L’éducation à la vie affective et relationnelle, et à la sexualité

L’éducation à la sexualité est obligatoire depuis 2001, à raison de trois séances par an. Après des mois de polémiques et plusieurs remaniements ministériels, la ministre Élisabeth Borne a présenté début 2025 un nouveau programme d’éducation à la vie affective et relationnelle, et à la sexualité, pour une mise en œuvre effective en septembre 2025. Comment pouvons-nous mettre les ressources du CDI et nos compétences professionnelles au service de l’EVARS ? Les possibilités sont nombreuses, tant dans le champ de l’EMI que par le biais des œuvres de fiction, qui parfois proposent des réponses incarnées aux questions que se posent les adolescents en matière de sexualité. 

Cet entretien a eu lieu en décembre 2024, peu avant la sortie du Ciel de Joy. Sentiment amoureux, désir, première fois, contraception font partie des questions abordées dans Le Ciel de Joy, un roman qui a pour thème principal l’avortement.

RENCONTRE AVEC SOPHIE ADRIANSEN

La genèse du Ciel de Joy

Le Ciel de Joy paraît l’année des 50 ans de la loi Veil. Avez-vous répondu à une commande des éditions Flammarion ou bien avez-vous proposé spontanément votre manuscrit ?

Sophie Adriansen © Chloé Vollmer-Lo

C’est une proposition de ma part. Je tournais autour de ce sujet depuis des années et j’avais envie de parler d’avortement mais en prenant le contre-pied de ce qu’on trouve globalement en littérature jeunesse ou en young adult, où souvent la grossesse non désirée est une catastrophe pour l’héroïne. C’est quelque chose qu’elle doit soit cacher à ses parents, à sa mère en particulier, soit que ses parents cherchent à cacher à tout prix. Je voulais proposer un autre schéma, un autre modèle de famille et une jeune fille qui se retrouve isolée mais pas pour les raisons pour lesquelles on a l’habitude de voir les jeunes filles isolées en littérature jeunesse quand il est question de grossesse non désirée.

Vous aviez déjà abordé ce thème dans Le Test1. Vous sentiez que vous aviez d’autres choses à dire sur les grossesses précoces ?

Oui, je voulais aborder la question de l’avortement. Je savais quel type de famille je voulais mettre en scène, mais il a fallu que j’aie un déclic. Je ne saurais même pas vous dire comment il est venu, mais c’était ça que je voulais raconter depuis très longtemps. Probablement que ce sont les échanges avec l’éditrice de Flammarion qui m’ont poussée à y aller, et très vite, quand je lui ai proposé ce projet, elle m’a dit en effet que si ça pouvait être terminé pour sortir au moment du cinquantenaire ce serait formidable. On parle assez peu du travail des éditeurs, mais parfois dans les échanges il y a un aspect psychologique qui n’est pas négligeable, même si c’est un sujet qu’on porte en soi depuis très longtemps. Ça peut permettre de passer à l’action.

C’est donc un déclencheur ?

Oui. Je fréquente beaucoup les CDI, car même quand ce sont les profs de français qui me convient, c’est souvent au CDI que ça se passe. Pour Le Test, on m’a fait souvent remonter que c’est un livre « de CDI », car c’est un livre qui est beaucoup emprunté mais qui n’est pas forcément lu à la maison, qui ne sort pas forcément du sac, qui est lu sur place, un peu en cachette. Ado, quand je posais une question sur la vie intime, on me filait un livre théorique en me disant « tu vas trouver les réponses là-dedans » mais on n’en parlait pas. J’ai vraiment cette envie-là, qu’il y ait des réponses incarnées qui puissent arriver par les livres.

La question de l’avortement

Dans Le Ciel de Joy, votre héroïne découvre que l’accès à l’avortement en France, quand on est mineure, n’est pas si facile. Le plus difficile pour elle est de trouver un adulte qui accepte de l’accompagner dans sa démarche. Quels sont aujourd’hui les autres freins à l’IVG, selon vous ?

Il y a des disparités très fortes selon les territoires. Il y a des centres qui ferment. Il y a une diminution des subventions, voire des subventions qui sont complètement coupées, ce qui rend plus difficile de trouver un centre ouvert, et ouvert aux bonnes heures en fonction des contraintes professionnelles ou scolaires. Le rapport avec les praticiens de santé peut aussi être un obstacle, en fonction de ce que chacun décide de faire jouer comme clause de conscience. Il y a des obstacles matériels, pratiques et il y a des obstacles philosophiques.

Votre roman est entrecoupé de passages mis en relief par une typographie différente, qui donnent la parole à d’autres personnages, issus d’époques lointaines ou de pays autres que la France. Le premier donne la parole à l’héroïne médiévale Iseult. Qui sont les autres femmes que vous faites parler et quel est leur rôle ?

Mon idée était de montrer que pour des héroïnes de l’âge de Joy, en fonction des époques, ou aujourd’hui en fonction des territoires dans lesquels on nait et dans lesquels on vit, le sort peut être totalement différent, pour proposer un kaléidoscope de l’accès à l’avortement, en particulier pour les mineures. Les autres sont pour la plupart des easter eggs, des petits clins d’œil à mes autres ouvrages. Par exemple Madeleine, c’est la Madeleine du Test.

De la même manière que Lucie, c’est la Lucie de votre bande dessinée Outre-mères2 ?

Exactement. On croise les deux personnages de la BD : il y a Lucie qui vit à la Réunion, mais aussi Marie-Anne, qui est la jeune fille qui vit dans l’hexagone. Il y a également Téodora qui vit au Salvador où la législation est très stricte, qu’on aperçoit dans un de mes romans pour adultes, Hystériques3, qui parle du rapport à l’utérus et à la maternité. Les autres sont le fruit de recherches qui me permettaient de compléter un peu ce patchwork pour qu’il soit équilibré. Il me paraissait par exemple très important de parler des États-Unis aujourd’hui.

Quand vous dites le fruit de recherches, vous voulez dire qu’il s’agit de personnages réels ?

Non, les personnages sont fictifs, mais j’ai fait beaucoup de recherches pour avoir des situations qui s’incarnent.
Joy regrette que dans les livres qu’elle a lus et dans lesquels les héroïnes sont confrontées à des grossesses précoces, le point de vue du garçon ne soit jamais donné. Vous pensiez à des œuvres précises ?
Je pensais que vous alliez me faire remarquer qu’on ne sait pas beaucoup de choses du point de vue de Robinson…

Oui, j’allais y venir. Je me demandais si vous aviez envisagé de lui donner plus de place. Comment en êtes-vous arrivée finalement à le cantonner lui aussi dans un rôle secondaire ?

Je trouve que c’est vraiment une question très délicate. Effectivement on aurait envie que sur ce sujet les hommes, les hommes jeunes comme c’est le cas ici, s’expriment, s’impliquent, aident davantage, mais mon point de vue c’est qu’avant de leur laisser la place et la parole, il faut que celle accordée aux femmes et aux jeunes filles soit pleinement occupée. Il me semble que dans l’ordre des priorités, il est important qu’il y ait d’abord plus de voix féminines sur la question. J’avais aussi envie de mettre en scène un garçon qui n’a pas l’attitude qu’on peut imaginer. Il ne réagit pas du tout comme Ulysse dans Le Test parce qu’il est présent, et il est presque trop arrangeant. Sur le moment il n’a pas du tout la réaction que Joy attend. Je voulais qu’on soit bien dans l’idée que c’est à elle de prendre cette décision-là. Je voulais montrer un couple qui n’est pas si classique, avec une sexualité un peu différente de la sexualité très hétéronormée qu’on a l’habitude de présenter dans les livres avec les premières grandes histoires d’amour.

Vous voulez parler du fait qu’ils n’ont pas forcément des rapports sexuels complets, que ce n’est pas ça leur priorité ?

Cette norme de la sexualité pénétrative, je crois que c’est important qu’elle soit déconstruite parce que les dérives sont nombreuses et dommageables. Je voulais présenter un couple avec deux individus qui trouvent que finalement dans certaines situations, la pénétration n’est pas utile à leur moment de plaisir. Ils n’utilisent pas de préservatif à chaque fois, non pas parce qu’ils sont irresponsables et qu’ils ne se protègent pas, mais parce qu’en fait c’est avec leur peau qu’ils se parlent, comme ils le disent. Ça me paraissait important pour faire baisser cette pression qui pèse beaucoup sur les garçons, et au final sur tout le monde.

Le rôle joué par Madame Devienne, la professeure documentaliste

Aucun de ses proches n’ayant accepté de l’accompagner, Joy demande à la professeure documentaliste de son lycée de l’accompagner au Planning Familial. Pourquoi ce choix ?

Tout professeure qu’elle est, la prof doc (je rencontre surtout des femmes) a vraiment un rôle à part, parce qu’elle n’a pas le même positionnement vis-à-vis des élèves. Elle n’est pas amenée ou moins amenée à mettre des notes, à établir des classements, à donner des devoirs, à imposer des sanctions, et donc ça permet de la part des élèves des attitudes qui peuvent être différentes. Il y a aussi l’idée du lieu. Ce sont vraiment des lieux particuliers, les CDI. Évidemment ce sont des lieux que j’adore parce qu’ils sont remplis de livres, mais au-delà de ça, il y a quelque chose de chaleureux. Dans un autre de mes romans, les collégiens vont au CDI4 parce que dans la cour ils se font maltraiter verbalement. C’est vraiment une safe-place : un endroit dans le collège ou dans le lycée où on peut être tranquille, en étant sûr qu’il ne nous arrivera rien. L’enseignante qui est là a son rôle à jouer dans le côté refuge et protecteur qu’il peut y avoir dans ce lieu. Quand je rencontre des classes, quand on fait un atelier d’écriture, on me dit toujours qu’un tel et un tel est absolument nul en français mais que parce qu’on est au CDI et que ça ne sera pas noté, il y a quelque chose de différent qui se déclenche, ils s’autorisent à aller dans des directions différentes. Ils se lancent dans de la poésie par exemple alors que les professeurs auraient juré que ces élèves-là n’auraient jamais réussi avec ce genre de consignes. Des élèves dont on me dit qu’ils ne tiendront pas toute l’heure de la rencontre, sont hyper attentifs parce qu’on est dans un autre rapport et parce qu’on n’est pas dans une salle de classe. Je vois plein de choses que le lieu CDI permet. J’avais envie de parler de ce lieu-là et de cette personne qui est peut-être un peu moins une figure d’autorité que les autres enseignants, qui est prof mais pas que, comme le nom de sa fonction l’indique, et qui, par les livres qu’ils empruntent, a en quelque sorte des portraits en creux de ses élèves. Je trouve que c’est hyper intéressant de se dire qu’on se donne à voir d’une certaine manière, Joy le dit, en fonction des livres qu’on lit et qu’on emprunte.

D’ailleurs Joy apprécie que la professeure documentaliste ne fasse pas de commentaires au sujet des livres qu’elle emprunte.

Oui, et donc elle sait pouvoir compter sur sa discrétion.

Littérature et écriture

Vous êtes-vous toujours destinée à l’écriture ?

C’était ce que je disais quand j’étais petite, que plus tard je voudrais devenir écrivaine. Mes parents m’ont toujours encouragée à utiliser mes capacités autrement, donc j’ai fait sept ans d’études de finances, d’économie internationale et de langues étrangères, puis j’ai travaillé cinq ans dans la finance, tout en écrivant le soir et le week-end. J’en suis partie à la publication de mon deuxième livre. Ça fait treize ans maintenant que je me consacre uniquement à l’écriture, mais il y a eu ce petit détour par le salariat, par les chiffres et par la loyauté familiale finalement.

Aujourd’hui, pourquoi écrivez-vous ?

Les réponses à cette question sont différentes en fonction des tranches d’âge. Quand j’écris en adulte, c’est plutôt pour comprendre, pour continuer des choses aussi. En jeunesse j’écris les livres que j’aurais voulu lire, ou les réponses que j’aurais aimé trouver à cet âge-là. Il y a aussi souvent un fond de colère parmi les moteurs d’écriture. Avec Le Ciel de Joy je voulais parler des subventions coupées au Planning Familial, dire que ce n’est jamais complètement acquis donc faisons attention, on n’est pas à l’abri d’un retour en arrière. J’ai toujours un côté un peu militant quand je vais vers un sujet social.

Vous parlez de colère et de militan­tisme. Joy a une forte conscience écologique. Elle craint de polluer les cours d’eau en prenant la pilule. Elle reproche à sa mère d’emballer encore les cadeaux avec du papier jetable. Pensez-vous que cette conscience soit réellement partagée par sa génération ?

J’ai l’impression que pour cette génération, la politique, c’est d’abord l’écologie. S’il y a un sujet d’engagement, et qui ne passe pas forcément par les urnes, c’est la protection de l’environnement. Il y a une conscience de la limitation des ressources par exemple, qu’il n’y a pas autant chez les générations d’avant.

Est-ce un thème que vous avez développé dans d’autres romans ?

Oui. Chez Flammarion déjà, j’avais participé au recueil initié par Marie Pavlenko qui s’appelle Elle est le vent furieux5, où la Dame Nature en a tellement marre qu’elle se venge, d’autant de façons qu’il y a de nouvelles et d’autrices dans ce recueil. Dans L’été du changement6, je parle de la prise de conscience écolo de deux jeunes. C’est l’été entre la 3e et la 2ne, ils ne sont pas du tout écolos. En revenant de leurs vacances, où l’un va en Norvège et l’autre va en Malaisie, avec leurs expériences différentes, la déforestation par exemple en Malaisie, ils décident de changer des choses. C’est vraiment un roman sur la prise de conscience en tant que telle.

Quels sont vos prochains projets ?

Je travaille sur plusieurs scénarios de bande dessinée, pour adultes ou ado-adultes. Je pense bien réécrire d’ici quelques mois pour les grands ados et je planche aussi sur un roman pour collégiens autour de la question de l’identité de genre.

Vous travaillez donc sur différents projets simultanément ?

Toujours. Parce que ça ne va pas dans ma tête si quelque chose n’avance pas, or ça avance rarement de façon linéaire sur un seul projet. Donc ma stratégie, que j’ai mise en place il y a très longtemps, c’est quand ça bloque sur un projet, de passer à un autre projet. Comme ça j’ai toujours la satisfaction que quelque chose avance. Les pauses que je fais sur un texte, je les fais dans un autre texte finalement.

 

RESSOURCES

 Vidéos

Collège/lycée

Sexotuto. Lumni et France Télévision. Une mini-série avec des épisodes d’environ 5 min. Askip. Vidéos format tiktok. Des questions ou idées reçues exprimées par des ados, suivi de l’éclairage d’un professionnel de santé. Ok, pas ok. Sur le consentement. Toutes ces vidéos sont accessibles sur le site OnSexprime réalisé par Santé publique France :
https://www.onsexprime.fr/toutes-les-videos

Lycée

Talon, Julie. Préliminaires. Arte, 2019. Des jeunes de 12 à 23 ans évoquent leur(s) première(s) relation(s) sexuelle(s) :
https://www.dailymotion.com/video/x8cs4lb

 

Jeux

Collège

C’est cliché. Canopé, 50 €. Un jeu de plateau coopératif qui permet de sensibiliser aux stéréotypes de genre.

Egalia : mission Stéréotypos. Canopé, 20 €. Escape game à jouer en mode connecté ou à installer. Les joueurs, répartis en deux équipes de 7 au plus, sont en mission sur Stéréotypos pour rétablir l’égalité sur Egalia.

 

Organismes officiels et centres de ressources

Santé publique France. Cet organisme public édite deux sites dédiés à la sexualité. Diffusion gratuite de brochures et affiches sur commande et en créant un compte.
https://www.onsexprime.fr/
https://questionsexualite.fr/

Les centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF). Ils exercent une mission d’intérêt général, confiée par l’État pour favoriser l’accès aux droits des femmes et leur insertion socio-économique. Parmi les campagnes de sensibilisation proposées :
CIDFF. Amour sans violence, pour identifier les mécanismes de l’emprise,
https://www.amoursansviolence.fr/kit-de-
sensibilisation/.
CIDFF. Info jeunes prostitution, pour sensibiliser les jeunes aux risques et aux impacts des pratiques prostitutionnelles et pré-prostitutionnelles (loverboy, grooming, sugar dating…),
https://infojeunesprostitution.fr/

Le Centre Hubertine Auclert. Organisme associé de la Région Île-de-France, qui promeut l’égalité entre les femmes et les hommes et lutte contre les violences faites aux femmes. Propose de nombreux outils à télécharger comme les « Malles Égalité » ou à emprunter pour les établissements scolaires franciliens : vingt-deux expositions dont « C’est mon genre ! », « Lutter contre les cyberviolences sexistes et sexuelles » ou « Sang pour sang règles ».
https://www.centre-hubertine-auclert.fr/

Les Crips. Centres régionaux d’information et de prévention du sida, pour la santé des jeunes. Proposent des interventions en milieu scolaire sur les IST.
https://www.lecrips-idf.net/
https://sud.lecrips.net/

Maison pour l’égalité femmes-hommes. Un service public de Grenoble-Alpes Métropole situé à Échirolles, qui propose une sélection de ressources (exposition, vidéo, podcast, jeux) autour des règles.
https://www.maisonegalitefemmeshommes.fr/527-ateliers.htm

Espace Diversités Laïcité de Toulouse Métropole. Riche catalogue d’expositions à emprunter gratuitement sur l’orientation sexuelle et sur le genre.
https://metropole.toulouse.fr/annuaire/espace-diversites-laicite

Cartooning for peace. Dessine-moi l’égalité des genres. 2022. Un livret pédagogique et 12 panneaux thématiques. Exposition à réserver auprès des référents MGEN de chaque académie. Ghada Hatem, gynécologue-obstétricienne, fondatrice de la Maison des Femmes de Saint-Denis, est la rédactrice des textes de l’exposition.
https://www.calameo.com/read/0025248395dc5a51042ab

Le planning familial. C’est un mouvement militant qui défend le droit à la contraception, à l’avortement et à l’éducation à la sexualité. Trois centres de documentation (Paris, Villeurbanne et Grenoble) proposent des ressources en prêt.
https://www.planning-familial.org/fr.

 

Lieux et lignes d’écoute

Les EVARS (Espaces vie affective, relationnelle et sexuelle). Lieux d’information, d’écoute, de sensibilisation et de prévention en matière de vie affective, relationnelle et sexuelle, anonyme et gratuit.
https://ivg.gouv.fr/annuaire-des-espaces-vie-affective-relationnelle-et-sexuelle-evars.

Fil Santé Jeunes. Un site d’information financé par Santé publique France et associé à une ligne d’écoute : 0 800 235 236.
https://www.filsantejeunes.com/sexe/sexualite

Textes officiels

Éducation à la sexualité. Loi n°2011-588 du 04/07/ 2001 : « Une information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d’au moins trois séances annuelles et par groupes d’âge homogène. Ces séances présentent une vision égalitaire des relations entre les femmes et les hommes. Elles contribuent à l’apprentissage du respect dû au corps humain et sensibilisent aux violences sexistes ou sexuelles ainsi qu’aux mutilations sexuelles féminines. »

Programme d’éducation à la sexualité – Éduquer à la vie affective et relationnelle à l’école maternelle et à l’école élémentaire, éduquer à la vie affective et relationnelle, et à la sexualité au collège et au lycée. Bulletin officiel n° 6 du 06/02/2025.

Modalités de mise en œuvre du nouveau programme. Circulaire du 04/02/2025.
https://www.education.gouv.fr/bo/2025/Hebdo6/MENE2503565C

Eduscol propose des exemples de progression pour chaque niveau de classe, de la 6e à la Terminale, à raison d’une séance par trimestre, ainsi que des ancrages possibles dans les programmes scolaires au collège et au lycée :
https://eduscol.education.fr/2399/je-souhaite-construire-un-projet-autour-de-l-education-la-sexualite-avec-l-ensemble-de-la-communaute-educative

Exemples dans les programmes :
EPS (cycle 3) : La maîtrise des émotions, s’engager dans des actions artistiques ou acrobatiques destinées à être présentées aux autres.
Français (cycle 4) : Les nuances du sentiment amoureux, en s’appuyant sur l’entrée du programme « Dire l’amour ».
EMC (lycée) : La reconnaissance des différences, la lutte contre les discriminations, dont homophobie et transphobie.

 

Pistes pédagogiques

Proposer un accès à l’information via le fonds et le portail documentaires mais aussi un accès à une information incarnée, via des œuvres de fiction, qui peuvent servir de déclencheurs pour engager le dialogue :
– Organiser un club lecture spécial « Questions d’ados » réservé aux 4e et 3e en collège.
– Réunir documentaires et fictions sous la forme d’un pôle Santé / Sexualité qui pourra être assorti d’affiches et de brochures de prévention.

Participer à des séances d’EVARS, en binôme avec l’infirmière, un enseignant de discipline, un CPE :
– EMI : Représentations femmes-hommes dans la publicité, Cyberharcèlement, Internet et pornographie…
– CPS : Comprendre la notion de consentement. Accueillir et nommer les émotions…

Mettre en place des actions à l’échelle de l’établissement, avec le référent égalité :
– Féminiser les noms des salles de l’établissement.
– Créer des campagnes d’affichage, en s’inspirant par exemple du travail d’Elise Gravel :
https://elisegravel.com/livres/affiches-a-imprimer/
– Inviter des autrices engagées, faire intervenir des associations agréées
https://www.education.gouv.fr/les-associations-agreees-par-l-education-nationale-378984
– Participer à des journées de mobilisation, par exemple le 25 novembre, Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Les actions militantes des lycéen·nes dans Le silence est à nous de Coline Pierré peuvent donner d’autres idées…

Ici on peut être soi

madame Lindgren anime avec l’infirmière du lycée les fameux cours d’éducation à la vie affective rela tionnelle et sexuelle
[…]
ici elles parlent consentement plaisir violences sexuelles identité contraception avortement et quand les ricaneurs ricanent elles ne se privent pas de les remettre à leur place et quand des parents lancent une pétition pour s’y opposer elles tiennent bon comme des arbres dans la tempête

Extrait de Pierré, Coline. Le silence est à nous. Flammarion, 2025, p. 99.

 

EVARS pour tous·tes

122 600 victimes de violences sexuelles enregistrées, dont 85 % de femmes, selon le ministère de l’Intérieur en 20241 ; 160 000 enfants victimes de violences sexuelles chaque année, 5,4 millions de femmes et d’hommes adultes victimes dans leur enfance, selon le rapport de la CIIVISE en 20232 sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants. Si, à ces constats chiffrés, on ajoute la lecture du rapport 2025 sur l’état du sexisme en France publié par le Haut Conseil à l’Égalité3, on comprend qu’il est grand temps de rendre réellement effective l’éducation à la vie affective et relationnelle, et à la sexualité. Les nombreuses polémiques ou recours, qui viennent perturber cette mise en place, n’ont pas lieu d’être au regard de la gravité des constats : violences sexuelles systémiques, inégalités filles/garçons persistantes, discriminations de genre, absence d’éducation au consentement, montée du masculinisme, notamment chez les jeunes garçons. Comment faire pour permettre une réelle égalité fille/garçon ainsi que le développement de relations harmonieuses et respectueuses de l’orientation sexuelle de chacun, basés sur une connaissance solide du corps et de l’esprit ?

Qu’en est-il de l’Éducation nationale, face à l’urgence de la situation ? Depuis 2001, une éducation à la sexualité est obligatoire, à raison de trois séances par année scolaire et par niveau. Un programme officiel a été formalisé en 2025 avec, sur Eduscol, des ressources pour mener à bien des séances ou projets sur l’EVARS.

Dans les faits, c’est beaucoup moins évident, étant donné que cet enseignement repose sur le volontariat, tant pour la formation que pour la mise en œuvre, et qu’aucun personnel n’est désigné pour enseigner cette matière, en dehors des infirmières dont la présence est vivement recommandée. 

Dans les établissements scolaires, sous l’impulsion des chefs d’établissements, des groupes de personnels éducatifs (enseignants, CPE, infirmière…) se forment, des stages ont lieu, des associations interviennent, des actions sont mises en place : emprunt d’expositions, visionnage de films puis débat, co-intervention, invitation d’intervenants, notamment. Une démarche collégiale et concertée est, en effet, indispensable sur ces sujets, car il va sans dire qu’il n’est pas simple de proposer des ressources et des séances adaptées qui respectent la sensibilité de chacun. Les professeurs documentalistes peuvent, par exemple, s’inscrire pleinement dans cet enseignement en proposant des bibliographies/sitographies, en facilitant les relations avec des partenaires extérieurs collectivement et soigneusement choisis ou encore en coréalisant des séances pédagogiques.

Ainsi, Aline Royer, professeure documentaliste, propose une Ouverture culturelle comprenant l’interview d’une autrice, Sophie Adriansen, autour de son ouvrage Le ciel de Joy dans lequel elle aborde le thème de l’IVG d’une jeune fille mineure, confrontée à la difficulté de trouver la bonne personne pour l’accompagner dans cet acte choisi. Pour élargir la question à l’ensemble des thématiques relatives à l’EVARS, une sélection de ressources accompagne cet entretien. Parmi les propositions de pistes pédagogiques, en EMI, un travail de réflexion sur les représentations des hommes et des femmes dans les médias. Afin d’approfondir le sujet de l’avortement, un Thèmalire de la même autrice permet de conseiller les collègues dans leurs choix de lectures à destination des élèves.

Enfin, n’oubliez pas de lire l’excellent roman de Nathacha Appanah, La nuit au cœur4, sélectionné, entre autres, pour le Goncourt et le Renaudot des lycéens, un récit dans lequel elle revient sur le féminicide d’une de ses cousines, celui de Chahinez Daoud pour lequel son mari a été condamné à la réclusion à perpétuité en 2025. L’autrice évoque également, pour la première fois, l’emprise et la violence exercées sur elle par un écrivain plus âgé, alors qu’elle était toute jeune autrice.