La BD européenne

On rapproche souvent à tort la bande dessinée de la littérature, dont elle use certes des mêmes procédés d’impression et de diffusion, par le biais de maisons d’édition, tout comme on la compare au cinéma qui lui aussi utilise les techniques de prises de vues, les ellipses, les montages, les éclairages, la sonorisation, l’élaboration au préalable d’un séquencier et d’un storyboard, Et pourtant sa spécificité, c’est bien la case, la planche, les relations entre le texte et le dessin. Aussi, gardons-nous bien de n’extraire de la bande dessinée que son message ou son histoire pour étayer un propos, et attardons-nous sur l’originalité de la distribution du récit dans les cases et les ellipses narratives.

Dans les programmes

Dans tous : l’éducation à l’image

Très souvent, à l’instar des œuvres d’arts ou des publicités, la bande dessinée se prête volontiers à une analyse d’image en langues étrangères, pour évoquer par exemple des problèmes de société, comme dans le comic strip argentin Mafalda.
De fait, toutes les lectures, historiques, politiques, sociologiques, philosophiques, écologiques, littéraires, sont possibles, et n’importe quelle discipline peut s’en inspirer.

Bien entendu, en histoire des arts elle pourra être étudiée plus précisément parmi les « arts du visuel », ainsi qu’en arts plastiques :

Au collège

Son étude sera possible, notamment en 5e et 4e où « les élèves se familiarisent avec les images et leur diversité. Ils élaborent matériellement des images, découvrent les modalités de leur réception et de leur diffusion. »

Au lycée

Les occasions ne manquent pas non plus : la représentation de l’espace ou du corps, la composition, le graphisme le récit, l’image, la mise en page, la diffusion.

Pistes pédagogiques

En collaboration avec les professeurs de disciplines pour aborder des notions de cours :

  • En Histoire-géographie, un exemple possible parmi des centaines : envisager la bande dessinée comme un document historique pour traiter de l’immigration.
  • En SES, les rouages du capitalisme à partir de la BD Obélix et compagnie de Uderzo et Goscinny pourront par exemple être abordés.

Seul(e), d’autres pistes sont à explorer :

  • Constituer un fonds BD couvrant l’histoire de la BD et ses pépites.
  • Ouvrir un club BD aux lecteurs ou à des scénaristes et dessinateurs « en herbe » et participer aux différents concours existants.

Festivals

Festivals

Les festivals de BD (ci-dessous une liste non-exhaustive) nourrissent l’ambition de favoriser les rencontres avec les auteurs, mais aujourd’hui force est plutôt de constater la prédominance des files d’attentse de lecteurs, munis d’un numéro gagnant parfois, pour une dédicace d’un auteur travaillant à la chaîne derrière le stand de son éditeur, au détriment des échanges. Tous ? Non ! Car il en reste quelques-uns qui résistent encore et toujours à une logique exclusivement marchande…

Le Festival International de la Bande dessinée d’Angoulême

La prochaine édition aura lieu du 26 au 29 janvier 2017.
Créé en 1974, il s’agit du plus important festival de bande dessinée de France ; il propose des stands de maisons d’édition avec possibilité d’obtenir des dédicaces, des expositions réputées, des rencontres et, plus récemment, des concerts de dessins et des matchs d’improvisation. L’entrée est payante mais reste gratuite pour les – de 10 ans.
Ses Prix sont les plus reconnus :
– le Grand Prix de la ville d’Angoulême, qui récompense un auteur pour l’ensemble de son œuvre ;
– le Fauve d’or, qui récompense un album paru l’année précédente.
www.bdangouleme.com

Le Festival International de la Bande dessinée de Chambéry

Affiche réalisée par Doug Wheatley

La dernière édition s’est tenue du 30 septembre au 2 octobre 2016.
Créé en 1977, il conjugue aussi prix, expositions, stands d’éditeurs, dédicaces des auteurs et échanges sous forme de questions/réponses. L’entrée est payante mais reste gratuite pour les – de 11 ans.
http://chamberybd.fr

Le Quai des Bulles à Saint-Malo

Affiche réalisée par Sylvain Vallée

La prochaine édition se déroulera du 28 au 30 octobre 2016.
En plus d’un festival proposant sept expositions, des dédicaces, des stands, une boutique, des projections libres, des rencontres et un prix récompensant les jeunes auteurs de bande dessinée, ce festival, créé en 1981, organise également dans l’année un comité de lecture, un concours Jeunes Talents BD et un concours de Courts Métrages, des formations professionnelles, des interventions d’auteurs en milieu scolaire, et loue des expositions.
www.quaidesbulles.com

BD BOUM à Blois

La prochaine édition se tiendra du 18 au 20 novembre 2016.
Créé en 1984, ce festival se démarque aussitôt par son orientation résolument pédagogique en proposant des ateliers ou des animations à durées variables, avec le concours d’auteurs. Il s’est durablement ancré dans le paysage blésois avec la construction récente d’une maison de la BD accueillant de nombreuses expositions et ateliers, et dotée d’un centre de ressources pédagogiques.
L’entrée du festival et des expositions est gratuite.
www.maisondelabd.com

« On a marché sur la bulle » à Amiens

La prochaine édition aura lieu en juin 2017.
Créé en 1995, ce festival privilégie les scolaires, tant au niveau des interventions que des prix. http://bd.amiens.com

Lyon BD Festival

La prochaine édition aura lieu en juin 2017.
Créé en 2005, ce festival propose, hormis les traditionnels stands d’éditeurs avec les dédicaces et des expositions, des mini masterclass pour enfants dessinateurs ou scénaristes en herbe, une vingtaine de rencontres, des réappropriations d’œuvres du musée par des dessinateurs, des spectacles, etc. Le Prix de Lyon récompense le meilleur album de l’année selon le jury, tandis que le Prix du truc d’or met à l’honneur l’album le plus original. L’entrée est payante, mais reste gratuite pour les – de 12 ans.  
www.lyonbd.com

Associations

Si chacun de ces festivals est piloté par une association, deux associations se distinguent cependant :

ACBD

Cette association des critiques et des journalistes de bande dessinée publie annuellement un rapport sur le marché de la bande dessinée.
www.acbd.fr

Collectif des créatrices de bande dessinée contre le sexisme

@Dargaud

Ce collectif s’est constitué contre l’idée d’une bande dessinée « féminine », à l’image de la presse dite féminine véhiculant une image « girly ».
https://bdegalite.org

Dans l’établissement

Concours

Favoriser la naissance de jeunes talents, telle est la vocation de ces concours qui fleurissent un peu partout en France, et dont le plus connu est À l’école de la BD (Festival d’Angoulême, avec le soutien du ministère de l’Éducation nationale de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche et de la Caisse d’Épargne), où il s’agit de réaliser une œuvre originale sur un thème libre. Les réalisations sont individuelles ou collectives pour les classes spécialisées, et individuelles à partir de 11 ans en collège et lycée.
www.education.gouv.fr/cid74308/a-l-ecole-de-la-bd.html

Les 48 heures de la BD

Début avril une sélection d’une dizaine de titres est proposée par les gros éditeurs à 1 € . À cela s’ajoutent des expositions, des rencontres, des ateliers et des dédicaces. 65 000 exemplaires ont ainsi été offerts cette année aux établissements scolaires et aux bibliothèques.
www.48hbd.com

Expositions en location

Tous les festivals cités en proposent : le Festival d’Angoulême, Quai des Bulles, On a marché sur la Bulle, BD Boum, etc.

Musées

La Cité internationale de la bande dessinée et de l’image, à Angoulême (France).
www.citebd.org

Le Centre belge de la bande dessinée, à Bruxelles (Belgique).
www.cbbd.be/fr/accueil

Le Fonds patrimonial du service Bibliothèque & Archives de la Ville de Lausanne, et le Cartoon Museum de Bâle (Suisse).

La Fanzinothèque de Poitiers (France).
Voici un centre de ressources bien particulier, qui conserve plus de 50 000 fanzines et BD indépendantes d’une micro-édition ou de presse confidentielle, et fait revivre ces productions alternatives par des expositions, des conférences, des rencontres, etc.
www.fanzino.org

Le Musée d’Art ludique de Paris, créé en 2013, privilégie pour l’instant les studios d’animation, mais pourrait aussi se tourner vers l’univers de la bande dessinée.

Mafalda ©Glénat / 2014

Le CRDP de Poitiers
http://media­theques.crdp3-poitiers.org

Bulle en tête
Association de bibliothécaires passionnés de BD
www.bulleentete.com/expositions.html

Café Creed
www.cafe-creed.com/site/

Caricadoc
(humour, caricatures, dessins de presse)
www.caricadoc.com/article-expositions-115972318.html

Brignon BD
http://bullesgaronne.fr/catalogue-expositions/

« Les caricaturistes face à la censure »  
www.caricaturesetcaricature.com/article-les-caricaturistes-face-a-la-censure-exposition-78016989.html

Un prestataire privé
www.exposika.com/expositions/la-bande-dessinee/

L’exposition itinérante gratuite « Bande dessinée et immigration : un siècle d’histoire(s) du Musée de l’histoire de l’immigration » Pour en savoir plus :
www.histoire-immigration.fr/la-cite/le-reseau/les-actions-du-reseau/expositions-itinerantes

Expositions temporaires

Après Robert Crumb au Musée d’art moderne de la ville de Paris en 2012, Enki Bilal au Musée du Louvre en 2013, Claire Brétécher à la BPI en 2015, c’est aujourd’hui au tour d’Hergé d’entrer au Grand Palais du 28 septembre 2016 au 15 janvier 2017.
Visites guidées d’1 h 30 avec conférencier, du CE2 au lycée (105 €), projection commentée (62 €), visite-atelier « plancher comme Hergé » (120 €), visite-atelier « chefs-d’œuvre en couverture » (120 €). ● www.grandpalais.fr/fr/evenement/herge

Gaston Lagaffe s’expose, pour ses 60 ans de carrière, à la BPI de Beaubourg du 7 décembre 2016 au 10 avril 2017.
Avec au programme : des planches, des dessins inédits, des éditions originales, des photos, des films, des interviews… mais aussi des inventions génératrices de gaffes, des débats, des projections, des conférences et des ateliers. Entrée gratuite.

Interventions extérieures

Hergé au Grand Palais (du 28 septembre 2015 au 15 janvier 2017). Le Grand Palais nous envoie son exposition ou l’un de ses conférenciers pour un échange ou un atelier.
www.grandpalais.fr/fr/evenement/herge

Un maillot pour l’Algérie

Agnès Deyzieux : Comment avez-vous découvert cet épisode étonnant qui lie le foot à la guerre d’Algérie ?

Kris : Ce projet est un hasard complet, car nous-mêmes ignorions totalement l’histoire de cette première équipe d’Algérie ! Il y a quatre ans environ, nous avions envie de créer une collection qui lierait documentaire et aventure sportive en bande dessinée, quelque chose qui se faisait très peu, voire pas du tout. L’idée était de lier l’Histoire avec un grand H ou politique avec une aventure sportive et humaine. J’en avais parlé à Bertrand Galic et on a commencé à chercher quelle histoire pourrait convenir à cette idée.
Bertrand Galic : Cette discussion a eu lieu au Festival Quai des Bulles à St Malo. Il faut savoir que Kris et moi-même avons deux points communs : avoir fait des études d’Histoire dans la même ville (Brest) et être des fous furieux de sport,  en particulier de foot ! On a d’ailleurs pratiqué ce sport ensemble. Quand Kris a évoqué ce désir de créer des récits mêlant Histoire et sport, forcément, cela a fait tilt chez moi. Dès le lendemain, je me suis mis en quête d’un récit original qui n’aurait pas été traité. J’ai passé une bonne nuit sur Internet. Je crois que le premier document qui m’a interpellé était une photo de vous, Rachid, avec un maillot qui n’était pas celui de Saint-Étienne mais celui de l’Algérie. J’ai vogué de lien en lien et reconstitué le puzzle de cette histoire incroyable de la toute première équipe algérienne que je ne connaissais pas. J’ai interrogé Kris le lendemain et lui non plus ne la connaissait pas, ce qui n’était pas normal ! On s’est dit qu’il y avait alors un très beau récit à raconter !

Comment avez-vous travaillé ensemble ? Avez-vous cherché à contacter rapidement Rachid Mekloufi ?

Kris : Non pas tout de suite ! Avant d’aller rencontrer un témoin, de savoir s’il a envie de parler, il y a d’abord le fait d’être légitime par rapport à un sujet, d’autant qu’on ignorait tout de cette histoire ! Pour un scénariste, trouver une histoire inconnue, c’est comme ouvrir une caverne d’Ali Baba. D’autant que cette histoire, qui a une cinquantaine d’années, rassemble un certain nombre de valeurs qu’on avait vraiment envie de mettre en avant. Elle fait place à des débats qui sont toujours très actuels : celui de la binationalité et de l’identité nationale. Elle interroge sur ce qu’est un pays : un territoire, des frontières, un groupe de personnes qui acceptent de vivre ensemble. Toutes ces thématiques sont présentes dans ce récit sur cette équipe. Donc, il nous fallait un temps pour être légitime par rapport à cette histoire mais aussi sur la guerre d’Algérie qui est très complexe, et toujours très douloureuse. Il y a eu environ six mois de recherches assez intenses sur les articles de presse de l’époque, sur Internet et sur les quelques livres qui existent, plutôt l’œuvre d’historiens algériens, même si Michel Naït-Challal a écrit un très bon livre sur le sujet il y a quelques années (Dribbleurs de l’indépendance : l’incroyable histoire de l’équipe de football du FLN algérien, 2008). Ensuite on s’est demandé si on pouvait rencontrer quelqu’un. Coup de chance, on a eu le contact de Mohamed, le fils de Rachid Mekloufi, qui a favorisé cette rencontre il y a environ trois ans.

Rachid Mekloufi, comment avez-vous accueilli ce projet ? Étiez-vous étonné que des auteurs de bande dessinée s’intéressent à cette histoire ?

Rachid Mekloufi : Bien sûr, j’ai été étonné, car ce n’était pas à la France de réaliser un tel documentaire, c’était plus à l’Algérie ! Mais enfin, à partir du moment où de jeunes Français ont décidé de le faire, j’en étais heureux parce que cela permet de faire connaître cette histoire qui, quand on y réfléchit, est incroyable !
Nous avions une très grande équipe ; les éléments qui la composaient étaient des internationaux français, entre autre Zitouni, Ben Tifou, moi-même ; je postulais pour aller en Suède. On avait une équipe merveilleuse qui jouait un football de rêve. Nous avons fait des tournées dans les pays arabes et les pays de l’Est. Nous étions des garçons désintéressés qui avaient une foi importante. Cette équipe représentait la révolution algérienne.
Je suis un peu gêné de parler à des Français ici qui n’ont peut-être pas connu cette guerre. Il faut savoir que le gouvernement français, les journaux ne parlaient plus de ce qui se passait en Algérie. Il n’y a que ceux qui avaient de la famille en Algérie qui savaient vraiment ce qu’il s’y passait. Alors, le FLN s’est dit : on va faire un coup énorme, on va faire partir des professionnels, des internationaux comme Zitouni, Ben Tifour… C’est d’ailleurs Ben Tifour qui avait suggéré cette idée. Il s’agissait d’un coup médiatique pour dire au peuple français : regardez, il y a une guerre en Algérie ! C’était le but : obliger à regarder la guerre.

L’album s’ouvre sur le jour de la célébration de la victoire de la Seconde Guerre mondiale à Paris et à Sétif, manifestation qui va dégénérer et être durement réprimée durant un mois : on parle de plusieurs milliers de morts. Pourquoi avoir voulu débuter le récit par cet événement tragique ?

Kris ©Dupuis

BG : Avec Kris, nous voulions mettre en valeur « les quatre de Sétif », quatre joueurs originaires de cette ville parmi le onze historique, qui seront l’ossature de cette équipe algérienne. Rachid Mekloufi, Youssef Karmani, Amar Rouai et Moktar Arribi: tous les quatre ont vécu ces événements de Sétif et en ont été très marqués. Probablement que leur engagement par la suite est lié à ce qu’ils ont vu et vécu à ce moment-là. La guerre d’Algérie commence en fait le 8 mai 45.
RM : 1945, c’était un début de révolte, la petite étincelle qui a amené 1954. Il y avait des Français qui étaient trop bien en Algérie. Ils ne voulaient pas partager, nous laisser aller à l’école, les collèges étaient séparés entre Européens et musulmans. Si les Pieds-noirs avaient compris qu’il fallait qu’ils se rapprochent des Algériens, peut être n’en serait-on pas arrivé à la guerre.

En 1958, vous jouez attaquant pour l’équipe de Saint-Étienne et vous êtes présélectionné pour participer à la Coupe du Monde avec l’équipe de France. Votre carrière semble débuter pour le mieux. Deux de vos amis viennent alors vous chercher pour participer à cette aventure dangereuse de l’équipe de foot du FLN. Avez-vous hésité à les suivre à ce moment-là ?

RM : J’avais alors 22 ans, j’avais déjà joué en équipe de France et pouvais prétendre aller en Suède ; et peut-être que Just Fontaine ne serait pas recordman du monde ! On a dit beaucoup de choses, qu’on m’avait forcé à partir à ce moment-là, etc. Non, il faut dire que les gens du FLN connaissaient les habitudes des Algériens et en particulier des Sétifiens. C’est pour cela qu’ils m’ont envoyé deux garçons de Sétif en sachant que je ne refuserai jamais par respect. Mais on ne savait pas du tout où on allait. Quand je posais la question à Arribi, l’aîné : où on va ? Il répondait : on va ! On est ainsi arrivé à Tunis, en passant par la Suisse. Il y avait un tas de journalistes derrière nous. Et c’était bien le but de cette fuite : attirer l’attention sur nous.

 

Dans l’album, vous montrez cette ex-filtration des joueurs un peu comme dans un récit d’espionnage, tout est secret et planifié. On sent une tension formidable. Par contraste, l’épisode où Rachid passe la frontière avec trois autres stars du foot est drôle, et digne d’une véritable comédie ! Pourtant tout cela est vrai…

K : Oui, effectivement. Tous les joueurs doivent fuir le même jour : le dimanche 13 avril 1958, à l’issue des championnats. Tout est organisé depuis des mois et là, un événement imprévu se passe qui entraîne des complications : Rachid se blesse à la tête lors d’un choc avec un coéquipier
et est emmené à l’hôpital. Ces coéquipiers doivent l’enlever à l’hôpital le lundi matin, mais l’opération est retardée alors que, dans le même temps, une partie des joueurs avait déjà fui par l’Italie. Zitouni, qui devait rejoindre l’équipe de France le lundi matin, était absent. On commençait à se dire : « il se passe quelque chose ! ». Mais eux, ils étaient encore à Saint-Étienne avec Rachid blessé ; en plus, le passeport de Rachid est resté au club qui n’ouvre qu’à 14 h… Ils vont finalement pouvoir passer la frontière quelques minutes avant que l’alerte ne soit lancée d’empêcher les footballeurs algériens de quitter la France. De plus, les douaniers les reconnaissent et leur demandent des autographes ! C’était la frontière suisse et les joueurs étaient de Lyon et de Saint-Étienne. On a inventé que les douaniers demandaient des autographes sur des souches de contravention ! C’est la petite touche d’humour fictionnelle du scénariste. Les douaniers étant dehors en train de demander les autographes aux joueurs, ils n’entendent pas le flash radio demandant d’arrêter les joueurs algériens… Tout cela se joue à quelques minutes près ! Chacun sait que, même dans les plus grandes aventures, dans les pires drames ou lorsque la vie bascule, il y a toujours ces moments de légèreté, de joie, d’humour. La scène peut faire penser aux gendarmes à St Tropez… mais c’est presque entièrement vrai !

On voit dans l’album que Hacène Chabri, un autre joueur, est arrêté à la frontière italienne. C’était donc interdit pour un footballeur algérien sous contrat dans un club de quitter la France à ce moment-là, ou est-ce cette fuite collective qui a engendré cette interdiction ?

BG : Je ne sais pas si c’était interdit, mais toujours est-il que Hacène Chabri a fait plusieurs allers-retours entre Monaco, où il jouait, et l’Italie ; et il est arrêté avec, dans son coffre, les valises d’un autre joueur, Amar Rouaï.
K : Il faut ajouter que deux d’entre eux étaient militaires, dont Rachid Mekloufi. Ils faisaient leur service au Bataillon de Joinville. En tant que militaires, vu les événements et sans autorisation, c’est certainement ce qui a provoqué l’arrestation d’un d’entre eux.

Lorsque vous arrivez enfin tous à Tunis, vous n’êtes que 10 joueurs et, de plus, tous les postes sur le terrain ne sont pas représentés ! Comment vous organisez-vous pour jouer ?

RM : Tous les postes étaient bien fournis, mais on était que 10. Finalement, on a trouvé un défenseur, un Algérien qui habitait la Tunisie et qui était bon. Je l’ai d’ailleurs recherché par la suite, mais je ne l’ai jamais retrouvé, je ne sais pas ce qu’il est devenu et il n’aura jamais profité de l’aura de cette équipe.

Javi Rey ©Dupuis

Javi Rey, comment vous êtes-vous documenté pour mettre en scène ces matchs ? Vous avez pu retrouver des photos ou des films ?

Javi Rey : Il existe beaucoup de photos de tous ces matchs de l’équipe algérienne. Il y a aussi beaucoup de documentation concernant la coupe du monde de 1958. Toutes ces photos m’ont aidé, en particulier pour les détails, la façon dont les joueurs étaient habillés et chaussés.

Quels ont été vos partis pris graphiques pour représenter les matchs et restituer le mouvement ? Peut-être pourriez-vous nous commenter cette planche 89, qui offre un beau condensé de votre découpage. On voit que vous utilisez des cadrages divers depuis des gros plans sur les pieds à des plans larges en plongée où on suit le déplacement du ballon grâce à des traits qui donnent au lecteur une idée de l’action sur le terrain.

JR : Ce moment apparaît à un moment de l’histoire où, pour l’équipe, c’est compliqué ; beaucoup de matches ont été difficiles face aux équipes de l’Est, qui sont rudes. L’équipe a décidé d’être plus unie, plus solidaire. L’objectif de cette planche muette est de montrer la circulation du ballon, le jeu collectif, une technique à opposer au physique. Et au final, dernière case, on voit toute l’équipe heureuse
et réunie. Chaque fois aussi qu’il y a un moment d’intensité, on a choisi de montrer les visages des spectateurs, leurs réactions de tension ou de joie. On voit ici deux cases de ces visages dans cette planche pour dramatiser l’action.

Vos images sont souvent dans le registre réaliste. Mais vous jouez aussi parfois sur la suggestion ou la fantaisie quand vous dédoublez le même personnage dans la même image pour le faire sautiller dans tous les sens. Ce jeu sur des images de nature différente n’est pas très courant dans la bande dessinée actuelle. D’où cette envie vous vient ?

JR : Quand j’ai commencé le dessin de cet album, j’ai vu que si je dessinais le mouvement de façon réaliste, cela devenait très rigide. J’ai choisi de laisser de côté l’anatomie, la vérité, le réalisme pour aller vers un dessin plus cartoon. J’ai aussi volontairement éliminé les décors pour focaliser l’attention du lecteur ou favoriser une ambiance. Le fait de démultiplier le personnage dans la même case, c’est aussi une façon d’insister sur la rapidité mais aussi de montrer tous les gestes de déplacement, de dribble…

Petite question de néophyte : le ballon est en cuir marron, il n’est pas encore à cette époque noir et blanc ?

RM : Dans le temps effectivement, les ballons étaient en cuir, avec des lacets et…. ce qu’on appelait une quiquette ! C’est-à-dire une espèce de valve qui sortait pour gonfler le ballon. Le ballon était très lourd. Quand on jouait sous la pluie, c’était pire ! 

Quand on faisait une tête, ça devait être rude ?

RM : Il n’y a que les fous qui font une tête ! En réalité, je ne risquais pas de faire de tête car je n’étais pas bon en jeu aérien ! Mais bon, fallait voir dans quelles conditions on a pu jouer, avec des terrains non entretenus, des vestiaires délabrés et des ballons en piteux état ! Quant aux chaussures, nous les faisions nous-mêmes, au marteau… Maintenant, les joueurs sont vraiment gâtés !

Bertrand Galic ©Dupuis

On voit que cette équipe est très solidaire. Quand l’entraîneur en Yougoslavie veut vous sortir du match car il trouve que vous n’êtes pas dedans, les joueurs s’opposent à son choix et menacent de sortir aussi ! Est-ce que c’était une équipe difficile à coacher, du fait des liens très forts entre les joueurs ?

RM : L’entraîneur, M. Arribi était très sévère. Il était vieux garçon et un peu « jobastre ». Il voulait absolument me sortir ce jour-là, mais moi je ne me trouvais pas particulièrement mauvais. Les camarades étaient persuadés que s’il me sortait, on était fichus, et ils ont refusé !

Ce n’était pas courant des joueurs qui s’opposent comme ça à leur entraîneur ?

RM : N’oubliez pas que c’était la révolution ! Et qu’on était une équipe de rebelles ! Au final, Arribi s’est dégonflé et a dit : « Rachid, tu restes ». Je suis donc resté et j’ai marqué trois buts ! Alors, on m’a demandé pourquoi je n’avais pas marqué en première mi-temps… J’ai alors répondu que je jouais quand j’avais de l’inspiration ! Comme les musiciens !

On accompagne l’équipe sur le terrain, dans les vestiaires, dans le minibus, dans leurs moments de repos avec leur famille ; on est dans l’intimité de ces hommes. Comment avez-vous eu accès à ces informations ? Vous êtes-vous appuyé sur le témoignage de Rachid et d’autres joueurs ou est-ce votre imagination ?

BG : Un peu les deux ! On n’a pas demandé à Rachid des choses trop intimes. On a souvent brodé, en restant dans l’esprit !
K : L’important, ce n’est pas l’exactitude. La moindre minute de 11 joueurs sur 4 ans, cela prendrait des milliers de pages à raconter ! L’important est de trouver des petits moments qui vont donner du sens, être justes par rapport à ce qu’ils ont vécu. La difficulté des familles, par exemple, il faut l’évoquer. Certains étaient mariés
à des métropolitaines, on imagine que pour ces femmes et leurs enfants, tout quitter a été compliqué. Certaines n’ont pas tenu et sont rentrées.

On voit que si l’esprit d’équipe est là, les difficultés sont nombreuses, en particulier financières. Il y a cet épisode du minibus de 11 places dans lequel vous êtes 12 avec l’entraîneur et chacun doit voyager à tour de rôle sur le marchepied ! Dans la bande dessinée, c’est plutôt un épisode humoristique mais dans la réalité, ce n’était pas trop décourageant ?

Retrouvez l’analyse de l’album dans le Cahier des livres Lycées de ce numéro, p.76.

RM : Non, ce n’était pas décourageant car tout le monde était dans le même sac ! Les joueurs, les responsables, comme les politiciens ! Cette égalité de traitement nous a aidé à traverser cette période difficile. Je tiens aussi à remercier les femmes françaises qui étaient avec nous, avec les joueurs et avec les enfants. C’était quelque chose d’incroyable ; je crois que c’est cela qui nous a fait traverser ces quatre années d’une façon zen. Quand on partait en déplacement, plusieurs mois, on était tranquilles ; on savait que les femmes étaient prises en charge et à l’aise. C’était une satisfaction, ce côté humain.Ces femmes ont fait preuve d’un grand mérite ; j’étais en admiration devant elles. Ma femme est là ce soir, elle me supporte toujours…

Dans le sens de supporteur ?

RM : Non, elle ne va jamais au match ! Ça lui donne de l’urticaire ! Parce qu’il y a des réflexions, des commentaires, des mots des spectateurs. Elle ne veut pas entendre cela !

Entendre des gens dire du mal ?

RM : Non, on ne disait pas de mal à Saint-Étienne. Ça a toujours été une ville accueillante qui donnait leur chance aux jeunes. Elle avait un entraîneur, Jean Snella, un humaniste, un amoureux du football d’attaque ; il ne permettait jamais à un joueur de dégager n’importe où, c’était toujours la passe, la passe ! Si Saint-Étienne est devenue comme ça, c’est grâce à lui !

Arrive enfin la fin de la guerre avec les accords d’Évian en mars 1962, et la question qui se pose aux joueurs : que faire à présent ? Retourner jouer en France ou rester en Algérie ? Finalement, vous serez deux à revenir : Amar Rouaï et vous, Rachid. Vous aviez envie de retrouver votre club d’origine, l’AS Saint-Étienne. Quand vous vous trouvez devant le nouveau président algérien Ben Bella, est-ce son avis ou plutôt une autorisation que vous lui demandez ?

RM : Les deux, d’abord pour avoir son autorisation et ensuite pour savoir quelle politique il allait mener pour l’Algérie. Il m’a dit : « Nous avons fait 8 ans de guerre,
ce n’est pas pour qu’aujourd’hui je te bloque ! Tu es libre, tu vas où tu veux ! On va te donner un passeport » ; c’était un passeport tunisien d’ailleurs, car on n’en avait pas encore, les Algériens. J’ai appelé Jean Snella qui m’a dit : « ok, viens passer 6 mois en Suisse et après, on verra ! » J’ai joué avec le Servette de Genève. J’étais un petit peu grassouillet, mais il m’a arrangé !

On voit dans l’album que les joueurs français n’ont jamais eu de ressentiment contre les joueurs algériens d’être partis et, qu’après la guerre, vous avez été bien accueilli dans votre équipe. Finalement, la politique, la guerre, n’ont ni terni, ni changé vos relations entre joueurs ?

RM : Oui, c’est vrai, je remercie les joueurs de Saint-Étienne de m’avoir accepté sans me faire de réflexions : « pourquoi tu es parti ? maintenant, tu reviens…» Je regrette aujourd’hui de ne pas les avoir remerciés à l’époque. Il y avait aussi le danger de l’OAS, des gens qui ne voulaient pas que l’Algérie soit indépendante et qui menaçaient le président de Saint-Étienne. Lui, il avait peur et il avait fait poster des policiers en civil. Saint-Étienne jouait en 2e division et habituellement, il y avait 10 000 ou 12 000 personnes environ aux matchs ; mais lors de ce match contre Limoges, quand je suis revenu, il y avait au moins 20 000 personnes ! On est rentré, les deux équipes, ambiance glaciale, pas un bruit…. Je me suis dit : « Rachid, aujourd’hui, c’est ta fête ! » On avait le ballon, on me l’a passé, j’ai fait des petits trucs, je ne me rappelle même plus quoi et au final, j’ai donné le ballon à Robert Herbin qui a marqué. La foule était en liesse : ils étaient donc venus pour voir le footballeur, pas le fellagah, le révolté ou le déserteur. Ils sont venus pour voir le footballeur, en se disant : « est ce qu’il est toujours à la hauteur ? »

Et vous l’étiez !

RM : Plus que cela ! Quand j’ai quitté Saint-Étienne en 58, je ne faisais que marquer des buts… C’était déjà pas mal, mais je ne savais ni faire une passe, ni faire un une-deux, je ne voulais pas faire de relais… Et je reviens avec une technique extraordinaire, apprise grâce à cette équipe algérienne où il y avait des génies ! J’étais devenu un stratège du foot et cela m’a permis d’obtenir le capitanat de l’équipe de Saint-Étienne ; ou alors, ils me l’ont donné parce que j’étais vieux ! Il m’a ensuite été enlevé en 1968 juste avant la coupe de France, je ne sais pas trop pourquoi. J’ai dû faire une déclaration à un journal qui n’a pas plu… bref, c’est du passé ! Au final, cela a été ma chance.

Est-ce qu’on peut dire que cette équipe a influencé le foot algérien, aussi bien dans les techniques de jeu que moralement ?

RM : Si je parle de cette équipe d’Algérie, je risque de paraître prétentieux ! Tous ces joueurs que vous connaissez, les Madjer, Belloumi, Assad qui ont fait la coupe du monde 82, ce sont tous mes élèves, mes enfants ! Je ne leur ai pas appris à jouer au foot, non, ils le savaient déjà. Mais je les ai disciplinés, guidés, orientés. Ils sont devenus des hommes ! Et ça, c’est le plus important ! Excusez-moi de ce que je vais dire, mais je ne regarde plus le football à la télévision à cause des joueurs qui sont des petits rigolos, qui se mettent la gomina, qui quand ils marquent un but, se jettent sur le terrain ! Le football, c’est autre chose ! C’est savoir faire une passe, faire une fausse piste, marquer des buts…

Qu’aimeriez-vous que cet album fasse découvrir ou provoque chez les lecteurs ? Ou quel type de public aimeriez-vous toucher ?

BG : C’est un album pour tout public. Je pense qu’on peut à la fois intéresser des amateurs et des non-amateurs de foot, des amateurs d’Histoire, des jeunes, des moins jeunes…En dédicace, des gens nous disent qu’ils n’aiment pas le foot, mais qu’ils ont aimé l’album. Rien ne peut nous faire plus plaisir !

Aimeriez-vous développer d’autres récits qui mêlent sport et Histoire ?

BG : Oui, avec Kris, on a des projets en ce sens pour cette collection Aire Libre chez Dupuis. Le prochain devrait être sur le cyclisme…

Questions du public

Je suis supporteur de Saint-Étienne depuis 1958, et fasciné par le choix que vous avez fait de quitter un certain confort et renoncer à la Coupe du Monde pour vous lancer dans cette aventure. Aviez-vous conscience des conséquences de votre geste, de sa portée symbolique et politique ? Aviez-vous mesuré les dangers que cela représentait pour vous ?

RM : Les dangers quand on a 22 ans, on n’y pense pas du tout ! J’étais accompagné par des garçons qui avaient de l’expérience, en qui j’avais confiance. Mon seul problème était le fait d’être militaire, je risquais en effet d’être traduit devant un tribunal militaire. Mais on ne savait pas ce qui allait se passer, on était ignorant de pas mal de choses. Du point de vue technique, on ne savait même pas si on avait une bonne équipe, et ensuite on ne savait pas non plus si on pouvait ou devait jouer. On ne réfléchissait pas à cela, nous n’étions pas des enfants gâtés. À l’époque, je gagnais 650 francs par mois, ce n’était pas des millions comme maintenant. On était des professionnels de façade !

Comment les scénaristes ont-ils pris contact avec Javi Rey ?

K : La semaine où on a décidé avec Bertrand de travailler sur cette histoire, la première question qu’on s’est posée a été : « quel dessinateur va accepter de dessiner cet album ? » Vous n’êtes pas sans ignorer que les auteurs de bande dessinée ne sont pas obligatoirement les plus grands sportifs du monde, même si on y trouve des footballeurs : on peut citer Guillaume Bouzard ! Mais on ne s’imagine pas à quel point dessiner du sport et le mouvement est compliqué pour un dessinateur. On savait qu’il fallait s’éloigner du réalisme pour aller vers quelque chose de surréaliste. Quand chacun d’entre nous s’essaie au foot, et qu’on fait une reprise de volée dans la lucarne, on a l’impression d’être le meilleur avec une force de frappe extraordinaire. Mais si on vous avait filmé en train de le faire, on aurait vu un type désarticulé, qui met un coup de chausson dans une balle qui arrive mollement à la lucarne ! Le football est aussi une représentation mentale. Quand on joue, nous, on s’imagine faire des choses qui ne sont pas obligatoirement réelles. Le dessin devait sublimer la réalité pour rendre toute cette énergie qu’on a le sentiment de mettre ou de voir dans un match de football.

La semaine où on a décidé d’attaquer le livre, j’ai reçu un mail de Javi Rey, un jeune auteur pas encore connu, puisqu’il réalisait son premier album. Il avait lu un de mes bouquins, Un homme est mort, et m’a dit qu’il aimerait qu’on fasse ensemble une histoire semblable ou un documentaire sportif. Jamais un dessinateur ne m’aurait répondu cela… On avait l’impression qu’il nous tombait du ciel, pile au moment où on démarrait ! Les grandes aventures humaines ou artistiques démarrent souvent sur des coïncidences comme celle-ci. On a bien regardé son dessin, on s’est rendu compte qu’il avait tout à fait cette énergie nécessaire. En plus, il est de Barcelone, c’est quand même une histoire d’Algériens raconté par deux Bretons et un catalan, une vraie posture politique !

Et puis, après trois ans et demi de travail ensemble, on s’est rendu compte que, jeune étudiant, il avait sollicité un agent pour faire des essais de bande dessinée en France. L’agent lui avait envoyé quelques scénarios pour qu’il fasse des essais et un de ces scénarios était de moi ! On s’en est rendu compte il y a une semaine en retrouvant des archives, ce qu’on avait complètement oublié tous les deux. On était bien fait pour travailler ensemble !

Rachid Mekloufi, est-ce que vous vous aimez en dessin ? Quand vous vous voyez sur la couverture de cet album, qu’est ce que cela vous inspire ?

RM : Les chaussures sont extra ! Ce sont exactement les chaussures qu’on avait à cette époque-là ! Dures et pointues. On avait des crampons qu’on devait mettre quand il pleuvait… Sinon, je n’ai pas des cuisses comme ça ! Je suis beaucoup plus chétif, lui, sur cette couverture, il est trop costaud ! Mais je ne regarde pas le joueur, je regarde ce qu’il y a derrière, les personnages autour. En tout cas, je suis content de cet album, c’est une très bonne idée, unique. Bon, il y a eu des livres… Naït-Challal en a écrit un et m’avait dit : « je ne peux pas écrire une histoire où il y a trente bonhommes ». Je lui avais alors répondu : « et bien, tu prends les meilleurs et puis c’est tout ! » Au final, il a pris les gens qui ont fait l’essentiel des matches. Mais ça a vexé beaucoup de mes camarades car ils n’étaient pas dans le livre. Là, je crois qu’on y est presque tous.

Selon vous, Rachid Mekloufi, les sportifs doivent-ils donner leurs opinions politiques ou au contraire, rester neutres ?

RM : On a souvent tendance à mettre les sportifs de côté de la vie de tous les jours et de la vie politique. Mais on a le droit et on peut donner notre avis, donner même des orientations aux politiciens, ce n’est pas interdit. Dans le temps, c’était interdit de parler politique dans le club. Je trouve cela anormal.

Je suis heureux de découvrir cette histoire que je ne connaissais pas du tout. Que représente pour vous cette bande dessinée, l’existence de ce documentaire ?

RM : C’est de pouvoir révéler l’existence de cette équipe qui a bourlingué à travers l’Europe et le Moyen Orient et qui a représenté un peuple.

Une parution du livre est-elle prévue en Algérie ?

K : On l’espère ! On fera tous les efforts de notre côté pour que ce soit possible…. Notamment d’un point de vue financier. Cette bande dessinée est chère, car c’est un gros livre de 116 pages, long à fabriquer. Un livre à 24 euros, on n’a peu de chances d’en écouler beaucoup. L’idée, si on le fait en Algérie, c’est de pouvoir proposer l’album au plus grand nombre. Donc, d’aller vers une version plus économique, une version souple, car la couverture cartonnée coûte très chère. Depuis un an, Dalila Nadjem, la personne responsable des éditions Dalimen et qui dirige le Festival International de la BD d’Alger, est intéressée pour le faire mais dans une version proche de la version française ; on a donc plusieurs pistes pour le faire éditer. On ne sait pas encore en quelle langue il sera édité : en français, en arabe, mais quel arabe, le littéraire ou celui de la rue ? Voilà les questions qui se posent. Il y a une tradition de la bande dessinée en Algérie avec des grands auteurs. En septembre dernier, nous sommes allés à ce Festival et on y a senti une énergie incroyable du public, 60 000 personnes un samedi après-midi, une moyenne d’âge de 15-20 ans et une motivation très forte de jeunes auteurs et aussi d’auteurs qui ont travaillé dans les années 70/80 avec toutes les difficultés liées à la décennie noire. On sent cette énergie autour de la bande dessinée avec des fanzines de jeunes auteurs qui font de la bande dessinée documentaire ou du dessin d’actualité politique, contrairement à ce qu’on pourrait croire. J’aimerais bien que cette bande dessinée soit éditée en Algérie, car c’est un livre de réconciliation et non de conflit.Ces hommes n’ont pas pris d’armes, n’ont pas tué ; la guerre les a obligés à choisir un camp.

Un immense merci aux auteurs invités !

Que sont ces thèmalires devenus ?

Des rayonnages ? Oui, mais vides !

Bon, pas trop quand même… L’idéal serait que nos rayons se vident aussi vite qu’ils se remplissent. On a le droit d’y croire, non ? Mais tout en gardant les pieds sur terre, force est de constater qu’un livre que l’on n’a pas lu, sagement rangé dans son rayon, a beaucoup moins de chance de découvrir le plaisir d’être emprunté que son voisin, dont tout le monde parle, et qui trône fièrement sur le bureau du doc ! Sans enfoncer trop de portes ouvertes, quelques idées pour faire sortir les livres…

Les sélections thématiques

Pas de souci, InterCDI a travaillé pour vous, et les Thèmalires sont là pour vous aider. Tout l’art de la mise en scène pourra ensuite être appliqué.
« La Chine » ? Pourquoi ne pas réutiliser les décos des supermarchés lors du Nouvel An asiatique ? Vous ferez en outre un geste pour l’environnement en les empêchant de partir à la poubelle. « Les enfants et leurs grands-parents » ? Allez, vous avez bien de vieux napperons en dentelle, quelques tasses de thé et une vieille chaise désœuvrée pour vous créer un petit coin cosy ? Et puis, ce sera l’occasion de vous remettre au crochet et au tricot, hyper tendance en ce moment sur la blogosphère. Saviez-vous, d’ailleurs, que c’est le grand retour du macramé ? Bon, OK…
Vous avez trop de citrouilles dans votre jardin ? Les agents ne savent pas quoi faire des grands rideaux noirs de la salle des fêtes ? Votre décor est trouvé pour le Thèmalire « Abominables sorcières ». D’autant qu’avec un peu d’imagination, votre décor pourra servir à nouveau pour « Le roman policier » Les enfants sont très sensibles aux décors que l’on peut installer au CDI. Avec trois fois rien, une ambiance se crée ! Attention néanmoins à respecter les consignes élémentaires de sécurité.

Des sélections hasardeuses

Nos élèves, s’ils restent souvent très exigeants dans leurs choix de lecture (« M’sieur, vous avez un livre avec de l’action, qui fait peur et rire aussi, et qui se passe dans une grotte ? »), sont de plus en plus sensibles à l’idée de hasard et le bookcrossing trouve beaucoup d’écho chez eux. Bon, on ne va peut-être pas laisser tous les livres du CDI un peu partout dans la cour (on pourrait déclencher des hystéries de lectures…), mais au sein du CDI, répartir négligemment quelques livres par ci par là, avec nonchalance, sans avoir l’air de rien, est une idée qui pourrait fonctionner. Attention, on peut aller grandissant dans le machiavélisme : Arthur, votre plus grand lecteur de mangas de 4e, n’a jamais lu de roman ? Ben c’est bête, y’a justement quelqu’un qui a mal rangé Le Carnet de Théo d’Eléonore Cannone… Que fait-il en plein milieu des mangas (que vous aurez judicieusement choisis grâce au Thèmalire « Quelques repères pour comprendre le manga ») ? En même temps, il est vraiment génial ce roman, hein Arthur ? Et voila, un prêt de plus dans la base, et un livre en moins dans les rayons !
Les élèves plébiscitent également les « cadeaux ». Avant chaque période de vacances, par exemple, des lots de livres emballés dans un magnifique papier coloré peuvent être proposés aux prêts. Surprise garantie, et nos élèves découvrent alors parfois des domaines qu’ils n’avaient encore jamais abordés. Pour toutes ces actions, les Thèmalires « Faciles à lire » trouveront largement leur écho.

Jouer sur la corde sensible ?

Ça marche toujours. Une sélection de livres tristes ? Quelques paquets de mouchoirs en papier rendront la présentation attrayante et décalée. Allez dans ce cas faire un petit tour du côté du Thèmalire « Ces romans qui jouent avec nos nerfs ». Mais si vous voulez vraiment toucher le cœur de vos lecteurs, rien ne marche mieux que l’énorme ficelle :
« Je l’ai lu quand j’avais votre âge, ça m’a bouleversé ! ». Avec une ébauche de petite larme au coin de l’œil, l’effet est garanti. Il faut néanmoins savoir qu’une telle démarche va déclencher un tonnerre de remarques sympathiques du style : « Mais c’était y’a hyper longtemps, M’sieur ! ». Votre capital jeunesse risque d’en prendre un coup, mais ça fonctionne ! Vous pourrez alors parler à loisir de vos premières émotions littéraires, de votre découverte de la littérature classique… Et aussi étonnant que cela puisse paraître, nos élèves connaissent souvent très bien nos héros de littérature jeunesse, du Club des Cinq à Fantômette en passant par Zora la Rousse. « Ben oui, y’en a chez ma mamie, et comme ma console avait plus de batterie… ». Du coup, vous pourrez échanger avec eux dans un vaste élan
vintage ! Enfin, tout dépend de votre âge… L’une de mes stagiaires expliquait récemment à son club lecture qu’elle avait été fascinée dans sa « jeunesse » par les romans de… Meg Cabot… Vous vous sentez alors soudain très seul, très loin et très vieux…

La force du numérique

Si l’on veut toucher le public le plus large possible dans nos établissements scolaires, l’utilisation du multimédia est essentielle. Un fil Twitter pour le CDI ? Une page Facebook ? Utilisés avec raison et modération, les réseaux sociaux ont toute leur place dans le rôle de médiateur des documentalistes face à la lecture et à la littérature jeunesse. Le travail de veille documentaire pourra être relayé par ces réseaux, en parallèle avec l’alimentation d’e-sidoc et des sites de nos établissements. Ces derniers sont certes très utiles, mais les réseaux sociaux nous permettent de toucher un plus large public, et de faciliter la communication. La page Facebook d’un CDI pourra par exemple être suivie par des écrivains, des parents d’élèves, des illustrateurs…

Critiques en herbe, c’est à vous !

Une fois les livres sortis des rayons, nos chères têtes blondes vont alors commencer la phase intense de la lecture. Mais quel dommage de garder pour soi ses impressions de lecture ! Que ce soit au CDI, au Club Lecture ou dans le cadre d’un cours, nos jeunes lecteurs adorent raconter l’histoire qu’ils viennent de lire. Mais pour donner leur avis, et pire, pour argumenter, c’est une autre paire de manche… Plusieurs solutions s’offrent alors à nous…

Restons classiques… ou pas

Nous ne reviendrons pas sur la fiche de lecture traditionnelle, que l’on pourra déposer dans un classeur ou dans un environnement numérique. Avec un travail d’accompagnement, des critiques des ouvrages peuvent également être réalisées ; et, pour les présenter à l’oral, l’émission littéraire prend tout son sens. Après un travail de réflexion autour du journalisme et de l’interview, les lecteurs seront alors amenés à participer à une fausse émission de télé ou de radio, dans laquelle ils devront raconter leur histoire, donner leur avis sur le livre. Le journaliste pourra alors les pousser dans leurs retranchements, afin d’argumenter au maximum. Un décor pourra être réalisé en amont, dans le cadre d’un club ou du cours d’arts plastiques, par exemple.
Et pourquoi pas un EPI ? « Réaliser une émission littéraire, connaître les métiers de journalistes, chroniqueurs littéraires, réaliser un plateau de télévision, connaître les outils numériques ». Les albums se prêtent particulièrement bien à cet exercice, car ils fournissent un support visuel qui peut soutenir les lecteurs que l’oral déstabilise trop. Une aide anti-trac, en quelque sorte. Dans ce cas, le Thèmalire « Lecteurs curieux, à vos albums ! » sera votre allié.

L’incontournable boîte

Parmi les nombreuses activités possibles, la boîte mystère, ou boîte à mystères, ou boîte mystérieuse, se révèle un outil des plus efficaces. Le principe en est très simple. Une fois l’histoire lue, il s’agit de réaliser une boîte, dans laquelle seront placés des objets, qui seront ensuite utilisés pour raconter l’histoire à la classe, à l’oral. À la fois source de créativité et d’originalité, cette boîte peut se révéler également une « béquille » pour ceux que l’oral rebute, car les objets pourront l’aider à franchir le cap.
Cet exercice prend véritablement tout son sens s’il est réalisé à fond et dans les règles de l’art. Il s’agit de demander un véritable exercice de création, d’inventivité, en jouant sur les symboles, le non-dit, les sous-entendus parfois. À ce titre, les boîtes mystère peuvent être réalisées à plusieurs niveaux. Si les plus jeunes de nos élèves y voient une façon d’exercer leurs talents de bricoleurs, les plus grands pourront davantage chercher le second degré. Le choix des objets devra se faire soigneusement. Lors du passage à l’oral, nos lecteurs peuvent alors s’appuyer sur les objets, afin de proposer une présentation vivante et agréable, en jouant parfois avec l’auditoire, selon les objets choisis.
La création de boîtes mystère thématiques peut également booster la créativité de nos jeunes lecteurs. Les Thèmalires « Rêves d’Afrique », « La dystopie » ou encore « Du parfum et des odeurs », par exemple, pourront être utilisés à bon escient pour cet exercice de création.

Voici donc quelques exemples qui pourront faire vivre nos Thèmalires. Ce ne sont bien entendu que quelques idées parmi tant d’autres. Alors, soyez créatifs, et sortez-moi tous ces livres des rayons !!!

Ecriv’E.N.

La genèse et l’esprit du projet

Initié par Frédéric Miquel, IA-IPR de lettres, et porté par Marie Gola, chargée de mission à la DAAC sous l’autorité de Michèle Bartolini, déléguée académique à l’éducation artistique et culturelle, ce projet propose aux adultes membres de l’Éducation nationale de partager leurs créations littéraires.
Il s’inscrit dans la lignée du Florilège1 international des écrivains en herbe, projet éditorial de l’académie de Montpellier, qui depuis 2009 valorise les textes écrits par les élèves et étudiants issus de la francophonie. Le Florilège publie des textes d’abord sous forme numérique puis chaque année un volume sélectionne les meilleurs écrits et paraît au moment de la Comédie du livre de Montpellier, événement littéraire de grande importance. Depuis la création du dispositif, des milliers de contributeurs et des centaines d’établissements en France et à l’étranger constituent une communauté créative. C’est donc tout naturellement qu’est née l’idée de prolonger cette initiative en la proposant aux adultes.
Ainsi, un premier appel ÉCRIV’E.N lancé en janvier 2014 a permis de rassembler une centaine de textes et une cinquantaine de contributeurs. Une trentaine de lecteurs a constitué des comités de lecture composés de membres de l’Éducation nationale et de la chaîne du livre (auteurs, éditeurs, libraires, traducteurs…), de structures culturelles, ou de simples amateurs de littérature.

Dès sa création, ÉCRIV’E.N. a fait écho à un réel désir de partage dans le milieu professionnel : les manuscrits qui ont afflué étaient souvent accompagnés d’encouragements et de témoignages enthousiastes. La diversité des contributeurs – enseignants de toutes disciplines, membres du personnel administratif, techniciens, etc. – révèle le potentiel créatif de notre institution, et le besoin de se rassembler dans une activité qui traverse les divisions traditionnelles. C’est tout le sens et l’enjeu de ce projet qui souhaite susciter un dialogue fécond en dépassant les frontières habituelles des fonctions, disciplines, générations et origines géographiques.

Les valeurs d’Écriv’E.N

ÉCRIV’E.N. est une opération sans but lucratif, qui n’entre aucunement en concurrence avec les maisons d’édition professionnelles. Elle consiste à créer un espace au sein duquel des membres de l’Éducation nationale qui écrivent peuvent offrir leurs créations littéraires à des lecteurs.
Les fondateurs de ce projet sont convaincus de la nécessité de placer la création littéraire au cœur de leurs activités professionnelles et de leurs vies de femmes et d’hommes. Pour eux, elle est non seulement un facteur d’épanouissement personnel, mais elle permet aussi de tisser du lien et de donner du sens à nos existences sociales. Ils pensent que l’acte créateur est consubstantiel à toute éducation authentique et que sa force expressive peut contribuer à renouveler les pratiques de l’École et le regard porté sur ses acteurs, qui œuvrent au service des élèves et des étudiants.

Les comités de lecture

Les textes sélectionnés par les comités de lecture font l’objet d’une publication sur le site de lettres de l’académie de Montpellier. Les comités de lecture fonctionnent par la confrontation de regards portés sur les textes : l’acte de lecture est conçu comme subjectif. Les lecteurs ne sont pas dans une posture d’évaluation mais de réception. Ainsi, il nous a paru important de multiplier les lectures (au moins trois par texte) et le statut des lecteurs. Chaque comité de lecture fonctionne de préférence en trinôme et se voit proposer un nombre de textes et un calendrier très raisonnables. La publication est alors le résultat d’un échange, par courrier ou en direct, autour des textes. Après délibération, chaque lecteur adresse à la direction de la publication un avis éditorial argumenté, qui est transmis aux auteurs. Ces avis sont souvent de véritables aides pour les auteurs qui peuvent y trouver des pistes de travail et de réécriture.

Les appels à contribution

En 2015, deux appels successifs autour des consignes : « Découvrir » puis « Embarquer » ont été proposés, ainsi qu’une contrainte de longueur. Des consignes volontairement simples, qui ouvrent et permettent de mettre en mouvement.
En février 2016, un nouvel appel à contribution a permis de suivre la phrase de Rilke : « Pour celui qui crée, il n’y a pas, en effet, de pauvreté ni de lieu indigent, indifférent ». Il s’agissait d’explorer une écriture pour dire le simple ou les simples, la pauvreté et le dénuement, de célébrer la richesse du peu. Une proposition que les auteurs ont explorée avec beaucoup d’inventivité.
En juin 2016, un nouvel appel est proposé, avec deux propositions qui peuvent permettre de prendre en compte la diversité des contributeurs. (cf. encadré ci-contre). En septembre 2016, un concours de nouvelles, en partenariat avec des éditeurs et un jury présidé par une personnalité du monde littéraire sera proposé. Vous pourrez en découvrir les modalités à la rentrée sur le site des lettres. Lors de ces appels, le cadre de la consigne ainsi que des contraintes de longueur ont demandé une plus grande exigence. Il s’agissait donc de fédérer les textes dans une démarche différente de celle qui avait ouvert le projet : écrire à distance certes, mais dans l’esprit d’un atelier d’écriture, dans un cadre qui rassemble, qui confronte les textes autour de problématiques littéraires. Moins de manuscrits donc mais une démarche collective qui permet aussi de donner des perspectives pour le devenir du projet.

Les partenaires

Grâce à un partenariat avec le Master des métiers du livre et de l’édition de l’Université Paul Valéry, impliqué aussi dans le travail de préparation du manuscrit du Florilège, un site dédié au projet Écriv’E.N. vient de voir le jour, ce site sera mis en ligne dès la rentrée 2016 et a pour ambition de présenter les textes retenus par les comités mais aussi de devenir un espace d’échange. Ainsi, nous avons pour objectif, en 2017, la création d’une revue littéraire afin de publier les textes sélectionnés mais aussi de rassembler les contributeurs autour de propositions d’écriture, de colloques, de rencontres. L’inspection des lettres de l’académie de Montpellier valorise aussi les écritures créatives par le biais de formations dans les établissements scolaires. C’est donc une synergie d’actions qui crée la dynamique de l’ensemble de ces projets. Par exemple, certains enseignants sont à la fois impliqués dans le Florilège avec leur classe et dans Écriv’E.N. à titre individuel, comme auteur ou comme lecteur.

La dimension internationale des deux projets, Florilège et Écriv’E.N., est relayée grâce aux réseaux actifs de l’AEFE (Association pour l’enseignement du français à l’étranger) et de la FIPF (Fédération internationale des professeurs de français) avec laquelle une convention est signée. Le soutien de l’OIF (Organisation internationale de la francophonie) en 2013 renforce leur ancrage dans le monde francophone. Ainsi, la communauté d’écriture s’est constituée hors des frontières géographiques.
Cette communauté est embarquée dans une aventure humaine avant tout : c’est dans un esprit collectif que nous souhaitons faire évoluer ce projet qui se nourrit des propositions de chacun.

Appel à contribution

Pour cet appel de l’été, deux propositions différentes. Ludiques certes, mais qui invitent à explorer les potentialités étonnantes de la langue. Il est possible de choisir l’une ou l’autre de ces propositions, mais pour ceux qui auraient du mal à faire un choix, il est aussi possible de rédiger deux textes. Ou, pour les plus hardis, de tenter de combiner les deux contraintes !

Proposition 1 : dialogues

… de sourds ou de dupes ; dialogue social ou philosophique ; de bêtes ou de Bohm ; marivaudage
ou Diablogues à la Dubillard ; où les mots s’emmêlent comme chez Tardieu. Qui parle ? À qui ? Pourquoi ?
Il s’agit de s’effacer derrière des paroles, des conversations, théâtrales ou pas, de donner la parole à des personnages, de laisser l’initiative aux mots.
Nous proposons donc de faire la démonstration du potentiel dynamique du langage lorsqu’il rebondit entre des protagonistes, qu’il brouille les frontières entre écrit et oral. Des mots à la volée, pour mieux communiquer ou pour encore mieux se faire la guerre.

Proposition 2 : palimpseste et anamorphose

Des jeux troublants pour perdre le lecteur dans les méandres de traces successives, en partie ou totalement effacées ; des réalités cachées entre les lignes ; des disparitions et des réapparitions ; des points de vue qui diffractent la réalité. Les textes peuvent fournir des trames dans lesquelles il serait question de découvrir des manuscrits anciens, des toiles de maître dissimulées sous des paysages sans valeur, des messages et des symboles. Mais les mots peuvent aussi ouvrir des voies poétiques, des univers en cascades, des mises en abyme, des secrets indicibles, des métaphores obscures…
Vous l’aurez compris : nous vous proposons de composer un texte truffé de pièges. Et nous ne demandons pas mieux que de nous laisser prendre.

Les textes ne dépasseront pas 12 000 signes. Ils seront lus par des comités de lecture et publiés après sélection sur le site des lettres de l’académie de Montpellier. Vous joindrez à votre texte l’autorisation de diffusion signée que vous pouvez télécharger sur le site.

Double vie : être à la fois professeur documentaliste et auteur

Nombreux sont les professeurs documentalistes qui rédigent des textes en tout genre sans jamais oser tapoter à la porte d’un éditeur. Certains comme Jean-Paul Nozière l’ont fait. Documentaliste dans un collège pendant 25 ans, il n’a cessé d’affûter sa brillante plume. Et il n’est pas le seul ! De nombreux autres publient des livres hors de leur domaine strictement professionnel.
Des noms sont familiers comme auteurs mais méconnus comme professeur documentalistes : le talentueux Eugène Ébodé, la reine des albums pour enfants Christine Naumann-Villemin, les romancières chères aux adolescents Pascale Perrier et Florence Aubry…
À l’inverse, parfois c’est le professeur qui éclipse l’auteur : Alain Gurly écrit par exemple aujourd’hui sur les Cévennes avec la même vigueur qu’il consacra à la documentation. Clotilde Chauvin, Danièle Fossette, Philippe Tomblaine, Danièle Weiler, remarqués pour leurs actions en documentation, ont également des expériences d’auteur.
D’autres noms sont à découvrir : Murielle Compère-Demarcy, Marion Lecoq, Céline le Gallo, Stéphane Lefèbvre, Stéphane Letourneur… À tous, sans hélas pouvoir être exhaustif1, nous leur avons posé trois questions : comment ont-ils franchi le cap ? ; comment parviennent-ils à concilier les deux activités ? ;  et quels liens tissent-ils entre l’auteur et le professeur documentaliste ?
Ils ont tous répondu avec une gentillesse, une humilité et une sincérité désarmantes.

DEVENIR AUTEUR

Comment franchir le cap ?

« Tu ne voudrais pas écrire un livre avec moi ? »2, lance un enseignant d’histoire-géographie à la professeur documentaliste. La scène se passe dans la salle des professeurs du lycée français de Singapour. Danièle Weiler répond par l’affirmative, écrire est une vieille envie. Après quatre années de labeur acharné et d’intense collaboration, un beau livre de 240 pages voit le jour en 2011 : Les Français à Singapour de 1819 à nos jours. Voici où peut conduire l’habitude de travailler ensemble ! Car c’est la reconnaissance du travail effectué en commun, plus que l’amitié, qui a incité le professeur d’histoire à se tourner vers le professeur documentaliste. Leur habitude des séances en duo sera décisive pour mener en harmonie le projet avec un éditeur exigeant et sans concession.
Les déclics sont nombreux. Une amitié entre deux professeurs peut être un point de départ : « J’avais commencé un texte sans trop de motivation, et la parution du premier roman de Marion (Marion Lecoq) m’a fait l’effet d’un électrochoc et je me suis lancée. Marion a corrigé mon texte et m’a encouragée » révèle Sophie Bénastre, publiée chez Oskar Jeunesse. Arlette Chauffour se lance, quant à elle, en participant au concours Gallimard Jeunesse de l’été 2012.

Le travail de professeur documentaliste est souvent complètement lié à ce saut vers la publication. Dans le cadre de ses fonctions, Clotilde Chauvin prépare en 2007 une exposition sur Louise Michel pour marquer le centenaire de sa mort. « En consultant les documents (monographies, presse, etc.) et différentes biographies sur Louise Michel, j’ai constaté un “trou” de 3 mois dans sa biographie ». De ce blanc, qui correspond à un voyage fait en Algérie, elle en tire un livre : Louise Michel en Algérie3.

« J’avais très peur de me jeter à l’eau ! » confie Jean-Paul Nozière aux lecteurs de son site4. Après avoir été professeur d’histoire-géographie, il devient professeur documentaliste en 1978 et ses livres sont publiés dès 1979. Il reconnaît totalement sa dette à la documentation, plus encore que les conditions de travail, c’est la familiarité avec l’édition jeunesse qui fut décisive :
« Devenir documentaliste m’a offert deux choses. D’abord davantage de temps. Jusque-là maître auxiliaire passant de poste en poste, héritant souvent de lourdes classes de 2de et 1re, je disposais de peu de temps libre. Déplacements, déménagements, corrections d’énormes paquets de copies, préparations de cours, jamais les mêmes… Enfin en poste au même endroit et professeur documentaliste, je pouvais respirer, penser à autre chose que mon travail. Ensuite, m’adresser à un éditeur m’effrayait jusque-là. Ces maisons parisiennes me semblaient des ogres qui ne regarderaient jamais une ligne de ce provincial qui envoyait un manuscrit par la poste. (…) Mais doc, je me familiarisais avec d’autres noms d’éditeurs qui me semblaient être des amis, en somme, puisque je les tenais tous les jours entre mes mains. Ils ne m’effrayaient plus du tout, ces noms-là : Nathan, Rageot, l’École des Loisirs… Même Flammarion n’était pas le Flammarion de la littérature adulte ! Je pouvais envoyer des textes à ces éditeurs si proches. Et c’est ce que j’ai fait. »

Côtoyer tous les jours des noms d’éditeurs les banalise presque : « Plus tard, en 1995, quand j’ai écrit mon premier roman pour adultes, je n’avais plus du tout ces frayeurs de provincial impressionné par le gotha parisien des éditeurs… et j’ai envoyé, sans me poser de questions, ce manuscrit à Gallimard, qui l’a publié dans la collection Série Noire. Puis ce sera le Fleuve Noir, le Seuil et maintenant Rivages, autant d’éditeurs auxquels je n’aurais jamais osé m’adresser avant d’être passé par la case éditeurs jeunesse. »

Même hommage à la littérature jeunesse de Stéphane Letourneur, auteur de plusieurs biographies sur le rock : « Le fait de devenir professeur documentaliste (à peu près en même temps que le fait de devenir papa) m’a fait découvrir la littérature jeunesse et m’a donné envie d’essayer le genre narratif. Ou plutôt de réessayer, plusieurs tentatives ayant échoué auparavant. Je pense que la littérature jeunesse en mettant l’accent sur l’écriture du monde plus que de tourner autour de son nombril m’a décoincé et fait envie ».

La plupart des professeurs documentalistes publiés ont suivi la voie traditionnelle et ont ainsi envoyé un manuscrit à un éditeur : « C’est une très belle aventure qui a commencé il y a maintenant un peu plus d’un an lorsque j’ai reçu un e-mail de Françoise Hessel, directrice éditoriale aux éditions Oskar, qui me disait qu’elle avait beaucoup aimé mon roman et qu’elle souhaitait le publier en 2014. Inutile de dire qu’il m’a fallu me frotter les yeux, me pincer, même, pour être certaine de ne pas rêver », raconte Céline le Gallo à un autre professeur documentaliste, Christophe Boutier, auteur d’un blog sur la littérature jeunesse5.

Florence Aubry se confie également sur sa première publication : « Lorsque j’étais ado, j’avais le goût de l’écriture, mais je ne l’exerçais que dans le cadre scolaire : je me régalais des travaux de dissertation, par exemple. Je n’ai jamais écrit par ailleurs. J’ai commencé à écrire beaucoup plus tard. Je suis tombée sur un article de journal, qui parlait d’un chantier d’autoroute. Cela m’a donné le sujet de mon premier roman, La Disparue d’Aqualud, l’histoire de deux ados qui découvrent des peintures rupestres sous un chantier d’autoroute. J’ai envoyé ce manuscrit à plusieurs maisons d’édition qui ne m’ont retourné que des lettres de refus. Ce n’est que des années plus tard, à l’occasion d’un déménagement, que, retombant sur ce manuscrit oublié, j’ai décidé de retenter ma chance. Cette fois, j’ai envoyé ce manuscrit à deux auteurs, au hasard, dont Michel Piquemal, qui a aimé mon histoire et l’a gentiment transmise à Jack Chaboud, éditeur chez Magnard… grand merci à Michel et à Jack ! »

Mais rechercher un éditeur n’est que la manifestation extérieure du besoin d’écrire. Les professeurs documentalistes auteurs obéissent aux mêmes impératifs que tout auteur : une nécessité impérieuse.
« À mon retour de Madagascar, j’ai senti que je devais parler de ce pays et “exorciser” les images parfois dures qu’il m’avait laissées, comme celles de la misère des enfants des rues. De plus, j’avais rencontré un enfant qui vivait sur les trottoirs de Tana et je l’avais accueilli chez moi pendant plusieurs années. Ensuite, j’ai dû quitter le pays, sans lui. Écrire une histoire à propos des enfants de Tananarive et faire de ce garçon le héros était donc devenu nécessaire, pour ne pas les oublier. C’est ce que j’ai fait avec Le Chasseur de mouches qui continue à être édité. Je crois que l’on écrit souvent par nécessité intérieure.

L’ironie de cette histoire, c’est que j’avais “permis” à cet enfant de ne plus travailler dans la rue et donc d’aller à l’école et d’apprendre à écrire et lui m’a “permis” en retour d’écrire mon premier livre.
(…) Quand j’ai écrit ce premier roman, je l’ai envoyé tout simplement par la poste, persuadée qu’un éditeur allait me donner des conseils pour le refaire et en fait, il a été retenu tout de suite… Et de là, tout s’est enchaîné mais je n’ai jamais plus écrit de second roman pour la même tranche d’âge, n’en éprouvant plus “l’urgence” », confie Danièle Fossette.

Pour Jean-Paul Nozière, cette urgence c’est la guerre d’Algérie, et sans doute la mort d’un ami durant son adolescence (si on en croit son roman Retour à Ithaque). Un choc initial fort qui n’en finit pas de retentir : « La guerre d’Algérie m’a marqué d’une façon telle, et pour des raisons que je ne peux pas expliquer ici en quelques lignes, que dès son déclenchement le 1er novembre 1954, j’ai suivi le déroulement des événements presque d’une façon obsessionnelle. Il faut dire qu’à la maison, mes parents en parlaient énormément. En 1967, j’ai décidé d’aller vivre en Algérie, parce que j’imaginais qu’ainsi je comprendrais mieux ce qui s’était passé. J’ai vécu deux ans à Sétif, là où se déroule Un été algérien et pas très loin de l’endroit où se situe Le Ville de Marseille. Un roman peut se mijoter pendant des années… je n’ai écrit Un été algérien qu’en 1990, et Le Ville de Marseille en 1996. Donc, “j’ai mis” 36 ans pour écrire le premier titre et 42 ans pour écrire le second »4 et 6.
Edwige Planchin, qui a publié pour la jeunesse, livre son poignant témoignage : « J’ai toujours écrit mais j’ai eu envie que mes histoires soient publiées à la mort de mon fils. J’avais des choses importantes à dire et je voulais être entendue. C’était aussi un moyen de prolonger la relation que j’avais avec lui. Quand j’ai appris que mon tout premier livre se vendait, entre autres, en Australie, j’ai eu l’impression étrange qu’un morceau de moi avait voyagé loin, jusqu’à lui… »
Les motivations ne sont pas toujours aussi tragiques. L’auteure d’un unique roman jeunesse, Arlette Chauffour, souhaitait « réaliser enfin la promesse faite par moi et à moi, ado, de témoigner plus tard par écrit de la vie quotidienne lycéenne. Interne de 1962 à 1971 au lycée de jeunes filles de Tulle, établissement devenu collège Clémenceau en 1973 et où je suis arrivée doc en septembre 2006 après maintes pérégrinations professionnelles et personnelles, je m’étais en effet promis les soirs d’extinction des lumières à 20h30 d’écrire sur ce vécu adolescent d’avant et d’après mai 1968. »
Alain Gurly qui a tant compté pour la profession de professeur documentaliste commence à écrire un roman vers 1990, animé par « le désir de transmettre à mon fils le souvenir d’un monde que je voyais disparaître petit à petit7 ». Ce monde c’est celui des Cévennes, auquel il se dévoue.

Des expériences préalables

Aubry Florence

On ne s’improvise pas auteur. Avant d’être publié, tous ont différentes expériences d’écriture. Articles, nouvelles, critiques ou même édition scientifique les professeurs documentalistes-auteurs multiplient les occasions d’exercer leur plume. « J’ai commencé à écrire des nouvelles de SF il y a au moins quarante ans. Puis j’ai écrit des souvenirs d’enfance. (…) Puis, entre-temps et pendant une vingtaine d’années, j’ai publié une Chronique hebdomadaire dans un journal local, Le Pays Cévenol. Cela se nommait Les carnets d’un Réboussier, sachant qu’en langue occitane, Réboussier signifie “original peu conformiste” ! » poursuit Alain Gurly.

Le goût des mots remonte souvent à l’enfance comme pour Marion Lecoq, l’auteure d’Hors Saison, un roman finement ciselé qui mérite d’être mieux connu : « J’ai toujours écrit, depuis que je suis petite. Hors Saison est le premier manuscrit que j’ai terminé. » « Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours tenu un stylo à la main », avoue Céline le Gallo. Roselyne Morel qui a beaucoup publié pour la jeunesse abonde elle aussi dans le même sens : « J’écrivais depuis l’adolescence des bribes de textes descriptifs, poétiques, un journal… J’ai mis beaucoup de temps à m’autoriser à construire une histoire. Petit à petit, les contes, les romans sont arrivés : beaucoup de bonheur et de travail, travail, travail ! ». « Je me suis lancé dans l’écriture à l’adolescence en écrivant de la poésie. Pendant longtemps, je n’ai écrit que cela et des paroles de chansons » renchérit pour sa part Stéphane Letourneur.

La poésie joue un grand rôle dans cet apprentissage, tout comme la rédaction d’article : « Je me suis d’abord lancée dans l’écriture de poèmes et également l’écriture journalistique : j’ai écrit des articles sur Madagascar où je vivais à cette époque-là, pour le compte du magazine Voyager… J’ai été professeur de français et de latin, puis formatrice en Connaissance du monde contemporain et en Culture générale, journaliste-reporter, rédactrice en chef puis professeur documentaliste » précise Danièle Fossette. Pierre Melendez auteur, parolier et écrivain public tourne lui aussi autour du pot (ou de La Touque, pour reprendre le titre de son roman) :
« J’ai également été correspondant local pour Sud Ouest (2010/2012) et les lycéens étaient amusés de lire mon nom sous les articles concernant les villages autour de Mont-de-Marsan ».
Plus rares sont les expériences dans le monde de l’édition comme celle de Marion Lecoq, qui est correctrice et rédactrice de dossiers pédagogiques pour les éditions Petit à Petit. Elle est l’auteure scientifique de Jean de La Fontaine en bande dessinées ou encore des Poèmes de Ronsard en bandes dessinées, souvent présents dans les collections de CDI.

Sans surprise, Jean-Paul Nozière a lui aussi multiplié les écrits avant de se lancer : « J’avais déjà écrit des nouvelles avant 1978, parues soit dans le journal de mon ancienne école, soit dans une revue très confidentielle qui s’appelait Première chance. J’avais même écrit une soixantaine de pages d’un premier roman, déchirées très vite ! ». Et sa première publication en 1979 sera pour le numéro 34 de J’aime lire, Un cheval à l’école. Le premier roman de Pascale Perrier publié chez Rageot, En scène les 5e, est quant à lui au départ un texte prévu pour Je Bouquine !8

Qui sont ces professeurs documentalistes qui écrivent ?

Il est sans doute un peu vain de tenter un profil type du professeur documentaliste auteur, pourtant ils partagent souvent trois passions : la lecture, l’ailleurs et leur métier d’enseignant !

Un peu, beaucoup, passionnément…

Stéphane Letourneur

Sans surprise les professeurs documentalistes auteurs sont tombés tôt dans la marmite des mots et sont des amoureux fous des livres. Ils débordent de déclarations passionnées sur la lecture et dévoilent un parcours qui, de la tendre enfance jusqu’à la maturité, mène à l’écriture : « dès l’enfance, j’ai réalisé que les livres étaient beaucoup plus intéressants et excitants que ma vraie vie », se souvient Jean-Paul Nozière9, avant de passer le témoin à Stéphane Letourneur : « D’abord je me suis lancé dans la lecture. À la fin du collège, au moment où les ados lisent moins paraît-il, j’ai commencé à lire beaucoup. Il n’y avait pas de CDI, mon prof de Français-Espagnol me prêtait des livres… et ne jugeait pas mes lectures. Même si mes biographies rock parlent de la contre-culture et sont le fruit d’une culture non scolaire, je dois beaucoup à l’école de la République et à ce monsieur. Maintenant le rock est au programme au collège. Amusant non ? »

Alain Gurly poursuit : « Depuis que je sais lire, j’absorbe entre 2 et 4 livres par semaine selon la pagination et la difficulté de lecture ». Stéphane Lefèbvre également : « Comme beaucoup d’entre nous, c’est avant tout parce que j’aime les livres, et les romans en particulier, que je suis devenu professeur documentaliste. C’est cet amour du romanesque qui m’a donné envie de faire découvrir toutes ces histoires, d’encourager les élèves à y plonger, et qui m’a poussé à en raconter une pour tenter à mon tour de susciter ce délicieux plaisir que tant d’auteurs m’ont procuré ».

Des documentalistes voyageurs

Edwige Planchin

Les professeurs documentalistes auteurs ne vivent pas que des aventures de papier. Nombre d’entre eux ont une expérience de vie sur une terre lointaine. Jean-Paul Nozière a enseigné de 1967 à 1969 à Sétif, en Algérie. Danièle Weiler a travaillé à Tahiti, fut en poste à Honk-Kong et termine sa carrière à Singapour. Céline le Gallo fut professeur en Autriche. Stéphane Letourneur a sillonné l’Afrique en vélo, Eugène Ébodé a un parcours de personnage de roman10. Danièle Fossette, native du Pas de Calais, enchaîne les vies dans les îles : 6 ans à Madagascar, 4 à Mayotte, elle vit actuellement en Martinique depuis 7 ans : « d’autres îles m’attendent ! Je veux continuer à voyager ! » ; ces expériences étrangères donnent une impulsion décisive à ses écrits : « Dans tous les lieux où je vis, je laisse un ou plusieurs livres empreints de la culture du pays et ma récompense est quand les personnes originaires de ce lieu s’y reconnaissent. J’ai ainsi écrit ce roman sur Madagascar, et des albums et des contes sur Mayotte et sur la Martinique. »

Des documentalistes engagés

Le corps des professeurs documentalistes fait souvent preuve de son dynamisme et de son innovation. Les auteurs documentalistes s’avèrent, risquons le mot, de « supers documentalistes » ! Des professeurs engagés dans leur travail, dans des projets ambitieux et chronophages. Pas question de sacrifier le professeur documentaliste au profit de l’auteur !
Ils sont d’abord créateurs ou animateurs de prix littéraires. Danièle Weiler pour les prix Azimut et Segalen, Agnès Deyzieux pour Une case en plus, prix BD de la Sarthe, Danièle Fossette imagina le projet Césaire autour du monde11. Ils multiplient les clubs lecture, les journaux scolaires et les ateliers d’écriture. Christine Naumann-Villemin écrit et monte une pièce : « un travail titanesque mais très riche ! » avoue-t-elle. Marion Lecoq expérimente les liseuses. Ils s’impliquent aussi dans la littérature ou dans des associations liées au livre, ils organisent des festivals ou font office de critiques littéraires.
Roselyne Morel, qui a publié plus de quarante livres pour la jeunesse, fit partie du Comité de Rédaction de
La Revue des Livres Pour Enfants.

Agnès Deyzieux et Philippe Tomblaine sont des critiques reconnus sur la bande dessinée et le manga, engagés dans le festival d’Angoulême. Agnès Deyzieux fait également partie du Comité de rédaction d’InterCDI et participe au Cahier des livres de la revue. Philippe Tomblaine présida aussi l’Apden (ex Fadben) Poitou-Charentes jusqu’en 2015. Il est un nom familier des listes de diffusion comme le fut Alain Gurly, le créateur innovant de docspourdocs. Danièle Weiler gère la liste Azidoc pour les CDI d’Asie. Clotilde Chauvin toujours à la pointe du numérique, gère la liste et le site des documentalistes de la Mission Laïque, son compte Twitter est à suivre.

La vie d’auteur

Agnès Deyzieux

Les professeurs documentalistes auteurs ont des profils parfois très différents. Tous les cas sont possibles, d’une unique publication à l’édification d’une œuvre. Nombreux sont les professeurs documentalistes auteurs d’un seul livre, qui n’osent ainsi pas se revendiquer « auteur » : « mon livre est sorti en octobre 2013, j’avais 62 ans et je suis partie à la retraite un an plus tard. C’est mon premier et unique roman, aussi le titre d’auteur est un peu « surfait » pour moi ! », écrit ainsi Arlette Chauffour.
Même réserve chez la passionnée du manga et de la BD, Agnès Deyzieux : « je me considère plutôt comme une médiatrice de la bd et du manga plutôt que comme une auteure ». Céline le Gallo5 déclare : « Disons que je suis une “passeuse de mots, une gribouilleuse ou une raconteuse d’histoires”. Et si j’arrive vraiment à être ça, j’en serais ravie ! ».
Alain Gurly précise quant à lui : « Je suis donc un simple auteur au sens où je suis bien l’auteur de ce que j’écris ! Pour le reste je ne suis qu’un “raconteur” d’histoires ». On peut avoir un faible pour la jolie formule de Stéphane Lefèbvre : « Je suis un lecteur qui a écrit un livre… et qui essaie d’en écrire un second ! »

Les exemplaires

Pour Stéphane Lefèbvre, son coup d’essai fut un coup de maître. En 2009 son premier manuscrit, un roman policier, est retenu par l’éditeur Les Nouveaux Auteurs pour participer au concours VSD. Il remporte le premier prix : Opale rencontre des lecteurs, un succès d’estime et une publication dans Le Livre de Poche. 35 000 exemplaires vendus. Le cas est rare !

Opale, Stephane Lefebvre

Philippe Tomblaine battra sûrement le record de son collègue avec La Seconde Guerre mondiale dans la bande dessinée. Paru en juillet 2015 il fut vite épuisé, mais le tirage initial était modeste. Il est de nouveau disponible. L’auteur explique que « L’éditeur PL ne prend que des risques limités sur le genre para-bd, qui reste toujours compliqué à vendre auprès du marché des collectionneurs d’albums, puisque le premier tirage n’est que de 800 exemplaires. On s’estime donc heureux lorsque 1 000 exemplaires ont été écoulés. À titre de comparaison, certains de mes précédents ouvrages comme Pirates et Corsaires dans la BD ou Spirou, aux sources du S. ont dépassé les 1 500 à 2000 exemplaires ».

Force est de reconnaître la transparence des professeurs documentalistes qui livrent volontiers le nombre d’exemplaires vendus et les déboires avec les éditeurs. L’ambition de Pierre Melendez était de vendre plus de 100 exemplaires de façon à être référencé à la BNF ! Pari réussi. Alain Gurly ne cherche pas fortune : « Je suis membre de la Société des Poètes français et j’écris de la poésie presque tous les jours. Mais c’est une denrée invendable ou presque ! J’ai dû vendre 30 exemplaires de mon bouquin de fables à la mode de La Fontaine ! M. François Cheng de l’Académie française, qui m’a remis un jour un prix, me l’a confirmé… sans que je le lui demande !… Mais il faut savoir que les auteurs comme moi ne font aucun bénéfice de leurs œuvres. C’est pratiquement du bénévolat ! Bien contents lorsqu’ils se remboursent de leurs frais ! »
Marion Lecoq livre également : « Pour vous répondre sur les chiffres de vente de Hors Saison en numérique/papier, je n’en ai malheureusement aucune idée ! La maison d’édition ayant fermé, je n’ai plus reçu aucun chiffre de vente, ni aucune rémunération, après la première année »12.

Les éditeurs

À l’image de la mésaventure de Marion Lecoq, les relations avec les éditeurs sont plus que contrastées.
Eugène Ébodé et Gallimard célèbrent un heureux mariage : « Gallimard est une institution, certes, mais d’abord une maison familiale où je me sens très bien. La relation à Antoine Gallimard est d’une simplicité et d’une intensité que vous pouvez difficilement imaginer, de même que mes relations avec mon éditeur, l’écrivain et traducteur Jean-Noël Schifano ». Philippe Tomblaine livre cette anecdote pour les dossiers qu’il réalise chez Magnard : « la première mouture de dossier réalisé m’indiquait en tant que “Professeur de Lettres Modernes”. Rectification effectuée rapidement ! ».

Jean-Paul Nozière travaille avec plus de 20 éditeurs : « Changer d’éditeur est une bonne façon de progresser dans son écriture. Rester chez le même éditeur est une bonne façon de tourner en rond, de se répéter, tant dans le fond que dans la forme »13.

Alain Gurly s’est tourné quant à lui vers l’auto-édition. Un choix revendiqué : « Après une expérience d’édition plutôt ratée, j’ai choisi l’auto édition. J’ai commencé par imprimer et façonner mes bouquins moi-même ce qui est amusant, mais limité. Dès que j’ai dû diffuser plus d’exemplaires (deux ou trois cents), j’ai atteint l’overdose. Donc j’imprime chez un imprimeur à compte d’auteur. D’ailleurs mes histoires n’intéressent pas un éditeur. C’est du terroir très local et je ne crois pas que cela puisse vraiment passionner un breton ou un alsacien ! »

Les rencontres avec les classes

Un autre plaisir d’auteur peut être la rencontre avec des lecteurs. Que se passe-t-il lorsqu’un professeur documentaliste se retrouve dans la peau de l’auteur invité ? Jean-Paul Nozière demande que toute la classe rencontrée ait lu le même titre.

Pascale Perrier aime revoir les élèves et les lieux d’enseignement : « Je me déplace très régulièrement dans les écoles, les collèges ou les lycées, pour des rencontres ponctuelles ou des ateliers d’écriture. Lorsque les interventions se déroulent en dehors du CDI, je ne résiste pas à aller y faire un petit tour. J’aime visiter les lieux, sentir l’atmosphère qui y règne, m’y projeter. Par ailleurs, on me dit régulièrement que la manière dont je m’adresse aux élèves montre que j’ai l’habitude de leur parler. “On sent la patte de l’ancienne doc” est la phrase qui revient sûrement le plus souvent ! Je vais finir par croire que c’est vrai… Quand nous intervenons dans les classes, nous devons très rapidement sentir comment parler aux élèves qui sont devant nous. Quels mots utiliser, quel niveau d’informations donner… J’aime ce défi : plonger immédiatement dans l’ambiance d’une classe pour lui correspondre au mieux et répondre à ses attentes ».

Christine Naumann-Villemin se prête volontiers au jeu avec les classes de primaire pour ses albums, « parce qu’on est bien d’accord : le but, c’est de faire en sorte que la lecture, les livres soient directement associés à la notion de plaisir… Hein oui ? »14.

Pourtant tout n’est pas si rose, Arlette Chauffour livre avec beaucoup de franchise sa déception ; ni les rencontres avec les classes, ni le succès, ni la reconnaissance ne furent au rendez-vous : « Je “rêvais” de rencontrer, bénévolement bien sûr, de nombreux élèves, ados, parents, grands-parents et profs. En effet, en écrivant ce livre, c’est la transmission qui m’a sautée aux yeux et au cœur ! Mais le rejet a été total, incroyable. À part un beau travail dans mon collège avec un collègue de lettres qui a fait écrire un “chapitre” additif sur un “sujet” de leur choix à ses élèves de cinquièmes. De bon retour pourtant de jeunes et d’adultes. Une grande déception mais qui n’éclipse pas le grand plaisir de l’écriture ».

L’écriture

Ce plaisir d’écrire, non dépourvu de difficultés, est similaire chez la débutante ou chez l’auteur confirmé. Leurs témoignages sont passionnants sur les splendeurs et misères de l’écriture.
« En réalité, je n’étais pas certaine de parvenir à construire une histoire qui ait du sens, je n’étais même pas certaine de parvenir au bout ! C’est donc une sorte de défi que je me suis lancé et, lorsqu’au terme de quelques mois, j’ai accouché de cette première histoire, j’avoue avoir ressenti un plaisir fou. Assez curieusement, ce n’est pas le fait d’avoir relevé ce défi qui m’a apporté tant de joie, c’est plus la “magie” du processus d’écriture : ces moments de griserie lorsque les mots courent aisément sur le clavier (eh oui, depuis, j’ai lâché le stylo !), ces instants de découragement, au contraire, lorsque la formulation ou l’idée tant recherchée peine à venir et plus encore peut-être, le sentiment que vos personnages prennent vie et vous embarquent dans leur propre histoire, parfois loin des chemins que vous aviez prévus pour eux… Bref, ces émotions assez nouvelles ont été si fortes, si exaltantes, que j’ai eu envie de poursuivre cette aventure : ainsi sont nés mes petits héros, Zoé et Matthéo, et leur première enquête au cœur d’une abbaye cistercienne » confie Céline le Gallo.

« Cependant l’écriture n’est pas toujours une activité de tout repos. Les personnages se montrent parfois réfractaires et coriaces. Ils nous en imposent plus que nous ne leur ordonnons. Pourtant, nous replongeons et donnons souvent le sentiment que tout n’est que bonheur dès l’instant où nous avons la plume à la main », raconte Eugène Ébodé.
Alain Gurly vit la même expérience : « Dans la saga des Brusses, mon héros de départ était un vieux berger détective et barbu. Et puis au fil des livres, la vedette lui a été volée, par la fillette de 12 ans du premier volume qui, finalement, sera la véritable héroïne de la saga. Cela, je ne l’avais pas prévu. Au bout d’un moment, ce sont ses personnages qui mènent l’auteur et pas l’inverse ! »

Et terminons avec une leçon d’écriture d’Eugène Ébodé : « Commencer un roman est facile, mais en consolider le mouvement, épaissir la trame, densifier l’intrigue et doter les personnages d’une puissance de fiction est une opération aux multiples variables aléatoires. C’est un mystère qui fait tenir debout cet ensemble disparate par nature qu’est le roman. Faire du roman un monde et du monde un roman, tel est l’enjeu. L’auteur, même lorsqu’il parle à la première personne, doit disparaître. C’est sa disparition aussi que je mets en scène à travers mon faible pour l’autofiction ».

ÊTRE AUTEUR et professeur DOCUMENTALISTE

Comment concilier les deux activités

Pas facile de mener les deux de front ! Qu’ils soient l’auteur d’un seul livre ou des auteurs réguliers, tous ont un ennemi commun : le temps. Les sacrifices portent sur les vacances, les voyages, les loisirs, la vie sociale, la vie familiale. Pas facile du tout de dégager des plages d’écriture, il faut être sévère avec soi-même. Mais pour ceux qui vivent les deux, la documentation passe en premier.

« J’aime beaucoup mon travail de professeur documentaliste, il est important pour moi et je m’y investis beaucoup. Ce n’est pas juste un travail alimentaire, tandis que l’écriture serait ma seule vraie passion. Je suis également passionnée par mon métier », déclare d’emblée Marion Lecoq qui exerce à Rouen.
« Ma vie de professeur documentaliste passe en premier ; il me reste peu de temps pour écrire. Mais j’aime bien trouver malgré tout le temps de relever des petits challenges », confirme Danièle Fossette depuis la Martinique ou Danièle Weiler depuis Singapour : « Avoir une grande discipline. Savoir s’organiser pour ne pas tout mélanger, ni privilégier un travail plutôt qu’un autre. Mon travail de professeur documentaliste n’a pas été mis de côté. Je suis restée disponible pour les élèves, les enseignants et toute la zone Asie. »

Eugène Ébodé (de Montpellier) résume ainsi le problème : « La vie d’auteur est individualiste. Celle d’un professeur documentaliste (je tiens à ces deux termes) est collective et inscrite dans un schéma éducatif dans lequel nous avons à nous couler. Cela dit, il me semble que la rationalisation de mon temps disponible est une mesure capitale. N’oublions pas la vie familiale ! Elle fait partie de la solution si on veut agir de manière durable et stable. Il faut la préserver et lui accorder toute son importance. Décloisonner les activités est aussi un impératif catégorique pour vivre chacune de nos vies multiformes (et pas multiples, cela prêterait à confusion) de la manière la plus sereine qui soit… Dans la semaine, je suis, comme tous les collègues professeurs, entièrement concentré sur ma tâche au CDI et auprès des élèves pour faire vivre mon espace à vocation pluridisciplinaire… ».

Des journées non-stop de travail

Alors comment font-ils ? Tous ceux qui écrivent s’imposent une rude discipline. Alain Gurly se lève depuis plus de 20 ans entre 4h30 et 5h Philippe Tomblaine qui écrit plus vite que son ombre, précise : « J’arrive chez moi vers 17 h après ma journée d’enseignant, j’allume mon ordinateur, et je travaille jusque vers 23 heures. Je lis, j’écris. Je vais vite15, ce sont des journées non-stop de travail, à préparer d’avance en tenant compte des impératifs des contretemps (un ordinateur qui tombe en panne ou une voiture retrouvée accidentée sur le parking !) et de la vie de famille ». Cette course au temps ne se gagne pas seul et Jean-Paul Nozière, exprime sa reconnaissance envers ses collaborateurs et son épouse : « Tout d’abord, j’ai presque toujours eu l’aide d’un emploi jeune ou autres dénominations, et ces personnes se sont (presque) toujours investies dans ce travail, se montrant très intéressées ce qui m’aidait énormément. Ensuite, j’ai toujours eu des chefs d’établissements compréhensifs quand ils ont connu mon activité “secrète”, et j’avais un emploi du temps en or. Pour moi, c’était une vie très “enfermée” : l’écriture, quand je n’étais pas au collège, passait avant tout. Les jours où j’étais à la maison étaient des jours “bureau” : le matin à 8h, l’après-midi à 14h. Quatre heures par jour consacrées à l’écriture, le “reste” venant après… ce qui signifie que je dois beaucoup à mon épouse qui a accepté d’avoir un mari qui ne faisait strictement rien à la maison ! Ce rythme de travail se reproduisait chaque jour “libre”, que ce soit Noël ou n’importe quelle fête. Très peu de rencontres avec des lecteurs, quasi aucun salon du livre. Le plaisir m’attendait dans mon bureau et même si j’adore le vélo, le vélo ne venait qu’après le bonheur d’écrire. Le temps pour moi devenait la chose la plus précieuse, donc ce que je devais préserver avant tout. »

D’autres se réservent seulement les week-ends et les longues plages de vacances. « Une chose est certaine : tout cela occupe pleinement mon temps !… Lorsque je travaille sur un projet, je suis alors capable d’y consacrer tous mes week-ends, et ce pendant plusieurs semaines de suite. J’ai besoin, en effet, de disposer de longues plages de temps pour écrire, impossible pour moi d’écrire de manière fractionnée, c’est pourquoi je ne parviens pas à écrire le soir, en rentrant du travail, car j’ai toujours quantité de petites choses à faire, pour le collège notamment, et ne dispose donc pas de ce temps long devant moi, sans compter que mon esprit n’est pas suffisamment libéré… En somme, ces deux activités cohabitent plutôt bien mais il me faut avouer toutefois qu’il ne me déplairait pas d’avoir davantage de temps libre pour écrire… », estime Céline le Gallo. Elle s’accommode bien de cette situation, comme Florence Aubry d’ailleurs : « Je considère que ce métier me laisse suffisamment de temps libre pour écrire, de temps libre dans mon emploi du temps mais aussi et surtout dans ma tête parce que je ne me sens pas encombrée de soucis qui me poursuivraient jusque dans les recoins de ma maison. Je trouve que ce métier de professeur documentaliste, c’est beaucoup de plaisir, énormément de liberté, une grande place à la créativité, à l’initiative16 ».

Agnès Dethan, partage son point de vue non sans cacher ses critiques des zones d’ombre du métier : « Le métier de prof doc laisse pas mal de liberté, c’est ce qui fait à mon avis un de ses principaux attraits ! À la fois in situ, vu le flou et la charge des tâches que nous sommes censés accomplir et donc de fait, que nous allons choisir. Et hors situ, il nous reste du temps pour nous investir ailleurs si nous le souhaitons. C’est ce que j’ai toujours fait. Le métier de professeur documentaliste ne me suffit pas pour me nourrir intellectuellement. Ni le milieu que je trouve souvent infantilisant et facilement routinier. J’ai besoin de me ressourcer ailleurs, avec un public autre que le public adolescent et rencontrer des gens d’autres milieux, peut-être aussi de relever des défis, du genre “est ce que je serais capable de…”. Je lis beaucoup. Par goût et par nécessité aussi. L’édition bd et manga va très vite, il ne faut jamais décrocher pour être au top ! Cela demande beaucoup d’organisation et de rigueur, des plannings de lecture et d’écriture, un cycle permanent qui ne s’arrête qu’éventuellement un mois en été. Donc, il faut aussi pouvoir être capable de lire la nuit ou de bloquer des week-ends entiers pour ce genre d’activité ».

À l’inverse, Sophie Bénastre déplore cette course contre la montre : « Ma vie de professeur documentaliste mange la moitié de mon temps (30 heures) et ma vie tout court mange l’autre moitié. Je n’ai donc que très peu de temps et d’énergie à consacrer à l’écriture. Trop peu ! »
« Ce manque de temps n’est certes pas propre à la profession, et tous ceux qui ont cette double casquette d’écrivain amateur en souffrent. Certains le compensent en écrivant vite, ce n’est hélas pas mon cas », déplore Stéphane Lefèbvre.
« D’un point de vue gestion du temps, c’est très difficile. J’exerce mon métier de professeur documentaliste avec plaisir et intérêt. L’idéal serait de pouvoir l’exercer à mi-temps », rêve Stéphane Letourneur, professeur documentaliste en Normandie. Le temps partiel est en effet la formule choisie par bien des auteurs documentalistes.

Le temps partiel

« Une seule solution : travailler à temps partiel ! », confie Christine Naumann-Villemin publiée à l’École des loisirs : « Je suis à 80 %, ce qui me permet d’avoir des demi-journées pour moi. Sans ces aménagements, je ne suis pas sûre que je pourrais maintenir ce rythme ! Les vacances sont aussi un moment idéal pour l’inspiration. Mon secret, c’est d’écrire essentiellement des albums : je peux concevoir un album sans avoir besoin d’être assise devant un écran. Mon moment d’écriture le plus intense est… sous ma douche ! Lorsque je passe en phase de rédaction, une bonne base de texte est prête, dans ma tête. Bien sûr, je fais beaucoup de réécriture et de modifications, d’où le caractère précieux du temps partiel ».
Même choix pour Marion Lecoq : « Écrire demande du temps. Quand j’ai écrit Hors Saison, je n’avais pas encore d’enfant, j’avais du temps. Maintenant j’ai deux enfants et peu de temps pour moi, alors pour pouvoir continuer à écrire, j’ai pris un temps partiel à 80 %, qui me laisse une journée de libre par semaine. Mais tout comme il m’arrive d’écrire au CDI, il m’arrive de passer ce jour censé être “pour l’écriture” à préparer une séance pédagogique pour le travail ».

Jean-Paul Nozière travaillait également à mi-temps les cinq dernières années de sa carrière. Le temps partiel est souvent l’étape intermédiaire avant de faire le choix de l’écriture à plein-temps.
Ce fut aussi le chemin pris par Pascale Perrier : « J’ai été professeur documentaliste pendant presque vingt ans avant que l’écriture me happe complètement, mais quasiment jamais à temps plein. Le temps partiel me permettait d’écrire en parallèle, cependant au fil des années et des publications, mon activité littéraire est devenue vraiment envahissante ». Jusqu’à franchir le pas décisif pour enrayer cette course permanente : « Il fallait faire un choix, si bien que j’ai quitté l’Éducation nationale (non, je ne suis pas en disponibilité, impossible de revenir pour la prochaine rentrée scolaire). La décision a été difficile à prendre, parce que j’appréciais beaucoup d’aspects du métier de professeur documentaliste, en particulier son rapport particulier aux élèves et aux livres ».

Auteur ou documentaliste ?

La question se pose forcément pour chaque auteur documentaliste. Faut-il choisir entre la vie de professeur documentaliste et celle d’auteur ? L’auteur de BD Isabelle Dethan eut la même année le CAPES de documentation et l’Alph Art au festival d’Angoulême. Elle fait un choix radical et irréversible. Elle opta pour la BD. Le ministère y perdit une belle personne, mais les lecteurs (et ceux des CDI) se régalent de ses albums souvent historiques.

Comme Florence Aubry l’explique, les revenus incertains et modestes de l’édition règlent vite la question : « Même si un jour l’écriture me rapporte suffisamment pour que j’en vive, je n’arrêterai pas totalement de travailler, les revenus de l’écriture sont trop aléatoires, j’ai besoin de stabilité16. » Jean-Paul Nozière aurait pu aussi franchir le cap mais il risquait d’y perdre sa liberté : « On m’a souvent dit : pourquoi ne pas arrêter le métier de professeur documentaliste ? La réponse était simple. Je connaissais trop le monde du roman jeunesse pour savoir que ma liberté d’écrire ce que je voulais, comme je le voulais, se gagnerait en ayant un salaire. Autrement, je devrais passer sous les fourches caudines des éditeurs qui voudraient ci ou ça (par exemple aujourd’hui, du merveilleux, du fantastique), comme ci comme ça, et c’était hors de question. Ce qui m’a permis de toujours refuser d’écrire “sur commande”, sauf, je l’avoue, trois fois après insistance appuyée d’éditeurs. Ma liberté d’auteur a été totale et je crois qu’aujourd’hui, c’est ce dont je suis le plus fier. » L’arrivée de l’âge de la retraite résout le dilemme : « Ce qui a changé depuis 2003 ? C’est fantastique : je peux commencer une journée par le vélo ou le golf… dire “ j’écrirai demain, après-demain”… L’écriture n’est plus prioritaire, éliminant les autres plaisirs de la vie comme c’était trop le cas avant » Cette année, Danièle Fossette et Danièle Weiler ont entamé une retraite bien méritée, elles ont déjà la tête pleine de projets d’écriture.

Être professeur documentaliste et auteur ne consiste pas seulement à gérer son temps, c’est aussi être appelé à intervenir sous différentes casquettes. De Gallimard au CDI, des prix littéraires aux journaux scolaires, des salons d’honneurs à la salle des professeurs, la vie d’Eugène Ébodé ne manque ni de contrastes ni de grands écarts. « Dans les différents “théâtres”, on n’est pas toujours appelé à faire ou dire les mêmes choses. Rester cependant soi-même, où que l’on se trouve me paraît être le point important et non-négociable ».

Pour Agnès Dethan, la BD fait le lien entre toutes ses activités : « Même si c’est le métier de professeur documentaliste qui me permet de vivre, c’est ma passion pour la bande dessinée qui me stimule et me fait lever le matin ! J’aime autant intervenir sur une conférence très spécialisée qu’interviewer en public des auteurs, animer une formation professionnelle pour libraires que réaliser une séance pédagogique pour des élèves autour de la bd ou encore réaliser une exposition manga grand public. Le fait d’être confrontée à différents publics (ados ou adultes) est aussi très stimulant. C’est la diversité des approches et des publics qui m’intéresse, devoir m’adresser à un public de néophytes pas convaincus ou à un public de fans très pointus, ainsi que la diversité des transmissions possibles (oral ou écrit) ».
Murielle Compère-Demarcy, professeur documentaliste dans un collège de Picardie, publie des textes de poésie. Elle a remporté de nombreux prix et elle propose une vue plus globale : « J’oserai écrire que je suis auteur et professeur documentaliste au travail autant que dans la vie. Tout le temps. Puisque les deux renvoient à un état d’esprit vis-à-vis des événements, des choses, vis-à-vis de la nouveauté toujours surgissante donc inédite, parfois résurgente, reconductible de la vie ordinaire ».

Professeur documentaliste et auteur : interactions

Le professeur documentaliste influence-t-il l’auteur ?

Quelles influences le professeur documentaliste exerce-t-il sur l’auteur ? Atout ou obstacle ? Les avis sont plus que partagés : « Aucune », affirme Jean-Paul Nozière ! Position reprise par Sébastien Lefèbvre : « Je ne pense pas que le métier de professeur documentaliste, en tant que tel, influence mes activités d’auteur ni inversement ».
À l’opposé, des professeurs documentalistes affirment : « Je suis bien certaine que jamais je n’aurais écrit pour la jeunesse si je n’avais pas été professeur documentaliste en collège », affirme Florence Aubry16.

Marion Lecoq propose une analyse intéressante, elle distingue le type d’écrits : « Je ne pense pas que mon métier de professeur documentaliste influence mon activité d’auteur de fiction. Je n’écris pas pour la jeunesse, et je ne m’inspire pas de mon travail pour l’écriture. Bien sûr des personnes ou des situations rencontrées dans mon travail peuvent m’inspirer, mais finalement ça pourrait être dans n’importe quel travail ». Par contre, dans ses écrits de type documentaire au contraire : « En revanche, je crois que mon métier m’a bien aidée pour écrire les dossiers pédagogiques pour Petit à Petit, pour adapter mon niveau de langage et le niveau de connaissances au lectorat adolescent qui était visé ».

Si on admet des influences du professeur documentaliste sur l’auteur, elles sont de deux ordres : l’adolescence et la recherche documentaire. Un point de vue partagé par Agnès Dethan qui revendique la complémentarité de l’auteur et du professeur documentaliste, en livrant un exemple éloquent : « Toute activité nourrit une autre. Voici un exemple récent autour de la BD Les esclaves oubliés de Tromelin, assez représentatif de ce que je fais en général. À la sortie de l’album, j’interviewe l’auteur Sylvain Savoia en public, sollicitée par la librairie de ma ville (Librairie Bulle), avec laquelle je collabore fréquemment. J’enregistre l’interview, je la retranscris pour mon blog, je l’illustre, je garde contact avec l’auteur pour des corrections éventuelles. J’en tire un article pour une revue (InterCDI ou autre), toujours en accord avec l’auteur. Le libraire me donne des tirages couleur d’une vingtaine de planches de l’album en grand format, que l’éditeur a donné à l’occasion de la rencontre. Je m’en sers pour monter une exposition au Lycée. Je réalise un questionnaire qui permet aux élèves de découvrir le récit. Entre-temps, j’ai proposé le titre pour la sélection du prix départemental Une Case en Plus que nous animons avec un groupe de professeurs documentalistes dans le 72. Je propose de travailler autour de cet album à des enseignants, nous réalisons des séances autour de cet album, je mutualise les séquences réalisées par tout le groupe sur un blog (Le Dock), j’emmène en sortie une classe au musée de Nantes qui réalise une exposition sur le sujet. Le service pédagogique du Musée de Nantes met en ligne le lien de l’interview (réalisée au départ) pour les enseignants préparant la visite de l’exposition. J’ai le contact de l’auteur, donc plus de chance de pourvoir le faire venir pour une rencontre avec la classe. Je réutilise une partie des séquences réalisées pour un stage de formation de bibliothécaires sur la bande dessinée de reportage ».

Des vampires chez les adolescents

Pascale Perrier © Laure Salamon

Les auteurs de littérature jeunesse, Florence Aubry, Pascale Perrier, Roselyne Morel, reconnaissent volontiers l’influence des adolescents sur leur désir d’écrire : « Il est évident qu’elle a été fondatrice. D’abord j’ai certainement choisi d’écrire pour la jeunesse parce que je lisais beaucoup de littérature jeunesse. Côtoyer des élèves tous les jours, discuter avec eux, suscite des envies », affirme Pascale Perrier. « Et puis j’ai également besoin d’être immergée au milieu des ados, pas seulement pour l’écriture (oui, je suis un vilain vampire !), mais parce que c’est un grand privilège de travailler avec eux » poursuit Florence Aubry16.

« Enfin le métier me permettait de voir tous les jours des collégiens, d’entendre leurs rires, de sentir leurs inquiétudes, de capter leur langage, leur vie sociale et leur vie strictement scolaire, de suivre au jour le jour leurs centres d’intérêt. J’étais donc toujours en phase avec mes lecteurs dans leur vie de tous les jours qui m’inspiraient parfois, mais pas directement (c’était plutôt un mélange d’éléments) pour mes futurs personnages », nuance Roselyne Morel. Murielle Compère Demarcy poursuit également : « Mes élèves sont une partie de la société actuelle, ils en sont les représentants, partiels, mais leur génération est une partie de la société qui s’observe pour moi tous les jours. Cela sert mon inspiration dans l’écriture de nouvelles, ou dans une écriture de roman comme je le fais en ce moment pas exemple. Aussi le métier de professeur documentaliste m’a donné à connaître beaucoup de choses que je continue d’exploiter dans mon travail d’écriture comme dans ma vie de tous les jours d’ailleurs ».
Enfin pour la rédaction de documentaires, l’expérience des jeunes lecteurs apporte des clés : « La professeure documentaliste aide parfois l’auteure, notamment lors de l’écriture de documentaires, exercice que je trouve passionnant. Ma connaissance des enfants, la proximité que j’entretiens avec eux au quotidien m’a souvent aidée à trouver des angles d’attaque », estime Christine Naumann-Villemin.

De l’amour des sources

D’autre part, un lien fort avec la recherche documentaire unit l’auteur au professeur documentaliste. La familiarité avec les lieux du livre : « J’ai beaucoup fréquenté les bibliothèques et les archives pour faire mes recherches et mon métier de professeur documentaliste m’a largement servi », témoigne Danièle Weiler. Pierre Melendez reconnaît pour sa part que « Le métier de professeur documentaliste n’influence guère ses activités d’auteur mais lui permet tout de même de disposer de sources informatives plus riches que la normale ». Pour Pascale Perrier son métier initial « a été fondateur aussi en ce qui concerne la rigueur dans les informations qu’elle donne à ses lecteurs. Beaucoup de livres reposent sur des recherches approfondies (ouvrages documentaires, romans historiques, romans d’anticipation ou même dans la série a priori plus légère Bienvenue au Cast) ».
À un journaliste d’ActuaBD, Philippe Tomblaine, déclare sa flamme pour la recherche : « ma particularité serait plutôt le décryptage, l’analyse et aussi – je suis professeur documentaliste – l’amour de la confrontation des sources… Je suis initialement attiré, dans un esprit pédagogique, par la volonté d’expliquer et de décrypter une œuvre, notamment auprès de mes élèves17. »

Enfin la curiosité est une valeur partagée : « De mon ancien métier, j’ai aussi conservé, me semble-t-il, une intense curiosité pour des sujets et des écritures très divers », livre Pascale Perrier. Clotilde Chauvin souligne aussi : « Le métier de professeur documentaliste dans ses aspects polymorphes permet une grande ouverture et incite à approfondir et à consulter des documents… C’est aussi intéressant de pouvoir creuser en profondeur à côté de ce métier qui est souvent fait de butinage et de dispersion ! Je pense que cette curiosité compulsive est consubstantielle aux qualités du professeur documentaliste. Certains automatismes et compétences du métier apportent rigueur et savoir-faire à la rédaction d’un opus ».

Un roman de Jean-Paul Nozière recèle un des plus attachant portrait de professeur documentaliste. Leila la discrète et efficace bibliothécaire du collège dans Tu vaux mieux que mon frère, semble en mesure de faire mentir son auteur. Seul un intime de CDI pouvait si bien décrire le manège d’Hubert entre les livres… Certes, sur le travail d’écriture strict, la part du professeur documentaliste n’a sans doute pas plus d’influence que les autres aspects de la vie d’un auteur. Par contre, pour les zones périphériques de l’écriture, l’ombre du professeur veille. Le CDI en lui-même peut devenir bureau d’écrivain : « Et puis parfois il m’arrive d’écrire au CDI, parce que je ne sais pas pourquoi, j’y écris plus facilement que chez moi. Mais chut, il ne faut pas le dire ! », confie une auteure.
Sur son site web Pascale Perrier organise ses romans suivant cinq catégories : date de parution, thème, collection, âges et titre. On n’échappe pas à sa formation initiale ! Et saviez-vous qu’à la manière d’Hitchcock, Pascale Perrier a glissé le terme « CDI » dans ses premiers livres ?

L’auteur influence-t-il le professeur documentaliste ?

À l’inverse l’influence de l’auteur sur le professeur documentaliste fait l’unanimité. Tous le reconnaissent, mais ils obéissent à une règle tacite : une fois franchies les portes du CDI, l’auteur s’éclipse. Jean-Paul Nozière tentait presque de le cacher : « Je ne parlais JAMAIS de mon activité d’auteur au collège. Mes collègues et les élèves avaient besoin d’un professeur documentaliste et pas d’un romancier ! Bien sûr, mes romans étaient au CDI, mais je n’en disais pas un mot. En 6e, lorsqu’un nouvel élève ayant découvert ma photo sur un bouquin s’approchait timidement et demandait : “c’est vous qui avez écrit ? ”, je répondais : “ah, c’est marrant, c’est le même nom et cette personne me ressemble”. Un autre lecteur poussait le coude du curieux et l’interrogatoire se terminait là. Bien sûr, en 3e, rares étaient les élèves qui ne savaient pas ! J’ai interdit aux professeurs de français d’étudier un de mes romans en classe (je ne suis pas dictateur, donc je ne leur ai pas mis un couteau sous la gorge quand je parle d’interdiction, mais tous ont compris ce qu’il en était et ont respecté ce choix). Pour parler livre avec les élèves, il fallait qu’ils s’adressent à leur professeur documentaliste et je pensais que s’il s’adressait aussi à un auteur, les rapports perdraient de leur spontanéité et de leur franchise ».
Eugène Ébodé va plus loin : « J’aime être perçu comme enseignant et essentiellement comme tel dans l’établissement. Je n’y suis pas le représentant de la littérature et encore moins un auteur en représentation. Les vrais dépositaires de la littérature sont mes collègues, les enseignants de disciplines, des lettres et de philosophie en particulier, mais aussi tous ceux qui, en général, puisent dans l’héritage littéraire le sel indispensable pour instruire, éduquer et innover. Ceux qui enseignent les lettres et la philosophie sont plus légitimes que moi, car ils ont un commerce régulier et presque intime avec les écrivains et avec le goût transcendantal de la langue ».

Eugène Ébodé © Hélie Gallimard

Murielle Compère-Demarcy s’estime plus pertinente « cachée » et parvient à une conclusion identique : « Je ne suis pas une représentante de mes propres livres auprès de mes élèves, le désir de pouvoir faire partager mon goût pour la lecture et l’écriture fait partie de mon travail, c’est tout. La littérature, la poésie passent avant ma propre personne. Et l’on parle d’autant mieux des choses qui nous sont le plus chères parfois, que les autres ignorent l’investissement personnel que vous y mettez. On en parle mieux je pense, d’une façon plus objective, moins émotionnelle, et donc peut-être aussi plus crédible. Mais cela concerne ma propre expérience, qui peut différer d’une autre. L’écriture est trop vivement engagée dans mon existence de tous les jours pour que je puisse en parler en mon nom propre d’auteur à des élèves ».

Pourtant, difficile de garder le secret. Les frontières sont poreuses. Le contact entre les élèves et le professeur documentaliste auteur peut se passer ailleurs : « Mes élèves connaissent mon roman, mais pas par moi. Je suis assez mal à l’aise avec l’idée de mettre mes propres livres au CDI. En fait, ce sont des collègues qui ont fait découvrir le livre aux élèves. Certains l’ont lu et sont venus m’en parler, ça a été des échanges sympathiques et intéressants. Mais la plupart des échanges que j’ai eus avec des élèves sur Hors Saison n’ont pas eu lieu dans le cadre de mon travail de professeur documentaliste mais en dehors, quand j’ai rencontré des classes à l’occasion du Festival du premier roman de Chambéry », rapporte Marion Lecoq.
Pierre Melendez explique : « Mes élèves et mes collègues savent que j’écris, certains m’ont acheté mes livres, ou les ont empruntés à la médiathèque de Vic-en-Bigorre, où se trouve mon lycée. Je ne les ai par contre pas au CDI ».

Pas question de faire de promotion de ses livres mais ils peuvent rejoindre les rayonnages du CDI si le contexte le permet : « Je n’en ai par contre pas parlé aux élèves. À l’époque, des articles sont cependant parus dans la presse et plusieurs d’entre eux sont venus me poser des questions, s’assurer que c’était vrai, et me demander pourquoi mon livre n’était pas au CDI. Je leur ai expliqué qu’ils étaient encore un peu jeunes pour le lire. Des collègues professeurs documentalistes en lycée l’ont par contre mis à disposition dans leur CDI. Si j’avais été en poste en lycée, cela aurait été différent, et sans doute leur en aurais-je davantage parlé et échangé avec eux. Quelques-uns m’ont toutefois amené des exemplaires de leurs parents à dédicacer. C’était assez cocasse comme situation », s’amuse Stéphane Lefèbvre ».

Pour Florence Aubry ces échanges se limitent à un clin d’œil : « D’ailleurs, quand un élève choisit spontanément l’un de mes livres sur l’étagère, qu’il me l’apporte, pour l’enregistrement du prêt et que je lui dis… tu sais, celui-là, c’est moi qui l’ai écrit, j’aimerais bien que tu me donnes ton avis quand tu me le rendras… je vois dans les yeux et dans la moue le gros doute qu’il a sur ce que j’affirme ! » Stéphane Letourneur résume la situation non sans ironie : « Peu d’élèves connaissent mes livres. Je leur en parle quand l’occasion se présente. Ils sont un peu épatés quand je leur parle du temps qu’il faut pour écrire un livre, et passent vite à autre chose. J’aurais plus de succès si j’étais youtubeur ou footballeur ! ».

Non sans humour, Edwige Planchin livre cette anecdote : « Dans les établissements (je suis TZR), j’existe en tant que prof doc et uniquement en tant que prof doc, ce qui facilite mon adaptation aux projets d’établissement/projets CDI et les ajustements aux collègues. Bien sûr, ce que je vis sur mon lieu de travail nourrit mon inspiration, mais je dois veiller à ce que mon imagination ne s’emballe pas quand je suis en situation professionnelle. Par exemple, cette année j’ai fait un remplacement dans un collège, et un midi à la cantine la CPE est arrivée furieuse parce que des élèves de 4e s’étaient présentées en cours avec un pantalon de pyjama. Tous les adultes étaient scandalisés, en particulier le Principal qui se trouvait juste en face de moi. J’étais la seule à trouver cette idée géniale et à me dire que je pourrais écrire un roman dans lequel des élèves dénonceraient la passivité des adultes en venant tous avec leur bas de pyjama. J’imaginais le phénomène se répandre et les adultes complètement dépassés. Cette idée me faisait trop rire, mais comme le Principal était juste en face, je gardais la tête dans ma purée jusqu’à la fin du repas. Ma vie dans les établissements m’inspire et nourrit mon imagination mais je dois veiller, quand je suis au travail, à ne pas me laisser déborder… »

Et les collègues ? Hors les cas de collaboration d’écriture comme Murielle Compère-Demarcy qui compose des recueils de poèmes illustrés par le professeur d’art plastiques de son établissement, l’impact semble assez limité. Sauf si l’expertise particulière de l’auteur est reconnue comme pour Philippe Tomblaine en BD : « Avec d’autres niveaux de classes, ce sont plutôt mes collègues de disciplines qui demandent telle ou telle intervention, un accompagnement ou des références ».
Stéphane Lefèbvre souligne les liens qui se créent avec les collègues non-enseignants : « Mes collègues ont bien sûr eu vent de mon expérience. Et, au-delà des enseignants, ce qui m’a sans doute le plus touché, c’est que tout le personnel du collège (administration, surveillants, agents de restauration et d’entretien) s’en est réjoui ». Tout comme Eugène Ébodé : « Cependant, je suis souvent sensible au fait que des collègues Atos ou personnel de service viennent emprunter les miens au CDI. Il y a en effet des liens entre personnels qu’il faut étoffer, de même qu’avec les parents d’élèves et les partenaires extérieurs pour élargir la communauté de destin et partant, la communauté éducative ».

Une fois le principe de non-promotion de ses livres posé, l’auteur enrichit le travail du professeur documentaliste tous azimuts : expert du livre, familiarité avec les auteurs et les éditeurs, incitateurs d’écriture, les expériences d’auteurs enrichissent incontestablement l’enseignement des professeurs documentalistes.

Être auteur c’est d’abord une autre façon de faire de la veille professionnelle et d’enrichir son fonds : « L’auteur en moi avoue aussi une absolue subjectivité : un auteur sympathique rencontré dans un salon, avec lequel j’ai eu un bel échange se verra mis en valeur dans mon CDI ! Je sais, ce n’est pas juste », confie Christine Naumann-Villemin.
« Je ramène pas mal de livres dédicacés quand je vais sur les salons. Les élèves aiment bien », raconte Stéphane Letourneur. Pierre Melendez relate quant à lui : « Je profite aussi de ces salons (Mazamet, Siadoux, Vic-en-Bigorre, Saleich, Massat, St Martory, Pampelonne, Seissan, Tarascon…) pour découvrir de nouveaux auteurs, de petites maisons d’édition, auxquels je passe commande pour mon CDI ». Christine Naumann-Villemin complète : « De même, conseiller un roman en ajoutant : “ Je connais bien l’auteur, il est super sympa” ajoute une dimension affective qui n’est pas négligeable : on lit aussi pour entrer dans l’univers de quelqu’un, dans son intimité ».

C’est ensuite un levier pour inviter des auteurs, Jean-Paul Nozière le reconnaît sans peine : « En revanche, être auteur m’a beaucoup aidé dans mon métier de professeur documentaliste. J’ai pu entreprendre certaines activités plus facilement. Ainsi, une bonne centaine d’auteurs sont venus dans mon collège, rencontrer des classes, au fil des années. Évidemment, c’était aisé pour moi d’entrer en contact avec des romanciers. C’était aussi plus facile de plaider cette cause auprès de l’administration et des collègues. Et, quand il fallait trouver l’argent, mes interlocuteurs m’écoutaient avec davantage d’attention. Chose rare, je pense, dans l’Éducation nationale, jamais je n’ai rencontré de refus étayés par “nous n’avons pas l’argent”. Tout le monde se mettait en quatre pour réunir ce foutu argent ».

Roselyne Morel témoigne aussi : « Il m’était plus facile, rencontrant des auteurs dans les salons, de les faire venir avec succès dans mon CDI. Même chose aussi parfois pour les conteurs, qui se produisent souvent en marge des salons ». Pierre Melendez s’enthousiasme : « Le fait d’être auteur renforce encore plus la haute idée que je me fais du monde de l’écriture en général. Et je remarque dans les salons où je suis invité, que pas mal d’organisateurs sont des enseignants, souvent en retraite, dont un bon nombre de professeurs documentalistes et bien entendu de bibliothécaires. Cela me donne d’ailleurs envie d’organiser moi-même un tel salon dans mon lycée ».

Être édité, permet d’avoir une vision globale sur la chaîne du livre et d’approfondir l’expertise sur le livre : « Avoir écrit un livre, ne me classe pas forcément comme auteur. Par contre j’ai l’expérience de la naissance d’un livre, de A à Z et cela m’a donné un regard différent. Par exemple, j’ai mieux compris le travail de l’éditeur, comment il peut aider. Quand je parle aux élèves de plagiat, de sources, je sais de quoi je parle. J’ai pu également assister à la fabrication du livre jusqu’à l’impression », reconnaît Danièle Weiler.

« Les élèves me demandent aussi très souvent “comment on fait un livre” : je crois que mon travail d’auteur donne du “sens ” aux livres et leur montre que les livres font partie de la vie. Je me souviens de la remarque d’une élève qui avait dit “ ben zut alors, je croyais que tous les auteurs étaient morts et dans le dictionnaire”, confie Danièle Fossette.

Comme une évidence, beaucoup s’impliquent dans des ateliers d’écriture telle la professeur documentaliste poète Murielle Compère-Demarcy : « Cette notion de “double-vie” est franchement exacte, dans le sens où mon activité en tant qu’auteur n’est pas si visible que cela. Disons que j’ai mis en pratique cette activité en mettant en place des ateliers d’écriture par exemple, en faisant participer des élèves à des concours d’écriture, à des publications comme dans le cadre du Printemps des Poètes où les élèves dont les textes étaient retenus, bénéficiaient d’une première publication qui motive résolument des enthousiasmes parfois. » Marion Lecoq confirme : « Je m’intéresse également d’assez près aux élèves qui écrivent, je les encourage, j’ai envie de les aider à devenir auteurs eux-mêmes ».

Danièle Fossette a marié ainsi son goût du métier et de l’écriture : « J’ai écrit il y a 2 ans une pièce de théâtre pour les élèves, l’histoire était la suivante : Un élève était tellement “plongé” dans sa lecture qu’il tombait littéralement dans le roman et disparaissait. La professeur documentaliste demandait à ses camarades d’aller le rechercher. Pour cela, ils “entraient dans la littérature” et au cours de leur voyage, ils rencontraient quelques personnages célèbres : le Petit Prince, Harpagon, Cyrano de Bergerac, etc. »

Avec deux projets ambitieux, Jean-Paul Nozière illustre sans doute au mieux l’heureuse liaison auteur-documentaliste : « Notre collège a pu réaliser une revue littéraire, tirée à 1 000 ex. (Fortissimots). Les élèves écrivaient à des romanciers, à des illustrateurs, pour évoquer leur travail. Et tous ou à peu près répondaient ! Ces lettres échangées composaient la revue. Je ne crois pas que ça aurait été possible si je n’avais pas été moi même auteur (je pense que certains de nos correspondants n’avaient peut-être guère envie de participer, mais l’ont fait par amitié18) ».

L’aventure est allée bien plus loin, un livre sur la lecture par des lecteurs avec un professeur documentaliste-auteur-éditeur : « Mon collège a pu faire éditer un livre au Seuil. Le sujet : une lecture qui vous a marqués. Le livre (Une lecture inoubliable) mélangeait les textes d’auteurs, ceux de professeurs et ceux d’élèves. J’ai eu le plaisir de jouer à l’éditeur en faisant signer des contrats d’édition à cent personnes, dont des élèves (leurs parents). Un souvenir… inoubliable !!! Je n’aurais évidemment pas pu réaliser cela, si je n’avais pas été auteur moi-même ».

Une logique implacable

Sophie Bénastre

Si des compétences de professeur documentaliste sont utiles mais non suffisantes pour produire un texte de qualité, écrire complète à merveille le travail de professeur documentaliste. Tout se passe comme si la tentation était trop forte : difficile d’être professeur sans aller titiller ou explorer les territoires de l’écriture. L’engouement de la profession pour les blogs l’illustre. Comme le souligne Clotilde Chauvin, avec l’avènement du web2.0 « les professeurs documentalistes sont de plus en plus producteurs d’informations et rompus à l’exercice de l’écriture ».

L’approche de Philippe Tomblaine s’avère fort séduisante, pratiquer reste la meilleure façon de comprendre et d’enseigner : « Environné par le livre et des passions conjuguées pour l’Histoire, le cinéma et la bande dessinée depuis mon enfance, il est bien évident que l’envie de “créer” ou “d’explorer” revient à l’âge adulte. Je m’étonne toujours du nombre assez faible de collègues de Lettres (pour ne citer qu’eux) qui écrivent réellement, ayant donc envie de faire connaître leurs propres œuvres : chose pouvant certes relever de l’ego, mais dépassant ce simple cap selon moi pour aller vers la connaissance plus profonde des choses. De l’autre côté de la barrière en quelque sorte, plus créateur que consommateur des produits culturels, ce qui permet aussi et à son tour de “donner envie” d’écrire ou dessiner aux jeunes générations, y compris sur Internet. Mon métier de professeur documentaliste m’amenant à repérer, acheter, commenter et utiliser les livres, là encore vient l’envie de se confronter à ce vaste univers en produisant soi-même ».

Les élèves de Philippe Tomblaine puis de Christine Naumann-Villemin visent juste : « des élèves vous aperçoivent tôt ou tard en dédicaces, ou voient vos livres en librairie. Certains sont impressionnés et d’autres trouvent cela logique… ». « Certains pensent même que tous les professeurs documentalistes sont écrivains ! » Les élèves ont bien raison de trouver cela logique, écrire et être édité c’est prolonger de façon formidable son métier.

Festival de projets

Les auteurs documentalistes débordent de projets. Pour cette année 2016, Christine Villemin se lance dans la BD ! Alain Gurly a trois romans en cours, Stéphane Lefèbvre s’attelle à son second, Marion Lecoq rédige son troisième. Danièle Weiler mijote des nouvelles, Philippe Tomblaine travaille sur les Faits divers de Charente de 1900 à nos jours, et va entamer deux monographies sur Juillard et Hermann (projet décidé avant que ce dernier ne remporte le Grand Prix 2016 du Festival d’Angoulême). Pierre Melendez termine un roman et un recueil de poésie. Poésie et Hendrix sont au programme de Stéphane Letourneur. Poésie encore et roman historique pour Roselyne Morel. Murielle Compère-Demarcy publie Je Tu mon AlterEgoïste. Parutions en vue aussi pour Danièle Fossette. Edwige Planchin souhaite s’adresser à des lecteurs adultes. Eugène Ébodé va écrire sur Vienne et ses valses, sur son Cameroun natal, sur le Maroc, sur la Russie de Pouchkine. Christine Naumann-Villemin annonce l’arrivée d’une nouvelle auteure professeure documentaliste d’album : Agnès Sodki… Autant de noms à suivre et pas seulement par solidarité de professeur documentaliste ! Parmi eux se cachent des pépites et des coups de cœur lecture garantis.

Curieusement les auteurs professeurs documentalistes se connaissent assez peu entre eux, de la même manière que nous ignorons combien d’auteurs comptent nos rangs19. Au moment où tout incite à abaisser les cloisons et à favoriser l’interdisciplinarité, le corps des professeurs documentalistes auteurs fait preuve d’innovation. Situés à la croisée d’enjeux majeurs sur l’avenir du livre, ils pourraient jouer un grand rôle pour le livre numérique. Qui mieux que ces agents doubles du livre pourraient concilier les intérêts des lecteurs de CDI (et plus largement de toute bibliothèque) avec ceux des auteurs ? On connaît les difficultés du livre numérique en bibliothèque20. Faisons un rêve, imaginons que les professeurs documentalistes auteurs s’organisent pour composer une librairie numérique à la seule destination des CDI, en proposant des textes adaptés aux élèves à un prix qui reconnaîtrait leur travail d’auteur sans trop entamer le budget du CDI. Un texte simple d’accès et sans DRM21. Qui sait, ils trouveront peut-être la formule idéale pour offrir un modèle innovant dans le monde du livre ?

En attendant laissons les mots d’Eugène Ébodé conclure : « La vie d’auteur et de professeur n’est pas une double vie… C’est d’une vie redoublée, haletante, exténuante, mais passionnante qu’il s’agit. Je suis entouré de livres à mon travail et, à la maison, je vis dans la fabrique de mes livres. C’est donc le livre le moteur et le Souverain. Nous ne sommes en définitive, professeurs, documentalistes, auteurs ou élèves, que ses serviteurs ».

Et les autres ?

Bien d’autres professeurs documentalistes-auteurs devraient être cités dans cet article ; ils n’y sont pas de façon arbitraire, juste parce qu’on est tenu de s’imposer des limites dans le cadre d’un article. Cela ne doit pas vous dissuader de les découvrir !
Pensons à Maïté Bernard, Alain Boudet, Odile Bonneel, Odile Caradec, Christian Doumergue, Marion Favry, Odile Gapillout, Sonia Goldie, Isabelle Grout, Florence Guibert-Fourré, Cécile Hennerolles, Michele Henry, Olivier Hervy, Alain Kewes, Laurence Lavrand, Sandrine Leturcq, Marie Leymarie, Annie Maisonneuve, Yves Denis Papin, Anne-Marie Paris, Geneviève Peigné, Lucie Pierrat-Pajot, Sylvie Ptitsa, Marie-Paule Richard, Sylvie Rouch, Bruno Roza, Jérôme Sagnard, Daniel Saurel, Marie Sauzon, Jacques Vénuleth… et il en manque certainement !
Sur le site d’InterCDI (actuellement en finition), vous trouverez la fiche détaillée et un entretien de chacun des auteurs cités dans cet article : Florence Aubry, Sophie Bénastre, Arlette Chauffour, Clotilde Chauvin, Murielle Compère-Demarcy, Agnès Deyzieux, Eugène Ébodé, Danièle Fossette, Alain Guirly, Marion Lecoq, Céline Le Gallo,  Stéphane Lefèbvre, Stéphane Letourneur, Pierre Melendez, Roselyne Morel, Christine Naumann-Villemin, Jean-Paul Nozière, Pascale Perrier, Edwige Planchin, Philippe Tomblaine, Danièle Weiler.

N’hésitez pas, sur le même modèle, à transmettre à la Rédaction d’InterCDI les fiches manquantes, afin de former une base de données représentative.

Par ailleurs, cet article ne retient pas les auteurs qui écrivent sur le métier comme Françoise Chapron, Françoise Leblond, Olivier Le Deuff, Daniel Moatti, Claudine Vidal…

Pour l’anecdote, il est parfois signalé qu’Anna Gavalda fut professeur documentaliste. Sollicitée, elle a répondu qu’elle avait simplement remplacé une collègue une année lorsqu’elle enseignait le français : « J’étais une professeur documentaliste
de secours » !

 

 

Veille numérique 2016 – N°2

Applications et logiciels

Google Home

Il faut s’y faire, l’intelligence artificielle sera de plus en plus présente dans notre environnement numérique. L’assistant personnel virtuel du géant américain, Google Home, est piloté entièrement par la voix et est connecté au réseau wifi. Pour le mettre en marche, il suffira de dire « Ok google » et il exécutera vos requêtes (bulletin météo, écoute de musique, achat par Internet…).
De plus, avec l’intervention de l’IA et « le consentement de la personne », selon Mario Queiroz (vice-président produit de Google), l’assistant domotique anticipera vos besoins. Un sérieux concurrent à la station Echo d’Amazon dont la date de commercialisation est prévue, au plus tôt, pour l’automne 2016.

Meetings par Skype

Microsoft propose une version gratuite de Skype for Business afin que les professionnels l’utilisent et la testent pour leurs conférences avant de passer à la version payante. Cette version, Skype Meetings, limite les conférences à dix personnes, si vous possédez un compte Office 365, trois dans le cas contraire. L’utilisation a été simplifiée du côté de l’organisateur et des participants. Objectif de ce modèle freemium : faire face à la concurrence de Facebook Messenger, notamment. Actuellement disponible aux USA, Skype Meetings débarque prochainement en Europe.

Inefficacité de l’application alerte attentat SAIP 

Le système d’alerte et d’information des populations instauré par le gouvernement français, opérationnel depuis l’euro 2016, a très mal fonctionné lors de l’attentat de Nice. L’alerte a été diffusée avec 2 heures de retard ! En dehors des pannes et de la probable incompétence du prestataire de l’application, la question qui se pose est celle du choix d’un tel mode de communication.
D’autres pays (Israël, Chili, USA…) utilisent le protocole de diffusion cellulaire de façon bien plus efficace : l’émission massive de SMS sur une zone géographique précise. Cette technologie existe depuis 1997 !

Qwant Map et Qwant Earth 

À l’image de Google, Qwant multiplie les services. Après Qwant Junior et le peu convaincant Music, voici Qwant Map et Earth. La firme française affirme que les itinéraires ne pisteront pas les internautes. Afin d’augmenter le nombre d’utilisateurs, Qwant prévoit d’investir 1,5 millions d’euros dans la publicité.

AMP accélère

Dans sa première phase de développement, l’Accelarated Mobile Pages était réservé aux éditeurs d’actualités. Depuis août, toutes les pages qui utilisent la technologie AMP s’afficheront dans les résultats
de recherche de Google search sur smartphone. Une icône indiquera si la page recourt à l’AMP. Comme
il s’agit d’un projet Open Source, les autres plateformes de recherche – DuckDuckGo, Qwant – pourront l’intégrer. Par contre, les développeurs de site devront, à nouveau, s’adapter à cette nouvelle technologie pour rester en tête des résultats dans les moteurs de recherche.

Lecture numérique

Ibooks Edition

Apple a annoncé, début juin 2016, lors du WWDC (Apple Worldwide Developers Conference) qu’il se lance dans l’édition avec une plateforme qui regroupera, dans un premier temps, des romans à l’eau de rose. En fait, après un examen plus attentif, il s’agira principalement de spin off exclusifs sur des romans d’amour déjà édités, par exemple, un épilogue qui n’a jamais été publié, les secrets d’un personnage… Dommage pour les fans de chick lit, ces éditions augmentées ne seront, pour le moment, accessibles que sur l’App Store américain.

Librairie Amazon

Amazon a annoncé l’ouverture prochaine de sa troisième librairie physique, après celles de Seattle et de San Diego, à Portland, dans l’Oregon.
Les boutiques sont implantées là où les acheteurs en ligne sont les plus nombreux. Les tarifs sont similaires à ceux affichés sur le site, mais seuls les livres avec quatre étoiles sont proposés en librairie. Quelle surprise de constater que le champion de la vente d’ouvrage par Internet refait le chemin en sens inverse alors qu’il est, en grande partie, à l’origine du déclin de la plupart des librairies ! Ceci dit, les critères de choix et l’indigence du fonds laissent sceptiques.

Prêt numérique en Bibliothèque 

En France, le système actuel est d’ordre contractuel entre la bibliothèque et l’éditeur, ce qui
est défavorable aux auteurs et clairement avantageux pour les intermédiaires du livre.
Ce fonctionnement pourrait être remis en cause suite à une affaire concernant des bibliothèques néerlandaises portée devant la CJUE. Dans ses conclusions, en date
du 16 juin 2016, l’avocat général considère que le prêt numérique relève de la directive de l’Union de 2006 qui stipule que le droit de prêter un ouvrage appartient exclusivement à l’auteur, et que les dérogations accordées aux organismes publics doivent, en conséquence, donner lieu à une rémunération de l’auteur.

ReLIRE : Numérisation des livres indisponibles

La loi du 1er mars 2012 a permis au registre ReLIRE, établi par la BNF, de recenser, numériser et rendre publiques plus de 220 000 œuvres indisponibles du xxe siècle. Suite à un recours en annulation de la réglementation par des auteurs, le conseil d’État a porté l’affaire devant la CJUE. La loi sur la numérisation des œuvres indisponibles du xxe siècle a ainsi été mise à mal par les conclusions rendues le 7 juillet 2016 par l’avocat général de la Cour de Justice Européenne. Il rappelle en effet que « seuls l’auteur et ses ayants droit peuvent autoriser la reproduction de livre ». La CJUE suivant, dans la plupart des cas, l’avis de l’avocat général, le verdict prévu pour octobre 2016 offre peu de suspense.

Moteurs de recherche et navigateurs

Qwant Music 

Après s’être démarqué du géant Google avec Qwant junior, le leader français dévoile son moteur de recherche sur la musique et espère devenir un outil incontournable dans ce domaine pour tous les passionnés, et gagner un peu plus de part de marché. Le contenu est centré sur les artistes. Trois onglets sont proposés : recherche sur l’artiste (web, actualité, réseaux sociaux), fiche artiste, discographie. L’écoute de musique par abonnement (itunes…) est déjà disponible, l’arrivée de radios et plateformes de streaming devraient vite étoffer l’offre de Qwant Music.

DuckDuckGo chez TOR 

Tor Browser, le logiciel qui rend anonyme la navigation sur Internet, a décidé de changer de moteur de recherche. Il vient de remplacer Bing par DuckDuckGo. La raison de ce changement est double : DuckDuckGo ne conserve aucune donnée des internautes et les résultats de recherche sont nettement meilleurs qu’avec Bing. C’est pourquoi, le méta-moteur Disconnect de chez Tor Browser, qui cache l’identité de l’utilisateur, utilise désormais DuckDuckGo.

Qwant s’allie à Mozilla

Une nouvelle version du navigateur firefox a été développée afin de prendre en compte l’utilisation de Qwant, également disponible sous forme d’application mobile. Le concept de la recherche anonyme reste de mise sur le navigateur (ni traçage, ni collecte de données). Cette reconnaissance de Qwant est cependant toute relative car pour simplement figurer dans la liste alternative des moteurs de recherche proposés par Firefox, Qwant devra franchir un seuil de téléchargements, qui plus est, différent selon les pays.

Droit et données personnelles

Plus de 130 failles informatiques au Pentagone

Le Pentagone a invité tous les férus d’informatique à tester la sécurité de ses sites internet. Pour ce concours de piratage, une enveloppe de 75 000 € était promise aux meilleurs. Au final, les 1 410 chapeaux blancs (bons samaritains du web) ont déposé 1 138 tickets de vulnérabilité et ont découvert 138 failles de sécurité. Cette pratique est assez courante dans les grandes entreprises (Google, Amazon, Facebook…) pour réduire les coûts.

Base de données sur les sociétés de surveillance

Des organisations non gouvernementales ont créé une base de données sur les technologies et les clients des sociétés spécialisées dans la surveillance. Les filtres et captations du trafic sur le réseau (DPI) et les systèmes d’interception cellulaire sont les technologies les plus plébiscitées. Cette base, la Surveillance Industry Index (SII), a été conçue par Privacy International et Transparency Toolkit afin d’aider les journalistes ainsi que les défenseurs des droits de l’homme et de la liberté à se protéger de certains États. Rendre publiques des informations souvent cachées est le second objectif de cet outil.

Privacy shieldsuccède au Safe Harbor 

Le 12 juillet 2016, la Commission Européenne a adopté le nouvel accord sur la protection des données des citoyens européens transférées sur des Data centers aux USA. Cet accord, le Privacy Shield, est présenté comme plus efficace que le Safe Harbor pour la protection des données. Les CNIL européennes (G29) émettent cependant des réserves car aucune mesure concrète contre la surveillance de masse systématique des données n’a été prise. Il est fort probable que certaines CNIL nationales contestent cet accord.

Internet et les droits de l’Homme

Le Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies a adopté le 1er juillet 2016 une résolution qui condamne officiellement les restrictions d’accès à internet, ce malgré les pressions exercées par certains pays : Russie, Chine, Inde, entre autres. Bémol de taille : aucune sanction n’a été prévue. Face aux coupures de plus en plus fréquentes dans certains pays, l’ONU a voulu envoyer un message clair aux États concernés pour qu’ils s’abstiennent de telles pratiques, lesquelles constituent une violation des droits de l’Homme.

La neutralité du web en Europe

L’Organe des régulateurs européens des communications électroniques
de l’UE a publié, le 30 août, les règles de fonctionnement destinées à faire respecter la neutralité du web.
Les Fournisseurs d’accès à Internet ne pourront plus modifier ou limiter à leur guise le débit de certains services. « Les FAI devront traiter tout trafic de la même manière, sans discrimination, restriction ou ingérence », selon l’ORECE. Cette décision était très attendue par les associations de défense des internautes.

Réseaux sociaux

Microsoft rachète linkedIn 

Le réseau professionnel LinkedIn a été racheté pour 26,2 milliards de dollars par Microsoft afin de rester leader dans ce domaine (Cloud et réseau). Selon le PDG de Microsoft, Satya Nadella, LinkedIn continuera à fonctionner avec son propre nom tout en étant connecté à Office 365 (Cloud professionnel de Microsoft) et Dynamics (Outil de gestion de la relation client). Un important carnet d’adresses de plus de 400 millions de membres sera alors à disposition des abonnés du réseau Linkedin !

Modération des contenus violents sur internet 

En dépit des systèmes de modération mis en place par les géants du Web, des images choquantes circulent systématiquement sur le net au lendemain d’un drame. Récemment, 12 heures après l’attentat de Nice, des vidéos de cadavres s’étalaient sur Instagram, Snapchat, Periscope, Youtube, entre autres. Pour quelle raison ? Très simple : les réseaux sociaux pratiquent essentiellement la modération a posteriori. Dans la plupart des cas, ce sont les membres du réseau et les autorités d’un pays qui signalent un contenu inapproprié. Google et Facebook renforcent tout de même leurs équipes de modération au regard du contexte international.

LibreOffice 5.2

La nouvelle version de LibreOffice, sortie en août 2016, apporte des modifications à l’interface du logiciel, à la gestion des fichiers et aux outils pour les documents. Une seule barre s’affiche pour Calc et Writer, les icônes des fonctions souvent utilisées s’ajoutent à la barre automatiquement. Les documents avec l’extension .rtf ou . docx sont mieux gérés pour l’importation et de nouveaux outils pour le dessin sont disponibles.

Système d’exploitation

Windows 10 anniversaire 

Un an après le lancement de son dernier système d’exploitation en août 2015, Microsoft effectue des mises à jour plus rapides sur son OS. Les principaux changements : le menu démarrer plus clair, la possibilité d’ajouter des extensions au navigateur Edge, la rédaction de notes avec un stylet, la prise de service hors session par l’assistant Cortana, la synchronisation de la Xbox One et du PC, le centre de notification classé par application, la nouvelle fonction Bash : interpréteur en ligne de commande (GNU/Linux).

Éducation

Esidoc nouveautés juin 2016 

Dans la colonne de droite, la nouvelle facette « accessible » est intéressante, car elle indique aux usagers si
le document se trouve dans l’établissement ou est directement consultable sur Internet. Condition : mettre en évidence cette facette car par défaut, elle est située en bas de la colonne de droite, cette modification s’exécute en administrateur, dans l’onglet gestion de la recherche par facettes. Les autres nouveautés paraissent mineures, en voici quelques-unes : inclusion de la recherche par ISBN, ISSN, EAN en mode recherche simple ; gestion affinée des réservations ; recherche sur d’autres bases Esidoc : possibilité d’accéder aux résultats de ces catalogues en mode simple ou avancé, ou les deux à la fois, après avoir effectué les réglages en tant qu’administrateur.

Option informatique et création numérique

L’enseignement d’exploration « informatique et création numérique », ouvert en 2015, devient une option, dès 2016 (BO du 21 juillet) pour les 1res générales.
Il sera proposé en 2017 aux terminales ES et L. Amener les élèves à maîtriser les bases de la programmation, les accompagner vers une réflexion éthique sur la diffusion de données, les rendre autonomes dans la démarche de projet, telles sont les ambitions de cette option.

No future…

Des robots au Comité de rédaction

Karmel Allison, ingénieure informatique américaine, a créé CuratedAI, une revue littéraire écrite par des robots. Par exemple, les poèmes sont signés par l’Intelligence Artificielle, Deep Gimble II. À terme, les robots se corrigeront entre eux et sélectionneront les articles à publier. Pour le moment, il reste encore à améliorer l’algorithme, car des fautes de syntaxe persistent. Avis aux robots en herbe, ils peuvent envoyer leurs textes au magazine.

Tissu connecté

Une enquête d’IDTechEx, société spécialisée dans l’étude de marché des technologies émergentes, a révélé que sur les dix prochaines années, la croissance du textile connecté passera de 150 millions de dollars à 3,2 milliards de dollars. IDTechEx est partenaire du Centre National de Référence des RFID (étiquettes à puces des produits), instauré par le ministère de l’économie et des finances. Dans un futur quelque peu éloigné, changer les motifs de son vêtement, lire son journal ou un roman sur sa manche, seront des activités envisageables. Nos habits nous coûteront bien moins cher, tout ça grâce à la publicité qui s’affichera dans notre dos ! Quant aux élèves, ils se serviront de leurs chaussettes comme antisèches. On n’arrête plus le progrès avec le soutien du gouvernement…

Prévention des crimes avec l’IA 

Un hacktiviste américain a créé l’application iAWACS basée sur l’intelligence artificielle du robot Watson d’IBM. Cette application analyse en temps réel les messages sur les réseaux sociaux, les conversations de la police et de l’aviation civile afin de déterminer si l’humeur ambiante tend vers le négatif ou le positif, via
un algorithme. iAWACS a servi lors des événements tragiques de Dallas et Bâton-Rouge en juillet 2016.

Pokémon Go

Le grand jeu du moment, pour petits et grands, consiste à attraper des Pokémon virtuels dans le monde réel avec son smartphone, via l’application Pokémon Go. La ministre de l’Éducation nationale souhaite interdire les « Pokemon rares » dans les établissements scolaires. Sans commentaire.

La contestation de l’idéologie scientiste et technologique par Jurgen Habermas

Contrairement aux autres ouvrages précédemment analysés, La Technique et la science comme « idéologie » se présente comme un recueil d’articles choisis par Jürgen Habermas. À cette époque, l’auteur commence à être connu.
Habermas est né en 1929. Ayant soutenu sa thèse en 1954, il rejoint l’Université de Francfort en 1956. En 1961, il publie l’ouvrage L’Espace public : archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société3, qui devient un classique en sciences de l’information et de la communication. Assistant de Theodor Adorno, Jürgen Habermas est considéré comme le continuateur ou l’héritier4 de la célèbre école de Francfort dont les fondateurs, Max Horkheimer, Theodor Adorno, Herbert Marcuse, Walter Benjamin et Erich Fromm, inspirés par une approche marxiste hétérodoxe, ont voulu mettre en place une analyse critique de la société capitaliste5. D’ailleurs, en hommage à ses maîtres marxistes, mais aussi juifs qui avaient fui l’Université allemande sous le régime national-socialiste antisémite et antimarxiste, Habermas écrivit un ouvrage qui leur était consacré : Profils philosophiques et politiques6.

Dans l’avant-propos de La Technique et la science comme « idéologie », Jürgen Habermas explique d’emblée le pourquoi d’une sélection de ces cinq articles :
« La technique et la science comme idéologie » ; « Progrès technique et monde vécu social » ; « Scientifisation de la politique et opinion publique » ; « Connaissance et intérêt » (ce court texte de 29 pages donnera naissance, peu de temps après, à un volumineux ouvrage portant le même titre Erkenntnis und Interesse – Connaissance et Intérêt7) ;  « Travail et interaction. »
Cet ensemble est éclairé par la très belle préface de Jean-René Ladmiral qui comporte 49 pages numérotées de I à XLIX.

Le premier article, le plus long (74 pages) et le plus intéressant, fait l’objet de cette recension. Son titre a été repris et donné par l’auteur à l’ensemble de son livre : La Technique et la science comme « idéologie ».
Selon Jürgen Habermas, c’est un article dédié au soixante-dixième anniversaire d’Herbert Marcuse, destiné à susciter une réflexion autour d’un de ses textes : « La puissance libératrice de la technologie – l’instrumentalisation des choses – se convertit en obstacle à sa libération, elle tourne à l’instrumentalisation de l’homme. » Cette étude fait l’objet de neuf chapitres, numérotés de I à IX. 

Rationalité

Le premier chapitre aborde le concept de rationalité, en ce sens que cette dernière tend à caractériser les échanges et à les soumettre ainsi que les décisions prises à des critères rationnels. Cette extension industrialise le travail social. En fait la rationalisation reste liée à l’institutionnalisation du progrès scientifique qui participe à la transformation des institutions elles-mêmes. Cette rationalité implique des stratégies de manipulation et de domination via des systèmes aménagés. Cette domination s’étend tant sur la société que sur la nature. Dès lors, la « rationalisation » autorise l’existence d’un contrôle permanent et étendu au nom de la « Raison technique » qui cache en fait une domination politique. Reprenant plusieurs textes d’Herbert Marcuse, Jürgen Habermas reconnaît que l’énorme accroissement des forces productives depuis 1945 s’est institutionnalisé et surtout que cette formidable croissance, unique dans l’histoire de l’humanité, a rendu légitime le processus de rationalisation. Or la domination réelle est masquée par la référence à des impératifs techniques qui rationalisent le pouvoir s’en réclamant.

La nature, cet autre

Le deuxième chapitre évoque la fusion entre la technique et la domination, ainsi que l’interpénétration de la rationalité et de l’oppression. Il faut donc révolutionner la science et la technique pour démanteler une domination de classe. Pour ce faire, l’humanité devrait promouvoir « une Résurrection de la nature déchue. » Habermas parle ici d’un retour ou d’un appel à la mystique juive et protestante. Comment renoncer à notre technique au profit d’une autre qui serait qualitativement différente ? Pour cela, il faudrait communiquer réellement avec la nature et ne plus la considérer comme un objet, mais comme un Autre. « Quoi qu’il en soit, une Nature sortant ainsi de son sommeil ne saurait remplacer les réalisations de la technique qui sont indispensables dans leur genre. L’alternative proposée à la technique existante, c’est-à-dire le projet de la nature comme partenaire et non plus comme objet, renvoie à l’alternative d’une autre structure d’action. »

« Au niveau d’une intersubjectivité encore incomplète, nous pouvons prêter aux animaux et aux plantes, même aux pierres, une certaine subjectivité et communiquer avec la nature au lieu de la travailler sans la moindre communication. » Cette approche globale des interactions entre l’homme et la nature a certainement inspiré les plus belles pages du célèbre astronome Hubert Reeves qui décrit les beautés de la nature et de l’espace avec des accents prophétiques et poétiques, et estime qu’entre l’inanimé et le vivant il n’y a qu’une différence organisationnelle8.
Habermas, toujours en référence à Herbert Marcuse et à son ouvrage de référence, L’homme unidimensionnel9, rejette la tentation de « l’innocence » politique des forces productives comme celle du « péché originel » du progrès scientifique. C’est pourquoi l’auteur propose de reprendre le concept soutenant que la double fonction du progrès scientifique et technique est à la fois productive et idéologique.

Travail et interaction

Le troisième chapitre étudie les couples de concepts permettant d’appréhender les changements institutionnels dans les sociétés. C’est un examen des propositions de Talcott Edger Parsons :
affectivity ≠ affective neutrality
particularism ≠ universalism
ascription ≠ achievement
aiffuseness ≠ specificity

Habermas estime que cette approche est subjective, ces couples ne rendant pas vraiment compte des changements des attitudes dominantes lors du passage d’une société traditionnelle à une société moderne. Pour mieux comprendre ces changements, l’auteur pense que la distinction entre « travail et interaction » est un bon point de départ. L’auteur définit le travail comme une activité instrumentale ou un choix rationnel, parfois comme la combinaison des deux. Les règles techniques fondées sur un savoir empirique s’imposent à l’activité instrumentale. C’est une activité rationnelle.
Les interactions médiatisées par des symboles participent à une activité communicationnelle conforme à des normes en vigueur comprises par les sujets. Le non-respect de ces règles est sanctionné par l’échec. En effet, les normes sont intériorisées et permettent une action conforme aux attentes sociales.
L’analyse permet une distinction entre le cadre institutionnel d’une société et les sous-systèmes afférents. Ainsi, il est possible de reformuler le concept de
« rationalisation. »

La fin des sociétés traditionnelles

Le quatrième chapitre identifie en premier lieu la société traditionnelle qui diffère des sociétés primitives par un pouvoir central, par une division en classes sociales et économiques et enfin par une vision globale du monde légitimant la domination et s’appuyant sur une technique développée et la division du travail qui permettent une surproduction.
Par ailleurs, la stabilité et des innovations restreintes caractérisent la société traditionnelle où la productivité limitée légitime les institutions dominantes. Dès lors, le pouvoir institutionnel domine les forces productives. Toutefois le capitalisme ébranle cette prééminence du pouvoir institutionnel. Par la croissance économique continue, l’industrialisation, les activités rationnelles remettent en cause les visions mythiques et religieuses du monde. Les sociétés engagées dans un processus de modernisation répondent de la sorte aux problèmes de l’humanité comme la vie en collectivité et la destinée individuelle. Les thèmes en sont la justice, la liberté, la violence, l’oppression, la misère et la mort. Cette confrontation signifie la fin de la légitimation de la domination traditionnelle et donc des sociétés traditionnelles. La domination ne descend plus du Ciel, mais s’établit grâce au système social où l’échange de marchandises et le marché obligent ceux qui en sont dépourvus à vendre leur force de travail. Les institutions de la société moderne sont plus économiques que politiques. Les légitimations traditionnelles de la domination sont non seulement fragilisées, mais remplacées par des revendications à caractère scientifique. La science moderne assume un rôle spécifique qui, depuis Galilée, propose un système de références méthodologique et un savoir techniquement utilisable.

De la dépolitisation des masses

Le cinquième chapitre commence par une étude de l’interprétation marxiste des rapports de production. Marx remettait en cause l’illusion de la liberté donnée par le libre contrat de travail faisant apparaître en plein jour la violence sociale du travail salarié. Marcuse en déduit que depuis la fin du XIXe siècle deux tendances s’imposent : d’une part l’accroissement des activités interventionnistes de l’État, et d’autre part, une interdépendance de la recherche et de la technique qui fait que la science représente la force productive la plus importante. Selon Habermas, Marcuse permet de comprendre pourquoi la science et la technique assument la fonction de légitimation de la domination. Puisque les formes de domination des sociétés pré-bourgeoises (religions, traditions, obéissance sans discussion) cèdent la place à l’émancipation bourgeoise avec le suffrage universel, l’idéologie du libre-échange cède apparemment la place à un programme de remplacement où l’État compense les dysfonctionnements du libre-échange par la stabilité, l’assurance de la sécurité sur le plan social, du bien-être et de la promotion individuelle11. C’est le prix à payer pour que les masses soient fidélisées. Il faut donc que ces dernières se dépolitisent, Habermas revisitant Marcuse, soutient que la science et la technique tiennent un rôle primordial dans cette dépolitisation des masses.

Progrès scientifique

Le sixième chapitre montre la tendance d’un capitalisme avancé à imposer la scientifisation de la technique pour accroître la productivité du travail. Le développement technique interagit avec les progrès des sciences modernes. La recherche industrielle à grande échelle est couplée avec la recherche scientifique et les commandes de l’État favorisent les progrès scientifiques dans le domaine militaire. Le progrès scientifique devient en lui-même une source indépendante de plus-value. Le progrès autonome de la science et de la technique devient la variable la plus importante de la croissance économique. Dès lors, une illusion apparaît et prend force, celle d’une dynamique immanente du progrès produisant des contraintes objectives auxquelles le politique doit répondre. Habermas pense que c’est une véritable idéologie et qu’ainsi la science et la technique permettent de légitimer le pouvoir d’une véritable technocratie.

Le marxisme et ses limites

Le septième chapitre met en exergue les limites théoriques du marxisme car, selon Jürgen Habermas, les concepts de lutte de classe et d’idéologie perdent une partie substantielle de leur pertinence. L’État bloque les conflits de classe par des gratifications compensatrices. Dès lors, des conflits sociaux peuvent apparaître, s’ils ne remettent pas directement en cause le système établi. Le conflit latent des intérêts de classe s’estompe apparemment au profit de conflits périphériques, mais cela ne signifie nullement que les antagonismes de classes disparaissent. Toutefois, l’idéologie dominante fétichise la science et la technique, affectant l’intérêt « émancipatoire » de l’espèce dans son ensemble (toutes classes sociales et individus confondus), donnant naissance à une conscience technocratique légitimant la dépolitisation des masses par le pouvoir de disposer techniquement des choses.

L’adaptation à son milieu

Le huitième chapitre reprend l’argumentation développée par l’auteur remettant en cause certaines approches marxistes. Selon Habermas, et contrairement à ce que Marx avançait, les forces productives ne déclenchent pas systématiquement des mouvements d’émancipation. Certes, l’espèce humaine sait comment adapter culturellement son milieu à ses besoins par l’asservissement des forces de la nature comme le souligne Marx dans le Manifeste communiste. Mais cet asservissement risque, selon Jürgen Habermas de se retourner contre les individus par des progrès scientifiques futurs permettant :

  • le contrôle du comportement et la modification de la personnalité ;
  • la surveillance des organisations et des individus ;
  • des techniques d’éducation plus sûres et de propagandes affectant le comportement ;
  • l’application deprocédés électroniques à la communication directe avec le cerveau ;
  • l’élaboration d’une nouvelle pharmacopée contrôlant la fatigue, l’humeur, les perceptions et l’imagination ;
  • des possibilités plus grandes pour changer le sexe des individus ;
  • le contrôle génétique de la constitution de base des individus.

Habermas pose le principe d’une augmentation du pouvoir de disposer techniquement des forces naturelles. À son avis, l’accroissement de la production et de l’exploitation de la nature ne participe pas obligatoirement à une « vie bonne. » Cette approche des objectifs et de la finalité de notre société pose un questionnement essentiel. Toutefois, l’auteur pense que le capitalisme avancé refuse toute communication autour de ce type de question.

La révolte étudiante

Le neuvième et dernier chapitre aborde le problème de la remise en question de l’idéologie technocratique implicite. Habermas note une contradiction inhérente au système par l’opposition entre « ce que nous voulons avoir pour vivre et comment nous aimerions vivre. » Dans cette perspective, Habermas étudie la révolte étudiante12 et constate que les étudiants militants pensent moins à la réussite sociale (carrière, famille) qu’à des objectifs communs. Ces étudiants venus de milieux privilégiés, de familles aimantes et compréhensives, libérés des contraintes économiques et qui ont bénéficié de pédagogies ouvertes, posent des questions fondamentales :

  • Pourquoi, en dépit du développement technologique, les individus doivent-ils subir la tyrannie du travail professionnel ?
  • Pourquoi maintenir une pression constante sur les individus par la concurrence et la recherche de performances ?

Habermas voit dans ce questionnement et ces protestations une possible remise en cause de l’idéologie technocratique sapant ainsi la légitimation du capitalisme avancé.

Pour conclure, nous devons nous souvenir que ce texte a été écrit en 1967-1968, en pleine période d’ébullition intellectuelle, sociale et durant les longues révoltes étudiantes qui ont secoué durablement le monde occidental. Il n’en reste pas moins que ce texte remet en cause le mode de développement « scientifique » de notre société.
Cependant, les dangers d’une science travaillant sur l’humain et le problème des avancées scientifiques et technologiques pouvant porter atteinte à l’humanité ont bien été vus et pressentis par Habermas. Aujourd’hui, le transhumanisme, l’homme augmenté, le décryptage du génome, le changement de genre, la biogénétique, la miniaturisation constante de la connectique12 autorisent un contrôle permanent de l’homme de sa naissance à sa mort en passant par son travail et ses loisirs. L’auteur avait aussi ressenti cette nécessité d’un dialogue constant de l’humanité avec la Nature. D’autres auteurs et chercheurs ont également participé à cette ouverture philosophique, voire existentielle et écologique, vers la nature, de Gregory Bateson13 au Franco-Américain René Dubos14, à Edgar Morin15 ou plus récemment
Dominique Lestel16.

Les décrocheurs et le professeur documentaliste, une relation inédite

En revanche, il est vrai que notre école souffre depuis plusieurs années d’une image dégradée : élèves désintéressés, rythmes scolaires trop soutenus, professeurs ou parents d’élèves dits démissionnaires… Lorsque l’abandon scolaire se transforme en thématique sociale, sécuritaire et économique, on peut simptlement constater qu’un élève qui « décroche » ne sera pas obligatoirement mis sur les rails de la délinquance ni placé au ban de la société, mais qu’il s’agit d’une personne dont le tort est de n’avoir pas trouvé sa place au sein d’un système scolaire normatif qui ne lui convenait pas. Puisque c’est le système éducatif dans son paradoxe qui nous préoccupe, ce système qui exclue tout en s’efforçant de proposer des solutions internes afin de raccrocher les élèves en mal d’école, les « exclus de l’intérieur » comme les appellent Bourdieu.

Quelle peut être alors le rôle et la place des différents acteurs éducatifs dans la lutte contre le décrochage scolaire et plus particulièrement le rôle souvent oublié du professeur documentaliste à première vue isolé dans son CDI ?

Un phénomène complexe d’abandon et quelques pistes d’action

On parle en réalité de décrochage scolaire depuis les années 1990 et ses prémices se faisaient déjà sentir lors de l’élaboration de la loi d’orientation de 1989.
À l’époque, ces arrêts précoces de scolarités (avant l’âge de 16 ans), ou plutôt ces échecs scolaires comme on les appelait alors – ce qui avait pour effet de culpabiliser les élèves en souffrance ainsi que leur famille – semblaient déjà démontrer une forte contradiction au sein du système éducatif français. Ainsi, la massification de l’enseignement depuis les années 1960, la création du collège unique par la loi Haby de 1975 et les objectifs fixés par les différents gouvernements de 80 % d’une classe d’âge obtenant le baccalauréat (diplôme de niveau IV) et de 100 % d’une classe d’âge ayant obtenu un diplôme de niveau V (CAP ou BEP) rendent d’autant plus visibles les arrêts de scolarité avant l’âge légal.

Ces déscolarisations précoces apparaissent ainsi comme un écart par rapport à la norme, puisqu’un enfant français est obligatoirement inscrit à l’école ou intégré dans une quelconque forme de scolarisation à compter de ses 3 ans et ce jusqu’à ses 16 ans minimum. Quand on réalise que ce dernier passe en moyenne treize années de sa vie à l’école, on comprend alors le trouble qui peut avoir lieu lorsque celui-ci sort des radars de l’institution puisque c’est au sein de celle-ci que se forme l’adulte en devenir avant même d’être sorti de la petite enfance.

Du point de vue comptable, le France tourne autour des 12 % de décrocheurs avec une prédominance du sexe masculin : environ 13,4 % pour les hommes contre 9,8 % pour les femmes, et l’on comptait 80 000 décrochages par an il y a 10 ans. Aujourd’hui, c’est plus de 180 000 élèves qui désertent l’école avant l’obtention d’un diplôme, soit 12,8 % des 18-24 ans. Quant au ministère, celui-ci tablait sur un objectif de 20 000 « raccrocheurs » à partir de 2013, bien que les différentes méthodes et les critères de recensement des élèves décrocheurs soient nombreux et leur articulation entre eux floue.

À la faveur de ces chiffres se dessinent des tendances discriminatoires dans l’imaginaire collectif qui attribuent l’absentéisme et l’échec scolaire à l’appartenance aux origines ethniques, en particulier des nouvelles générations issues des communautés immigrantes, bien qu’il soit avéré qu’un milieu social défavorisé aura plus d’impact sur la réussite scolaire d’un élève que son origine. Mais le décrochage scolaire n’est pas l’apanage des classes sociales défavorisées et les enfants issus de catégories socio-professionnelles élevées ne sont pas moins enclins à « décrocher » que les autres.

Quant aux dispositifs d’aide, qu’on les retrouve au sein de l’école (Dispositifs et classes relais, accompagnement personnalisé, SEGPA, 3e prépa pro, micro-lycées…) ou qu’ils soient externes (Dispositifs d’Initiation aux Métiers de l’Alternance, Mission de lutte contre le décrochage scolaire…), on constate dans la plupart des cas la volonté de rapprocher les parents d’élèves de l’école et plus globalement de s’implanter davantage dans le projet d’avenir de leur enfant aussi bien symboliquement (consultation des carnets de correspondances, des bulletins trimestriels, prises de rendez-vous avec les professeurs principaux…) que physiquement. En effet, certains établissements scolaires relèvent une absence notoire de parents d’élèves aux abords de l’établissement, notamment aux heures de sorties.

Le professeur documentaliste semble alors avoir une place à conquérir dans le cadre de ces actions de soutien à l’école. On s’aperçoit en effet que pour beaucoup d’entre eux il s’agit d’une porte d’entrée assez facile notamment pour des séances d’accompagnement personnalisé, puisqu’aucun enseignant ne refuserait, a priori, une aide supplémentaire à la prise en charge des groupes d’élèves en difficulté. Il est évidemment question de statut et de posture du professeur documentaliste : avoir les élèves en séances d’accompagnement permet de sortir le CDI de son rôle de « garderie » souvent ressenti par les collègues interrogés et permet d’aborder la relation à l’élève de façon « privilégiée, individualisée et bienveillante ». Pour d’autres élèves en revanche, les solutions proposées ne semblent pas toujours répondre à leurs attentes ni à leurs espoirs comme c’est le cas pour les élèves de 3e « prépa pro », dont le projet d’orientation est déjà bien dessiné et à qui l’on impose souvent en guise de découverte professionnelle la réalisation de fiches métiers et des recherches dans la documentation de l’ONISEP.

Cependant, les nombreux dispositifs d’accompagnement des élèves en grandes difficultés existant se révèlent d’une efficacité plus ou moins importante et demeurent complexes à coordonner, sans doute par manque de dialogue, dans une véritable prise en charge de l’élève en amont mais aussi après son décrochage. En bref, sommes-nous capables de faire du préventif avant le curatif ?

Professeur documentaliste et décrochage scolaire : une autre considération des élèves et des inégalités

Oui, le professeur documentaliste a un rôle à jouer dans la prévention du décrochage, bien que celui-ci soit souvent absent des textes et études réalisées. Sa qualité d’enseignant, bien qu’un enseignant différent, est reconnue depuis les années 1980 avec en bout de réflexion la création du Capes de Documentation. Quant au lieu, le CDI est résolument « autre », sorte de troisième lieu entre la maison et la classe et généralement plébiscité par les élèves adolescents, c’est un espace différent : de travail, de dialogue, de tranquillité loin de l’agitation de la cour de récréation, de lecture et parfois de jeux (pas toujours très sérieux), c’est un îlot.

Ainsi, la fonction de professeur documentaliste n’a cessé de se renouveler suivant les évolutions des pratiques et de la conception de la profession, non seulement au sein des établissements scolaires mais également au sein de l’Éducation nationale : la création du Capes relativement tardive, la définition des missions des professeurs documentalistes floue et fixée par des circulaires… Cependant, on semble aller vers une reconnaissance progressive de notre place notamment via l’instauration d’un « curriculum » qui fait déjà débat et la diversité de vision du métier persiste.
Néanmoins, le statut et la place du professeur documentaliste semblent alors dépasser celui de simple enseignant évoqué plus haut pour tendre vers un rôle d’éducateur et d’animateur, dont la mission serait de transmettre non seulement des savoirs, mais aussi de développer chez les élèves des aptitudes sociales et d’élargir leur horizon culturel, puisque le CDI est perçu par les enseignants documentalistes comme un relais culturel, un lieu où l’on découvre « autre chose » et puisqu’aussi, pour les élèves en grande difficulté et en particulier pour ceux résidant en milieu rural, l’offre culturelle proposée est souvent limitée et les médiathèques ou bibliothèques étant rarement des lieux qu’ils fréquentent.

Enfin, la plupart des professeurs documentalistes ont exprimé l’envie d’apporter réellement un plus à l’élève qui plonge (dans son travail et parfois dans son attitude), même si les Dispositifs Relais tels qu’ils sont souvent imaginés dans les collèges ne concernent pas les élèves connaissant des troubles comportementaux.
Il s’agira alors de leur redonner confiance, de les faire se sentir élève à nouveau, en tant que personnes en situation d’apprentissage capables de fournir un travail demandé et d’obtenir des résultats satisfaisants pour les enseignants, mais également et surtout pour lui. Œuvrer également pour que l’élève soit capable de comprendre que tout n’est pas perdu, malgré l’éloignement qu’il ressent, un éloignement par rapport au langage et aux exigences du système scolaire, d’ailleurs consommé par les élèves décrochés ne se rendant plus dans leur établissement d’origine.

Car au-delà du rôle que peut jouer le professeur documentaliste au sein de l’équipe pédagogique et dans ses actions quotidiennes, il faut comprendre le profil particulier de ces élèves décrocheurs plus ou moins présents et plus ou moins visibles dans leurs établissements1. Ce sont parfois des élèves qui ont connu un rapport à l’école compliqué et atypique, avec des périodes de déscolarisation pour des raisons familiales ou personnelles et qui rendent leur suivi difficile, pour d’autres il est question de mauvais dossier scolaire qui les suit d’un établissement à l’autre, tous ces cas particuliers qu’il faut alors remettre dans le cadre scolaire malgré des moyennes dépassant rarement les 2 ou 3 sur 20, sont difficiles à replacer dans un processus de réussite.

On comprend alors à quel point il est complexe de vouloir cerner un profil d’élève pour lequel on mettrait en place une action, un dispositif particulier en fonction de ses besoins et qui se révélerait être automatiquement bénéfique. Les difficultés et particularismes sont concentrés au même endroit (absence de mixité sociale, violence, échec scolaire…), comme par exemple dans les collèges relevant du régime de l’éducation prioritaire dans lesquels on assiste ainsi à une forme de « ghettoïsation » où les élèves rencontrant les obstacles à une scolarité normale les plus importants, qu’ils soient familiaux, économiques et scolaires, sont regroupés entre eux, le collège étant même parfois implanté dans le quartier de résidence des familles ce qui place ces populations et donc les élèves dans une sorte d’ostracisme. Les élèves, en plus de se sentir stigmatisés socialement (difficultés financières, image dégradée du quartier) sont pour la plupart en grande peine au niveau scolaire, certains sont pris en charge par le DRI, d’autres ont intégré les classes SEGPA depuis la classe de 6e, d’autres encore devraient bénéficier de dispositifs spécifiques mais ce n’est pas toujours le cas par manque de place.

Mais cette « ghettoïsation » n’est pas qu’une histoire de précarité sociale, puisqu’à la manière des suburbs2 américains, mais implantés dans le milieu urbain, les établissements dits huppés (comprendre bien souvent, les collèges et lycées des centres-villes) ont la particularité de n’inclure parmi leurs effectifs qu’une catégorie aisée de population. Ces derniers ne connaissent pas forcément de phénomène constant d’incivilité ou de forts taux d’absentéisme voire de décrochage scolaire. Peut-on alors considérer les élèves qui ne se révéleraient pas à la hauteur des espérances de l’établissement et de la famille comme des décrocheurs potentiels ? Ces élèves n’atteignent sans doute jamais ce stade et le phénomène de décrochage scolaire compris en tant que décrochage cognitif (baisse des notes), s’il existait bel et bien, serait de toute façon nié et en quelque sorte dissimulé par l’institution sous la forme d’un écrémage discret. Quant à la place des professeurs-documentalistes, et particulièrement au lycée, leur mission pédagogique, sous forme de séquences pédagogiques ou inclus dans des dispositifs d’aide personnalisée, peut être minoritaire (en dehors des TPE) dans ces établissements.

Sans doute plus qu’auparavant, et en réaction aux douloureux événements récents, les professeurs documentalistes se révèlent les acteurs incontournables mais néanmoins silencieux des débats autour de la refondation de l’école, notamment par la nécessité appuyée par le gouvernement d’instaurer une réelle éducation aux médias et à l’information pour tous les élèves. Leur rôle de pédagogues déjà bien affirmé par les nombreuses actions menées en collège et en lycée pourrait ainsi se faire mieux (re)connaître, ainsi que le poids que les professeurs documentalistes peuvent avoir dans la lutte contre le décrochage scolaire et la prise en charge des élèves en grandes difficultés scolaires.

Cependant et plus globalement, peut-être est-il temps de s’interroger sur ce que l’on souhaite aujourd’hui enseigner et transmettre aux jeunes en difficultés, futurs adultes et citoyens – en dehors d’un enseignement « moral et civil (et laïque) » – afin qu’ils trouvent un sens réel dans leurs apprentissages et que ceux-ci ne s’écartent plus de l’obligation scolaire.

 

« Je me représente tous ces petits mômes qui jouent à je ne sais quoi dans le grand champ de seigle et tout. Des milliers de petits mômes et personne avec eux, je veux dire pas de grandes personnes – rien que moi. Et moi je suis planté au bord d’une saleté de falaise. Ce que j’ai à faire c’est attraper les mômes s’ils s’approchent trop près du bord. Je veux dire, s’ils courent sans regarder où ils vont, moi je rapplique et je les attrape. C’est ce que je ferais toute la journée. Je serais l’attrape-cœurs et tout. »

J.D Salinger, L’Attrape-Cœurs

Après un bel été

Après un bel été ensoleillé et chaud, nous voici de retour, fin prêts à affronter une nouvelle année sous le signe des projets et des rencontres. Pas de grands changements majeurs à annoncer même si l’année scolaire s’est achevée sur une note d’espoir avec l’annonce de l’engagement de discussions sur la rédaction d’une nouvelle circulaire de mission des professeurs documentalistes. Patience…
Pour ce numéro double de la rentrée, nous avons choisi de mettre à l’honneur nos collègues – et ils sont nombreux ! – auteurs, qui rédigent des textes en tout genre. Un dossier qui vous fera découvrir des collègues sous un autre jour : leur double vie, les rouages du monde de l’édition ainsi que leurs parcours parsemés d’obstacles pour arriver à la parution d’un premier ouvrage. Si vous n’avez pas encore osé franchir le pas, n’hésitez plus : à vos claviers !

À l’heure où le programme ministériel de refondation de l’École de la République a ouvert les yeux sur la problématique du décrochage scolaire, contre lequel la ministre de l’Éducation nationale lance un « nouveau » plan de lutte, et quand la question de la suppression du redoublement revient sur le devant de la scène, l’article de Caroline Oreste, qui met en évidence le rôle primordial et incontournable du professeur documentaliste, tombe à pic. Permettez-moi de vous rappeler notre bonne vieille circulaire de missions de 1986 (sic !) qui précise: « Il [le professeur documentaliste] prête une particulière attention aux difficultés rencontrées par les élèves dans l’organisation et la mise en oeuvre de leur travail personnel », et : « À l’intention des élèves en difficulté scolaire, le documentaliste organise au C.D.I., en liaison avec les professeurs et les personnels d’éducation, des actions de nature à leur apporter une aide individualisée par des travaux précis, adaptés aux problèmes qui ont été identifiés par le professeur. Cet appui doit progressivement concerner l’ensemble des disciplines, y compris scientifiques et techniques. » Une de nos multiples facettes que nous sommes nombreux(ses) à exercer.

Enfin, j’attire tout particulièrement votre attention sur le thèmalire qui pour une fois ne propose pas une sélection de titres mais des pistes d’actions pour faire vivre vos rayonnages ! Comme vous le rappelle l’auteur, « les livres sont là pour sortir, pour être lus, ouverts, parfois torturés, malmenés!» Alors n’hésitez pas, faites les vivre, bouger, voyager. Je vous rappelle aussi que toutes vos idées d’animations, d’ateliers, vos expériences nombreuses multiples variées et originales sont les bienvenues dans les pages de la revue: partagez-les avec nous; à votre tour, écrivez !
Bon début d’année scolaire à toutes et à tous. Joyeux projets !

Le président et la Ve republique

Textes officiels

La Constitution du 4 octobre 1958

est le texte fondateur de la Ve République. Adoptée par référendum le 28 septembre 1958, elle organise les pouvoirs publics, définit leur rôle et leurs relations. Elle est le quinzième texte fondamental de la France depuis la Révolution Française.
www.legifrance.gouv.fr/Droit-francais/Constitution/Constitution-du-4-octobre-1958

Le préambule de la Constitution de 1946

(IVe République) énonce des droits et libertés fondamentaux. Il a été ajouté à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/la-constitution/la-constitution-du-4-octobre-1958/preambule-de-la-constitution-du-27-octobre-1946.5077.html

La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen

de 1789 est un texte fondamental de la Révolution française, qui énonce un ensemble de droits naturels individuels et les conditions de leur mise en œuvre. Cette déclaration est parfois abrégée DDHC.
www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/la-constitution/la-constitution-du-4-octobre-1958/declaration-des-droits-de-l-homme-et-du-citoyen-de-1789.5076.html

La Charte de l’environnement

est un texte de valeur constitutionnelle qui reconnaît les droits et les devoirs fondamentaux en matière de protection de l’environnement. Cette charte émet entre autres trois grands principes : le principe de prévention, le principe de précaution, et le principe pollueur-payeur. Cette charte a été intégrée en 2005 dans le bloc de constitutionnalité du droit français.
www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/la-constitution/la-constitution-du-4-octobre-1958/charte-de-l-environnement-de-2004.5078.html

Dans les programmes

Enseignement moral et civique,
cycle 3

Le droit et la règle : des principes pour vivre avec les autres

« Reconnaître les principes et les valeurs de la République et de l’Union européenne » : les principes de la démocratie représentative en France et en Europe ; les valeurs : la liberté, l’égalité, la laïcité.
« Reconnaître les traits constitutifs de la République française » : le vocabulaire des institutions ; le fondement de la loi et les grandes déclarations des droits ; la notion de citoyenneté nationale et européenne (l’identité juridique d’une personne).

L’engagement : agir individuellement et collectivement

« Savoir participer et prendre sa place dans un groupe » : la participation démocratique ; le vote ; les acteurs locaux et la citoyenneté.

Enseignement moral et civique,
cycle 4

La sensibilité: soi et les autres

« Connaître les principes, valeurs et symboles de la citoyenneté française et de la citoyenneté européenne » : citoyenneté française et européenne : principes, valeurs, symboles.

Le droit et la règle : des principes pour vivre avec les autres

« Identifier les grandes étapes du parcours d’une loi dans la République française » : la loi et la démocratie représentative ; lien avec la Constitution et les traités internationaux.

Le jugement : penser par soi-même et avec les autres

« Reconnaître les grandes caractéristiques d’un État démocratique » : les principes d’un état démocratique et leur traduction dans les régimes politiques démocratiques (ex. : les institutions de la Ve République).

L’engagement : agir individuellement et collectivement

« Expliquer le sens et l’importance de l’engagement individuel ou collectif des citoyens dans une démocratie » : l’exercice de la citoyenneté dans une démocratie (conquête progressive, droits et devoirs des citoyens, rôle du vote, évolution des droits des femmes dans l’histoire et dans le monde…).

Enseignement moral et civique,
classes de 2de générale et professionnelle

La personne et l’État de droit

« L’État de droit et les libertés individuelles et collectives (les institutions de l’État de droit, la place de la loi, la hiérarchie des normes juridiques) ; la séparation des pouvoirs ».

Enseignement moral et civique,
classes de 2de professionnelle

Exercer sa citoyenneté dans la République française et l’Union européenne

« L’idée de citoyenneté européenne. ; Citoyenneté et nationalité ; éléments de comparaison entre différents régimes démocratiques ».

Enseignement moral et civique,
classes de 1re

Exercer sa citoyenneté dans la République française et l’Union européenne

« L’idée de citoyenneté européenne.
Voter : citoyenneté, nationalité et souveraineté populaire ; le droit de vote ; les modalités du vote ; éléments de comparaison entre différents régimes démocratiques ».

Histoire et géographie, cycle 4,
classes de 3e

Thème 3.

« Françaises et Français dans une République repensée » : 1944-1947, refonder la République, redéfinir la démocratie ; La VeRépublique, de la République gaullienne à l’alternance et à la cohabitation.

Français, cycle 4

Compétences langagières, orales et écrites :

« Comprendre et interpréter des messages et des discours oraux complexes » : identification des visées d’un discours, oral, hiérarchisation des informations qu’il contient, mémorisation des éléments importants ; distinction de ce qui est explicite et de ce qui est sous-entendu dans un propos.

Pistes pédagogiques

Réaliser une charte de classe

Après avoir abordé avec la classe l’importance du vote et son procédé, pourquoi ne pas mettre en place une série de votes dans la classe ? Pour y intéresser les élèves, ces votes pourraient porter sur la constitution d’une « charte » déclinant les droits et devoirs de chacun dans la classe. La charte d’une classe est la même chose que la Constitution d’un pays : elle définit un ensemble de règles visant à faire régner l’harmonie dans la classe.

Réaliser une élection

Sur le mode de l’élection du délégué de classe, organiser une « élection présidentielle » avec programme électoral, bulletin de vote, dépouillement…

Organiser un débat

Choisir un ou deux sujets d’actualité et séparer la classe en deux groupes, avec pour chaque groupe un leader : un groupe sera partisan du fait/de la loi (etc.) tandis que l’autre groupe sera contre. Chaque groupe préparera ses arguments et le débat pourra ensuite avoir lieu. Pour entretenir la clarté du débat, seul le leader de chaque groupe prendra la parole.

Créer une exposition

Avec pour chaque candidat un bref historique de son parti et des grandes idées qu’il soutient, une photo de lui et en plus petit de ses prédécesseurs, sans oublier les lignes fortes de son programme et enfin sa vision de l’Éducation nationale (pour les Terminales qui sont les futurs votants).

Faire voter une loi

Séparer la classe en plusieurs groupes : un groupe représentera l’Assemblée nationale, un autre le Sénat et un dernier le gouvernement. Prendre un projet de loi (réel – comme la Loi travail – ou fictif – une loi au niveau du groupe classe par exemple) et procéder à son étude et à ses allers-retours Parlement/
Sénat… Jusque, pourquoi pas, au fameux 49.3.

Visites

Le Palais de l’Élysée

Résidence présidentielle et siège de la présidence de la République française depuis la IIe République, le Palais de l’Élysée n’est ouvert au public qu’à l’occasion des journées du patrimoine.
Pour visiter le Palais de l’Élysée en ligne
www.elysee.fr/la-presidence/les-pieces-du-palais

L’Assemblée nationale

Le Palais-Bourbon est ouvert aux groupes invités par un député. Les réservations s’effectuent au minimum trois mois à l’avance par l’intermédiaire du député et doivent ensuite être confirmées par celui-ci un mois avant la date retenue. Les visites sont organisées pour des groupes de 50 personnes maximum. Elles sont gratuites et d’une durée d’une heure trente environ. Il n’y a pas de visites durant les questions au Gouvernement (mardi et mercredi, de 14 h 30 à 16 h 30) et lors de certains débats dont l’audience est importante. L’encadrement doit répondre des mineurs sans pièce d’identité et remettre la liste nominative de tous les visiteurs. Une tenue correcte est exigée.
La liste des députés est disponible sur le site de l’Assemblée nationale :
www.assemblee-nationale.fr
Pour visiter l’Assemblée nationale en ligne
www.assemblee-nationale.fr/histoire/visite_virtuelle/index.html

Assister aux séances du Sénat

Les débats du Sénat, le plus souvent les mardis, mercredis et jeudis, sont ouverts au public. Les groupes (effectif maximum de 30 personnes) doivent obtenir le parrainage d’un sénateur au plus tard un mois avant la date envisagée.
La liste des sénateurs est disponible sur le site internet du Sénat.
www.senat.fr
Le Sénat se visite aussi en ligne
www.senat.fr/visite/visite_virtuelle

Exposition itinérante

Les Institutions françaises

La société Instants mobiles propose une exposition sur le thème des Institutions françaises. Comment sont organisées les institutions politiques françaises ? Comment fonctionne la démocratie française ? Voici une exposition proposant 12 panneaux ayant pour thème :

  • les symboles de la République ;
  • une page d’histoire ;
  • textes et principes fondateurs ;
  • voter ;
  • le Président de la République ;
  • le Gouvernement ;
  • Assemblée nationale et Sénat ;
  • comment une loi est votée ?
  • régions et départements : la décentralisation en action ;
  • la commune ;
  • les Institutions européennes.

Coût de la location : 420 €/ semaine. Pour plus de renseignements
www.instants-mobiles.fr

Ressources sur le Web

La documentation Française

détaille l’ensemble des élections présidentielles qui ont eu lieu sous la Ve République
www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/d000069-les-elections-presidentielles-sous-la-ve-republique

Le site Sénat junior

propose, en accès libre, une série de fiches pour mettre en place des activités en classe pour les 6/12 ans et les 13 ans et +, avec par exemple « la démocratie », « l’hémicycle », « les autres Institutions de la République », « les territoires de la République », « les sénateurs »…
http://junior.senat.fr/accueil.html

Le cndp

présente une série de fiches en libre accès également retraçant le passage de la IVe République à la Ve République. Un test de connaissances est également proposé.
www.cndp.fr/crdp-reims/cinquieme/sommaire.htm

Francetv Éducation

met en ligne un dossier très complet intitulé « De Gaulle et la constitution de la Ve République » : des analyses, repères, documents et témoignages y sont consultables.
http://education.francetv.fr/matiere/epoque-contemporaine/cm2/dossier/de-gaulle-et-la-constitution-de-la-ve-republique

Le Conseil constitutionnel

propose une série de 20 questions sur la Constitution, comme « Qu’est-ce que la Constitution ? », ou « Comment est née la Constitution de la Ve République ? ».
www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/documentation-publications/dossiers-thematiques/2008-cinquantenaire-la-constitution-en-20-questions/la-constitution-en-20-questions.17418.html

Le site Gouvernement.fr

a regroupé les données officielles dans un outil de recherche. Il est ainsi possible de faire des recherches via différentes entrées (une période, un Président, un Premier ministre, un ministre) de 1959 à aujourd’hui.
www.gouvernement.fr/les-gouvernements-de-la-veme-republique

Histoire de l’élection présidentielle

RFI revient sur les sept scrutins de 1965 à 2002 qui ont marqué l’histoire de la Ve République.
www1.rfi.fr/actufr/pages/001/page_159.asp

Découverte des Institutions de la vie publique

Composée de fiches thématiques, cette rubrique du site Vie-publique.fr présente sous une forme claire et accessible l’organisation des pouvoirs publics, les missions et les compétences des différentes Institutions et, plus largement, toutes les informations utiles pour comprendre le fonctionnement de la vie démocratique.
www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/

Portrait d’un président : François Mitterrand.- 102 min ; 1985.
www.ina.fr/video/CAC87005265

De Gaulle Notre Président.- Richard Puech.- 51 minutes ; 2011.
www.youtube.com/watch?v=eUbJDaEFtwI

À l’Élysée, un temps de président.- Y. Jeuland.- 2015.
Ce documentaire nous plonge dans les coulisses de la communication propre à la fonction présidentielle.
www.france3.fr/emissions/un-temps-de-president/elysee-en-scenes_416421