Carnets de sel, une nouvelle maison d’édition

Les professeur.e.s documentalistes sont un maillon essentiel de la chaîne du livre. Notre rôle de passeur est au cœur du métier et en fait la richesse. Certain.e.s d’entre nous souhaitent également être en amont de cette chaîne en devenant écrivain.e. Nous les avions rencontré.e.s dans un précédent numéro (InterCDI 262-63). Sandrine Leturcq, quant à elle, est non seulement professeure documentaliste et autrice, mais également depuis peu éditrice. Elle nous fait part de cette passionnante aventure.

Sandrine Leturcq, en 2018, vous avez décidé de créer une maison d’édition à vocation nationale. Quelle singularité éditoriale voulez-vous développer ?

Notre maison d’édition a été créée en février 2018 sous la forme d’une association autour d’une idée commune, la volonté de promouvoir la création, l’échange et la rencontre littéraires et artistiques. Elle accompagne en amont ses auteurs, souvent en émergence.
Et en aval elle voulait se rendre visible dans des espaces où on ne la voit pas habituellement, et favoriser ainsi une approche populaire en accompagnant le livre dans des espaces ouverts : festival de musiques, salon du bio, échanges en live entre auteurs et lecteurs sur Internet à l’occasion de sorties officielles. Carnets de Sel désire, dès que ce sera possible, organiser des échanges artistiques et littéraires citoyens via des événements réguliers.

Avec qui avez-vous mené ce projet ?

Nous nous sommes lancés dans l’aventure à trois : Clément Sayous, Julien Crosnier et moi-même. Depuis plusieurs années, Clément et moi avions envie de monter une maison d’édition associative. Julien a provoqué notre rencontre et favorisé la création de la maison d’édition en février 2018 sur un mode associatif. Depuis 2019, Julien Crosnier et moi-même dirigeons la maison d’édition et ses collections avec l’appui d’un comité de lecture.

Pourquoi ce nom : Carnets de sel ?

À l’origine (depuis septembre 2005), je rédigeais des carnets de lectures, de rencontres et de voyages sur un blog plutôt littéraire, intitulé Carnets de sel (http://carnetsdesel.fr/blog/). « Carnets » car j’ai toujours des dizaines de carnets chez moi, pour noter tout : des voyages, des lectures, des extraits, des œuvres vues dans les musées, des idées de textes… « Sel » pour, comme Hergé, relier les deux initiales de mon prénom et de mon nom. Et puis, le sel, c’est le sel de la vie, l’échange… Cela prenait finalement beaucoup de sens. Avec cette nouvelle aventure qui commençait, j’ai choisi de mettre ce blog en pause, en me tournant vers Babelio et Instagram (Carnets de lectures), mais la charge de travail parallèle m’a également fait arrêter ces activités chronophages de chroniqueuse.
Au moment où nous avons voulu créer une maison d’édition, Clément Sayous, Julien Crosnier et moi, nous avons cherché pendant plusieurs mois, presque un an, un nom pour cette maison d’édition, et le nom de Carnets de sel nous a paru finalement être le meilleur choix, une maison d’édition qui d’une part n’hésite pas à mettre son grain de sel, à s’engager, et d’autre part qui constitue ce petit grain qui relève le goût de lire.

Avez-vous suivi une formation aux métiers de l’édition ? Est-ce nécessaire ?

Nous n’en avons pas suivi, non. J’avais pour moi la formation universitaire littéraire et l’expérience de 20 ans de notre métier, qui connaît tout de même bien le livre ! Et puis je connaissais les relations presse en faisant des chroniques depuis très longtemps aussi dans le Cahier des livres.
Clément Sayous est graphiste, créateur de sites internet et vidéaste, ce qui nous a permis de créer une belle charte graphique pour nous identifier, d’avoir un site internet et de commencer notre chaîne Youtube, avec un jingle, etc.
Julien Crosnier a 20 ans d’expérience dans le secteur culturel et l’économie sociale et solidaire (ESS), et il a accompagné pendant de nombreuses années des artistes en développement pour leur trouver un modèle économique. Il a par ailleurs une maîtrise en gestion.
Nous embrassions donc à nous trois les trois aspects incontournables du métier d’éditeur. Depuis le départ de Clément, Julien a consacré du temps à se former sur Adobe InDesign et au vocabulaire technique permettant les relations avec l’imprimeur.
Enfin, nous avons tous une activité artistique (écriture, danse, musique…), ce qui peut nous permettre d’entretenir une relation privilégiée avec les auteurs.

Pour parler comme un banquier, quel était votre business plan ?

Notre activité est pour l’instant peu risquée, car nous n’avons pour le moment aucun salarié, notre business plan a consisté et consiste toujours à rentabiliser chaque titre en nous appuyant sur des campagnes de précommandes et sur des demandes de subventions. Nous avons obtenu des aides sélectives en région centre Val de Loire (CICLIC) et pour un de nos prochains ouvrages une aide du Centre national du livre. Il s’agit d’aides sélectives dont nous ne pourrions pas nous passer pour publier nos livres et faire connaître la maison d’édition.
Quand le moment sera venu, c’est-à-dire quand notre catalogue sera un peu plus étoffé et que Carnets de sel sera mieux reconnue par les acteurs de l’édition, un premier emploi sera créé.

Sur quels critères avez-vous choisi votre impri­meur ? Quelle attention particulière portez-vous à la fabrication de vos livres ?

Nous avons un imprimeur par type d’ouvrage publié. Nous avons choisi une Scop dans le Morvan, Laballery, pour les ouvrages brochés tels que les romans et les essais. Pour la bande dessinée nous travaillons avec Lesaffre qui est un imprimeur belge avec une belle notoriété dans la BD. Les albums jeunesse représentent les ouvrages les plus coûteux et les plus noyés dans l’offre souvent imprimée à grand tirage et en Chine, pour obtenir de moindres coûts. Nous avons choisi un imprimeur européen qui fabrique de beaux ouvrages reliés. Les imprimeurs français sont pour l’instant trop chers au vu de nos tirages modestes : dès que nous pourrons économiquement produire tous nos ouvrages en France, nous le ferons.

Par qui êtes-vous distribué, où peut-on trouver vos livres ?

Les éditions Carnets de sel sont distribuées par Amalia, diffuseur indépendant, que nous avons rencontré lors d’un des rares salons auxquels nous avons pu participer depuis la crise sanitaire. (http://www.amalia-diffusion.com/)
Vous pouvez, par ailleurs, trouver nos livres en commande auprès de votre libraire ou sur notre site web www.carnetsdesel.fr

Comment faites-vous connaître Carnets de sel ?

La période COVID a freiné et freine toujours nos velléités au niveau de notre présence dans les espaces publics, festivals, salons… même si nous avons réussi à être présents sur quelques festivals maintenus (BD Boum, l’Autre monde, Livre O cœur…).
Néanmoins, nous envoyons des exemplaires à la presse régionale et nationale. Nous sommes bien identifiés par la presse régionale (quotidien, radios, France 3) ; nous avons obtenu des chroniques jeunesse sur Ricochet et Télérama a mentionné notre bande dessinée dans les 15 BD à offrir pour Noël 2020. Le Graal de la profession ! Par ailleurs, nous travaillons aussi avec un professionnel des droits à l’international.
Enfin Canal BD nous a largement soutenus lors de la publication de notre bande dessinée sur tout le réseau national des librairies spécialisées.

De quelle façon choisissez-vous les livres que vous éditez ?

Fin 2018, pour lancer la maison d’édition sans avoir encore reçu de manuscrit, j’avais fait une commande à Marceau Chenault, après avoir lu l’une de ses publications professionnelles, un essai de vulgarisation hybride sur le qi gong. Le temps qu’il rédige cet essai, nous avons aussi, au tout début, choisi l’un de mes romans qui a essuyé les plâtres, puisque nous n’étions absolument pas connus, sans diffuseur, et qu’il donnait à penser aux libraires qu’il s’agissait presque d’auto­édition. Ce n’est plus du tout le cas depuis. Peu à peu les manuscrits arrivent, nous demandons aux auteurs d’envoyer un pdf à manuscrit@carnetsdesel.fr pour leur faire faire des économies. Nous recevons surtout des récits jeunesse et des romans, rarement des essais et des projets de bandes dessinées. Nous essayons enfin d’alterner les sorties dans les différentes collections : roman, jeunesse, BD, essai, jeunesse, recueil de nouvelles.

Pourquoi avoir choisi d’éditer des livres de nature aussi différente qu’un roman, un essai, une bd, des nouvelles ?

C’est un choix tout à la fois téméraire et original que nous avons assumé dès le début. Nous ne savions pas alors à quel point il nous serait reproché, notamment par les institutionnels. En effet la plupart des maisons d’édition se spécialisent dans un domaine pour, par la suite, une fois bien installées sur leur modèle économique, ajouter une par une des collections. Le fait d’ouvrir notre catalogue à quatre collections était un pari risqué, car cela signifiait réussir à être identifié par les libraires alors que nos sorties étaient éloignées de plus de 6 mois pour chaque collection. Pourquoi avoir fait ce choix ? Parce que cette maison d’édition a été créée par rapport à ce que nous aimions lire, à ce que nous avions envie de défendre, et nous ne voulions pas nous retrouver enfermés à l’intérieur d’un genre ou d’un thème, comme on nous l’a pourtant suggéré.

Comment rémunérez-vous vos auteurs ?

Nous les rémunérons en droits d’auteurs avec en sus des avances sur droit que nous ne leur défalquons pas. Nous leur redistribuons 10 % par exemplaire vendu, ce qui fait partie des rémunérations honnêtes ; ils peuvent aussi nous acheter nos ouvrages avec une remise de 40 % pour les revendre au prix du livre. Le contrat d’édition leur est favorable, puisque nous avons choisi celui proposé par la SDGL et l’avons encore amélioré dans leur sens, pour ne pas les « emprisonner chez nous ». Ainsi la cession des droits de leur ouvrage n’est que de 5 ans ; ensuite, s’ils sont plus connus, ils peuvent aller ailleurs ou rester chez nous. Et enfin, nous leur établissons un contrat par droit accordé : droit pour le texte en France, un autre contrat pour le livre numérique plus tard, un autre contrat pour la traduction de l’ouvrage, etc. etc.

Après trois ans de fonctionnement, quels bénéfices (je ne parle pas de bénéfices financiers) avez-vous retiré de cette expérience ?

Une bien meilleure connaissance des rouages de la chaîne du livre et des solutions alternatives qui émergent, afin de questionner par exemple :
Le rapport auteur/éditeur ;
La coopération entre acteurs, au-delà des enjeux financiers ;
Les enjeux écologiques du secteur ;
La juste répartition de l’argent générée par la création.

Quelles erreurs faut-il éviter ?

1/ Ne pas trop écouter les sceptiques, mais écouter les acteurs de terrain passionnés : si l’on croit en son projet éditorial, se fier à son intuition, moteur pour avancer, mais prendre en considération les avis des libraires, éditeurs et autres professionnels passionnés.
2/ Ne pas brûler les étapes, une maison d’édition indépendante a besoin de temps pour s’affirmer.
3/ Ne pas forcément créer une maison d’édition en pensant à une éventuelle reconversion professionnelle, mais plutôt faire cela par passion et voir si la sauce prend.

Quels sont les projets de Carnet de sel ?

En 2022 nous avons publié un album jeunesse, L’Enfant au pinceau de Jonathan Sauvé, et un roman, Impulsion de Bernard Henninger. En 2023 nous avons prévu la nouvelle bande dessinée de Stanislas Gros, La Prisonnière. Peut-être dénicherons-nous également une perle parmi les romans qui nous sont envoyés.

 

Sandrine Leturcq, Stanislas Gros, Julien Crosnier

 

 

Veille éditoriale

Maus

Le conseil d’école du comté de Tennessee a demandé que la bande dessinée Maus d’Art Spiegelman soit retirée des programmes en raison de huit mots vulgaires et d’une souris nue dans une baignoire ! Le conseil a également dénoncé la « description de violences et de suicides » que l’on peut trouver dans cet album, prix Pulitzer 1992. Le tapage journalistique autour de cette censure a été tel que les Américains qui ne connaissaient pas encore ce chef-d’œuvre du neuvième art se sont précipités dans les librairies pour l’acheter. Heureusement, on n’a pas tous en nous quelque chose de Tennessee…

Livres suspendus

Vous connaissez le café suspendu, une tradition solidaire italienne de la région de Naples qui consiste à payer deux cafés, l’un pour soi et le second pour un éventuel autre client du bar qui n’aurait pas les moyens d’en consommer un. La maison d’édition Marotta & Cafiero applique ce principe dans la librairie qu’elle a ouverte à Scampia, dans la banlieue de Naples. Sa devise : là où on vendait de la drogue, aujourd’hui on vend des livres. Elle a récolté plus de 12 000 euros pour offrir des livres à des familles qui n’en avaient pas les moyens.
Qu’est-ce qu’on dit ?
Grazie mille !

Anne, ma sœur Anne

Suite de la publication chez Harper Collins de Qui a trahi Anne Frank ? On pensait enfin savoir qui avait dénoncé la jeune juive. Après cinq années d’enquêtes menées par un ancien du FBI, aidé d’une trentaine d’experts, le mystère de cette dénonciation était dévoilé par l’historienne canadienne, Rosemary Sullivan. Un notaire juif, Arnold van den Bergh, aurait protégé de la déportation sa propre famille en livrant les Frank et leurs amis. Dès sa parution, des historiens néerlandais contredisent cette thèse, démentant que le notaire ait pu avoir accès à une liste secrète des juifs cachés dans Amsterdam, le conseil juif instauré par les nazis dont faisait partie le notaire n’ayant jamais possédé une telle liste. Devant la polémique, l’éditeur néerlandais a suspendu son impression.
Anne, ma sœur Anne, il faudra encore attendre…

Big Mac Book

Depuis 2015, McDonald’s a distribué en France plus de 80 millions de livres pour enfants. Avec la disparition des jouets en plastique des boites de Happy Meal, la firme américaine privilégie le papier et le carton. Depuis l’an dernier, outre des livres distribués dans ses boites, McDonald’s instaure les Mercredis à lire. Le premier mercredi du mois, les enfants, en plus du livre ou du jouet choisi avec leur Happy Meal, reçoivent un album. Ces albums de littérature jeunesse, sélectionnés par un comité d’experts, proviennent d’éditeurs différents pour qui cela représente une manne bienvenue. Dommage que nos chers bambins soient obligés d’avaler un steak haché sanguinolent entre deux tranches de pains spongieuses pour avoir le plaisir de recevoir un livre. Après le green washing, le champion de la malbouffe invente le book washing !

Happy Birthday !

Les éditions Delachaux et Niestlé ont été fondées en 1882, à Neufchâtel, en Suisse, par l’imprimeur Adolphe Nietslé et les frères Eugène et Paul Delachaux. Rapidement, les trois hommes spécialisent leurs publications dans les sciences naturelles. Avec la collection Les guides du naturaliste, l’éditeur, depuis les années 50, propose des ouvrages de synthèse d’une grande rigueur scientifique permettant d’identifier la faune et la flore d’une région. Leur best-seller : Le guide des oiseaux d’Europe de Roger Tory Peterson. Vous retrouvez dans chaque cahier des livres d’InterCDI, sous la plume de notre collègue Danielle Boisson, la présentation de leurs nouveautés. Les éditions Delachaux et Niestlé devront prévoir un gros gâteau d’anniversaire si elles veulent y planter 140 bougies !

Queen Kong Théorie

Virginie Despentes associée à la photographe Axelle Le Dauphin lancent une nouvelle maison d’édition : La Légende éditions. Les deux femmes entendent ainsi : « promouvoir la représentation et la visibilité de la culture queer et féministe ». Dans ce but, elles souhaitent créer un collectif de recherche, de défense, d’archivage et de diffusion de cette culture. La maison d’édition devrait publier 9 livres par an.
Dans le même temps, au moment où Grasset, son éditeur historique, risque de tomber dans l’escarcelle du groupe Bolloré, l’autrice de King Kong théorie soutient activement le collectif « Stop Bolloré ». Ce collectif rassemble des membres et des organisations de la société civile qui s’inquiètent de la concentration des médias et de l’édition en France et des dangers que cela représente pour la démocratie.

Une enseigne pour les bibliothèques

L’Association des directrices et directeurs de bibliothèques municipales et de groupements intercommunaux des villes de France (ABDGV) a lancé un appel à candidatures pour concevoir une signalétique simple rendant les bibliothèques facilement identifiables sur tout le territoire. Dans le cahier des charges, il est précisé que l’enseigne doit être conçue comme un signe repérable depuis la rue comme le logo de La Poste, comme la croix verte d’une pharmacie ou encore la carotte des buralistes. L’enseigne sert avant tout à identifier dans l’espace public un lieu, un bâtiment pour dire : « Ici se trouve une bibliothèque ». Cette enseigne devra être contemporaine, lisible, mémorisable et son coût de fabrication ne devra pas dépasser 1000 euros HT, afin d’être à la portée de toutes les villes.

T’as le look Coco

La célèbre, géniale et talentueuse Coco Chanel fait l’objet d’un manga intitulé Miroirs, publié aux éditions Kazé. Les deux auteurs, Kaiu Shira au scénario et Posuka Demizu au dessin, ont choisi de mettre en images des moments clés de la vie de la couturière. Nul doute qu’ils ne vont pas présenter la créatrice de la petite robe noire comme une patronne despotique, un membre des services secrets allemands sous l’Occupation ou une antisémite notoire, ce qu’elle était également. Comme disait Jean Cocteau : « Les miroirs devraient réfléchir avant de renvoyer les images ».

Une nouvelle Gaffe !

À l’occasion du festival d’Angoulême, les éditions Dupuis ont annoncé le retour de Gaston Lagaffe. L’éditeur belge qui fête cette année ses 100 ans le confie à Delaf, dessinateur canadien des Nombrils. L’album doit sortir en octobre 2022 et sera tiré à 1,2 millions d’exemplaires. Franquin s’étant toujours opposé à une reprise de son personnage, l’intérêt de cette opération s’avère purement commercial. Isabelle Franquin qui ne possède pas les droits de ce personnage vendu par son père est opposée au projet et entend faire reconnaître son droit moral. La bataille juridique des avocats des deux camps promet d’être homérique. Après Astérix, Corto Maltese, Blake et Mortimer, arrêtons de déterrer les cadavres pour leur faire les poches. M’enfin !

Le P’tit Nobel

Marie-Aude Murail a reçu le prix Hans Christian Andersen, décerné par l’IBBY (International Board on Books for Young People). Ce prix, remis depuis 1956, est souvent surnommé « le petit Nobel ». L’autrice de Sauveur & Fils est la seconde française à recevoir ce prix prestigieux après René Guillot, auteur quelque peu oublié de Crin-Blanc. Une récompense hautement méritée pour la qualité d’écriture et la diversité des thèmes que l’on retrouve dans ses romans. Avec Oh boy ! (Indispensable en collège) elle a été une des premières à aborder l’homosexualité en littérature pour adolescents. En 2013, Marie-Aude Murail publiait, à l’École des loisirs, 3000 façons de dire je t’aime ; le jury, en la récompensant, vient d’en ajouter une autre !

Les dédicaces enfin rémunérées

Selon la Ligue des auteurs professionnels, 53 % des auteurs de BD vivent avec moins que le Smic. Les femmes sont encore plus mal loties : 50 % des autrices vivent sous le seuil de pauvreté. C’est pourquoi les auteur.e.s ont salué le protocole pour la rémunération des dédicaces qui a été signé par le ministère de la Culture, le Syndicat national de l’édition, la Société française des intérêts des auteurs de l’écrit et par certains festivals de bandes dessinées. Déjà évoquée dans le rapport Racine, cette mesure instaure : « une rémunération des auteurs de bande dessinée pour les actes de création réalisés dans le cadre de leur participation à des salons et festivals ». Un forfait de 226 € brut par festival leur sera donc versé. C’est toujours ça de pris !

Bibliothèque Universitaire

La Bibliothèque Sorbonne Nouvelle a ouvert ses portes le 9 mai. Située au 8 avenue de Saint Mandé à Paris, elle est l’œuvre du célèbre architecte Christian de Portzampac. Elle propose plus de 1000 places dont certaines réparties dans une quarantaine de salles insonorisées. Le bâtiment évolutif et modulable peut s’adapter selon les besoins. Il abrite un fonds de 450 000 livres, 1 100 bd, 8800 films et séries, 22 000 ebooks. Cette nouvelle bibliothèque est dotée d’un budget de 1,5 million d’euros et emploie 80 agents. De quoi rendre jaloux nos CDI les mieux lotis !

Allumer le feu !

Si, selon Pierre Reverdy, « Le poète est un four à brûler le réel », les éditeurs de poésie, eux, renaissent de leurs cendres. Ainsi, la collection Points Poésie a connu une progression de plus de 60 % entre 2020 et 2021. Cette collection publie, sous la direction de l’écrivain franco-congolais Alain Mabanckou, 8 à 9 titres par an. Vous y trouverez notamment The Flame de Leonard Cohen. Chez Actes Sud, Cyril Dion, militant écologiste essaie poétiquement d’éteindre le réchauffement climatique en publiant le recueil À l’orée du danger chez Actes Sud. Enfin, l’éditeur La ville brûle publie une anthologie féministe mise en images par l’artiste Diglee intitulée Je serai le feu ! Cette anthologie réunit 50 poétesses du XIXe, XXe et XXIe siècle. Certaines d’entre elles très connues, d’autres tombées dans l’oubli. Alors achetez de la poésie pour vos CDI, suivez les conseils d’Isabelle Grout dans le cahier des livres et vous pourrez, en regardant vos élèves, voir grandir la flamme dans leurs yeux.

 

Une rencontre intimiste, Nadia Nakhlé autrice de « Les oiseaux ne se retournent pas »

Trois classes professionnelles du Lycée Touchard-Washington ont accueilli Nadia Nakhlé, autrice de Les oiseaux ne se retournent pas, en janvier 2021, au Mans1. Cette rencontre s’inscrivait dans le cadre d’un projet sur la bande dessinée, Une Case en Plus (cf. encadré 1). L’autrice a expliqué aux élèves son parcours, son ambition de raconter l’exil des enfants et, à travers différents supports, la violence à laquelle ils sont confrontés. Elle a présenté ses sources d’inspiration, de l’histoire familiale aux témoignages sur le terrain. La lecture de son roman graphique a donné lieu à un travail d’analyse de l’œuvre, d’écriture poétique et de production plastique autour de la calligraphie arabe2.

Un récit sur l’exil et l’espoir

« Nous souffrons d’un mal incurable qui s’appelle l’espoir. » Cette citation de Mahmoud Darwich, figure emblématique de la poésie palestinienne, ouvre le récit. Elle y introduit ce thème central de l’espoir qui, contre vents et marées, porte l’héroïne dans son périple.
Dans un pays du Moyen-Orient (jamais nommé) ravagé par la guerre, une orpheline de 12 ans, Amel, est poussée par ses grands-parents à l’exil. Elle change d’identité et devient Nina. Dans ce voyage vers l’inconnu, elle est prise en charge par une famille. Mais à la frontière, elle se retrouve seule dans un camp de réfugiés. Elle y rencontre Bacem, déserteur et joueur de oud. Ils se lient d’amitié. Bacem écrit pour elle un poème (dont le premier vers donne son titre au récit). Il lui apprend à jouer du oud et promet qu’ils resteront ensemble. Mais lors de la traversée vers les côtes européennes sur une mer agitée, l’embarcation clandestine prend l’eau, et le précieux instrument tombe. Amel plonge pour le récupérer. Elle évite la noyade… mais l’instrument est brisé et Bacem disparaît. Guidée par des oiseaux qui lui parlent dans ses rêves depuis le début du récit, Amel continue son chemin, seule, vers la France.

Un récit décliné sous trois formes

L’originalité de ce récit repose sur la triple forme sous laquelle il a été envisagé par l’autrice, dès son origine : une bande dessinée, un spectacle (un concert associant musiciens, comédiens récitants et projections animées) et un film d’animation : « les différentes formes du projet se complètent3 ». Cette déclinaison est liée au parcours personnel de Nadia Nakhlé : en effet, celle-ci a débuté dans le cinéma d’animation et la mise en scène de spectacle. « Je me suis formée dans un studio de cinéma d’animation. Je prenais des cours en parallèle de dessin, de sculpture tout en travaillant. Je n’ai pas fait un cursus classique avec une école d’art » […] « Le dessin, la musique et le cinéma d’animation sont pour moi les plus appropriés pour dénoncer avec pudeur les atrocités de la guerre, comme celles des camps de réfugiés, mais aussi pour exprimer l’espoir et l’imaginaire d’un enfant4 ».
Lors de l’écriture, elle travaille énormément avec le compositeur de la musique du spectacle, Mohamed Abozekry, joueur de oud. « Je lui envoyais des textes, il m’envoyait sa musique, un jeu de pingpong permanent ». La musique a une place essentielle dans le récit, puisqu’un des personnages principaux est un joueur de oud. Et l’instrument lui-même a un rôle dramatique : la jeune Amel est initiée à son jeu, elle manque de mourir pour le repêcher. Jeune adulte, elle va devenir musicienne et exprimer sa rage de vivre par la musique. « C’était donc essentiel pour moi qu’il existe un spectacle musical… J’ai eu naturellement envie de faire exister cette musique ».
Nadia Nakhlé met en scène le récit avec sa compagnie Traces & Signes. Le spectacle, soutenu par une résidence à Stéréolux (Nantes), est présenté pour la première fois le 27 janvier 2020, avant de partir en tournée dans toute la France5. « Tout est millimétré dans ce travail pour que tous les éléments, qu’ils soient musical, visuel ou sonore, se répondent ».
L’album, paru en mars 2020 aux éditions Delcourt, est la première bande dessinée de Nadia Nakhlé. Bien qu’elle ait toujours dessiné, depuis l’enfance, elle n’a pas choisi de faire des études artistiques après l’obtention de son baccalauréat. « Le dessin n’était pas très bien vu dans ma famille. J’ai donc fait des études de droit car j’avais des rêves de justice ». C’est donc avec une certaine appréhension liée à son inexpérience qu’elle s’est lancée dans la réalisation de l›album en 2016. « Je suis une personne qui doute tout le temps en termes de création. J’avais beaucoup d’appréhension et de pression. J’avais l’impression de ne pas avoir droit à l’erreur, avec le poids de ma famille qui était tout à fait contre mon choix de carrière artistique ».
La bande dessinée recevra finalement un très bon accueil critique. Elle est récompensée par de nombreux prix. Réimprimée plusieurs fois et vendue à plus de 15 000 exemplaires, c’est une belle réussite pour cette jeune autrice. « Ce qui m’a le plus touchée, ce sont les réactions de [jeunes] lecteurs de vos âges qui m’envoyaient des messages via Instagram. Je trouvais intéressant d’avoir des retours de lecteurs de cet âge et aussi de réfugiés qui étaient heureux qu’on parle de leur histoire ».
L’autrice souligne qu’une fois le livre fini, elle a éprouvé un sentiment d’inachevé et d’incomplétude. À présent, elle est heureuse qu’il ne lui appartienne plus et qu’il passe de mains en mains. « Quand je le réouvre à présent, c’est comme si je le redécouvrais. Le temps passe, on oublie ce qu’on a créé. Le livre vit sa vie sans moi. Et il va avoir une autre vie à travers le spectacle et le film d’animation ».

Spectacle « Les oiseaux ne se retournent pas » : https://lc-saint-louis.loire-atlantique.e-lyco.fr/actualites/p-e-a-c-les-oiseaux-ne-se-retournent-pas-4/

Sensibiliser à un sujet d’actualité : la situation des enfants qui fuient leur pays en guerre

« Le roman graphique m’est apparu comme la forme idéale pour porter un récit à la fois intimiste et universel6. »
Nadia Nakhlé opte délibérément pour une histoire intemporelle et universelle aux allures de conte : lieux, durées et dates ne sont pas précisés. Ce flou permet au lecteur de s’immerger dans le récit. La narration à la première personne favorise l’empathie avec le personnage principal.
Aux élèves qui lui demandent si le récit se passait en Syrie, elle répond : « Cela pourrait être la Syrie, la Palestine, le Liban, l’Afghanistan… Je ne voulais pas entrer dans un conflit politique, c’est pour cela que je ne cite pas de nom de pays. Je voulais plutôt donner une dimension universelle à cette histoire, je veux parler à la fois de la douleur de l’exil, et de l’espoir de ces enfants ».
Avec ce récit, Nadia Nakhlé souhaite sensibiliser le lecteur à un sujet d’actualité : la situation des enfants qui fuient leur pays en guerre et qui arrivent seuls dans le pays d’immigration. « Au moins un quart des personnes cherchant refuge en Europe sont des enfants, et des milliers d’entre eux sont des enfants isolés ».
Elle dénonce les abus et les violences qui s’exercent sur ces enfants et plus particulièrement sur les filles, proies faciles pour le proxénétisme. À travers le parcours d’Amel, son intention est de montrer qu’il existe un avenir possible pour ces enfants réfugiés. Amel signifie « espoir » en arabe, précise-t-elle.
L’autrice souligne que l’enfance est le thème central de ses créations ; elle rappelle que Les Oiseaux ne se retournent pas s’ouvre sur une citation de Saint-Exupéry : « Je suis de mon enfance comme d’un pays », une pensée dont elle se sent proche. Elle tente de représenter ce moment de l’existence dans toute sa complexité et toute sa créativité. La bande dessinée, par le pouvoir des images, permet d’évoquer l’imaginaire des enfants.
Elle est indignée par le sort des enfants réfugiés qui vivent dehors, dans les rues en France. Elle rappelle que notre pays a signé une convention des droits de l’enfant, qu’à ce titre, il se doit de protéger les enfants, mais que cette protection est bien en dessous des nécessités de la situation actuelle. Elle ajoute qu’elle est proche de deux associations : La Cimade (association de solidarité et de soutien aux migrants) et Amnesty International, toutes deux partenaires du projet Les oiseaux ne se retournent pas.

Page 23, Les oiseaux ne se retournent pas© Delcourt, 2020

 

Un travail de recherche documentaire et d’enquête sur le terrain

La première source d’inspiration de Nadia Nakhlé a été son histoire familiale. Son père d’origine libanaise fuit le Liban en guerre et arrive en France assez jeune. Sa mère d’origine argentine fait partie d’une famille d’exilés. « Dans ma famille, la guerre est très présente. En allant au Liban, je voyais les traces de la guerre. Mais c’est en vieillissant que j’ai ressenti le besoin de parler de ce sujet. Ce livre est un écho de l’actualité et de ma vie familiale ».

Nadia Nakhlé montre quelques clichés qui ont servi de documentation. Les élèves reconnaissent dans la photo d’une rue en ruine de Homs une des premières planches de l’album. « Mon père est d’origine libanaise mais est né à Homs en Syrie. En voyant les images de cette ville détruite par les bombardements, j’ai été bouleversée. D’où ce désir de faire passer cette mémoire, mais surtout de transmettre l’espoir de ceux qui tentent d’échapper à cette guerre7 ». « Enfant, quand j›allais au Liban, j’étais fascinée par cette capacité de ma famille à ne jamais sombrer dans le chagrin, ne jamais se morfondre, ne jamais s›apitoyer sur son sort, mais toujours avancer, tracer sa route, même entre les bombes8 ».

Page 9, Les Oiseaux ne se retournent pas © Delcourt, 2020

De 2016 à 2018, pour pouvoir parler de son sujet avec précision et véracité, Nadia mène un travail de recherche documentaire et d’enquête sur le terrain. « Je suis allée dans un camp de réfugiés palestiniens au Liban. En France, je suis allée à Grande-Synthe et dans la jungle de Calais. Il y avait beaucoup d’enfants errants après le démantèlement du camp. Ils essayaient de passer en Angleterre mais ils étaient sans cesse rattrapés ».
Nadia s’inspire de ce qu’elle a vu, rapportant des scènes (la distribution de nourriture dans le camp) ou croquant des décors. Elle recueille des témoignages, en particulier de petites filles.
« Ce n’est pas évident, car elles se cachent. Mais en tant que femme, c’était plus simple de parler… On ne parle jamais des filles quand on parle de l’exil bien qu’il y en ait énormément. Elles sont souvent embrigadées dans des réseaux de prostitution, c’est souvent très compliqué pour elles car elles sont des proies très faciles… On estime que les enfants au cours de l’exil ont été au moins violés sept fois ».
Nadia précise s’être inspirée d’une jeune érythréenne qu’elle a rencontrée pour plusieurs séquences concernant Amel.
Ces témoignages sont douloureux, mais, en même temps, derrière cette douleur, il y a toujours l’espoir de l’enfance : « Toutes ces petites filles que j’ai rencontrées avaient une volonté d’apprendre, un désir énorme d’aller à l’école, de vivre une vie normale ».
Ce sujet de l’exil et des mineurs isolés est compliqué et difficile à aborder et sa proximité avec l’actualité en fait un sujet à vif. « J’ai essayé de l’aborder avec pudeur sans rentrer dans l’atrocité de la guerre, et la violence comme dans les médias… J’ai voulu mettre de la poésie dans ce projet sans nier les souffrances de la guerre et sans dénigrer la réalité ». La recherche de cet équilibre imprègne tout l’album.

Page 125, Les oiseaux ne se retournent pas © Delcourt, 2020

Un récit onirique et poétique : esthétique et techniques

Dès son feuilletage, l’album impressionne par sa mise en page originale et son esthétique : un style épuré, des teintes sombres, rehaussées de quelques touches de couleurs ; des fonds noirs, ornementés dans les marges de motifs floraux, d’envolées d’oiseaux, d’enluminures ; des images sur lesquelles s’entrelacent textes poétiques, voix off et calligraphie. Des techniques graphiques variées s’entremêlent (gravure, peinture, dessin). Pleines pages ou cases flottantes donnent lieu à des variétés de parcours de lecture. Interrogée sur ses techniques et ses sources d’inspiration esthétique, l’autrice répond aux élèves en s’appuyant sur des exemples d’images projetées.
Nadia Nakhlé explique que son récit fait référence à une œuvre poétique persane intitulée La Conférence des Oiseaux (parfois traduite par Le Cantique des oiseaux). Cette œuvre publiée en 1177 est attribuée à Farîd al-Dîn Attâr, un poète soufi persan. Ce récit initiatique et mystique raconte l’histoire de 30 000 oiseaux partis à la recherche du Symorgh, leur roi (ou reine car il n’y a pas de genre dans cette langue). Guidés par la huppe fasciée, messagère des âmes, qui connaît les secrets des mondes invisibles, les oiseaux affrontent des épreuves symbolisées par sept vallées : Amour, Connaissance, Dénuement…. À la fin du voyage, les oiseaux rescapés découvrent que le Symorgh n’est autre que le reflet d’eux-mêmes. Cette histoire initiatique est à mettre en parallèle avec celle d’Amel qui, au cours des sept chapitres qui composent le livre, doit affronter ses peurs et se mettre en quête de sa propre identité. « Je voulais nourrir mon récit de cette mythologie de contes et légendes d’Orient ».
L’autrice projette aux élèves plusieurs miniatures persanes : « il y a comme une actualité de ces dessins malgré leur âge. Je m’en suis inspirée pour créer le monde imaginaire des oiseaux dans lequel l’enfant se réfugie ». Elle se réfère également à l’art de l’estampe japonaise, en particulier Ito Jakuchu, grand amateur d’oiseaux9.
Questionnée sur ses lectures, Nadia Nakhlé confie qu’elle s’est mise tardivement à la lecture, préférant dessiner. Si elle lit des essais et des romans, ses préférences vont à la poésie, au rap et au slam, c’est une écriture imagée qui lui convient. Les citations qui figurent en tête de chaque chapitre sont pour l’autrice des moyens de rendre hommage à des poètes qui ont connu l’exil (Marmoud Darwich, Khalil Gibran) tout en proposant des clés d’entrée au lecteur.
« Je fais beaucoup de gravures sur cuivre, certaines planches s’inspirent de cette technique ». Nadia Nakhlé explicite le procédé de l’eau forte (l’image est creusée sur une plaque de métal à l’aide d’un acide), qui permet de mettre en valeur des détails et de procurer une connotation intimiste. Si le noir est sa couleur préférée, Nadia Nakhlé confirme avoir « choisi de mettre une couleur en avant en fonction de chaque chapitre et d’accorder une fonction symbolique à la couleur tout en jouant avec les contrastes que procurent les fonds noirs ». La focalisation à partir de certaines touches de couleurs permet de valoriser le point de vue de l’enfant, de montrer les objets qui sont importants à ses yeux. « Le cerf-volant rouge de l’enfant symbolise ainsi la terre natale et la guerre. La couleur bleue du foulard d’Aida qui fuit une dictature est associée à l’espoir ; le sac à dos jaune est associé aux souvenirs… ». Nadia Nakhlé ajoute que tous les détails ont un sens symbolique.
L’autrice précise les différentes étapes de réalisation de son album qui font appel à un ensemble de techniques mixtes. Le story board est écrit et/ou dessiné sous forme de croquis, sur papier. Le dessin est ensuite retravaillé sur papier et sur écran. La tablette Wacom dont le stylet est sensible à une grande variété de pressions permet de créer des pinceaux et des crayons au rendu naturel. « La numérisation intervient surtout pour l’étape de colorisation » […] « Sur le papier, j’utilise lavis, encre et crayon ». Le format d’origine est plus important que celui de l’album, il permet de développer un grand niveau de détails sur le dessin qui sera ensuite réduit à l’impression.

Page 58, Les oiseaux ne se retournent pas © Delcourt, 2020

Projets passés et à venir

Nadia Nakhlé évoque le clip de Zebda, intitulé Comme un guitariste chilien, en hommage à Victor Jara, chanteur-compositeur-guitariste, assassiné sous la dictature de Pinochet, qu’elle a coréalisé (avec Xavier Perez). Elle a conçu les images d’animation et les effets visuels qui illustrent le texte de Kateb Yacine, Poussières de Juillet, soutenu par l’instrumental La Partida de Victor Jara. On y retrouve les thèmes chers à l’autrice (enfance, déracinement, guerre) et son style graphique. Le clip a été regardé par une classe, pour préparer la rencontre10.
L’autrice présente sa seconde bande dessinée, parue en septembre 2021, intitulée Zaza Bizar. Le récit existait auparavant sous la forme d’un spectacle qui jouait sur l’interaction entre les dessins et le jeu des comédiens. Élisa, surnommée Zaza Bizar par les enfants de son école, souffre de troubles du langage (dysphasie). Elle s’enferme dans le silence et développe son propre langage, celui de son imaginaire, propre à l’affranchir du monde réel. Au fil des pages de son journal intime, Zaza nous livre son quotidien, ses peurs, l’incompréhension des adultes, les moqueries des élèves, mais aussi ses joies et ses rêves11. « Dès la création du spectacle, j’avais en tête cette forme d’un journal intime dessiné12 », souligne Nadia Nakhlé qui prépare une nouvelle bande dessinée pour 2023 qui s’intitulera Les Notes rouges, et où la musique occupera également une place essentielle.
Pour le film d’animation de Les oiseaux ne se retournent pas, il est prévu que le storyboard soit fini en mars 2022 et qu’une équipe travaille à la réalisation du film pendant un an et demi pour une sortie prévue en 2025. Nadia Nakhlé décrit les différents métiers qui composent une équipe qui peut compter jusque 300 personnes et qui engage des énormes budgets, contrairement à la bande dessinée.

 

_____________________________________________________________________________

Une case en plus

Une Case en Plus est un prix BD inter-établissements, créé en 2008, initié et piloté par un groupe de professeurs documentalistes de la Sarthe. Il s’adresse aux élèves de 3e, 2de de lycée général et professionnel et 1re de lycée professionnel du département (une dizaine d’établissements chaque année).

Objectifs :
• Améliorer les pratiques de lecture des jeunes : être lecteur, être capable d’évaluer sa lecture, être critique, créer à partir de sa lecture ;
• Promouvoir la bande dessinée en milieu scolaire : lancer une dynamique pour favoriser la mise en place de séquences pédagogiques autour de la bande dessinée avec les enseignants de disciplines diverses ;
• Mutualiser les séquences pédagogiques mises en place via un blog (Le Dock).

 

_____________________________________________________________________________

Déroulé pédagogique Les oiseaux ne se retournent pas

Cette séquence autour de l’album Les Oiseaux ne se retournent pas s’inscrit dans le cadre d’un dispositif intitulé Une Case En Plus, créé par un groupe de professeurs documentalistes de la Sarthe (cf. encadré 1). Elle a été conçue et réalisée en coanimation avec une professeure de lettres-histoire du lycée professionnel, pour une classe de 3e prépa-métiers, composée de 16 élèves, globalement faibles lecteurs et peu accoutumés à la lecture de bande dessinée (hormis deux élèves). Dans le cadre du projet Une Case en Plus, les élèves ont bénéficié de plusieurs séances autour de la bande dessinée où ils ont manipulé des albums. Ils ont été ainsi amenés à identifier les différents acteurs d’une bande dessinée et à décrypter des images (rallye bd, énigmes/jeux autour des albums de la sélection). Très peu d’élèves ont lu l’album avant la séance.

Découverte de l’album par le prologue (2 h)

La couverture puis les planches qui composent le prologue (p. 7 à 16) sont projetées aux élèves. Le cours est dialogué, des questions leur sont posées sur chaque planche. L’objectif de cette première séance est de donner des clés pour repérer et analyser les spécificités de la narration et du graphisme de Nadia Nakhlé. Avec l’idée que lors les séances ultérieures, les élèves s’approprieront ces outils.
Au-delà de la description de la scène montrée (qui fait quoi ? quand ? où ?), il s’agit d’être attentif au découpage des planches (agencement – pleine page, double planche – présence ou absence des cadres aux cases, présence d’ornements), à la mise en scène des images (cadrages, points de vue, plans), aux textes (nature des textes, voix off, dialogue, commentaire narratif, forme et format des caractères typographiques), aux couleurs (leur rôle, l’assignation d’une couleur à un objet). Un temps est pris pour noter les informations dans un tableau proposé, le tout permettant de nourrir l’écriture d’une synthèse collective.
Les élèves prennent conscience très rapidement que l’histoire n’est pas racontée de façon chronologique. Elle se déroule comme dans un rêve ou un souvenir, par association ou contraste d’images et/ou de motifs. La mise en scène est onirique et métaphorique, basée sur des oppositions (hommes en armes/enfant, avions/cerf-volant) et des répétitions textuelles ou graphiques. Le prologue introduit le personnage narrateur de la petite fille, Amel, et les thèmes de la guerre et de l’exil. La thématique des oiseaux traitée de façon réaliste et symbolique, est également présente. L’ambiance sombre et triste est accentuée par les fonds noirs et la répétition de motifs graphiques.

Page 13, Les oiseaux ne se retournent pas © Delcourt, 2020

Analyse de la bande dessinée (2 h)

En classe, les élèves lisent en binôme et analysent la suite du récit (chapitre 1, p. 17 à 48). Un document sous forme de questions et tableaux à compléter guide leur lecture et leur analyse. Il s’agira de faire un résumé du chapitre, de s’interroger sur la citation mise en exergue, de relever les couleurs en évaluant leur rôle esthétique et symbolique, de relever la nature des différents textes, d’apprécier le graphisme des personnages mis en scène (particularités du dessin et effets sur le lecteur). Tous les points travaillés dans la séance précédente sont réinvestis. La conclusion est orientée vers des hypothèses de lecture. Cette étude, axée sur la mise en scène élaborée par l’autrice, se traduit par une attention minutieuse à porter aux détails narratifs et graphiques. Elle peut paraître fastidieuse et longue, mais elle nous semble essentielle pour apprendre à mener une analyse correcte et argumentée des planches. Au vu de leurs réactions, il semble que les élèves prennent conscience de l’importance des détails que recèlent les dessins et du pouvoir de suggestion des images.
Nous avions prévu d’organiser la suite de la lecture sous forme de classe puzzle (dispositif pédagogique particulier1), ce qui aurait permis de diviser la classe en quatre groupes. Chaque groupe travaille sur des chapitres différents du livre, puis mutualise leurs études. Mais pressés par le temps, et la rencontre avec l’autrice se rapprochant, nous nous sommes concentrés sur la préparation de cette rencontre, sous la forme d’une interview collective puis de sa restitution. Lors de la rencontre, Nadia Nakhlé a d’abord proposé de montrer, sous forme de diaporama, la façon dont elle travaille, puis, elle s’est prêtée au jeu des questions/réponses. Les élèves ont ensuite présenté à leur tour leur travail de création graphique, inspiré de son œuvre.

Création graphique (2 h)

L’album présente de nombreux poèmes aux ornementations décoratives très riches, autour du motif des oiseaux et de la musique, la plupart s’inspirent d’une œuvre poétique persane du 12e siècle de Farid-Ud Dîn-Attar, Le langage des oiseaux (parfois traduit par Le Cantique des oiseaux). Ce poème initiatique et mystique, entrecoupé de contes et d’anecdotes, est considéré comme un des ouvrages majeurs de la littérature persane. Il a été illustré par des enlumineurs et traduit dans de nombreuses langues. Nous avons donc proposé aux élèves de rédiger à leur tour de courts poèmes, en s’inspirant d’une image de leur choix extraite de l’album.
Un intervenant (professeur d’arabe) est venu animer un atelier de calligraphie arabe. Il a présenté les différents styles calligraphiques arabes, en insistant sur l’aspect figuratif que peut revêtir la calligraphie. En réalisant des entrelacs avec des mots écrits ou en utilisant la micrographie, les calligraphes parviennent à produire des images figuratives, un art qui rappelle le calligramme. Puis les élèves ont découvert quelques lettres arabes et ont écrit leur prénom (avec un modèle préparé par l’intervenant). Certains ont tenté de composer une lettrine calligraphiée pour la première lettre de leur poème. Celui-ci a ensuite été écrit en couleur argent ou doré, sur une carte noire. En vis-à-vis, figure l’image extraite de l’album. Toutes les doubles cartes réalisées par chaque élève ont été reliées ensemble pour fabriquer un recueil sous la forme d’un livre accordéon. Ce travail est présenté à l’autrice et chaque élève lit son texte. Touchée par cette production, elle prend en photo ces travaux qui s’inspirent de son album. L’ensemble sera présenté dans l’exposition finale, regroupant tous les travaux d’élèves d’Une Case en Plus.

Point de vue de l’enseignante de lettres-histoire impliquée dans le projet

« D’un premier abord, le volume du roman graphique Les oiseaux ne se retournent pas peut faire craindre une certaine répulsion chez des élèves peu lecteurs, voire en difficultés, comme ceux de 3e prépa-métiers.
Mais accompagnés pour entrer dans l’œuvre, ils franchissent le pas et se surprennent eux-mêmes à prendre plaisir au récit textuel et iconographique, à la richesse de ses détails et à son pouvoir onirique. Son caractère elliptique et sa dimension symbolique ménagent les lecteurs les plus sensibles et respectent leur degré de maturité en offrant différents niveaux de lecture. Sa dimension esthétique et son ancrage dans l’Orient aiguisent la curiosité des élèves et se prêtent à toutes sortes d’explorations culturelles et de réalisations en classe, que la variable temps peut venir alors limiter.
Une œuvre multiforme, qui peut inspirer de grands projets pédagogiques, sans compter une participation éventuelle de sa jeune autrice, attentive à éveiller une sensibilité artistique, mais aussi une conscience du monde dans lequel les élèves grandissent. »

(Hélène Delmotte, enseignante en lettres-histoire)

 

Page 138, Les Oiseaux ne se retournent pas © Delcourt, 2020

 

 

DOSSIER : 50 ans d’Intercdi, retour vers le futur

Dans le numéro double 299-300 nous fêterons le cinquantième anniversaire d’InterCDI.

À cette occasion, l’équipe de la rédaction tient tout d’abord à vous remercier de votre fidélité et revient vers vous pour solliciter vos témoignages sur le lien particulier qui vous unit à InterCDI. Faites-nous part de ce qui vous a marqué dans la vie de la revue, de votre participation à cette aventure associative, de ce qui vous a été utile dans le cadre de votre pratique professionnelle, mais également de vos souhaits pour les numéros à venir.

Ce numéro est tourné vers l’avenir. Penser l’avenir c’est s’appuyer sur le passé – « le passé est la lanterne du futur » selon les mots de Hacène Mazouz –, c’est s’ancrer dans le présent pour envisager des continuités et jeter des ponts vers ce qui n’est pas encore, ce qui peut advenir et qui est souhaitable.

Avec vous, demandons-nous ce que sera, demain, le métier de professeur documentaliste. Un enseignant à part entière, producteur de contenu pédagogique ? Un spécialiste des médias ? Un organisateur de projets ou de contenus culturels ? Le CDI du futur sera-t-il écologique ? numérique ? ludique ? en réseau ? hors les murs ?

Le CDI sera-t-il Black Mirror ou Wonderful World ?

Des bulles de silence dans le désert des bruits

« Tu fais des bulles de silence dans le désert des bruits ». Ce vers de Paul Eluard (Facile, 1935) pourrait constituer une citation intéressante à mettre en exergue au CDI pour allier Printemps des Poètes et règles de vie du lieu, en un clin d’œil poétique. Cette phrase peut également s’apparenter au fil conducteur de ce numéro d’Intercdi.
Bruit et silence, le yin et le yang de nos vies au CDI, la beauté du doux bourdonnement des élèves au travail ou du calme après la déferlante de la récréation ; l’agacement et l’agressivité des décibels qui montent lorsque l’espace est saturé de sons. Comment gérer cet éternel dilemme ? Timothée Mucchiutti s’est penché sur cette question dans sa fiche pratique, grâce à une réflexion sur l’aménagement de l’espace et sur l’éducation à la santé par la sensibilisation au bruit et à ses risques auprès des élèves.
Le silence du temps qui s’étire et qui paresse ensuite, dans l’ouverture culturelle de Sophie Dremeau qui donne un avant-goût de vacances, en proposant par exemple aux lecteurs estivaux de se mettre en scène avec le livre emprunté pour les vacances, de manière à créer une carte postale poétique exposée au CDI à la rentrée suivante. Le silence des non-dits et des secrets de famille ou a contrario le bruit des jeux d’une fratrie font également écho au thémalire de Mélanie Davos qui dresse une sélection de fictions sur la famille.
Envelopper nos existences d’un silence documentaire qui effacerait toute trace numérique, c’est ce qu’analyse Olivier Le Deuff dans son article Indexation des connaissances versus indexation des existences. Citant Colin Koopman, « le scénario est effrayant : tout le monde autour de vous est bien attaché à ses données alors que [si] vous êtes sans données, sans informations, et par conséquent vraiment sans défense, que feriez-vous de vous-même ? Que pourraient faire de vous les autres ? » Comment combiner la transparence permanente des individus indexés à l’aune des algorithmes numériques et la nécessaire classification des connaissances, au fondement même du savoir ? Pour y répondre, Olivier Le Deuff convoque la figure tutélaire de Guillaume de Baskerville (Le Nom de la Rose, U. Eco), personnage qui était « mû par l’unique désir de la vérité, et par le soupçon (…) que la vérité n’était pas ce qu’elle lui paraissait dans le moment présent ». Une définition possible de l’ÉMI, en quête d’esprit critique et de fiabilité de l’information ?
Enfin, la calme concentration du lecteur attentif alors que l’imagination galope dans son esprit ou le bruit effervescent d’une animation ludique autour du Défi Babélio : voilà de quoi nourrir nos envies d’activités de promotion de la lecture, grâce à l’article de Corinne Paris sur le désormais célèbre défi participatif. Une manne d’idées et de possibilités à explorer autour de cette sélection annuelle de romans et de BD… avant d’aller fureter dans la première librairie ouverte sur le métavers, comme le signale, entre autres pépites, la veille numérique de Gabriel Giacomotto.
Silence, on lit, on indexe, on réfléchit, on agit !

Indexation des connaissances versus indexation des existences

L’histoire de l’indexation est marquée par différentes manières de comprendre et de savoir. Nous souhaitons montrer ici que l’action d’indexer et d’organiser l’information n’est pas nécessairement liée à une volonté de rendre la connaissance accessible à tous, mais qu’elle est souvent guidée par le désir d’en savoir plus sur ce que font les individus.
Qu’est-ce qui est désormais le mieux indexé ? Les connaissances et leurs supports (ouvrages, périodiques, etc.) ou bien nos différentes activités personnelles sur les réseaux ? Les acteurs commerciaux du web se montrent plus intéressés par les secondes et déploient en conséquence des méthodes pour y parvenir.
Faut-il pour autant accepter cette intrusion dans nos vies privées ? Pour répondre à ces interrogations, nous nous proposons d’apporter un regard rétrospectif sur les processus d’indexation qui s’inscrivent depuis longtemps dans une tension entre indexation des connaissances et indexation des existences.
Les lecteurs d’InterCDI connaissent bien l’histoire de l’organisation des connaissances, ses grands acteurs et leurs réalisations, notamment en ce qui concerne les enjeux classificatoires. On songe bien entendu à Bacon, Harris, Dewey, Otlet, Ranganathan, ainsi qu’à toutes les méthodes d’indexation entre les classifications décimales, les vedettes-matière et les thésaurus.
Mais si l’organisation des connaissances a veillé à améliorer l’accessibilité informationnelle par des méthodes de classement optimisées, ses travaux et avancées ont souvent été source d’inspiration pour des motifs moins louables. Si le but premier était de classer l’information et d’organiser les connaissances pour faciliter la « retrouvabilité » (findability) et la compréhension des domaines de savoir sous des formes de type encyclopédique, les méthodes d’organisation des connaissances eurent également une influence sur la formation des esprits des individus. Cependant, ces enjeux de formation s’accompagnent également de stratégies de contrôle, ce que montre Ronald Day à propos de l’indexation :

« Je soutiens que l’indexation et l’indexation documentaire jouent un rôle majeur et croissant dans l’organisation de l’identité personnelle et sociale et de la valeur et dans la réorganisation de la vie sociale et politique. Ce phénomène a entraîné une réécriture des psychologies personnelles et sociales de la tradition occidentale des deux dernières années et modifie les notions de soi et de la personnalité, les textes et la textualité, le jugement personnel et le rôle de la critique dans la pensée et la politique. Aujourd’hui, ces fondements de la pensée des Lumières, tels que les pouvoirs naturels individuels, l’absence de surveillance et les droits de la parole, sont systématiquement dépassés et effacés avec l’aide importante de systèmes documentaires au service du pouvoir et du profit de l’État et de l’entreprise, à la fois au sein des états démocratiques et non démocratiques3 » (Day, 2014).

Le Nom de la Rose

Cette tension est parfaitement illustrée par l’opposition entre deux personnages du Nom de la Rose, le franciscain Guillaume de Baskerville et le dominicain Bernard Gui. Pour la resituer, rappelons que le héros du roman d’Umberto Eco est un détective de la période médiévale qui utilise des méthodes dignes de Sherlock Holmes et s’inscrit dans la lignée de Guillaume d’Ockham, célèbre désormais pour « le rasoir d’Ockham » qui renvoie au fait de chercher la solution la plus simple quand elle existe, ce qui signifie également qu’il n’est pas nécessaire d’inventer de nouveaux mots ou concepts quand on en dispose déjà de pertinents. Guillaume de Baskerville est un moine franciscain, ancien inquisiteur, dont la logique repose sur la recherche de la vérité des faits et dont le narrateur du Nom de la Rose, Adso de Melk, donne la description suivante :

« Alors je ne savais pas ce que frère Guillaume cherchait, et à vrai dire je ne le sais toujours pas aujourd’hui, et je présume que lui-même ne le savait pas, mû qu’il était par l’unique désir de la vérité, et par le soupçon – que je lui vis toujours nourrir – que la vérité n’était pas ce qu’elle lui paraissait dans le moment présent » (Eco, 1982).

L’inquisiteur dominicain, Bernard Gui, présente un tout autre visage que celui de Guillaume de Baskerville. C’est d’abord un personnage réel, connu pour ses missions contre les hérésies dans le sud de la France. Ce n’est pas la vérité des faits qui l’intéresse, mais la préservation du dogme. Il lui faut donc traquer tout ce qui pourrait s’en détourner et qui constituerait alors des erreurs, étymologiquement des hérésies. L’inquisiteur traque le faux pour le dénoncer et pour le condamner :

« Bernard a été pendant des années le maillet des hérétiques dans la région de Toulouse et a écrit une Practica officii inquisitionis heretice pravitatis à l’usage de tous ceux qui devront poursuivre et détruire vaudois, béguins, bougres, fraticelles et dolciniens. » (Eco, 1982).

L’opposition de style est une opposition idéologique qui explique pourquoi, actuellement, ces deux positions s’affrontent avec des méthodes parfois communes, mais des visées qui diffèrent. Le rapport à la foi de Guillaume de Baskerville et de Bernard Gui apparaît distinct. En effet, la confiance envers les autres repose sur le doute chez le franciscain, tandis qu’elle repose sur le soupçon chez le dominicain. La recherche de la vérité suppose une volonté d’absolu, voire d’éclaircissement personnel pour mieux comprendre l’univers. La méfiance vis-à-vis des autres implique une crainte envers l’avenir et la peur que des pensées autres et nouvelles viennent pervertir les représentations qui ont mis tant de temps à être construites et qui sont également l’assurance de la solidité des dogmes et des pouvoirs qui y sont associés. Si Guillaume de Baskerville ne sait pas exactement ce qu’il recherche, Bernard Gui sait parfaitement ce qu’il cherche à défendre.

Le Janus bifront de l’indexation

L’enjeu indiciaire, dont le but est de relever des indices pour éventuellement aboutir à des révélations, est essentiel dans les deux types d’indexation. La position de Guillaume de Baskerville consiste à lever le voile (étymologiquement, la révélation) pour accéder à une vérité difficile d’accès parce que les coupables ne veulent justement pas être identifiés, tandis que la position de Bernard Gui repose sur la nécessité de mettre en évidence ce qui est hors norme : l’anomalie ou l’erreur qui doit être poursuivie. Les deux culpabilités qui en résultent n’ont rien à voir l’une avec l’autre, même si elles reposent sur un travail qui consiste à accumuler des preuves.
Le travail de recherche documentaire apparaît même en opposition. À une logique indiciaire somme toute scientifique, tant il s’agit de rapporter des éléments à comparer à d’autres et à construire des hypothèses, s’oppose une logique indiciaire qui traque les éléments contraires au dogme, car l’hérésie est assimilée à une forme de virus qu’il faut éradiquer. L’éradication passant par la destruction des écrits et parfois par celle de ceux qui les ont produits.
L’indexation est ainsi un Janus bifront avec des périodes plus ou moins fastes pour l’un des deux côtés. Mais ils sont parfois difficiles à distinguer. Les bascules étant rapides entre les deux ; les progrès de l’organisation des connaissances permettant d’imaginer de nouvelles prérogatives pour l’indexation des existences.
Plusieurs épisodes de l’histoire info-documentaire illustrent bien cette tension. Un des plus emblématiques repose sur l’utilisation détournée d’un travail documentaire bibliographique d’ampleur : la bibliographie universelle compilée par Conrad Gesner (1516-1565), un véritable catalogue de ressources en langue latine, grecque, hébraïque et arabe. Conrad Gesner informe son lecteur qu’il n’a pas cherché à vérifier la véracité de tous les ouvrages recensés considérant ainsi que chacun des ouvrages présente un intérêt potentiel pour le lecteur. Ce formidable travail de recensement va être utilisé par l’inquisition quelques années plus tard pour mettre en place l’index des livres interdits, index librorum prohibitorum en 1559. Conrad Gesner est également mis à l’index dans le même mouvement, car il est calviniste. L’index ainsi produit requiert des preuves documentaires que sont les ouvrages qui sont alors lus et examinés pour être mis au ban. Ils constituent les preuves de l’hérésie. On passe ainsi en quelques années du catalogue des ouvrages potentiellement pertinents au catalogue des ouvrages ouvertement dangereux aux yeux des autorités ecclésiastiques.

Index librorum prohibitorum, 1564.

La pratique des listes de livres interdits se rencontre à plusieurs reprises. Les nazis vont ainsi établir des listes spécifiques pour mener des autodafés et pour expurger tous les travaux qu’ils jugent néfastes, notamment les ouvrages d’auteurs juifs. En France, de telles listes sont alors établies avec l’aide des collaborationnistes français en septembre 1940. C’est le cas de la liste Bernhard puis de la liste Otto4. Des saisies ont alors lieu dans les librairies et la liste s’allonge avec l’intégration d’auteurs marxistes après la rupture du pacte germano-soviétique ainsi que des auteurs britanniques et américains.
Toujours dans cette perspective de détournement bibliographique, un autre exemple à citer est magnifiquement illustré par le film sur John Edgar Hoover réalisé par Clint Eastwood (Eastwood, 2011). J. Hoover, futur dirigeant du FBI réalise une démonstration de sa vision de l’institution en montrant à sa secrétaire sa capacité à retrouver rapidement une information au sein de la Bibliothèque du Congrès. Il lui annonce alors qu’il désire procéder de même pour le FBI. C’est ainsi qu’il développe le premier fichier national des empreintes digitales. Les fiches et les fichiers prisés par les bibliothécaires et les documentalistes deviennent des instruments potentiels pour d’autres types de fichage.
Les acteurs de la documentation eux-mêmes peuvent parfois être tentés par le « côté obscur » de l’indexation. Paul Otlet, lui-même, n’y échappe pas. Il envisage ainsi d’utiliser des logiques classificatoires dans un article de 1906 intitulé « De quelques applications non bibliographiques de la classification décimale » :

« Mais en dehors des Tables de la classification bibliographique décimale, le principe même du classement décimal peut recevoir mainte application intéressante. Son emploi pour l’établissement du casier judiciaire et pour le signalement anthropométrique paraît devoir retenir spécialement l’attention. On n’ignore pas l’importance qu’a prise l’identification des délinquants : elle permet de reconstituer leur histoire en dehors de leurs propres allégations ; elle rend vaine toute tentative de dissimulation de nom ; elle ne fait plus la police tributaire d’un simple interrogatoire. On sait qu’en France, M. Bertillon a attaché son nom à un système d’identification basé sur des mensurations et des caractères physiques : on mesure, par exemple, la taille, l’envergure des bras, la longueur de l’index ; on note les dimensions crâniennes, la couleur de l’iris, etc. Ces bases objectives échappent au mensonge.
La méthode consiste à attribuer à chaque individu anthropométré (délinquants, conscrits, etc.) un numéro classificateur basé sur les éléments récognitifs les plus caractéristiques de leur personne physique et inscrits en quelque sorte dans leurs organes. On pourra toujours retrouver ensuite, sous le même nombre classificateur, dont les éléments de formation sont invariables, tous les documents (photographies, pièces, rapports, etc.) ayant trait à un même individu. » (Otlet, 1906, p. 96).

Paul Otlet envisage les moyens de caractériser un individu de façon unique, non sans prendre appui sur des théories anthropométriques dont les présupposés racistes et les fondements guère scientifiques ont été plusieurs fois démontrés depuis.
On pourrait citer d’autres types de détournement comme les travaux bibliométriques et scientométriques dont le but est d’abord de comprendre la science telle qu’elle se fait, et qui peu à peu est devenue synonyme de classement et de gestion managériale de la science. C’est l’usage détourné de la scientométrie qui mérite d’être discuté, pas la scientométrie elle-même. Il en va de même pour l’indexation qui demeure essentielle et nécessaire, tout comme les métadonnées.

Faut-il lutter contre l’indexation ?

Les risques ainsi décrits, faut-il alors considérer que l’indexation serait potentiellement néfaste au point d’envisager de l’interdire ou tout au moins de la limiter ? Faut-il casser alors les systèmes d’indexation ? L’expansion des métadonnées et des dispositifs de production d’indexation des activités personnelles s’observe sur la plupart des sites et dispositifs en ligne, au point d’ailleurs qu’on constate également que des prérogatives « régaliennes » se banalisent. Des sociétés privées du web parviennent de plus en plus à procéder à des contrôles d’identité comme c’est le cas parfois sur Facebook ou Google, notamment quand il s’agit de récupérer un compte à la suite d’une usurpation d’identité, ou, plus fréquemment, sur Airbnb qui souhaite vérifier l’identité de ses clients pour se prémunir contre des abus. Il reste qu’on ne sait pas toujours quels sont les vérificateurs, et ce d’autant plus que parfois le contrôle s’exercerait par des systèmes de vérifications algorithmiques, notamment quand il s’agit de comparer la photo de la pièce d’identité avec celle de la webcam. Il est probable que ces données sont en fait vérifiées par des tiers fort mal payés à l’autre bout de la planète. Le vol de données est alors une crainte légitime et ce, d’autant que les indexations en tout genre prolifèrent, notamment en matière de données de santé. Comment se prémunir contre le fait que les données de type ADN finissent par transiter d’entreprise en entreprise au point de se voir refuser un prêt ?
Cependant, s’il faut clairement développer des stratégies de prudence, de méfiance, voire de résistance, il semble qu’il faille également préserver l’essence des processus documentaires et des enjeux organisationnels, notamment en considérant que le travail d’indexation des personnes peut s’avérer également bénéfique pour les individus, car il s’agit aussi de pouvoir leur accorder des droits. Faire disparaître totalement ces processus revient au final à considérer que l’identité devient volatile, qu’il n’existe plus de nationalité, de reconnaissance associée :

« Que se passerait-il si vous perdiez définitivement l’accès à toutes vos données d’un seul coup ! Au-delà du simple vol d’identité ou de l’égarement des données, imaginez un scénario de suppression permanente des données personnelles. Cette perspective, une fois réfléchie, est vraiment effrayante. Que feriez-vous si vous deviez, d’une manière ou d’une autre, vous détacher définitivement de toutes vos données personnelles ! Que feriez-vous si vous deveniez d’une manière ou d’une autre définitivement non reconnue par tous les systèmes de données ! C’est précisément ce que la personne informationnelle redoute le plus : l’effacement permanent et irréversible de la totalité de ses informations personnelles et donc de son identité informationnelle. Pas de permis de conduire, pas de passeport, pas de numéro de compte bancaire, pas de rapport de crédit, pas de relevé de notes d’université, pas de contrat de travail, pas de carte d’assurance médicale, pas de dossier médical et, au fond, pas de certificat de naissance enregistré. Le scénario est effrayant : tout le monde autour de vous est bien attaché à ses données alors que vous êtes sans données, sans informations, et par conséquent vraiment sans défense. Que feriez-vous de vous-même ! Que pourraient faire de vous les autres ! Que pourrait faire la bureaucratie lorsque vous lui faites part de votre détresse, étant donné qu’aucune bureaucratie ne peut traiter un sujet autrement que par ses informations !5 » (Koopman, 2019, p. 4)

La recherche de l’équilibre

Une position équilibrée apparaît ici nécessaire en plaidant pour une éthique de l’indexation qui repose sur des décisions politiques plutôt que sur des stratégies d’ethics washing.
L’enjeu est aussi de plaider pour un renouveau de l’organisation des connaissances qui a toujours été un domaine d’innovation et d’exploration, mais qui s’avère actuellement dominé en la matière par les recherches au niveau de l’indexation de nos activités privées et personnelles à des fins marketing ou policières. Le couplage des index et des algorithmes permet à des catalogues comme ceux d’Amazon ou de Netflix d’anticiper au mieux les besoins des usagers en privilégiant des logiques qui sont celles d’une « économie de la jouissance » qui est éloignée des formes pensées pour accéder à la connaissance.
Comment réinjecter de l’innovation et un intérêt grandissant au profit d’une écologie de la raison ! On espère apporter quelques solutions dans les prochaines années aux lecteurs d’InterCDI.
L’indexation n’est pas le territoire réservé des professionnels de l’information, comme les questions algorithmiques ne concernent pas seulement les informaticiens et les mathématiciens. Cela implique de nouvelles formes de collaborations et de recherche-développement pour que les instruments de l’indexation et de l’algorithmique ouvrent des potentialités classificatoires et de nouveaux moyens de manipulation de l’information à des fins intellectuelles.
Guillaume de Baskerville n’a pas dit son dernier mot.

 

Les mille facettes du Défi Babelio

Il y a trois ans, une collègue de français et moi étions à la recherche d’un prix littéraire différent des autres, un prix qui pourrait intéresser des adolescents de plus en plus captivés par leurs écrans et de moins en moins lecteurs. Des collégiens qui soupiraient quand j’entrais en classe avec un bac plein de nouveaux livres. Des enfants qui jugeaient les ouvrages à leur épaisseur ou qui n’arrivaient pas à dépasser le premier chapitre d’un roman, quand ce n’était pas la première page.

Un concours qui met en avant l’ÉMI

Notre désarroi était grand, et le Défi Babelio nous a paru une occasion à saisir pour ces adolescents réticents. Premier argument qui a pesé dans la balance : l’importance de la sélection. Celle-ci est très large, puisqu’elle va de 30 ouvrages pour les juniors à 40 pour la catégorie Ado + (niveaux 3e et lycée). Nous nous sommes dit que parmi ceux-ci, chaque membre de la classe trouverait quelques titres à son goût.
Autre argument qui nous a fait choisir ce prix : la variété des livres. On trouve des mangas, des bandes dessinées, des romans policiers, de la littérature générale, du fantastique comme de l’historique…
Les activités numériques qui rythment le Défi nous ont aussi séduites : d’une part, c’est le seul prix littéraire qui met en avant le numérique et nous connaissons l’appétence de nos élèves pour celui-ci. D’autre part, pour les professeurs documentalistes, il s’agit d’un outil idéal pour les former à l’ÉMI et aux outils numériques.
Le Défi Babelio étant partenaire du site communautaire de lecteurs Babelio, c’est sur celui-ci que nos élèves écrivent des critiques d’ouvrages et publient des quiz. Cela nous donne ainsi la possibilité de les faire travailler sur les sites web, la publication en ligne, les traces et l’identité numériques, le droit d’auteur, etc.
De même, l’utilisation d’applications en ligne pour réaliser certains défis (nuages de mots, photo-montages…), la publication de productions sur des murs collaboratifs multimédias, permettent l’acquisition de compétences numériques et de savoirs sur les logiciels libres, la collecte de données, le montage photo…

Consacrer du temps au Défi

Dès la première année, nous nous sommes rendu compte qu’il importait de bien présenter le prix et ses enjeux aux élèves afin de les motiver, car on allait leur demander beaucoup de travail tout au long de l’année. C’était à nous d’expliquer en quoi il consistait, quitte à y revenir plusieurs fois. Il était nécessaire aussi de montrer des exemples de productions d’élèves (le site du Défi Babelio en regorge1) car s’ils savaient ce qu’était la rédaction de critiques littéraires, ils étaient, en revanche, parfois désorientés lorsqu’on abordait les activités numériques et les supports multimédias.
Nous avons dû, par ailleurs, souligner l’importance de la collaboration entre eux. Souvent, les collégiens prennent peur en voyant les 35 titres (pour le défi Ado), car ils imaginent qu’ils doivent tous les lire de manière individuelle, alors qu’il s’agit de faire en sorte que l’ensemble des ouvrages soient lus, afin de pouvoir répondre de manière collaborative aux différentes épreuves comme le Quiz final. C’est le groupe qui doit lire, et non chaque élève.
Nous avons également consacré du temps au site Babelio et aux fonctions qu’il offre, car ils ne le connaissaient pas ou très peu. Par exemple, comment cataloguer et organiser sa bibliothèque virtuelle d’un simple clic : on choisit un livre et ses références (titre, auteur, maison d’édition, couverture…) sont importées. On leur a indiqué les subtilités de la critique de livres en ligne : le résumé, l’avis, la notation, les mots-clés (« étiquettes ») et les citations.
On leur a fait connaître le moyen de partager leurs goûts de lecture en donnant leurs avis, de trouver des recommandations bibliographiques, de lire des biographies d’auteurs, d’écouter des interviews, de regarder des vidéos de présentations, de faire des quiz littéraires, etc.
Nous avons enfin créé avec eux le profil de la classe sur Babelio. Les élèves devaient choisir un avatar (une illustration pour les représenter). Ils avaient à écrire une biographie de leur classe (onglet « Ajouter une description personnelle »). Sur leur profil, ils pouvaient aussi exposer leur « défi lecture » et leurs six titres préférés. Au moins quatre séances ont été nécessaires pour réaliser tout cela : une séance de présentation du défi, une pour découvrir la sélection lecture et faire les premiers emprunts, une autre sur le fonctionnement de Babelio et enfin, plusieurs séances pour tester le site et compléter leur compte, commencer à écrire des critiques et à les enrichir par des citations et des notations, faire les premiers quiz en ligne…

Un gros investissement

Au fur et à mesure, nous avons constaté que le projet représentait un gros investissement pour les professeurs impliqués. Heureusement que nous étions deux pour nous organiser et nous partager les tâches : informer les parents et le chef d’établissement, lire les ouvrages, corriger les critiques, numériser les productions plastiques, rassembler les œuvres, sans parler de la préparation des séances sur le droit d’auteur, l’identité numérique, etc. Il y a beaucoup de travail en amont et en aval du défi, surtout la première année, quand on n’a pas encore pris ses marques.
Le site defibabelio.fr fourmille de documents que l’on peut utiliser. Des vidéos de présentation viennent rythmer les différents projets proposés. Une FAQ donne le mode d’emploi du concours. Les collègues bénévoles2, à l’origine du prix, mettent aussi à disposition un guide pratique de participation, les sélections de livres pour les trois niveaux (sous différents formats), des exemples de cartes Id, etc. Une web conférence est également organisée chaque année, début novembre, avec Canopé, pour ceux qui débutent.
Enfin, le forum auquel les professeurs inscrits ont accès est une autre source d’idées, de projets…

Une expérience enrichissante

Mais cet investissement ne pèse pas quand on voit l’engouement des élèves pour le Défi Babelio. Peu à peu, ils se prennent au jeu des différents défis et les attendent avec impatience. Ils se conseillent sur leurs lectures, émettent des avis sur leurs critiques, testent leurs quiz, vont voir ce que font les autres concurrents… C’est ce que nous avons expérimenté avec bonheur dès 2019. La première année, en 2019-2020, la classe de 4e avec laquelle nous travaillions, s’était prise au jeu de la compétition avec les autres collèges. Elle était impressionnée par le nombre de participants (plus de 100 inscrits) et le fait qu’il y ait des établissements scolaires de pays étrangers (Espagne, Royaume-Uni, Maroc, Canada, etc.) attisait sa curiosité pour ces élèves lointains géographiquement : qui étaient-ils ? Comment fonctionnait leur école ? Ce qui l’intéressait avant tout, c’était de découvrir les autres groupes, leurs cartes d’identité, leurs résumés, grâce à Babelio et aux tableaux collaboratifs.
Nos élèves furent par ailleurs séduits par l’utilisation d’outils numériques, car cela changeait de ce qu’ils avaient l’habitude de faire lors des prix littéraires précédents. En revanche, ils furent déçus par la difficulté de communiquer avec les autres classes via le site Babelio. En effet, il n’y a pas de « chat », mais un système de messagerie. On envoie un message et on attend qu’on nous réponde. On est loin de l’interactivité de Twitter.

Adapter le prix aux élèves

L’année dernière (2020-2021), nos élèves ont adoré les défis numériques : déposer des avis critiques sur Babelio, mais aussi et surtout relever les challenges proposés. Nous avons débuté par la carte d’identité numérique (« Cartes ID ») qui permet de présenter sa classe ou son club sous forme de carte postale virtuelle. Celle-ci peut être interactive ou non : il y a deux ans, nous nous étions contentés d’un dessin accompagné d’un poème. L’année dernière, nous nous sommes lancés dans une carte animée avec une application graphique.
La création de nuages de mots (ou « nuages de tags ») a été très appréciée, car c’est une activité ludique qui permet de jolies réalisations, grâce à des applications en ligne comme Wordart, faciles à prendre en main. Même les collégiens les plus rétifs ou les plus en difficulté ont réussi à faire des productions. Cela a été l’occasion aussi de travailler avec eux sur les mots-clés (les « tags »). Les élèves se sont aussi impliqués dans les Instadéfibabelio et la réalisation de photos mystères pour faire deviner des titres de la sélection aux autres concurrents.

Nous n’avons pas encore tenté les « book trailers » (ces vidéos littéraires que l’on réalise avec Powtoon, Animoto, Moovly…), ni celles « booktubes » (présentations filmées) ou encore les « bookfaces », car ils nous paraissent pour l’instant hors de portée.
Tous les défis proposés ne sont pas obligatoires et il est important d’adapter le prix aux élèves, à leur rythme et à leurs compétences. Par exemple, cette année, le projet a des difficultés à avancer avec notre classe de 4e très hétérogène, qui compte beaucoup de petits lecteurs, d’enfants dyslexiques et d’anciens ENAF3. Ce n’est pas grave, car, parmi la sélection4, nombre d’ouvrages (BD, mangas, romans courts) sont faciles d’accès. Et nous avons un peu d’expérience : les challenges numériques les plus simples à mettre en œuvre comme les nuages de mots, les quiz, l’instadéfi seront les outils de valorisation de leurs lectures. Nous avons déjà de belles surprises parmi les premières productions. Une nouvelle fois, l’année va être enrichissante pour les élèves comme pour nous, grâce à ce prix.

 

 

Les vacances

Musées et expositions

Musées

Le musée du Bagage à Haguenau présente une collection de 200 pièces de malles, sacs et valises.
http://www.museedubagage.com/

Le musée de la colo
Un site spécialisé dans les colonies de vacances : association créée en 1997, elle regroupe plusieurs fonds d’associations ou encore d’organismes catholiques : Le fonds Buchard, Le fonds Cejam, Le fonds Coex, Le fonds Courcelles, Le fonds Gugliémi, le fonds Jacky Jobert, Le fonds Saint-Pascal, entre autres.
http://lemuseedelacolo.fr/

Expositions itinérantes

Les vacances à papa, Conservation Départementale du Tarn : exposition qui valorise, de 1950 à 1970, la politique des Houillères en faveur des congés des mineurs et de leurs familles, à travers des photographies et des souvenirs de vacances.
https://musees.tarn.fr/conservation-departementale/expositions-itinerantes-en-pret/les-vacances-a-papa

Grandes vacances, Conseil départemental du Val d’Oise. Exposition qui évoque les traces des premiers vacanciers dans le Val d’Oise : maisons de villégiature, campings, colonies de vacances, plages fluviales.
http://www.valdoise.fr/2718-expositions-itinerantes.htm

Les Corréziens en vacances, Archives départementales de la Corrèze, 2008.
https://www.archives.correze.fr/les-expositions/les-correziens-en-vacances-2/

À nous les vacances ! Archives départementales du Val-de-Marne, 2006.
https://archives.valdemarne.fr/a/83/a-nous-les-vacances-/

Archives

Les archives de l’INA

Les Français racontent leurs premières vacances en 1936.
https://www.youtube.com/watch?v=gV6Q8uFbaeg

1957 : Paris se vide au mois d’août.
https://youtu.be/5_lZTzvZn1U?t=44

1960 : Les conseils pour passer de bonnes vacances.
https://www.youtube.com/watch?v=skfqwGjqHmg

1961 : Les vacances en train et sur l’autoroute.
https://youtu.be/K0h0SfBJ-1o?t=15

1965 : Tu fais quoi de tes vacances !
https://www.youtube.com/watch?v=Wxj4rNK2cyQ

Le site des Archives nationales du monde du travail qui contient de nombreuses références (textes et images) sur les colonies de vacances, les vacances et les congés payés.
https://archives-nationales-travail.culture.gouv.fr/

Les services d’archives de nombreux départements et municipalités permettent de retrouver des expositions, des films sur la thématique des vacances ainsi que divers documents d’époque :

Corinne Dalle et Jean-Michel Viallet, Vive les vacances ! Archives départementales du Puy-de-Dôme.
https://www.archivesdepartementales.puy-de-dome.fr/n/vive-les-vacances/n:114

Colonie de vacances, Archives départementales de la Vendée.
http://recherche-archives.vendee.fr/archives/catalogue/mati%C3%A8re/COLONIE_DE_VACANCES

Brécéan, une colonie de vacances de l’été 1950, MGEN, JPA, FSOL, CEMÉA, Archives départementales du Val-de-Marne, 2015.
https://archives.valdemarne.fr/r/166/2015-brecean-une-colonie-de-vacances-de-l-ete-1950-par-la-mgen-la-jpa-la-fsol-et-les-cemea/

Les colonies de vacances, Archives départementales de l’Aisne.
https://archives.aisne.fr/documents-du-mois/document-les-colonies-de-vacances-87/n:85

En vacances à La Falaise, Archives départementales du Pas de Calais.
https://archivespasdecalais.fr/Chercher/Fonds-et-collections/Archives-privees/Archives-d-associations/41-J-Archives-de-la-Falaise/En-vacances-a-La-Falaise

Colonies de Vacances, Archives municipales de Fontenay sous Bois : nombreuses photos d’époque.
https://archives.fontenay-sous-bois.fr/archives-en-ligne/photographies/colonies-de-vacances

Archives municipales de Fontenay-sous-Bois

Programmes et repères pédagogiques

Collège

Langues vivantes. Cycles 2,3,4 : Ouvrir aux autres cultures et à la dimension internationale. Eduscol, 2016.
https://eduscol.education.fr/document/14548/download

Histoire 3e. Cycle 4 – Thème 1 – Guerres mondiales et régimes totalitaires (1914-1945)
Sous thème 2 : Démocraties fragilisées et expériences totalitaires dans l’Europe de l’entre-deux-guerres
BOEN n° 11 du 26 novembre 2015.

Lycée professionnel

Histoire-géographie. Première, enseignement commun : états et sociétés en mutations (XIXe siècle – 1re moitié du XXe siècle) Premier thème : Hommes et femmes au travail en métropole et dans les colonies françaises : « 1936 : Front populaire, lois sociales ».
https://eduscol.education.fr/document/25942/download#:~:text=Inaugurant%20le%20programme%20annuel%20d,des%20guerres%20mondiales%20et%20la
BO spécial n° 1 du 6 février 2020.

Lycée général

Langues vivantes. Seconde, première, terminale : Formation culturelle et interculturelle. https://eduscol.education.fr/document/24676/download
https://eduscol.education.fr/document/24679/download
BO spécial n° 1 du 22 janvier 2019.

Histoire. Terminale : fragilités des démocraties, totalitarismes et Seconde Guerre mondiale
Chapitre 1. L’impact de la crise de 1929 : déséquilibres économiques et sociaux. Points de passage et d’ouverture « Juin 1936 : les accords Matignon. »
https://eduscol.education.fr/document/8027/download, Eduscol, juin 2021.
« Le Front populaire souhaite répondre aux attentes sociales fortes pour éviter que les masses ne soient séduites par les modèles proposés en Italie, en Allemagne, en URSS. » Juin 1936 : Les Accords Matignon. En mai 1936, le Front populaire. « la mise en place de lois sociales déjà prévues (semaine de 40 heures, congés payés) s’inscrivent dans l’histoire des conquêtes sociales des travailleurs depuis le XIXe siècle. »

Source gallica.bnf.fr / BnF, détail Regards

SES. Terminale, spécialité : Quelles inégalités sont compatibles avec les différentes conceptions de la justice sociale ? Égalité des situations / égalité des chances. Eduscol, 2020.
https://cache.media.eduscol.education.fr/file/SES/04/6/RA20_Lycee_G_T_SPE_SES_justice_sociale_1318046.pdf

Pistes pédagogiques

Avec les collègues d’histoire-géographie :

• Construire un schéma heuristique collaboratif, après avoir effectué des recherches documentaires et une veille sur les réformes du Front populaire.
https://edubase.eduscol.education.fr/fiche/17807

• Préparer un débat en classe de 3e sur le Front populaire.
https://hist-geo.spip.ac-rouen.fr/spip.php?
article5228

• Recherches iconographiques sur les Archives nationales du monde du travail, les sites départementaux ou municipaux d’archives, en vue d’effectuer des séances d’analyse d’images.

En collaboration avec les professeurs de langues, recherches documentaires et veille(s) en langues étrangères, notamment dans la presse, afin d’exploiter le vocabulaire lié à la thématique des vacances pour raconter ses vacances, rédiger une carte postale, préparer ses vacances, s’informer sur le pays visité :

• Une séance sur les colonies de vacances en cours d’anglais, niveau collège.
https://www.lumni.fr/video/les-colonies-de-vacances

• Avec les élèves allophones.
https://www.lepointdufle.net/penseigner/lexique_vacances-fiches-pedagogiques.htm

• En italien.
https://ww2.ac-poitiers.fr/italien/spip.php?article38
https://italien.ac-versailles.fr/spip.php?article269

• En espagnol.
https://www.pedagogie.ac-aix-marseille.fr/jcms/c_306910/fr/sequence-de-vacaciones

Entraînement à l’oral avec les élèves, à partir de récits de vacances.
https://savoirs.rfi.fr/fr/apprendre-enseigner/societe/raconter-ses-vacances-dete

En collaboration avec le professeur de SES, EMC : débats sur les inégalités sociales liées aux vacances.

Activités en Français Langue Étrangère sur les départs en vacances, à l’occasion des congés payés de l’été 1936.
https://enseignants.lumni.fr/parcours/0106/fle-les-departs-en-vacances-a-l-occasion-des-conges-payes-de-l-ete-1936.html

Emprunter une exposition sur les vacances, visiter le musée du Bagage.

Avec le professeur de SVT, atelier : comment réduire l’empreinte carbone des vacances !

Proposer aux lecteurs qui partent en vacances avec les livres du CDI de se photographier avec. Exposer ensuite les photos comme des cartes postales poétiques.

Avant les vacances, proposer une offre de lecture en lien avec la période. Possibilité de mise en scène.

Proposer des kits de lecture (sacs tout prêts contenant une sélection de livres) pour les vacances.

Sitographie

Sites institutionnels

Ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports : vacances.
https://jeunes.gouv.fr/-Vacances-

Ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance : comment bien préparer ses vacances en France ?
https://www.economie.gouv.fr/cedef/preparer-ses-vacances-en-france

Ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance : les 80 ans des congés payés.
https://www.economie.gouv.fr/node/33894

Liberté, inégalités ! Fraternité. Les inégalités dans les loisirs. Observatoire des inégalités, 2019 : plusieurs vidéos consacrées aux inégalités concernant les vacances (Ex : et pour moi, c’est quand les vacances !) ainsi qu’un dossier issu d’enquêtes sur ce sujet.
https://www.inegalites.fr/liberte-inegalites-fraternite#Les-chapitres/chapitre74

Académie de Versailles

Solange Pierrat : une introduction au Front populaire en collège, 2009.
https://histoire.ac-versailles.fr/spip.php?article628

Stéphane Taragon : Enseigner le front populaire et pratiquer la différenciation à l’aide de documents iconographiques, 2021.
https://histoire.ac-versailles.fr/spip.php?article2084

Le 14 juillet 1936, le triomphe du front populaire, 2009.
https://histoire.ac-versailles.fr/spip.php?article733

Hérodote

André Larané, 3 mai 1936 : Un Front populaire en France, 2020.
https://www.herodote.net/3_mai_1936-evenement-19360503.php

André Larané, 20 juin 1936 : Le Front populaire généralise les congés payés, 2021.
https://www.herodote.net/20_juin_1936-evenement-19360620.php

Yves Chenal, Histoire des vacances, 2020.
https://www.herodote.net/Une_Histoire_des_vacances-synthese-624.php

Autres sites

Charlotte Denoël, 2004, L’histoire par l’image, Les grèves de mai-juin 1936.
https://histoire-image.org/fr/etudes/greves-mai-juin-1936

Jérôme Fourquet, Simon Thirot, Les Français et les vacances : quelles inégalités ! 2019.
https://www.jean-jaures.org/publication/les-francais-et-les-vacances-quelles-inegalites/

Filmographie

Documentaires

Dossier : les vacances, Arte, 2021, 2 mn 23.
https://www.arte.tv/fr/videos/104755-000-A/dossier-les-vacances/

Novel, Céline. Des vacances familiales. Need productions, 2011. 45 mn.

Varda, Agnès, Les plages d’Agnès, Ciné-Tamaris, ARTE France, 2008, 110 mn.

Vassili Silovic / Roland Theron. France-Allemagne, une histoire commune – Paysages de vacances (épisode 3/10). Point du Jour, 2015. 26 min.

Lumni :

• France Télévisions, INA, TV5MONDE, 5 mn 05 : Le Front populaire, niveau 3e.
https://www.lumni.fr/video/le-front-populaire

• France Télévisions : Les vacances des Français, lycée, 2019, 3 mn 21.
https://www.lumni.fr/video/les-vacances-des-francais

Les départs en vacances à l’occasion des congés payés, lycée, 1 mn 11.
https://enseignants.lumni.fr/fiche-media/​000​00000902/les-departs-en-vacances-a-l-occa​sion-des-conges-payes-de-l-ete-1936.html

La folle histoire des vacances, collège, 2 mn 28.
https://www.lumni.fr/video/la-folle-histoire-des-vacances

L’histoire des cahiers de vacances, 3 mn 02.
https://www.lumni.fr/video/cahier-de-vacances-un-succes-bien-francais

Fictions

Bivel, Didier. Fais-moi des vacances. France télévisions, 2002. 86 mn.

Brac, Guillaume. À l’abordage. Jour2Fête, 2021. 95 mn.

Faxon, Nat ; Rash, Jim. Cet été-là. 20th Century Fox, 2013. 103 mn.

Girault, Jean. Les grandes vacances. Studio Canal, 2011. 100 mn.

Guevara Pose, Ana ; Jorge Romero, Leticia. Tanta agua. La vie est belle, 2014. 102 mn.

Östlund, Ruben. Snow Therapy. BAC Films, 2015. 118 mn.

Tati, Jacques. Les vacances de Monsieur Hulot. Studio Canal, 2014. 114 mn.

Vignal, Caroline. Antoinette dans les Cévennes. Diaphana, 2020. 97 mn.

De Gaulle à la plage, Philippe Rolland, Arte, 2019, chaque vidéo dure 3 mn.
https://www.arte.tv/fr/videos/RC-020264/de-gaulle-a-la-plage/
Une série d’animations humoristiques d’après la BD éponyme de Jean-Yves Ferri.

Radio

Émission : Les archives de l’été sur France culture avec pour sujet : Enquête sur les vacances, injonction sociale et étalement des congés. 2021 : 58 min.
https://www.franceculture.fr/emissions/les-archives-de-lete/enquete-sur-les-vacances-injonction-sociale-et-etalement-des-conges

1936, ainsi front front front les partis de gauche : épisode 2 de la série Histoire de la gauche en quête du pouvoir. France culture, 2021 : 51 min.
https://www.franceculture.fr/emissions/le-cours-de-lhistoire/histoire-de-la-gauche-en-quete-du-pouvoir-23-1936-ainsi-front-front-front-les-partis-de-gauche

Les vacances pour tous ! C’est à partir de 1936. France Bleu. 2018 : 5 mn.
https://www.francebleu.fr/emissions/ils-ont-fait-l-histoire/les-vacances-pour-tous-c-est-a-partir-de-1936

Représentations artistiques

Chansons

Edgar de l’Est. Les vacances. Indigo, 2001.
7 min 52.

Gall, France. Mes premières vraies vacances. Philipps, 1964. 2 mn 14 (musique Jacques Datin, paroles Maurice Vidalin).

Jonasz, Michel. Les vacances au bord de la mer. Warner music France, 2006. 2 mn 45.

Piscine, Louis. Les vacances. Because éditions, 2017. 3 mn 20.

Trénet, Charles. Nationale 7. Columbia, 1955. 2 mn 39.

Tableaux

Denis, Maurice. La colonie de vacances. Musée de l’Oise, 1913. H. 50 cm ; L. 74 cm, peinture à l’huile sur carton.

Boudin, Eugène. Baigneurs sur la plage de Trouville, Calvados. Musée d’Orsay, 1869. H. 30,5 cm ; L 48,7 cm, huile sur bois.

Boudin, Eugène. Baignade à Deauville. National Gallery of Art Washington, 1865. Huile sur toile.

Photos, affiches

Les célèbres photos de vacances et de plages du Britannique Martin Parr, Ex. : L’acropole d’Athènes, en Grèce. Magnum Photos / Rocket Gallery, 1991 ; La tour de Pise, Italie. Magnum Photos / Rocket Gallery, 1990 ; Venise, Italie. Magnum Photos / Rocket Gallery, 2005 ; Sorrento, Italie. Magnum Photos / Rocket Gallery, 2014.
https://www.nouvelobs.com/galeries-photos/photo/20170323.OBS7028/grand-format-tourisme-de-masse-8-photos-cultes-de-martin-parr.html

Consulter les nombreuses affiches, photos numérisées sur les sites d’archives nationaux, départementaux, communaux.
Exemple : Affiche Le Havre 23 août 1995, Une journée sur la plage pour 5000 enfants, Secours populaire français et la ville du Havre, Archives nationales du monde du travail.

Archives nationales du monde du travail (Roubaix), 2015 2 31

 

 

Veille numérique 2022 N°2

éducation

Jeux vidéo en classe

La Commission européenne a financé le projet #gaming4skills, afin d’aborder les jeux vidéo en classe. Il est constitué d’un livret sur les jeux vidéo dans l’éducation, d’un guide pratique sur l’utilisation des jeux vidéo en classe et de 4 bibliothèques d’expériences de 88 modules pédagogiques (en tant que spectateurs, en tant que créateurs, en tant que joueurs individuels ou en groupe). Les ressources du site sont sous licence Creative Commons Attribution – Non Commerciale – Partage à l’identique.
https://www.gaming4skills.eu/resources/?lang=fr

Le dessous des plantes numérisées

Le système racinaire des plantes est un univers méconnu et fascinant par sa diversité et son organisation, similaire aux artères d’une ville ou aux veines du corps humain.
Des dessins cartographiant les trajectoires souterraines des plantes les plus communes d’Europe ont été réalisés sur plusieurs décennies par le professeur Erwin Lichtenegger et la directrice de l’Institut de phytosociologie d’Autriche, Lore Kutschera. L’université de Wageningen, aux Pays-Bas, a numérisé cette impressionnante collection de dessins de plantes.
https://images.wur.nl/digital/collection/coll13/

PISSENLIT- TARAXACUM PALUSTRE.
HTTP://WURZELFORSCHUNG.AT/
CC BY-NC-ND

 

Le Metaverse College

Ridouan Abagri, le fondateur du Digital College, va ouvrir la première école française dédiée au métavers. Persuadé que l’avenir est virtuel, il estime que de nombreuses entreprises ne voudront pas rater le virage du métavers. Ce projet ambitieux proposera des Masters “Chef de projet métavers”, “Metaverse & Data Science”, ainsi que des cursus sur les NFT et la cryptomonnaie.

Lecture numérique

ISBN-A + QR code

Depuis janvier 2022, une nouvelle fonction est ajoutée à l’identification du livre par l’ISBN. Il s’agit de l’ISBN-A (« the actionable ISBN »), un service en ligne d’information sur l’ouvrage. Pour cela, un QR code est placé sur la couverture du livre et donne accès à des données associées au livre sur le site de l’éditeur. Il est désormais aisé de se renseigner sur un ouvrage avec un smartphone lorsque le QR code est disponible.

Bibliothèque numérique sur chameaux solaires

En Éthiopie, l’ONG Save the Children coordonne plusieurs bibliothèques ambulantes à dos de chameau, afin que les enfants des nombreux villages isolés aient accès à l’éducation. Récemment, des chameaux ont été équipés de panneaux solaires, afin de charger des tablettes contenant des livres numériques et des outils éducatifs. L’intérêt réside dans le fait que ces appareils numériques peuvent contenir de très nombreux ouvrages dont des livres d’auteurs éthiopiens au tirage restreint.

écologie

MOOC sur les impacts environnementaux du numérique

Réalisé par l’association Class’Code et l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria), ce MOOC permet de se questionner sur les impacts environnementaux du numérique, de réaliser son propre diagnostic grâce aux données, de réfléchir à des actions possibles pour un numérique durable et de sensibiliser les élèves et le personnel des établissements scolaires.
https://www.fun-mooc.fr/fr/cours/impacts-environnementaux-du-numerique/

Conscience numérique durable

Dans le but de développer une conscience numérique durable, trois ligues européennes de l’enseignement (France, Italie, Belgique) ont construit des outils pour se diriger vers une transition écologique. Les ressources du site comprennent des guides de sensibilisation sur les enjeux environnementaux et sociaux, des livrets éducatifs sur les usages éco-responsables, des modules d’auto-formation et une malle pédagogique contenant, entre autres, un glossaire d’une centaine de notions et 18 activités pédagogiques.
https://fra.conscience-numerique-durable.org/

Réseaux sociaux

Vidéos de dix minutes sur TikTok

Très apprécié par la jeunesse, le réseau social TikTok va, à nouveau, augmenter la durée des vidéos. Après être passées de une à trois minutes, elles vont désormais atteindre la durée maximale de dix minutes. Cette nouvelle limite place le réseau social en concurrence avec Youtube. À la suite du succès de TikTok, Youtube, Instagram et Snapchat avaient, eux aussi, proposé un service de courtes vidéos…

Géants du web

UE versus GAFAM

La Commission, le Conseil et le Parlement européen ont finalement adopté, après plusieurs mois d’âpres négociations, la législation sur les services numériques (Digital Markets Act). La DMA oblige les poids lourds du numérique à rendre les messageries instantanées compatibles entre elles. Par ailleurs, l’utilisateur de smartphone pourra choisir librement son navigateur, son moteur de recherche et son assistant vocal ! Cette obligation entrera en vigueur en janvier 2023.

Des GAFAM ultrapuissants

La puissance économique et financière des géants du numérique atteint des sommets en 2021 ! Les bénéfices nets en milliard de dollars : Apple 95, Google 76, Facebook 39, Amazon 33 et Microsoft 19, soit un total de 262 milliards de dollars. À titre de comparaison, le bénéfice net du CAC 40, nos 40 «champions» de l’hexagone, est d’environ 156 milliards de dollars. Les GAFAM occupent cinq des dix premières places des capitalisations boursières mondiales !

Technologie

Écran numérique mobile

Le Consumer Electronic Show de Las Vegas (CES), grand raout de l’innovation, qui s’est déroulé en janvier 2022, a vu son nombre d’exposants réduit de moitié par rapport à l’année dernière. Néanmoins, la France était bien représentée avec ses 130 exposants. Une des innovations est particulièrement intéressante : l’écran mobile sur pied à roulette, sans fil, 27 pouces, de la marque LG. Celui-ci s’incline, pivote et est multifonction (TV, PC, tableau, …). Il pourrait être fort utile dans un CDI. La date de sortie et le prix n’ont pas été communiqués. À suivre !

Le nouvel Internet Web3

Basé sur la blockchain (cryptomonnaies, NFT, etc.), le Web3 est censé rendre la souveraineté à l’individu. Le principe : un réseau décentralisé de façon à ce que chacun ait le contrôle sur ses données et le choix de partager celles-ci via une blockchain. Néanmoins, ce système étant basé sur la valeur, de nombreux pionniers investissent énormément, espérant faire fortune… Si le libre et gratuit n’a pas sa place dans cette nouvelle toile, pas certains que le monde entier l’adopte !

Librairie dans le métavers

Méta, le monde virtuel selon Mark Zuckerberg, connaît quelques difficultés au démarrage dont l’abandon de la cryptomonnaie Diem ! Néanmoins, une première librairie vient d’ouvrir dans le métavers, une librairie sud-coréenne du groupe Kyobo Book Center. La librairie a été reproduite grâce à une caméra omnidirectionnelle qui a numérisé les lieux en 3D. Les clients, sous la forme d’un avatar, peuvent zoomer sur les livres puis les acheter… Visiblement, aux États-Unis comme en France, les librairies ne se pressent pas pour créer leur double virtuel !

Implant cérébral par Elon Musk

Neuralink, la start’up d’Elon Musk, recrute un directeur et un coordinateur d’essais cliniques. A priori, tout porte à croire que l’implant cérébral va bientôt être testé sur des humains. L’objectif est de donner la possibilité aux personnes paralysées de contrôler les prothèses robotiques. Manifestement, le transhumanisme est une véritable obsession chez Elon Musk, à en croire ses déclarations sur le sujet !

 

LA PUCE NEURALINK

Fin de la 2G et 3G

Orange a annoncé l’extinction progressive des réseaux 2G (2025) et 3G (2028), afin de libérer des fréquences qui vont bénéficier à la 4G, puis, dans un second temps, à la 5G. Très souvent en fréquences basses, les zones rurales auront beaucoup plus de capacité en bande passante. Actuellement 10 % des téléphones portables sont en 2G/3G et 95 % du trafic de données se fait en 4G/5G.

Droit et données personnelles

Hackers russe vs Anonymous

La guerre en Ukraine a mis en lumière l’importance du sabotage numérique. Les hackers de chaque bord rivalisent pour affaiblir l’ennemi. Piratage de médias russes et de caméras de surveillance par Anonymous, cyberattaque du réseau électrique ukrainien et du réseau social Telegram par des hackers russes ! Ces attaques, la plupart du temps silencieuses, font probablement énormément de dégâts, étant donné la totale dépendance des infrastructures au numérique.

ENBLÈME DES ANONYMOUS

Rideau de fer numérique

L’espace numérique de la Russie se rapproche dangereusement du modèle Chinois, même si, techniquement, le réseau n’est pas encore coupé du reste du monde. Le Kremlin prend de plus en plus de mesures d’interdiction, voire de blocage, comme pour Instagram et Facebook. Une législation sévère limite les contenus des réseaux sociaux et contrôle les internautes. Enfin, l’ostracisation internationale accentue l’isolement numérique de la Russie.

No future…

Les innovations du Salon Milipol 2021

Cet événement mondial de la sûreté et de la sécurité intérieure des États, qui se tient à Paris, présente de plus en plus de produits high-tech tels que des drones et des robots rivalisant d’ingéniosité pour repérer et “neutraliser”. Assurément, le maintien de l’ordre et les guerres futures seront dominés par les algorithmes. Les marchands d’armes ne connaissent pas la crise.

Les « profiteurs de guerre » à l’ère du numérique

Lors de grands évènements mondiaux, comme la pandémie du covid-19, les escrocs profitent de l’émotion générale pour tromper les internautes. La guerre en Ukraine n’échappe pas au phénomène avec des faux directs sur Instagram et TikTok, pièges à clic sur Facebook, dons à des fausses ONG ukrainiennes, œuvres artistiques en NFT faussement solidaires, etc. Tout cela sans compter sur l’émergence de boutiques en ligne spécialisées dans les goodies à la gloire de l’Ukraine (ou de Poutine) fabriqués en Chine et revendus 10 fois le prix…

Dresseur d’intelligence artificielle

Ce nouveau métier, peu connu, car pas très flatteur pour les géants du numériques, est indispensable pour le fonctionnement des IA. Ce travail consiste à renforcer la reconnaissance de la parole, de l’écriture ou des images par des intelligences artificielles. Les plus grands utilisateurs de dresseurs d’IA sont les assistants vocaux qui ne reconnaissent que 80 % des demandes. Les offres d’emploi pour ce travail à la chaîne, souvent mal payé, sont mises en ligne discrètement sur des plateformes de micro-travail. Ces petites mains, très nombreuses, sont indispensables, car les intelligences artificielles ne sont, pour le moment, pas très futées.

 

 

En famille !

«On choisit pas ses parents1»

Le dictionnaire Larousse définit la famille comme un « ensemble formé par le père, la mère (ou l’un des deux) et les enfants ». Les parents sont ainsi, culturellement, les premiers protagonistes de la famille puisqu’ils en sont à l’origine. Ils le sont également en littérature jeunesse, qui est un lieu de représentations de différentes structures familiales comme c’est le cas pour Violette, dans Dear George Clooney, tu veux pas épouser ma mère ? de Susin Nielsen. À douze ans, de parents divorcés, l’adolescente a vu son père refonder une famille et sa mère enchaîner les prétendants, chacun avec plus de défauts que le précédent… À l’arrivée de Dudley Wiener, elle décide de prendre les choses en main en contactant George Clooney et en filant le nouveau venu. Hors de question de laisser sa mère sortir encore avec un looser ! Violette s’inquiète pour sa mère et pour ce qu’il adviendra de leur relation à l’installation pérenne d’un nouvel homme dans sa vie. Le roman garde un ton léger où les situations comiques s’enchaînent, posant sur la table un sujet qui concerne nombre d’élèves : celui de la famille recomposée.
Les parents sont également source de nombreux questionnements, comme c’est le cas pour Guilène, dans L’âge du fond des verres de Claire Castillon. Avec ses parents, elle a de très bonnes relations, des petits rituels pleins d’amour et elle peut parler de tout (ou presque !). Mais en entrant en classe de sixième, elle va découvrir qu’ils sont un peu différents de ceux des autres élèves du collège, ils sont… plus âgés, bien plus âgés. Cette différence – qui va finalement se révéler ne pas être si embarrassante – va lui procurer un sentiment de honte et remettre en question les relations intra-familiales. C’est la même émotion qui agite Mo dans Y’a pas de héros dans ma famille de Jo Witek. Le roman aborde la honte et le sentiment d’infériorité lié à la classe sociale. Pour le petit garçon de fin d’école primaire, il y a deux mondes : celui de l’école – où l’on fait attention à son comportement et à son expression – et celui de la maison où le langage est familier, où la famille nombreuse s’agite et parfois s’affole. Un jour, en se rendant chez un camarade de classe, il découvre avec stupeur une immense maison où tout se passe comme à l’école et où les photos de chaque « héros » (prix Nobel de médecine, avocat…) sont accrochées au mur. Mo ressent alors de la honte à l’idée d’appartenir à une famille où il n’y a pas de héros. Son inconfort, ses doutes et ses questionnements sont perçus par ses parents qui réussiront à créer un magnifique moment de cohésion rattaché à l’histoire familiale.
L’inconfort, c’est également ce que ressent Ware dans Le Château des Papayes de Sara Pennypacker. Celui-ci a du mal à trouver sa place dans la famille, dans le sens où il ne correspond pas aux attentes de ses parents. Mal à l’aise dans les interactions sociales, Ware préfère se réfugier dans les histoires qu’il invente grâce à son imagination débordante. Au fil du roman, à la suite de la rencontre avec une jeune fille à côté du centre aéré où il est censé passer ses vacances et la venue de son oncle qui se reconnaît enfant, Ware va affirmer sa personnalité et renouer le lien avec ses parents en leur montrant le poids de leurs attentes et la force de ses rêves. C’est à nouveau une thématique qui peut toucher les élèves : comment développer sa propre personnalité face aux attentes de ses parents ? Comment se détacher de l’image que leurs parents ont d’eux ? Dans ce texte, l’ouverture sur d’autres membres de la famille (son oncle, sa grand-mère) est un élément pivot de la construction de Ware.

Le lien fort avec les grands-parents

Les grands-parents sont souvent des personnages importants dans la construction de soi et la perception de sa famille. Comme substitut à des parents pour les élever en leur absence, comme des personnes pleines de ressources liées à leur expérience ou enfin comme une première confrontation avec la disparition d’un être cher.
C’est ce que vit Momo, dans la bande dessinée éponyme de Jonathan Garnier et Rony Hotin. L’ouvrage et les couleurs nous entraînent dans la douceur de l’enfance, sucrée et espiègle comme les bonbons qu’on suce en faisant l’école buissonnière. Nous accompagnons Momo dans ces jolis moments jusqu’à la dernière partie de l’histoire où sa grand-mère décède. Cette première perte, dépeinte avec justesse et douceur, fait écho à celle vécue par la plupart des élèves, leur appréhension et leur entrée dans le « monde des adultes ». Cette expérience est centrale dans la construction du rapport à l’autre, d’autant plus quand la relation avec les grands-parents a été forte.
Ainsi, dans Paloma, papi et moi, de Julie Rey, Marin passe souvent de bons moments avec son grand-père à voler avec Paloma, son petit avion. Mais un jour, son papi doit être opéré du cœur, il ne pourra pas voler le temps de sa convalescence. C’est d’abord la première expérience de l’inquiétude face à l’état de santé d’un proche, mais c’est aussi l’occasion pour Marin de renouer un lien avec son père. Car ce qu’il partage avec son grand-père, son papa ne le vit pas avec lui. La relation de Marin avec son grand-père joue ici le rôle de trait d’union entre un père et son fils pour les deux générations. Ce roman énonce aussi une autre réalité : celle de la famille d’un des parents (la maman) qui vit dans un autre pays (l’Algérie).
On retrouve cette thématique de l’apprentissage et de la transmission dans le manga Une sacrée mamie, adapté d’un roman autobiographique de Shimada Youshichi2 ; Akihiro quitte Hiroshima du jour au lendemain pour partir vivre chez sa grand-mère à la campagne. D’abord très attristé de se retrouver sans sa famille, il va s’adapter et tisser des liens extrêmement forts avec sa grand-mère, une femme prête à partager son expérience et à ouvrir Akihiro à une vie bien différente de celle qu’il a vécue jusqu’ici.

« Mes frères et mes sœurs3 »

Au même titre que les parents, les relations dans la fratrie sont un espace de socialisation et d’apprentissage. Entre pairs, frères et sœurs apprennent à gérer des conflits, à partage, à s’entraider… et sont confrontés à de nombreux sentiments dont il faut apprendre la gestion comme la rivalité ou la jalousie. Ces relations sont souvent représentées dans les fictions jeunesse.
Ainsi, dans Marie et Bronia : le pacte des sœurs de Natacha Henry on retrouve la force du lien fraternel. Le roman raconte l’histoire des sœurs Slodowska et dépeint la grande entraide qui naît entre elles à la suite du décès de leur mère. Bronia part d’abord en France pendant que Marie subvient à ses besoins financiers en travaillant en Pologne, puis cette dernière rejoint sa sœur à Paris pour faire ses études, alors que Bronia exerce comme gynécologue. L’ouvrage est centré sur la relation entre les deux sœurs et le pacte qu’elles ont scellé qui leur permettra de devenir chacune une grande scientifique et de s’accomplir professionnellement.
Jean-Philippe Arrou-Vignod raconte également les liens fraternels dans ses histoires de Jean-quelque-chose. Dans les années 1970, la famille nombreuse vit dans chaque tome des histoires rattachées au quotidien : vacances, école, arrivée d’un nouvel enfant… Les frères forment à eux six une petite communauté où ils apprennent les uns des autres, entourés de leurs parents. On retrouve dans ces romans l’idée de l’apprentissage par les pairs et les petites disputes liées aux tempéraments et aux différences d’âge.
Dans Un jour, je te mangerai de Géraldine Barbe, les relations entre Chloé et sa grande sœur Alexia sont complexes. La jeune narratrice a peur de sa sœur, elle se sent méprisée, voire détestée… En réalité, ce qu’Alexia hait, c’est son propre corps. Elle souffre d’anorexie, trouve chaque centimètre de son corps plein de graisse dérangeante et jalouse sa petite sœur au corps encore enfantin, aux hanches étroites et aux cuisses fines. La force de l’ouvrage tient dans la narration de cette relation conflictuelle en lien avec la maladie, mais racontée du point de vue de la plus jeune. Celle-ci ne comprend pas ce qui se passe dans l’esprit de sa sœur et se sent responsable de ses écarts d’humeur à son égard. Ce que montre le roman, c’est que lorsqu’un membre de la famille éprouve un mal-être les sentiments des autres peuvent être liés à l’incompréhension de ce qu’il se passe.
On retrouve cette thématique du mal-être dans Frangine, de Marion Brunet. Joachim, élève de terminale voit sa petite sœur Pauline intégrer le lycée. Celle-ci va vivre – et taire – une situation de harcèlement liée à leur famille homoparentale. Joachim va ressentir son mal-être… Ce roman très fort aborde de nombreux sujets en rapport avec les relations familiales : le lien fort qui unit Joachim et Pauline tout d’abord, les questions relatives à l’homoparentalité ensuite.
Quatre sœurs, de Malika Ferdjoukh, présente la force des liens fraternels. En réalité, elles sont cinq et viennent de perdre leurs parents. Ici la famille ne correspond plus à sa définition originale, mais à ce qu’il en reste. Les émotions des cinq sœurs sont multiples, propres à chacune d’entre elles et les quatre tomes de la saga donnent la parole aux quatre plus jeunes, tour à tour.

« Un seul être vous manque et tout est dépeuplé4 »

La gestion d’un événement douloureux et son impact sur les relations dans la famille sont au centre de la saga de Malika Ferdjoukh. La perte d’un membre de la famille peut amener chacun à rechercher sa place et son rôle. Dans Les optimistes meurent en premier, Susin Nielsen aborde la reconstruction d’une adolescente après la perte de sa petite sœur. Depuis cet événement, Pétula, seize ans, a développé de nombreuses phobies et fait preuve d’une extrême prudence, afin de se protéger d’un accident. Pétula se croit responsable de la mort de sa petite sœur, celle-ci ayant avalé le bouton d’un doudou qu’elle lui avait fabriqué. Auparavant membre d’une sororité, elle se retrouve seule et perd ses repères. C’est la rencontre avec un camarade ayant lui aussi un passé compliqué qui va lui permettre de se reconstruire.
C’est à nouveau la thématique de la famille recomposée, vue sous un angle différent, qui est abordée dans Nous sommes tous sa famille de Patricia MacLachlan. Après le départ des touristes de la période estivale, une famille d’insulaires retrouve, sur le pas de sa porte, un bébé dans son couffin, accompagné d’une note de la mère de l’enfant : « Voici Sophie, elle a presque un an. Par pitié gardez-la. Je reviendrai la chercher un jour. Je l’aime. » L’histoire est racontée du point de vue de Larkin, pré-adolescent qui accueille comme une petite sœur Sophie. On s’éloigne ici de la définition du dictionnaire Larousse, la famille pouvant s’agrandir, au-delà du lien du sang ; l’officialisation contractuelle comme l’adoption et l’accueil d’un nouveau membre peut permettre à chacun de retrouver sa place. D’autant que la famille de Larkin, on le comprend au fil de la lecture, a vécu la perte d’un enfant. L’arrivée de la petite Sophie, dont chacun sait qu’elle ne restera pas, est l’occasion pour tous – père, mère, enfant et grand-mère – de retrouver son rôle et sa place auprès de l’autre et de se reconstruire.