diverses tâches organisées par les écoles et les établissements d’enseignement relevant du ministère en charge de l’Éducation nationale : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000026174830/
Il est tout à fait possible de cumuler décompte, IMP et rémunérations d’heures ponctuelles.

 

 

Être noir en France : une identité complexe

Musées et expositions

Musées

Musée national de l’histoire de l’immigration
Présentation et analyse de l’histoire de l’immigration en France, depuis le début du XIXe siècle jusqu’à nos jours. Galeries permanentes en travaux jusqu’en 2023.
À découvrir : Histoire(s) de voir (films documentaires), Regards de photographes (entretiens et témoignages de photographes), Au fil du web (sélection de ressources sur l’histoire de l’immigration accessibles en ligne), etc.
http://www.histoire-immigration.fr/

Musée du quai Branly – Jacques Chirac
70 000 objets d’Afrique subsaharienne conservés provenant des anciennes collections du Musée de l’Homme et du musée national des arts d’Afrique et d’Océanie.
Possibilité d’activités à distance via la plateforme Zoom (conférences, contes, ateliers).
https://www.quaibranly.fr/fr/

Musée de l’Homme
À voir, le premier temps du parcours, les bustes du XIXe siècle présentant les différentes « races ».
https://www.museedelhomme.fr/

Fondation Dapper
Arts de l’Afrique d’hier et d’aujourd’hui.
http://www.dapper.fr/

Expositions itinérantes

ONAC VG : La dissidence en Martinique et en Guadeloupe
L’engagement des dissidents antillais qui ont participé à la libération des îles en juin et juillet 1943.
https://www.onac-vg.fr

ONAC VG : La Force noire
Histoire des Tirailleurs sénégalais depuis leur création par Napoléon III en 1857 jusqu’à nos jours.
https://www.onac-vg.fr

Fondation pour la mémoire de l’esclavage : C’est notre histoire
Histoire de l’esclavage, des abolitions et de leurs conséquences dans notre pays.
Disponible sur demande à la Fondation : education@fondationesclavage.org

Expositions en cours

Musée d’histoire de Nantes : L’abîme – Nantes dans la traite atlantique et l’esclavage colonial, 1707-1830 – Du 16 octobre 2021 au 19 juin 2022.
Exposition sur ceux qui furent victimes du système colonial à Nantes.
https://www.chateaunantes.fr/expositions/labime/

Expositions passées

Musée d’Orsay : Le modèle noir de Géricault à Matisse (2019)
À travers une centaine d’œuvres du XIXe siècle, cette manifestation explore la relation entre l’artiste et son modèle, le tout mis en relation avec les contextes politiques et sociaux de ces années.
https://www.musee-orsay.fr/fr/expositions/presentation/le-modele-noir-de-gericault-matisse-196083

Musée national d’Art moderne, La Villette, la Grande Halle : Magiciens de la terre (1989)
Cette exposition a offert au regard du visiteur des œuvres d’arts non occidentales contemporaines (plus de 100 artistes).
https://www.magiciensdelaterre.fr/

Dans les programmes

Collège

Histoire, cycle 4
BOEN n° spécial n° 11 du 26 novembre 2015
Thème 1 : La traite négrière Expansion, Lumières et révolutions
Thème 2 : Le monde et l’Europe au XIXe siècle ; sous-thème « conquêtes et sociétés coloniales »

Géographie, 4e
BOEN spécial du 26 novembre 2015
Thème 2 : « Les mobilités humaines transnationales »
Thème 3 : « Des espaces transformés par la mondialisation (Les dynamiques d’un grand ensemble géographique africain (au choix : Afrique de l’Ouest, Afrique orientale, Afrique australe) »

EMC, Cycle 3
Thème « La sensibilité : soi et les autres » • Respecter autrui et accepter les différences
Connaissances, capacités et attitudes visées : Respect des autres dans leur diversité. Respect des différences, tolérance.

Français, Cycle 4
Thème : La Fiction pour interroger le réel, agir sur le monde : possibilité d’étudier des romans sur l’esclavage

Histoire des arts, 3e
Thématique 8 : « Les arts à l’ère de la consommation de masse (1945 à nos jours) » • Un monde ouvert ? Les métissages artistiques à l’époque de la globalisation

Lycée général et technologique

Histoire, Seconde et première
BOEN n° 1 du 22 janvier 2019
2de : thème 4 – dynamiques et ruptures dans les sociétés du XVII et XVIIIe siècles – chapitre 2 : les ports français et le développement de l’économie de la plantation et de la traite
1re : thème 2 – La France dans l’Europe des nationalités : politique et sociétés 1848-1871 – Les idéaux démocratiques hérités de la Révolution française

EMC, Seconde générale et techno­­logique
BOEN spécial n° 1 du 22 janvier 2019
Thème annuel : « la liberté, les libertés » selon plusieurs axes :
Axe 1 : Des libertés pour la liberté ; libertés de l’individu et protection internationale des droits de l’homme ;
Axe 2 : Garantir les libertés, étendre les libertés : les libertés en débat (dont la reconnaissance des différences, la lutte contre les discriminations et la promotion du respect d’autrui : lutte contre le racisme, l’antisémitisme, la xénophobie), l’engagement au service des libertés (militants, citoyens, associations).

Sciences économiques et sociales, Terminale
Sociologie et science politique : Comment est structurée la société française actuelle ? Sous-thème des « identifications subjectives à un groupe social ».
Regards croisés : Quelles inégalités sont compatibles avec les différentes conceptions de la justice sociale ?

Français, Première
Arrêté du 17 janvier 2019 – objet d’étude
« La littérature d’idées, du XVIe siècle au XVIIIe siècle » : combats des Lumières et question de l’esclavage

Enseignement de spécialité « Humanités, littérature et philosophie », Première et Terminale
Entrées thématiques possibles :
En classe de première, au semestre 2 : « découverte du monde et pluralité des cultures »
En classe de terminale, au semestre 4 : « histoire et violence »

Voie professionnelle

Histoire, CAP
BOEN spécial n° 5 du 11 avril 2019 et BOEN spécial n° 1 du 6 février 2020
Thème 1 : La France de la Révolution française à la République : l’affirmation de la démocratie (suffrage universel et abolition de l’esclavage en 1848)

Seconde professionnelle
L’expansion du monde connu (XVe, XVIIIe siècles) : traite atlantique et code noir
L’Amérique et l’Europe en révolutions (1760-1804) : la révolution de Saint-Domingue

Géographie, Seconde et première
BOEN spécial n° 5 du 11 avril 2019
Seconde professionnelle : thème 2 : « Une circulation croissante et diverse des personnes à l’échelle mondiale »
Première professionnelle (BOEN spécial n° 5 du 11 avril 2019)
Thème 2 : « L’Afrique, un continent en recomposition »

EMC, CAP et Seconde professionnelle
Entrée en CAP : « Liberté et démocratie » en seconde
Première : « Égalité et Fraternité en démocratie »
Premier sous-thème du programme : « La Liberté, nos libertés, ma liberté » traite des garanties apportées par la Loi aux droits fondamentaux de l’Homme et du Citoyen dans un État de droit.

Programmes applicables dans les territoires ultramarins
Les programmes d’histoire-géographie des cycles 3 et 4 font l’objet d’adaptations publiées au BO n° 11 du 16 mars 2017, celles de seconde et première générale et technologique ainsi que de CAP et de seconde professionnelle ont été publiées au BO n° 30 du 23 juillet 2020.
Ces adaptations introduisent des angles d’approches spécifiques.

Pistes pédagogiques

Réaliser une exposition de personnalités françaises noires, afin de lutter contre les préjugés et de les ancrer dans l’histoire de France alors qu’ils sont trop souvent assimilés à des étrangers.

Emprunter une des expositions de l’ONACVG (Ex : la force noire).

En collaboration avec les professeurs d’histoire-géographie : faire des séances de recherches sur l’Afrique noire. Les objectifs sont de permettre aux élèves d’avoir une meilleure connaissance de ce continent, souvent présenté comme sous-développé, sans histoire et sans culture, etc.
Ces séances seront l’occasion de travailler la méthodologie de recherche sur internet avec les élèves : fiabilité des sources, sélection-prélèvement-traitement de l’information, etc.

Dans le cadre de l’EMC : organiser un débat pour déconstruire les stéréotypes dont sont victimes les personnes noires. Montrer les relations qui existent entre les préjugés et les discriminations.

En collaboration avec les professeurs de Français : faire un rallye-lecture avec une sélection de romans de littérature créole, et/ou d’auteurs noirs francophones.

En collaboration avec les professeurs d’arts plastiques : analyse d’images, vecteur privilégié de la diffusion des stéréotypes coloniaux et raciaux. Par exemple, utiliser les affiches de propagande coloniale.

En collaboration avec les professeurs d’EPS : travailler sur le racisme et les discriminations dans le sport, et notamment les discriminations entre Noirs et Blancs, en utilisant des articles de presse ou des extraits vidéos. On pourra étudier la place marginale occupée par les sportifs noirs dans les postes de direction, les préjugés raciaux sur les manières de jouer, les sélections selon des profils physiques racialisés, etc., dans le football, le basket, le rugby…

Dans le cadre de l’EMC, participer à un concours notamment « la Flamme de l’égalité ».

Concours

La Flamme de l’égalité
Ce concours doit permettre aux élèves de mener une réflexion citoyenne s’appuyant sur l’histoire de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions, de leurs survivances comme de leurs effets et de leurs héritages contemporains. Inscription : du 01/06/2021 au 31/03/2022
Thème du concours 2021-2022 : « Travailler en esclavage ».
https://www.laflammedelegalite.org/candidature.php

Nous Autres, Éducation contre le racisme
Concours parrainé par Lilian Thuram
Les élèves réalisent une production artistique qui illustre la déconstruction du racisme.
https://www.concoursnousautres.fr/

Journées

25 mars : « Journée internationale de commémoration des victimes de l’esclavage et de la traite transatlantique des esclaves » (Assemblée générale des Nations Unies)

10 mai : « Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leur abolition » (France, depuis la publication du décret n° 2006-388 du 31 mars 2006)

23 août : « Journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition » (UNESCO, en souvenir du soulèvement de Saint-Domingue)

2 décembre : « Journée internationale pour l’abolition de l’esclavage » (commémore la date anniversaire de l’adoption par l’Assemblée générale des Nations Unies, de la convention pour la répression et l’abolition de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui en 1949).

23 mai : « Journée nationale en hommage aux victimes de l’esclavage colonial » France. Cette date rappelle le 23 mai 1848, où le décret Schoelcher du 27 avril 1848 abolissant l’esclavage entre en application sur le 1er territoire d’Outre-mer. Elle fait également écho à la marche silencieuse du 23 mai 1998)

Au niveau local
Pour des raisons historiques, dans certaines collectivités d’Outre-mer, il existe des journées spécifiques de commémoration (décret n° 83-1003 du 23 novembre 1983) :
– Le 27 avril à Mayotte ;
– Le 22 mai en Martinique ;
– Le 27 mai en Guadeloupe ;
– Le 27 mai à Saint-Martin ;
– Le 10 juin en Guyane ;
– Le 9 octobre à Saint-Barthélemy ;
– Le 20 décembre à la Réunion.

Lieux de mémoires et fondations

Le Mémorial ACTe (Pointe-à-Pitre, Guadeloupe), à la fois mémorial, musée, centre d’arts vivants et centre de congrès, inauguré en 2015.

Le Cimetière des âmes perdues (Saint Louis, La Réunion), où furent inhumés de nombreux esclaves travaillant dans les champs de canne à sucre aux XVIIe et XVIIIe siècle.

Cimetière des âmes perdues, Saint Louis, La Réunion

Le Mémorial de l’Anse Caffard (Le Diamant, La Martinique), édifié en 1998 à l’occasion du 150e anniversaire de l’abolition de l’esclavage, à proximité du lieu du naufrage d’un navire négrier en 1830.

Le Jardin du Luxembourg, à Paris, abrite un monument réalisé par Fabrice Hyber intitulé « Le cri, l’écrit », destiné à commémorer l’abolition de l’esclavage (inauguré le 10 mai 2007) et une stèle en hommage aux esclaves et à leur combat pour les droits de l’homme et la liberté (inaugurée le 10 mai 2011).

Le Mémorial de l’abolition de l’esclavage, à Nantes, l’un des principaux ports négriers de France.
https://memorial.nantes.fr/

Le Panthéon abrite la tombe de Victor Schœlcher, l’un des principaux auteurs de l’abolition définitive de l’esclavage en France, en 1848.
https://www.paris-pantheon.fr/#.
Joséphine Baker, résistante, militante antiraciste, artiste, a fait son entrée au Panthéon à l’automne 2021.

Source gallica.bnf.fr / BnF

Fondation pour la mémoire de l’esclavage (FME)
Outils pédagogiques, formation continue des enseignants et activités éducatives (concours scolaires, visite de sites mémoriels…)
https://memoire-esclavage.org/

Sitographie

Bibliographies sur les littératures jeunesse d’Afrique, de l’Océan Indien, de la Caraïbe et du monde arabe + des ateliers, des actualités, etc.
https://takamtikou.bnf.fr/

Métis, métissage – Réseau Canopé. Dossier : éduquer contre le racisme et l’antisémitisme
https://www.reseau-canope.fr/eduquer-contre-le-racisme-et-lantisemitisme/metis-metissage.html

Filmographie

Fictions

Kechiche, Abdellatif. Vénus noire. MK2, 2010, 204 min

Nakache, Olivier ; Toledano, Eric. Intouchables. Gaumont, 2011. 112 min

Sciamma, Céline. Bande de filles. Hold-up Films, Lilies Films, Arte France Cinéma, 2014, 112 min

Zadi, Jean-Pascal ; Wax, John. Tout simplement noir. Gaumont, 2020, 90 min

Zem, Roschdy. Chocolat. Mandarin éditions, 2016. 110 min


Documentaires

Barberi, Gianfranco ; Di Castri, Marco. Magiciens de la terre. Z’éditions, Centre Pompidou, 1989, 52 min

Boni-Claverie Isabelle. Trop noire pour être Française ? ARTE, 2015, 52 min.
https://www.youtube.com/watch?v=Md73-k26vdI

Cattier, Daniel ; Gélas, Juan ; Glissant, Fanny. Les routes de l’esclavage. ARTE France, Compagnie des Phares et Balises, Kwassa Films, RTBF, LX Filmes, RTP, Inrap, 2018, 4x 52 min

Dacourt, Olivier ; Sauvourel, Marc. Je ne suis pas un singe. Le Racisme dans le Football. CANAL+, 2019, 90 min

Diallo, Rokhaya. Où sont les noirs ?, RMCStory, 2019, 40 min

Gay, Amandine. Ouvrir la Voix. Arte, 100 min

Gelas, Juan ; Gelas, Pascal. Noirs De France, de 1889 à nos jours. La Compagnie des Phares & Balises, 2012, 180 min

Musée de L’immigration. Le film : deux siècles d’histoire de l’immigration en France
Ce film retrace en quarante minutes deux siècles d’histoire de l’immigration en France. (accompagné d’une séquence pédagogique à télécharger).
http://www.histoire-immigration.fr/ressources/histoire-de-l-immigration/le-film-deux-siecles-d-histoire-de-l-immigration-en-france

Réseau Canopé. Le racisme, c’est pas du sport ! Plateforme Les Fondamentaux, 5 épisodes (2 min 30 chacun)
Discipline : Les animations des Fondamentaux – Réseau Canopé (reseau-canope.fr)

Sadki, Florida. Dans les tranchées, l’Afrique : l’aventure ambiguë. Dimson, France 3 Lorraine-Champagne-Ardennes 2004, 52 min
Pendant la Première Guerre mondiale, l’armée française, manquant de soldats, enrôla 134 000 Africains dans ses rangs. Le film retrace les principales opérations militaires françaises, sur le front occidental. Intervention de spécialistes sur certains points : recrutement, rapports noirs-blancs, démobilisation, etc.

Radio

Diao Camille. Le Temps du débat : existe-t-il une identité noire en France ? France culture, le 14 août 2020, 42 min

Mauduit Xavier. Le Cours de l’histoire : Être noir en France avant l’abolition de l’esclavage. France Culture, 2021, 51 min.
« Du XVIe siècle jusqu’au XIXe siècle, plus de 18 000 gens de couleur résident sur le territoire métropolitain de la France. »
https://www.franceculture.fr/emissions/le-cours-de-lhistoire/etre-noir-en-france-avant-labolition-de-lesclavage

Rodrigues, Aurélie ; Pareja, Ninaet ; Carron, Christophe. Les Mémoires Vives. Musée d’histoire de Nantes, Slate, 2021, 3 épisodes (24 à 31 min)
Série de podcasts réalisés dans le cadre de l’exposition L’abîme. Nantes dans la traite atlantique et l’esclavage colonial, 1707-1830.

Représentations artistiques

JB Carpeaux. Pourquoi naître esclave [Why be born a slave ?]. Bronze, 1868.

Paul Gauguin (1848-1903). Tête de femme. Martinique. 1887, Craie de couleur sur papier. Van Gogh Museum, Amsterdam

Ousmane Sow (1935-2016). Statue de Victor Hugo (Besançon). Bronze. 2002.

Barthélémy, Toguo. Climbing Down (2004) : installation. Musée national de l’histoire de l’immigration.
Né au Cameroun en 1967, Barthélémy Toguo vit et travaille entre Paris, Düsseldorf et Bandjoun (Cameroun). Son travail interroge le statut de l’étranger, du migrant, de l’immigré, et sa difficulté à se constituer une identité.

Discographie

Abd al Malik. Scarifications. Laurent Garnier, 2015

MC Solaar. Qui sème le vent récolte le tempo. Polydor, 1991

MC Solaar. Cinquième As. Warner, 2001

Henri Salvador. L’essentiel Henri Salvador. EMI, 2002

Henri Salvador. Révérence, V2, 2005

Laurent Voulzy. La Septième Vague (album de reprises). Columbia, 2006

Laurent Voulzy ; Alain Souchon. Alain Souchon & Laurent Voulzy. Columbia, 2014

Laurent Voulzy. Belem. Columbia, 2017

 

 

Veille éditoriale

Récompenses

À l’occasion de la dernière Foire du livre de jeunesse de Bologne, les éditions la Joie de lire ont reçu Le Bologna Prize Best Children’s Publishers of the year. Cette maison d’édition suisse met en avant la créativité et la qualité du texte et de l’image. Si ses livres n’ont pas de fonction pédagogique, ils ont une grande valeur éducative. InterCDI, présente souvent les nouveautés de cet éditeur.

Jean-Claude Mourlevat a remporté le prix Alma (Astrid Lindgren Memorial Award), le Prix Nobel de la littérature jeunesse. Ce prix de 540 000 euros n’avait encore jamais récompensé un auteur français. Jean-Claude Mourlevat est un habitué des étagères de nos CDI depuis la parution de La Rivière à l’envers étudiée dans de nombreux collèges.

Joyeux anniversaires

La collection Tout en bd chez Casterman fête, cette année, ses 10 ans. Dès sa parution, L’Histoire de France en bd, écrite par Dominique Joly et dessinée par Bruno Heitz, connaît un grand succès. Au fil des années, cette collection s’ouvre sur des sujets de plus en plus diversifiés (mythologie, art, économie). 60 titres pour les collégiens.

Philip K. Dick est décédé, il y a 40 ans. À cette occasion, les éditions J’ai lu rééditent l’ensemble de ses romans dont Blade Runner, Le Bal des schizos et Ubik, son chef d’œuvre, proposé dans une nouvelle traduction. Quant aux nouvelles, elles sont parues dans la collection Quarto chez Gallimard.

Gallimard Jeunesse fête ses 50 ans. L’éditeur Pierre Marchand et l’illustrateur Jean-Ollivier Héron sont à l’initiative de la création de ce secteur de la célèbre maison d’édition. Les deux hommes vont révolutionner l’édition jeunesse en créant les collections : 1000 soleils, Folio junior et Découvertes Gallimard. Cet éditeur publie plus de 400 titres par an. Outre Harry Potter, Gallimard jeunesse peut compter sur d’autres long-sellers : À la croisée des mondes de Phillp Pullman (2,6 millions d’ex.), Le Clan des Otori de Lian Hearn (1,2 million d’ex.), Le Passe-Miroir de Christelle Dabos (1 million d’ex.).

Folio, toujours chez Gallimard, a également 50 ans. 3 000 auteurs de 81 nationalités différentes, parmi eux : 35 prix Nobel et 38 prix Goncourt. 9 400 titres publiés. 300 nouveautés par an. 468 millions d’exemplaires vendus depuis la création de la collection. Qui dit mieux ?

Féminisme et Documentaire jeunesse

Selon Livres hebdo, l’offre de documentaires jeunesse consacrés aux femmes a connu une forte progression : 50 titres ont été publiés en 2020 contre 28 en 2017, soit une hausse de 43 %. Entre 2017 et 2020, on note une augmentation totale de 44 %. Cet essor est très majoritairement porté par les biographies.

Bob Morane

Henri Vernes est décédé à 102 ans. Ancien résistant et membre du MI6 britannique, il publie en 1953, aux éditions Marabout, le premier tome des aventures de Bob Morane : La Vallée infernale. Durant quarante ans, il écrira 164 romans mettant en scène le célèbre aventurier et son compagnon Bill Ballantine, un Écossais amateur de whisky (un pléonasme ?). Bob Morane, lui n’est pas mort, les éditions Soleil publient, sur un scenario de Corbeyran et de Christophe Bec, une nouvelle aventure en bande dessinée : Les 100 démons de l’Ombre jaune. Tout un programme !

Mangas

Selon Les Echos, plus d’une bande dessinée sur deux vendues en France est un manga. On note une progression de ce marché de 120 %, sans doute boosté par le pass culture. Du coup, de nouvelles maisons d’édition ajoutent un secteur Manga à leur production. C’est le cas de Dupuis, avec Vega et de Michel Lafon avec Kazoku qui propose une adaptation de La Peste d’Albert Camus prévue en six tomes. Quant aux éditions Glénat, pionnières en ce secteur, elles ont fêté à Noël, le centième tome de One Piece. Banzaï !

Édition

Mauvaise nouvelle : après la mort de son fondateur en 2018 et le départ de son auteur vedette Joël Dicker, les éditions De Fallois ont mis la clef sous la porte en fin d’année dernière. Bonne nouvelle : les œuvres de Marcel Pagnol seront toujours éditées dans la collection « Fortunio » et vendues 6,50 euros. Les collègues de collège peuvent pousser un « ouf » de soulagement.

Dessin animé

Après une adaptation en roman jeunesse chez Rageot, la bande dessinée de Bruno Dequier Louca, éditée chez Dupuis, va connaître une version en dessin animé pour TFI. Cette série, très prisée des collégiens, raconte en neuf albums les aventures d’un lycéen paresseux et maladroit coaché par le fantôme d’un ancien élève, beau gosse, super doué au foot et très apprécié des filles. Chaque album se vend en moyenne à 500 000 exemplaires.

Librairies

Jeunes en librairie est un programme d’éducation culturelle en direction des collégiens, lycéens et apprentis, destiné à promouvoir l’accès au livre, à faire connaître le rôle du libraire dans la chaîne du livre et à encou­rager la fréquentation et l’achat de livres en librairie. Expérimenté en Nouvelle-Aquitaine et dans les Hauts-de-France, ce programme est étendu à d’autres régions. Un libraire se déplace dans la classe pour présenter aux élèves son métier et plus large­ment la chaîne du livre. Ensuite, les élèves se rendent dans la librairie partenaire pour une visite organisée avec le libraire. À cette occasion, les élèves ont la possibilité d’acquérir un ou plusieurs ouvrages à hauteur de 30 euros.

Pass culture

Selon Livre hebdo, les 3 livres les plus achetés avec le Pass Culture lycéen en 2021 sont 3 mangas : One Piece, Demon Slayer et L’Attaque des Titans. On trouve ensuite Burn after writing, entre le journal intime et les recettes de cuisine de développement personnel, 365 jours, sulfureux et assez nauséabond, adapté en série sur Netflix, La Chronique des Bridgerton, romans un peu « neuneu », en dentelles et crinolines, adaptés également en série. Netflix, la fabrique de lecteurs ! Heureusement le remarquable et remarqué Passe-Miroir de Christelle Dabos est également dans la liste. Ouf, l’honneur est sauf !

InterCDI à Amiens ?

La BnF a choisi la ville d’Amiens pour accueillir son pôle regroupant le Conservatoire national de la Presse et le centre de conservation pour ses collections. Ce conservatoire accueille plus de 3000 titres, allant de La Gazette (1641) de Théophraste Renaudot jusqu’à aujourd’hui. Il s’agit de construire des magasins dotés d’un système de conservation robotisé, des ateliers de restauration et de numérisation et enfin un espace de consultation. Le nouveau pôle devrait, en principe, ouvrir ses portes à l’horizon 2027-2028.

BnF encore

Capture de votre site web par la BnF. Si ce message apparaît sur votre ordinateur, c’est parce que les robots de la BnF scannent le web français pour en garder une trace dans le cadre du dépôt légal de l’internet. C’est le robot Heritrix qui est chargé de cette tâche. Dans une des tours du site François Mitterrand, sept employés gèrent les 45 milliards de page web produites depuis 1996. Big Brother is watching you…

Big Sister is watching you!

Sandra Newman, une jeune autrice, a été choisie par les ayants droit de George Orwell pour réécrire 1984 à travers le regard du personnage féminin de Julia. Dans le roman initial, quand Winston rencontre Julia, membre du commissariat aux romans et de la « Ligue anti-sexe des juniors », il la prend pour une agente de la police de la Pensée. Quand la jeune femme lui déclare sa flemme, Winston tombe follement amoureux. Ce qui ne l’empêchera pas, après son arrestation, de la trahir et de la renier. Pour connaître la version de Julia, il faudra attendre juin 2022, date de sa publication aux éditions Granta.

© Larry D. Moore, CC BY-SA 4.0

États-Unis

Les bibliothèques américaines connaissent une vague de censure inédite jusqu’alors. Des groupes partisans demandent à leurs membres d’assister aux réunions des conseils d’administration scolaires pour pointer du doigt certains livres. Leurs cibles sont généralement des ouvrages aux thématiques LGBTQIA et des livres sur l’histoire du racisme et de l’esclavage. Parmi les dix titres les plus censurés, on trouve : Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur d’Harper Lee ou Les raisins de la colère de John Steinbeck. God « blesse » America !

Vert

Après le CDI vert (InterCDI 292-293), c’est le monde de l’édition qui se met au vert. Le Syndicat National de l’Édition a publié une charte qui offre un guide des bonnes pratiques pour mettre en place des actions concrètes en faveur de l’environ­nement. Préférence à un imprimeur proche, papier certifié ou recyclé, choix des encres, tirage adapté pour éviter la mise au pilon, emballage optimisé, utilisation limitée des transports. Certains éditeurs anglo-saxons HarperCollins, Penguin Random House ou Bonnier Books veulent atteindre une neutralité carbone d’ici la fin de l’année en relocalisant leur production, en utilisant des énergies renouve­lables et en replantant des arbres. Le greenwashing est en marche.

 

 

Le dérèglement climatique et ses conséquences

Il ne fait désormais plus aucun doute que les changements climatiques sont bien réels et modifient peu à peu notre quotidien (changement des températures, disparitions d’espèces, apparition de nouvelles maladies…). À mesure que leurs effets s’intensifient, les jeunes prennent de plus en plus conscience que ce sont eux et leurs enfants qui en subiront les conséquences. De nouvelles angoisses apparaissent alors comme l’éco-anxiété, un mal qui touche particulièrement les jeunes générations. L’éco-anxiété est un sentiment d’impuissance face au changement climatique et à ses conséquences sur notre planète et plus particulièrement sur nos modes de vie. L’état du monde empire avec la hausse des températures, la montée des eaux, le déclin de la biodiversité, les ressources qui diminuent et l’augmentation des réfugiés climatiques… Si l’éco-anxiété peut provoquer le désespoir, la colère et la peur, elle peut également être source de mobilisation et donc d’action : il est encore temps, si on se dépêche, de changer le futur en permettant par exemple aux jeunes de s’informer sur ce qu’est véritablement le changement climatique et ses conséquences. Ainsi préparés et informés sur ces phénomènes et leurs implications, les jeunes pourront s’orienter vers des solutions, à leur échelle ou bien plus globales.
La littérature dédiée aux adolescents sur cette thématique et notamment les dystopies, les fictions d’anticipation connaissent un fort développement ces dernières années (voir Thèmalire « Dystopies et changements climatiques ») ; et la question du dérèglement climatique est souvent traitée par les médias. En revanche, les ouvrages documentaires récents qui portent sur cette question sont moins évidents à trouver.

Bien s’informer pour mieux comprendre le dérèglement climatique et ses conséquences. Introduction aux concepts

Pour comprendre ce que l’on vit aujourd’hui et ce qui nous arrivera demain, il est essentiel de revenir aux fondements en répondant à la question « Qu’est-ce que le changement climatique ? »
En effet, bien des jeunes ne savent pas véritablement de quoi l’on parle et ne font pas la différence entre le fait, par exemple, qu’il fasse plus chaud que d’habitude l’hiver (c’est-à-dire la météo) et un climat plus chaud qui entraîne des réactions en chaîne (le climat). Jean-Marc Jancovici, dans son ouvrage Le changement climatique expliqué à ma fille, reprend très clairement la différence entre ces deux éléments. Sous la forme d’une discussion entre un père et sa fille, il explique tout d’abord que le climat change, et revient sur des définitions importantes comme l’effet de serre. Il aborde également la thématique de la montée des eaux et des conséquences du réchauffement des océans, la fonte des glaciers et des banquises. Enfin, il rappelle que les ressources sont épuisables et bientôt épuisées, comme celles qui servent à produire notre énergie (pétrole, gaz, charbon, etc.). Il rappelle également que certaines énergies sont plus polluantes (et participent davantage au dérèglement) que d’autres.
Sur un autre support, la bande dessinée intitulée Le changement climatique en Bd ! réalisée par Yoram Bauman et Grady Klein met en scène deux scientifiques expliquant de manière simple et amusante ce qu’est le changement climatique. Dans une première partie, les auteurs reviennent sur le fonctionnement de notre planète pour mieux comprendre les cycles qu’elle a traversés et les différents phénomènes qui créent ce changement. La seconde partie dresse le portrait des conséquences de ce dérèglement depuis la révolution industrielle (l’augmentation des températures, ses conséquences sur l’eau et sur la vie sur Terre). La troisième partie porte sur les actions à mener pour limiter notre empreinte carbone. Le format bande dessinée est très intéressant, car il permet de toucher un public plus large et de faciliter la compréhension des termes employés grâce à de nombreux schémas, graphes et dessins.
Ancien et peut être difficile à trouver, le documentaire d’Al Gore Une vérité qui dérange, à la fois biographique et de photographie, invite à une prise de conscience générale sur les problèmes environnementaux. Nous sommes touchés par cet ancien vice-président des États-Unis qui nous raconte comment il a pris lui-même conscience du changement climatique à la suite du terrible accident de son fils. Le dérèglement climatique et ses conséquences (fonte des glaciers, augmentation des catastrophes naturelles, manque d’eau, élévation du niveau de la mer) sont autant de preuves que celui-ci est déjà présent et qu’il s’intensifie. Il apporte également des éléments de compréhension sur l’inaction des États (actions de lobbyistes et campagnes de pub discréditant les scientifiques). Enfin, Al Gore propose des moyens d’actions individuels pour limiter la consommation d’énergie et ainsi avoir moins d’impact sur le climat.

Un changement climatique qui implique des changements sociétaux

Pour faire suite à la critique d’Al Gore sur les raisons de l’inaction politique face à l’urgence climatique, plusieurs documentaires pointent du doigt le capitalisme, le rôle joué par les lobbys et la surconsommation.
Ainsi, la blogueuse Emma Clit, dans la bande dessinée intitulée Un autre regard sur le climat, met en évidence une approche sociale du problème. Elle dresse le portrait, appuyé de chiffres, des conséquences des changements climatiques sur les territoires et sur les populations. C’est un livre engagé et foncièrement anticapitaliste, le capitalisme étant jugé comme la première cause du dérèglement climatique et de l’inaction politique : le profit, le lobbying et l’illusion d’une économie verte sont autant de maux qui empêchent les véritables actions. La dernière partie de ce livre est dédiée aux solutions possibles que nous pouvons déjà mettre en place.
Sur le sujet du capitalisme et la critique de notre mode de consommation actuel, nous pouvons également recommander l’album de Cyril Dion et Pierre Rabhi, Demain entre tes mains. Cet album est facile d’accès pour les élèves car il contient peu de texte au profit d’images avec de nombreuses citations mises en avant comme des principes écologiques et de vie en société. Il explicite les problèmes liés au changement climatique comme la déforestation, l’extinction de nombreuses espèces et l’augmentation de la pollution. Cyril Dion et Pierre Rabhi critiquent notamment dans ce livre le fait que l’on utilise la nature et ses ressources, non plus seulement pour se nourrir ou pour vivre, mais au contraire pour s’enrichir et faire du capital. Ils prônent un changement de comportement basé, non plus sur la peur de manquer, mais sur d’autres types de valeurs comme la passion ou l’amour.

Des Bds documentaires pour toucher un public plus large

Trois bandes dessinées peuvent permettre d’aller plus loin dans la compréhension des enjeux climatiques actuels. Il s’agit de Saison brune de Philippe Squarzoni (2012), Le monde sans fin de Christophe Blain et Jean-Marc Jancovici (2021) et Urgence climatique : il est encore temps ! d’Ekeland Ivar et Lécroart Etienne (2021).
Saison brune (Prix de l’Académie française 2012) met en scène Philippe Squarzoni lui-même qui termine son album politique Dol. Toutefois, il lui reste un chapitre sur l’écologie à écrire et à dessiner. Manquant de connaissance sur le sujet pour réaliser correctement son album, il commence à chercher des informations, mais les problèmes du changement climatique lui apparaissent plus compliqués que ce qu’il pensait. Il mène alors une véritable enquête pour mieux comprendre ces enjeux. Nous sommes plongés à la fois dans une enquête pour comprendre les causes et les conséquences du dérèglement climatique, mais aussi dans les considérations et les craintes personnelles de Philippe Squarzoni telles qu’elles pourraient l’être pour chacun de nous.
Le monde sans fin est une bande dessinée d’une approche plus ludique, dans laquelle Christophe Blain, le dessinateur (dessinateur de la BD Quai d’Orsay, 2010), se met en scène, discutant avec Jean-Marc Jancovici. Cette BD est composée de trois grandes parties : l’énergie, le climat, la culpabilité. La première partie sur l’énergie nous fait réaliser que tout ce que nous utilisons dans notre quotidien, nos appareils électroniques, bien sûr, mais aussi tous nos objets, consomment ou ont consommé de l’énergie avant d’arriver jusqu’à nous. Nous apprenons ainsi ce qu’est l’énergie et la place centrale qu’elle occupe au sein de la société. La seconde partie concerne le climat et notamment les causes et conséquences du dérèglement climatique. Jean-Marc Jancovici explique que les humains agissent sur trois des gaz à effet de serre qui participent à ce dérèglement. Il revient ensuite sur les conséquences d’une augmentation de 2 à 5 degrés, non seulement pour la planète (les océans, la biodiversité, etc.), mais aussi pour les populations. Il fait également une comparaison très intéressante des différents moyens de fabriquer de l’énergie. La troisième partie n’est pas là pour culpabiliser le lecteur (contrairement à son titre ironique). Au contraire, Jean-Marc Jancovici nous rassure : il n’est pas question d’arrêter de manger de la viande, mais de changer nos manières de consommer : par exemple, consommer moins, mais de meilleure qualité et de manière locale, changer nos habitudes de transport, modifier notre manière de construire nos logements et enfin faire des achats raisonnés.
Urgence climatique : il est encore temps ! est issu de la rencontre d’Ekeland Ivar (mathématicien) et Lécroart Étienne (dessinateur). La BD a pour objectif de sensibiliser le lecteur à la question de l’urgence climatique, un sujet sérieux, certes, mais sans toutefois mettre de côté l’humour d’Étienne Lécroart. Grâce aux nombreuses interventions d’experts scientifiques, biologistes, historiens, économistes et climatologues, cette BD permet de faire l’état de la situation actuelle concernant le dérèglement climatique. Si le tableau du futur que dépeignent ces témoignages n’est pas très réjouissant, les auteurs parviennent à montrer qu’il est encore possible d’agir en vue de l’améliorer, si toutefois nous nous en donnons les moyens.

La mobilisation des jeunes

Face au constat de l’urgence climatique, ce sont les jeunes qui se mobilisent et qui montrent du doigt l’inaction générale. Ces jeunes ont pris conscience des problèmes climatiques et écologiques qui nous entourent et désirent un changement de politique, avec plus de justice sociale.
On peut le voir notamment à travers le roman Il est encore temps ! de Jean-Philippe Blondel qui met en scène une jeune lycéenne, Lou, qui entre en seconde et qui n’est pas aussi excitée que les autres par la rentrée. Lou est très sensible aux conséquences du changement climatique et ne voit pas comment elle pourrait se projeter dans un futur qui serait dégradé. Pourquoi étudier si nous ne savons pas si nous survivrons dans dix ans ? Lou va découvrir Greta Thunberg et partager sa lutte jusqu’à organiser elle-même un événement d’envergure avec l’aide de ses nouveaux amis. Ce roman fait écho à l’éco-anxiété des jeunes face aux problématiques environnementales et climatiques dont ils vont être victimes et démontre qu’ils peuvent aussi être les moteurs du changement. De plus, il est assez court et dynamique, il donne envie de se documenter davantage sur ces jeunes qui luttent et essaient d’agir pour le futur.
Pour aller plus loin, nous pouvons conseiller Polar vert. L’histoire se passe en Bretagne, Klervi, une jeune lycéenne, retrouve son frère et son cheval inertes sur une des plages proches de chez eux. Elle court les sauver, sachant pertinemment que la plage est recouverte d’algues vertes et que celles-ci peuvent tuer. Elle s’évanouit et est secourue in extremis. Toutefois, le monde de Klervi sera à jamais chamboulé : son frère est dans le coma, son cheval est mort, elle devient à la fois un témoin important dans l’enquête policière en cours au sujet de l’accident de son frère et aussi un suspect dans le trafic d’espèces protégées que mène la famille de son petit ami. Les deux jeunes gens et leurs amis deviennent des activistes critiquant l’implication des grandes industries dans la prolifération des algues vertes et l’inaction des politiques face à l’urgence climatique.
Un excellent documentaire peut également être révélateur de l’engagement des jeunes pour le climat et l’environnement. Il s’agit de Ces jeunes qui changent le monde. Cet ouvrage ne se limite pas à la question du climat, mais traite aussi de la thématique des déchets, du plastique, de la déforestation, de la biodiversité, de l’éducation, etc. Chaque thématique est un focus sur l’adolescent qui lutte pour faire changer les choses. Plusieurs pages sont donc consacrées au climat, à Greta Thunberg, mais aussi à Anuna De Wever et Kyra Gantois, et Xiuhtezcatl Martinez. Les auteurs nous décrivent leur combat, comment l’idée de cette lutte leur est venue et ce qu’ils ont fait pour montrer leur désaccord. Ils font également un portrait de ces jeunes. Enfin ils retracent les dates clefs du mouvement « Grève de l’école pour le climat ». Ce livre invite les jeunes à prendre conscience qu’ils ont un pouvoir politique, qu’ils peuvent entrer en action et faire entendre leur voix.
Pour finir, nous pouvons également faire référence à l’ouvrage de Mazza Viviana (journaliste italienne), Greta La voix d’une génération, dans lequel Viviana Mazza dresse le portrait de Greta Thunberg et raconte ses actions pour l’environnement et le climat. L’auteure fait également référence au fait que le mouvement lancé par Greta Thunberg est suivi par de nombreux jeunes et qu’il n’est pas un élément isolé. C’est un ouvrage court, facile à lire et peuplé d’illustrations. Un dossier pédagogique et un glossaire à la fin du livre reprennent les définitions les plus importantes.

Conclusion

L’impact de l’activité humaine sur le climat n’est plus à démontrer, et ses conséquences sur le futur de nos sociétés s’annoncent désastreuses : nous sommes en situation d’urgence climatique. Il apparaît clairement qu’il faut agir vite et dès maintenant. Or, c’est cet état d’urgence et cette prise de conscience qui sont source d’anxiété et de fatalisme : pourquoi continuer à étudier ? Le CDI (Centre de Documentation et d’Information) paraît être le lieu idéal pour permettre aux jeunes de s’informer, avec des ressources actuelles et fiables. Être informé et comprendre ce que signifie ce dérèglement permettra aux jeunes d’anticiper sur leur avenir, de réfléchir à leurs actions, de développer leurs compétences en fonction de la ou des causes pour lesquelles ils souhaiteraient s’investir personnellement et enfin de participer à trouver des solutions.

 

 

Éthique des algorithmes, quelle sensibilisation pour les élèves ?

« Gouvernementalité algorithmique »

La question de l’algorithme revient, in fine, à des questions relatives à la prise de décision et donc à la gouvernance. Rouvroy & Bern (2013, p. 165) évoquent même le concept de « gouvernementalité algorithmique » en tant que « nouveau régime de vérité numérique [qui] s’incarne dans une multitude de nouveaux systèmes automatiques de modélisation du “social”, à la fois à distance et en temps réel, accentuant la contextualisation et la personnalisation automatique des interactions sécuritaires, sanitaires, administratives, commerciales ». Ainsi, dans les cas cités précédemment, de plus en plus, la décision est prise directement par un algorithme. Nous retrouvons alors une partie de la pensée cybernétique (Delpech, 1972), dont l’étymologie même vient de Kybernete qui signifie « gouverner » en grec, et dans une perspective du passage de la réglementation à la régulation (Supiot, 2005). Ce changement conduit à favoriser le maintien à l’équilibre d’un système (avec une action interne) plutôt qu’une intervention externe sur le système. Si cette approche semble plus rapide et performante (comme l’illustrent les smart contracts sur Ethereum3), elle peut favoriser l’autorégulation en phase avec le capitalisme de plateforme où la donnée est considérée comme le « pétrole » du xxie (avec tous les problèmes associés évoqués par O’neil (2018)).

Il nous semble alors fondamental de questionner la dimension éthique des algorithmes, notre contribution à ce numéro de la revue InterCDI se propose d’apporter quelques éléments théoriques et de réflexion sur la manière dont les professeurs documentalistes peuvent intégrer ce questionnement autour des algorithmes, de l’éthique des algorithmes aux pratiques scolaires et contribuer à la culture informationnelle et numérique de leurs élèves. Il nous semble envisageable d’inscrire ce travail dans le cadre du programme de sciences numériques et technologie de seconde et le programme de numérique et sciences informatiques de la première et terminale.

Éthique et loyauté des algorithmes

Cette question de gouvernance et de prise de décision nous conduit à évoquer la dimension éthique des algorithmes. En effet, ceux-ci doivent prendre des décisions qui affecteront leurs utilisateurs. Comme le rappelle Jean-Gabriel Ganascia, l’éthique vient de « ήθος en grec qui signifie mœurs, coutumes, habitudes » (Ganascia, 2021). D’après lui, l’éthique associée au numérique, et in extenso aux algorithmes, est liée pour partie à la rationalité et à la volonté. Le problème éthique se situe alors sur les interactions êtres humains-machines. En effet, Ganascia note que les interactions humain-machine « doivent aider les humains à soumettre les machines à leurs désirs en évitant qu’elles ne les piègent, voire que certains les utilisent pour les piéger » (ibid.). Face à cela, plusieurs risques liés à l’interaction humain-machine se dessinent :
– Pratiques trompeuses (ex. : spam et autres arnaques en ligne) ;
– Réponse qui modifie le comportement de l’humain (ex. : tentative de manipulation des comportements/opinions d’internautes comme dans le cas du scandale Cambridge Analytica) ;
– Transmission de données personnelles à des tiers (ex. : transmission de données médicales de Doctolib vers des tiers en Allemagne) ;
– Cyber-harcèlement (ex. : diffamation, diffusion d’informations personnelles4).

Comment rester libres et responsables de nos actes ? Les acteurs du numérique gagnent en pouvoir et peuvent prendre des décisions importantes. Ainsi, Facebook ou Twitter se sont arrogés le droit de censurer des contenus qui enfreindraient leurs conditions générales d’utilisation et cela automatiquement, sans aucun autre pouvoir juridique que leurs actionnaires.
Cadrer la question éthique par rapport aux algorithmes, et plus largement au numérique, est aussi complexe du fait de « l’impossibilité à anticiper toutes les applications que l’on peut faire d’une technologie et à décider a priori de ce qui est problématique » (Ganascia, 2021).

Avec ces questionnements éthiques, nous pouvons faire le lien avec les trois lois générales de la robotique formulées en 1942 par Isaac Asimov (auteur notamment d’ouvrages de science-fiction) :
« 1. loi numéro 1 : un robot ne peut porter atteinte à un être humain ni, restant passif, permettre qu’un être humain soit exposé au danger ;
2. loi numéro 2 : un robot doit obéir aux ordres que lui donne un être humain, sauf si de tels ordres entrent en conflit avec la première loi ;
3. loi numéro 3 : un robot doit protéger son existence tant que cette protection n’entre pas en conflit avec la première ou la deuxième loi »5.

Cette première réponse, issue de la science-fiction, est intéressante, mais n’est pas encore implémentable en tant que telle dans les dispositifs informatiques et ne répond pas au problème éthique évoqué. De plus, elle ne tient pas compte des spécificités de notre époque, en particulier le poids des GAFAM et de l’utilisation des données à caractère personnel (Zuboff, 2020) qui est faite. Ainsi se pose la question de la loyauté, en particulier de la loyauté des plateformes. L’Association Francophone des Utilisateurs de Logiciels Libres (AFUL) définit comme loyaux les services qui permettent :
« – à leurs utilisateurs de disposer, dans un format ouvert, de l’intégralité de leurs données ainsi que des données et informations liées nécessaires pour l’exploitation de ces données par un autre fournisseur de service en ligne ;
– à leurs utilisateurs de disposer sous licence libre de tous les logiciels nécessaires pour mettre en œuvre le service en ligne afin de pouvoir bénéficier du même service sur une infrastructure autonome ou exploitée par une tierce partie ;
– à un concurrent potentiel de proposer un service comparable, excluant tout verrouillage juridique empêchant la possibilité d’offrir le même service ;
– un usage du service par tous, partout, et sans discrimination aucune vis-à-vis d’un groupe ou d’une personne ;
– à leurs utilisateurs la garantie du secret absolu et la protection de leurs données, y compris sous forme anonymisée. La fourniture à un tiers de données relatives à l’usage du service ne peut se faire sans un accord préalable explicite de l’utilisateur, au cas par cas. »

Actuellement, en France, la loi pour une République Numérique impose principalement une obligation renforcée d’information à l’égard du consommateur6, une mesure qui semble dérisoire eu égard aux enjeux et aux pratiques des acteurs en présence. Pourtant s’assurer de la loyauté des plateformes et autres algorithmes revient à s’inscrire dans une démarche éthique en interdisant le détournement de certaines données à caractère personnel pour des usages commerciaux ou publicitaires.

Sensibiliser sur la question de l’éthique des algorithmes

Avec la mise en place du cadre institutionnel Digital Competence Framework for citizens (DigComp), transposé en France dans le cadre de Pix (cf. numéro InterCDI 291), intégrer la question des algorithmes, et plus particulièrement de l’éthique des algorithmes, nous semble essentiel pour contribuer à la culture numérique et informationnelle des élèves. En effet, l’algorithme est le soubassement des outils du numérique ; expliciter les enjeux et le fonctionnement des algorithmes (comme ceux à l’œuvre dans la mise en place de bulle de filtres7 pour les cours d’éducation aux médias et à l’information) est alors concomitant avec les objectifs affichés.
Si les élèves utilisent au quotidien de nombreux algorithmes, ils sont peu à se rendre compte de leurs influences sur leurs comportements. Comment favoriser leur prise de conscience ?
Des initiatives intéressantes se développent pour illustrer concrètement les comportements des algorithmes. Ainsi, Rodrigo Ochigame (du Massachusetts Institute of Technology) et Katherine Ye (Carnegie Mellon University) dans leur projet Search Atlas (Ochigame & Ye, 2021) souhaitent contribuer à la « visualisation des résultats de recherche divergents à travers les frontières géopolitiques ». L’outil n’est pour l’instant pas accessible au grand public, toutefois un accès est possible en formulant une demande auprès de l’équipe de recherche.
La figure 1 illustre l’interface de l’outil développé par Ochigame et Ye. Dans cet exemple, le concept recherché — god (« dieu » en anglais) — est en haut à gauche. Il est traduit automatiquement en japonais et en arabe pour permettre d’afficher des résultats dans d’autres langues et contextes culturels qu’anglo-saxon.

Trois colonnes présentent les résultats. Dans le premier cas, les résultats de la recherche sur le concept « dieu » en japonais renvoient vers l’acceptation shinto8 du terme. Au contraire, dans les résultats en arabe, « dieu » renvoie vers Allah et l’Islam. Enfin, dans les résultats anglo-saxons, c’est le christianisme qui ressort dans les résultats des moteurs de recherche. Cet outil contribue à matérialiser les biais présents dans l’algorithme de Google.

Figure 1 : comparaison des résultats pour la recherche « god » en japonais, arabe et anglais, source : Ochigame & Ye (2021)

En effet, la même requête sur Google renvoie donc des résultats contextualisés en fonction de l’utilisateur, de sa langue, et dans son environnement culturel comme les auteurs le soulignent avec la figure 2.

Figure 2 : éléments constitutifs d’un algorithme, des influences sont possibles sur les résultats à toutes les étapes, source : Ochigame & Ye (2021)

Les résultats d’une même recherche sont alors loin d’être objectifs. En effet, comme le souligne Schmitt (2016) « un algorithme est le résultat de la formalisation d’une procédure qui, une fois implémentée dans un programme informatique, peut alors être rejouée indéfiniment sans intervention (Sandvig, Hamilton, Karahalios et Lanfbort, 2015). Cette reproductibilité laisse à penser qu’un algorithme est un processus mécanique, nécessaire ou autonome qui ne laisserait aucune place à un certain degré de contingence et de jugement individuel ». Contrairement aux prétentions de certains de leurs thuriféraires, un algorithme et son résultat sont fortement influencés par ses concepteurs.

Un travail réflexif peut être mené avec les élèves pour les guider dans la compréhension et l’analyse du fonctionnement des dits algorithmes et des résultats. Complémentaire à cet exemple qui illustre les différentes réponses en fonction de l’environnement culturel ou de la langue, un autre travail peut être réalisé avec les élèves dans le cadre de l’EMI pour qu’ils comprennent les mécanismes mis en place par des acteurs comme YouTube ou TikTok dans le cas des recommandations de vidéos ou plus généralement sur des recommandations de contenus.
En effet, le cas de YouTube est symptomatique. De plus en plus utilisé pour s’informer, le site diffuse de nombreux documentaires et reportages9 qui demandent aux internautes de savoir analyser l’information et prendre un recul critique dessus. Concernant spécifiquement YouTube, en avril 2019, le média Bloomberg10 publie une enquête sur la politique de filtrage du site où l’auteur souligne les choix faits pour favoriser l’engagement sur le site. Se pose alors la problématique éthique liée aux recommandations qui sont faites sur la plateforme, alors même qu’il est fortement utilisé par de nombreux jeunes utilisateurs. Deux exercices complémentaires sont alors envisageables pour sensibiliser les élèves à ces questions.
– Dans un premier temps, mettre en place un carnet de bord des vidéos visionnées (y compris les éléments auxquels nous avons accès comme le nom de la vidéo, l’auteur, sa date de publication, sa durée, le nombre de commentaires, le nombre de vues et de « j’aime » ainsi que sa description) et les suggestions associées à chaque vidéo. Les élèves pourraient ainsi observer sur une période déterminée l’évolution des recommandations sur YouTube11. Ce travail d’observation pourrait être renforcé aussi par la comparaison des suggestions sur YouTube lorsque l’élève est connecté à son compte Gmail et lorsqu’il n’est pas connecté. Nous retrouverons ainsi quelques facteurs sur lesquels s’appuient YouTube aujourd’hui pour recommander des vidéos : contenus que les internautes consultent (vs ceux sur lesquels ils ne cliquent pas), le temps des vidéos visionnées, la popularité (notamment la hausse rapide du nombre de vues), le degré de fraicheur de la vidéo, l’engagement des internautes. Ils pourront alors prendre conscience de la manière dont le site les oriente afin qu’ils restent captifs. C’est aussi une manière d’illustrer concrètement cette économie de l’attention (Citton, 2014).

– Dans un deuxième temps, pour compléter la compréhension du fonctionnement des algorithmes, en particulier ceux utilisés par les GAFAM, il peut être intéressant d’explorer le fonctionnement des réseaux de graphes et de la théorie associée : la théorie des graphes12. En effet, de nombreux sites s’appuient sur des bases de données dites « base de données graphe » pour développer leurs algorithmes et proposer des résultats plus « pertinents » pour l’utilisateur. Il est possible de tester, directement et sans connaissance technique, la base Neo4j depuis un navigateur web depuis : https://sandbox.neo4j.com/. En expérimentant avec Neo4j, nous pouvons matérialiser l’application de la théorie des graphes aux espaces en ligne afin de mieux comprendre de quelle manière les acteurs du numérique structurent la donnée et utilisent ces données structurées pour optimiser les suggestions. Pour travailler spécifiquement sur les suggestions, Neo4j propose directement un jeu de données dédié à la recommandation de films. Voici un exemple de la visualisation qui est offerte par la base de données :

Figure 3 : Illustration du fonctionnement de la base Neo4j pour recommander des films, source : neo4j.com

Sur ce cas sont présentes les évaluations de deux internautes. En fonction des votes de Guy ou de Betty (représentés par les points violets), des recommandations de films (points bleus) pourront être faites pour mettre en avant de nouveaux films à visionner lors d’une prochaine connexion. Ainsi, si Betty et Guy regardent les mêmes films (Dances with Wolves, Pretty Woman, etc.) et mettent des évaluations similaires, il est probable qu’un film apprécié par Betty, comme True Romance, pourrait plaire à Guy (et réciproquement). Le système de recommandation automatique devrait alors suggérer à Guy de regarder le film True Romance lors d’une prochaine connexion. Ce système a pour vocation de maintenir captifs au maximum les internautes, car comme l’indiquait Reed Hastings, PDG de la société Netflix, leur seul réel concurrent est le sommeil.

Conclusion

Dans un monde de plus en plus binaire, qui laisse aussi place à moins de nuances, la question de l’éthique des algorithmes renvoie aussi à la question de la formation de citoyens éclairés qui sont à même de comprendre les décisions prises par des algorithmes afin de mettre en place une action corrective si besoin est (i.e. : privilégier des services loyaux et/ou le logiciel libre, autoriser/refuser l’accès à ses données sur des réseaux sociaux numériques comme Facebook pour réguler l’utilisation de ses données à caractère personnel par des tiers, etc.). En effet, l’effectivité du droit à l’opposabilité13 doit permettre à la fois au citoyen de disposer de voies de recours pour obtenir la mise en œuvre effective de son droit et contraindre la puissance publique à une obligation de résultat. Toutefois, comprendre le fonctionnement d’un algorithme demande une littéracie certaine (ex. : capacité à lire du code et à comprendre ce qu’un algorithme fait) qui doit nécessairement compléter les appels à la transparence des algorithmes. Celle-ci est remise en cause par la généralisation d’algorithmes qualifiés de « boîtes noires », en lien avec la mise en place d’algorithmes d’apprentissage profond (comme les réseaux de neurones). Ces algorithmes perdent en intelligibilité pour l’être humain et complexifient particulièrement le travail de rétro-ingénierie pour comprendre le fonctionnement des algorithmes ou pour auditer les comportements des acteurs du numérique.

 

Veille numérique 2022 N°1

éducation

50 ans : le livre numérique

Le livre numérique s’est démocratisé avec les liseuses dans les années 2000, mais si on retrace son histoire, le premier texte électronique The United States Declaration of Independence remonte à 1971. Deux formats vont participer à l’essor de l’ebook, tout d’abord le PDF d’Adobe, à partir de 1993, puis l’EPUB en 2005.
À lire en ligne Une courte histoire de l’ebook par Marie Lebert :
https://archive.org/details/histoire-ebook/mode/2up
Exposition en ligne “Une courte histoire de l’ebook, en 20 dessins” par Denis Renard :
https://actualitte.com/article/102064/usages-numeriques/une-courte-histoire-de-l-ebook-en-20-dessins

S’informer sur la sexualité : Onsexprime

Créé par Santé publique France, le site Onsexprime s’adresse à la jeunesse (collégiens, lycéens et étudiants). Les ressources pédagogiques répondent aux nombreuses questions que peuvent se poser les adolescents et les plus grands sur la sexualité. Les documents, sous la forme de textes, illustrations et vidéos, sont organisés en rubriques et sont adaptés pour des séances dans le cadre de l’éducation à la sexualité.
https://www.onsexprime.fr/

Bibliothèque numérique des Ponts et Chaussées

L’École des Ponts ParisTech inaugure sa nouvelle bibliothèque numérique : L’Héritage des ponts et chaussées. Afin de valoriser les contenus de sa collection, elle rejoint la communauté Gallica de la BnF. La bibliothèque de la plus ancienne école d’ingénieurs française rassemble plus de 15 000 documents à destination des élèves, professeurs, professionnels et amateurs.
https://heritage.ecoledesponts.fr/enpc/

Lecture numérique

L’univers de DC chez Webtoon

La maison d’édition américaine DC comics a mis en place un partenariat avec la plateforme Webtoon (site américano-sud-coréen) qui diffuse des BD du monde entier (principalement des mangas). Cette nouvelle collaboration permet d’élargir l’offre de bandes dessinées à tous les fans de super-héros tels que Batman, Superman ou Wonder Woman.
Batman sur la plateforme Webtoon :
https://www.webtoons.com/fr/slice-of-life/batman-wayne-family-adventures/list?title_no=3585

Twittérature pour Emma Bovary en 2021

Pour le 200 anniversaire de la naissance de Flaubert, l’association Baraques Walden lance le projet Bowary. Dix auteurs (Maylis de Kerangal, Fred Duval, Agnès Maupré…) ont relevé le défi de réduire Madame Bovary en 280 tweets. Selon son concepteur, Stéphane Nappez, Bowary n’est pas un “résumé” mais une “réduction” de Madame Bovary. ». Ou une performance !
https://twitter.com/BaraquesW

Insolite

Listes de courses sur Insta puis dans un livre !

Un Italien publie depuis plusieurs années ses listes de courses sur une page d’Instagram, la lista della spesa. Cette page insta est aussi alimentée par les listes envoyées par les followers. Ces listes illustrées et un peu froissées racontent des histoires qui font la part belle à l’imaginaire. Un livre vient d’être publié, et compile 150 listes de courses, Prosecco, pannolini e pappa per il gatto. Avis aux italophones !
https://www.instagram.com/insta_della_spesa/?hl=fr

Médias

Le Gorafi racheté par DC company

Le site satirique a été racheté par une société d’investissement spécialisée dans le numérique et les médias, DC company. L’un des fondateurs du Gorafi, Pablo Mira, rejoindra cette entreprise. Selon le dirigeant de cette société, le modèle économique du Gorafi va évoluer notamment avec des contenus satiriques promotionnels et l’utilisation de financements participatifs.

Facebook news et les droits voisins

Facebook lance en France, début 2022, son nouveau service d’information, le Facebook News. À la suite des accords-cadres avec Le Monde, le Figaro et l’APIG (Alliance de la presse d’information générale), Facebook va rémunérer la presse au titre des « droits voisins ». Ces mêmes mesures avaient été prises auparavant avec Google. Ces accords ont été possibles grâce à la législation européenne adoptée en 2019 qui impose la rémunération des auteurs dont les contenus publiés dans la presse sont relayés sur les grandes plateformes du Web.

écologie

Dérèglements climatiques : Ce climat n’existe pas

Des chercheurs québécois ont développé un outil basé sur l’intelligence artificielle, afin de visualiser les dégâts possibles du dérèglement climatique sur les lieux d’habitation. Accessible sur le site “Ce climat n’existe pas”, il suffit d’indiquer une adresse puis de choisir un scénario (inondation, chaleur intense, brouillard toxique). L’application simule visuellement les effets à l’aide du support Google Street View.
https://ceclimatnexistepas.com/home

Un cloud dans de l’ADN végétale !

Le rapport de 2020 de la société de recherche Gartner confirme la possibilité de stocker les données dans de l’ADN. En 2012, des scientifiques de la Harvard Medical School avaient codé un livre dans de l’acide désoxyribonucléique, dit ADN. En 2018, deux designers férus de biologie ont transformé une boutique de fleurs à Copenhague en un espace de données.
À priori, selon les scientifiques, pas de conséquences néfastes sur les plantes. Et pourquoi pas une forêt comme Data center !

Notre planète, notre avenir

La commission européenne héberge le site Notre planète, notre avenir dont l’objectif et le slogan sont de “lutter ensemble contre le réchauffement climatique”. La plateforme est composée de quatre entrées (causes, impacts, solutions, étapes) avec des contenus, des activités, des ressources et un espace pour les enseignants. Une boîte à outils est disponible dans la rubrique “Sujet” (une courte vidéo présentant l’outil, 5 stories pour Instagram et Facebook, des affiches, un guide d’utilisation et des consignes pour le copyright).
https://ec.europa.eu/clima/sites/youth/node_fr

Droit et données personnelles

Reconnaissance faciale en continu

La dernière puce haut de gamme pour smartphones, de l’entreprise américaine Qualcomm, sera dotée d’une fonction de détection faciale en continu. L’objectif affiché de la firme est de faciliter le déverrouillage du téléphone par les utilisateurs. Ce système utilise l’appareil photo frontal et non pas un mécanisme dédié. Le constructeur assure que la caméra n’enregistre pas d’image(s) et recherche uniquement des visages. Néanmoins, une caméra frontale allumée en permanence pose question sur le droit à la vie privée et les dérives possibles concernant la collecte de données.

Les données de santé des Français aux USA

Après Doctolib chez Amazon, c’est au tour des données nationales de santé (Health Data Hub) d’être hébergées chez Microsoft. Cet hébergement et exploitation du HDH par la structure américaine Azure (cloud de Microsoft), sans réel appel d’offre, pose de multiples problèmes tels que la protection des données personnelles, la sécurité juridique et le conflit d’intérêt. La CNIL, l’ANSSI, la CNAM et Anticor, entre autres, avaient alerté sur ces difficultés dont la plus importante est que ces sociétés États-Uniennes, bien que soumises au RGPD, soient régies par le droit américain, ce qui implique que les autorités ont un droit d’accès aux données. Le gouvernement français s’est engagé à rapatrier le Health Data Hub sur le sol européen d’ici deux ans…

Géant du web

Facebook mue en Meta

Facebook veut changer son image écornée depuis quelques années à la suite de nombreuses affaires dont la dernière en date, le «Facebook files». Meta, le nouveau nom de la firme, vient de Metaverse, c’est-à-dire le monde virtuel sur lequel Mark Zuckerberg fonde beaucoup d’espoir. En dehors des réseaux sociaux, tous les produits vont changer de nom, par exemple, la tablette “Tout en un” ultra connectée Facebook portal va devenir Meta portal.

Technologie

UE : Chargeur unique pour les smartphones

L’Union européenne a proposé un projet de loi visant à imposer un connecteur et un chargeur universel pour les smartphones, les tablettes, les appareils photos et autres appareils nomades. L’UE a retenu le connecteur USB Type-C et le chargeur USB Power Delivery. Les constructeurs devront, une fois la loi adoptée, se mettre en conformité dans un délai de 24 mois.

SOS vidéo sur les smartphones Google

Les téléphones Pixel de Google possèdent une fonction SOS capable de vous localiser, d’enregistrer une vidéo et de l’envoyer à un contact en cas d’urgence. Pour activer cette application de sécurité personnelle, il suffit d’appuyer cinq fois de suite sur le bouton d’allumage du smartphone. La vidéo dure 45 minutes maximum et le téléphone doit être connecté à internet pour que celle-ci soit automatiquement sauvegardée sur le cloud.

Data center nouvelle génération

Les data centers sont souvent montrés du doigt car énergivores. Les nouvelles structures n’utilisent plus la climatisation et acceptent une température un peu plus élevée car les éléments sont conçus pour supporter des températures de 30° C. Ces data centers utilisent principalement la ventilation, et lorsqu’il fait très chaud, une technique d’évaporation/ruissellement refroidit l’ensemble. Ex : DC5 de Scaleway (filiale de Free) à Saint-Ouen-l’Aumône.

No future…

La Chine investit les réseaux sociaux

Un récent rapport de l’IRSEM (Institut de recherches du ministère des Armées) épingle la Chine qui tente d’étendre son influence sur les réseaux sociaux en utilisant différentes méthodes agressives : fermes à troll (publication à la chaîne d’articles pour occuper l’espace), opérations de doxing (publications d’informations personnelles d’une personne afin de nuire), créations de faux comptes par une IA (publications orientées et automatisées), loups guerriers (création de comptes anonymes pour faire pression, voire menacer).
http://www.lien.fr

Les métavers, le retour !

Facebook, Alibaba et Tencent investissent énormément dans la création d’un univers virtuel. Nous avions connu “Deuxième monde” en 1997 puis “Second Life” en 2003. Les casques de réalité virtuelle, les cryptomonnaies et un accès au haut débit pour 90 % de la population européenne et américaine constituent de nouvelles données qui semblent avoir convaincu les géants du web de se lancer dans la création du metaverse de demain, probablement très rentable économiquement.

Cybercasses de Bitcoin

Les plateformes de cryptomonnaies sont de plus en plus attaquées. Les trois plus importants casses de l’année représentent, en équivalent dollar : PolyNetwork (600 millions $), Cream Finance (130 millions $), BadgerDAO (120 millions $). Les coffres de bitcoins ont l’air plus vulnérables et bien plus lucratifs à percer que ceux des banques traditionnelles !