L’orientation

L’adolescence et les premières années de l’âge adulte sont des périodes décisives durant lesquelles se décide l’orientation des jeunes. Mais, qu’entendons-nous par le mot « orientation » ? Selon le dictionnaire Larousse, il s’agit d’une « action (visant à) orienter quelqu’un dans ses études, dans le choix de son futur métier » ou de la « voie choisie par ou pour quelqu’un, en particulier dans le cadre des études ». Retenons donc que cette orientation scolaire ou professionnelle peut être choisie ou subie. Tout l’enjeu pour les jeunes réside dans la question du choix d’un avenir qui leur correspond en dehors de toute pression. Dès lors, dans notre sélection de livres pour la jeunesse, quatre thématiques se dégagent : le rapport à la famille ; les stéréotypes liés aux métiers ; la question de la passion dans l’orientation ; les premiers pas dans le monde du travail1.

 

La famille : entre soutien et conflit

La famille figure au premier rang des interlocuteurs des jeunes quant à leur orientation. Si certains adolescents sont soutenus dans leur choix d’orientation par leur famille, d’autres voient leur choix critiqué, parfois même on leur impose un avenir qu’ils n’ont pas choisi.

Avec Sur le vif, Elizabeth Acevedo fait de la famille un soutien solide au projet d’avenir d’Emoni, une lycéenne de 17 ans vivant à Philadelphie aux États-Unis. L’adolescente est très douée en cuisine et rêve depuis son enfance de devenir cheffe de son propre restaurant. Ainsi, quand son établissement scolaire rouvre aux inscriptions un cours optionnel d’arts culinaires, Emoni devrait être la première à s’y inscrire. Pourtant, la jeune femme hésite face au coût financier considérable du séjour de fin d’étude en Espagne alors qu’elle doit travailler après les cours pour aider financièrement sa grand-mère chez qui elle vit et subvenir aux besoins de sa petite fille de deux ans. En effet, tombée enceinte à l’âge de quatorze ans et rapidement séparée du père de sa fille, Emoni assume quasi seule la garde d’Emma. Le soutien des membres de sa famille est alors essentiel pour permettre à Emoni de concilier vie privée et vie étudiante. Finalement, Sur le vif est un roman qui porte un regard bienveillant sur les rapports entre les membres de la famille et les adolescents quant à leurs choix d’avenir.

Au contraire, dans le roman En équilibre de Morgane Moncomble, les parents cherchent à imposer leur choix à leur fille. Lara, 17 ans, est membre actif d’un club de cirque et est particulièrement douée en cerceau aérien. Ses parents tolèrent qu’elle pratique cette activité qu’ils jugent futile, à condition qu’elle étudie pour intégrer la très cotée et très sélective université de Columbia à New York pour perpétuer la lignée familiale d’architectes. Mais Lara, elle, aimerait secrètement être admise à l’école des arts du spectacle du Circadio. Ainsi, le jour où sa sœur jumelle, Amelia, lui annonce vouloir arrêter le cirque, Lara est désespérée. L’adolescente ne sait pas si elle sera capable de séduire seule les recruteurs du Circadio qui seront présents au spectacle de fin d’année du club. En parallèle, Casey Thomas, l’un de ses camarades de classe, est confronté au même problème, puisque ses parents tiennent un cabaret et souhaiteraient que leur fils reprenne l’affaire alors qu’il aimerait quant à lui étudier à l’université. Alors que Lara visionne avec nostalgie d’anciennes vidéos de ses spectacles, elle remarque la présence et le talent de Casey durant les représentations. Elle va convaincre son camarade de classe de devenir son partenaire lors du spectacle de fin d’année en échange de son aide pour persuader les parents de ce dernier de le laisser intégrer l’université. Mais, tandis que les parents de Lara lui imposent leur vision de son avenir, les parents de Thomas soutiennent contre toute attente le choix de leur fils.

Une mère cherche également à imposer à sa fille la même voie professionnelle que la sienne dans Désorientée de Marine Carteron. Louise, élève de terminale, hésite à se connecter à Parcoursup pour connaître le résultat de ses vœux. Si Louise est aussi insensible à son sort, c’est qu’elle n’a pas vraiment choisi ses vœux : la moitié lui ont été imposés par sa mère ; l’autre par sa conseillère d’orientation. Indifférente aux réponses positives des plus prestigieuses universités françaises, la seule chose qui l’enthousiasme est d’être 38e sur liste d’attente pour la très réputée prépa Hypo-Chartes. Ainsi, Louise retarde le moment de choisir une orientation qui lui semble tellement décisive pour le reste de sa vie. Sa mère la presse d’accepter une des propositions des établissements d’enseignement supérieur, espérant ainsi revivre ses années estudiantines. Finalement, solution radicale, l’adolescente décidera de couper les ponts avec sa famille pour prendre le temps de choisir son avenir.

Cette pression exercée par les parents, caricaturée par l’absurde, est aussi présente dans le roman Plus tard je serai moi de Martin Page. Séléna est une collégienne qui se cherche. Mais, un jour, ses parents décident abruptement qu’elle deviendra une artiste. Ils feront tout pour pousser leur fille à s’engager dans cette voie jusqu’à rendre la situation ridicule et épuisante pour Séléna. Tout comme Louise, Séléna n’a pas encore de projet d’orientation mais va se battre pour pouvoir choisir son avenir. Là aussi, cette situation conduira l’adolescente à s’éloigner de ses parents, malgré l’amour qu’elle leur porte.

À quoi tu ressembles ? est quant à lui un recueil de nouvelles dont plusieurs récits traitent de l’orientation. Dans « Benjamin en juin : demandez le programme ! », Benjamin va jouer sa première représentation en interprétant le personnage de Nikki pour le spectacle de fin d’année. En participant à l’atelier théâtre depuis la rentrée et en y prenant beaucoup de plaisir, il s’oppose à ses parents qui voient dans les activités artistiques une perte de temps pour les études. Depuis son enfance son père se moque de ses imitations de personnages de films et sa mère lui répète qu’il est destiné à une brillante carrière. Dans « Dix ans plus tard : du sang neuf sur la scène des dinosaures », le père de Benjamin reçoit une invitation de son fils à un show que ce dernier organise. Sans nouvelles depuis quelques années, il est surpris que son fils travaille dans le milieu du spectacle alors qu’il est persuadé que celui-ci doit déjà être très occupé par sa carrière dans la politique ou dans la com’. Son fils si brillant occupe certainement un meilleur poste que ses camarades comme Théo devenu un simple commis dans une agence immobilière. Mais, comme le dira Benjamin sur scène, « Je suis comme je suis… pas celui sorti du scénario qu’ils avaient imaginé pour moi… ». Une belle conclusion qui résume bien le désir de ces jeunes de choisir leur avenir.

Stéréotypes et orientation

Les choix d’orientation des jeunes souffrent du regard plein d’a priori de leur entourage, notamment familial. Les préjugés de classe, de genre et de race pèsent lourd sur leur avenir.

Stéréotypes de genre et de classe seront les obstacles à franchir pour Louis Feyrères, le héros de Maïté coiffure de Marie-Aude Murail. Louis est un élève de troisième en difficulté, qui s’ennuie au collège. Parce qu’il n’a pas trouvé de stage, sa grand-mère lui propose de travailler dans le nouveau salon de coiffure où elle se rend, « Maïté coiffure ». L’ambiance, le contact avec les clients et la virtuosité des coups de ciseaux de Fifi vont le passionner et le décider à devenir coiffeur. Mais son père, un chirurgien réputé, s’oppose violemment à ce choix. Pour lui, caissiers comme coiffeurs ne sont rien d’autre que des analphabètes méprisables. Malgré ses préjugés de classe, le regard de son père changera face à la réussite sociale de Louis qui ouvrira plusieurs salons et lancera une gamme de produits esthétiques rencontrant un immense succès.

Dans Mon âme frère de Gaël Aymon, Camille, élève de seconde dans un lycée privé réputé, n’a pas le niveau pour passer en première. Tandis que ses parents tiennent à ce qu’elle se reprenne en lui mettant la pression, Camille ne fait rien, n’a envie de rien. Après un séjour chez sa tante agricultrice, Camille se souvient de ses rêves d’enfant : travailler un jour dans une ferme. Mais pour son père, c’est hors de question : faire ses études dans un lycée agricole serait synonyme d’échec. Camille est soutenue par l’équipe pédagogique et notamment par la conseillère d’orientation. Finalement, au terme de la journée portes ouvertes d’un lycée agricole où Camille et ses parents se rendent, la famille trouve un compromis : l’adolescente pourra aller dans ce lycée mais devra suivre des cours généraux afin de ne pas se fermer de portes.

La question des stéréotypes de genre est au cœur du court roman de Claudine Aubrun, Le garçon rose malabar. Les trois enfants de cette histoire sont à l’école primaire. L’institutrice leur donne un devoir avec pour consigne : « Quel métier voulez-vous faire plus tard ? ». À leur âge, ils doivent déjà penser à leur avenir et ils sont confrontés au poids des stéréotypes de genre. En effet, Rudy souhaite devenir un rappeur en survêtement rose. Alice, quant à elle, rêve d’être conductrice de TGV. Et enfin, Gabriel a pour ambition de devenir sage-femme. Ensemble, ils osent assumer leurs rêves devant toute leur classe. En faisant venir à l’école un ami de ses parents exerçant le métier de ses rêves, Gabriel fera tomber les préjugés de ses camarades. Une première lecture sur l’orientation pour les plus jeunes.

Le racisme peut également miner les rêves d’avenir des adolescents. Dans Yzé : danse avec le hasard, l’héroïne est une adolescente de 17 ans. Son rêve : devenir Étoile dans le monde de la danse classique. Mais voilà Yzé est Martiniquaise et vit loin de Paris, « là où ça se passe ». Quand elle arrive dans la capitale pour un stage, malgré son talent, elle se retrouve noyée dans la masse des danseuses. Lors de répétitions, certains chorégraphes lui font remarquer qu’elle n’est pas assez « classique ». Sa couleur de peau la fait trop ressortir sur scène ! Révoltée, elle fera tout pour devenir une danseuse étoile reconnue par ses pairs.

Passion et orientation

Certains choix d’orientation passionnent les adolescents. Si les métiers artistiques sont souvent présentés comme des choix de passionnés, d’autres filières plus originales suscitent également des vocations.

Le manga Blue Period de Yamaguchi Tsubasa évoque les études menant aux métiers artistiques dans le Japon contemporain. Yatora Yaguchi est un lycéen excellent élève mais sans vraie passion. En voyant la peinture d’une de ses camarades de classe, il est subjugué et décide de rejoindre le club d’arts plastiques de son établissement. L’art va devenir sa passion et l’adolescent va vite ambitionner de rejoindre une école d’arts. Mais face à un concours très sélectif, Yatora va devoir redoubler d’efforts face à ceux qui dessinent et peignent depuis bien plus longtemps que lui. Au fil des tomes, nous suivons Yatora du cours préparatoire au concours des écoles d’arts jusque dans sa scolarité dans la très réputée école d’art Geidai. La question de l’orientation dépasse ici la passion pour l’art, notamment à travers l’histoire captivante des personnages secondaires de ce manga. Au mois de juin 2023, la série est en cours avec 13 tomes parus en France.

Pour rester dans le domaine des arts, Parler comme tu respires d’Isabelle Pandazopoulos traite du métier de sculpteur. Sybille, 15 ans, est bègue. Mais ce qu’elle n’arrive pas à exprimer par les mots, elle va l’exprimer avec ses mains. L’incendie de la cathédrale de Notre-Dame de Paris l’obsède, elle veut participer à sa reconstruction. Contre l’avis de ses parents, elle décide de devenir tailleuse de pierres. Elle part dans les Vosges, dans le lycée professionnel Camille-Claudel de Remiremont, le seul lycée français à former à tous les métiers de la pierre (taille, gravure, sculpture). La passion et la réussite de Sybille, « tailleuse de pierre, spécialisation monuments historiques », vont lui permettre, à la fin du roman, de communiquer avec les autres malgré son handicap. Un roman sur un choix d’orientation artistique original.

Mais la passion peut être inattendue. Dans Silver Spoon : la cuillère d’argent d’Hiromu Arakawa, Yûgo décide de s’inscrire dans un lycée agricole loin de chez lui, afin de fuir la pression exercée par son père sur ses études. Excellent élève, Yûgo pense pouvoir être le meilleur dans son nouvel établissement mais déchante vite car la très grande majorité des élèves sont des enfants de paysans. Yûgo va tout découvrir du monde de la ferme, multiplier les expériences – élever un cochon, rénover un four à bois et organiser une pizza-party, devenir le président du club d’équitation du lycée – et se passionner pour l’élevage d’animaux. Cette passion incitera l’adolescent à créer sa propre entreprise avec un camarade de classe à la fin du manga. Silver Spoon est l’histoire de la naissance d’une passion et il se dit que le titre a suscité des vocations dans l’élevage au Japon. Une série complète en 15 tomes.

 

Premiers pas dans le monde professionnel

Les œuvres narrant les premiers pas dans le monde professionnel témoignent d’expériences traumatisantes mais, fort heureusement aussi, de premiers métiers épanouissants.

Toutes les premières expériences ne sont pas heureuses. Moi vivant, vous n’aurez jamais de pauses : ou comment j’ai cru devenir libraire de Leslie Plée est une bande dessinée autobiographique retraçant la première expérience professionnelle malheureuse de l’auteure. C’est chez un psy, les larmes aux yeux, que nous faisons sa connaissance. En déménageant à Rennes pour se rapprocher de son copain, elle décroche son premier contrat en CDI dans « une grande surface de produits culturels ». Mais dès les premiers jours, c’est la désillusion : c’est un travail à la chaîne, répétitif et abrutissant. À quoi bon avoir fait des études si c’est pour passer ses journées à étiqueter des produits ? Elle se retrouve face à des managers despotes donnant des ordres contradictoires et confiant des missions irréalisables. Dans cette BD, Louise Plée nous montre les dérives d’un management purement capitaliste, dont le seul but est de faire toujours plus d’argent, quitte à gérer la librairie comme un Mc Donald’s. La maltraitance de Louise est telle qu’elle fait un burn-out et qu’elle quitte l’entreprise.

Le romancier Vincent Cuvellier, âgé de 40 ans lors de l’écriture, se confie sur son parcours dans La fois où je suis devenu écrivain. Après la troisième, il est orienté vers un BEP commerce. Mais, âgé de 16 ans, l’adolescent n’est plus prioritaire pour intégrer cette formation professionnelle — il est 17e sur liste d’attente. Vincent pointe donc à l’ANPE où le conseiller ironise sur son souhait d’intégrer une formation pour un « CAP écrivain » ou un « BEP poète maudit » et lui propose plutôt de postuler à un BEP secrétariat-bureautique, ce qu’il refuse. Vincent connaît alors un premier succès littéraire en étant récompensé par le prix du jeune écrivain de Toulouse. Mais après ce premier succès d’estime, Vincent n’écrit plus pendant dix ans et enchaîne les expériences professionnelles. Pigiste dans un journal pendant plusieurs années, il se voit refuser le poste de journaliste titulaire car il n’a pas fait ses études dans une école de journalisme. Cet échec va conduire Vincent à tout quitter pour percer dans le monde littéraire. « J’allais enfin devenir écrivain. J’allais enfin devenir qui je suis » : ainsi, le chemin peut être long vers la réussite.

Dans le manga First Job, New Life ! de Nemu Yoko, nous suivons les premiers pas dans le monde du travail de Tamako. Après un premier entretien d’embauche catastrophique, le patron, fantasque, décide de l’embaucher alors qu’elle n’est clairement pas la candidate la plus compétente pour ce poste. Mais elle fera tout pour être à la hauteur de ses nouvelles fonctions. Tamako fait des erreurs, est assaillie de doutes, mais prendra confiance en elle au fil des pages et des expériences. La série, en quatre volumes, se termine par la démission de Tamako qui décide de monter sa propre entreprise de design graphique.
Un bel exemple pour conclure ce thèmalire puisque Tamako, à force de persévérance, prend enfin son envol.

 

 

 

Dossier : neurosciences/neuromythes

Dossier de septembre/octobre 2023

Le dossier de la rentrée sera consacré au thème des neurosciences/neuromythes, en lien avec les questions de formation et l’EMI : analyses et réflexions scientifiques – retours d’expérience(s) de professeur.e.s documentalistes ayant mis en oeuvre des séances mobilisant les neurosciences. Voici quelques mots clés en lien avec cette thématique : métacognition, cogni’classes, biais cognitifs/fake news, mémorisation, attention, motivation, bibliothérapie, gestion des émotions (méditation, confiance en soi…).

 

Prendre son regard en main

« [Le photographe] doit avoir et garder en lui quelque chose de la réceptivité de l’enfant qui regarde le monde pour la première fois ou du voyageur qui pénètre dans un pays étrange. » (Bill Brandt)

Alors que l’année scolaire se termine, une année qui, pour la première fois depuis trois ans, s’est déroulée selon un fonctionnement sanitaire normal, une année à nouveau jalonnée de projets et de sorties, nous souhaitons placer ce numéro sous l’égide de l’ouverture au monde et du changement de regard qu’elle implique.
Ainsi, cette envie de s’échapper, de prendre l’air, peut se traduire par de nouvelles pratiques pédagogiques tournées vers l’extérieur, comme le démontre avec érudition Laure Pillot dans un article sur le CDI hors les murs. Favorisant l’autonomie, la démarche de projet et la mise en mouvement des élèves qui augmentent ainsi leur pouvoir d’agir, ses propositions sont autant stimulantes pour l’esprit que concrètes dans leur mise en œuvre.
Prendre l’air mais aussi la plume pour reprendre en main ses projets : c’est le cas dans l’exemple proposé par Christine Thiollet qui présente une pratique participative avec la création des éditions Je Vous aime. Quelle belle initiative de la part de lycéens que de fonder leur propre maison d’édition, d’en définir l’identité, d’organiser les moyens matériels pour la concrétiser, puis d’y diffuser leurs écrits littéraires !
Prendre la plume également dans l’interview qui vous est proposée en Gros Plan. L’évasion dans l’écriture, à la conquête d’une identité qui questionne et bouleverse, s’incarne ainsi dans Le royaume lointain d’Amina Richard. Notre collègue professeure documentaliste vient de publier son premier roman aux éditions Stock et partage avec nous les étapes de la création littéraire et de l’écriture de soi, qui l’amèneront sur les traces de son père au Sénégal.
Gros plan qui nous amène enfin à faire un double focus sur la photographie. Quoi de mieux pour l’ouverture au monde que d’analyser une photographie de presse pour ne jamais détourner les yeux ? Ainsi, la fiche pratique que nous vous soumettons, adressée aux élèves, permet de lister les différents critères de la lecture réflexive d’une photo. Quant au thèmalire signé Bénédicte Langlois, il assure une intéressante porte d’entrée par la fiction dans le monde des images. Prendre son regard en main, ne serait-ce pas là une possible définition de la photographie ?
Ouvrons les yeux au monde en prenant la tangente, tout en affûtant notre capacité à nous mettre en action, que ce soit par le biais de la photographie, de la littérature ou d’un CDI qui prend l’air. L’air de rien, cela change tout.

Un CDI hors les murs ?

Introduction : un CDI en Anthropocène

« Si vous possédez une bibliothèque et un jardin, vous avez tout ce qu’il vous faut » : cette formule de Cicéron (Ier siècle avant notre ère) peut servir de point de départ à notre réflexion sur l’articulation entre missions des professeurs documentalistes et enseignement en extérieur. Dans la lignée des propositions formulées dans un précédent article consacré au « CDI vert » (Pillot, 20211), nous proposons ici de réfléchir à l’opportunité de l’enseignement en extérieur pour repenser certains de nos usages professionnels, afin de montrer que nos missions ne se cantonnent pas exclusivement au lieu avec lequel nous, professeurs documentalistes, sommes si souvent associés.

Dans une perspective plus large, nous sommes convaincue que le sujet de la classe dehors est un outil éducatif de premier ordre à l’heure de l’Anthropocène. Ce néologisme, littéralement l’âge des humains, est désormais utilisé par de nombreux scientifiques pour désigner l’époque géologique nouvelle dans laquelle l’humanité est entrée depuis que les activités humaines ont un impact global significatif – et, pour une part, irréversible – sur le système géologique planétaire. Il s’agit d’une thématique dont s’empare peu à peu l’éducation nationale, rejoignant en cela de nombreux chercheurs, dont parmi les plus accessibles Nathanaël Wallenhorst (Hétier & Wallenhorst, 2022), et acteurs de l’éducation populaire, comme l’a montré une formation de la Ligue de l’enseignement sur le sujet au mois de décembre 2022. Le bulletin de veille Apprendre en anthropocène, éduquer à la biodiversité d’Anne-Françoise Gibert (IFÉ, 2022) va dans le même sens, développant une partie de son argumentaire autour de l’enseignement en plein air. On peut dès à présent noter qu’une part écrasante du sujet et de son traitement scientifique comme médiatique concerne les élèves du primaire. Les bienfaits du plein air sur les apprentissages des plus jeunes élèves font désormais l’objet d’un consensus scientifique bien établi. Les éléments de controverse qui subsistent sont marginalement d’ordre politique – en témoigne le dernier numéro de la revue Carnets rouges – plus généralement pratiques, liés alors aux difficultés de mise en place et, transversalement cette fois, relatifs à l’âge des élèves concernés (Mottint, 2023). Ils impliquent de préciser d’emblée le contexte des développements qui suivent. Ils se basent sur des expériences vécues ou observées dans des établissements ruraux, de centre-ville ou en zone « politique de la ville » qu’ils visent à mettre en perspective dans l’optique de ne pas restreindre la pratique du dehors à un type de public ou d’EPLE, à des conditions particulièrement favorables ou, au contraire, difficiles. De même, ils proviennent pour l’essentiel de temps pédagogiques menés en co-animation ou co-intervention, une donnée qui, sans être essentielle, facilite grandement l’exercice de la sortie régulière. Pour terminer sur ce cadrage de départ, la question du dehors est moins souvent posée pour les adolescents et donc pour les publics scolaires des collèges et lycées. Sur le terrain, la situation évolue cependant, et de plus en plus d’enseignants du secondaire s’engagent dans l’enseignement en extérieur.

Les professeurs documentalistes peinent parfois à trouver leur place dans ces expérimentations. Convaincue que cette situation résulte de la méconnaissance de notre métier par le reste de la communauté éducative et de celle des possibilités de la classe dehors par une partie de notre profession, nous proposons de mener une première exploration du sujet avec cette contribution. Il ne peut être question ici de lister toutes les pistes relatives à l’information-documentation, au fonds ou à l’ouverture culturelle offerte par le plein air tant elles sont nombreuses et spécifiques à chaque situation. Nous nous contenterons de proposer quelques exemples tirés de notre propre expérience, de relayer des façons de mettre en œuvre des propositions de plein air, dans les cursus d’information-documentation et avec nos collègues, et enfin de conclure sur l’intérêt de repousser les freins qui peuvent exister quant à cette pratique, en montrant sa capacité d’empouvoirement et de réappropriation de certains aspects du métier. Nous le ferons en tentant de répondre à la question suivante : en quoi la pratique de la classe dehors peut-elle devenir un pivot dans les missions du professeur documentaliste auprès des élèves et contribuer à leur réussite, ainsi qu’à la reconnaissance des spécificités de notre profession ?

Une jeunesse confinée : la nécessité du dehors

L’extinction de l’expérience de nature : un constat alarmant

Depuis le premier confinement et la décision du gouvernement français d’interdire la fréquentation des espaces verts publics aux citadins pendant plusieurs semaines, la question de l’accès à la « nature »2 (Descola, 2005) a pris une place croissante dans les différentes sphères du débat public. Et ce, à juste titre, puisque les mérites de la fréquentation des arbres, de la marche pieds nus sur l’herbe, des fameux « bols d’air pur » ont été éprouvés, malheureusement par le manque, par des millions de nos concitoyens. Les élèves et les jeunes en général ont été frappés de plein fouet par cette longue « privation de nature ». Et pour cause, elle s’inscrit dans un processus plus long et insidieux que le journaliste nord-américain Richard Louv a désigné sous le vocable nature deficit disorder. L’extinction de l’expérience de nature qu’il évoque dans son ouvrage Last Child in the Woods en 2005 à propos de ses jeunes concitoyens s’applique aussi aux jeunes Français. On ne compte plus, depuis la sortie de son livre, les études qui établissent que le temps passé en extérieur est devenu portion congrue par rapport à celui dédié aux activités indoor et qui sont rappelées dans le livre de Mathieu Chéreau et Moïna Fauchier-Delavigne, L’enfant dans la nature (2019). Tant et si bien que nombre d’adultes aujourd’hui, qui ont grandi en étant privés de nature dans les années 80-90, ne sont plus en mesure de transmettre leur expérience. Cette situation touche de fait le monde de l’enseignement. Suivant la répartition des EPLE et les puissantes dynamiques de périurbanisation, les lieux de résidence des différents acteurs de la communauté scolaire sont pour la plupart de plus en plus éloignés des espaces dits « naturels », tels que les bois et les cours d’eau. Et que penser de ces dizaines de milliers d’élèves du secondaire qui, en ville ou à la campagne, passent de leur lieu de résidence au collège ou au lycée par le biais de transports en commun ou de cars scolaires et entrent en classe dès leur sortie du bus ? Si en plus leur récréation se passe en intérieur, on perçoit bien le peu d’interactions avec le dehors auxquelles peuvent être confrontés les adolescents. Et parmi eux, ceux qui – délaissant une cour peu accueillante ou trop violente – comptent parmi les plus fervents acteurs des CDI ! Loin d’être anecdotique et de la caricature de l’adolescent qui préfère sa chambre au jardin, la perte de l’expérience de nature est un réel problème de société. En effet, cette coupure avec l’extérieur induit un désintéressement progressif quant à la situation critique de notre environnement et aux façons de le protéger. Réintroduire cette expérience est, sans l’y limiter, l’un des objectifs majeurs de la classe dehors.

Le « tout numérique » : un modèle de société qui questionne, jusque dans les enseignements

Face au constat de l’extinction de l’expérience de nature, le sentiment d’inquiétude qui touche les professionnels de l’éducation est légitime. Perte de concentration, hyperactivité, immunité altérée, les symptômes sont nombreux. Ils sont majorés par l’activité qui occupe les plages temporelles auparavant dédiées au dehors : la surexposition aux écrans. Comme l’a récemment rappelé le Conseil national du numérique (CNNUM) dans son rapport Votre attention s’il vous plaît, dans un contexte d’économie de l’attention les mécanismes de l’addiction au numérique sont de plus en plus puissants. Les adolescents sont l’une des cibles préférées des sites marchands et des algorithmes. Les épisodes de confinement successifs ont également confirmé, s’il en était besoin, l’attachement profond que leur portent les élèves, du gaming aux réseaux sociaux. En bref, l’addiction aux écrans des jeunes et des adolescents, entretenue notamment par les GAFAM est devenue un problème de santé publique. À la lecture de ce constat, la protection des élèves apparaît comme une urgence. Les pouvoirs publics s’en sont effectivement saisis comme dans la récente campagne « 0-3 ans, 0 écran » et les différentes sensibilisations dans le cadre des programmes de lutte contre les violences en ligne pour les plus grands. Dans les faits, on constate que la prévention du temps d’exposition pendant l’enfance baisse face à celle qui concerne les contenus parcourus et échangés à l’adolescence. De fait, alors que l’institution scolaire est très impliquée dans la lutte contre le harcèlement en ligne et la protection des données personnelles chez les élèves de collège et de lycée, la question de la présence des écrans dans leur journée est moins prise en charge. L’usage du smartphone est certes interdit en collège depuis la loi du 3 août 2018 mais, pour certains élèves, la journée reste occupée par de nombreuses heures passées devant les écrans d’ordinateurs et les projections au tableau.

Il n’est pas ici question de revenir sur la controverse autour de la numérisation des enseignements actuellement en cours3. On peut simplement constater que de ce fait, la durée d’exposition augmente en permanence. Or, les professeurs documentalistes sont en première ligne de la formation aux usages numériques. Il s’agit de l’un des grands attendus de notre profession et le CDI est souvent identifié comme le lieu de connexion majeur de l’établissement par les élèves. S’il faut bien sûr réaffirmer la nécessité d’offrir une formation aux enjeux du web et aux pratiques numériques en général dans le cadre des progressions en information-documentation, force est de constater que l’usage des écrans hors séances pédagogiques est souvent un point de conflictualité dans les usages et le respect des occupations de chacun. Parmi les pistes de régulation, celle de la déconnexion, totale à certaines heures ou partielle dans certaines zones, émerge de plus en plus souvent dans les échanges professionnels. Le professeur documentaliste apparaît, à raison, à l’avant-garde de cette problématique et nous verrons plus loin comment le recours aux espaces extérieurs peut l’aider dans cette voie.

Votre attention s’il vous plaît, un précieux document édité par le CNNum,
indispensable à la compréhension de l’économie de l’attention

Bâti scolaire et passoires thermiques : une opportunité pour le dehors ?

Au moment où nous dressons le constat de l’importance de repenser le dehors dans nos missions et pratiques éducatives, la question du lieu est bien sûr centrale. Le bâti scolaire français fait l’objet d’une très grande diversité. Réaffectation de certains lieux en EPLE, époques de construction, variations démographiques, matériaux disponibles et évolution politique des collectivités sont autant de facteurs jouant dans la variété des solutions adoptées. Les CDI ne sont pas en reste et à cette histoire de l’architecture scolaire s’ajoute celles liées aux évolutions du métier. Les plus anciens ont été conçus pour un public enseignant, d’autres agrandis ou au contraire amputés à l’occasion de chantiers de rénovation, tous ou presque conçus conformément à la vision que leur concepteur a de notre métier (proche de la vie scolaire ou plutôt de la salle des professeurs, par exemple). Là aussi, la situation évolue et des architectes s’emparent différemment de la question, comme l’ont montré l’exposition itinérante Travaux d’école (Chiron et al., 2020) et plusieurs projets de concertation récents. Une enquête du Ministère intitulée « Bâtir l’école ensemble » et dont les premières analyses sont disponibles sur le site gouvernemental « Bâti scolaire » a réaffirmé en 2022 l’intérêt des différents acteurs sur ces questions. Il est de plus motivé très concrètement par la multiplication des épisodes météorologiques extrêmes (tempêtes, canicules, vagues de froid) et la hausse du prix de l’énergie auxquels écoles, collèges et lycées font parfois difficilement face. Comme pour le parc immobilier en général, la rénovation énergétique du bâti scolaire est donc un enjeu majeur des années à venir.

Dans l’attente de travaux de rénovation, les collègues de disciplines sont de plus en plus nombreux à avoir recours au dehors. Le secondaire reste certes en marge, comparativement à la maternelle et à l’élémentaire où les demi-journées en extérieur sont légion dans de plus en plus de classes, mais un mouvement de fond est perceptible au collège et au lycée. Dans les deux cadres, les périodes de déconfinement, où les salles étaient trop difficiles à aérer et les masques rangés en extérieur, ont contribué à accélérer le mouvement. Au terme de trois années pédagogiquement éprouvantes, le constat des conséquences de l’épidémie sur les jeunes est donc sans appel. Moins de nature et plus d’écrans rendent urgent d’améliorer leurs conditions d’étude rendues difficiles par la multiplication des canicules. Et bien sûr, à la fois, les conditions de travail pour leur enseignant ! Il est donc grand temps de prendre la mesure des bienfaits du dehors pour les élèves et des possibilités simples et rapides de mettre en place un enseignement de ce type, pour l’ensemble de la communauté éducative.
Le constat est bien là et concerne l’ensemble de la communauté éducative, qui trouverait grand bénéfice à sortir de son espace de pratique habituel. Engageante pour tous, l’entreprise peut sembler encore plus complexe à mener de la part d’une profession pour laquelle le lieu et la fonction sont aussi imbriqués que pour la nôtre. La confusion entre le professeur documentaliste et la mission de gestion des ressources mène à le considérer comme seul responsable de la démarche de mise en place d’une politique documentaire, alors que la communauté éducative tout entière devrait en théorie s’y engager. De fait, de nombreux établissements ne disposent pas d’une politique documentaire clairement identifiée. En résulte une situation peu satisfaisante pour le professeur documentaliste qui se voit confondu avec un lieu qu’il n’a pas toujours les moyens de gérer comme il le souhaiterait.

S’il n’est évidemment pas question de délaisser le volet pédagogique pour trouver davantage d’heures à consacrer à la gestion du fonds, l’accumulation des missions est de plus en plus mal vécue par de nombreux collègues. On comprend que dans ce contexte, l’assimilation au seul « lieu CDI » et au fonds puisse être source d’incompréhension et de difficultés de communication au sein des équipes. Or, nous pensons justement qu’en nous permettant une réappropriation du lien à notre lieu d’exercice, les principes de la classe dehors sont l’une des pistes vers une nouvelle valorisation de notre travail et de notre image professionnelle, utile à nos revendications.

Notons qu’un certain flottement sémantique existe dans la circulaire quant à la définition de notre périmètre physique d’activités de gestion. Le CDI est qualifié tantôt d’« espace », tantôt de « lieu » sans que la différenciation soit explicite. Si l’on s’en tient à la définition des géographes du site Géoconfluences : « Un lieu est une portion d’espace sujette à des appropriations singulières et à des mises en discours spécifiques. »4 C’est ce qui semble effectivement bien être le cas des CDI : des zones de l’espace scolaire appropriées de façon variable par les usagers, selon l’heure de la journée, la période ou les projets et à propos desquelles significations et charges symboliques peuvent être aussi fortes que diverses. Toujours dans le même article, il est précisé qu’« au sens strict, un lieu n’a pas d’étendue ou une étendue limitée : on le parcourt à pied et on peut l’embrasser du regard. Mais alors que le paysage mobilise principalement le regard, on fréquente, on parcourt un lieu, on y agit ». De ce fait, la restriction de nos missions pédagogiques et de gestion aux quatre murs de la salle du CDI ne va pas de soi. Elles peuvent être transposées à d’autres lieux dans ou hors de l’EPLE tant que les activités – au sens d’« actions » – menées le sont dans les mêmes objectifs de formation info-documentaire et d’ouverture culturelle que celles traditionnellement proposées dans le CDI.

En bref, il s’agit en transposant nos usages, nos façons de travailler hors les murs, de manifester notre spécificité pédagogique. Celle d’être en mesure de penser l’enseignement en relation avec l’environnement qui l’accueille, qu’il s’agisse d’étagères plus ou moins bien garnies de livres, d’une salle informatique, d’un parc ou d’une cour de récréation. Et de pouvoir le faire, soit depuis le CDI où la plupart des ressources sont concentrées, soit dans la périphérie de ce centre, en exerçant notre capacité à en identifier de nouvelles, dans une topographie élargie. En refusant de nous laisser cantonner à un seul lieu de l’EPLE, nous réaffirmons notre démarche pédagogique et notre aptitude à proposer un enseignement différent de celui de nos collègues par le fond de notre démarche et pas seulement par sa forme. Au biais qui nous conduit trop souvent à être considérés comme des techniciens de la salle du centre de documentation avec lequel nous sommes confondus, nous proposons d’opposer la vision d’un professeur documentaliste expert dans l’utilisation de l’espace scolaire. Et au cliché d’un gestionnaire de fonds débordé et peu à l’écoute de ses élèves (le fameux « chuuuut »), une relation fondée sur l’idée de proposer à l’usager une expérience pédagogique, sensible et engageante pour les apprentissages comme plusieurs contributions du dossier « Questionner les manières d’habiter les espaces documentaires d’accès aux savoirs : une approche sensible » le soulignent (Revue Cossi, 2019). À ce titre, l’enseignement en extérieur peut constituer un excellent moyen de réaffirmer que l’espace scolaire a un rôle fondamental et donner un nouveau sens au recours à différents lieux de l’EPLE, y compris au CDI.

Du diagnostic à la pratique : identifier ses besoins et se former

Faire le point sur ses besoins : le temps du questionnement

Le plein air est un facteur de bien-être physique et mental pour les élèves et, si l’on en croit leurs retours, pour les collègues qui ont pris cette habitude de travail. Comme pour toute évolution dans une pratique professionnelle, la volonté de mettre en place une part de nos missions en extérieur implique de procéder au diagnostic de la situation actuelle et des attentes de la communauté pédagogique et éducative pour l’avenir. Sur quels axes de nos missions souhaitons-nous travailler ? À destination de quel public ? Selon quel cadrage pédagogique avec les collègues ? Autant de questions qui pourraient décourager plus d’un collègue mais dont nous sommes familiers dans le cadre des projets documentaires initiés. Forts de notre expérience, nous pouvons nous consacrer aux spécificités de notre travail de professeur documentaliste. Comment transposer en extérieur une progression où le numérique est généralement très présent ? De quelle façon proposer aux élèves une expérience du fonds aussi fluide qu’entre les quatre murs de notre lieu de travail ? Peut-on faire une part de gestion documentaire au dehors ou comment déplacer des panneaux d’exposition sans risquer de les voir endommagés par la pluie ? Les questions se suivent et ne trouvent pas nécessairement de réponse, voire essuient des refus dus à la méconnaissance de ce dispositif pédagogique de la part de la hiérarchie.

Cela étant, l’approche par besoin de remédiation peut être préférable en ce qu’elle permet d’avancer pas à pas. La transposition des méthodologies de travail en extérieur est coûteuse en énergie ? Dont acte, exigeons d’elle qu’elle nous aide à résoudre certaines situations peu satisfaisantes que nous rencontrons au quotidien. À propos de la consultation du fonds par les élèves pour commencer, des étagères « romans » peu consultées hormis pour la table des nouveautés peuvent trouver un second souffle dans un autre lieu, par roulement. Une série jamais utilisée s’emporter dans les sacs à dos pour un déplacement à proximité du collège ou dans la cour pour un temps de lecture partagée. Un ouvrage documentaire difficile à lire mais très utile pour l’une de nos progressions faire l’objet d’un arpentage, ce mode de lecture collaboratif développé dans l’éducation populaire. Les possibilités sont tout aussi variées concernant l’ouverture culturelle. Les expositions qui nécessitent tant de communication et de manutention ne trouvent pas leur public ? Une partie d’entre elles peut être plastifiée pour être exposée dehors et créer un cheminement vers le CDI. Posée en termes de résolution des préoccupations du quotidien, la place du dehors apparaît comme un outil très transversal et susceptible de servir nos différentes missions.

Une pédagogie hors les murs : quels savoirs pour quel public et quel profil d’enseignant ?

Au diagnostic de l’adéquation entre les activités menées au CDI et nos missions s’ajoute celui des savoirs et des publics concernés. La première image qui vient à l’esprit lorsque l’on évoque la classe dehors est souvent relative à des élèves assis dans l’herbe et s’affairant à observer les insectes qui s’y meuvent. La réalité est plus diversifiée et ne se limite pas aux savoirs relatifs aux sciences naturelles. Si ces derniers sont très importants à acquérir, d’autres éléments peuvent contribuer à la reconnexion des élèves à la nature. Être attentif à la sensation du vent, aux bruits, même très urbains, qui les entourent, ou à la position dans laquelle le corps se trouve lors d’un exercice oral debout est très engageant pour un élève et peut se réaliser dans tous les cadres disciplinaires, information-documentation compris. Dans ce dernier cas, songeons également aux documents que nous choisissons lors de ces moments en plein air. Qu’il s’agisse de documentaires ou de romans, ils peuvent être écrits au moyen d’un vocabulaire rendant compte d’une relation différente au vivant et contribuer activement à la reconnexion des élèves à leur environnement.

Revenons au public concerné pour souligner que l’on effleure ici l’un des problèmes récurrents de la profession, celui du nombre d’usagers touchés par nos actions. Qu’il s’agisse du public des expositions, de la consultation du fonds ou du nombre de classes qui ont accès aux séances, l’impression de ne s’adresser qu’à une petite partie des élèves et, mécaniquement, d’en exclure une large part est récurrente dans les échanges professionnels. Le fait de transposer une partie des activités en plein air peut-il avoir un rôle à jouer sur ces aspects ? Notons pour commencer que les élèves réagissent souvent différemment en intérieur et en extérieur. Dans ce cadre peu habituel, ils développent un autre regard et parfois un nouvel intérêt pour les activités qui leur sont proposées. Plus encore, des élèves en difficulté sur le plan des apprentissages scolaires peuvent trouver à l’extérieur une autre façon de s’impliquer dans leur travail. D’autant plus lorsque l’évaluation s’y fait par compétences, puisque des aptitudes différentes de celles cultivées en intérieur sont sollicitées en plein air, telles que l’observation, l’écoute ou la mobilisation physique. Quelques années d’expérience nous ont convaincue que ce qui s’apprend dehors est assimilé, mémorisé puis réinvesti différemment, y compris par la suite en intérieur. Et que le plein air offre des possibilités de différenciation pédagogique beaucoup plus larges, y compris pour les élèves les plus scolaires qui, déstabilisés par ce nouveau cadre, peuvent éprouver des difficultés à s’y adapter. Ainsi, grâce à l’enseignement en plein air, la question du nombre d’élèves touchés se pose différemment. Il n’est plus question de compter en nombre de classes impactées, d’un point de vue quantitatif. Grâce à la pratique du plein air, c’est la perception de chaque élève dans une classe qui est modifiée, de façon qualitative. En cela, elle offre un lien privilégié avec les élèves et les collègues qui peuvent être amenés à co-animer ces séances. Une configuration qui nous est familière dans le cadre habituel du CDI et qui peut aisément être réinvestie en extérieur.

Avec cette question de la co-animation se pose celle des collègues avec lesquels les professeurs documentalistes peuvent être amenés à travailler sur ces séances en plein air. Précisons d’emblée que la menée de cours en extérieur est particulièrement adaptée à la présence de plusieurs enseignants, pour favoriser la différenciation que nous venons d’aborder. C’est d’ailleurs le cadre dans lequel nous avons travaillé la plupart du temps pour ces raisons. Reste à identifier les collègues candidats à une sortie régulière parmi les membres de l’équipe éducative. Deux profils se distinguent à ce sujet. Le premier concerne les enseignants dont le contenu disciplinaire est déjà lié au dehors. En SVT, le jardinage pédagogique ou l’observation de certains milieux justifient des sorties régulières, comme en histoire-géographie où la réalisation de cartes ou d’enquêtes peuvent constituer des cadres intéressants à investir pour la profession. On peut, dans le premier cas, proposer des progressions autour du document de collecte ou de la classification et dans le second un développement sur les outils libres de cartographie ou les différents codages de l’information et le passage de l’oral à l’écrit, parmi de très nombreux exemples. Les enseignants d’EPS sont quant à eux les véritables professionnels du dehors au sein des établissements. Un travail avec eux offre des perspectives de co-animation originales entre information-documentation et pratique sportive des élèves, pourquoi pas portées dans le cadre de l’enseignement de spécialité au lycée, en alternant séances au CDI et dans la cour.

En parallèle de ces collègues concernés jusque dans leurs programmes ou leur méthode d’enseignement, il existe une catégorie, bien plus vaste, qui regroupe tous ceux pour qui le dehors offre des possibilités inattendues. En mathématiques, avec des prises de mesure ou des exercices sur la géométrie dans l’espace, en français pour offrir un temps de lecture privilégié aux élèves, en philosophie pour débattre debout et prendre conscience des mouvements du corps, en langues vivantes pour acquérir le vocabulaire de la description, les cas de figure sont innombrables et méritent tous d’être explorés. Retenons pour lors que toutes les disciplines sont concernées et peuvent tirer bénéfice de quelques séances, voire séquences en extérieur. Cela induit que la préservation du vivant via la transmission de l’expérience de nature ne concerne pas que les collègues de SVT ou les plus aguerris en géographie physique. L’ensemble des enseignants peuvent y contribuer en proposant à leurs élèves de sortir à une fréquence régulière. Il en est de même pour les professeurs documentalistes. Ils sont nombreux à avoir reçu une formation en sciences humaines et sociales, et il leur est possible de la réinvestir en extérieur tout autant que les collègues de SVT, d’EPS ou d’histoire-géographie. Par ailleurs, leurs capacités à gérer un lieu est précieuse dès lors qu’il s’agit justement d’en changer. En effet, les professeurs documentalistes sont coutumiers des interactions avec leur environnement immédiat lors des échanges avec les élèves. Il en est de même pour les changements de posture physique des usagers lors d’une même heure de cours, ce qui n’est pas toujours le cas des collègues de discipline. Aussi, l’approche par compétences pratiquée depuis longtemps dans les progressions d’information-documentation s’avère particulièrement payante en plein air et permet de valoriser les apprentissages qui s’y épanouissent particulièrement telles que l’écoute, l’attention ou la coopération. Enfin, le rôle de support du professeur documentaliste pour certains de nos collègues reste valable dehors. De la même façon qu’il aurait à mener la barque lors des moments de recherche documentaire, il peut prendre en charge de nombreuses catégories d’informations récoltées et analysées dehors. Plus encore, en rendant plus difficile l’usage des écrans, le fait d’enseigner en extérieur affranchit le professeur documentaliste de son rôle de spécialiste du numérique donné par certains collègues et qui a le défaut de régulièrement le limiter à guider les élèves sur ordinateur ou à les dépanner, hors de tout contenu info-documentaire.

La formation : par qui et sur quels aspects ?

Lors des premières sorties, il est donc possible d’avoir à interagir avec un collègue lui aussi novice quant au dispositif pédagogique du plein air. Pour que les choses se passent au mieux et qu’un projet de classe dehors s’installe dans la durée, nous ne pouvons que conseiller de se former à l’exercice auprès des spécialistes de la question. De très nombreuses associations ont pour objet d’accompagner à la sortie nature et peuvent être un grand soutien lorsque les séances ont un objectif naturaliste. Des réseaux comme le FRENE ou les GRAINE régionaux permettent de retrouver facilement les associations situées à proximité. Les programmes de sciences participatives tels que « Vigie nature école » portés par le Muséum national d’Histoire naturelle ou les observations de microplastiques de la Fondation Tara océan sont intéressants pour la récurrence des sorties, la place donnée à l’information et la qualité scientifique.

Concernant la pratique orale en extérieur et la lecture, les DAAC peuvent également être des relais efficaces et mettre en lien avec des associations de spectacle vivant qui peuvent aider à la prise de parole en extérieur. L’Institut coopératif de l’école moderne (ICEM) relaie pour sa part les initiatives liées à la pédagogie Freinet tout en proposant des formations à celle-ci. Dans la même ligne, la Fabrique des Communs Pédagogiques (FabPéda) a, depuis le premier déconfinement, un rôle fédérateur des initiatives autour de la classe dehors.

Enfin, et même si cette liste n’est pas exhaustive, les questions transversales de pratique en extérieur ont donné lieu à plusieurs dossiers réalisés par le réseau Canopé ainsi qu’à des formations Magistère, de la maternelle au lycée (Pillot & Chanard, 20225). Sans dénier l’apport de ces formations en ligne, y compris pour les collègues éloignés des centres de formation, il faut souligner que rien ne remplace la rencontre en présentiel avec des acteurs de l’éducation en extérieur. À ce titre, plusieurs académies réfléchissent à proposer des sessions « classes dehors » dans leur PAF, pour le moment destinées aux collègues du premier degré.

Visuel de présentation de la formation « Enseigner dehors dans le secondaire » disponible sur la plateforme Magistère

Conclusion : le CDI hors les murs, dépasser les freins et limites

Parvenue au terme de cette contribution, nous n’avons que brièvement abordé les problèmes concrets qui se posent à la profession en termes de sortie. Comment s’absenter du lieu auquel le professeur documentaliste est si souvent associé sans que cela soit considéré comme une défaillance ? Ou déplacer régulièrement des livres dans la cour du collège ou du lycée sans mettre en jeu sa santé au travail ? Peut-on sortir lorsqu’il pleut et comment gérer un groupe déjà compliqué en intérieur ? Ces questions sont légitimes mais ne peuvent appeler de réponse globale tant les situations sont spécifiques à chaque configuration d’établissement. On peut toutefois apporter au débat la notion de santé au travail. Nous nous sommes efforcée de présenter le dehors comme une corde de plus à l’arc qui permet au professeur documentaliste de se conformer à la circulaire de mission. Cela ne doit pas constituer une contrainte supplémentaire. Un froid hivernal est souvent plus supportable qu’une canicule et une pluie légère qu’un épisode de vent fort si tant est que tous les participants soient bien équipés, ce qui est loin d’être toujours le cas. Il vaut mieux alors, parfois, décaler une sortie prévue. De même, il convient d’être très attentif, par temps froid, aux élèves en situation de précarité énergétique à leur domicile et pour lesquels les salles de cours, même peu confortables, constituent peut-être la seule occasion d’être au chaud dans la journée. Dans un registre plus léger mais important quant aux conditions de travail, vous constatez que les élèves apprécient la sieste contée ou le fait de lire à l’ombre, dans la cour de récréation pendant leurs heures de permanence ? Ils peuvent donc participer à l’installation et au rangement en fin de séance sans que la manutention ne repose que sur le professeur documentaliste, l’acquisition d’un petit chariot pouvant aider dans bien des situations. La gestion d’un groupe pose souci ? L’emmener aux abords immédiats de l’établissement peut permettre de changer radicalement le cadre habituellement générateur de conflits.

La question du lieu de sortie est souvent décisive. Les configurations de cour de récréation sont très inégales et, hormis quelques rares exemples très récents, elles n’ont pas été pensées pour la pédagogie de plein air. Plusieurs solutions s’offrent aux collègues qui souhaiteraient extérioriser des séances. La première est de trouver un espace, non loin de l’établissement, et qui serait plus accueillant que ce que propose le collège ou le lycée. Les différents supports dispensés par Canopé ou la Fabpéda sont une aide pour éclaircir ce point, notamment du point de vue des autorisations. Un passage sur le site web de l’Office français pour la Biodiversité (OFB) donnera toutes les informations quant au montage de projet d’une aire marine ou terrestre éducative (AME et ATE), en partenariat avec une association. Il est également possible de demander à avoir accès à des zones de l’établissement interdites aux élèves lorsqu’ils ne sont pas sous la surveillance d’un adulte, car beaucoup d’EPLE en disposent. Par ailleurs, nous avons vu que le contenu des séances en extérieur ne requérait pas forcément la présence de faune ou de flore. Un environnement minéral peut tout aussi bien se prêter aux séances en plein air, dès lors qu’un peu d’ombre est disponible en cas de fort ensoleillement ainsi qu’une protection contre le vent et la pluie. Que les sorties se passent sur une terrasse, une pelouse ou dans la cour, un soin particulier doit dans tous les cas être porté au confort des élèves et de leurs enseignants. En pleine croissance, les adolescents ont besoin d’être bien installés, de préférence avec une possibilité de poser leur dos contre un dossier ou une surface rigide (mur, muret, chaises apportées pour l’occasion, tronc d’arbre, clôture, etc.), au moins lors des premières séances. Autoriser le mouvement, entre différents petits groupes par exemple, contribue également au confort de tous.

La quête du lieu propice peut aussi se traduire par un projet collectif de l’établissement, via le réaménagement de la cour. Sur la partie architecturale d’un tel dispositif, l’un des rôles du professeur documentaliste peut être de porter à la connaissance des différents acteurs la documentation disponible. Nous renvoyons ici transversalement aux ressources mises en ligne par les mairies, les CAUE, la page « Bâti scolaire » du Ministère et Canopé. Plus spécifiquement, le site de l’Enssib propose lui aussi des pistes intéressantes quant à l’achat de mobilier pour les bibliothèques souhaitant « sortir » leur salle de lecture, qui mériteraient d’être transposées au cas des CDI. Mais surtout, s’agissant de projets de longue haleine et aussi transversaux, leur inscription dans la partie « ouverture culturelle » de l’établissement est tout à fait possible. En collaboration avec les acteurs du collège ou du lycée intéressés, il est très stimulant d’accompagner les élèves souvent demandeurs sur le montage de ces projets. C’est par exemple ce qui a été proposé aux éco-délégués du lycée Renaudeau (Cholet 49). Réunir de l’information sur le sujet et les attentes de leurs camarades, communiquer autour du projet ont été autant de compétences travaillées avec l’équipe du CDI et des collègues de discipline en EMC notamment. Ces séances ont heureusement abouti, grâce au soutien de la Région Pays-de-la-Loire et de la direction de l’établissement, à la déminéralisation d’une partie de la cour en 2022, un projet pionnier dans le paysage des lycées français. En plus de la satisfaction de voir leur demande prise en compte par la collectivité, les éco-délégués ont eu celle de planter, avec de nombreux camarades, une mini-forêt à cet emplacement, grâce à une campagne de mécénat menée par une association locale (MiniBigForest). La pédagogie très différenciée menée en extérieur par le CDI à destination d’un petit groupe, comme nous le mentionnions plus haut, a ainsi eu des répercussions sur un ensemble beaucoup plus vaste d’élèves.
Ce type de projets, comme tous ceux qui concernent l’extérieur, contribue de façon évidente à développer l’autonomie des élèves. Plus encore, il leur permet de réaliser toute la portée de leurs actions et le fait de percevoir leur faculté à changer le cours des choses. Qu’il s’agisse d’empouvoirement, d’agentivité ou de capacitation, avec les spécificités de chacun de ces concepts (Maury & Hedjerassi, 2020), il est reconnu que la mise en action contribue très largement à faire baisser les émotions négatives telle que l’éco-anxiété, ce trouble ressenti par de plus en plus d’adolescents à l’égard de la crise de la biodiversité et du changement climatique. En tant que professeurs documentalistes, jour après jour, il est possible d’aider à créer ce sentiment de reprise en main de leur vie chez les élèves, dans la cour ou dans un jardin de la même manière qu’au CDI et de contribuer à proposer une éducation à l’Anthropocène de qualité. Après les épreuves que furent les confinements et leur suite pour nombre d’entre nous, faisons le pari de les accompagner sur le chemin de la construction d’un futur souhaitable grâce au dehors. Et puisqu’à plusieurs, on est plus fort, profitons de l’organisation des Rencontres Internationales de la Classe Dehors organisées à Poitiers du 31 mai au 4 juin pour nous rencontrer et oser cette pratique pédagogique enthousiasmante par bien des points.

Affiche des Rencontres internationales accueillies par la ville de Poitiers à la fin du printemps. FabPéda CC BY SA NC

 

Création d’une maison d’édition par des lycéens Les Éditions Je Vous aime

« Partout où il n’y aura rien, lisez que je vous aime »
Denis Diderot, Lettres à Sophie Volland, lettre du 10 juillet 1759

Tout est parti d’une boutade.
Les conditions d’exercice dans mon lycée (deux sites distants de dix bonnes minutes de marche, deux CDI distincts, journée continue) m’ayant amenée à développer la pédagogie de projet, je monte souvent des concours littéraires. En 2018-2019, j’en avais lancé un sur le thème Horizons, ouvert aux élèves du lycée, et en 2019-2020, un autre sur le thème Ruptures, qui, le confinement venu, a abandonné son caractère sélectif pour s’ouvrir à tout texte et aux contributions adultes. Nous avions besoin en cette période d’isolement forcé de maintenir un lien qui ne soit pas purement utilitariste et atténue l’angoisse.
Deux élèves, lauréats du premier concours, garçons passionnés de littérature et écrivains en herbe, avaient pris l’habitude de me rencontrer hebdomadairement au CDI pour que je corrige et améliore leur manuscrit en cours d’écriture. C’était un album illustré pour enfants. À des fins d’édition. Nous l’avons envoyé à plusieurs éditeurs, en vain, mais nous persévérions. Ce texte était sentimental, comme il convient au genre, fleur bleue parfois, tellement qu’un jour, en riant, je leur lance : « Vous devriez fonder les Éditions Je Vous aime ! » et nous voilà plaisantant, imaginant les noms de nos collections et nos futurs slogans publicitaires (trash).
Quelques mois plus tard, ils reviennent au CDI et me lancent : « Madame, on le fait ! » … Comme quoi le professeur documentaliste peut être un détonateur.
De deux élèves, nous sommes passés à quatre, puis cinq (trois filles et deux garçons). Une association loi 1901 a été créée pour les Éditions Je Vous aime, j’ai appris à cette occasion, grâce à eux, que des mineurs pouvaient le faire – car ils étaient tous mineurs – à condition d’avoir au moins 16 ans. Au bureau de l’association ne figurent que les élèves, les professeures documentalistes ne sont qu’adhérentes. Les statuts ont pour objet de promouvoir les jeunes talents artistiques, dans des domaines autres que la littérature, ce qui nous permettait d’ouvrir le champ des éditions. Sur le site de l’administration française (service-public.fr) on peut faire toutes les démarches en ligne et tout est gratuit, même la publication au Journal Officiel des associations1. Rien n’a posé de réelles difficultés, si ce n’est qu’en attendant d’avoir un compte bancaire, les Éditions Je Vous aime ont utilisé celui du père du président.
Puis nous avons préparé notre première publication : un livre issu d’un concours d’écriture libre sur le thème choisi par les élèves Adolescence.

Raphaël, Rosa, Mme Rousselle

Très vite, Nathalie Rousselle, professeure documentaliste sur l’autre site du lycée, nous a rejoints et nous avons fait connaître le concours à l’intérieur de l’établissement par les canaux de communication habituels (ENT, affichage, professeurs principaux, équipe de lettres…) pendant que les élèves créaient un compte Instagram pour les éditions et une adresse mail. Nous avons reçu 29 textes, de tout genre littéraire et de moins de cinq pages (en théorie !).
Nous avons donc dû choisir parmi ces 29 textes ; le jury, composé des élèves-éditeurs, de Nathalie Rousselle et de moi-même, s’est réuni un mercredi après-midi au CDI pour en juger. Il serait difficile de relater cette première séance, où la précision de l’argumentaire rivalisait avec le sens de la formule et de la pique qui fait mouche ! Agrémentés de carambars et de boissons sucrées, les débats étaient âpres : tous les textes (dont chacun avait préalablement pris connaissance) étaient lus à haute voix et commentés. On les éliminait au fur et à mesure en les jetant au centre de la table, bref une séance avec la fougue d’un tripot !
Toute forme étant acceptée, nous n’avions pas de critères préétablis, il nous a fallu les inventer ensemble, au-delà des traditionnels « premier, deuxième et troisième » prix ou « Prix coup de cœur ». Et cela a été l’occasion de définir notre ligne éditoriale : obligation d’avoir un destinataire, le lecteur (donc élimination des textes écrits « pour soi », même quand ils avaient des qualités littéraires), priorité à l’originalité et au style, notion « subjectivo-objective » ! Le jury a retenu huit textes, en prose, parfois poétiques, parfois théâtraux ou narratifs, tous personnels.
Les huit lauréats étaient en grande majorité des élèves du lycée, plus un texte sous pseudonyme dont le mystère n’a été dévoilé que bien plus tard.
La question financière s’est très vite posée, dès qu’un imprimeur a été trouvé (par les élèves) pour éditer le premier titre Adolescences. Que toutes les mamies soient ici publiquement remerciées pour le coup de pouce qu’elles ont donné, elles ont constitué en grande partie notre trésorerie initiale !
Nous avons ainsi édité une centaine d’exemplaires de ce premier titre, vrai livre avec un vrai ISBN, illustré par une élève-éditrice et vendu 15 euros. Tous les exemplaires sont partis très vite, sur l’un ou l’autre site du CDI, ou lors des séances de signatures et les lectures organisées au lycée. C’est au CDI également que nous avons fait la cérémonie de remise des prix, pendant laquelle chaque auteur a reçu un exemplaire du livre et une lithographie personnalisée par notre illustratrice en souvenir.

Lili et Lukas

Nous avions pris un rythme de croisière, avec une réunion hebdomadaire au CDI : nous discutions avec les élèves de l’avancée des choses, des tâches à accomplir (correction des textes, relations avec l’imprimeur, avec les auteurs, mise en page, dates et organisation des lectures, publicité…) ainsi que de leurs projets littéraires personnels, car bien entendu cette aventure n’aurait jamais été possible si les élèves n’avaient pas été passionnés de littérature et d’art en général.
De mon côté, j’ai cherché à donner un maximum de rayonnement à nos éditions. Le journal Le Parisien qui avait été contacté a publié un bel article sur le projet, et un rendez-vous a été pris avec la maire de l’arrondissement qui nous a reçus, grandement encouragés et a versé une subvention annuelle de 3000 euros.
Cela nous a permis de sortir le second livre assez rapidement, Version infinie, un recueil de poésie illustré par l’autrice elle-même, Rosa Carrier, une élève membre fondatrice de l’association.
Il nous a été moins facile de le vendre, au prix de onze euros, car il n’avait qu’un auteur (donc moins de familles et mamies…) et aussi parce que la poésie est un genre plus difficile, même dans un lycée très versé dans les arts comme le nôtre, avec des classes à horaires aménagés en musique, en danse et la spécialité et l’option théâtre… il nous en reste encore quelques-uns. Avis aux amateurs ! Le journal municipal a interviewé l’autrice au sujet de sa passion de l’écriture et des Éditions Je Vous aime. Nous avons organisé à nouveau des lectures et des signatures, musicalisées par les élèves eux-mêmes, au lycée et à la petite librairie Le Guillemet avec laquelle nous travaillons.
Nathalie Rousselle a eu l’idée de nous mettre en contact avec le centre d’animation municipal Beaujon de notre secteur. De là est née une collaboration qui continue encore aujourd’hui, et l’idée de faire des Éditions Je Vous aime un laboratoire de création artistique pour la jeunesse. Le chargé de programmation du centre nous a aiguillés vers une autre subvention de la mairie de Paris qui soutient les projets des jeunes, Quartier libre, subvention que nous avons obtenue.
Parallèlement, nos jeunes éditeurs créaient le site internet des Éditions Je Vous aime et nous lancions le second concours d’écriture sur le thème Désir. Les élèves ont conçu affiches et flyers. Et cette fois les participations sont arrivées non seulement de Paris, mais de toute la France et même du Luxembourg.
Le nombre de textes reçu augmentant et le niveau littéraire également, il convenait d’envisager la réunion du jury sur un autre modèle que la première : une seule réunion ne permettait plus la lecture à haute voix in extenso de la quarantaine de textes reçus. Nous avons dû organiser deux réunions, une première « éliminatoire » et une seconde pendant laquelle nous avons imaginé le libellé des prix correspondants à chaque texte des treize auteurs retenus, avec humour et imagination, car nous commencions à nous sentir à l’étroit dans les formes habituelles du concours. Quelques exemples de libellés : Prix de la chute, Prix Chanel numéro 5, Prix Icare, Prix du mandat d’arrêt, Prix du casting, Prix de la chromo, etc. Les critères étaient les mêmes que pour la constitution du premier livre : hardiesse et originalité, sur le fond comme sur la forme, engagement personnel dans le texte, intentionnalité manifeste de s’adresser à un lecteur. Trois jeunes filles ont illustré le recueil de dessins en couleur.
La mairie du huitième arrondissement a mis à notre disposition la salle des mariages pour la remise des prix qui s’est donc déroulée dans la magnificence des ors de la République.
Le recueil Désir, sorti en avril 2022, est en vente sur le site des éditions2 et au lycée.
Cette année, notre troisième concours d’écriture a été lancé en septembre sur le thème Exploser le cadre ! Les textes pouvaient être envoyés, jusqu’à fin janvier, par mail à editionsjvm@gmail.com ou par lettre au lycée Racine en mentionnant le concours. Il fallait seulement avoir moins de 25 ans et écrire 5 pages maximum. Il donne lieu à notre quatrième livre.
Le jury s’est réuni fin janvier pour une après-midi de travail pendant laquelle nous avons sélectionné 8 textes sur les 33 reçus. C’est un bon cru, les textes étaient nombreux à être de qualité. Pour les départager, les débats ont porté, cette fois-ci, sur l’importance accordée à l’interprétation, plus ou moins serrée, du thème, sur l’originalité de la forme, et même sur les potentialités que le texte, même imparfait, laissait deviner de son auteur. Du vrai travail d’édition donc ! Trois des auteurs choisis ont été sollicités pour améliorer leur texte en fonction des propositions qui ont été faites. Le recueil est disponible au lycée et sur le site des éditions.

Sur le vif ! Paroles d’élèves

« Tout est parfaitement visible, comme au cinéma. Et quelle peinture économique et sociale. Il y a du Balzac ! On tient là un romancier, j’en suis sûr ! » (Balthazar à propos d’un texte qui ne faisait pas – encore – consensus.)

« Je ne sais pas si ce thème est rebattu, peut-être, mais le texte est intéressant du point de vue psychanalytique et la chute, moi, m’a surprise. Je ne m’y attendais pas du tout. » (Rosa, défendant un texte contre tous.)

« Les textes sont imparfaits, c’est normal. Mais il vaut mieux choisir un texte avec un rapport discret au thème qui demande moins de retravail, qu’un autre, en plein dans le thème, mais qui risque de ne rien donner après réécriture. » (Raphaël, sur le fait de savoir si être loin du thème est rédhibitoire ou pas.)

« Ce n’est pas grave si je suis éliminé ! Comme on peut envoyer des textes jusqu’à l’âge de 25 ans, j’ai encore quatre ans pour m’améliorer ! » (Lukas, qui n’a pas participé au jury car il a concouru.)

Balthazar et Raphaël

Les Éditions Je Vous aime ont fait également un appel à projet cette année, qui ne constitue pas un concours, pour une exposition collective sur le même thème, d’œuvres d’arts plastiques (photographie, dessin, peinture, collage…).

Les élèves à l’origine du projet éditorial ont toujours fait preuve d’un grand bouillonnement créatif. Et dès 2022, deux d’entre eux, Balthazar Pouilloux et Rosa Carrier, ont, pour le premier écrit, et pour la seconde co-mis en scène, un seul en scène, Fugue, joué à l’espace Beaujon par Balthazar, sur la question du viol dont sont victimes parfois… les hommes.

Depuis, la vocation d’incubateur artistique des Éditions Je Vous aime ne cesse de s’affirmer : le projet en cours est d’adapter Le Petit Prince de Saint-Exupéry en opéra. Deux élèves écrivent le livret et mettent en scène, des élèves ou anciens élèves du lycée, musiciens ou élèves au conservatoire régional de musique, composent, orchestrent, jouent ou chantent et un professeur de musique dirige le chœur. La représentation aura lieu à la salle Gaveau à Paris, le 11 juin à 16 h.
Les membres fondateurs des Éditions Je Vous aime qui ont vu le jour en 2020 sont maintenant étudiants et ont quitté le lycée. Le pari est désormais de faire vivre la maison d’édition en intégrant les nouveaux élèves qui ont rejoint l’aventure cette année, et de trouver un mode de fonctionnement démocratique permettant aux envies de chacun de s’exprimer et aux talents de tous de s’épanouir.
Souvent, les professeurs documentalistes pâtissent des nouvelles réformes au sens où les collègues de discipline, obsédés par l’idée de « tenir le rythme » et finir le programme, écrasés par les nouvelles tâches liées aux diverses procédures informatiques, n’ont plus le temps de collaborer avec eux : ce que les Éditions Je Vous aime démontrent, c’est qu’il suffit de réaliser à quel point nos élèves sont brillants, passionnés, entreprenants et ambitieux pour pouvoir, à leurs côtés, jouer notre rôle de catalyseur.

Le sommeil

INSTITUTIONS / ASSOCIATIONS

L’Institut National du Sommeil et de la Vigilance, Paris : il regroupe des professionnels de santé et des patients qui œuvrent pour une communication et une prévention sur le sommeil, pour que ce dernier soit reconnu comme un facteur essentiel de santé. On retrouve sur son site des informations, des conseils et les dates importantes en lien avec le sommeil :
https://institut-sommeil-vigilance.org/
Rapport : Sommeil un carnet pour mieux comprendre :
https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/Sommeil_un_carnet_pour_mieux_comprendre.pdf

Conseil scientifique de l’Éducation Nationale : Synthèse de mars 2022 : Mieux dormir pour mieux apprendre :
https://www.reseau-canope.fr/fileadmin/user_upload/Projets/conseil_scientifique_education_nationale/CSEN_Synthese_Mieux_dormir_pour_mieux_apprendre_WEB.pdf

Les centres du sommeil : « Ils sont dédiés à l’exploration du sommeil et de ses pathologies. Ils permettent de réaliser des examens poussés. » Adresses par régions :
https://institut-sommeil-vigilance.org/ou-consulter-reseau-sommeil-france/

Le Centre d’Investigation et de Recherche sur le Sommeil, Lausanne : il étudie et traite les différentes formes de troubles du sommeil. Il propose des consultations et investit dans la recherche pluridisciplinaire sur les troubles du sommeil.
https://www.chuv.ch/fr/sommeil/cirs-home

Le Centre Interdisciplinaire du Sommeil, Paris : prise en charge de tous les types de troubles du sommeil par des médecins, des psychologues, des techniciens du sommeil…
https://cisparis.net/

Réseau Morphée, Association, Garches : « réseau de santé consacré à la prise en charge des troubles chroniques du sommeil ».
https://reseau-morphee.fr/

Sommeil et santé, Boulogne Billancourt : association pour s’informer sur les troubles du sommeil : sommeil normal, risques du sommeil, insomnie, vigilance, ronflement, somnolence, troubles du sommeil chez l’enfant. Possibilité de tester son sommeil.
http://www.sommeilsante.asso.fr/

EXPOSITIONS – JOURNÉES

Les 5 sens – le sommeil : pour collégiens et lycéens. Prêtée par le Centre sciences situé en Centre-Val de Loire (80 € l’adhésion annuelle pour 4 expositions par an). Dix panneaux.
https://www.centre-sciences.org/ressources/les-5-sens-le-sommeil

Le fonctionnement du sommeil : exposition réalisée par l’espace santé jeunes de la ville de Neuilly-sur-Seine. Douze panneaux. Fonctionnement du sommeil, les règles d’hygiène, différents troubles.
https://sommeilenfant.reseau-morphee.fr/exposition-le-fonctionnement-du-sommeil/

Sommeil de rêve : Dix panneaux. Exposition proposée par Double hélice. Cette exposition, payante, est principalement empruntée par les collectivités où elle est visible gratuitement.
https://www.double-helice.fr/fr/expositions/sante/e/sommeil-de-reve.html
Elle est disponible en PDF sous son ancien nom Précieux sommeil (seul le graphisme est différent) à cette adresse :
http://www.pls-amiens.fr/Ressources-pedagogiques/Expositions/Precieux-Sommeil

La journée mondiale du sommeil : le 3e vendredi du mois de mars. Programme chaque année en France sur le site journeedusommeil.org. Pour sensibiliser le public aux questions importantes liées au sommeil (santé, éducation…).
http://journeedusommeil.org/

PISTES PÉDAGOGIQUES

S’emparer de la journée mondiale du sommeil pour proposer des projets ou des activités autour du sommeil : faire réaliser une plaquette d’information à destination des autres élèves ; participer à la mise en place des stands de prévention (dans la cour, dans le hall) avec l’infirmier-ère, les professeurs de SVT…

Organiser des ateliers siestes flash sur le temps du midi rappelant les techniques pour s’endormir sereinement.
Emprunter une exposition et l’installer dans un endroit stratégique de l’établissement et inviter les professeurs à l’exploiter avec leurs classes.

Réflexion sur l’importance du sommeil, en classe, avec le professeur de SVT. Partir du fait que des élèves s’endorment parfois en plein cours ou au CDI. Faire prendre conscience aux élèves de la qualité de leurs nuits par un questionnaire type Kahoot, tout en soumettant des solutions pour améliorer le sommeil de nos adolescents.

EMI/SVT : distinguer croyance, opinion et connaissance scientifique par l’analyse d’articles scientifiques en s’inspirant de l’activité de classe proposée par la fondation La main à la pâte :
https://synapses-lamap.org/2021/05/25/activite-de-classe-le-temps-du-sommeil-cycles-3-4/

Proposer des activités de détente, propices à la mise en place du sommeil, que les élèves pourraient réinvestir le soir chez eux : musique douce, temps de lecture, relaxation, yoga….

Recherches documentaires sur les différentes coutumes pour bien dormir dans le monde (les différents types de couchage, la sieste…).

Intervention de la Maison des adolescents ou d’une autre association pour, notamment, mettre en évidence le lien entre le manque de sommeil et l’addiction aux écrans.

Faire venir une compagnie pour présenter une pièce de théâtre participative, afin de mettre en évidence l’importance d’un sommeil de qualité.

DANS LES PROGRAMMES

La santé des élèves : programme quinquennal de prévention et d’éducation : «la promotion des comportements favorables à la santé notamment en matière de nutrition, d’activité physique, d’exposition solaire, de qualité du sommeil.»
Circulaire n° 2003-210 du 1er décembre 2003
BO n° 46 du 11 décembre 2003
https://www.education.gouv.fr/bo/2003/46/MENE0302706C.htm

Collège

SVT, cycle 4
Thème : Le corps humain et la santé. Activité cérébrale et hygiène de vie. Sommeil et mémorisation/apprentissage :
https://eduscol.education.fr/document/17449/download
BOEN n° 31 du 30 juillet 2020
Sur Éduscol, de nombreux documents autour de la relation entre sommeil et santé :
https://eduscol.education.fr/document/17446/download
https://eduscol.education.fr/document/17443/download
https://eduscol.education.fr/document/17440/download

Lycée

ST2S : sciences et technologies de la santé et du social
Baccalauréat 2021 : « partie 2 : développement s’appuyant sur un dossier documentaire sommeil et santé. »
https://www.sujetdebac.fr/annales-pdf/2021/st2s-spe-sciences-sanitaires-sociales-2021-metropole-remplacement-sujet-officiel.pdf
Sciences et techniques sanitaires et sociales, terminale, Concours général des lycées, 2017 : « Sommeil et santé des jeunes. »
https://eduscol.education.fr/document/8732/download

SVT, enseignement de spécialité, Terminale
Thème 3 – Le corps humain et la santé. « Comportements et stress : vers une vision intégrée de l’organisme ; l’organisme débordé dans ses capacités d’adaptation : pratiques favorisant le sommeil, le contrôle de la respiration et la détente musculaire permettant une meilleure gestion du stress […]. »
BO spécial n° 8 du 25 juillet 2019

Enseignement optionnel d’EPS, 2de, 1re, Terminale
Activité physique, sportive, artistique et santé : « l’étude du surentraînement, de la nutrition, de l’hygiène, du sommeil et de la récupération. »
https://eduscol.education.fr/document/25318/download
BO n° 25 du 24 juin 2021

OpenClipart-Vectors de Pixabay CC

Articles de presse

Articles de presse collège

Le sommeil et ses secrets. Journal des enfants n° 1753, 22/10/2020, p. 8-10

Blancard, Laure. Allez hop, au dodo ! Okapi n° 1105, 01/02/2020, p. 10-15

Blancard, Laure. La marmotte en mode pause. Okapi n° 1125, 01/01/2021, p. 9

Chevalier, Aurore. Pourquoi dormons-nous les yeux fermés ? Science & vie junior n° 374, 11/2020, p. 68

Déchamps, Sonia. Fais de beaux rêves ! Le Monde des ados n° 470, 17/03/2021, p. 15-21

Gélot, Hélène. Dans la tête des rêveurs lucides. Science & vie junior n° 381, 06/2021, p. 20-24

Gillot, Marion. Le dodo et ses secrets. Le Monde des ados n° 453, 27/05/2020, p. 40-41

Leroux, Hugo. Le manque de sommeil perturbe la chimie du corps. Science & vie junior n° 377, 02/2021, p. 72

Martelle, Nicolas. Les pouvoirs de la Lune. Géo Ado n° 205, 03/2020, p. 38-39

Mérat, Marie-Catherine. Un cauchemar peut-il vous tuer ? Science & vie junior n° 355, 04/2019, p. 80-83.

Articles de presse lycée

Le manque de sommeil altère le cerveau des ados. Inserm, 8 mars 2017 : article sur les conséquences du manque de sommeil sur le cerveau des adolescents :
https://presse.inserm.fr/le-manque-de-sommeil-altere-le-cerveau-des-ados/27478/

Sciences et avenir. Hors-série n° 203 sur le sommeil, 10/2020, p.10-21

Sciences humaines n° 336 sur le sommeil, 05/2021, p. 30-49

Cinq questions pour gérer les troubles du sommeil. Sciences et avenir n° 884, 10/2020, p. 84-86

Dans la fabrique des rêves. Courrier international n° 1634, 24/02/2022, p. 26-31. Dossier de presse internationale consacré au regain dintérêt pour l’analyse et le contrôle des rêves.

Pourquoi sommes-nous si fatigués ? Philosophie Magazine n° 134, 11/2019, p. 45-65, encart 1-15

Albandea, Hugo. Pourquoi dormons-nous moins ? Sciences humaines n° 315, 06/2019, p. 12

Ekirch, A., Roger. La révolution du sommeil. L’Histoire n° 488, 10/2021, p.70-74. Étude historique de la place du sommeil dans la société occidentale.

Le Nestour, Claire. Les clés du sommeil. Phosphore n° 545, 01/01/2023, p. 28-35

Morin, Hervé. Sur les traces des bêtes sauvages. 2/6, La frégate, marathonienne insomniaque et noctambule. Le Monde n° 22 883, 08/08/2018, p. 26. Présentation des recherches effectuées sur la frégate du Pacifique afin de décrypter, entre autres, le sommeil de l’oiseau en vol.

Sender, Elena. Les 7 clés de l’apprentissage. Sciences et avenir n° 896, 10/2021, p. 34-40

DOCUMENTS AUDIOS

Chansons

Barbara. Le sommeil. Philips, 1968. 3’08

Corneille. Manque de sommeil. Musicor, 2019. 4’52

Couture, Charlélie. Même pas sommeil. Rue bleue, 2019. 2’47

Daho, Étienne. Le grand sommeil. Virgin, 1984. 4’20

Davies Ray, The Pretenders. I Go to Sleep. Pye Records, 1980. 2’42

Daya. Insomnia. Universal Music, 2019. 3’

Dutronc, Jacques. Il est 5 heures. Vogue, 1968. 2’55

Hoshi. Sommeil levant. Jo and co, 2020. 3’03

Stromae. Sommeil. Universal, 2013. 3’39

The Beatles. I’m Only Sleeping. Capitol, 1966. 2’57

Vincent, Cléa. Nuits sans sommeil. Midnight special records, 2019. 2’51

White, Jack. I guess I should go to sleep. Third Man Records, 2012. 2’37

Wright, Chely, Walker, Clay. I Can’t Sleep. RCA Nashville, 2004. 4’2

Podcasts

Imbert, Christophe ; Ameisen, Jean-Claude. À la recherche des mystères du sommeil. Série : épisode 1 : 52 mn. ; Épisodes 2 et 3 : 54 mn. France inter, janvier 2022.
1- https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/sur-les-epaules-de-darwin/sur-les-epaules-de-darwin-du-samedi-08-janvier-2022-2638336
2- https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/sur-les-epaules-de-darwin/sur-les-
epaules-de-darwin-du-samedi-15-janvier-2022-
2596383
3- https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/sur-les-epaules-de-darwin/sur-les-epaules-de-darwin-du-samedi-22-janvier-2022-5657588

Bellanger, Anthony. Voyager pour dormir : l’essor du tourisme du sommeil. France inter, vendredi 14 octobre 2022. 2 mn.
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-chronique-d-anthony-bellanger/histoires-du-monde-du-vendredi-14-octobre-2022-5352739

Dolat, Béline. Notre sommeil, entre l’intime et le politique. France culture, samedi 12 mars 2022. 28 mn.
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-vie-mode-d-emploi/notre-sommeil-entre-l-intime-et-le-politique-8860750

Erner, Guillaume. L’insomnie, l’échec du sommeil. France culture, dimanche 19 décembre 2021. 15 mn.
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/superfail/l-insomnie-l-echec-du-sommeil-1149124

Mosna-Savoye, Géraldine. Ce serait pas l’heure de la sieste ? France culture, lundi 3 octobre 2022. 58 mn.
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/sans-oser-le-demander/ce-serait-pas-l-heure-de-la-sieste-5574139

N’Diaye, Aïda ; Nadjar, Vanessa. Quels sens donner à nos rêves ? Épisode 3 de la série : Que valent nos interprétations ? France culture, mercredi 28 décembre 2022. 59 mn.
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/avec-philosophie/quel-sens-donner-a-nos-reves-3321915

FILMOGRAPHIE

Documentaires

Jochum, Anne. Il était une fois le sommeil. Préparons demain, 2022. 52 min. Est principalement évoquée dans ce film la nécessité de dormir pour bien grandir.

C’est toujours pas sorcier : le sommeil, essentiel à la nuit. France.tv, disponible jusqu’au 01/03/2024. 26’24.
https://www.france.tv/france-4/c-est-toujours-pas-sorcier/saison-3/2536703-le-sommeil-essentiel-a-la-vie.html

Plateforme Lumni : en entrant le mot clé « sommeil », de nombreuses courtes vidéos niveaux collège et lycée. Quelques exemples : Peut-on rattraper son manque de sommeil ? Le sommeil, l’ami de la mémoire, Le sommeil, guide pratique ou encore Le sommeil des animaux.


Fictions

Andersen, Brad. The machinist. Paramount classics, 2005. 1 h 42

Gondry, Michel. La science des rêves. Gaumont Columbia Tristar Films, 2016. 1 h 45

Hernandez, Gustavo. No dormiras. Eurozoom, 2018. 1 h 46. Thriller psychologique. En privant ses comédiens de sommeil, Alma, qui mène la compagnie théâtrale, pense qu’ils vont donner le meilleur d’eux-mêmes.

Lellouche, Gilles, Aurouet, Tristan. Narco. Mars distribution, 2004. 1 h 45

Nolan, Christopher. Insomnia. Warner Bros, 2002. 1 h 56

REPRÉSENTATIONS ARTISTIQUES

Tableaux

Boucher, François. Le sommeil des Amours. 1739, Musée du Louvre (Paris)

Cima, Giovanni Battista. Le sommeil d’Endymion. 1501, Galerie Nationale (Parme)

Courbet, Gustave. Les demoiselles des bords de Seine. 1857, Petit Palais (Paris)

Courbet, Gustave. Les demoiselles des bords de Seine. 1857, © Petit Palais / Roger-Viollet

Dali, Salvador. Le sommeil. 1937. Collection privée

Rousseau, Henri. Le rêve. 1910, Museum of Modern Art (New York)

Gauguin, Paul. La sieste. 1893, Metropolitan Museum of art (New York)

Van Gogh, Vincent. La méridienne. 1890, Musée d’Orsay (Paris)

Sculptures

Foyatier, Denis. La sieste. 1848, Musée du Louvre (Paris)

Houdon, Jean Antoine. Le sommeil. 18e siècle, Musée du Louvre (¨Paris)

Messerschmidt, Franz-Xaver. Homme qui baille. 1780

Mueck, Ron. Mask II. 2001

Performances et installations

La performance de Sebastian Errazuriz, New York parcourue par les bâillements de l’artiste.

Les performances de Virgile Novarina sur le sommeil, thème central de l’artiste.

Kraft, Ursula. Nymphalis antopia. 2007

Sorin, Pierrick. Les réveils. 1988. Centre Pompidou

Turc, Philippe. La sieste. 2012

JEUX DE SOCIÉTÉ

Ausloos, David. Dreamscape. Sylex. 2019. 30 min.
À partir de 12 ans, 1 à 4 joueurs. But du jeu : en 6 tours, récolter des éclats de rêve pour les assembler en paysages et gagner des points de sommeil.

Darsaklis, Chris. When I dream. Repos production. 2017. Moins de 30 min.
À partir de 8 ans, 4 à 10 joueurs. But du jeu : tenter de se souvenir de ses rêves en incarnant un rêveur.

 

 

La photographie

« Je me suis intéressé à la photographie non en prenant ou en voyant des photos mais en lisant à ce sujet », telle est l’introduction du livre de John Berger, Comprendre une photographie. Nous aimerions savoir pourquoi partout, on se prend en photo, on se met en scène, on collectionne des images. L’homme cherche depuis les débuts de la photographie à laisser une trace, à partager sa présence au monde. La photographie est devenue une écriture populaire, quotidienne : je vis donc je photographie. Chaque cliché est mis en ligne, partagé, liké, retweeté, commenté puis détourné parfois. La photographie a une vie qui échappe à son propriétaire. Le numérique a multiplié la fabrication des images, les a rendues librement accessibles et a enrichi notre univers documentaire. Il ne faudrait pas attendre d’atteindre la saturation, c’est-à-dire le point de rupture où nous ne pourrions plus avoir assez d’attention pour les regarder. Ainsi, dans ce thèmalire, nous allons proposer une sélection de romans qui définissent la photographie, réinterrogent son histoire, son utilisation… Nous allons rendre hommage au geste photographique : cadrer, arrêter de respirer, appuyer : c’est dans la boîte ; la chambre claire de Barthes, rappeler son essence, la photographie, c’est, donc : « ça a été ». Enfin, nous allons nous attarder à regarder ces images singulières que sont les photographies, à la fois support d’informations et œuvres d’art. Les photographies nous ouvrent au monde alors perdons du temps à les contempler, à scruter le moindre détail, à nous interroger. Chaque image est une histoire dont il faut percer le mystère. C’est pourquoi, dès le plus jeune âge, éduquons le regard, admirons des collections d’images choisies et lisons ensemble des livres portant sur la photographie.

Jeux et je photographiques

« Aujourd’hui la photographie est présente partout, au-delà des salles de classe ». Susan Meiselas adresse son livre Eyes open : 23 idées photographiques pour enfants curieux aux enseignants et aux élèves. C’est une démarche commencée dès 1974, alors qu’elle n’a que 26 ans, avec le projet « apprendre à regarder ». Ce livre, publié en 2021 pour ses 73 ans, en est un des aboutissements. C’est une invitation à découvrir le monde. Selon elle, le photographier permet de l’explorer. Susan Meiselas n’hésite pas à s’adresser au lecteur et l’invite à regarder ce qui se cache derrière tout ce que l’on voit. Cet ouvrage est aussi selon ses mots un « voyage photographique » à parcourir au fil de ses envies, sans suivre la discipline des pages. Ce sont des enfants qui photographient : le pareil, le « pas pareil », le cadre en l’encadrant, la lumière, le mouvement, les animaux qui les entourent, la nature pour l’observer mieux, leur quartier, leur maison, les personnes de leur entourage, leur famille, eux-mêmes, en revisitant le passé de leurs ancêtres, en inventant aussi des paysages imaginaires ou en s’immisçant dans une œuvre d’art. Le livre est ponctué de citations d’autres photographes célèbres comme celle de Zoé Léonard pour qui l’important est « de former un cadre autour de quelque chose, de le voir à notre manière ». À la fin de la lecture de ce livre qui s’égrène au fil de nos projets photographiques avec les élèves ou nos enfants, vous aussi vous vous prêterez à l’exercice de l’alphabétographie et aurez envie de créer votre propre alphabet à partir d’objets, de lignes et de formes qui rappellent les lettres. La consigne de Susan : « Trouve-les en ville ou à la campagne, dans les ombres, ou dessine-les grâce au cadrage de ton appareil photo ». Photographions le monde pour mieux le voir.

C’est le chemin qu’a aussi emprunté Anita Conti (1899-1997), première océanographe dont l’incroyable destin est raconté dans un roman-doc science aux éditions Bayard Jeunesse. Cette photographe a voué toute sa vie à raconter la vie des pêcheurs tout en s’inquiétant du gaspillage à bord des bateaux. En 1930, âgée de 31 ans, journaliste, photographe et relieuse d’art, Anita Conti est une exception car les femmes n’ont pas alors les mêmes droits que les hommes. Jusqu’à 88 ans, elle prendra des photos sur les chalutiers avant de continuer à témoigner en écrivant dans des livres ou en élevant sa voix dans des conférences. À travers la photographie, elle témoigne des dommages causés par la pêche industrielle et n’aura de cesse de défendre et de protéger les ressources marines.
Être une femme photographe dans un milieu exclusivement masculin dans les années 50 est audacieux. Nous le découvrons aussi dans le roman pour adolescents Au nom de Catherine, qui est la suite du roman La guerre de Catherine, écrit par l’auteure Julia Billet. Fiction inspirée de la vie de sa mère, juive, déplacée dans la maison des enfants de Sèvres qui, ensuite, a été tisserande et dont l’atelier était situé à côté de celui de Max Ernst, à la Ruche, la cité d’artistes. C’est ce passé qui offre le matériel littéraire nécessaire à l’autrice. Elle écrit au sujet de son personnage : Catherine « s’est glissée dans cette période de l’histoire avec son appareil photo mais aussi avec ses questions ». L’héroïne, première femme photographe dans une rédaction, doit réaliser, au début du roman, le portrait de Simone de Beauvoir et découvre à travers elle le féminisme. Elle part ensuite trois mois en Amérique et déplore le racisme. À travers les reportages de Catherine, les techniques photographiques sont évoquées : pour l’anecdote, elle hésite avant son départ entre son Rollei-flex et un Leica. Ce roman nous rappelle qu’il est important de connaître l’histoire de la photographie pour mieux comprendre son impact et évaluer sa portée.

La petite ou grande histoire de la photographie

Vincent Burgeon retrace la grande histoire de la photographie en bande dessinée dans son ouvrage Photographix. Le professeur Photyx nous propose d’être notre guide à travers ces deux siècles qui ont préparé cette révolution par l’image. Le professeur est un photon, une énergie constitutive de la lumière qui prend le pari de nous expliquer comment fonctionne notre œil puis documente l’invention de la photographie. Née en 1839, la photographie est le fruit de siècles de recherches, d’inventions, d’expérimentations par de nombreux scientifiques tel Isaac Newton qui fait l’expérience de la décomposition de la lumière naturelle en couleur distincte et de sa recomposition ; d’artistes comme le peintre Vermeer de Delft qui a utilisé un montage de type camera obscura ; de chimistes, citons Elizabeth Fulhame qui étudie l’action de la lumière sur différents sels d’argent au XVIIIe siècle ; d’intellectuels… A-t-elle été finalement inventée par Daguerre ? L’essor de la photographie entre 1851 et 1900 hisse cette invention au rang d’art. C’est plus qu’une science et plus qu’une technique. Les années suivantes le confirment, la photographie vient documenter le réel, le matériel est plus facile à déplacer, la photographie devient « l’équipement standard des expéditions ». Après 75 ans de noir et blanc, la couleur apparait et donne à mieux voir le monde. « Chaque nouvelle technique offre des avancées sociétales : la photographie, à l’instar de la peinture et de la littérature, […], en se féminisant ouvre la voie à l’émancipation des femmes (Frances Benjamin Johnston, Lucia Moholy, Tina Modotti, Germaine Krull, Anne Brigman, Imogen Cunningham, Margaret Bourkhe-White) ». Elle fait également apparaître des limites éthiques. Ainsi, l’image photographique peut également servir à tromper les hommes quand son message est manipulé. Ce cinquième chapitre est une ressource pertinente pour travailler la Seconde Guerre mondiale avec nos élèves. Aujourd’hui art majeur, la photographie est à la portée de tous. L’auteur tient à relever qu’une infinité de choses reste à photographier et à voir. En effet, aujourd’hui des photos sont créées par une intelligence artificielle, sans appareil photo ni intervention humaine, mais à partir de l’analyse de photographies existantes. À ce sujet, nous ne vous conseillons que trop de regarder la vidéo intitulée : « L’œuvre et l’intelligence artificielle », dans l’émission Le dessous des images, diffusée sur Arte, le 21 novembre 2022.

Pour approfondir nos connaissances sur l’histoire de la photographie, l’ouvrage qui fait foi demeure celui de Walter Benjamin, écrit en 1931, Petite histoire de la photographie, republié par l’éditeur Payot, en 2019, dans une nouvelle version enrichie d’un second essai : Une photo d’enfance. C’est une réflexion qui reste actuelle. L’apparition de la photographie bouleverse le rapport à l’œuvre d’art via la reproduction et l’accès au plus grand public. C’est en parlant des photographies d’Eugène Atget que Walter Benjamin donne une définition de ce qu’il nomme l’aura, « unique apparition d’un lointain, si proche soit-il », notion qu’il est intéressant d’interroger avec les élèves. Dans son deuxième essai, Une photo d’enfance, Walter Benjamin livre ses réflexions, ses émotions sur la photographie de Kafka, enfant, intitulée « Un portrait d’enfant1 ». Tout spectateur est touché par la tristesse du regard de l’enfant, habillé dans des vêtements tissés de fil d’or et de soie, trop petits pour lui, tenant à la main un chapeau trop grand. Walter Benjamin avoue y revivre son enfance. Cette photographie a été réalisée en studio mais beaucoup de photographes vont très vite choisir d’en sortir pour parcourir le monde et nous en rendre compte.

Témoigner du monde et ouvrir nos yeux

Plusieurs bandes dessinées ont choisi de présenter l’œuvre de photographes célèbres, telle que celle de Stanley Greene dont le sous-titre est une vie à vif. Le lecteur est projeté dans les guerres du XXe siècle. La lecture est enrichie par des photographies et un entretien. Des pellicules photos sont reproduites et l’on découvre la sélection du photojournaliste Stanley Greene (1949-2017), tantôt entourée de rouge ou de gommette bleue. Stanley Greene s’est approché au plus près de la mort pour faire vivre ses collections d’images, dit-il, « comme témoignage infime de l’immensité de la douleur ». Il a également couvert en 2005 les dommages causés par l’ouragan Katrina, à la Nouvelle Orléans. Le photographe est, selon lui, un messager qui doit éclairer les endroits les plus sombres du globe.

Nous pouvons également découvrir le photographe Robert Capa dans la BD CAPA, l’étoile filante, écrite par Florent Silloray. Ce dernier choisit de commencer son histoire en 1954, année de la mort de Robert Capa. L’auteur nous offre un portrait plus intime de ce photojournaliste rendu célèbre par le cliché Mort d’un soldat républicain2, publié en 1936, dans le magazine Vu puis rachetée par Life. Capa meurt alors qu’il couvre la guerre d’Indochine. Retenons aussi de lui sa célèbre citation : « Si vos photos ne sont pas assez bonnes, c’est que vous n’êtes pas assez près ».

Enfin, Hélène Kérillis et Laurent Simon, dans Tic ! Tac ! nous permettent de nous intéresser au « pêcheur d’images », comme se nommait lui-même Robert Doisneau, photographe populaire français (1912-1994) et à l’une de ses plus célèbres photographies le Cadran scolaire qui date de 19563.

D’autres bandes dessinées nous font revivre des moments importants de notre histoire à travers les yeux d’un photographe à Mauthausen ou dans la région du Dust Bowl, le bassin de poussières des États-Unis, dans Jour de sable. Aimée de Jongh met en scène John Clark, un photoreporter de 22 ans, engagé par la Farm Security Administration, l’organisme chargé d’aider les fermiers victimes de la Grande Dépression. L’auteur a bénéficié d’une bourse néerlandaise des Lettres pour son voyage de recherches aux États-Unis, retranscrit sur le site www.aimeedejongh.com, qui permet de comprendre combien la photographie est un matériau riche pour raconter l’Histoire et des histoires.

Enfin, plus récemment, c’est Sylvain Prudhomme qui, dans Photomatons, revisite « l’instant décisif », expression attribuée à Henri Cartier-Bresson et qui désigne le moment où tous les éléments d’une même scène sont en parfaite harmonie. L’écrivain ouvre son livre par cette citation du photographe belge Harry Gruyaert : « C’est comme à la chasse ou à la pêche : il faut essayer d’avoir de la chance ». Sur une page, à partir du 28 février 2020 à 8 h 56, l’auteur trace un rectangle de la taille d’une photo d’identité et l’habite de mots dessinant la photographie de son « après confinement ». Et tous les jours, il retracera un rectangle qu’il noircira de mots pour tenter de fixer chaque jour et révéler une minute de sa vie. Son journal autobiographique s’écrit ainsi jusqu’au 4 janvier 2021 à 12h22 et offre un contre-champ au quotidien. Dans ce livre, aucune photographie en image, juste le cadre d’un portrait écrit, un exercice intéressant à proposer aux élèves.
Ceci soulève une question : la photographie illustre-t-elle les mots qui ne se disent pas ou les maux du monde ? A-t-elle le pouvoir de nous permettre de bien voir ?

Du bon usage de la photographie…

Dans la pièce de théâtre, inspirée d’un fait réel, Michelle doit-on t’en vouloir pour avoir fait un selfie à Auschwitz, une jeune adolescente en voyage scolaire va être critiquée par ses camarades pour avoir osé prendre une photo dans le camp de la mort. Sur les réseaux, les messages déferlent et prennent parti contre elle. L’auteur Sylvain Levey transpose l’histoire de Breanna Mitchell, jeune adolescente américaine qui, en juin 2014, postait une image d’elle prise dans le camp d’Auschwitz sur Twitter. Un geste irréfléchi qui a entrainé une vague de propos violents. Plutôt que de blâmer une pratique, l’auteur souhaite mettre l’accent sur la place de la photographie dans notre société.

Un autre bon usage de la photographie peut être mis en avant : la proposition à un auteur, faite par les éditions Thierry Magnier, d’écrire une fiction à partir d’une série d’images prises par un photographe qu’il ne connait pas. Née en 2007, la collection Photoroman compte aujourd’hui 17 titres et offre un regard nouveau sur des clichés revisités comme La porte rouge coécrit par Valentine Goby pour les textes et Hortense Vinet pour les photographies. Cette fiction à lire par les collégiens et les lycéens conte l’histoire d’une adolescente qui prend la décision de ne plus sortir de chez elle, puisqu’elle ne peut pas se promener en mini-jupe sans se faire insulter et qui ne sortira donc que pour voir si une canette continue de tomber au pied de son immeuble jour après jour, au coucher du soleil.

Changeons de regard, lisons de la photographie !

La photographie est l’autobiographie des hommes qui décident de figer un instant décisif dans leur vie. La photographie est aussi une invitation au voyage, alors si vous nourrissez l’envie de visiter les villages méditerranéens, feuilletez le livre de Raymond Depardon Communes, qui offre 80 photos prises à la chambre argentique dans l’arrière-pays, en Occitanie. Raymond Depardon a conduit ce projet pendant le confinement ; il a décidé d’aller prendre en photo les 280 villages menacés par l’exploitation du gaz de schiste et dont les habitants s’étaient soulevés contre le permis de Nant4, ayant ainsi pu préserver leur territoire.

La photographie peut nous faire réaliser qu’il est temps de protéger la nature et de resserrer les relations avec les animaux, de renouer les liens entre les hommes en lisant le catalogue de la magnifique exposition Amazônia de Sébastiao Salgago pour « grandir en humanité ». Selon Stanley Greene, « une bonne photo, était une image intelligente qui montrait de l’humanité ».

Faire entrer ces références sur les rayonnages de nos CDI, c’est faire grandir le regard des élèves qui nous sont confiés et Christian Bobin l’écrivait déjà : « avec le regard simple, revient la force pure ».

 

 

 

Dans un royaume lointain d’Amina Richard

Comment est né ce livre et comment s’est passée la recherche d’un éditeur ?

Ce livre est inspiré de ma propre histoire. J’avais déjà écrit plusieurs nouvelles mais jamais de roman vraiment abouti. J’en ai écrit des petits paragraphes, des morceaux de textes épars. Je suis repartie de ces petits bouts. L’envie d’écrire était là depuis longtemps, mais je suis arrivée à un moment de ma vie personnelle où j’ai eu davantage de temps à consacrer à l’écriture et je me suis lancée. J’ai mis, relectures comprises, environ deux ans : une première version écrite au bout d’un an, puis plusieurs mois d’ajustements et de corrections.
Pour la petite histoire, j’ai été mise en contact avec un agent, relativement reconnu dans le métier. C’est par lui que je suis passée pour être éditée. C’est une pratique courante dans le monde anglo-saxon, et qui se développe de plus en plus en France, depuis peu dans le milieu éditorial. Les grosses maisons d’édition se retrouvent à faire beaucoup d’administratif et de marketing et l’apport de manuscrits finalisés proposés par un agent commence à être accepté.

Y a-t-il eu des modifications demandées par les éditions Stock ?

Assez peu finalement, car le texte était déjà très abouti. L’éditeur m’a seulement suggéré de faire réapparaître une nouvelle fois le personnage de la mère, j’ai trouvé qu’il avait raison, j’ai donc ajouté une scène vers la fin de l’ouvrage.

Qu’est-ce que la sortie du livre a changé dans ton quotidien ? Comment est-il accueilli par les lecteurs ?

Je fais de nombreuses rencontres dans des librairies, un peu partout en France. J’ai commencé dès le mois de mai dernier, avant la sortie du livre, et j’enchaîne de façon intensive depuis septembre, quasiment chaque week-end, à la demande des libraires, qui soutiennent bien le roman. Le roman a été présenté dans un article de la revue Page des Libraires, ce qui l’a bien mis en valeur lors de sa sortie. Je vais également dans les différents salons du livre, à la rencontre des lecteurs, en dédicace. Mes lecteurs n’ont pas de profil type : de l’adolescente attirée par le style graphique de la couverture, aux personnes qui connaissent bien l’Afrique. C’est assez étonnant ! Certains sont décontenancés par le style d’écriture, l’emploi de la 2e personne du singulier au début, mais relèvent souvent que les personnages sont très fouillés et qu’ils se sont identifiés à eux.

Peut-on dire qu’il s’agit d’une autobiographie ?

Le roman est inspiré de mon histoire, c’est vrai, mais le but n’était pas de raconter ma propre vie. C’était surtout d’écrire une œuvre littéraire et c’est ce matériau-là qui était disponible. Mon objectif premier était de produire un écrit littéraire et non une autobiographie, le fait que ce soit inspiré de faits réels est secondaire à mes yeux.

Pourquoi ce choix de l’absence de points ? Les virgules, omniprésentes, créent une écriture ample et rythmée. Comment l’as-tu travaillée ?

Les points sont présents seulement dans les dialogues et les citations, sinon je les ai volontairement supprimés. Je souhaitais que l’on soit pleinement dans le ressenti du personnage, à hauteur de son regard et dans sa respiration, que l’on puisse appréhender toute la violence qu’elle exprime au début. Les questions d’identité et de quête du père ne sont jamais finies, d’où le fait de ne pas mettre de points finaux. C’est une contrainte que j’aime bien, puisque les phrases sont écrites de manière à enfler, enfler, puis terminer par une chute, telle une vague qui monte. La syntaxe fait que l’on sent la structure de la phrase, mais enlever les points permet d’être davantage immergé dans le flux de pensée, pleinement dans la respiration du personnage. J’ai essayé malgré tout que ce soit fluide, en évitant la lourdeur des trop longues phrases. J’ai adapté la syntaxe à cette forme d’écriture particulière pour ne pas perdre le lecteur. J’avais déjà écrit quelques nouvelles de cette manière, je n’étais pas sûre que cette forme passe sur toute la longueur d’un roman. Le fait d’entrecouper de dialogues, d’extraits de contes permet de casser un peu cet effet de roulement, de ménager des pauses.

As-tu beaucoup retravaillé le texte ?

La trame du roman a été fixée dès le début, car je voulais adopter la structure d’un conte, avec un ordre chronologique : la situation initiale, la rencontre avec le père, etc.

Je retravaille beaucoup chaque paragraphe : je relis, je coupe, je réécris par paragraphe. Il y a eu trois versions du texte, je n’ai jamais rien enlevé, en revanche j’ai ajouté des choses à chaque fois. À aucun moment je n’ai changé toute la structure.

Les scènes de racisme ordinaires pendant l’enfance sont glaçantes. Souhaitais-tu dénoncer le racisme ou est-ce simplement la situation initiale de ton récit ?

Les scènes de racisme de l’enfance sont exacerbées par le fait de ne raconter que celles-ci. J’ai eu une enfance heureuse sinon. Je ne voulais pas faire un acte militant, ni dénoncer spécialement le racisme de façon générale, mais surtout que l’on soit à l’intérieur de cette petite fille, de son ressenti, de la violence qu’elle ressent et de la colère qui l’agite. Je l’ai écrit de façon heurtante, avec un ton tranchant, c’est ce que je voulais : que l’on ressente de l’intérieur, à hauteur du regard de l’enfant, cette violence. Il y a une opposition entre le ton ironique utilisé et la candeur des attentes de la petite fille. C’est la friction entre les deux qui engendre de la violence. L’utilisation de la 2e personne du singulier permet au lecteur d’être très concerné mais elle permet aussi de créer une grande distance analytique. Je voulais être dans la sphère du ressenti et non de l’intellect, du jugement ou de la dénonciation.

Tous les « Blancs » sont plus ou moins renvoyés dos à dos, même les enseignants qui sont montrés comme dégoulinants de bonne volonté. Est-ce toujours le cas selon toi ? Es-tu encore confrontée à ce genre de situations ?

C’est un texte qui a été construit dès le début pour donner à vivre cette violence. La violence sociale et raciale est toujours présente dans notre société. Je suis très intéressée par les luttes sur ce thème, mais ce n’est pas là-dessus que j’ai voulu écrire. Beaucoup de lecteurs me disent qu’ils se sentent concernés, d’un côté comme de l’autre. Pour moi, le racisme est indissociable de la question sociale. Je l’ai très peu subi personnellement, évoluant dans des milieux sociaux relativement privilégiés.

« La vie de chacun est un conte, que l’on peut déchiffrer comme un rêve. On a tous nos différences à porter, nos deuils à faire, une quête d’identité à mener. »

Cette quête du père que tu décris, puis la création de liens dans une fratrie peut parler à beaucoup de lecteurs différents, même dans un autre contexte, tout comme la question plus générale de l’identité. En as-tu eu conscience lors de l’écriture ? As-tu essayé de renforcer l’universalité de tes personnages ?

J’ai essayé de tendre vers l’universel, d’où le recours au conte. La vie de chacun est un conte, que l’on peut déchiffrer comme un rêve. On a tous des parcours comme ça. On a tous nos différences à porter, nos deuils à faire, les violences que l’on reçoit. Là, il se trouve que c’est le père, mais on a tous une quête d’identité à mener. Je voulais également montrer à chaque fois l’opposition entre les images d’Épinal que le personnage peut avoir sur l’Afrique, car elle a été élevée en France, et la réalité. Il y a toute une série d’oppositions et de dualités qui émergent : enfant/adulte ; Noirs/Blancs ; réalité/fantasme. Le père est à l’opposé des représentations stéréotypées du bon Noir jovial qu’on peut avoir, il a une personnalité austère, un niveau social élevé, cela génère de l’étonnement face à la réalité qui ne correspond pas aux clichés des Français sur les Africains. L’inversion des classes sociales entre la narratrice française et sa famille africaine fait partie de ce décalage entre stéréotypes attendus et réalité rencontrée.

Comment t’est venue l’idée de personnifier ton identité africaine sous les traits de ce personnage de petite fille, Ndiolé ?

Elle est venue assez vite, dans une première version elle était présente, puis je l’ai développée par la suite. J’avais l’idée dès la première page de rendre hommage à toute la littérature enfantine, j’ai passé mon enfance à écouter des histoires et on m’en racontait beaucoup. J’avais les albums du Père Castor, j’écoutais Le Petit Prince en vinyle. C’est dans toute cette littérature, à travers ces contes et leur langue, que la petite fille trouve son identité et se construit. C’était très important d’avoir ce personnage d’enfant qui est dans ses lectures-là et c’est par là que se fait la construction de sa personnalité.

On a tous « un enfant intérieur », même si c’est une expression que je n’aime pas beaucoup, popularisée dans le domaine du développement personnel, sans qu’on sache très bien ce qu’elle recouvre. Certains lecteurs me disent : « Oh moi, mon enfant intérieur aurait été copain avec le tien ». D’autres le sentent au contraire très éloignés du leur. Ndiolé, la petite fille imaginaire, représente en tout cas cette enfance qui continue obstinément à vivre en nous, pour le meilleur et pour le pire !

Y a-t-il un passage auquel tu es particulièrement attachée dans ton livre ?

Redevenir le souverain de sa propre vie : c’est l’idée importante du roman. Par l’écriture ou la création artistique, on peut aller se situer dans un royaume où l’on redevient vivant et l’on peut réécrire sa propre histoire. Le royaume du titre, je l’ai choisi car il est vraiment polysémique : ça peut être l’Afrique, l’enfance, le royaume des cieux, il y a aussi une interrogation sur un au-delà de l’identité. Il y a, par exemple, pas mal de passages au bord de la mer : l’idée est que, quand on est devant la mer, on est dans une forme d’expérience humaine qui va bien au-delà de toute identité, que l’on soit un homme préhistorique ou une femme du XXIe siècle. Le royaume du titre peut être aussi celui de l’écriture. La quête de l’identité est ultimement une quête de soi, universelle, tous les êtres humains font comme ils le peuvent avec elle.

Quel a été ton parcours professionnel ?

J’ai fait plusieurs métiers, j’ai passé le Capes à 40 ans. Avant, j’étais directrice éditoriale dans la communication. À l’origine, j’ai une maîtrise de Lettres, puis un DESS à l’INTD, l’Institut National des Techniques Documentaires. Ma situation familiale a fait que j’avais besoin d’un emploi proche de chez moi et avec des horaires fixes. J’avais envie d’être dans un rapport différent d’enseignement avec les élèves, dans une relation différente.

Dans le livre, tu vas de bibliothèques en bibliothèques au Sénégal ; quel était ton métier à ce moment-là ?

En deuxième année d’IUFM quand j’ai passé le Capes, on a eu l’occasion de faire un séjour à l’étranger pour observer un autre système scolaire et d’autres centres de documentation. Je voulais aussi que le livre soit physiquement tangible dans le roman, à travers la présence des bibliothèques. Le livre raconte une réappropriation de soi par l’écriture et la lecture, celles de l’enfance, du goût de la langue développé par la lecture. La dimension de l’écriture et du livre est importante, notamment à travers des extraits de contes, c’est ce qui nourrit le personnage.

Quelle professeure documentaliste es-tu en trois mots ?

Très heureuse en lycée ! J’ai passé 10 ans en collège REP à Nîmes, c’était passionnant et avec une équipe géniale, mais j’en suis sortie épuisée. Je préfère la relation aux élèves lycéens, qui sont plus autonomes. J’aime la diversité de ce métier : les résidences d’artistes, les concours d’écriture ou d’éloquence, la Nuit de la Lecture, etc. Il n’y a pas deux CDI identiques, ça dépend de l’établissement mais aussi des désirs du professeur documentaliste, on a toute latitude pour proposer tout ce qui nous fait plaisir. J’aime beaucoup cette liberté et cette autonomie. Le rapport avec des élèves « grands » me plaît : toutes les semaines je travaille sur les ateliers de préparation à Sciences Po Paris, avec des élèves motivés et volontaires, sur le dessin de presse, sur la revue de presse, etc., c’est passionnant d’échanger avec eux. L’année dernière nous avions un projet avec les sections STMG, où ils faisaient une simulation du fonctionnement des institutions européennes avec plusieurs lycées différents, ils devaient notamment amender des textes de lois. C’est un âge charnière où ils sont en prise avec l’actualité et la réalité contemporaine, ils deviennent de futurs citoyens et de jeunes adultes qui s’intègrent dans la société. Cet âge-là me va bien, j’aime cette forme d’accompagnement. On fait aussi tout cela en collège mais de façon différente.

L’incipit du roman est une magnifique ode à la lecture à haute voix, au plaisir enfantin mais aussi universel d’écouter des histoires. Quelle lectrice étais-tu, enfant ? As-tu des conseils en littérature jeunesse ?

J’ai beaucoup écouté de contes et de classiques, Peau d’âne, Tom Sawyer aussi, puis j’ai lu toutes les séries jeunesse de l’époque, Le Club des Cinq, L’étalon noir, etc.
Au CDI, j’essaie d’avoir une palette très large de lectures pour tous les profils d’élèves. On a réfléchi par exemple à l’achat de la série de dark romance à la mode, Captive de Sarah Rivens. Finalement, on l’a achetée car c’est déjà un plaisir de lecture. C’est toujours des arbitrages entre ce que les élèves attendent et ce que l’on a envie de leur faire découvrir et cela fait l’objet de discussions riches avec ma collègue. Par ailleurs, une classe de 2de vient de participer cette année au Goncourt des Lycéens : plusieurs ont réussi à lire les 15 romans, chacun s’est investi à la hauteur de ses possibilités. Même ceux qui ont un peu moins lu ont participé à des débats assez riches . Les amener à de telles lectures de littérature contemporaine est un bel objectif ! Avant de commencer, je me disais que c’était énorme et presque impossible de leur faire lire autant de livres en si peu de temps, mais finalement c’était très stimulant. Ils ont rencontré 9 auteurs, sur une journée, lors d’un regroupement de plusieurs lycées, avec des lectures d’extraits par les élèves et des échanges entre auteurs et lycéens.

Pourrais-tu nous citer trois livres marquants dans ta vie de lectrice ?

Un de mes premiers chocs de lecture en 2de, c’était Le roi des Aulnes de Michel Tournier, j’avais été marquée par le foisonnement de l’imaginaire. Je pourrais citer Julien Gracq également, car j’ai fait porter ma maîtrise de Lettres sur ses romans, mais ses ouvrages critiques m’ont aussi beaucoup intéressée : Préférences, Lettrines, En lisant en écrivant, dont les réminiscences ont marqué mon écriture, encore actuellement. J’ai plein de titres en tête de littérature contemporaine surtout depuis que je suis en lycée où je me suis remise à en lire de façon plus conséquente : Certaines n’avaient jamais vu la mer de Julie Otsuka ; Ce qu’il faut de nuit de Laurent Petitmangin ; Règne animal de Jean-Baptiste Del Amo ; Nom de Constance Debré.

As-tu d’autres projets à venir ?

Je reste sur l’écriture, c’est vraiment la forme d’expression artistique que j’ai choisie. Je me remettrai à ma table et à ma discipline d’écriture quotidienne dès que j’aurai terminé ma série de rencontres en librairie, en 2023.

 

Appel à contribution : Neurosciences/Neuromythes

Appel à contribution pour le dossier de septembre/octobre 2023

 

Nous envisageons de réaliser un dossier sur le thème des neurosciences/neuromythes, en lien avec les questions de formation et l’EMI. Nous recherchons des retours d’expérience(s) de professeur.e.s documentalistes ayant mis en oeuvre des séances mobilisant les neurosciences. Voici quelques mots clés en lien avec cette thématique : métacognition, cogni’classes, biais cognitifs/fake news, mémorisation, attention, motivation, bibliothérapie, gestion des émotions (méditation, confiance en soi…).

 

 

Date limite d’envoi des propositions de contribution

16 avril 2023

 

Pour une préparation optimale du numéro, n’hésitez pas à contacter la rédaction au plus tôt

 intercdi.articles@gmail.com