« Madame vous êtes ouverte ? » ou Comment des élèves de 6e se représentent leur CDI et leur professeur·e documentaliste

Les élèves de 6e qui arrivent en début d’année au collège ont-ils déjà une idée de ce qu’est un CDI et un·e professeur·e documentaliste ? La question a été explorée en étudiant leurs représentations sociales à travers leurs dessins du CDI1 et du·de la professeur·e documentaliste : en tout, 248 dessins ont été réalisés en septembre, puis décembre 2018, par 66 élèves de deux classes de 6e d’un collège privé sous contrat du 6e arrondissement de Paris. Ils ont ensuite été analysés à l’aide de la méthodologie de l’analyse de contenu. 

Le travail présenté ici est issu du mémoire de Master 2 MEEF de validation du CAFEP de documentation, soutenu en mai 2019. La question de départ prenait appui sur le souvenir d’un CDI de lycée fréquenté il y a quelques années : un lieu plutôt évité, un endroit assimilé à de la punition, où le bruit était totalement prohibé, avec une « dame du CDI » peu aimable. En tant que professeure documentaliste, nous inscrivant dans l’orientation de la circulaire de missions de 20172, nous souhaitions questionner nos propres représentations et celles des élèves, pour tenter de mieux nous adapter à leurs besoins. L’approche s’est faite à partir de dessins, réalisés par des élèves fraîchement arrivés en 6e (10-12 ans), issus de l’école primaire du groupe scolaire ou des écoles primaires du sud parisien. Le milieu socio-professionnel des élèves du collège est composé globalement de cadres supérieurs et professions libérales. Le CDI de l’établissement est géré par deux professeures documentalistes. Il est ouvert tant aux collégiens qu’aux lycéens avec un accueil toute la semaine sauf le mercredi après-midi.

Pour initier la recherche, nous avons d’abord posé des hypothèses :
1. les élèves ont une représentation du CDI influencée par les images des séries télé, les romans, les légendes urbaines, une représentation que l’on pourrait qualifier de « vieillotte », correspondant à une image négative ;
2. les élèves associent le professeur documentaliste et le centre de documentation ;
3. l’aménagement de l’espace et les représentations ont une forte influence sur les apprentissages, le CDI comme espace spécifique de savoirs au sein du lieu scolaire revêt pour les élèves des significations conscientes et inconscientes, et le lieu aménagé et habité par les élèves participe à la structuration de leur rapport au savoir.

Le travail a ensuite consisté à repérer des éléments permettant d’approcher les représentations des élèves concernant le lieu CDI et son responsable à l’aide de l’analyse de contenu ; et plus précisément à mettre en évidence les éléments se dégageant de ces représentations (noyau structurel, éléments périphériques), de manière à nous permettre de valider ou non les hypothèses émises.

Le dessin

Choisir le dessin comme support d’analyse permet de révéler un certain nombre d’éléments qui ne seraient peut-être pas apparus à l’aide d’un médium faisant appel à l’écrit ou à oral. Un avantage du dessin réside dans l’absence de questions construites en fonction d’idées préétablies, ce qui laisse une totale liberté au dessinateur. Le dessin permet ainsi, à condition de travailler avec une consigne cadrante mais ouverte, de faire émerger des messages originaux. Étant donné son caractère spontané, il parle du vécu personnel de l’enfant (le langage graphique et le langage verbal ne reposent pas sur le même canal perceptif), il restitue la « vision intérieure, immatérielle, d’un instant de la vie, non pas tel qu’il est ou a été réellement, mais tel que le sujet dessinant l’a saisi personnellement » (Royer, 1995, p. 44). Le dessin est aussi une façon de mettre les élèves en activité rapidement, sans évaluation et de façon ludique.

L’analyse de contenu

L’analyse de contenu s’organise en trois étapes.

La première, la préanalyse, va orienter l’analyse en opérant des choix dans les documents à analyser, en permettant la formulation d’hypothèses, d’objectifs et le repérage d’indicateurs destinés à l’interprétation finale.
La deuxième étape consiste à relever les différents éléments présents dans les dessins, de façon systématique et rigoureuse afin d’en faire des unités comparables : les unités d’enregistrement ou indices (mot, thème, objet ou référent, personnage, événement, etc.) et leurs indicateurs, ainsi que les unités de contexte3. Par exemple, pour l’indice objet bibliothèques, sept indicateurs ont pu être relevés : présence/absence, longueur des linéaires4, degré de remplissage, surface dans la feuille, position dans la page, éventuelle particularité, présence/absence de livres ; et 31 pour l’indice professeur documentaliste.
L’étape suivante consiste en la création de catégories, composées de plusieurs indices : les catégories ne doivent être ni trop générales ni trop proches ; et elles doivent mettre l’accent sur un aspect de la réalité et posséder quatre qualités (exhaustivité, exclusivité, objectivité, pertinence). Pour notre étude, des catégories ont été identifiées et une grille spécifique élaborée à partir de la littérature (Royer, 1995 ; Moles & Keintz, détaillé par Mucchielli, 1977) afin de prendre en compte la particularité du médium dessin.

Une fois ces catégories élaborées et vérifiées, chaque dessin est analysé minutieusement, et les éléments reportés dans un tableau, à partir duquel des analyses quantitatives sont réalisées pour mettre en évidence ou non certaines caractéristiques saillantes.

La dernière étape consiste en l’interprétation des résultats. Pour cela, l’analyse de contenu utilise l’inférence, un type d’interprétation contrôlée, qui permet l’induction à partir de faits.

Les représentations sociales

L’exploration des représentations sociales est un travail qui s’appuie sur des notions issues de la sociologie. Leurs caractéristiques sont d’être partagées par plusieurs individus et d’être très résistantes. L’individu se représente les choses à partir de ce qu’il sait et il va donc interpréter le monde à partir d’un savoir déjà acquis et à partir de ce qu’il imagine, de ses désirs, de ses peurs, de ses conflits, etc.
C’est la notion retravaillée par Serge Moscovici (1961), dans une perspective psychosociale, qui est utilisée dans le cadre de ce travail, soit un système de valeurs et de pratiques relatif à des objets ou des dimensions du milieu social. Jean-Claude Abric (1994) détaille la notion avec, en premier lieu, un élément fondamental, appelé noyau central qui détermine la signification et l’organisation de la représentation ; ce noyau est composé d’opinions, de croyances, d’informations, faisant consensus dans le groupe porteur de la représentation. Il est relié au contexte historique, sociologique et idéologique, en lien avec les valeurs et les normes. Le noyau central est partagé et stable. Dans un deuxième temps viennent les éléments périphériques, qui sont liés au contexte, à l’environnement immédiat, à l’individu, son histoire et son vécu.

Le CDI : des meubles, des tables, de l’ordre

Les analyses ont ainsi mis en évidence un grand nombre de données. Sont présentées ici celles qui permettent d’approcher les représentations des élèves et donc de mieux les comprendre.

Les dessins des élèves qui n’ont pas encore fréquenté le CDI de l’établissement au moment du recueil des données (20 dessins) sont révélateurs d’un premier noyau dur concernant le CDI : une bibliothèque (meuble). En effet, 19 dessins sur 20 figurent des étagères avec des livres, 13 montrent des meubles pour s’asseoir, 13 des ordinateurs en libre-service et 3 des êtres humains. Rapporté à l’ensemble des dessins représentant le CDI, ce constat est confirmé : 85 % ne représentent aucun professeur, 82 % aucun élève, 77 % ni professeur ni élève. L’absence d’être humain ne peut que questionner… Enfin, 7 % ne représentent pas de bibliothèque : après vérification, il semble que ceci peut être expliqué par l’absence de BCD5 dans l’école primaire fréquentée auparavant par l’élève (Illustrations A). Pour ce qui est de l’élément livres, 30 % des dessins de CDI représentent des bibliothèques sans livres, ce qui fait du livre un élément périphérique de la représentation. Parmi les 40 % de dessins faisant état de titres sur le dos des livres – et qui sont lisibles – on peut noter un attrait pour les BD et les fictions, mais peu de livres « documentaires ». Entre l’espace à disposition contenant des meubles pour ranger des livres, et le contenu réel de ces livres, on ne peut que s’interroger sur le lien fait par les élèves entre CDI et savoir.
Le CDI est-il pour autant envisagé par certains élèves uniquement comme un lieu de détente ? L’absence d’éléments faisant référence au silence pourrait le laisser penser. En effet, les dessins mentionnant des signes en ce sens, comme les mots « chut » ou « silence », ne représentent que 3,5 % de l’ensemble, ce qui tendrait à montrer que l’absence de bruit ne semble pas être un élément central de la représentation.
Sur l’ensemble des dessins représentant des élèves (45), la plupart lisent des livres (14), en général assis, d’autres font la queue à la banque d’accueil (2), entrent dans le CDI (2) ou cherchent un livre (1). Quelques-uns, relativement peu nombreux, utilisent les ordinateurs (4). Certains dessins montrent une interaction entre l’élève et le professeur documentaliste (4). Enfin, d’autres présentent des élèves debout, sans activité particulière (17). Peut-on pour autant en déduire que le CDI est assimilé uniquement à un lieu de lecture et d’emprunt ? Et non à un lieu où travailler sur place ? Les éléments tirés de l’analyse ne permettent pas de dégager une représentation univoque mais plutôt de soulever des questions.

A 1
A 2
A 3

Sur l’ensemble des dessins de CDI, 83 % représentent du mobilier : des tables de tailles et de formes variées et des sièges de tous types : des chaises classiques (23 dessins), des fauteuils (9), des banquettes (12) et des canapés (6), mais aussi des tabourets (8), des poufs (2) ou des chaises de bureau (6), etc. Soit en moyenne 4,3 sièges par dessin. Cependant, 34 % des dessins de CDI ne représentent aucun type de siège. Il ressort ainsi de l’analyse que l’item table peut être inclus dans le noyau de représentation, ce qui correspond d’ailleurs aux résultats de Isabelle Fabre et Hélène Veyrac dans leur étude de 2008 à partir de dessins d’élèves, tandis que l’item siège est un élément périphérique.
Pour ce qui est de l’objet ordinateur enfin, les choses sont nuancées. Sur les 124 dessins de CDI, 90 représentent un ordinateur (73 %), ce qui semble signifier que les élèves associent aisément CDI et ordinateurs. Seuls 27 % ne présentent pas d’ordinateurs, ce qui conduit à considérer l’ordinateur comme un élément satellite dans la représentation du CDI.

Le CDI est aussi, à en croire certains dessins, vu comme le lieu de l’imagination, des idées, de la nourriture de l’esprit et de l’élévation. Deux dessins mettent sur la piste de cette interprétation : une bibliothèque, des livres et… un gâteau ! (Illustration B). La proximité entre livre et nourriture est rare et ce qui vient à l’esprit, en première lecture, est le lien à la nourriture spirituelle, à la façon dont la connaissance « alimente » l’esprit par exemple.

B

Autre exemple relatif au CDI comme lieu de savoir : quatre dessins du CDI affichent une échelle posée contre les bibliothèques. Or, le CDI de l’établissement ne comporte pas d’échelle. Sur ces quatre dessins, trois ont pour auteur des élèves qui sont déjà venus au CDI, et qui avaient une bibliothèque scolaire dans leur école primaire. L’échelle symbolise l’élévation, l’élévation graduelle, mais aussi le rapport entre le ciel et la terre et finalement l’ascension spirituelle. Le dessin qui évoque cela le plus fortement est le C, qui représente le CDI comme une échelle. Il mériterait à lui seul une interprétation détaillée tellement les symboles sont forts. Il faut cependant relever que l’échelle est un élément souvent présent dans les films et les séries quand il est question de bibliothèques. Se retrouve ici l’assimilation CDI/Bibliothèque.
Quelques dessins, très peu nombreux (9 %), représentent des luminaires (lampes de bureau, plafonniers). Ce qui nous a conduite à questionner l’absence/présence de fenêtres. Sur 248 dessins, pas un seul ne fait état de fenêtre : pas de rayons de soleil, pas de ciel. Ce qui peut paraître étrange, même en décembre, étant donné les deux très grandes baies vitrées qui font entrer une lumière abondante dans le CDI. La fenêtre, c’est la réception de ce qui vient de l’extérieur et ce qui permet de voir l’intérieur depuis l’extérieur (les yeux sont les fenêtres de l’âme), c’est le passage de la lumière. Dans les dessins, le CDI ne reçoit rien de l’extérieur, et l’extérieur ne peut rien voir de cet espace, comme un espace clos, qui, peut-être, se suffirait à lui-même. Un seul dessin évoque l’extérieur, qui fait figure d’exception, avec son « CDI échelle » qui monte vers le ciel et ses oiseaux, à moins que les nuages n’évoquent la pensée de l’élève et les rêves (Illustration C). Le CDI serait-il un lieu qui n’a pas besoin d’éclairage venant de l’extérieur ? Ou bien un lieu qui porte en lui-même sa propre lumière, c’est-à-dire le savoir ?
Globalement les dessins présentent des lieux « rangés ». Parmi les dessins représentant des bibliothèques « remplies », 54 dessins de CDI (sur 56) font apparaître des livres « rangés », soit 96,5 %, ce qui est très élevé, et 10 dessins de professeur documentaliste (sur 12) montrent des livres rangés, soit 83 %. Il semble que dans l’esprit des élèves, le CDI est un lieu où les livres sont rangés, et que cet aspect relève du noyau central de la représentation. Néanmoins, ni les dessins de septembre ni ceux de décembre ne montrent d’espaces identifiés en tant que tels (espace collège, espace lycée, espace lecture, espace presse, etc.). Ceci alors qu’une séance pédagogique a eu lieu sur ce thème précis. Il faut mentionner à ce propos que le CDI, à l’époque de ce travail, ne proposait pas de signalétique particulière pour les espaces, ni pour les ouvrages. Quant à la classification Dewey, vue en séance pédagogique, elle est totalement absente des dessins du CDI, et à doses homéopathiques dans deux dessins de professeur documentaliste. Ce qui tend à montrer que l’élément rangement, bien qu’intégré par les élèves, n’est pas encore clairement identifié ni structuré, malgré des séances pédagogiques dédiées.

C

Des éléments de l’ordre de la règle, de la contrainte, ou encore de la surveillance ont pu être également repérés dans les dessins. Sur certains nous pouvons trouver par exemple de grands yeux sur les écrans d’ordinateur (Illustration D 63.12a) qui semblent observer ce qui se passe, et sur l’un d’eux un portique qui sonne (« bip bip bip »). Deux élèves ont dessiné la caméra de l’ordinateur, un autre un panneau signalétique avec un téléphone portable barré et un œil qui observe. Certains dessins enfin font référence à des cellules ou à des grilles de prison (grands traits verticaux et horizontaux barrant toute la feuille, comme une grande grille), ou encore à une boîte, avec ses murs dessinés (Illustration D 61.24a), sensation d’enfermement, représentant un lieu complètement clos, ou symbolisant la tristesse avec un ordinateur qui pleure (Illustration D 61.38a). Ces éléments de l’ordre de l’enfermement ou de la surveillance peuvent alerter sur des perceptions négatives du lieu et inviter à un travail d’ouverture de manière à permettre aux élèves de vivre ces espaces de manière moins contrainte et plus sereine.

D 63.12a
D 61.24a
D 61.38a

Ainsi, quand les dessins mettent en valeur les aspects positifs du CDI, la majorité montre du mobilier : tables, chaises, bibliothèques vues de haut, sans vraiment montrer l’activité de travailler, étudier, lire, etc. On peut alors se demander dans quelle mesure le CDI est un lieu que les élèves envisagent d’habiter au sens de « pratiquer un lieu géographique » (Stock, 2004)6. Ceci est d’autant plus questionnant que 85 % des dessins ne représentent aucun adulte dans le CDI. Cela paraît étonnant et pose la question de la perception du lieu par les élèves. Si le professeur documentaliste est souvent assimilé à son lieu (« Madame CDI », « Madame, vous êtes ouverte ? »), la réciproque ne semblerait donc pas vraie : le lieu n’est pas forcément associé au professeur documentaliste. De plus, aucun indice ne permet de penser que les personnes dessinées représentent d’autres personnes (professeurs, parents, personnel d’encadrement) : cet endroit semble donc strictement réservé au professeur documentaliste et aux élèves, quand ils sont présents.

Le professeur documentaliste : souriant mais inconnu

Le professeur documentaliste est un professionnel singulier. Il est le gardien d’un lieu chargé d’affect et de savoirs, et revêt à ce titre un caractère mystérieux. Ses principales qualités sont l’aide et le sourire. L’élément pédagogique, quant à lui, demeure inconnu et intrinsèquement relié au fonds documentaire qu’il gère. Le noyau central de la représentation semble renvoyer à la qualité sourire, accompagnement, femme et à ses éléments périphériques bienveillance/tristesse, relation avec l’élève, intellectuel. (Illustrations E)

E 1
E 2
E 3
E 4
E 5
E 6

 

Un des constats les plus évidents à la lecture des dessins est la présence de sourires sur les visages des professeurs documentalistes : plus de 74 % des visages sont souriants, que ce soit dans les dessins de septembre ou dans ceux de décembre. À l’évidence, le professeur documentaliste est quelqu’un de souriant dans l’esprit des élèves, et la palette des sourires est large : petit sourire, sourire figé, sourire avec dents visibles (ou non), sourire large, sourire franc. Ceci est toutefois à nuancer. Les regards ont également été étudiés dans l’intention de noter la sensation ressentie à la vue du regard de la personne dessinée. Les données relatives à l’ensemble des dessins montrent un équilibre presque parfait entre un professeur bienveillant, présent, voire malicieux (45 %), et un professeur plutôt triste, absent, voire méchant (43 %)7.
Pour ce qui est des paroles ou des mots notés pour décrire le professeur documentaliste (40 % des dessins), une majorité est de l’ordre de l’accueil (10) et de l’accompagnement vers le livre (montrer, renseigner, gérer les emprunts, expliquer) (31), et seulement 4 de l’ordre de l’interdiction.
Autre constat : sur l’ensemble des dessins de professeurs documentalistes, seuls 25 représentent le professeur et l’élève ensemble (soit 20 %), ce qui est peu. La relation professeur-documentaliste se trouve alors questionnée, elle semble n’être qu’un élément périphérique de la représentation.
Enfin, beaucoup de professeurs dessinés ont des lunettes. Les lunettes, c’est ce qui permet de mieux voir, qui corrige une déficience. C’est aussi le lot de ceux qui lisent beaucoup, des « intellos ». Peut-on alors dire que, dans le milieu scolaire, porter des lunettes peut être assimilé à la fonction « d’intello » ? Ce qui ressort de l’analyse des données, c’est une constante dans le port de lunettes entre les dessins de septembre et de décembre. Plus d’un tiers des professeurs documentalistes se voient affublés de lunettes (39 % des dessins). Et nous-même en portons, ainsi que notre collègue. Le professeur documentaliste serait alors pour un tiers des élèves quelqu’un qui lit beaucoup. La qualité intellectuel pourrait ainsi être un élément périphérique.
Si l’on observe à présent les coiffures des professeurs documentalistes, on remarque une réelle évolution entre les dessins de septembre et de décembre : une quasi disparition du chignon (de 27 % à 7 %) et de coupes carrées (de 26 % à 5 %), et une nette augmentation des coupes courtes (de 3 % à 24 %) et de cheveux détachés (de 38 % à 59 %). L’influence des deux professeures documentalistes du CDI qui ont chacune une coupe assez courte semble ici importante. Cela aurait tendance à illustrer l’influence des enseignants sur l’évolution des représentations des élèves. Mais cela semble aussi révéler la permanence du cliché de la bibliothécaire à jupe et chignon des films ou romans, encore très souvent représentée.

Dans l’ensemble des dessins de septembre, sur les 72 représentant des professeurs documentalistes, 55,5 % peuvent être identifiés comme des femmes et 22 % comme des hommes8. En décembre, le ratio passe à 68 % de femmes et 6 % d’hommes. Notons l’augmentation de la part des femmes entre septembre et décembre et la part stable des professeurs documentalistes non genrés. Ce qui apparaît nettement est la prégnance des femmes représentées dans les dessins. Même si cela a pu être largement influencé par le genre des professeures documentalistes de l’établissement, ceci correspond aussi, à peu de choses près, aux chiffres de l’ONISEP (80 % de femmes dans la profession), et semble être un élément du noyau central de la représentation des élèves.

Enfin, les livres sont moins représentés dans les dessins des professeurs documentalistes (46 %) que dans ceux du CDI (87 %). Cette part moindre montre que le livre semble ne pas faire partie du noyau de la représentation du professeur documentaliste par les élèves, mais plutôt être un élément gravitationnel. Au total, 25 % des dessins de professeur documentaliste ne représentent ni livres, ni documents, ni ordinateur en décembre. Ce qui fait 43 dessins représentant un « objet » symbolique de la connaissance, 16 n’en représentant aucun. Ce sont ces derniers qui questionnent : qu’est-ce que cela signifie pour un élève ? Positif ? Négatif ? Doit-on s’en attrister ? Ou plutôt s’en réjouir ? Un professeur de maths doit-il avoir une règle ou une calculatrice pour être un professeur de maths ? Cette absence d’objet référentiel renseigne-t-elle sur une forme de méconnaissance du professeur documentaliste et donc sur ce qui fait aussi la difficulté du positionnement professionnel ? (Illustration F)

F

Concernant la posture corporelle des professeurs documentalistes représentés, la majorité des dessins (75 %) les montrent sans activité particulière. En septembre, les 25 % de dessins restants les présentent en train de désigner des livres (56 %), porter des livres (6 %), ranger des livres (6 %), donner des livres (13 %) ou d’utiliser un ordinateur (6 %). Ce n’est qu’en décembre que des dessins (14 %) les montrent en posture d’enseignement. Ce qui tend à montrer qu’en début d’année la composante enseignante du métier ne fait pas du tout partie de la représentation des élèves, et que celle-ci est largement influencée par la mise en œuvre (ou non) de séances pédagogiques.

Conclusion

Tenter d’analyser les représentations sociales d’élèves qui arrivent en 6e, et qui n’ont, à priori, jamais fréquenté un CDI ou un professeur documentaliste, pourrait sembler inutile. Or, les analyses ont permis de repérer des éléments qui constituent un état des lieux de ce que les élèves apportent avec eux lorsqu’ils pénètrent pour la première fois dans le CDI de leur collège.

L’exploration, systématique et méticuleuse, des dessins a ainsi mis au jour certains éléments qui pourraient faire partie du noyau central de la représentation des élèves.
Pour le CDI, ce sont le meuble bibliothèque, la table, le rangement, avec en éléments périphériques le livre, le siège, et l’ordinateur. Certains éléments, en revanche, qu’il aurait été logique de trouver ne ressortent pas de l’analyse, comme la présence humaine, la signalétique, le silence, le travail.
Pour le professeur documentaliste, ce sont le sourire, l’aide/accompagnement, la femme, avec, pour éléments périphériques, autant la bienveillance que la tristesse, la relation à l’élève, le caractère intellectuel. Ce qui est à noter est la très faible présence d’éléments en lien avec l’information-documentation et la quasi absence de références à l’Éducation aux médias et à l’information.

Quant à notre regard de stagiaire dans sa deuxième année d’exercice, enthousiasmée par ce métier, il a évolué. Le CDI n’est finalement pas le temple du silence ou de l’ennui ; le professeur documentaliste n’est pas un être focalisé sur le silence et l’absence de mouvement. Tout est très vivant et presque joyeux pour les élèves et nous nous en réjouissons. Nos propres représentations ont été bousculées par ce mémoire. Les différents espaces ont, depuis, fait l’objet d’une reconfiguration, favorisant une meilleure identification. Notre posture aussi a changé : plus en lien avec les élèves, moins axée sur le respect du silence, et davantage dans l’accompagnement sur les aspects info documentaires.

Bien entendu, les éléments mis en exergue ne sont ni exhaustifs ni généralisables : l’étude prend place dans un lieu et un temps donnés et il est très possible que le contexte de réalisation des dessins ait influé sur certaines données. Mais ces données peuvent déjà apporter des éléments de réponses aux hypothèses formulées en amont. Les représentations semblent influencées par les images de séries télé et les romans, sans que cela soit toujours de façon négative. Pour ce qui est de l’amalgame fait entre le lieu CDI et le professeur documentaliste, la faible présence de professeurs documentalistes dans les dessins des CDI tendrait à monter que, à l’inverse de l’association « professeur documentaliste = CDI », un CDI n’est pas forcément attaché à un professeur documentaliste. Enfin, l’absence d’identification des différents espaces dans les dessins de décembre, alors qu’une séance pédagogique a porté sur ce thème, permet de mesurer le poids des représentations, et met en évidence l’importance de l’aménagement du lieu dans l’accès au savoir.

Pour aller plus loin, il serait pertinent de réitérer l’exercice dans d’autres établissements en tous points différents pour comparer les résultats et proposer des analyses plus générales. D’autres pistes seraient aussi à explorer pour poursuivre ce travail : par exemple, analyser les dessins sous l’angle de la consommation ; demander aux élèves de dessiner leur CDI idéal ; chercher à savoir si les élèves font la différence entre une bibliothèque et un CDI. Enfin, pour compléter l’analyse, il serait très intéressant de faire dessiner tous les niveaux de la 6e à la Terminale, des parents, d’autres professeurs et d’autres professeurs documentalistes.

Quoi qu’il en soit, l’analyse a permis de mettre au jour un aspect fondamental de la représentation du CDI, le meuble bibliothèque. Comment alors concilier cela avec les Centres de Connaissance et de Culture impulsés par le Ministère, dans lequel le livre n’a plus la même place ? Cela pourrait-il créer un vide ? Un manque ? L’élève s’attend-il encore à trouver un lieu avec des livres aujourd’hui ? Il semblerait…
Un autre point saillant des représentations des élèves est le caractère accueillant du professeur documentaliste. Si l’on met en parallèle l’absence d’éléments concernant l’information ou les médias, ce travail permet de souligner la difficulté structurelle du métier : un professeur sans discipline, un professeur non identifié comme tel par les élèves. C’est ici sa légitimité qui est questionnée et surtout l’influence que ce manque de reconnaissance peut avoir sur la structuration des connaissances de l’élève.

 

Le CDI, un espace évolutif

Avant 1945, une bibliothèque de classe et une bibliothèque pour les enseignants étaient éclatées en plusieurs lieux, au sein d’un même établissement scolaire français. Ce n’est qu’à partir des années 1950, avec l’émergence de certains facteurs, dont la diversité des supports et des nouvelles pédagogies, que les ressources documentaires vont être centralisées au sein d’un même espace. De Centre local de documentation (1958), en passant par Service de documentation et d’information (1966), jusqu’au Centre de Documentation et d’Information (1973) que nous connaissons à ce jour, l’histoire des CDI nous montre que chaque étape de leur évolution est étroitement liée à l’environnement informationnel et pédagogique. Aujourd’hui encore, à l’heure de la surinformation et de la pédagogie nouvelle, l’espace CDI ne cesse de s’adapter comme le prouvent les réflexions engagées depuis 2012 pour évoluer vers un Centre de Connaissances et de Culture (CCC). Précisons que les textes récents, dont la nouvelle circulaire de mission des professeurs documentalistes (2017), mentionnent uniquement le CDI. Par contre, concernant la conception architecturale, le terme CCC est utilisé depuis cette époque qu’il s’agisse de rénovations ou de constructions.
Ainsi, les nouvelles pédagogies, mais aussi la professionnalisation par l’instauration du CAPES documentation en 1989 ont participé à repenser l’espace qu’est le Centre de Documentation et d’Information. Des années 1990 à nos jours, cet espace de formation, d’éducation et de ressources rayonne plus intensément à chaque révolution pédagogique sur l’établissement scolaire du secondaire. Comment ces évolutions se sont-elles traduites et se traduiront-elles à l’avenir dans l’architecture des établissements scolaires ? Une contextualisation à travers l’atlas des collèges de Seine-Saint-Denis1 est l’occasion de se saisir de ces évolutions. Une analyse architecturale, réalisée à deux voix, à partir des fiches consultables de cet atlas et de visites de repérage dans des collèges de Seine-Saint-Denis, nous permet également de formuler quelques pistes pour les collèges de demain.

Le CDI, une ligne de force émergente dans l’histoire architecturale des collèges

par Justine Bourgeois, architecte et chargée d’études au CAUE de Seine-Saint-Denis

Depuis la première période de construction industrialisée des collèges, il existe plusieurs générations de CDI, et leur position au sein des établissements a varié d’une décennie à l’autre. Cette transformation (ou évolution) est liée à des objectifs à la fois pédagogiques et architecturaux, à mettre en lien avec les directives de l’Éducation nationale, les attentes pédagogiques et l’ouverture progressive des collèges à d’autres utilisateurs extérieurs (associations culturelles et sportives, parents d’élèves, soutien scolaire, etc.). Dans le département de la Seine-Saint-Denis, la consolidation de la profession de documentaliste dans les années 1975 et le positionnement des CDI dans les programmes-type de construction des collèges traduisent une volonté de lutter contre l’échec scolaire. Tous ces efforts visent à développer « une pédagogie et une vie scolaire rénovée2 » qui favorisent l’apprentissage et l’initiative individuelle, l’objectif étant également d’offrir aux jeunes des outils et des bâtiments adaptés. Le CCC qui a succédé au CDI depuis 2012 est aujourd’hui l’héritier de cette démarche.
Initialement, dans les collèges industrialisés, les fonctions et bâtiments étaient dissociés. Chaque pôle (Direction, Enseignement, CDI, logements de fonction) occupait un bâtiment distinct. Les bâtiments d’enseignement prenaient la forme de barres constituées en façade par la répétition du même élément – long développé dont la répétition des travées identiques, formant un quadrillage orthogonal, ils bénéficiaient d’une double orientation, d’un éclairage naturel des circulations. Le CDI occupait soit un bâtiment indépendant, soit des locaux dans un bâtiment de plain-pied avec la cour de récréation.

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Crédits : Sarah Piacentino © Caue 93
Source : Atlas des collèges
Titre : collège République à Bobigny
Chronologie : 1970 : Ministère de l’éducation nationale, Architecte d’adaption : Marius Depont, Entreprise : S.N.C.T. 1990-2002 : Travaux de rénovation, Maîtrise d’œuvre : Direction des Bâtiments Départementaux.
Légende : Le CDI se trouve en rez-de-chaussée des pôles vie scolaire et encadrement pédagogique (à droite). On ne le distingue pas des autres locaux desservis par la cour et le préau.

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Titre : collège Jean Moulin à Neuilly-Plaisance.
Chronologie : 1964 : construction du collège des Cahouettes, Maître d’ouvrage : Ministère de l’éducation nationale, architecte et entreprise : inconnu ; 1996 : rénovation lourde du collège Jean Moulin, Maître d’ouvrage : Direction des bâtiments départementaux
Légende : Le CDI était positionné initialement dans un bâtiment indépendant (Bâtiment E) au centre de la cour. Il a bénéficié d’une nouvelle implantation au sein de l’aile d’enseignement principale dans le cadre d’une rénovation lourde du collège.

À la fin des années 1960 et au début des années 1970, l’espace de l’enseignement comme combinaison de salles de classes standardisées devient obsolète et la trame constructive ministérielle est remise en question. De nouvelles instructions pour les programmes et la construction des collèges voient le jour avec le développement physique et psychologique de l’enfant comme cœur de sujet. Les CDI, les salles d’activités d’éveil, physiques et sportives, et pour finir l’ensemble des espaces collectifs deviennent un support de la vie éducative.
Il fallait faire évoluer le bâti des collèges en tenant compte des évolutions pédagogiques et du contenu de l’enseignement. De nouvelles typologies de salles sont incluses dans le programme de construction des collèges : on construit ou on aménage des salles de technologie, on adapte les salles de musique.

À compter de 1985-86, au moment des lois de décentralisation, lorsque les départements prennent en charge la maîtrise d’ouvrage de ces équipements publics, les CDI vont connaître une évolution architecturale, les projets architecturaux de collèges constituant une véritable effervescence dans le département. Le CDI aura une place privilégiée sur le plan spatial au centre de ces équipements scolaires.
On assiste alors à un décloisonnement des fonctions : ce n’est plus la transmission dans la classe qui domine. Le remodelage programmatique vise à renouer le dialogue entre architecture et sociabilité. Le CDI acquiert une nouvelle visibilité dans ces établissements : implantation centrale, effets formels ou plastiques, volumétrie expressive. Sa position est étudiée en liaison avec les trajets des élèves et du personnel enseignant.
Le CDI est conçu comme le pivot entre la vie des élèves et des enseignants : il devient le support d’une nouvelle façon d’enseigner qui rompt avec le cours magistral et qui favorise l’accès au savoir en autonomie. L’architecture cherche à valoriser sa fonction pour le travail en groupe mais aussi pour le repos et la culture personnelle. Son organisation distingue une salle de consultation centralisée et unifiée de petits recoins feutrés propices à la concentration. Sa composition architecturale est guidée par un jeu de couleurs, de matériaux et de lumière.

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Crédits : André Lejarre © Département de la Seine-Saint-Denis
Source : Atlas des collèges de Seine-Saint-Denis
Titre : collège Jean-Jaurès à Montfermeil, 1993 Maître d’ouvrage : Département de la Seine-Saint-Denis, Maître d’ouvrage délégué : Sodedat 93, Architectes : Renée Gailhoustet et Pascale Buffard
Légende : Conçu sur deux niveaux, l’étage inférieur de ce CDI est d’accès libre, la mezzanine est réservée à la lecture et aux travaux encadrés par les professeurs. L’espace lumineux est éclairé au nord par une vaste verrière, à l’opposé, une paroi de pavés de verre courbe diffuse une lumière tamisée.

Dans ces deux collèges réalisés la même année (en 1993), le CDI apparaît comme le lieu privilégié au cœur de ces établissements. À Montfermeil tout comme à Rosny-sous-Bois, il est conçu sur deux niveaux, l’étage inférieur est d’accès libre, équipé d’une borne d’accueil et de prêt et d’espaces de rayonnage, la mezzanine est réservée à la lecture individuelle et aux travaux encadrés par les professeurs. Cet espace lumineux est éclairé par des dispositifs d’éclairage variés.

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Crédits : Mouna Deghali © Caue 93
Source : Atlas des collèges de Seine-Saint-Denis
Titre : Collège Albert Camus à Rosny-sous-Bois, 1993 : Maître d’ouvrage : Département de la Seine-Saint-Denis, Maître d’ouvrage délégué : Sodedat 93, Architectes : Caroline Charmont et Jean-Patrick Desse
Légende : En belvédère au sommet de l’édifice, le CDI est éclairé par un mur-rideau qui encadre le paysage environnant. Une variété de fenêtres éclaire une zone de lecture collective disposant d’une double hauteur, un espace individuel de lecture est niché en mezzanine tel un observatoire au-dessus de cette salle.

Une part d’utopie a guidé la conception de ces collèges : offrir des espaces se démarquant de ceux des collèges traditionnels souvent marqués par la ligne droite, notamment en mettant en œuvre des formes souples et généreuses, introduire richesse et poésie dans les espaces dédiés à l’enseignement. Dans la pratique, cette intention vient cependant parfois contredire la lisibilité des espaces intérieurs et la nécessité de la surveillance des élèves.

À partir des années 2000, la création de salles informatiques et de technologie vient compléter le dispositif d’apprentissage et répond à une demande forte des équipes pédagogiques. Il s’agit d’exigences répondant à l’évolutivité du contenu des programmes pédagogiques ainsi qu’à celle des méthodes et techniques d’enseignement auxquelles les lieux d’enseignement doivent s’adapter.
La conception de ces établissements intègre cette exigence en prévoyant, par exemple, des salles de cours équipées systématiquement de supports informatiques multimédia, des salles dont la configuration permet à l’enseignant de répondre au mieux aux besoins spécifiques de chaque élève en dépassant le rapport frontal, des salles dont la configuration permet l’accueil de groupes d’élèves à taille modulable (classe entière, travail en groupes et travail autonome), des réseaux techniques capables d’évoluer dans le temps afin d’intégrer de nouveaux besoins.

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Crédits : Mouna Deghali © Caue93
Source : Atlas des collèges de Seine-Saint-Denis
Titre : Collège Pasteur à Villemomble, 2006 ; Maître d’ouvrage : Département de la Seine-Saint-Denis, Maître d’ouvrage délégué : Sodedat 93, Architectes : Jean-Christophe Tougeron
Légende : n° 5 : salle de lecture – n° 6 : vue depuis la cour – accueil du CDI au 1er étage et des salles de technologies au 2e étage au sein d’un volume situé au cœur du collège orienté sud-est tourné vers la cour et équipé de protections solaires – n° 7 : accès au CDI et au bureau du psychologue et conseiller d’orientation positionnés au 1er étage le long de l’axe principal de circulation emprunté par les élèves – n° 8 : la salle des professeurs communique avec le CDI par un accès direct (porte et cloison vitrées)

Lové dans un bâtiment cubique sur pilotis situé au centre de la composition, le CDI du collège de Villemomble est éclairé par la façade orientée plein sud unifiée par une série de lames métalliques blanches suspendues au-dessus de la cour. Salles informatiques, de technologie et des professeurs sont regroupées autour du CDI au sein de ce même volume.
Le CDI placé en façade et en partie centrale au sein des collèges tend à se généraliser, en réponse aux schémas organisationnels et aux attentes pédagogiques, afin de mettre en réseau les salles équipées de matériel informatique et en vue de créer des synergies et échanges entre les locaux des professeurs, les bureaux du conseiller d’orientation psychologue (PsyEN) et les ressources du CDI.

Depuis 2012, la conception architecturale des nouveaux collèges, qui privilégie le positionnement du CDI/CCC au centre de la composition et visible depuis les espaces extérieurs, permet de lire les fonctions présentes sur les façades par un jeu contrasté de couleurs et de formes.
Volume en avancée, comme une boîte suspendue, le Centre de Connaissances et de Culture (CCC) bénéficie de vues panoramiques sur le canal de l’Ourcq et sur l’environnement, au collège Anatole France aux Pavillons-sous-Bois.
Revêtements blancs et noirs pour les salles de cours et volume en avancée et souligné d’une couleur rouge vif pour le Centre de Connaissances et de Culture (CCC). Cet espace d’enseignement, d’information et de ressources est un des lieux les plus forts de la vie du collège Gustave Courbet à Pierrefitte-sur-Seine.
Au sein du collège reconstruit Didier Daurat au Bourget, le bâtiment qui abrite le CDI est une pyramide dont le volume intérieur réalisé en béton brut permet une lumière haute, la salle de lecture disposant d’une lumière spécifique et adaptée est dotée d’une terrasse jardin portant des plantations visibles depuis le domaine public.
Le Centre de Connaissances et de Culture (CCC) occupe l’extrémité ouest du premier étage, en belvédère sur le canal, au sein du collège Germaine Tillion à Livry-Gargan.
Les espaces dédiés au Centre de Connaissances et de Culture (CCC) prennent l’angle du collège Jacqueline de Romilly au Blanc-Mesnil, pour marquer l’espace public et appuyer sur la fonction principale du projet.
La volumétrie en creux du Centre de Connaissances et de Culture (CCC) du collège Miriam Makéba à Aubervilliers marque l’entrée par une forte géométrie. Cette partie du bâtiment, plus riche, offre un travail géométrique de facettes qui invite le public à pénétrer dans l’enceinte de l’établissement. Le CCC est une fenêtre urbaine qui ouvre le collège sur la Ville.

Ces espaces considérés comme pièce maîtresse du programme et du parti architectural bénéficient d’un soin particulier. Lumière, transparence et vues sont privilégiées au détriment quelquefois de la fonctionnalité et du confort visuel à l’intérieur de ces espaces où les reflets et surchauffes d’été sont des sujets cruciaux pour les utilisateurs. Ceci induit des contraintes techniques et architecturales relativement complexes à traiter, en termes de protection solaire et de ventilation.

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Crédits : © Epicuria Architectes
Source : Atlas des collèges de Seine-Saint-Denis
Titre : Collège Anatole France Aux Pavillons-sous-Bois, 2014
Maître d’ouvrage : SEPIA Partenariat, Promoteur : SOMIFA IDF, Constructeur mandataire : NORD FRANCE CONSTRUCTION, Équipe de maîtrise d’œuvre : EPICURIA ARCHITECTES – BERIM 
Légende : n° 9 : salle de lecture – n° 10 : vue depuis la passerelle : en position centrale dans l’axe horizontal de la composition, le CCC bénéficie de vues panoramiques sur le canal de l’Ourcq et sur l’environnement. 

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Crédits : Aysun Süle © Caue 93
Source : Atlas des collèges de Seine-Saint-Denis
Titre : Collège Gustave Courbet à Pierrefitte-sur-Seine, 2019 : Maître d’ouvrage : Département de la Seine-Saint-Denis, Maîtrise d’œuvre : Atelier d’architecture Manuel R. Da Costa
Légende : n° 11 : salle de lecture – n° 12 : vue depuis la cour et les espaces extérieurs : en exergue une boite suspendue… 

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Crédits : Mathilde Leclair © Département de la Seine-Saint-Denis
Source : Atlas des collèges de Seine-Saint-Denis
Titre : Collège Didier Daurat au Bourget, 2015 : Maître d’ouvrage : Eiffage pour le Département de la Seine-Saint-Denis, Maîtrise d’œuvre : Atelier Salomon Architectes
Légende : n° 13 – n° 14 – n° 15 : salle de lecture – vues et dispositifs d’éclairage naturel

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Crédits : Ameller & Dubois Associés © Département de la Seine-Saint-Denis
Source : Atlas des collèges de Seine-Saint-Denis
Titre : Collège Germaine Tillion à Livry-Gargan, 2018 : Maître d’ouvrage : MAYLIA Partenariat, Promoteur : SOMIFA, Constructeur mandataire : NORD FRANCE CONSTRUCTION, Équipe de maîtrise d’œuvre : Ameller & Dubois Associés
Légende : n° 16 : salle de lecture – n° 17 : vue depuis le parvis extérieur : en belvédère au-dessus de l’entrée principale le CCC bénéficie de vues sur le canal de l’Ourcq et sur l’environnement arboré. 

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Crédits : Aysun Süle © Caue 93
Source : Atlas des collèges de Seine-Saint-Denis
Titre : Collège Jacqueline de Romilly au Blanc-Mesnil, 2019 : Maître d’ouvrage : Eiffage pour le Département de la Seine-Saint-Denis, Promoteur : SOMIFA IDF, Constructeur mandataire : Agence Lehoux-Phily-Samaha, Équipe de maîtrise d’œuvre : Roger Gilbert, architecte

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Crédits : Cédric Lallement © Platane-ilic
Source : Atlas des collèges de Seine-Saint-Denis
Titre : Collège Miriam Makéba à Aubervilliers, 2015 : Maître d’ouvrage : VINCI pour le compte du Département de la Seine-Saint-Denis, Maîtrise d’œuvre : Platane et Ilic architectes
Légende : n° 19 : vue depuis le parvis extérieur – n° 20 : salle de lecture – Sur le pignon sud-ouest, se trouve le Centre de Connaissances et de Culture (CCC) avec sa face vitrée en porte-à-faux sur le parvis et la ville.

Dans le volet fonctionnel du programme type qui guide la construction ou la rénovation des collèges, piloté par le Conseil départemental de Seine-Saint-Denis et réalisé dans le cadre d’une démarche participative collective mobilisant une diversité d’intervenants, le centre de connaissances et de culture (CCC) est considéré comme un « élément fédérateur » d’une importance centrale au sein des établissements scolaires dont les multiples fonctions sont explicitées. Cet espace, ayant été trop souvent relégué à une position d’arrière-plan, constitue aujourd’hui, face au tsunami d’informations auquel sont confrontés les élèves, un lieu ressource pour l’Éducation aux Médias et à l’Information comme l’illustre le CCC du collège Germaine Tillion à Livry-Gargan, par exemple.
Considéré comme un outil clé où l’élève développe sa capacité d’apprendre à apprendre, la maîtrise d’ouvrage a été amenée à repenser la configuration spatiale de cet espace documentaire dans le cadre de la programmation de nouveaux collèges à construire, à reconstruire ou à rénover. C’est pourquoi, en plus d’en faire une des lignes de force du programme architectural, le Conseil Départemental préconise son emplacement au cœur du collège, au carrefour des grands axes de circulation fréquentés par l’ensemble de la communauté éducative, comme l’explicite Philippe Lapalus, chef de service adjoint – Service de la maîtrise d’ouvrage des collèges, à la Direction de l’Éducation et de la Jeunesse du Département de Seine-Saint-Denis, lors d’un entretien réalisé par le CAUE 93 en avril 2021 : « Le CCC doit être conçu au cœur de l’établissement, facilement accessible depuis la vie scolaire, les locaux des enseignants et les salles d’enseignement, situé sur le chemin naturel des élèves, tout en assurant sa protection vis à vis des nuisances sonores. Le CCC doit être le lieu du collège où l’on aime se rendre. Au-delà de sa position centrale dans l’établissement, le Centre de connaissances et de culture doit disposer d’une conception architecturale permettant la mise en valeur de sa fonction spécifique dans le collège ». Actuellement, le CCC au sein du programme préconise une organisation en plusieurs zones, avec notamment des cellules de travail permettant diverses activités pédagogiques telles que le travail autonome des élèves, le développement du tutorat, la facilitation du travail par petits groupes, etc.
Mais, comme nous l’a montré l’histoire architecturale des CDI et des CCC plus haut, cet espace ne cesse d’évoluer pour s’adapter aux mouvements pédagogiques de chaque époque, contrairement à la salle d’enseignement qui, elle, est restée plus ou moins statique. C’est pourquoi sa position dans l’établissement et sa configuration spatiale sont régulièrement rediscutées, dans le cadre de différentes séances de concertation organisées par le Conseil Départemental de Seine-Saint-Denis pour recueillir les avis et les requêtes auprès des chefs d’établissements, des gestionnaires et des professeurs documentalistes. Ces échanges, organisés à chaque étape du programme, de la conception à la réalisation, visent à répondre au plus près des besoins des usagers. Les objectifs visés par la maîtrise d’ouvrage de ces collèges sont d’améliorer la fonctionnalité et la qualité d’usage dans ces équipements scolaires, d’apporter davantage de continuités visuelles et spatiales entre les pôles et de liens avec la ville. Le fruit de ces échanges a amené les parties prenantes du programme de construction à une remise en question autour de l’emplacement du CCC au sein du collège. Il est envisagé de l’articuler au plus près de la cour de récréation et du pôle Espaces culturels partagés, afin qu’il soit à la fois au service des élèves et des utilisateurs extérieurs.
Comment envisager le CDI/CCC du futur en conciliant les contraintes de surfaces, de sécurité et autres normes liées au programme de construction avec les attentes du professeur documentaliste et des usagers ?

Quelle architecture pour le Centre de documentation de demain ? Questions des professeurs documentalistes à l’attention des architectes et maîtres d’œuvres

par Émilie Guitter, professeure documentaliste, du collège Jean-Baptiste Corot du Raincy (93) et professeure relais aux CAUE de Seine-Saint-Denis et du Val de Marne

À la lecture de cette rétrospective sur la conception architecturale des CDI au fil des décennies, il apparaît clairement que l’objectif essentiel des architectes et maîtres d’œuvre depuis la conception des premiers CDI est d’adapter les exigences architecturales aux missions assignées au CDI et aux professeurs documentalistes, au gré des époques (ou en tout cas, à ce que les architectes perçoivent des missions supposées d’un CDI et du personnel y officiant). Ainsi, les CCC des derniers collèges construits sont en général composés d’une grande salle de lecture avec des rayonnages, d’un espace informatique, ainsi que de plusieurs petites salles annexes. Une question se pose alors : avec un CDI dépourvu d’espace pédagogique dédié, comment le professeur documentaliste en poste peut-il alors transmettre les connaissances et compétences en Éducation aux Médias et à l’Information telles que définies par la circulaire n° 2017-051 du 31 mars 2017 relatives à ses missions ? En effet, l’espace de séances pédagogiques manque souvent à l’appel : un vidéoprojecteur fantôme et des places élèves à inventer. Le professeur documentaliste doit alors se délocaliser dans une salle de cours. Plutôt qu’au CCC du futur, réfléchissons au CDI idéal dans lequel le maître d’œuvre de l’Éducation aux Médias et à l’Information a la responsabilité de transmettre des connaissances, des compétences et un bagage culturel aux élèves. Ce questionnement adressé aux architectes nous conduira à proposer un voyage initiatique dans le Centre de Documentation et d’Information imaginé par les professeurs documentalistes que nous avons pu rencontrer en préparant cet article. 
On peut résumer ainsi les missions du professeur documentaliste : pédagogie, gestion, communication, animation. Cependant, mener ces différentes missions au cours d’une journée de huit heures relève du parcours du combattant : mener un projet vidéo avec le CLEMI, animer le club mangas, assister à la réunion d’organisation de la journée portes ouvertes avec la direction, sans oublier les demandes des élèves en continu pour un livre, un EPI, et plus encore.
Pour ce qui est tout d’abord de la position du CDI/CCC dans l’établissement, il s’agit d’un élément stratégique dont le Conseil Départemental connaît l’importance : un repositionnement en rez-de-chaussée avec un accès cour peut favoriser son accessibilité aux collégiens, pendant la pause méridienne notamment ; un positionnement entre la salle des professeurs et la vie scolaire permet des échanges suivis avec les équipes enseignantes, propices aux projets interdisciplinaires. Cette nouvelle préconisation d’implantation privilégie également l’utilisation hors temps scolaire tout en évoquant l’idée d’ouvrir à d’autres publics et utilisateurs extérieurs (parents, associations), comme on peut déjà le voir dans les projets de label Génération 20243 où les infrastructures sportives des établissements scolaires sont prêtées aux associations du territoire.

Pour ce qui est de sa configuration spatiale, privilégier la fonctionnalité et la flexibilité fait partie des préconisations architecturales relatives à ces nouveaux espaces : un grand plan libre à forme simple pour tenir compte des grandes tendances pédagogiques et de l’évolution des techniques d’information et de communication, un mobilier mobile pour s’adapter aux différents usages actuels et/ou à venir ; et côté équipement matériel nécessaire à la mise en œuvre de séances pédagogiques dans des conditions idéales, des places assises en nombre face au tableau, un vidéoprojecteur, ou des ordinateurs à raison de deux élèves par poste, sont un minimum requis à l’heure du numérique pour former les citoyens de demain.
Dans cette préconisation, le Conseil Départemental de Seine-Saint-Denis envisage de mettre une salle d’enseignement à proximité immédiate du CDI/CCC à même d’accueillir une classe entière tout en assurant le lien avec l’espace documentaire. Cette salle pourrait alors servir à plusieurs types d’activités telles que les conseils de classe. Ainsi, la fausse bonne idée des multiples petites salles qui entourent ce lieu s’effacera pour favoriser un espace plus grand, lumineux et plus ouvert. Une observation des pratiques montre qu’une ou deux salles suffisent pour développer un projet webradio, par exemple. En revanche, envisager différents espaces confortables, dédiés à des coins lecture plaisir ou à des jeux de société, serait une manière de préserver un bon climat scolaire. Toutes ces activités se dérouleraient sous l’œil avisé du professeur documentaliste remplissant sa mission pédagogique non loin de la banque de prêt. Cette dernière, idéalement placée, c’est-à-dire en face de l’entrée avec une vision à 360° du CDI, matérialisant la disponibilité et la vigilance du professeur documentaliste.

Le CDI est un lieu central ouvert à tou.te.s et qui garde sa part d’incertitude pour ce qui est de ses évolutions à venir. En partenariat avec le département, entrer dans une démarche design thinking devrait permettre d’envisager un aménagement à l’image de son/ses public(s). Le projet Archiclasse développé par l’Éducation nationale accompagne les collègues dans la définition de l’école de demain avec pour ambition de faciliter et d’anticiper les usages du numérique dans les temps de vie scolaire.