Avec le yoga, les mots prennent corps

La mise en place du projet s’est basée sur plusieurs constats. Le dispositif UPE2A (Unité Pédagogique pour Élèves Allophones Arrivants) accueille des jeunes isolés, angoissés par leur situation et accumulant des tensions dues à leurs problèmes d’expression. En fin d’année, ils doivent réussir le DELF (Diplôme d’Études en langue française), une source de stress supplémentaire pour eux. Chaque semaine, les élèves allophones vont se rendre au dojo du lycée pour pratiquer le yoga et apprendre la langue française durant une heure. Ils seront accueillis en parallèle au CDI en fonction des besoins par la professeure documentaliste.

Exprimer ses émotions, se sentir en sécurité dans un établissement étranger, apprendre le vocabulaire du corps humain, l’amélioration de la compréhension de la langue française (conjugaison et expressions en rapport avec le corps) dans un état de détente sont les objectifs de ce projet. Il est un exemple concret d’expériences de yoga au service d’un public particulier. Les techniques utilisées sont un support d’apprentissage et de mise en réussite de l’élève dans sa globalité. Elles peuvent se vivre dans différentes situations, au dojo, en classe ordinaire, en demi-groupe au CDI ou en ateliers. Chaque semaine, les élèves allophones vont pratiquer le yoga pour se détendre tout en apprenant le vocabulaire des émotions et du corps humain. Cette pratique de bien-être va leur permettre d’inscrire profondément les mots dans leur corps en ressentant et en sollicitant les zones corporelles de diverses manières. Les séances sont liées au programme de Français Langue Étrangère (FLE) et de Français Langue Seconde (FLS) : elles l’enrichissent et le consolident. La professeure documentaliste travaille ainsi en amont avec le groupe pour préparer le vocabulaire des relaxations et proposer des lectures en état de détente.

Les effets du yoga sur notre organisme

Les études sur les effets du yoga sont récentes1. Elles mettent en évidence que sa pratique, comme beaucoup d’autres activités physiques, améliore la coordination, renforce les muscles et la circulation sanguine. Mais sa grande particularité est le développement d’une meilleure conscience de son corps et de sa respiration. Le souffle est à la base de toutes les techniques de gestion du stress. Des étirements légers soulagent les douleurs, une respiration calme apaise le système nerveux, ce qui favorise un sentiment de relaxation. Les exercices ont un effet stimulant sur l’humeur et aident à mieux gérer le stress.

La plupart des personnes qui s’orientent vers la pratique yoga recherche un mieux-être (un apaisement du mental et des tensions dans leur corps) et des techniques qui vont atténuer leur anxiété. Mais que se passe-t-il dans notre organisme ?

Le système nerveux central régule les fonctions vitales, celui-ci est composé d’un sous-système excitateur, le sympathique, et d’un autre apaisant et ralentisseur, le parasympathique. Ces deux sous-systèmes doivent s’équilibrer. En situation de stress, le sympathique rentre en action. Le corps a besoin de phases de récupération et de calme, c’est à ce moment-là que le système para-sympathique doit intervenir. La synchronisation du souffle avec les mouvements et le travail postural réactivent celui-ci et permettent un retour au calme.

À partir de 2010, une équipe de l’université de Boston dirigée par Chris Streeter2 a orienté ses recherches sur la molécule messagère GABA (acide gamma-aminobutyrique). Celle-ci atténue l’excitabilité des cellules nerveuses. Leurs études mettent en évidence qu’une pratique régulière du yoga (3 fois par semaine) augmente le niveau de GABA dans le thalamus, la station centrale de communication des stimuli dans le cerveau. Ce taux plus élevé serait responsable d’une augmentation du sentiment de bien-être.

Une étude menée par Britta Hölzel, psychologue à l’hôpital de la Charité de Berlin, s’est intéressée à la structure du cerveau3. L’hippocampe, important dans les processus d’apprentissage et le traitement des informations, a augmenté de volume après plusieurs semaines d’entraînement avec des exercices de yoga. Cela indique que les cellules nerveuses y sont plus interconnectées. En revanche, il a été démontré l’atrophie de cette zone chez les personnes exposées à un niveau de stress élevé.

Les chercheurs ont également repéré que l’amygdale, une glande qui réagit aux menaces et à la douleur, serait réduite en volume avec la pratique de la méditation et du yoga. Les modifications en volume de ces zones seraient à l’origine d’un effet anti-stress.

Yoga avec les élèves allophones

Le premier objectif d’une séquence de yoga est d’amener l’élève à ressentir un mieux-être et un état de détente. Ensuite ils doivent s’approprier des outils pour qu’ils puissent reproduire cet état en autonomie. Le deuxième objectif est d’améliorer leur apprentissage en favorisant la concentration et la mémorisation. « Pas d’attention sans tension » a dit Micheline Flak fondatrice du RYE (Recherche du yoga dans l’éducation) fondé en 1978 et agréée par l’Éducation nationale en 2013, dans son premier livre à destination des enseignants4. Les exercices proposés aux élèves sont inspirés par la formation que j’ai suivi avec le RYE.

À chaque intervention, que ce soit en classe ou au dojo, la structure de la séquence est identique, ritualisée, basée sur les six premières étapes de l’échelle de Patanjali (Yoga-Sutras, texte fondateur qui codifie la pratique traditionnelle du Yoga).

En suivant celles-ci, les tensions physiques et mentales s’apaisent. De la place s’est libérée pour de nouveaux apprentissages, l’élève est plus apte à se concentrer.

Les 6 premières étapes de Patanjali adaptées en milieu scolaire

La démarche est de partir d’un mot, de le ressentir dans son corps, de le dire à voix haute puis de l’écrire. Les exercices se font en marchant, en position assise ou allongée. Les élèves disposent d’une ardoise qu’ils utilisent régulièrement pour écrire les mots.

La séance est organisée toujours de la même façon. On commence par les Yamas. Les élèves assis en cercle, dessinent sur leur ardoise un symbole correspondant à leur état émotionnel. Progressivement ils peuvent choisir des mots étiquettes pour enrichir leur vocabulaire et s’exprimer à voix haute s’ils le veulent. Ils apprennent régulièrement les prénoms des nouveaux arrivants, les premiers arrivés dans le groupe viennent en aide s’ils le peuvent aux autres. Progressivement ils s’expriment soit par le dessin soit par le mime soit à voix haute sur ce qu’ils ressentent et aiment faire… ils apprendront à se connaître, à faire des compliments et à en recevoir. Des mots et des expressions en rapport avec le regard sont abordés comme « se faire un clin d’œil », « froncer les sourcils » … les élèves vivent les mots en les passant à leurs voisins.

Viennent ensuite les Niyamas : Les automassages. Les élèves vont se toucher les parties du corps en répétant à voix haute le mot correspondant. Progressivement, des verbes d’action sont intégrés comme « masser », « frotter », « tapoter », « caresser » … puis la conjugaison en fonction de leur avancée en cours de FLE (Français Langue Étrangère) : « Je masse mon pied, tu masses ton pied ». Suivent les Pawanamuktasanas : l’élève va solliciter une articulation, la nommer, elle ainsi que son action à voix haute. Prenons la marche : au signal, l’élève pose la partie du corps annoncée au sol. À voix haute l’élève répète en conjuguant et en exécutant l’action. Par exemple : « je marche », « tu marches » ou encore « je glisse », « je recule », « je cours ». Comme pour les automassages, l’exercice évoluera avec leur niveau de conjugaison. Plus tard, des expressions seront abordées et vécues en marchant, puis « stop », au signal les élèves se mettent : dos à dos, les yeux dans les yeux, main dans la main…

Les asanas quant à eux sont des postures ; on privilégie celles d’équilibre et les guerriers 1 et 2. Avec un travail autour du vocabulaire et de la symbolique de l’arbre, les élèves sont invités à créer leur propre posture et à constituer une forêt avec l’ensemble du groupe. L’objectif est qu’ils s’enracinent tout en faisant partie de leur environnement. C’est également une posture qui demande calme et concentration, elle permet de détecter les pensées perturbantes qui se traduisent par de petites pertes d’équilibre.

Les postures des guerriers 1 et 2 vont leur permettre de trouver de la force et de la confiance. Ils se fixeront une intention qu’ils se répéteront avec conviction durant la réalisation de celles-ci (par exemple : je travaille mon français tous les soirs 30 minutes). Ces deux postures procurent une impression de stabilité et de force dans une attitude ouverte et positive.

Enfin, les pranayamas, c’est-à-dire la respiration et son vocabulaire, sont abordés dès les premiers cours. Les exercices sont guidés dans un premier temps à voix haute par l’enseignant ou avec l’utilisation d’un repère sonore (un petit hand drum par exemple), visuel (des exercices de cohérence cardiaque projetés sur le mur du dojo) ou kinesthésique (avec le mouvement des doigts, des mains ou des bras). L’objectif est qu’ils prennent conscience de leur respiration et qu’ils allongent l’expiration afin de s’apaiser.

La séquence se termine par la relaxation ou Prathyahara. Celle utilisée est de type yoga nidra, détente du corps mais l’esprit reste éveillé pour visualiser et être attentif.

L’élève allongé sur le dos, immobile, va vivre des relaxations en fonction de son niveau de vocabulaire. Les rotations de la conscience dans le corps deviendront de plus en plus détaillées en fonction des mots connus sur le corps humain. La deuxième partie de la relaxation va évoluer en fonction du niveau de langue des élèves. Dans un premier temps, de la musique est utilisée pour apporter de la détente. Progressivement des visualisations sont proposées sur des mots. La fraise par exemple : imaginez une fraise, sa couleur, son goût, les lettres du mot, le mot écrit entièrement. Ensuite des histoires un peu plus longues sur l’arbre et la forêt avec au préalable un travail sur le vocabulaire utilisé avec la professeure documentaliste. Pour finir, lorsque les élèves sont bien habitués à l’exercice, ce temps est consacré à l’écoute active : l’élève doit lever le bras lorsqu’il entend par exemple des verbes conjugués au participe passé. À ce moment-là, des liens sont faits avec des textes travaillés en cours de français langue étrangère et des livres sont présentés au CDI par la professeure documentaliste. La lecture d’extraits de ces livres adaptés à leur niveau de langue est faite par celle-ci durant le yoga nidra.

Exemple d’une relaxation finale : celle-ci est adaptée tout au long de l’année en fonction de l’avancée du niveau de l’apprentissage du français des élèves (annexe 1)

En suivant ces étapes, le cours de yoga est un moment où chacun prend le temps de ressentir son état intérieur et son corps. En état de détente, les élèves apprennent du vocabulaire en vivant les mots en mouvement ou en visualisation. Ce moment propice aux apprentissages permet de mémoriser les mots dans notre organisme tout entier. Le mouvement et la posture laissent une empreinte profonde dans notre mémoire.

Grâce au travail interdisciplinaire (FLE, FLS, documentation, yoga) les mots prennent corps. Les collègues qui participent au projet suivent les stages de formation « Yoga en classe » que je propose dans mon établissement.

Les élèves allophones sont ravis de se retrouver pour bouger, se détendre et en même temps apprendre. Pour eux, c’est une façon différente d’être en cours. Adil témoigne en disant : « quand j’oublie un mot, je me revois faire et il revient ».

Cette expérimentation met en avant des techniques qui peuvent être transposables à différentes situations scolaires : intégration plus rapide d’une langue vivante, mémorisation de leçons en histoire par exemple, ou encore apprentissage de la lecture et du vocabulaire chez les plus jeunes.

 

 

 

Veille éditoriale

Un CDI qui a du chien ?

Quelques bibliothèques de province et une bibliothèque universitaire d’Angers expérimentent l’accueil de nos amis à quatre pattes dans leurs locaux. Ainsi, la bibliothèque de Munster propose aux enfants une animation mensuelle : « Lire avec le chien ». L’enfant lit en tête-à-tête une histoire au chien, expérimentant ainsi la lecture à voix haute. En collège, on envisagera donc l’achat de Cabot-Caboche de Daniel Pennac et en lycée de Mon chien stupide  de John Fante. Si la présence d’un animal peut apaiser et détendre nos élèves, attention, cependant, à ceux qui sont allergiques aux poils d’animaux. Un pit-bull, chien à poil court donc moins allergisant, présentera également l’avantage de faire régner un certain calme dans nos CDI. À étudier.

Encore un chien !

Le Petit théâtre des opérations est une série de bande dessinée historique publiée chez Fluide Glacial dans laquelle Julien Hervieux, professeur d’histoire, rend hommage, sous une forme décapante, à des héros oubliés des deux guerres mondiales. Ces destins héroïques, retracés entre 4 et 6 planches, sont illustrés par Monsieur Chien, digne successeur de Marcel Gotlib. En parallèle de cette série désopi­lante, Fluide Glacial propose à la location une exposition de 21 panneaux. Panneaux sur lesquels on découvre, entre autres, les portraits de Douglas Bader, aviateur cul-de-jatte et de Simon Häyä, un Finlandais de 1,52 m, qui, en 1939, lors de l’invasion de la Finlande par l’Union soviétique va abattre au fusil 500 ennemis. On découvre également comment répondre, enfin, à ces questions existentielles : pourquoi monte-on dans les avions par la gauche ? et à quoi servaient les teckels communistes ? Pour connaître les conditions de location, vous pouvez contacter Valentine Veron (vveron@fluide glacial.com). Comme dirait Monsieur Chien : « Apprendre en se poilant, y a rien de mieux ! Ouaf, ouaf ! ».

Quand les magazines deviennent éditeurs de livres

Plusieurs revues se lancent sur le marché de l’édition de reportages au long cours espérant ainsi diver­sifier leurs revenus. La revue XXI propose ainsi, dans un format léger de 96 pages pour 9 euros, deux premiers titres : À la base c’était lui le gentil sur les rixes adolescentes et La part du chien sur les soldats en situation post-traumatique qui trouvent réconfort auprès de chien de la SPA (cette veille éditoriale est décidément canine). Médiapart s’associe aux éditions du Seuil pour lancer la collection « Enquête de sens ». Son premier titre La Haine ordinaire « racontera ce que le racisme, l’islamophobie et l’antisé­mitisme, alimentés par de plus en plus de médias et d’hommes politiques, font aux personnes vivant en France ». Quant à la revue Society voguant sur le goût pour les faits divers qui font le succès de certaines séries Netflix elle propose chez 10/18 la collection « True Crime ». Espérons que pour une fois le crime paiera…

Le Routard, 50 ampoules au pied

Cette année, le célèbre guide fête son 50e anniversaire. Au fil des années, le routard de la couverture a coupé ses cheveux et s’est embourgeoisé. Avec ses 55 millions de livres vendus, il pourra bientôt abandonner son sac à dos pour une valise à roulettes Samsonite ou Delsey (publicité gratuite). Pour se diversifier, l’éditeur a lancé, récemment, un magazine et une collection « Les beaux livres du routard », dont, à l’occasion de cet anniversaire, Les cinquante voyages à faire dans sa vie. On the road again…

Cap / Pas Cap / Handicap

C’est le titre de la revue Nouvelles du livre jeunesse parue à la fin de 2022, toujours disponible sur son site. Au sommaire de ce numéro, des articles sur les représentations du handicap dans la littérature jeunesse et une bibliographie de cent livres sur le sujet. Parmi ces livres parus entre 2000 et 2022, on peut retenir, entre autres, Les Étincelles invisibles d’Elle McNicoll à l’École des loisirs et Wonder de R. J. Palacio en Pocket jeunesse pour le collège et La vie commence aujourd’hui de Christophe Léon à La joie de lire pour le lycée. Un petit maillon dans l’inclusion.

Lucie au pays des Dys

Lucie Mrozec est une jeune femme multidys. Notre collègue, Isabelle Grout, l’a accompagnée pour écrire son témoignage, centré sur son parcours scolaire éprouvant. Elle a cherché à rendre le vécu parfois douloureux de Lucie en restant au plus près de ses mots (maux). Ce témoignage émouvant, autoédité en ligne, est disponible grâce à la plate-forme Librinova. Il apporte une réflexion sur le système scolaire et l’école inclusive et a donc toute sa place dans nos CDI pour nous éclairer, ainsi que les collègues de discipline, sur ces troubles cognitifs encore trop méconnus. Vous pouvez en acheter une version papier : Mrozec, Lucie, Grout, Isabelle. Lucie au pays des dys : j’aurais préféré m’appeler Alice. Librinova, 2022. 112 p. ISBN : 979-10-405-2821-0.13,90 €
– Fnac.com : https://www.fnac.com/a18114200/Lucie-Mrozek-Lucie-au-pays-des-Dys#omnsearchpos=1
– Amazon.fr : https://www.amazon.fr/dp/B0BLHFWJRZ/
– Et d’autres sites en ligne comme leslibraires.fr, cultura.com
et en librairies physiques.
Un livre à commander et à recommander.

Les Ateliers Henri Dougier

Sans doute ne connaissez-vous pas cette récente maison d’édition créée par Henri Dougier, fondateur des éditions Autrement, revendues depuis à Flammarion. Parmi les différentes collections qui la compo­sent on peut en retenir trois qui trouveront leur place dans les CDI de lycée. « Autobiographie d’un mythe », illustrée de nombreuses œuvres d’art, donne la parole à Œdipe, Vénus ou Icare… « Le roman d’un chef d’œuvre » retrace les circonstances de la naissance des tableaux de Bruegel, Goya, Frida Khalo et de bien d’autres. « Lignes de vie d’un peuple », avec ses 50 titres, combat les préjugés et les clichés en envoyant des auteurs autour du monde. Non les Mongols ne vivent pas tous dans une yourte, les Argentins ne dansent pas tous le tango et les Napolitains ne sont pas tous maffieux ! Des ouvrages édités avec soin pour un prix relativement modique.

Faisons des économies

Étant donné le budget de nos CDI, plus proche du PIB du Burundi que de celui des États-Unis, on ne peut que saluer l’initiative de certains éditeurs de proposer des bandes dessinées à petit prix. Panini comics offre les héros Marvel à 6,99 €. Dargaud édite une version intégrale des trois tomes de Pablo de Birmant et Oubrerie, en format de poche, à 9,50 € au lieu de 39 €. Urban Comics Nomad propose deux chefs d’œuvre dystopique à 9,90 € : V pour Vendetta de David Lloyd et Watchmen d’Alan Moore. Futuropolis met en vente des albums de son fonds, joliment édités, dans un plus petit format à 10,90 €, parmi lesquels on peut retenir Lulu femme nue de Davodeau et La Déconfiture de Rabaté. Casterman, enfin, dans le cadre de sa collection Angoulême 50e édition, offre des classiques du roman graphique à 12 €, parmi eux Ici-même de Forest et Tardi et Kiki de Montparnasse de Bocquet et Catel. Avec toutes les économies ainsi réalisées vous pourrez vous réabonner plus facilement à InterCDI. Merci qui ?

Simenon en bande dessinée

En 2020, le scénariste Jean-Luc Fromental s’était inspiré du séjour en Arizona de Georges Simenon pour écrire l’album De l’autre côté de la frontière publié chez Dargaud. Après sa lecture, John Simenon, son fils et ayant droit, lui propose d’adapter quelques-uns des romans « durs » de son père. José Bocquet, associé à ce projet, se lance en premier avec Le passager du Polaris (dont il dit : « c’est Mort sur le Nil au milieu des icebergs »). L’album est mis en image par Christian Cailleaux. Jean-Luc Fromental, quant à lui, s’associe à Bernard Yslaire pour La Neige était sale, un roman très noir sur la rédemption d’un jeune assassin. Les deux scénaristes s’associent ensuite pour raconter dans Simenon, l’ostrogoth l’arrivé du romancier et de sa compagne Tigy dans le Paris des Années folles. Jacques de Loustal en est le dessinateur. Un dessinateur fin connaisseur de l’écrivain liégeois puisqu’il a illustré les différents tomes de l’intégrale de cet auteur chez Omnibus. Au final, huit albums devraient être publiés chez Dargaud. Étant donné la qualité des scénaristes et des dessinateurs, cette série devrait rencontrer un grand succès.

Sylvain et Sylvette orphelins

Qui ne connaît pas ces deux enfants vivant dans une chaumière isolée où ils ont trouvé refuge après avoir perdu leur mère lors d’une cueillette de champignons ? Qui ne connaît pas les quatre compères, le renard, le loup, l’ours et le sanglier qui essaient vainement de voler leurs provisions. Leur père, le dessinateur, Jean-Louis Pesch est décédé à l’âge de 94 ans. En 2022, ne trouvant pas de successeur, il met un point final à leurs aventures dans l’album La Belle aventure dans lequel les enfants retrouvent leur mère. Jean-Louis Pesch s’est éteint après avoir dessiné, depuis 1957, 48 000 pages et vendus 20 millions d’albums. De quoi être dans le livre des records !

Heidi à l’UNESCO !

Eh oui, la petite orpheline suisse a quitté ses verts alpages pour trouver refuge dans cette vénérable institution dans le cadre du Registre international Mémoire du Monde. Les archives de l’écrivaine Johanna Spyri, conservées à Zurich, contenant plus de 1000 documents (manuscrits, illustrations, photos) sont inscrites à ce registre chargé de préserver le patrimoine documentaire mondial. Les documents sur cette fillette, âgée de 143 ans, y côtoieront ceux de Charles De Gaulle, des Frères Lumière et du Père Castor. Avec eux, elle ne va pas s’ennuyer…

Arcturus

Thomas Pesquet n’a peur de rien. Après avoir parcouru la galaxie, le prince de l’espace vient de créer Arcturus (nom d’une étoile de la constellation du Bouvier, à ne pas confondre avec le héros de Goldorak), une société qui va gérer ses droits. Il pourra ainsi facturer ses conférences, prodiguer son expertise à des entreprises audiovisuelles et éditer des ouvrages de fiction ou des documentaires. Jusqu’à présent, il était le héros d’une bande dessinée de Marion Montaigne vendue à 480 000 exemplaires, et avait offert ses photos vues du ciel pour un album de Reporters sans frontières et aux Resto du cœur (La Terre entre nos mains 200 000 exemplaires). Nul doute à avoir sur la viabilité de cette nouvelle maison d’édition. Attention cependant, le port du masque sera obligatoire chez Arcturus qui est également le nom du nouveau variant du Covid…

Et pour terminer : on tuera tous les affreux !

On se souvient que Boris Vian est mort d’une crise cardiaque dans un cinéma après la projection de l’adaptation de J’irai cracher sur vos tombes. Et bien, on peut supposer qu’il va succomber une seconde fois en apprenant que son roman Et on tuera tous les affreux a été adapté en jeu vidéo. Le joueur incarne Rocky, un jeune bellâtre qui refuse toutes les avances d’éventuelles prétendantes souhaitant préserver sa virginité pour le jour de ses vingt ans. Le soir de son anniversaire, il est kidnappé… Ce jeu, développé sous le nom (visant l’international) de To hell with the Ugly, est produit par Arte, gage quand même d’une certaine qualité.

 

 

 

 

Sources :

actualitte.com
actuabd.com
livrehebdo.fr

 

 

L’orientation

L’adolescence et les premières années de l’âge adulte sont des périodes décisives durant lesquelles se décide l’orientation des jeunes. Mais, qu’entendons-nous par le mot « orientation » ? Selon le dictionnaire Larousse, il s’agit d’une « action (visant à) orienter quelqu’un dans ses études, dans le choix de son futur métier » ou de la « voie choisie par ou pour quelqu’un, en particulier dans le cadre des études ». Retenons donc que cette orientation scolaire ou professionnelle peut être choisie ou subie. Tout l’enjeu pour les jeunes réside dans la question du choix d’un avenir qui leur correspond en dehors de toute pression. Dès lors, dans notre sélection de livres pour la jeunesse, quatre thématiques se dégagent : le rapport à la famille ; les stéréotypes liés aux métiers ; la question de la passion dans l’orientation ; les premiers pas dans le monde du travail1.

 

La famille : entre soutien et conflit

La famille figure au premier rang des interlocuteurs des jeunes quant à leur orientation. Si certains adolescents sont soutenus dans leur choix d’orientation par leur famille, d’autres voient leur choix critiqué, parfois même on leur impose un avenir qu’ils n’ont pas choisi.

Avec Sur le vif, Elizabeth Acevedo fait de la famille un soutien solide au projet d’avenir d’Emoni, une lycéenne de 17 ans vivant à Philadelphie aux États-Unis. L’adolescente est très douée en cuisine et rêve depuis son enfance de devenir cheffe de son propre restaurant. Ainsi, quand son établissement scolaire rouvre aux inscriptions un cours optionnel d’arts culinaires, Emoni devrait être la première à s’y inscrire. Pourtant, la jeune femme hésite face au coût financier considérable du séjour de fin d’étude en Espagne alors qu’elle doit travailler après les cours pour aider financièrement sa grand-mère chez qui elle vit et subvenir aux besoins de sa petite fille de deux ans. En effet, tombée enceinte à l’âge de quatorze ans et rapidement séparée du père de sa fille, Emoni assume quasi seule la garde d’Emma. Le soutien des membres de sa famille est alors essentiel pour permettre à Emoni de concilier vie privée et vie étudiante. Finalement, Sur le vif est un roman qui porte un regard bienveillant sur les rapports entre les membres de la famille et les adolescents quant à leurs choix d’avenir.

Au contraire, dans le roman En équilibre de Morgane Moncomble, les parents cherchent à imposer leur choix à leur fille. Lara, 17 ans, est membre actif d’un club de cirque et est particulièrement douée en cerceau aérien. Ses parents tolèrent qu’elle pratique cette activité qu’ils jugent futile, à condition qu’elle étudie pour intégrer la très cotée et très sélective université de Columbia à New York pour perpétuer la lignée familiale d’architectes. Mais Lara, elle, aimerait secrètement être admise à l’école des arts du spectacle du Circadio. Ainsi, le jour où sa sœur jumelle, Amelia, lui annonce vouloir arrêter le cirque, Lara est désespérée. L’adolescente ne sait pas si elle sera capable de séduire seule les recruteurs du Circadio qui seront présents au spectacle de fin d’année du club. En parallèle, Casey Thomas, l’un de ses camarades de classe, est confronté au même problème, puisque ses parents tiennent un cabaret et souhaiteraient que leur fils reprenne l’affaire alors qu’il aimerait quant à lui étudier à l’université. Alors que Lara visionne avec nostalgie d’anciennes vidéos de ses spectacles, elle remarque la présence et le talent de Casey durant les représentations. Elle va convaincre son camarade de classe de devenir son partenaire lors du spectacle de fin d’année en échange de son aide pour persuader les parents de ce dernier de le laisser intégrer l’université. Mais, tandis que les parents de Lara lui imposent leur vision de son avenir, les parents de Thomas soutiennent contre toute attente le choix de leur fils.

Une mère cherche également à imposer à sa fille la même voie professionnelle que la sienne dans Désorientée de Marine Carteron. Louise, élève de terminale, hésite à se connecter à Parcoursup pour connaître le résultat de ses vœux. Si Louise est aussi insensible à son sort, c’est qu’elle n’a pas vraiment choisi ses vœux : la moitié lui ont été imposés par sa mère ; l’autre par sa conseillère d’orientation. Indifférente aux réponses positives des plus prestigieuses universités françaises, la seule chose qui l’enthousiasme est d’être 38e sur liste d’attente pour la très réputée prépa Hypo-Chartes. Ainsi, Louise retarde le moment de choisir une orientation qui lui semble tellement décisive pour le reste de sa vie. Sa mère la presse d’accepter une des propositions des établissements d’enseignement supérieur, espérant ainsi revivre ses années estudiantines. Finalement, solution radicale, l’adolescente décidera de couper les ponts avec sa famille pour prendre le temps de choisir son avenir.

Cette pression exercée par les parents, caricaturée par l’absurde, est aussi présente dans le roman Plus tard je serai moi de Martin Page. Séléna est une collégienne qui se cherche. Mais, un jour, ses parents décident abruptement qu’elle deviendra une artiste. Ils feront tout pour pousser leur fille à s’engager dans cette voie jusqu’à rendre la situation ridicule et épuisante pour Séléna. Tout comme Louise, Séléna n’a pas encore de projet d’orientation mais va se battre pour pouvoir choisir son avenir. Là aussi, cette situation conduira l’adolescente à s’éloigner de ses parents, malgré l’amour qu’elle leur porte.

À quoi tu ressembles ? est quant à lui un recueil de nouvelles dont plusieurs récits traitent de l’orientation. Dans « Benjamin en juin : demandez le programme ! », Benjamin va jouer sa première représentation en interprétant le personnage de Nikki pour le spectacle de fin d’année. En participant à l’atelier théâtre depuis la rentrée et en y prenant beaucoup de plaisir, il s’oppose à ses parents qui voient dans les activités artistiques une perte de temps pour les études. Depuis son enfance son père se moque de ses imitations de personnages de films et sa mère lui répète qu’il est destiné à une brillante carrière. Dans « Dix ans plus tard : du sang neuf sur la scène des dinosaures », le père de Benjamin reçoit une invitation de son fils à un show que ce dernier organise. Sans nouvelles depuis quelques années, il est surpris que son fils travaille dans le milieu du spectacle alors qu’il est persuadé que celui-ci doit déjà être très occupé par sa carrière dans la politique ou dans la com’. Son fils si brillant occupe certainement un meilleur poste que ses camarades comme Théo devenu un simple commis dans une agence immobilière. Mais, comme le dira Benjamin sur scène, « Je suis comme je suis… pas celui sorti du scénario qu’ils avaient imaginé pour moi… ». Une belle conclusion qui résume bien le désir de ces jeunes de choisir leur avenir.

Stéréotypes et orientation

Les choix d’orientation des jeunes souffrent du regard plein d’a priori de leur entourage, notamment familial. Les préjugés de classe, de genre et de race pèsent lourd sur leur avenir.

Stéréotypes de genre et de classe seront les obstacles à franchir pour Louis Feyrères, le héros de Maïté coiffure de Marie-Aude Murail. Louis est un élève de troisième en difficulté, qui s’ennuie au collège. Parce qu’il n’a pas trouvé de stage, sa grand-mère lui propose de travailler dans le nouveau salon de coiffure où elle se rend, « Maïté coiffure ». L’ambiance, le contact avec les clients et la virtuosité des coups de ciseaux de Fifi vont le passionner et le décider à devenir coiffeur. Mais son père, un chirurgien réputé, s’oppose violemment à ce choix. Pour lui, caissiers comme coiffeurs ne sont rien d’autre que des analphabètes méprisables. Malgré ses préjugés de classe, le regard de son père changera face à la réussite sociale de Louis qui ouvrira plusieurs salons et lancera une gamme de produits esthétiques rencontrant un immense succès.

Dans Mon âme frère de Gaël Aymon, Camille, élève de seconde dans un lycée privé réputé, n’a pas le niveau pour passer en première. Tandis que ses parents tiennent à ce qu’elle se reprenne en lui mettant la pression, Camille ne fait rien, n’a envie de rien. Après un séjour chez sa tante agricultrice, Camille se souvient de ses rêves d’enfant : travailler un jour dans une ferme. Mais pour son père, c’est hors de question : faire ses études dans un lycée agricole serait synonyme d’échec. Camille est soutenue par l’équipe pédagogique et notamment par la conseillère d’orientation. Finalement, au terme de la journée portes ouvertes d’un lycée agricole où Camille et ses parents se rendent, la famille trouve un compromis : l’adolescente pourra aller dans ce lycée mais devra suivre des cours généraux afin de ne pas se fermer de portes.

La question des stéréotypes de genre est au cœur du court roman de Claudine Aubrun, Le garçon rose malabar. Les trois enfants de cette histoire sont à l’école primaire. L’institutrice leur donne un devoir avec pour consigne : « Quel métier voulez-vous faire plus tard ? ». À leur âge, ils doivent déjà penser à leur avenir et ils sont confrontés au poids des stéréotypes de genre. En effet, Rudy souhaite devenir un rappeur en survêtement rose. Alice, quant à elle, rêve d’être conductrice de TGV. Et enfin, Gabriel a pour ambition de devenir sage-femme. Ensemble, ils osent assumer leurs rêves devant toute leur classe. En faisant venir à l’école un ami de ses parents exerçant le métier de ses rêves, Gabriel fera tomber les préjugés de ses camarades. Une première lecture sur l’orientation pour les plus jeunes.

Le racisme peut également miner les rêves d’avenir des adolescents. Dans Yzé : danse avec le hasard, l’héroïne est une adolescente de 17 ans. Son rêve : devenir Étoile dans le monde de la danse classique. Mais voilà Yzé est Martiniquaise et vit loin de Paris, « là où ça se passe ». Quand elle arrive dans la capitale pour un stage, malgré son talent, elle se retrouve noyée dans la masse des danseuses. Lors de répétitions, certains chorégraphes lui font remarquer qu’elle n’est pas assez « classique ». Sa couleur de peau la fait trop ressortir sur scène ! Révoltée, elle fera tout pour devenir une danseuse étoile reconnue par ses pairs.

Passion et orientation

Certains choix d’orientation passionnent les adolescents. Si les métiers artistiques sont souvent présentés comme des choix de passionnés, d’autres filières plus originales suscitent également des vocations.

Le manga Blue Period de Yamaguchi Tsubasa évoque les études menant aux métiers artistiques dans le Japon contemporain. Yatora Yaguchi est un lycéen excellent élève mais sans vraie passion. En voyant la peinture d’une de ses camarades de classe, il est subjugué et décide de rejoindre le club d’arts plastiques de son établissement. L’art va devenir sa passion et l’adolescent va vite ambitionner de rejoindre une école d’arts. Mais face à un concours très sélectif, Yatora va devoir redoubler d’efforts face à ceux qui dessinent et peignent depuis bien plus longtemps que lui. Au fil des tomes, nous suivons Yatora du cours préparatoire au concours des écoles d’arts jusque dans sa scolarité dans la très réputée école d’art Geidai. La question de l’orientation dépasse ici la passion pour l’art, notamment à travers l’histoire captivante des personnages secondaires de ce manga. Au mois de juin 2023, la série est en cours avec 13 tomes parus en France.

Pour rester dans le domaine des arts, Parler comme tu respires d’Isabelle Pandazopoulos traite du métier de sculpteur. Sybille, 15 ans, est bègue. Mais ce qu’elle n’arrive pas à exprimer par les mots, elle va l’exprimer avec ses mains. L’incendie de la cathédrale de Notre-Dame de Paris l’obsède, elle veut participer à sa reconstruction. Contre l’avis de ses parents, elle décide de devenir tailleuse de pierres. Elle part dans les Vosges, dans le lycée professionnel Camille-Claudel de Remiremont, le seul lycée français à former à tous les métiers de la pierre (taille, gravure, sculpture). La passion et la réussite de Sybille, « tailleuse de pierre, spécialisation monuments historiques », vont lui permettre, à la fin du roman, de communiquer avec les autres malgré son handicap. Un roman sur un choix d’orientation artistique original.

Mais la passion peut être inattendue. Dans Silver Spoon : la cuillère d’argent d’Hiromu Arakawa, Yûgo décide de s’inscrire dans un lycée agricole loin de chez lui, afin de fuir la pression exercée par son père sur ses études. Excellent élève, Yûgo pense pouvoir être le meilleur dans son nouvel établissement mais déchante vite car la très grande majorité des élèves sont des enfants de paysans. Yûgo va tout découvrir du monde de la ferme, multiplier les expériences – élever un cochon, rénover un four à bois et organiser une pizza-party, devenir le président du club d’équitation du lycée – et se passionner pour l’élevage d’animaux. Cette passion incitera l’adolescent à créer sa propre entreprise avec un camarade de classe à la fin du manga. Silver Spoon est l’histoire de la naissance d’une passion et il se dit que le titre a suscité des vocations dans l’élevage au Japon. Une série complète en 15 tomes.

 

Premiers pas dans le monde professionnel

Les œuvres narrant les premiers pas dans le monde professionnel témoignent d’expériences traumatisantes mais, fort heureusement aussi, de premiers métiers épanouissants.

Toutes les premières expériences ne sont pas heureuses. Moi vivant, vous n’aurez jamais de pauses : ou comment j’ai cru devenir libraire de Leslie Plée est une bande dessinée autobiographique retraçant la première expérience professionnelle malheureuse de l’auteure. C’est chez un psy, les larmes aux yeux, que nous faisons sa connaissance. En déménageant à Rennes pour se rapprocher de son copain, elle décroche son premier contrat en CDI dans « une grande surface de produits culturels ». Mais dès les premiers jours, c’est la désillusion : c’est un travail à la chaîne, répétitif et abrutissant. À quoi bon avoir fait des études si c’est pour passer ses journées à étiqueter des produits ? Elle se retrouve face à des managers despotes donnant des ordres contradictoires et confiant des missions irréalisables. Dans cette BD, Louise Plée nous montre les dérives d’un management purement capitaliste, dont le seul but est de faire toujours plus d’argent, quitte à gérer la librairie comme un Mc Donald’s. La maltraitance de Louise est telle qu’elle fait un burn-out et qu’elle quitte l’entreprise.

Le romancier Vincent Cuvellier, âgé de 40 ans lors de l’écriture, se confie sur son parcours dans La fois où je suis devenu écrivain. Après la troisième, il est orienté vers un BEP commerce. Mais, âgé de 16 ans, l’adolescent n’est plus prioritaire pour intégrer cette formation professionnelle — il est 17e sur liste d’attente. Vincent pointe donc à l’ANPE où le conseiller ironise sur son souhait d’intégrer une formation pour un « CAP écrivain » ou un « BEP poète maudit » et lui propose plutôt de postuler à un BEP secrétariat-bureautique, ce qu’il refuse. Vincent connaît alors un premier succès littéraire en étant récompensé par le prix du jeune écrivain de Toulouse. Mais après ce premier succès d’estime, Vincent n’écrit plus pendant dix ans et enchaîne les expériences professionnelles. Pigiste dans un journal pendant plusieurs années, il se voit refuser le poste de journaliste titulaire car il n’a pas fait ses études dans une école de journalisme. Cet échec va conduire Vincent à tout quitter pour percer dans le monde littéraire. « J’allais enfin devenir écrivain. J’allais enfin devenir qui je suis » : ainsi, le chemin peut être long vers la réussite.

Dans le manga First Job, New Life ! de Nemu Yoko, nous suivons les premiers pas dans le monde du travail de Tamako. Après un premier entretien d’embauche catastrophique, le patron, fantasque, décide de l’embaucher alors qu’elle n’est clairement pas la candidate la plus compétente pour ce poste. Mais elle fera tout pour être à la hauteur de ses nouvelles fonctions. Tamako fait des erreurs, est assaillie de doutes, mais prendra confiance en elle au fil des pages et des expériences. La série, en quatre volumes, se termine par la démission de Tamako qui décide de monter sa propre entreprise de design graphique.
Un bel exemple pour conclure ce thèmalire puisque Tamako, à force de persévérance, prend enfin son envol.

 

 

 

Dossier : neurosciences/neuromythes

Dossier de septembre/octobre 2023

Le dossier de la rentrée sera consacré au thème des neurosciences/neuromythes, en lien avec les questions de formation et l’EMI : analyses et réflexions scientifiques – retours d’expérience(s) de professeur.e.s documentalistes ayant mis en oeuvre des séances mobilisant les neurosciences. Voici quelques mots clés en lien avec cette thématique : métacognition, cogni’classes, biais cognitifs/fake news, mémorisation, attention, motivation, bibliothérapie, gestion des émotions (méditation, confiance en soi…).

 

Prendre son regard en main

« [Le photographe] doit avoir et garder en lui quelque chose de la réceptivité de l’enfant qui regarde le monde pour la première fois ou du voyageur qui pénètre dans un pays étrange. » (Bill Brandt)

Alors que l’année scolaire se termine, une année qui, pour la première fois depuis trois ans, s’est déroulée selon un fonctionnement sanitaire normal, une année à nouveau jalonnée de projets et de sorties, nous souhaitons placer ce numéro sous l’égide de l’ouverture au monde et du changement de regard qu’elle implique.
Ainsi, cette envie de s’échapper, de prendre l’air, peut se traduire par de nouvelles pratiques pédagogiques tournées vers l’extérieur, comme le démontre avec érudition Laure Pillot dans un article sur le CDI hors les murs. Favorisant l’autonomie, la démarche de projet et la mise en mouvement des élèves qui augmentent ainsi leur pouvoir d’agir, ses propositions sont autant stimulantes pour l’esprit que concrètes dans leur mise en œuvre.
Prendre l’air mais aussi la plume pour reprendre en main ses projets : c’est le cas dans l’exemple proposé par Christine Thiollet qui présente une pratique participative avec la création des éditions Je Vous aime. Quelle belle initiative de la part de lycéens que de fonder leur propre maison d’édition, d’en définir l’identité, d’organiser les moyens matériels pour la concrétiser, puis d’y diffuser leurs écrits littéraires !
Prendre la plume également dans l’interview qui vous est proposée en Gros Plan. L’évasion dans l’écriture, à la conquête d’une identité qui questionne et bouleverse, s’incarne ainsi dans Le royaume lointain d’Amina Richard. Notre collègue professeure documentaliste vient de publier son premier roman aux éditions Stock et partage avec nous les étapes de la création littéraire et de l’écriture de soi, qui l’amèneront sur les traces de son père au Sénégal.
Gros plan qui nous amène enfin à faire un double focus sur la photographie. Quoi de mieux pour l’ouverture au monde que d’analyser une photographie de presse pour ne jamais détourner les yeux ? Ainsi, la fiche pratique que nous vous soumettons, adressée aux élèves, permet de lister les différents critères de la lecture réflexive d’une photo. Quant au thèmalire signé Bénédicte Langlois, il assure une intéressante porte d’entrée par la fiction dans le monde des images. Prendre son regard en main, ne serait-ce pas là une possible définition de la photographie ?
Ouvrons les yeux au monde en prenant la tangente, tout en affûtant notre capacité à nous mettre en action, que ce soit par le biais de la photographie, de la littérature ou d’un CDI qui prend l’air. L’air de rien, cela change tout.

Un CDI hors les murs ?

Introduction : un CDI en Anthropocène

« Si vous possédez une bibliothèque et un jardin, vous avez tout ce qu’il vous faut » : cette formule de Cicéron (Ier siècle avant notre ère) peut servir de point de départ à notre réflexion sur l’articulation entre missions des professeurs documentalistes et enseignement en extérieur. Dans la lignée des propositions formulées dans un précédent article consacré au « CDI vert » (Pillot, 20211), nous proposons ici de réfléchir à l’opportunité de l’enseignement en extérieur pour repenser certains de nos usages professionnels, afin de montrer que nos missions ne se cantonnent pas exclusivement au lieu avec lequel nous, professeurs documentalistes, sommes si souvent associés.

Dans une perspective plus large, nous sommes convaincue que le sujet de la classe dehors est un outil éducatif de premier ordre à l’heure de l’Anthropocène. Ce néologisme, littéralement l’âge des humains, est désormais utilisé par de nombreux scientifiques pour désigner l’époque géologique nouvelle dans laquelle l’humanité est entrée depuis que les activités humaines ont un impact global significatif – et, pour une part, irréversible – sur le système géologique planétaire. Il s’agit d’une thématique dont s’empare peu à peu l’éducation nationale, rejoignant en cela de nombreux chercheurs, dont parmi les plus accessibles Nathanaël Wallenhorst (Hétier & Wallenhorst, 2022), et acteurs de l’éducation populaire, comme l’a montré une formation de la Ligue de l’enseignement sur le sujet au mois de décembre 2022. Le bulletin de veille Apprendre en anthropocène, éduquer à la biodiversité d’Anne-Françoise Gibert (IFÉ, 2022) va dans le même sens, développant une partie de son argumentaire autour de l’enseignement en plein air. On peut dès à présent noter qu’une part écrasante du sujet et de son traitement scientifique comme médiatique concerne les élèves du primaire. Les bienfaits du plein air sur les apprentissages des plus jeunes élèves font désormais l’objet d’un consensus scientifique bien établi. Les éléments de controverse qui subsistent sont marginalement d’ordre politique – en témoigne le dernier numéro de la revue Carnets rouges – plus généralement pratiques, liés alors aux difficultés de mise en place et, transversalement cette fois, relatifs à l’âge des élèves concernés (Mottint, 2023). Ils impliquent de préciser d’emblée le contexte des développements qui suivent. Ils se basent sur des expériences vécues ou observées dans des établissements ruraux, de centre-ville ou en zone « politique de la ville » qu’ils visent à mettre en perspective dans l’optique de ne pas restreindre la pratique du dehors à un type de public ou d’EPLE, à des conditions particulièrement favorables ou, au contraire, difficiles. De même, ils proviennent pour l’essentiel de temps pédagogiques menés en co-animation ou co-intervention, une donnée qui, sans être essentielle, facilite grandement l’exercice de la sortie régulière. Pour terminer sur ce cadrage de départ, la question du dehors est moins souvent posée pour les adolescents et donc pour les publics scolaires des collèges et lycées. Sur le terrain, la situation évolue cependant, et de plus en plus d’enseignants du secondaire s’engagent dans l’enseignement en extérieur.

Les professeurs documentalistes peinent parfois à trouver leur place dans ces expérimentations. Convaincue que cette situation résulte de la méconnaissance de notre métier par le reste de la communauté éducative et de celle des possibilités de la classe dehors par une partie de notre profession, nous proposons de mener une première exploration du sujet avec cette contribution. Il ne peut être question ici de lister toutes les pistes relatives à l’information-documentation, au fonds ou à l’ouverture culturelle offerte par le plein air tant elles sont nombreuses et spécifiques à chaque situation. Nous nous contenterons de proposer quelques exemples tirés de notre propre expérience, de relayer des façons de mettre en œuvre des propositions de plein air, dans les cursus d’information-documentation et avec nos collègues, et enfin de conclure sur l’intérêt de repousser les freins qui peuvent exister quant à cette pratique, en montrant sa capacité d’empouvoirement et de réappropriation de certains aspects du métier. Nous le ferons en tentant de répondre à la question suivante : en quoi la pratique de la classe dehors peut-elle devenir un pivot dans les missions du professeur documentaliste auprès des élèves et contribuer à leur réussite, ainsi qu’à la reconnaissance des spécificités de notre profession ?

Une jeunesse confinée : la nécessité du dehors

L’extinction de l’expérience de nature : un constat alarmant

Depuis le premier confinement et la décision du gouvernement français d’interdire la fréquentation des espaces verts publics aux citadins pendant plusieurs semaines, la question de l’accès à la « nature »2 (Descola, 2005) a pris une place croissante dans les différentes sphères du débat public. Et ce, à juste titre, puisque les mérites de la fréquentation des arbres, de la marche pieds nus sur l’herbe, des fameux « bols d’air pur » ont été éprouvés, malheureusement par le manque, par des millions de nos concitoyens. Les élèves et les jeunes en général ont été frappés de plein fouet par cette longue « privation de nature ». Et pour cause, elle s’inscrit dans un processus plus long et insidieux que le journaliste nord-américain Richard Louv a désigné sous le vocable nature deficit disorder. L’extinction de l’expérience de nature qu’il évoque dans son ouvrage Last Child in the Woods en 2005 à propos de ses jeunes concitoyens s’applique aussi aux jeunes Français. On ne compte plus, depuis la sortie de son livre, les études qui établissent que le temps passé en extérieur est devenu portion congrue par rapport à celui dédié aux activités indoor et qui sont rappelées dans le livre de Mathieu Chéreau et Moïna Fauchier-Delavigne, L’enfant dans la nature (2019). Tant et si bien que nombre d’adultes aujourd’hui, qui ont grandi en étant privés de nature dans les années 80-90, ne sont plus en mesure de transmettre leur expérience. Cette situation touche de fait le monde de l’enseignement. Suivant la répartition des EPLE et les puissantes dynamiques de périurbanisation, les lieux de résidence des différents acteurs de la communauté scolaire sont pour la plupart de plus en plus éloignés des espaces dits « naturels », tels que les bois et les cours d’eau. Et que penser de ces dizaines de milliers d’élèves du secondaire qui, en ville ou à la campagne, passent de leur lieu de résidence au collège ou au lycée par le biais de transports en commun ou de cars scolaires et entrent en classe dès leur sortie du bus ? Si en plus leur récréation se passe en intérieur, on perçoit bien le peu d’interactions avec le dehors auxquelles peuvent être confrontés les adolescents. Et parmi eux, ceux qui – délaissant une cour peu accueillante ou trop violente – comptent parmi les plus fervents acteurs des CDI ! Loin d’être anecdotique et de la caricature de l’adolescent qui préfère sa chambre au jardin, la perte de l’expérience de nature est un réel problème de société. En effet, cette coupure avec l’extérieur induit un désintéressement progressif quant à la situation critique de notre environnement et aux façons de le protéger. Réintroduire cette expérience est, sans l’y limiter, l’un des objectifs majeurs de la classe dehors.

Le « tout numérique » : un modèle de société qui questionne, jusque dans les enseignements

Face au constat de l’extinction de l’expérience de nature, le sentiment d’inquiétude qui touche les professionnels de l’éducation est légitime. Perte de concentration, hyperactivité, immunité altérée, les symptômes sont nombreux. Ils sont majorés par l’activité qui occupe les plages temporelles auparavant dédiées au dehors : la surexposition aux écrans. Comme l’a récemment rappelé le Conseil national du numérique (CNNUM) dans son rapport Votre attention s’il vous plaît, dans un contexte d’économie de l’attention les mécanismes de l’addiction au numérique sont de plus en plus puissants. Les adolescents sont l’une des cibles préférées des sites marchands et des algorithmes. Les épisodes de confinement successifs ont également confirmé, s’il en était besoin, l’attachement profond que leur portent les élèves, du gaming aux réseaux sociaux. En bref, l’addiction aux écrans des jeunes et des adolescents, entretenue notamment par les GAFAM est devenue un problème de santé publique. À la lecture de ce constat, la protection des élèves apparaît comme une urgence. Les pouvoirs publics s’en sont effectivement saisis comme dans la récente campagne « 0-3 ans, 0 écran » et les différentes sensibilisations dans le cadre des programmes de lutte contre les violences en ligne pour les plus grands. Dans les faits, on constate que la prévention du temps d’exposition pendant l’enfance baisse face à celle qui concerne les contenus parcourus et échangés à l’adolescence. De fait, alors que l’institution scolaire est très impliquée dans la lutte contre le harcèlement en ligne et la protection des données personnelles chez les élèves de collège et de lycée, la question de la présence des écrans dans leur journée est moins prise en charge. L’usage du smartphone est certes interdit en collège depuis la loi du 3 août 2018 mais, pour certains élèves, la journée reste occupée par de nombreuses heures passées devant les écrans d’ordinateurs et les projections au tableau.

Il n’est pas ici question de revenir sur la controverse autour de la numérisation des enseignements actuellement en cours3. On peut simplement constater que de ce fait, la durée d’exposition augmente en permanence. Or, les professeurs documentalistes sont en première ligne de la formation aux usages numériques. Il s’agit de l’un des grands attendus de notre profession et le CDI est souvent identifié comme le lieu de connexion majeur de l’établissement par les élèves. S’il faut bien sûr réaffirmer la nécessité d’offrir une formation aux enjeux du web et aux pratiques numériques en général dans le cadre des progressions en information-documentation, force est de constater que l’usage des écrans hors séances pédagogiques est souvent un point de conflictualité dans les usages et le respect des occupations de chacun. Parmi les pistes de régulation, celle de la déconnexion, totale à certaines heures ou partielle dans certaines zones, émerge de plus en plus souvent dans les échanges professionnels. Le professeur documentaliste apparaît, à raison, à l’avant-garde de cette problématique et nous verrons plus loin comment le recours aux espaces extérieurs peut l’aider dans cette voie.

Votre attention s’il vous plaît, un précieux document édité par le CNNum,
indispensable à la compréhension de l’économie de l’attention

Bâti scolaire et passoires thermiques : une opportunité pour le dehors ?

Au moment où nous dressons le constat de l’importance de repenser le dehors dans nos missions et pratiques éducatives, la question du lieu est bien sûr centrale. Le bâti scolaire français fait l’objet d’une très grande diversité. Réaffectation de certains lieux en EPLE, époques de construction, variations démographiques, matériaux disponibles et évolution politique des collectivités sont autant de facteurs jouant dans la variété des solutions adoptées. Les CDI ne sont pas en reste et à cette histoire de l’architecture scolaire s’ajoute celles liées aux évolutions du métier. Les plus anciens ont été conçus pour un public enseignant, d’autres agrandis ou au contraire amputés à l’occasion de chantiers de rénovation, tous ou presque conçus conformément à la vision que leur concepteur a de notre métier (proche de la vie scolaire ou plutôt de la salle des professeurs, par exemple). Là aussi, la situation évolue et des architectes s’emparent différemment de la question, comme l’ont montré l’exposition itinérante Travaux d’école (Chiron et al., 2020) et plusieurs projets de concertation récents. Une enquête du Ministère intitulée « Bâtir l’école ensemble » et dont les premières analyses sont disponibles sur le site gouvernemental « Bâti scolaire » a réaffirmé en 2022 l’intérêt des différents acteurs sur ces questions. Il est de plus motivé très concrètement par la multiplication des épisodes météorologiques extrêmes (tempêtes, canicules, vagues de froid) et la hausse du prix de l’énergie auxquels écoles, collèges et lycées font parfois difficilement face. Comme pour le parc immobilier en général, la rénovation énergétique du bâti scolaire est donc un enjeu majeur des années à venir.

Dans l’attente de travaux de rénovation, les collègues de disciplines sont de plus en plus nombreux à avoir recours au dehors. Le secondaire reste certes en marge, comparativement à la maternelle et à l’élémentaire où les demi-journées en extérieur sont légion dans de plus en plus de classes, mais un mouvement de fond est perceptible au collège et au lycée. Dans les deux cadres, les périodes de déconfinement, où les salles étaient trop difficiles à aérer et les masques rangés en extérieur, ont contribué à accélérer le mouvement. Au terme de trois années pédagogiquement éprouvantes, le constat des conséquences de l’épidémie sur les jeunes est donc sans appel. Moins de nature et plus d’écrans rendent urgent d’améliorer leurs conditions d’étude rendues difficiles par la multiplication des canicules. Et bien sûr, à la fois, les conditions de travail pour leur enseignant ! Il est donc grand temps de prendre la mesure des bienfaits du dehors pour les élèves et des possibilités simples et rapides de mettre en place un enseignement de ce type, pour l’ensemble de la communauté éducative.
Le constat est bien là et concerne l’ensemble de la communauté éducative, qui trouverait grand bénéfice à sortir de son espace de pratique habituel. Engageante pour tous, l’entreprise peut sembler encore plus complexe à mener de la part d’une profession pour laquelle le lieu et la fonction sont aussi imbriqués que pour la nôtre. La confusion entre le professeur documentaliste et la mission de gestion des ressources mène à le considérer comme seul responsable de la démarche de mise en place d’une politique documentaire, alors que la communauté éducative tout entière devrait en théorie s’y engager. De fait, de nombreux établissements ne disposent pas d’une politique documentaire clairement identifiée. En résulte une situation peu satisfaisante pour le professeur documentaliste qui se voit confondu avec un lieu qu’il n’a pas toujours les moyens de gérer comme il le souhaiterait.

S’il n’est évidemment pas question de délaisser le volet pédagogique pour trouver davantage d’heures à consacrer à la gestion du fonds, l’accumulation des missions est de plus en plus mal vécue par de nombreux collègues. On comprend que dans ce contexte, l’assimilation au seul « lieu CDI » et au fonds puisse être source d’incompréhension et de difficultés de communication au sein des équipes. Or, nous pensons justement qu’en nous permettant une réappropriation du lien à notre lieu d’exercice, les principes de la classe dehors sont l’une des pistes vers une nouvelle valorisation de notre travail et de notre image professionnelle, utile à nos revendications.

Notons qu’un certain flottement sémantique existe dans la circulaire quant à la définition de notre périmètre physique d’activités de gestion. Le CDI est qualifié tantôt d’« espace », tantôt de « lieu » sans que la différenciation soit explicite. Si l’on s’en tient à la définition des géographes du site Géoconfluences : « Un lieu est une portion d’espace sujette à des appropriations singulières et à des mises en discours spécifiques. »4 C’est ce qui semble effectivement bien être le cas des CDI : des zones de l’espace scolaire appropriées de façon variable par les usagers, selon l’heure de la journée, la période ou les projets et à propos desquelles significations et charges symboliques peuvent être aussi fortes que diverses. Toujours dans le même article, il est précisé qu’« au sens strict, un lieu n’a pas d’étendue ou une étendue limitée : on le parcourt à pied et on peut l’embrasser du regard. Mais alors que le paysage mobilise principalement le regard, on fréquente, on parcourt un lieu, on y agit ». De ce fait, la restriction de nos missions pédagogiques et de gestion aux quatre murs de la salle du CDI ne va pas de soi. Elles peuvent être transposées à d’autres lieux dans ou hors de l’EPLE tant que les activités – au sens d’« actions » – menées le sont dans les mêmes objectifs de formation info-documentaire et d’ouverture culturelle que celles traditionnellement proposées dans le CDI.

En bref, il s’agit en transposant nos usages, nos façons de travailler hors les murs, de manifester notre spécificité pédagogique. Celle d’être en mesure de penser l’enseignement en relation avec l’environnement qui l’accueille, qu’il s’agisse d’étagères plus ou moins bien garnies de livres, d’une salle informatique, d’un parc ou d’une cour de récréation. Et de pouvoir le faire, soit depuis le CDI où la plupart des ressources sont concentrées, soit dans la périphérie de ce centre, en exerçant notre capacité à en identifier de nouvelles, dans une topographie élargie. En refusant de nous laisser cantonner à un seul lieu de l’EPLE, nous réaffirmons notre démarche pédagogique et notre aptitude à proposer un enseignement différent de celui de nos collègues par le fond de notre démarche et pas seulement par sa forme. Au biais qui nous conduit trop souvent à être considérés comme des techniciens de la salle du centre de documentation avec lequel nous sommes confondus, nous proposons d’opposer la vision d’un professeur documentaliste expert dans l’utilisation de l’espace scolaire. Et au cliché d’un gestionnaire de fonds débordé et peu à l’écoute de ses élèves (le fameux « chuuuut »), une relation fondée sur l’idée de proposer à l’usager une expérience pédagogique, sensible et engageante pour les apprentissages comme plusieurs contributions du dossier « Questionner les manières d’habiter les espaces documentaires d’accès aux savoirs : une approche sensible » le soulignent (Revue Cossi, 2019). À ce titre, l’enseignement en extérieur peut constituer un excellent moyen de réaffirmer que l’espace scolaire a un rôle fondamental et donner un nouveau sens au recours à différents lieux de l’EPLE, y compris au CDI.

Du diagnostic à la pratique : identifier ses besoins et se former

Faire le point sur ses besoins : le temps du questionnement

Le plein air est un facteur de bien-être physique et mental pour les élèves et, si l’on en croit leurs retours, pour les collègues qui ont pris cette habitude de travail. Comme pour toute évolution dans une pratique professionnelle, la volonté de mettre en place une part de nos missions en extérieur implique de procéder au diagnostic de la situation actuelle et des attentes de la communauté pédagogique et éducative pour l’avenir. Sur quels axes de nos missions souhaitons-nous travailler ? À destination de quel public ? Selon quel cadrage pédagogique avec les collègues ? Autant de questions qui pourraient décourager plus d’un collègue mais dont nous sommes familiers dans le cadre des projets documentaires initiés. Forts de notre expérience, nous pouvons nous consacrer aux spécificités de notre travail de professeur documentaliste. Comment transposer en extérieur une progression où le numérique est généralement très présent ? De quelle façon proposer aux élèves une expérience du fonds aussi fluide qu’entre les quatre murs de notre lieu de travail ? Peut-on faire une part de gestion documentaire au dehors ou comment déplacer des panneaux d’exposition sans risquer de les voir endommagés par la pluie ? Les questions se suivent et ne trouvent pas nécessairement de réponse, voire essuient des refus dus à la méconnaissance de ce dispositif pédagogique de la part de la hiérarchie.

Cela étant, l’approche par besoin de remédiation peut être préférable en ce qu’elle permet d’avancer pas à pas. La transposition des méthodologies de travail en extérieur est coûteuse en énergie ? Dont acte, exigeons d’elle qu’elle nous aide à résoudre certaines situations peu satisfaisantes que nous rencontrons au quotidien. À propos de la consultation du fonds par les élèves pour commencer, des étagères « romans » peu consultées hormis pour la table des nouveautés peuvent trouver un second souffle dans un autre lieu, par roulement. Une série jamais utilisée s’emporter dans les sacs à dos pour un déplacement à proximité du collège ou dans la cour pour un temps de lecture partagée. Un ouvrage documentaire difficile à lire mais très utile pour l’une de nos progressions faire l’objet d’un arpentage, ce mode de lecture collaboratif développé dans l’éducation populaire. Les possibilités sont tout aussi variées concernant l’ouverture culturelle. Les expositions qui nécessitent tant de communication et de manutention ne trouvent pas leur public ? Une partie d’entre elles peut être plastifiée pour être exposée dehors et créer un cheminement vers le CDI. Posée en termes de résolution des préoccupations du quotidien, la place du dehors apparaît comme un outil très transversal et susceptible de servir nos différentes missions.

Une pédagogie hors les murs : quels savoirs pour quel public et quel profil d’enseignant ?

Au diagnostic de l’adéquation entre les activités menées au CDI et nos missions s’ajoute celui des savoirs et des publics concernés. La première image qui vient à l’esprit lorsque l’on évoque la classe dehors est souvent relative à des élèves assis dans l’herbe et s’affairant à observer les insectes qui s’y meuvent. La réalité est plus diversifiée et ne se limite pas aux savoirs relatifs aux sciences naturelles. Si ces derniers sont très importants à acquérir, d’autres éléments peuvent contribuer à la reconnexion des élèves à la nature. Être attentif à la sensation du vent, aux bruits, même très urbains, qui les entourent, ou à la position dans laquelle le corps se trouve lors d’un exercice oral debout est très engageant pour un élève et peut se réaliser dans tous les cadres disciplinaires, information-documentation compris. Dans ce dernier cas, songeons également aux documents que nous choisissons lors de ces moments en plein air. Qu’il s’agisse de documentaires ou de romans, ils peuvent être écrits au moyen d’un vocabulaire rendant compte d’une relation différente au vivant et contribuer activement à la reconnexion des élèves à leur environnement.

Revenons au public concerné pour souligner que l’on effleure ici l’un des problèmes récurrents de la profession, celui du nombre d’usagers touchés par nos actions. Qu’il s’agisse du public des expositions, de la consultation du fonds ou du nombre de classes qui ont accès aux séances, l’impression de ne s’adresser qu’à une petite partie des élèves et, mécaniquement, d’en exclure une large part est récurrente dans les échanges professionnels. Le fait de transposer une partie des activités en plein air peut-il avoir un rôle à jouer sur ces aspects ? Notons pour commencer que les élèves réagissent souvent différemment en intérieur et en extérieur. Dans ce cadre peu habituel, ils développent un autre regard et parfois un nouvel intérêt pour les activités qui leur sont proposées. Plus encore, des élèves en difficulté sur le plan des apprentissages scolaires peuvent trouver à l’extérieur une autre façon de s’impliquer dans leur travail. D’autant plus lorsque l’évaluation s’y fait par compétences, puisque des aptitudes différentes de celles cultivées en intérieur sont sollicitées en plein air, telles que l’observation, l’écoute ou la mobilisation physique. Quelques années d’expérience nous ont convaincue que ce qui s’apprend dehors est assimilé, mémorisé puis réinvesti différemment, y compris par la suite en intérieur. Et que le plein air offre des possibilités de différenciation pédagogique beaucoup plus larges, y compris pour les élèves les plus scolaires qui, déstabilisés par ce nouveau cadre, peuvent éprouver des difficultés à s’y adapter. Ainsi, grâce à l’enseignement en plein air, la question du nombre d’élèves touchés se pose différemment. Il n’est plus question de compter en nombre de classes impactées, d’un point de vue quantitatif. Grâce à la pratique du plein air, c’est la perception de chaque élève dans une classe qui est modifiée, de façon qualitative. En cela, elle offre un lien privilégié avec les élèves et les collègues qui peuvent être amenés à co-animer ces séances. Une configuration qui nous est familière dans le cadre habituel du CDI et qui peut aisément être réinvestie en extérieur.

Avec cette question de la co-animation se pose celle des collègues avec lesquels les professeurs documentalistes peuvent être amenés à travailler sur ces séances en plein air. Précisons d’emblée que la menée de cours en extérieur est particulièrement adaptée à la présence de plusieurs enseignants, pour favoriser la différenciation que nous venons d’aborder. C’est d’ailleurs le cadre dans lequel nous avons travaillé la plupart du temps pour ces raisons. Reste à identifier les collègues candidats à une sortie régulière parmi les membres de l’équipe éducative. Deux profils se distinguent à ce sujet. Le premier concerne les enseignants dont le contenu disciplinaire est déjà lié au dehors. En SVT, le jardinage pédagogique ou l’observation de certains milieux justifient des sorties régulières, comme en histoire-géographie où la réalisation de cartes ou d’enquêtes peuvent constituer des cadres intéressants à investir pour la profession. On peut, dans le premier cas, proposer des progressions autour du document de collecte ou de la classification et dans le second un développement sur les outils libres de cartographie ou les différents codages de l’information et le passage de l’oral à l’écrit, parmi de très nombreux exemples. Les enseignants d’EPS sont quant à eux les véritables professionnels du dehors au sein des établissements. Un travail avec eux offre des perspectives de co-animation originales entre information-documentation et pratique sportive des élèves, pourquoi pas portées dans le cadre de l’enseignement de spécialité au lycée, en alternant séances au CDI et dans la cour.

En parallèle de ces collègues concernés jusque dans leurs programmes ou leur méthode d’enseignement, il existe une catégorie, bien plus vaste, qui regroupe tous ceux pour qui le dehors offre des possibilités inattendues. En mathématiques, avec des prises de mesure ou des exercices sur la géométrie dans l’espace, en français pour offrir un temps de lecture privilégié aux élèves, en philosophie pour débattre debout et prendre conscience des mouvements du corps, en langues vivantes pour acquérir le vocabulaire de la description, les cas de figure sont innombrables et méritent tous d’être explorés. Retenons pour lors que toutes les disciplines sont concernées et peuvent tirer bénéfice de quelques séances, voire séquences en extérieur. Cela induit que la préservation du vivant via la transmission de l’expérience de nature ne concerne pas que les collègues de SVT ou les plus aguerris en géographie physique. L’ensemble des enseignants peuvent y contribuer en proposant à leurs élèves de sortir à une fréquence régulière. Il en est de même pour les professeurs documentalistes. Ils sont nombreux à avoir reçu une formation en sciences humaines et sociales, et il leur est possible de la réinvestir en extérieur tout autant que les collègues de SVT, d’EPS ou d’histoire-géographie. Par ailleurs, leurs capacités à gérer un lieu est précieuse dès lors qu’il s’agit justement d’en changer. En effet, les professeurs documentalistes sont coutumiers des interactions avec leur environnement immédiat lors des échanges avec les élèves. Il en est de même pour les changements de posture physique des usagers lors d’une même heure de cours, ce qui n’est pas toujours le cas des collègues de discipline. Aussi, l’approche par compétences pratiquée depuis longtemps dans les progressions d’information-documentation s’avère particulièrement payante en plein air et permet de valoriser les apprentissages qui s’y épanouissent particulièrement telles que l’écoute, l’attention ou la coopération. Enfin, le rôle de support du professeur documentaliste pour certains de nos collègues reste valable dehors. De la même façon qu’il aurait à mener la barque lors des moments de recherche documentaire, il peut prendre en charge de nombreuses catégories d’informations récoltées et analysées dehors. Plus encore, en rendant plus difficile l’usage des écrans, le fait d’enseigner en extérieur affranchit le professeur documentaliste de son rôle de spécialiste du numérique donné par certains collègues et qui a le défaut de régulièrement le limiter à guider les élèves sur ordinateur ou à les dépanner, hors de tout contenu info-documentaire.

La formation : par qui et sur quels aspects ?

Lors des premières sorties, il est donc possible d’avoir à interagir avec un collègue lui aussi novice quant au dispositif pédagogique du plein air. Pour que les choses se passent au mieux et qu’un projet de classe dehors s’installe dans la durée, nous ne pouvons que conseiller de se former à l’exercice auprès des spécialistes de la question. De très nombreuses associations ont pour objet d’accompagner à la sortie nature et peuvent être un grand soutien lorsque les séances ont un objectif naturaliste. Des réseaux comme le FRENE ou les GRAINE régionaux permettent de retrouver facilement les associations situées à proximité. Les programmes de sciences participatives tels que « Vigie nature école » portés par le Muséum national d’Histoire naturelle ou les observations de microplastiques de la Fondation Tara océan sont intéressants pour la récurrence des sorties, la place donnée à l’information et la qualité scientifique.

Concernant la pratique orale en extérieur et la lecture, les DAAC peuvent également être des relais efficaces et mettre en lien avec des associations de spectacle vivant qui peuvent aider à la prise de parole en extérieur. L’Institut coopératif de l’école moderne (ICEM) relaie pour sa part les initiatives liées à la pédagogie Freinet tout en proposant des formations à celle-ci. Dans la même ligne, la Fabrique des Communs Pédagogiques (FabPéda) a, depuis le premier déconfinement, un rôle fédérateur des initiatives autour de la classe dehors.

Enfin, et même si cette liste n’est pas exhaustive, les questions transversales de pratique en extérieur ont donné lieu à plusieurs dossiers réalisés par le réseau Canopé ainsi qu’à des formations Magistère, de la maternelle au lycée (Pillot & Chanard, 20225). Sans dénier l’apport de ces formations en ligne, y compris pour les collègues éloignés des centres de formation, il faut souligner que rien ne remplace la rencontre en présentiel avec des acteurs de l’éducation en extérieur. À ce titre, plusieurs académies réfléchissent à proposer des sessions « classes dehors » dans leur PAF, pour le moment destinées aux collègues du premier degré.

Visuel de présentation de la formation « Enseigner dehors dans le secondaire » disponible sur la plateforme Magistère

Conclusion : le CDI hors les murs, dépasser les freins et limites

Parvenue au terme de cette contribution, nous n’avons que brièvement abordé les problèmes concrets qui se posent à la profession en termes de sortie. Comment s’absenter du lieu auquel le professeur documentaliste est si souvent associé sans que cela soit considéré comme une défaillance ? Ou déplacer régulièrement des livres dans la cour du collège ou du lycée sans mettre en jeu sa santé au travail ? Peut-on sortir lorsqu’il pleut et comment gérer un groupe déjà compliqué en intérieur ? Ces questions sont légitimes mais ne peuvent appeler de réponse globale tant les situations sont spécifiques à chaque configuration d’établissement. On peut toutefois apporter au débat la notion de santé au travail. Nous nous sommes efforcée de présenter le dehors comme une corde de plus à l’arc qui permet au professeur documentaliste de se conformer à la circulaire de mission. Cela ne doit pas constituer une contrainte supplémentaire. Un froid hivernal est souvent plus supportable qu’une canicule et une pluie légère qu’un épisode de vent fort si tant est que tous les participants soient bien équipés, ce qui est loin d’être toujours le cas. Il vaut mieux alors, parfois, décaler une sortie prévue. De même, il convient d’être très attentif, par temps froid, aux élèves en situation de précarité énergétique à leur domicile et pour lesquels les salles de cours, même peu confortables, constituent peut-être la seule occasion d’être au chaud dans la journée. Dans un registre plus léger mais important quant aux conditions de travail, vous constatez que les élèves apprécient la sieste contée ou le fait de lire à l’ombre, dans la cour de récréation pendant leurs heures de permanence ? Ils peuvent donc participer à l’installation et au rangement en fin de séance sans que la manutention ne repose que sur le professeur documentaliste, l’acquisition d’un petit chariot pouvant aider dans bien des situations. La gestion d’un groupe pose souci ? L’emmener aux abords immédiats de l’établissement peut permettre de changer radicalement le cadre habituellement générateur de conflits.

La question du lieu de sortie est souvent décisive. Les configurations de cour de récréation sont très inégales et, hormis quelques rares exemples très récents, elles n’ont pas été pensées pour la pédagogie de plein air. Plusieurs solutions s’offrent aux collègues qui souhaiteraient extérioriser des séances. La première est de trouver un espace, non loin de l’établissement, et qui serait plus accueillant que ce que propose le collège ou le lycée. Les différents supports dispensés par Canopé ou la Fabpéda sont une aide pour éclaircir ce point, notamment du point de vue des autorisations. Un passage sur le site web de l’Office français pour la Biodiversité (OFB) donnera toutes les informations quant au montage de projet d’une aire marine ou terrestre éducative (AME et ATE), en partenariat avec une association. Il est également possible de demander à avoir accès à des zones de l’établissement interdites aux élèves lorsqu’ils ne sont pas sous la surveillance d’un adulte, car beaucoup d’EPLE en disposent. Par ailleurs, nous avons vu que le contenu des séances en extérieur ne requérait pas forcément la présence de faune ou de flore. Un environnement minéral peut tout aussi bien se prêter aux séances en plein air, dès lors qu’un peu d’ombre est disponible en cas de fort ensoleillement ainsi qu’une protection contre le vent et la pluie. Que les sorties se passent sur une terrasse, une pelouse ou dans la cour, un soin particulier doit dans tous les cas être porté au confort des élèves et de leurs enseignants. En pleine croissance, les adolescents ont besoin d’être bien installés, de préférence avec une possibilité de poser leur dos contre un dossier ou une surface rigide (mur, muret, chaises apportées pour l’occasion, tronc d’arbre, clôture, etc.), au moins lors des premières séances. Autoriser le mouvement, entre différents petits groupes par exemple, contribue également au confort de tous.

La quête du lieu propice peut aussi se traduire par un projet collectif de l’établissement, via le réaménagement de la cour. Sur la partie architecturale d’un tel dispositif, l’un des rôles du professeur documentaliste peut être de porter à la connaissance des différents acteurs la documentation disponible. Nous renvoyons ici transversalement aux ressources mises en ligne par les mairies, les CAUE, la page « Bâti scolaire » du Ministère et Canopé. Plus spécifiquement, le site de l’Enssib propose lui aussi des pistes intéressantes quant à l’achat de mobilier pour les bibliothèques souhaitant « sortir » leur salle de lecture, qui mériteraient d’être transposées au cas des CDI. Mais surtout, s’agissant de projets de longue haleine et aussi transversaux, leur inscription dans la partie « ouverture culturelle » de l’établissement est tout à fait possible. En collaboration avec les acteurs du collège ou du lycée intéressés, il est très stimulant d’accompagner les élèves souvent demandeurs sur le montage de ces projets. C’est par exemple ce qui a été proposé aux éco-délégués du lycée Renaudeau (Cholet 49). Réunir de l’information sur le sujet et les attentes de leurs camarades, communiquer autour du projet ont été autant de compétences travaillées avec l’équipe du CDI et des collègues de discipline en EMC notamment. Ces séances ont heureusement abouti, grâce au soutien de la Région Pays-de-la-Loire et de la direction de l’établissement, à la déminéralisation d’une partie de la cour en 2022, un projet pionnier dans le paysage des lycées français. En plus de la satisfaction de voir leur demande prise en compte par la collectivité, les éco-délégués ont eu celle de planter, avec de nombreux camarades, une mini-forêt à cet emplacement, grâce à une campagne de mécénat menée par une association locale (MiniBigForest). La pédagogie très différenciée menée en extérieur par le CDI à destination d’un petit groupe, comme nous le mentionnions plus haut, a ainsi eu des répercussions sur un ensemble beaucoup plus vaste d’élèves.
Ce type de projets, comme tous ceux qui concernent l’extérieur, contribue de façon évidente à développer l’autonomie des élèves. Plus encore, il leur permet de réaliser toute la portée de leurs actions et le fait de percevoir leur faculté à changer le cours des choses. Qu’il s’agisse d’empouvoirement, d’agentivité ou de capacitation, avec les spécificités de chacun de ces concepts (Maury & Hedjerassi, 2020), il est reconnu que la mise en action contribue très largement à faire baisser les émotions négatives telle que l’éco-anxiété, ce trouble ressenti par de plus en plus d’adolescents à l’égard de la crise de la biodiversité et du changement climatique. En tant que professeurs documentalistes, jour après jour, il est possible d’aider à créer ce sentiment de reprise en main de leur vie chez les élèves, dans la cour ou dans un jardin de la même manière qu’au CDI et de contribuer à proposer une éducation à l’Anthropocène de qualité. Après les épreuves que furent les confinements et leur suite pour nombre d’entre nous, faisons le pari de les accompagner sur le chemin de la construction d’un futur souhaitable grâce au dehors. Et puisqu’à plusieurs, on est plus fort, profitons de l’organisation des Rencontres Internationales de la Classe Dehors organisées à Poitiers du 31 mai au 4 juin pour nous rencontrer et oser cette pratique pédagogique enthousiasmante par bien des points.

Affiche des Rencontres internationales accueillies par la ville de Poitiers à la fin du printemps. FabPéda CC BY SA NC

 

Création d’une maison d’édition par des lycéens Les Éditions Je Vous aime

« Partout où il n’y aura rien, lisez que je vous aime »
Denis Diderot, Lettres à Sophie Volland, lettre du 10 juillet 1759

Tout est parti d’une boutade.
Les conditions d’exercice dans mon lycée (deux sites distants de dix bonnes minutes de marche, deux CDI distincts, journée continue) m’ayant amenée à développer la pédagogie de projet, je monte souvent des concours littéraires. En 2018-2019, j’en avais lancé un sur le thème Horizons, ouvert aux élèves du lycée, et en 2019-2020, un autre sur le thème Ruptures, qui, le confinement venu, a abandonné son caractère sélectif pour s’ouvrir à tout texte et aux contributions adultes. Nous avions besoin en cette période d’isolement forcé de maintenir un lien qui ne soit pas purement utilitariste et atténue l’angoisse.
Deux élèves, lauréats du premier concours, garçons passionnés de littérature et écrivains en herbe, avaient pris l’habitude de me rencontrer hebdomadairement au CDI pour que je corrige et améliore leur manuscrit en cours d’écriture. C’était un album illustré pour enfants. À des fins d’édition. Nous l’avons envoyé à plusieurs éditeurs, en vain, mais nous persévérions. Ce texte était sentimental, comme il convient au genre, fleur bleue parfois, tellement qu’un jour, en riant, je leur lance : « Vous devriez fonder les Éditions Je Vous aime ! » et nous voilà plaisantant, imaginant les noms de nos collections et nos futurs slogans publicitaires (trash).
Quelques mois plus tard, ils reviennent au CDI et me lancent : « Madame, on le fait ! » … Comme quoi le professeur documentaliste peut être un détonateur.
De deux élèves, nous sommes passés à quatre, puis cinq (trois filles et deux garçons). Une association loi 1901 a été créée pour les Éditions Je Vous aime, j’ai appris à cette occasion, grâce à eux, que des mineurs pouvaient le faire – car ils étaient tous mineurs – à condition d’avoir au moins 16 ans. Au bureau de l’association ne figurent que les élèves, les professeures documentalistes ne sont qu’adhérentes. Les statuts ont pour objet de promouvoir les jeunes talents artistiques, dans des domaines autres que la littérature, ce qui nous permettait d’ouvrir le champ des éditions. Sur le site de l’administration française (service-public.fr) on peut faire toutes les démarches en ligne et tout est gratuit, même la publication au Journal Officiel des associations1. Rien n’a posé de réelles difficultés, si ce n’est qu’en attendant d’avoir un compte bancaire, les Éditions Je Vous aime ont utilisé celui du père du président.
Puis nous avons préparé notre première publication : un livre issu d’un concours d’écriture libre sur le thème choisi par les élèves Adolescence.

Raphaël, Rosa, Mme Rousselle

Très vite, Nathalie Rousselle, professeure documentaliste sur l’autre site du lycée, nous a rejoints et nous avons fait connaître le concours à l’intérieur de l’établissement par les canaux de communication habituels (ENT, affichage, professeurs principaux, équipe de lettres…) pendant que les élèves créaient un compte Instagram pour les éditions et une adresse mail. Nous avons reçu 29 textes, de tout genre littéraire et de moins de cinq pages (en théorie !).
Nous avons donc dû choisir parmi ces 29 textes ; le jury, composé des élèves-éditeurs, de Nathalie Rousselle et de moi-même, s’est réuni un mercredi après-midi au CDI pour en juger. Il serait difficile de relater cette première séance, où la précision de l’argumentaire rivalisait avec le sens de la formule et de la pique qui fait mouche ! Agrémentés de carambars et de boissons sucrées, les débats étaient âpres : tous les textes (dont chacun avait préalablement pris connaissance) étaient lus à haute voix et commentés. On les éliminait au fur et à mesure en les jetant au centre de la table, bref une séance avec la fougue d’un tripot !
Toute forme étant acceptée, nous n’avions pas de critères préétablis, il nous a fallu les inventer ensemble, au-delà des traditionnels « premier, deuxième et troisième » prix ou « Prix coup de cœur ». Et cela a été l’occasion de définir notre ligne éditoriale : obligation d’avoir un destinataire, le lecteur (donc élimination des textes écrits « pour soi », même quand ils avaient des qualités littéraires), priorité à l’originalité et au style, notion « subjectivo-objective » ! Le jury a retenu huit textes, en prose, parfois poétiques, parfois théâtraux ou narratifs, tous personnels.
Les huit lauréats étaient en grande majorité des élèves du lycée, plus un texte sous pseudonyme dont le mystère n’a été dévoilé que bien plus tard.
La question financière s’est très vite posée, dès qu’un imprimeur a été trouvé (par les élèves) pour éditer le premier titre Adolescences. Que toutes les mamies soient ici publiquement remerciées pour le coup de pouce qu’elles ont donné, elles ont constitué en grande partie notre trésorerie initiale !
Nous avons ainsi édité une centaine d’exemplaires de ce premier titre, vrai livre avec un vrai ISBN, illustré par une élève-éditrice et vendu 15 euros. Tous les exemplaires sont partis très vite, sur l’un ou l’autre site du CDI, ou lors des séances de signatures et les lectures organisées au lycée. C’est au CDI également que nous avons fait la cérémonie de remise des prix, pendant laquelle chaque auteur a reçu un exemplaire du livre et une lithographie personnalisée par notre illustratrice en souvenir.

Lili et Lukas

Nous avions pris un rythme de croisière, avec une réunion hebdomadaire au CDI : nous discutions avec les élèves de l’avancée des choses, des tâches à accomplir (correction des textes, relations avec l’imprimeur, avec les auteurs, mise en page, dates et organisation des lectures, publicité…) ainsi que de leurs projets littéraires personnels, car bien entendu cette aventure n’aurait jamais été possible si les élèves n’avaient pas été passionnés de littérature et d’art en général.
De mon côté, j’ai cherché à donner un maximum de rayonnement à nos éditions. Le journal Le Parisien qui avait été contacté a publié un bel article sur le projet, et un rendez-vous a été pris avec la maire de l’arrondissement qui nous a reçus, grandement encouragés et a versé une subvention annuelle de 3000 euros.
Cela nous a permis de sortir le second livre assez rapidement, Version infinie, un recueil de poésie illustré par l’autrice elle-même, Rosa Carrier, une élève membre fondatrice de l’association.
Il nous a été moins facile de le vendre, au prix de onze euros, car il n’avait qu’un auteur (donc moins de familles et mamies…) et aussi parce que la poésie est un genre plus difficile, même dans un lycée très versé dans les arts comme le nôtre, avec des classes à horaires aménagés en musique, en danse et la spécialité et l’option théâtre… il nous en reste encore quelques-uns. Avis aux amateurs ! Le journal municipal a interviewé l’autrice au sujet de sa passion de l’écriture et des Éditions Je Vous aime. Nous avons organisé à nouveau des lectures et des signatures, musicalisées par les élèves eux-mêmes, au lycée et à la petite librairie Le Guillemet avec laquelle nous travaillons.
Nathalie Rousselle a eu l’idée de nous mettre en contact avec le centre d’animation municipal Beaujon de notre secteur. De là est née une collaboration qui continue encore aujourd’hui, et l’idée de faire des Éditions Je Vous aime un laboratoire de création artistique pour la jeunesse. Le chargé de programmation du centre nous a aiguillés vers une autre subvention de la mairie de Paris qui soutient les projets des jeunes, Quartier libre, subvention que nous avons obtenue.
Parallèlement, nos jeunes éditeurs créaient le site internet des Éditions Je Vous aime et nous lancions le second concours d’écriture sur le thème Désir. Les élèves ont conçu affiches et flyers. Et cette fois les participations sont arrivées non seulement de Paris, mais de toute la France et même du Luxembourg.
Le nombre de textes reçu augmentant et le niveau littéraire également, il convenait d’envisager la réunion du jury sur un autre modèle que la première : une seule réunion ne permettait plus la lecture à haute voix in extenso de la quarantaine de textes reçus. Nous avons dû organiser deux réunions, une première « éliminatoire » et une seconde pendant laquelle nous avons imaginé le libellé des prix correspondants à chaque texte des treize auteurs retenus, avec humour et imagination, car nous commencions à nous sentir à l’étroit dans les formes habituelles du concours. Quelques exemples de libellés : Prix de la chute, Prix Chanel numéro 5, Prix Icare, Prix du mandat d’arrêt, Prix du casting, Prix de la chromo, etc. Les critères étaient les mêmes que pour la constitution du premier livre : hardiesse et originalité, sur le fond comme sur la forme, engagement personnel dans le texte, intentionnalité manifeste de s’adresser à un lecteur. Trois jeunes filles ont illustré le recueil de dessins en couleur.
La mairie du huitième arrondissement a mis à notre disposition la salle des mariages pour la remise des prix qui s’est donc déroulée dans la magnificence des ors de la République.
Le recueil Désir, sorti en avril 2022, est en vente sur le site des éditions2 et au lycée.
Cette année, notre troisième concours d’écriture a été lancé en septembre sur le thème Exploser le cadre ! Les textes pouvaient être envoyés, jusqu’à fin janvier, par mail à editionsjvm@gmail.com ou par lettre au lycée Racine en mentionnant le concours. Il fallait seulement avoir moins de 25 ans et écrire 5 pages maximum. Il donne lieu à notre quatrième livre.
Le jury s’est réuni fin janvier pour une après-midi de travail pendant laquelle nous avons sélectionné 8 textes sur les 33 reçus. C’est un bon cru, les textes étaient nombreux à être de qualité. Pour les départager, les débats ont porté, cette fois-ci, sur l’importance accordée à l’interprétation, plus ou moins serrée, du thème, sur l’originalité de la forme, et même sur les potentialités que le texte, même imparfait, laissait deviner de son auteur. Du vrai travail d’édition donc ! Trois des auteurs choisis ont été sollicités pour améliorer leur texte en fonction des propositions qui ont été faites. Le recueil est disponible au lycée et sur le site des éditions.

Sur le vif ! Paroles d’élèves

« Tout est parfaitement visible, comme au cinéma. Et quelle peinture économique et sociale. Il y a du Balzac ! On tient là un romancier, j’en suis sûr ! » (Balthazar à propos d’un texte qui ne faisait pas – encore – consensus.)

« Je ne sais pas si ce thème est rebattu, peut-être, mais le texte est intéressant du point de vue psychanalytique et la chute, moi, m’a surprise. Je ne m’y attendais pas du tout. » (Rosa, défendant un texte contre tous.)

« Les textes sont imparfaits, c’est normal. Mais il vaut mieux choisir un texte avec un rapport discret au thème qui demande moins de retravail, qu’un autre, en plein dans le thème, mais qui risque de ne rien donner après réécriture. » (Raphaël, sur le fait de savoir si être loin du thème est rédhibitoire ou pas.)

« Ce n’est pas grave si je suis éliminé ! Comme on peut envoyer des textes jusqu’à l’âge de 25 ans, j’ai encore quatre ans pour m’améliorer ! » (Lukas, qui n’a pas participé au jury car il a concouru.)

Balthazar et Raphaël

Les Éditions Je Vous aime ont fait également un appel à projet cette année, qui ne constitue pas un concours, pour une exposition collective sur le même thème, d’œuvres d’arts plastiques (photographie, dessin, peinture, collage…).

Les élèves à l’origine du projet éditorial ont toujours fait preuve d’un grand bouillonnement créatif. Et dès 2022, deux d’entre eux, Balthazar Pouilloux et Rosa Carrier, ont, pour le premier écrit, et pour la seconde co-mis en scène, un seul en scène, Fugue, joué à l’espace Beaujon par Balthazar, sur la question du viol dont sont victimes parfois… les hommes.

Depuis, la vocation d’incubateur artistique des Éditions Je Vous aime ne cesse de s’affirmer : le projet en cours est d’adapter Le Petit Prince de Saint-Exupéry en opéra. Deux élèves écrivent le livret et mettent en scène, des élèves ou anciens élèves du lycée, musiciens ou élèves au conservatoire régional de musique, composent, orchestrent, jouent ou chantent et un professeur de musique dirige le chœur. La représentation aura lieu à la salle Gaveau à Paris, le 11 juin à 16 h.
Les membres fondateurs des Éditions Je Vous aime qui ont vu le jour en 2020 sont maintenant étudiants et ont quitté le lycée. Le pari est désormais de faire vivre la maison d’édition en intégrant les nouveaux élèves qui ont rejoint l’aventure cette année, et de trouver un mode de fonctionnement démocratique permettant aux envies de chacun de s’exprimer et aux talents de tous de s’épanouir.
Souvent, les professeurs documentalistes pâtissent des nouvelles réformes au sens où les collègues de discipline, obsédés par l’idée de « tenir le rythme » et finir le programme, écrasés par les nouvelles tâches liées aux diverses procédures informatiques, n’ont plus le temps de collaborer avec eux : ce que les Éditions Je Vous aime démontrent, c’est qu’il suffit de réaliser à quel point nos élèves sont brillants, passionnés, entreprenants et ambitieux pour pouvoir, à leurs côtés, jouer notre rôle de catalyseur.

Le sommeil

INSTITUTIONS / ASSOCIATIONS

L’Institut National du Sommeil et de la Vigilance, Paris : il regroupe des professionnels de santé et des patients qui œuvrent pour une communication et une prévention sur le sommeil, pour que ce dernier soit reconnu comme un facteur essentiel de santé. On retrouve sur son site des informations, des conseils et les dates importantes en lien avec le sommeil :
https://institut-sommeil-vigilance.org/
Rapport : Sommeil un carnet pour mieux comprendre :
https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/Sommeil_un_carnet_pour_mieux_comprendre.pdf

Conseil scientifique de l’Éducation Nationale : Synthèse de mars 2022 : Mieux dormir pour mieux apprendre :
https://www.reseau-canope.fr/fileadmin/user_upload/Projets/conseil_scientifique_education_nationale/CSEN_Synthese_Mieux_dormir_pour_mieux_apprendre_WEB.pdf

Les centres du sommeil : « Ils sont dédiés à l’exploration du sommeil et de ses pathologies. Ils permettent de réaliser des examens poussés. » Adresses par régions :
https://institut-sommeil-vigilance.org/ou-consulter-reseau-sommeil-france/

Le Centre d’Investigation et de Recherche sur le Sommeil, Lausanne : il étudie et traite les différentes formes de troubles du sommeil. Il propose des consultations et investit dans la recherche pluridisciplinaire sur les troubles du sommeil.
https://www.chuv.ch/fr/sommeil/cirs-home

Le Centre Interdisciplinaire du Sommeil, Paris : prise en charge de tous les types de troubles du sommeil par des médecins, des psychologues, des techniciens du sommeil…
https://cisparis.net/

Réseau Morphée, Association, Garches : « réseau de santé consacré à la prise en charge des troubles chroniques du sommeil ».
https://reseau-morphee.fr/

Sommeil et santé, Boulogne Billancourt : association pour s’informer sur les troubles du sommeil : sommeil normal, risques du sommeil, insomnie, vigilance, ronflement, somnolence, troubles du sommeil chez l’enfant. Possibilité de tester son sommeil.
http://www.sommeilsante.asso.fr/

EXPOSITIONS – JOURNÉES

Les 5 sens – le sommeil : pour collégiens et lycéens. Prêtée par le Centre sciences situé en Centre-Val de Loire (80 € l’adhésion annuelle pour 4 expositions par an). Dix panneaux.
https://www.centre-sciences.org/ressources/les-5-sens-le-sommeil

Le fonctionnement du sommeil : exposition réalisée par l’espace santé jeunes de la ville de Neuilly-sur-Seine. Douze panneaux. Fonctionnement du sommeil, les règles d’hygiène, différents troubles.
https://sommeilenfant.reseau-morphee.fr/exposition-le-fonctionnement-du-sommeil/

Sommeil de rêve : Dix panneaux. Exposition proposée par Double hélice. Cette exposition, payante, est principalement empruntée par les collectivités où elle est visible gratuitement.
https://www.double-helice.fr/fr/expositions/sante/e/sommeil-de-reve.html
Elle est disponible en PDF sous son ancien nom Précieux sommeil (seul le graphisme est différent) à cette adresse :
http://www.pls-amiens.fr/Ressources-pedagogiques/Expositions/Precieux-Sommeil

La journée mondiale du sommeil : le 3e vendredi du mois de mars. Programme chaque année en France sur le site journeedusommeil.org. Pour sensibiliser le public aux questions importantes liées au sommeil (santé, éducation…).
http://journeedusommeil.org/

PISTES PÉDAGOGIQUES

S’emparer de la journée mondiale du sommeil pour proposer des projets ou des activités autour du sommeil : faire réaliser une plaquette d’information à destination des autres élèves ; participer à la mise en place des stands de prévention (dans la cour, dans le hall) avec l’infirmier-ère, les professeurs de SVT…

Organiser des ateliers siestes flash sur le temps du midi rappelant les techniques pour s’endormir sereinement.
Emprunter une exposition et l’installer dans un endroit stratégique de l’établissement et inviter les professeurs à l’exploiter avec leurs classes.

Réflexion sur l’importance du sommeil, en classe, avec le professeur de SVT. Partir du fait que des élèves s’endorment parfois en plein cours ou au CDI. Faire prendre conscience aux élèves de la qualité de leurs nuits par un questionnaire type Kahoot, tout en soumettant des solutions pour améliorer le sommeil de nos adolescents.

EMI/SVT : distinguer croyance, opinion et connaissance scientifique par l’analyse d’articles scientifiques en s’inspirant de l’activité de classe proposée par la fondation La main à la pâte :
https://synapses-lamap.org/2021/05/25/activite-de-classe-le-temps-du-sommeil-cycles-3-4/

Proposer des activités de détente, propices à la mise en place du sommeil, que les élèves pourraient réinvestir le soir chez eux : musique douce, temps de lecture, relaxation, yoga….

Recherches documentaires sur les différentes coutumes pour bien dormir dans le monde (les différents types de couchage, la sieste…).

Intervention de la Maison des adolescents ou d’une autre association pour, notamment, mettre en évidence le lien entre le manque de sommeil et l’addiction aux écrans.

Faire venir une compagnie pour présenter une pièce de théâtre participative, afin de mettre en évidence l’importance d’un sommeil de qualité.

DANS LES PROGRAMMES

La santé des élèves : programme quinquennal de prévention et d’éducation : «la promotion des comportements favorables à la santé notamment en matière de nutrition, d’activité physique, d’exposition solaire, de qualité du sommeil.»
Circulaire n° 2003-210 du 1er décembre 2003
BO n° 46 du 11 décembre 2003
https://www.education.gouv.fr/bo/2003/46/MENE0302706C.htm

Collège

SVT, cycle 4
Thème : Le corps humain et la santé. Activité cérébrale et hygiène de vie. Sommeil et mémorisation/apprentissage :
https://eduscol.education.fr/document/17449/download
BOEN n° 31 du 30 juillet 2020
Sur Éduscol, de nombreux documents autour de la relation entre sommeil et santé :
https://eduscol.education.fr/document/17446/download
https://eduscol.education.fr/document/17443/download
https://eduscol.education.fr/document/17440/download

Lycée

ST2S : sciences et technologies de la santé et du social
Baccalauréat 2021 : « partie 2 : développement s’appuyant sur un dossier documentaire sommeil et santé. »
https://www.sujetdebac.fr/annales-pdf/2021/st2s-spe-sciences-sanitaires-sociales-2021-metropole-remplacement-sujet-officiel.pdf
Sciences et techniques sanitaires et sociales, terminale, Concours général des lycées, 2017 : « Sommeil et santé des jeunes. »
https://eduscol.education.fr/document/8732/download

SVT, enseignement de spécialité, Terminale
Thème 3 – Le corps humain et la santé. « Comportements et stress : vers une vision intégrée de l’organisme ; l’organisme débordé dans ses capacités d’adaptation : pratiques favorisant le sommeil, le contrôle de la respiration et la détente musculaire permettant une meilleure gestion du stress […]. »
BO spécial n° 8 du 25 juillet 2019

Enseignement optionnel d’EPS, 2de, 1re, Terminale
Activité physique, sportive, artistique et santé : « l’étude du surentraînement, de la nutrition, de l’hygiène, du sommeil et de la récupération. »
https://eduscol.education.fr/document/25318/download
BO n° 25 du 24 juin 2021

OpenClipart-Vectors de Pixabay CC

Articles de presse

Articles de presse collège

Le sommeil et ses secrets. Journal des enfants n° 1753, 22/10/2020, p. 8-10

Blancard, Laure. Allez hop, au dodo ! Okapi n° 1105, 01/02/2020, p. 10-15

Blancard, Laure. La marmotte en mode pause. Okapi n° 1125, 01/01/2021, p. 9

Chevalier, Aurore. Pourquoi dormons-nous les yeux fermés ? Science & vie junior n° 374, 11/2020, p. 68

Déchamps, Sonia. Fais de beaux rêves ! Le Monde des ados n° 470, 17/03/2021, p. 15-21

Gélot, Hélène. Dans la tête des rêveurs lucides. Science & vie junior n° 381, 06/2021, p. 20-24

Gillot, Marion. Le dodo et ses secrets. Le Monde des ados n° 453, 27/05/2020, p. 40-41

Leroux, Hugo. Le manque de sommeil perturbe la chimie du corps. Science & vie junior n° 377, 02/2021, p. 72

Martelle, Nicolas. Les pouvoirs de la Lune. Géo Ado n° 205, 03/2020, p. 38-39

Mérat, Marie-Catherine. Un cauchemar peut-il vous tuer ? Science & vie junior n° 355, 04/2019, p. 80-83.

Articles de presse lycée

Le manque de sommeil altère le cerveau des ados. Inserm, 8 mars 2017 : article sur les conséquences du manque de sommeil sur le cerveau des adolescents :
https://presse.inserm.fr/le-manque-de-sommeil-altere-le-cerveau-des-ados/27478/

Sciences et avenir. Hors-série n° 203 sur le sommeil, 10/2020, p.10-21

Sciences humaines n° 336 sur le sommeil, 05/2021, p. 30-49

Cinq questions pour gérer les troubles du sommeil. Sciences et avenir n° 884, 10/2020, p. 84-86

Dans la fabrique des rêves. Courrier international n° 1634, 24/02/2022, p. 26-31. Dossier de presse internationale consacré au regain dintérêt pour l’analyse et le contrôle des rêves.

Pourquoi sommes-nous si fatigués ? Philosophie Magazine n° 134, 11/2019, p. 45-65, encart 1-15

Albandea, Hugo. Pourquoi dormons-nous moins ? Sciences humaines n° 315, 06/2019, p. 12

Ekirch, A., Roger. La révolution du sommeil. L’Histoire n° 488, 10/2021, p.70-74. Étude historique de la place du sommeil dans la société occidentale.

Le Nestour, Claire. Les clés du sommeil. Phosphore n° 545, 01/01/2023, p. 28-35

Morin, Hervé. Sur les traces des bêtes sauvages. 2/6, La frégate, marathonienne insomniaque et noctambule. Le Monde n° 22 883, 08/08/2018, p. 26. Présentation des recherches effectuées sur la frégate du Pacifique afin de décrypter, entre autres, le sommeil de l’oiseau en vol.

Sender, Elena. Les 7 clés de l’apprentissage. Sciences et avenir n° 896, 10/2021, p. 34-40

DOCUMENTS AUDIOS

Chansons

Barbara. Le sommeil. Philips, 1968. 3’08

Corneille. Manque de sommeil. Musicor, 2019. 4’52

Couture, Charlélie. Même pas sommeil. Rue bleue, 2019. 2’47

Daho, Étienne. Le grand sommeil. Virgin, 1984. 4’20

Davies Ray, The Pretenders. I Go to Sleep. Pye Records, 1980. 2’42

Daya. Insomnia. Universal Music, 2019. 3’

Dutronc, Jacques. Il est 5 heures. Vogue, 1968. 2’55

Hoshi. Sommeil levant. Jo and co, 2020. 3’03

Stromae. Sommeil. Universal, 2013. 3’39

The Beatles. I’m Only Sleeping. Capitol, 1966. 2’57

Vincent, Cléa. Nuits sans sommeil. Midnight special records, 2019. 2’51

White, Jack. I guess I should go to sleep. Third Man Records, 2012. 2’37

Wright, Chely, Walker, Clay. I Can’t Sleep. RCA Nashville, 2004. 4’2

Podcasts

Imbert, Christophe ; Ameisen, Jean-Claude. À la recherche des mystères du sommeil. Série : épisode 1 : 52 mn. ; Épisodes 2 et 3 : 54 mn. France inter, janvier 2022.
1- https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/sur-les-epaules-de-darwin/sur-les-epaules-de-darwin-du-samedi-08-janvier-2022-2638336
2- https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/sur-les-epaules-de-darwin/sur-les-
epaules-de-darwin-du-samedi-15-janvier-2022-
2596383
3- https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/sur-les-epaules-de-darwin/sur-les-epaules-de-darwin-du-samedi-22-janvier-2022-5657588

Bellanger, Anthony. Voyager pour dormir : l’essor du tourisme du sommeil. France inter, vendredi 14 octobre 2022. 2 mn.
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-chronique-d-anthony-bellanger/histoires-du-monde-du-vendredi-14-octobre-2022-5352739

Dolat, Béline. Notre sommeil, entre l’intime et le politique. France culture, samedi 12 mars 2022. 28 mn.
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-vie-mode-d-emploi/notre-sommeil-entre-l-intime-et-le-politique-8860750

Erner, Guillaume. L’insomnie, l’échec du sommeil. France culture, dimanche 19 décembre 2021. 15 mn.
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/superfail/l-insomnie-l-echec-du-sommeil-1149124

Mosna-Savoye, Géraldine. Ce serait pas l’heure de la sieste ? France culture, lundi 3 octobre 2022. 58 mn.
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/sans-oser-le-demander/ce-serait-pas-l-heure-de-la-sieste-5574139

N’Diaye, Aïda ; Nadjar, Vanessa. Quels sens donner à nos rêves ? Épisode 3 de la série : Que valent nos interprétations ? France culture, mercredi 28 décembre 2022. 59 mn.
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/avec-philosophie/quel-sens-donner-a-nos-reves-3321915

FILMOGRAPHIE

Documentaires

Jochum, Anne. Il était une fois le sommeil. Préparons demain, 2022. 52 min. Est principalement évoquée dans ce film la nécessité de dormir pour bien grandir.

C’est toujours pas sorcier : le sommeil, essentiel à la nuit. France.tv, disponible jusqu’au 01/03/2024. 26’24.
https://www.france.tv/france-4/c-est-toujours-pas-sorcier/saison-3/2536703-le-sommeil-essentiel-a-la-vie.html

Plateforme Lumni : en entrant le mot clé « sommeil », de nombreuses courtes vidéos niveaux collège et lycée. Quelques exemples : Peut-on rattraper son manque de sommeil ? Le sommeil, l’ami de la mémoire, Le sommeil, guide pratique ou encore Le sommeil des animaux.


Fictions

Andersen, Brad. The machinist. Paramount classics, 2005. 1 h 42

Gondry, Michel. La science des rêves. Gaumont Columbia Tristar Films, 2016. 1 h 45

Hernandez, Gustavo. No dormiras. Eurozoom, 2018. 1 h 46. Thriller psychologique. En privant ses comédiens de sommeil, Alma, qui mène la compagnie théâtrale, pense qu’ils vont donner le meilleur d’eux-mêmes.

Lellouche, Gilles, Aurouet, Tristan. Narco. Mars distribution, 2004. 1 h 45

Nolan, Christopher. Insomnia. Warner Bros, 2002. 1 h 56

REPRÉSENTATIONS ARTISTIQUES

Tableaux

Boucher, François. Le sommeil des Amours. 1739, Musée du Louvre (Paris)

Cima, Giovanni Battista. Le sommeil d’Endymion. 1501, Galerie Nationale (Parme)

Courbet, Gustave. Les demoiselles des bords de Seine. 1857, Petit Palais (Paris)

Courbet, Gustave. Les demoiselles des bords de Seine. 1857, © Petit Palais / Roger-Viollet

Dali, Salvador. Le sommeil. 1937. Collection privée

Rousseau, Henri. Le rêve. 1910, Museum of Modern Art (New York)

Gauguin, Paul. La sieste. 1893, Metropolitan Museum of art (New York)

Van Gogh, Vincent. La méridienne. 1890, Musée d’Orsay (Paris)

Sculptures

Foyatier, Denis. La sieste. 1848, Musée du Louvre (Paris)

Houdon, Jean Antoine. Le sommeil. 18e siècle, Musée du Louvre (¨Paris)

Messerschmidt, Franz-Xaver. Homme qui baille. 1780

Mueck, Ron. Mask II. 2001

Performances et installations

La performance de Sebastian Errazuriz, New York parcourue par les bâillements de l’artiste.

Les performances de Virgile Novarina sur le sommeil, thème central de l’artiste.

Kraft, Ursula. Nymphalis antopia. 2007

Sorin, Pierrick. Les réveils. 1988. Centre Pompidou

Turc, Philippe. La sieste. 2012

JEUX DE SOCIÉTÉ

Ausloos, David. Dreamscape. Sylex. 2019. 30 min.
À partir de 12 ans, 1 à 4 joueurs. But du jeu : en 6 tours, récolter des éclats de rêve pour les assembler en paysages et gagner des points de sommeil.

Darsaklis, Chris. When I dream. Repos production. 2017. Moins de 30 min.
À partir de 8 ans, 4 à 10 joueurs. But du jeu : tenter de se souvenir de ses rêves en incarnant un rêveur.

 

 

La photographie

« Je me suis intéressé à la photographie non en prenant ou en voyant des photos mais en lisant à ce sujet », telle est l’introduction du livre de John Berger, Comprendre une photographie. Nous aimerions savoir pourquoi partout, on se prend en photo, on se met en scène, on collectionne des images. L’homme cherche depuis les débuts de la photographie à laisser une trace, à partager sa présence au monde. La photographie est devenue une écriture populaire, quotidienne : je vis donc je photographie. Chaque cliché est mis en ligne, partagé, liké, retweeté, commenté puis détourné parfois. La photographie a une vie qui échappe à son propriétaire. Le numérique a multiplié la fabrication des images, les a rendues librement accessibles et a enrichi notre univers documentaire. Il ne faudrait pas attendre d’atteindre la saturation, c’est-à-dire le point de rupture où nous ne pourrions plus avoir assez d’attention pour les regarder. Ainsi, dans ce thèmalire, nous allons proposer une sélection de romans qui définissent la photographie, réinterrogent son histoire, son utilisation… Nous allons rendre hommage au geste photographique : cadrer, arrêter de respirer, appuyer : c’est dans la boîte ; la chambre claire de Barthes, rappeler son essence, la photographie, c’est, donc : « ça a été ». Enfin, nous allons nous attarder à regarder ces images singulières que sont les photographies, à la fois support d’informations et œuvres d’art. Les photographies nous ouvrent au monde alors perdons du temps à les contempler, à scruter le moindre détail, à nous interroger. Chaque image est une histoire dont il faut percer le mystère. C’est pourquoi, dès le plus jeune âge, éduquons le regard, admirons des collections d’images choisies et lisons ensemble des livres portant sur la photographie.

Jeux et je photographiques

« Aujourd’hui la photographie est présente partout, au-delà des salles de classe ». Susan Meiselas adresse son livre Eyes open : 23 idées photographiques pour enfants curieux aux enseignants et aux élèves. C’est une démarche commencée dès 1974, alors qu’elle n’a que 26 ans, avec le projet « apprendre à regarder ». Ce livre, publié en 2021 pour ses 73 ans, en est un des aboutissements. C’est une invitation à découvrir le monde. Selon elle, le photographier permet de l’explorer. Susan Meiselas n’hésite pas à s’adresser au lecteur et l’invite à regarder ce qui se cache derrière tout ce que l’on voit. Cet ouvrage est aussi selon ses mots un « voyage photographique » à parcourir au fil de ses envies, sans suivre la discipline des pages. Ce sont des enfants qui photographient : le pareil, le « pas pareil », le cadre en l’encadrant, la lumière, le mouvement, les animaux qui les entourent, la nature pour l’observer mieux, leur quartier, leur maison, les personnes de leur entourage, leur famille, eux-mêmes, en revisitant le passé de leurs ancêtres, en inventant aussi des paysages imaginaires ou en s’immisçant dans une œuvre d’art. Le livre est ponctué de citations d’autres photographes célèbres comme celle de Zoé Léonard pour qui l’important est « de former un cadre autour de quelque chose, de le voir à notre manière ». À la fin de la lecture de ce livre qui s’égrène au fil de nos projets photographiques avec les élèves ou nos enfants, vous aussi vous vous prêterez à l’exercice de l’alphabétographie et aurez envie de créer votre propre alphabet à partir d’objets, de lignes et de formes qui rappellent les lettres. La consigne de Susan : « Trouve-les en ville ou à la campagne, dans les ombres, ou dessine-les grâce au cadrage de ton appareil photo ». Photographions le monde pour mieux le voir.

C’est le chemin qu’a aussi emprunté Anita Conti (1899-1997), première océanographe dont l’incroyable destin est raconté dans un roman-doc science aux éditions Bayard Jeunesse. Cette photographe a voué toute sa vie à raconter la vie des pêcheurs tout en s’inquiétant du gaspillage à bord des bateaux. En 1930, âgée de 31 ans, journaliste, photographe et relieuse d’art, Anita Conti est une exception car les femmes n’ont pas alors les mêmes droits que les hommes. Jusqu’à 88 ans, elle prendra des photos sur les chalutiers avant de continuer à témoigner en écrivant dans des livres ou en élevant sa voix dans des conférences. À travers la photographie, elle témoigne des dommages causés par la pêche industrielle et n’aura de cesse de défendre et de protéger les ressources marines.
Être une femme photographe dans un milieu exclusivement masculin dans les années 50 est audacieux. Nous le découvrons aussi dans le roman pour adolescents Au nom de Catherine, qui est la suite du roman La guerre de Catherine, écrit par l’auteure Julia Billet. Fiction inspirée de la vie de sa mère, juive, déplacée dans la maison des enfants de Sèvres qui, ensuite, a été tisserande et dont l’atelier était situé à côté de celui de Max Ernst, à la Ruche, la cité d’artistes. C’est ce passé qui offre le matériel littéraire nécessaire à l’autrice. Elle écrit au sujet de son personnage : Catherine « s’est glissée dans cette période de l’histoire avec son appareil photo mais aussi avec ses questions ». L’héroïne, première femme photographe dans une rédaction, doit réaliser, au début du roman, le portrait de Simone de Beauvoir et découvre à travers elle le féminisme. Elle part ensuite trois mois en Amérique et déplore le racisme. À travers les reportages de Catherine, les techniques photographiques sont évoquées : pour l’anecdote, elle hésite avant son départ entre son Rollei-flex et un Leica. Ce roman nous rappelle qu’il est important de connaître l’histoire de la photographie pour mieux comprendre son impact et évaluer sa portée.

La petite ou grande histoire de la photographie

Vincent Burgeon retrace la grande histoire de la photographie en bande dessinée dans son ouvrage Photographix. Le professeur Photyx nous propose d’être notre guide à travers ces deux siècles qui ont préparé cette révolution par l’image. Le professeur est un photon, une énergie constitutive de la lumière qui prend le pari de nous expliquer comment fonctionne notre œil puis documente l’invention de la photographie. Née en 1839, la photographie est le fruit de siècles de recherches, d’inventions, d’expérimentations par de nombreux scientifiques tel Isaac Newton qui fait l’expérience de la décomposition de la lumière naturelle en couleur distincte et de sa recomposition ; d’artistes comme le peintre Vermeer de Delft qui a utilisé un montage de type camera obscura ; de chimistes, citons Elizabeth Fulhame qui étudie l’action de la lumière sur différents sels d’argent au XVIIIe siècle ; d’intellectuels… A-t-elle été finalement inventée par Daguerre ? L’essor de la photographie entre 1851 et 1900 hisse cette invention au rang d’art. C’est plus qu’une science et plus qu’une technique. Les années suivantes le confirment, la photographie vient documenter le réel, le matériel est plus facile à déplacer, la photographie devient « l’équipement standard des expéditions ». Après 75 ans de noir et blanc, la couleur apparait et donne à mieux voir le monde. « Chaque nouvelle technique offre des avancées sociétales : la photographie, à l’instar de la peinture et de la littérature, […], en se féminisant ouvre la voie à l’émancipation des femmes (Frances Benjamin Johnston, Lucia Moholy, Tina Modotti, Germaine Krull, Anne Brigman, Imogen Cunningham, Margaret Bourkhe-White) ». Elle fait également apparaître des limites éthiques. Ainsi, l’image photographique peut également servir à tromper les hommes quand son message est manipulé. Ce cinquième chapitre est une ressource pertinente pour travailler la Seconde Guerre mondiale avec nos élèves. Aujourd’hui art majeur, la photographie est à la portée de tous. L’auteur tient à relever qu’une infinité de choses reste à photographier et à voir. En effet, aujourd’hui des photos sont créées par une intelligence artificielle, sans appareil photo ni intervention humaine, mais à partir de l’analyse de photographies existantes. À ce sujet, nous ne vous conseillons que trop de regarder la vidéo intitulée : « L’œuvre et l’intelligence artificielle », dans l’émission Le dessous des images, diffusée sur Arte, le 21 novembre 2022.

Pour approfondir nos connaissances sur l’histoire de la photographie, l’ouvrage qui fait foi demeure celui de Walter Benjamin, écrit en 1931, Petite histoire de la photographie, republié par l’éditeur Payot, en 2019, dans une nouvelle version enrichie d’un second essai : Une photo d’enfance. C’est une réflexion qui reste actuelle. L’apparition de la photographie bouleverse le rapport à l’œuvre d’art via la reproduction et l’accès au plus grand public. C’est en parlant des photographies d’Eugène Atget que Walter Benjamin donne une définition de ce qu’il nomme l’aura, « unique apparition d’un lointain, si proche soit-il », notion qu’il est intéressant d’interroger avec les élèves. Dans son deuxième essai, Une photo d’enfance, Walter Benjamin livre ses réflexions, ses émotions sur la photographie de Kafka, enfant, intitulée « Un portrait d’enfant1 ». Tout spectateur est touché par la tristesse du regard de l’enfant, habillé dans des vêtements tissés de fil d’or et de soie, trop petits pour lui, tenant à la main un chapeau trop grand. Walter Benjamin avoue y revivre son enfance. Cette photographie a été réalisée en studio mais beaucoup de photographes vont très vite choisir d’en sortir pour parcourir le monde et nous en rendre compte.

Témoigner du monde et ouvrir nos yeux

Plusieurs bandes dessinées ont choisi de présenter l’œuvre de photographes célèbres, telle que celle de Stanley Greene dont le sous-titre est une vie à vif. Le lecteur est projeté dans les guerres du XXe siècle. La lecture est enrichie par des photographies et un entretien. Des pellicules photos sont reproduites et l’on découvre la sélection du photojournaliste Stanley Greene (1949-2017), tantôt entourée de rouge ou de gommette bleue. Stanley Greene s’est approché au plus près de la mort pour faire vivre ses collections d’images, dit-il, « comme témoignage infime de l’immensité de la douleur ». Il a également couvert en 2005 les dommages causés par l’ouragan Katrina, à la Nouvelle Orléans. Le photographe est, selon lui, un messager qui doit éclairer les endroits les plus sombres du globe.

Nous pouvons également découvrir le photographe Robert Capa dans la BD CAPA, l’étoile filante, écrite par Florent Silloray. Ce dernier choisit de commencer son histoire en 1954, année de la mort de Robert Capa. L’auteur nous offre un portrait plus intime de ce photojournaliste rendu célèbre par le cliché Mort d’un soldat républicain2, publié en 1936, dans le magazine Vu puis rachetée par Life. Capa meurt alors qu’il couvre la guerre d’Indochine. Retenons aussi de lui sa célèbre citation : « Si vos photos ne sont pas assez bonnes, c’est que vous n’êtes pas assez près ».

Enfin, Hélène Kérillis et Laurent Simon, dans Tic ! Tac ! nous permettent de nous intéresser au « pêcheur d’images », comme se nommait lui-même Robert Doisneau, photographe populaire français (1912-1994) et à l’une de ses plus célèbres photographies le Cadran scolaire qui date de 19563.

D’autres bandes dessinées nous font revivre des moments importants de notre histoire à travers les yeux d’un photographe à Mauthausen ou dans la région du Dust Bowl, le bassin de poussières des États-Unis, dans Jour de sable. Aimée de Jongh met en scène John Clark, un photoreporter de 22 ans, engagé par la Farm Security Administration, l’organisme chargé d’aider les fermiers victimes de la Grande Dépression. L’auteur a bénéficié d’une bourse néerlandaise des Lettres pour son voyage de recherches aux États-Unis, retranscrit sur le site www.aimeedejongh.com, qui permet de comprendre combien la photographie est un matériau riche pour raconter l’Histoire et des histoires.

Enfin, plus récemment, c’est Sylvain Prudhomme qui, dans Photomatons, revisite « l’instant décisif », expression attribuée à Henri Cartier-Bresson et qui désigne le moment où tous les éléments d’une même scène sont en parfaite harmonie. L’écrivain ouvre son livre par cette citation du photographe belge Harry Gruyaert : « C’est comme à la chasse ou à la pêche : il faut essayer d’avoir de la chance ». Sur une page, à partir du 28 février 2020 à 8 h 56, l’auteur trace un rectangle de la taille d’une photo d’identité et l’habite de mots dessinant la photographie de son « après confinement ». Et tous les jours, il retracera un rectangle qu’il noircira de mots pour tenter de fixer chaque jour et révéler une minute de sa vie. Son journal autobiographique s’écrit ainsi jusqu’au 4 janvier 2021 à 12h22 et offre un contre-champ au quotidien. Dans ce livre, aucune photographie en image, juste le cadre d’un portrait écrit, un exercice intéressant à proposer aux élèves.
Ceci soulève une question : la photographie illustre-t-elle les mots qui ne se disent pas ou les maux du monde ? A-t-elle le pouvoir de nous permettre de bien voir ?

Du bon usage de la photographie…

Dans la pièce de théâtre, inspirée d’un fait réel, Michelle doit-on t’en vouloir pour avoir fait un selfie à Auschwitz, une jeune adolescente en voyage scolaire va être critiquée par ses camarades pour avoir osé prendre une photo dans le camp de la mort. Sur les réseaux, les messages déferlent et prennent parti contre elle. L’auteur Sylvain Levey transpose l’histoire de Breanna Mitchell, jeune adolescente américaine qui, en juin 2014, postait une image d’elle prise dans le camp d’Auschwitz sur Twitter. Un geste irréfléchi qui a entrainé une vague de propos violents. Plutôt que de blâmer une pratique, l’auteur souhaite mettre l’accent sur la place de la photographie dans notre société.

Un autre bon usage de la photographie peut être mis en avant : la proposition à un auteur, faite par les éditions Thierry Magnier, d’écrire une fiction à partir d’une série d’images prises par un photographe qu’il ne connait pas. Née en 2007, la collection Photoroman compte aujourd’hui 17 titres et offre un regard nouveau sur des clichés revisités comme La porte rouge coécrit par Valentine Goby pour les textes et Hortense Vinet pour les photographies. Cette fiction à lire par les collégiens et les lycéens conte l’histoire d’une adolescente qui prend la décision de ne plus sortir de chez elle, puisqu’elle ne peut pas se promener en mini-jupe sans se faire insulter et qui ne sortira donc que pour voir si une canette continue de tomber au pied de son immeuble jour après jour, au coucher du soleil.

Changeons de regard, lisons de la photographie !

La photographie est l’autobiographie des hommes qui décident de figer un instant décisif dans leur vie. La photographie est aussi une invitation au voyage, alors si vous nourrissez l’envie de visiter les villages méditerranéens, feuilletez le livre de Raymond Depardon Communes, qui offre 80 photos prises à la chambre argentique dans l’arrière-pays, en Occitanie. Raymond Depardon a conduit ce projet pendant le confinement ; il a décidé d’aller prendre en photo les 280 villages menacés par l’exploitation du gaz de schiste et dont les habitants s’étaient soulevés contre le permis de Nant4, ayant ainsi pu préserver leur territoire.

La photographie peut nous faire réaliser qu’il est temps de protéger la nature et de resserrer les relations avec les animaux, de renouer les liens entre les hommes en lisant le catalogue de la magnifique exposition Amazônia de Sébastiao Salgago pour « grandir en humanité ». Selon Stanley Greene, « une bonne photo, était une image intelligente qui montrait de l’humanité ».

Faire entrer ces références sur les rayonnages de nos CDI, c’est faire grandir le regard des élèves qui nous sont confiés et Christian Bobin l’écrivait déjà : « avec le regard simple, revient la force pure ».