Appel à contributions : Le CDI vert

Alors que le confinement a redonné, de façon inattendue, une courte bouffée d’oxygène à la planète, nous sommes nombreux à nous interroger sur les modes d’action efficaces pour freiner le réchauffement climatique et inverser les effets néfastes de l’impact humain sur la Nature. De COP en Agenda 2030, de marches pour le climat en campagnes de sensibilisation, les initiatives sont foisonnantes et impliquent la jeunesse dans de nouvelles formes d’engagement.

Quelle place donner au professeur documentaliste dans cette recherche de solutions ?

Informer pour comprendre ces thématiques scientifiques et sociétales et par là même enclencher l’action, semble être au cœur des enjeux. Comment mettre en valeur les informations liées aux changements climatiques, à l’écologie, au développement durable au sein du fonds documentaire mais également dans tout l’établissement ? Revisiter les classifications, créer des espaces ou rayons « climat », développer une politique documentaire spécifique, mais aussi inviter des intervenants ou organiser un forum associatif peuvent en être des modalités. En parallèle, comment communiquer efficacement sur ces thématiques et marquer les esprits en utilisant des moyens durables ?

Éduquer au développement durable peut converger avec l’ÉMI pour être le terreau d’un esprit critique de combat qui abatte définitivement les arguments climato-sceptiques, et redonne foi en l’information scientifique, souvent complexe sur de tels sujets. Quels dispositifs pédagogiques mettre en œuvre dans ce contexte pour le professeur documentaliste ? Avez-vous des exemples d’activité menée sur les infox du climat ? Le calcul de l’empreinte carbone de chaque élève ou enseignant, et même celui du CDI, est-il possible ? 
Par ailleurs, si vous travaillez dans un éco-collège ou un éco-lycée, ou sous label E3D, faites-nous part des actions menées à l’échelle de l’établissement et de votre implication. Grainothèques au CDI, jardins intérieurs, ruches, potagers, etc. : nous attendons vos retours d’expérience sur ce type d’initiatives. Partagez également vos conditions de travail, les particularités architecturales et l’agencement de l’espace de votre CDI si vous travaillez dans un établissement à énergie positive ou à haute qualité environnementale.

Agir pour un CDI durable et responsable, qu’est-ce que cela implique concrètement ? Comment se former ? Quels petits gestes adopter au quotidien pour rendre le CDI plus vert ? Quelles initiatives mettre en œuvre pour recycler, redonner vie aux livres pilonnés, usagés ? Gestion de la consommation de papier, mode de couverture des livres, réduction des déchets, comment résoudre ces multiples paradoxes liés à nos consommations de fonctionnement, tout comme celui de l’impact du numérique sur l’environnement, numérique qu’il semble désormais bien difficile d’utiliser avec parcimonie ?

Enfin, plus globalement, quelles formes particulières d’engagement des élèves en matière de développement durable peuvent se fédérer au CDI ? Clubs, associations, réunions, cercles de réflexion, autant de manières d’agir ensemble et de continuer à espérer…

Nous ne doutons pas que vos contributions seront autant de petites graines semées dans les esprits, qui donneront vie à de nouveaux CDI verts.

Date limite d’envoi des propositions de contribution : 30 avril 2021.

Pour une préparation optimale du numéro, n’hésitez pas à contacter la Rédaction au plus tôt : intercdi.articles@gmail.com

Essentiel / Non essentiel ?

Parcourir les réseaux sociaux, ces derniers temps, permet de mesurer la colère des collègues face au mépris institutionnel dont les professeurs documentalistes sont à nouveau, – éternellement devrait-on dire ? – victimes par le refus de leur octroyer la prime informatique versée à tous les professeurs…“à l’exception des professeurs de la discipline de documentation”, sous prétexte qu’ils ne seraient pas devant élèves tout en étant professeurs, quel paradoxe !
Directement liée à la conception très limitée de l’acte pédagogique révélée par ces simples mots, la méconnaissance ministérielle ou l’ignorance volontaire d’une partie de nos missions atteint ici des sommets inégalés depuis la constante interprétation à géométrie variable du décret d’août 2014 sur la récupération des heures d’enseignement. Pourtant, le statut de professeur documentaliste, créé par le CAPES de documentation de 1989, réaffirmé par le référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation de 2013, est clairement entériné par ces textes qui détaillent nos fonctions pédagogiques tout comme notre utilisation quotidienne des outils informatiques, inhérente à notre mission de gestion d’un centre de documentation mais également à notre rôle primordial dans l’éducation aux médias et à l’information, sauf à considérer que les CDI n’ont pas évolué depuis leur création en 1973, dans le mouvement des pédagogies innovantes.
Le refus de la dérisoire prime informatique n’est que la goutte d’eau qui fait déborder le vase mais génère “en même temps” une mobilisation sans précédent des professeurs documentalistes et un intérêt médiatique inespéré pour notre profession.
En attendant, les professeurs documentalistes continuent d’être submergés d’injonctions numériques et pédagogiques contradictoires, sans que jamais un véritable programme de co-enseignement critique d’EMI vienne donner un cadre et des orientations clairs pour la mise en œuvre de cet enseignement.
Hélas, les préjugés concernant les professions liées à la culture ont la vie dure, c’est tellement vrai qu’une nouvelle classification a récemment vu le jour : essentiel / non essentiel. Orwellienne à souhait, elle frappe d’exclusion tout ce qui porte atteinte à sa pensée binaire, soit l’ensemble du monde culturel. En relisant Borgès, qui lui connaissait les limites de tout classement, on ne peut que constater l’arbitraire, l’absurde et l’inanité d’un tel choix.
La revue InterCDI, fondée sur la pratique collaborative des professeurs documentalistes, depuis 1972, tient à rappeler ce qui fait la richesse de notre profession, à savoir la pluralité d’exercice, laquelle se manifeste par la diversité des contributions de chaque collègue. Elle prouve à quel point les professeurs documentalistes s’investissent dans leur métier et participent, au même titre que chaque autre professeur, dans le respect de leur liberté pédagogique et missions propres, au développement de l’esprit critique et à l’enrichissement de l’horizon culturel des élèves.

Écriture poétique

Un projet évolutif

Cet atelier d’écriture poétique, tel qu’il a été conçu au départ, à raison d’une heure par semaine, en demi-groupe, d’octobre à décembre (9 séances), croise différents objectifs, disciplinaires et transversaux, et différentes attentes en termes d’« éducation à » (éducation à la pratique artistique et culturelle, éducation aux médias). Présenté systématiquement au conseil d’administration en fin d’année, afin de l’inscrire de manière pérenne dans le projet d’établissement, il répond aux objectifs de « réussite pour tous ». Articulé autour de plusieurs volets, il envisage le genre poétique dans ses dimensions écrites, orales, et visuelles, et notamment dans sa relation à l’image (cf. encadré Objectifs disciplinaires et transversaux).

Vote de la classe : meilleure affiche en 2015-2016

Lors de la première édition, en 2015, le thème retenu était « la fenêtre ». Les élèves devaient produire des affiches comprenant un texte poétique rédigé par eux, avec, en illustration, une photo donnant à voir leur représentation de « la fenêtre » (« fenêtre » étant entendu comme le passage d’un monde à un autre, d’un état à un autre). Chacun d’eux devait rédiger quelques lignes, prenant en compte différentes contraintes, de forme et/ou de contenu, plus ou moins difficiles à respecter, suivant l’option retenue par chacun (vers ou prose, nombre de syllabes, etc.).

Lors de cette première année, le temps de l’écriture a constitué le temps long de la séquence, moment durant lequel nous avons expliqué aux élèves comment travailler, et comment améliorer leurs écrits grâce à l’utilisation des usuels papiers (dictionnaires de rimes, de synonymes, etc.). Une fois les productions terminées, une séance a été consacrée à la présentation de chaque affiche par son auteur, au cours de laquelle chacun devait lire son poème.
Si la qualité des affiches produites, tout comme l’investissement des élèves pour ce qui est de la motivation, nous ont agréablement surprises, en revanche, la séance de présentation s’est révélée décevante : les élèves n’étaient pas vraiment préparés à « dire » leur poème, et certains semblaient même gênés à ce stade de l’exercice. Pour les mettre à l’aise, nous leur avons proposé un temps d’échange autour de leurs travaux respectifs : il leur a fallu alors déchiffrer l’écriture et le style d’un autre et « servir » un texte qui n’était pas le leur, ce qui a également été parfois source de difficultés pour certains d’entre eux.

Par la suite, il nous a paru nécessaire d’approfondir ce travail, aussi avons-nous choisi de procéder à un enregistrement des poèmes, et proposé sur l’affiche un lien vers ces enregistrements, grâce à la technologie du QR code.

Un site collaboratif a par ailleurs été créé sur l’environnement numérique éducatif (Atrium), à l’intention de chaque classe et des parents. Si, au départ, le choix a été fait d’imprimer des posters et de les afficher dans le lycée, par la suite il a été décidé de varier les canaux de diffusion, afin de valoriser l’ensemble des productions ; cela s’est concrétisé par l’édition d’un recueil collectif, non seulement pour les élèves et leur famille, mais aussi en vue d’une diffusion plus large, à l’échelle du lycée (avec notamment mise à disposition dans des lieux stratégiques, comme la cafétéria).

À partir de 2016, la consigne a légèrement évolué : il était toujours attendu des élèves qu’ils produisent un texte poétique et une photographie en lien avec la thématique retenue (successivement la femme, l’autoportrait détourné, la fuite du temps), mais avec des modulations dans la consigne, certains éléments étant ajoutés, d’autres retirés et certains autres mis en valeur.

Vote de la classe : meilleure affiche 2016-2017 (le QR code n’est plus actif en accord avec la RGPD)

 

En 2017-2018, une année particulière, un travail orienté « ÉMI »

En 2017-2018, nous avons décidé de renouveler notre sujet et comme notre établissement a consacré une semaine à la place des femmes dans la société à travers des expositions (projet intitulé « Femmes ! »), nous avons demandé aux élèves de choisir une photographie parmi une sélection de photos historiques ou artistiques.
À partir de celle-ci, à eux d’écrire un texte narratif à propos de l’histoire de cette image. Ici la notion de point de vue a été prédominante. Regard du photographe ? Regard du sujet ? Que se passe-t-il avant la photo ? Que se passe-t-il après ? Hors cadre ?
La production devait alors comporter :
– Une photographie (avec une légende) en lien avec le thème de la femme ;
– Les références de l’image choisie ;
– Un texte en relation avec l’illustration et avec la question de la place de la femme dans la société ;
– Une signature (nom ou pseudo) ;
– Un QR code donnant accès au texte enregistré.

Évaluer un travail qui repose sur la créativité de l’élève amène à réfléchir à notre propre culture et à notre inclination à en faire un mètre-étalon. Il est nécessaire de prendre en compte cela, tant nous sommes confrontés aux différences, qui sont nombreuses, d’un adolescent à l’autre. Affaire de goût ? de connaissances ? d’origine culturelle ? de génération ? d’expériences du monde de l’art ?

Il faut partir du principe que ces difficultés sont incontournables et procéder à une évaluation avec des critères qui portent surtout sur le respect des contraintes et donc selon des consignes claires qui donnent sens aux exigences. Évidemment, sans avoir la possibilité de laisser nos goûts personnels totalement de côté, toujours penser avec bienveillance que nos élèves nous dévoilent un peu de leur intimité.

 

Vote de la classe : meilleur texte 2017-2018 (le QR code n’est plus actif en accord avec la RGPD)

 

Année 2019-2020, fuite du temps et pratique du haïku

Clairement inscrit dans le programme de la classe de français de la classe de 2de, ce travail s’est plus particulièrement nourri du traitement de l’objet d’étude « La poésie du Moyen-Âge au XVIIIe siècle » à travers un groupement de textes sur le topos poétique de la fuite du temps entre Ubi sunt, carpe diem, memento mori et vanitas vanitatis :
– « Ballade des dames du temps jadis » de François Villon
– « Quand vous serez bien vieille… » de Pierre de Ronsard
– « Mais si faut-il mourir » de Jean de Sponde
– « À madame du Châtelet » de Voltaire

Selon les consignes données, les élèves devaient produire, de manière individuelle :
– Une photographie obéissant à deux contraintes : représenter une forme que prend « la fuite du temps » et représenter un élément en lien avec le lycée (obligation de produire une photographie prise dans ou aux abords du lycée) ;
– Un poème appartenant au genre « haïku » en lien avec cette photographie ;
– Un enregistrement oral du haïku accessible à partir d’un QR code et hébergé sur une plateforme dédiée.

En neuf séances, toutes menées conjointement, les élèves ont pu s’initier à l’écriture d’un poème à la structure simple, le haïku.

Focus sur les séances 2 et 3 : Haïkus et image

Ces séances, basées sur des corpus, donnent la possibilité de montrer l’étendue des possibles. C’est aussi l’occasion de voir ou de revoir, d’une part les règles d’écriture (très contraintes) des poésies, et d’autre part, les éléments incontournables de la lecture d’image, et donc de sa composition : point de vue, angle, lignes de forces, etc.
Les œuvres artistiques de référence sont présentées sous la forme de diaporamas.

Ces séances accordent du temps de parole aux élèves, afin qu’ils exercent un œil critique sur les œuvres (impressions premières à dépasser), mais aussi expriment un ressenti plus personnel. C’est aussi un moment d’expression argumentée : nous leur demandons de chercher comment les artistes réussissent à générer ces impressions et ressentis. Ils doivent prendre conscience que même si nous leur donnons une grande liberté dans leur création, une démarche artistique est réfléchie et que cette démarche est incontournable.

Notre volonté de rendre plus vivants les textes des élèves et de travailler le « bien dire », nous a amenées à organiser une rencontre en ateliers avec une comédienne. Ces moments se sont déroulés dans la salle polyvalente du lycée qui est modulable et offre davantage d’espace. Les élèves ont ainsi pu travailler différentes techniques théâtrales, en appui sur des exercices mettant en jeu la posture (par exemple la déambulation dans la salle, avec la prise en compte de l’autre dans un mouvement collectif), la voix (chuchoter, adresser, invectiver, crier…), le souffle, la diction, etc. La comédienne leur fait prendre conscience de la nécessité de « l’intention » dans tout bon oral.
Dans le projet tel qu’il a été pensé, il n’est pas possible de communiquer par le langage non-verbal et par le regard, puisque les textes sont enregistrés. Pour autant, la présence du narrateur doit être palpable.

Au cours des séances, des réticences se sont exprimées, liées aux difficultés des élèves à jouer avec leur voix et leur corps. La plus grande difficulté étant pour eux d’élever le niveau sonore. Il s’est ainsi avéré très difficile de les amener à « crier » un texte !
L’intervention d’une comédienne, dans un espace autre que la salle de classe, permet de faire une place à d’autres postures de la part des élèves. Sortir du cadre de la classe permet de briser (modérément) les règles qui la régissent. Des personnalités peuvent ainsi se révéler (extériorité ou intériorité) et d’autres compétences également. Même si certains blocages qui, au départ, paraissent insurmontables, sont perceptibles, nous invitons chacun à donner un peu de soi, sans pour autant pousser à l’exploit.
Nous sommes persuadées que ces rencontres permettent aux élèves de se rendre compte que ce « bien dire » est aussi un travail. Un travail de répétition, d’organisation mais aussi, quelque part, de lâcher prise.

 

Retour sur le projet

Considéré globalement, le bilan des séances, sur la durée, est positif. Et s’il permet de pointer certaines limites, il ouvre aussi à un champ de possibles.

La chronologie des séances
Nous nous sommes rendu compte, au fil des séances, que l’outil d’infographie focalisait l’attention des élèves. Comme celui-ci est très intuitif et qu’il ne pose aucun problème quant à sa prise en main, nous ne le présentons plus qu’au dernier moment. La séance consacrée à son initiation a été réduite (20 minutes désormais), et nous insistons pour que le reste du travail à faire (écrit et oralisation) soit au centre des préoccupations.

L’enregistrement des poèmes
Les élèves ont presque tous un téléphone, aussi leur demandons-nous de faire preuve d’autonomie et de procéder à l’enregistrement des poèmes entre deux séances. Ils ont la possibilité de faire écouter leur prestation orale lors du deuxième atelier théâtral. Ils envoient leur piste sonore que je dépose sur une plateforme web dédiée, et reçoivent en retour le lien généré qui permet à chacun de créer un QR code, à placer dans la composition de son affiche. Ce moment est un moment assez intense dans la séquence, car il révèle des difficultés techniques mineures mais chronophages : formats de fichier différents, difficultés à envoyer un mail avec une pièce jointe (cf. référentiel Pix, voir encadré), délais de communication…

Les précautions concernant le droit
Une autorisation parentale a été élaborée spécifiquement pour ce projet, qui prévoit l’utilisation des œuvres, des voix et de l’image des élèves. Elle indique aussi quels sont les modes de diffusion (papier, Intranet et Internet). Seuls les derniers enregistrements sont conservés sur la plateforme.

Les différentes formes d’évaluation
Les modes d’évaluation retenus s’inscrivent dans une perspective formative :
– Évaluation continue : la participation active des élèves tout au long du projet et leur implication, le respect des délais (le calendrier des séances leur est distribué en début de séquence) ;
– Évaluation sommative basée sur le respect des consignes et pondérée par l’évaluation continue ;
– Co-évaluation au sein de la classe avec un vote à bulletin fermé (avec nos voix individuelles). Ce bulletin est distribué à chacun, il comprend la reprise de toutes les consignes et les critères de réussite en fonction de ces dernières. Chaque année, nous distinguons le meilleur poème, la meilleure photographie, la meilleure mise en voix et la meilleure production globale (c’est-à-dire celle qui répond de la manière la plus complète aux consignes).
Cette année, nous nous sommes autorisées à attribuer un « prix spécial des enseignants ».

Le projet est actuellement suspendu, il ne s’agit que d’une pause, nous espérons pouvoir le reprendre dès que les circonstances seront plus favorables.

 

 

Jeux de mots

Où est la place de l’oralité dans les fictions ? Où sont la voix, la parole, les phonèmes, l’intonation, les sons ? Par définition, « le texte fixe la parole, la dépouille partiellement de ses caractéristiques en la détachant de l’oralité et l’on peut se demander si le terme même de parole reste pertinent dès lors qu’il s’agit de textes », explique Florence Gaiotti, maître de conférences de littérature française à l’Inspé de Lille, dans son ouvrage Expériences de la parole dans la littérature de jeunesse contemporaine (Gaiotti, 2009). Ce serait donc un exercice difficile que de traduire sur le papier ce qui caractérise l’oral : sa spontanéité, sa brièveté, l’existence d’un contact direct (auditif et généralement visuel) entre les interlocuteurs, les différences de registre, son hétérogénéité…
Pourtant, il serait erroné de dire que l’on ne peut transcrire ce qui est à l’oral en texte, car, comme le souligne l’anthropologue Roland Colin dans une de ses conférences, « l’oralité habite l’écriture, dans la mesure où toute chose écrite peut être lue à voix haute : elle est produite par des locuteurs s’adressant à d’autres locuteurs » (Colin, 2009). Et, de plus, dit Jean Fabre, éditeur et co-fondateur de l’École des Loisirs, dans un entretien à la revue L’Acte de Lecture : « l’interprète, c’est finalement le lecteur qui pose sa voix, entre dans chacun des personnages, anime et réanime un texte » (Fabre, 2001)1.
On l’aura compris, toute œuvre de fiction comprend de l’oralité, puisqu’elle peut être lue à voix haute. Mais certaines d’entre elles, mêlant ou non dialogues, monologues, voix qui se croisent et se répondent, font plus encore appel à une expérience langagière, invitant le lecteur à se saisir du texte pour mieux se l’approprier. Et c’est là toute la virtuosité de certains écrivains que d’arriver à nous faire vivre les imperfections, les lacunes de l’oral, mais aussi son mouvement, son énergie et sa multiplicité, son hétérogénéité.
Il y a d’abord des textes dont la fonction première est de retranscrire une tradition orale, de la fixer pour conserver et témoigner : contes, mythes ou épopées.
Il y a ces romans et ces pièces de théâtre où l’on prend plaisir à lire et à dire les intonations des mots et des phrases, à les moduler, voire à les jouer…
Il y a les ouvrages dont les paroles des personnages sont écrites, construites, pleines de références littéraires, culturelles. Leurs auteurs ont recours à un langage spécifique pour nous faire accéder à ce qui fait la complexité des relations humaines. Selon eux, simplement retranscrire l’oral est insuffisant pour permettre l’expression intime des sentiments et des pensées et leur appropriation par le lecteur.
D’autres récits, enfin, attestent du pouvoir de la parole, de l’oral pour soigner, pour guérir de ses peurs, de ses angoisses, mais aussi pour se faire une place dans le monde et devenir soi.

Des paroles pour conserver

Historiquement, ce qu’on appelle la « littérature orale » se développe avant la littérature écrite. C’est le cas dans de nombreux pays où l’on recueille depuis longtemps des éléments relevant des genres oraux traditionnels : des contes, des proverbes, des comptines, des devinettes, etc.
La littérature orale, devenant « écrite » ou du moins transcrite, perd certaines de ses caractéristiques : l’improvisation et l’enrichissement des productions, les rythmes et mélodies des conteurs, les interactions avec le public… Pourtant, si l’on peut regretter le fait de figer ces formes orales, il faut s’y résoudre si l’on souhaite les mémoriser, sous peine de les voir disparaître.
Tout conte, dont on trouvera une transcription écrite, prend sa source dans l’oralité. « C’est là qu’il est né et, sous sa forme la plus authentique, il est fait pour être raconté et donc entendu plutôt que lu. Les formes écrites qu’on lui donne, dans des recueils, ne sont donc que des transpositions ou des adaptations. Pourtant, dans notre monde occidental moderne, même si on assiste à un retour en force de néoconteurs, le livre reste un élément d’approche et de diffusion essentiel des contes », explique Jean Derive (2005, p. 27). Parmi la multiplicité des éditions de contes, on peut citer les ouvrages de la collection Aux origines du monde, chez Flies France : Contes et légendes de France, d’Ukraine, de Birmanie, des Mayas, du Maroc, de Turquie, de Corée, du Congo, des Comores, des Pygmées…. Ce sont des recueils qui ont pour ambition de présenter la création du monde dans chaque culture et les phénomènes les plus quotidiens. Les auteurs sont chercheurs, ethnologues, anthropologues, conteurs.
Aller à la rencontre des gens, enregistrer leurs paroles, leurs anecdotes, c’est aussi faire œuvre de conservation pour se souvenir, mais aussi comprendre et transmettre. C’est ce qu’a fait Junichi Saga dans son recueil Mémoire de paille et de soie (Junichi, 1996). Médecin, il commença à enregistrer dans les années soixante-dix les souvenirs de ses patients quand il s’aperçut de la richesse des informations qu’ils avaient en mémoire. « On entend dans ce livre le bruit des pas, des outils, des fêtes, les rires des enfants, les clochettes des enterrements, les sabots des chevaux, le grincement des roues des charrettes ou le tambour d’alarme des inondations. Ici, ancienne geisha, gangster, bouchère, teinturier, fermier, servante, sage-femme, écolière, pêcheur, professeur viennent ingénument nous raconter leurs souvenirs. Dans ces chroniques pleines de truculence et d’humilité, de simplicité et de chaleur, on entend des histoires de patience, de joies, de chagrins qui nous font peu à peu comprendre les mécanismes profonds qui rythment cette vie d’un monde disparu », nous raconte Geneviève Navarre, ethnologue et traductrice, en ouverture de ce recueil.

Des paroles pour s’amuser et créer

À l’opposé de cette ambition ethnologique de transcrire au plus proche ce qui est dit, on trouve les écrivains qui préfèrent jouer avec les mots pour mieux réinventer les paroles. Dans Le Hollandais sans peine (1991), Marie-Aude Murail mise sur un langage inventé de toute pièce pour nous faire rire, et quoi de mieux, en effet, que de prononcer des mots aussi drôles et savoureux que « chprout » pour dire « fleur » ou encore « houlaï » pour dire « bonjour » ! L’histoire est celle d’un petit garçon espiègle, Jean-Charles. Son père, convaincu que l’apprentissage des langues est très important pour l’avenir de ses enfants, décide de les emmener en vacances dans un camping en Allemagne en immersion linguistique. Jean-Charles aura des devoirs de vacances : il devra tenir un cahier de vocabulaire allemand pour devenir bilingue. Ayant fait connaissance avec un garçon de nationalité indéterminée (en fait, notre héros découvrira à la fin de l’histoire que Niclausse est Irlandais), il persuade ses parents qu’il apprend le hollandais alors qu’il s’agit de mots inventés par les deux enfants, enfin surtout par Jean-Charles ! Un extrait ?

                                             «
Le soir, assis sur un pliant, la lampe à gaz sifflant
au-dessus de ma tête, je récitais mon hollandais à
Papa. Mon père disait :
– Chaussette ?
Je répondais :
– «Tramil». «Tramilès» au pluriel.
– Pantalon ?
– «Padpad».
– Short ?
– «Pad».
                                             »

L’auteure joue à fond sur le comique des mots inventés, la naïveté des parents et la débrouillardise des enfants. Le langage, issu de l’imagination de Jean-Charles, demande au bout du compte à ce dernier beaucoup de travail. La lecture de ce récit pourra éventuellement favoriser l’apprentissage des langues, en montrant que cela peut être très drôle, mais il s’agit surtout d’un court roman qu’on lira à voix haute avec grand plaisir, en faisant rouler sur sa langue ces drôles de mots sans queue ni tête et en se mettant à la place de notre jeune héros et des autres personnages, grâce aux dialogues si savoureux de Marie-Aude Murail.
Autre texte s’amusant avec le vocabulaire, mais aussi avec les phonèmes, l’argot ou encore les interjections ou diminutifs, Ce que parler veut dire ou le Patois des familles de Jean Tardieu (2013), courte pièce de théâtre, qui fait partie du recueil La Comédie du langage. Laissons « le professeur », personnage principal de cette pièce, présenter son propos : « Quels sont ceux d’entre vous qui ont lu mon Dictionnaire des mots sauvages de la Langue française ? (…) Vous savez, je suppose, que ce dictionnaire a, pour la première fois, opéré le recensement de ces petits mots, en apparence insignifiants, et cependant très répandus – diminutifs familiers, phonèmes imitatifs, etc. – qui émaillent notre discours et nous laissent apercevoir, soudain, je ne sais quels reflets terrifiants du balbutiement primitif des sociétés, je ne sais quels échos d’une danse rituelle de sauvages en pleine forêt vierge : galops des dadas, furie des zizis, boum-boum des tam-tams, papattes des bêbêtes, piques des coupe-kikis, hurlements des totos et niam-niams, ondulement des chichis, des dondons, et clic et clac et bing et crac, tralala, panpan, hop Ià, poum ! » Cette pièce est à la fois cocasse par les mots employés et par les situations plutôt absurdes qu’elle présente. Une occasion de découvrir les multiples ressources de la langue française à l’oral, mais aussi de s’entraîner à lire à voix haute, à mémoriser et à réciter et, qui sait, à jouer des saynètes aux phrases bien plus complexes qu’il n’y paraît au premier abord.
On retrouve ce même plaisir de jongler avec la langue dans la pièce de théâtre Anacoluthe ! Aventures au cimetière des mots oubliés de René Zahnd (2019). L’auteur raconte l’histoire de Tom, collégien du XXIe siècle, tombé dans un monde inconnu, en raison d’un bug informatique. Le voilà aux pays des mots oubliés à la rencontre de ses deux gardiennes. Déboussolé dans cet univers privé de Wi-Fi et d’électricité, Tom va tout faire pour s’enfuir… C’est donc « une aventure dont la langue est l’héroïne principale : sa désuétude, sa finitude, mais surtout ses bizarreries, ses créations burlesques (…) sont autant de défis pour la lecture, la compréhension, la mémorisation et l’animation du texte », écrit Véronique Cavallasca, de Ricochet Jeunesse « C’est un texte vivant et vivifiant, tonique » (2020)2.
Dans la même veine de la fantaisie langagière, on peut lire De cape et de mots de Flore Vesco (2019). Avis aux amateurs de néologismes, charades et autres calembours, ils seront servis. Flore Vesco nous transporte à travers ce roman à la cour de souverains capricieux, dans un château médiéval avec ses douves, salles de réception et cachots. Le roi et la reine y sont entourés d’innombrables domestiques et courtisans vaniteux et parfois perfides. L’héroïne Sérine va y vivre des aventures rocambolesques, tout en utilisant quantité de jeux de langage et de multiples termes (dont quelques-uns inventés : « esperlune » ou « lifrejole », vous connaissez ?), et en remettant au goût du jour du vocabulaire passé aux oubliettes (pretintaille, gastéropode…). Le langage est imagé et fleuri, souvent très drôle et pétillant à l’image de l’héroïne de Flore Vesco. On sent bien que l’auteure a pris un vif plaisir à écrire ce récit, à retrouver des mots anciens, bonheur que l’on retrouvera aussi dans L’Estrange Malaventure de Mirella (2019), un autre de ses romans qui réécrit le conte Le Joueur de flûte d’Hamelin.
Mais, derrière cet exploit stylistique, comment ne pas discerner le message de l’écrivaine sur le pouvoir de la parole ? Sérine, en effet, ne peut compter que sur elle pour faire sa place au milieu de ces courtisans fielleux : elle n’a ni relation ni fortune (c’est même la grande pauvreté de sa famille qui la conduit à la cour pour y être dame de compagnie), mais, en revanche, son sens de la répartie est formidable et sa capacité à jouer avec les mots – et à se jouer des mots – en fait une adversaire redoutable des malveillants et autres complotistes. D’autant plus qu’elle allie à sa conversation un grand sens de la justice et de la solidarité, permettant à ses lecteurs de réfléchir à des sujets aussi graves que la condition des femmes, la justice ou la mort. Le langage spirituel et facétieux de Flore Vesco est loin d’être vain, il démontre combien le sens des mots et l’usage qu’on en fait sont essentiels et comment ceux qui sont à l’aise à l’oral peuvent remporter des victoires, même s’ils paraissent faibles ou démunis.

Des paroles pour guérir

Toujours en fictions, niveau collège, on enchaînera avec Suivez-moi jeune homme de Yaël Hassan (2010), un récit sur les mots, leur histoire et là-aussi sur leur pouvoir. Pour résumer, Thomas, un collégien, est en fauteuil roulant depuis un accident de scooter. Au moment des vacances scolaires, il se retrouve isolé chez lui, mais une rencontre va le faire sortir de sa déprime. Un vieil homme excentrique du nom de M. Pavot emménage dans son immeuble et lui demande de l’aider à déballer ses cartons. Thomas se rend compte très rapidement que M. Pavot n’est pas le fou qu’il croyait, mais un amoureux du langage. Président de la SPDM, Société Protectrice Des Mots, il a pour objectif de réhabiliter les vocables en voie de disparition. Sa méthode est simple : il s’agit d’adopter un terme peu ou plus usité et de s’engager à l’employer le plus souvent possible pour lui donner une nouvelle vie : « argousin », « vétille », « pétuner » ou encore « manant » ou « fla-fla »… Si le projet semble au départ extravagant à Thomas, il va peu à peu se rendre compte des possibilités offertes par la maîtrise de la parole, notamment par le biais du slam. Cette faculté de s’exprimer va lui permettre de dépasser ses frustrations et ses blessures intimes et d’affronter ses peurs. Yaël Hassan a eu l’idée de ce roman à la sortie du livre de Bernard Pivot, 100 mots à sauver (2004). Elle a décidé d’écrire un texte dans lequel elle les réemploierait tous. Elle nous offre un livre intelligent et agréable à lire, qui joue avec le vocabulaire, nous le rend vivant et nous donne envie de l’utiliser. Mais, plus encore, ce récit explique que les mots et le savoir s’exprimer à l’oral peuvent redonner confiance et aider à surmonter des épreuves. Thomas s’aperçoit ainsi que la maîtrise de la langue est sa force, celle qui le fait avancer dans la vie, qui lui fait surmonter son handicap.
Souvent, au-delà des effets langagiers recherchés, les paroles dans les romans sont comme des portes qui s’ouvrent sur de nouveaux espaces de liberté. Le héros, en s’en emparant, en maîtrisant un vocabulaire ou en en créant un, en s’exprimant, prend confiance en lui, s’autonomise, voire s’émancipe. De personnage malmené par la vie, il devient le maître de sa propre vie et de son histoire.
La célèbre série de Marie-Aude Murail (cinq saisons à ce jour), Sauveur et fils (2018), va dans le même sens. « Parler soigne » pourrait être la phrase d’introduction à cette fiction qui met en scène un psychologue clinicien, Sauveur Saint-Yves, dont le métier est d’écouter pour aider. Il reçoit dans son cabinet des enfants et des adolescents en détresse qui viennent lui parler. Phobie scolaire, énurésie, anorexie, suicide, addiction aux jeux vidéo…, les sujets de mal-être ne manquent pas. On est tout de suite touché par ce personnage principal qui a des difficultés à dialoguer avec son fils Lazare mais qui, par sa présence et son attention aux autres, aide tous ces enfants à aller mieux.
Saison après saison, les voix des patients de Sauveur se font entendre et Marie-Aude Murail évoque avec virtuosité les difficultés à vivre en couple et en famille, les conflits parentaux, les non-dits qui forment un terrain fertile pour les pathologies de l’enfant et de l’adolescent. Les scènes décrites par l’auteure et les paroles font mouche à chaque fois : on prête l’oreille aux paroles des différents protagonistes, Margaux, Ella ou Gabin, et à bien d’autres encore. Il y a beaucoup d’humanité et de tendresse dans cette série où l’auteure traite de sujets difficiles sans pathos, ni clichés.

Des paroles pleines d’émotions

Comment faire écouter la voix d’un personnage ? Comment la rendre plus proche du lecteur ? De plus en plus d’auteurs jeunesse répondent à ces interrogations en adoptant un récit à structure poétique. Souvent, il s’agit d’une narration à la première personne, narration qui offre au héros la possibilité de nous confier ses émotions, ses sentiments, et, ce faisant, d’évoluer. Cette forme est celle du vers libre sans vraiment de système métrique ou de rime. Jean-Yves Tadié l’appelle « récit poétique » qui emprunte à la poésie ses moyens d’action et ses effets tout en conservant le principe du roman : un ou des personnages avec une histoire dans un ou plusieurs lieux (Tadié, 1994).
Le choix de la forme poétique permet à l’écrivain de se libérer de certaines contraintes : descriptions réalistes, chronologie des événements ou encore alternance entre narration et description. De même, les personnages ont tendance à s’effacer au profit du seul narrateur (« je ») auquel le lecteur peut s’identifier plus facilement. En allégeant ainsi le texte, l’auteur attire l’attention sur son message : l’expression profondément intime des sentiments et des pensées de son héros. Fragments de paroles et blancs dans la page, rythmes des mots et des phrases, sonorités, etc., contribuent de leur côté à accentuer le lyrisme du texte.
Avec ces romans-poèmes, nous savourons peut-être encore plus la beauté des termes choisis par le romancier, nous goûtons à leur musicalité, aux sons, aux intonations, aux rythmes des vers qui contribuent à mieux nous faire saisir ce qui est important pour le narrateur.
C’est ainsi qu’on découvrira avec émotion ce récit poétique qu’est Inséparables de Sarah Crossnan (2019). Grace et Tippi sont deux sœurs siamoises qui entrent pour la première fois au lycée. Protégées jusqu’alors par leur famille, elles doivent affronter le regard des autres et la dureté de leurs réactions. Elles se soutiennent, se font des amis. Puis Grace tombe amoureuse. Puis, Grace tombe malade…
Ce journal intime d’une durée de six mois est écrit par cette dernière. Il narre les événements marquants sur une ou deux pages au maximum. Quelquefois, il n’y a que quelques mots, le texte étant simplifié, épuré comme s’il s’agissait de pensées, d’émotions à fleur de peau. La disposition dans la page, les retours à la ligne ou encore la ponctuation contribuent à renforcer l’effet qui s’en dégage.

           «

Soeurs

Nous
Voilà.

Et vivantes.

Extraordinaire, n’est-ce pas ?

D’arriver
à vivre
comme ça.

          »

Parfois les mots grouillent sur la page pour raconter ce qui leur arrive, l’espace se remplit de dialogues, de personnages qui interviennent.

                                             « 

Enfin Maman se masse les tempes, soupire, et nous dit tout.
‘On est à court de donations,
on n’a plus les moyens de vous payer un tuteur
Votre père n’a pas encore retrouvé de travail
et la retraite de Grammie
ne couvre même pas l’abonnement téléphone.’

‘Vous nous coûtez cher, les filles’, ajoute Papa,
comme s’il était possible d’économiser
l’argent qu’ils dépensent pour nous deux

Tippi et moi, on n’est pas ce qu’on appelle normales—
pas le genre qu’on rencontre tous les jours,
ni même une seule fois
dans sa vie.

Toute personne un minimum bien élevée
nous appelle « jumelles fusionnées »,
mais on nous a déjà donné d’ autres noms aussi :
monstres, mutantes,
déformées, dénaturées,
                                             »

D’autres romans font appel à ce procédé narratif en vers libres. De la même auteure, Sarah Crossan, on peut citer Swimming pool (2018), un récit d’actualité sur l’immigration et le harcèlement. Il y a aussi le très beau Songe à la douceur de Clémentine Beauvais (2016), réécriture d’Eugène Onéguine de Pouchkine dans un contexte contemporain. L’auteure, très talentueuse, nous raconte les rapports amoureux de deux personnages, Eugène et Tatiana. Déconstruisant la linéarité du texte, jouant avec la typographie et la mise en page, mais aussi sur les sonorités, les répétitions, les mots, elle nous donne à entendre les troubles, les pensées et les sentiments de chacun des protagonistes.

                                      «
À l’étage en dessous, Tatiana, quatorze ans,
                lit,                        lit,
lit,     lit,      lit,      lit,              lit,
               lit,                lit,
                     lit,
                                      »

Des paroles pour grandir

La forme poétique est aussi l’occasion de nous ouvrir à de nouvelles cultures. Un ouvrage récent en est l’illustration, Signé poète X de Elizabeth Acevedo (2019), qui met en avant le slam. Elizabeth Acevedo met en scène une jeune fille d’origine dominicaine, Xiomara, à la fois engluée dans son corps de jeune femme en train d’éclore et dans sa vie familiale – sa mère hyper pieuse lui impose, ainsi qu’à son frère jumeau, une vie rigide, pleine de contraintes. Révoltée, en colère, elle aimerait pouvoir se débarrasser de tout ce qui l’étouffe. Mais, à 15 ans, que peut-elle faire ? La seule option qui s’ouvre à elle, c’est d’écrire, écrire tout ce qu’elle ne peut combattre. Puis, un club de slam se crée dans son lycée et c’est enfin la possibilité d’exprimer publiquement ses émotions, sa personnalité et de trouver sa voix et sa voie. Ce qui fait la vitalité de ce roman, c’est sa forme d’abord qui est celle d’une succession de poèmes slamés dont la force est évidente. Slam vient du verbe « to slam » qui signifie « claquer » ou encore « frapper violemment » et c’est ce qu’on ressent avec ce livre : des mots qui claquent et qui percutent, des mots qui chantent et qui vibrent, donnant à ressentir les troubles, les émois et la sensibilité de l’héroïne. À la lecture de ces slams, on ne peut qu’être touché, voire bousculé, au plus profond de soi par la force, la puissance, mais aussi l’authenticité qui s’en dégagent. Le slam a un rythme particulier, propre à la déclamation, les paroles s’entrechoquent, résonnent les unes par rapport aux autres, et Elizabeth Acevedo3 réussit une vraie prouesse : sous nos yeux, les mots de Xiomara s’animent ; on entend la jeune fille, sa souffrance mais aussi son énergie qui peu à peu s’accroît jusqu’à lui permettre de se libérer de l’emprise de sa mère. Ici, les termes employés, comme leur musicalité, sont salvateurs pour l’héroïne.
Autant dire que ce roman est une véritable réussite, tant dans la forme poétique que dans les sujets traités : harcèlement, sexisme, incommunicabilité, mais surtout difficulté d’être soi, des thèmes qui trouveront un écho auprès des lecteurs.

On voit donc que par de multiples manières, les écrivains arrivent à se jouer de la distance imposée par la page et le langage écrit. Recourant à de multiples styles, transcrivant dans des registres variés, puisant aux sources de la langue, mêlant argot, verlan, néologismes, tics de langage, faisant alterner rythmes et sonorités, signes de ponctuation, et utilisant même la mise en page, ils arrivent à traduire la singularité et les émotions des personnages qu’ils font parler.
Pour conclure, on laissera la parole à Patrick Chamoiseau, prix Goncourt 1992 pour Texaco, qui résume avec maestria les liens entre oral et écrit (1994, p. 156-157) : « Il ne s’agit pas, en fait, de passer de l’oral à l’écrit, comme on passe d’un pays à l’autre ; il ne s’agit pas non plus d’écrire la parole, ou écrire sur un mode parlé, ce qui serait sans intérêt majeur ; il s’agit d’envisager une création artistique capable de mobiliser la totalité qui nous est offerte, tant du point de vue de l’oralité que de celui de l’écriture. Il s’agit de mobiliser à tout moment le génie de la parole, le génie de l’écriture, mobiliser leurs lieux de convergence, mais aussi leurs lieux de divergence, leurs oppositions et leurs paradoxes, conserver à tout moment cette amplitude totale qui traverse toutes les formes de la parole, mais qui traverse aussi tous les genres de l’écriture, du roman à la poésie, de l’essai au théâtre ».

 

 

Des Crayons et une Femme

De quand date votre première rencontre avec le roman de Steinbeck ? Qu’avez-vous ressenti à sa lecture ?

Je me souviens avoir découvert le roman de Steinbeck alors que j’étais adolescente, vers l’âge de 13 ou 14 ans, d’avoir beaucoup pleuré à la première lecture, et d’avoir repris le roman à de nombreuses reprises, avec le plaisir de connaître à l’avance le chagrin que j’allais éprouver, toujours plus tôt dans les chapitres, mais aussi en passant sans doute complètement à côté de l’aspect historique du roman, par méconnaissance à l’époque de l’histoire américaine et de la crise qu’avait vécu ce pays dans les années 30.

Pourquoi choisir d’illustrer, aujourd’hui, ces portraits de laissés-pour-compte ? Est-ce un écho à l’Amérique d’aujourd’hui ?

Avec mes éditeurs, nous étions à la recherche d’un nouveau roman, après la première collaboration que nous avions eue autour de Soie d’Alessandro Baricco, un roman court, fort et mythique. Nous avons pensé ensemble que Des souris et des hommes évidemment répondait à tous nos critères. C’est aussi un roman qui laisse de la place pour l’illustrateur, il y a de grands espaces, des personnages forts, des gueules, de la violence, du sang, des paysages, des animaux, de la sensualité, de l’érotisme… Avec la possibilité pour moi d’explorer cette ambiance et ce folklore des années 30 aux États-Unis. Les hommes en salopette, Ies vieilles Ford, les publicités de l’époque, et toutes les références photographiques que j’ai toujours aimées : Dorothea Lange et Walker Evans, par exemple. C’était aussi pour moi l’opportunité de m’exprimer dans un registre nouveau, pour adultes, très masculin. Bref de me renouveler et de prendre des risques.

Steinbeck, John ; Dautremer, Rebecca. – Des souris et des hommes. – Tishina

Aviez-vous vu, avant d’entamer cet album, les adaptations cinématographiques de Lewis Milestone en 1939 et de Gary Sinise en 1992 ?

J’ai vu le film des années 90, je n’en avais pas un souvenir très ému. Il m’a paru lisse et un peu trop sage. Je n’ai pas eu envie de le voir de nouveau avant de me mettre au travail. J’avoue ne pas connaître le film de 1939, mais en général, quand je m’attaque à une histoire classique qui a déjà fait l’objet d’adaptations cinématographiques théâtrales ou picturales, je m’abstiens plutôt de me les mettre en tête pour pouvoir proposer une version personnelle, sans être trop influencée.

Une référence au cinéma que l’on retrouve, me semble-t-il, dans les doubles pages particulièrement travaillées, cadrées en plan large, ouvrant chacun des six chapitres.

Chaque chapitre s’ouvre en effet sur une double page plus travaillée techniquement. Mes références sont plus photographiques que cinématographiques, je citerai une fois de plus le travail de Dorothée Lange, mais aussi les portraits de Mike Disfarmer par exemple. Toutes ces photos anonymes de personnages qui ont vécu cette époque et qui ont été pris de façon fortuite en train de travailler dans les champs, ou errants au bord de la route… Dans ces doubles pages « photographiques » les personnages représentés ne sont pas les personnages du roman lui-même, mais des personnages de passage, bel et bien anonymes.

Steinbeck, John ; Dautremer, Rebecca. – Des souris et des hommes. – Tishina

Les nombreux dialogues du roman vous ont-ils posé problème ? Avez-vous pris le parti d’une mise en scène presque théâtrale ?

Le roman, en effet, se compose aux quatre cinquièmes de dialogues. C’est au contraire un atout pour un travail d’illustration qui s’approche de la bande dessinée. Les dialogues du texte sont comme ceux d’une pièce de théâtre effectivement. J’ai donc souvent mis en scène des personnages comme sur une scène, en travaillant leur interprétation de leur texte, comme s’ils avaient été les acteurs de la pièce. Je n’ai donc pas été gênée par les descriptions de l’auteur qui auraient pu me limiter dans mon interprétation du jeu des personnages.

Vos cases, quant à elles, ressemblent souvent par leur arrondi et leurs couleurs aux vieilles photos sépia conservées dans les albums familiaux. On y retrouve des paysages, des portraits de couple… Quelle est l’influence de la photographie sur votre travail ?

J’aime beaucoup la photographie. J’ai effectivement tenté d’évoquer « l’objet photographie » en peignant des petites vignettes détaillées aux coins ronds, Et je les ai réservées très souvent au moment où l’auteur décrit les lieux où se déroule chaque chapitre, ou aux quelques passages qu’il consacre à des personnages d’un temps révolu de l’histoire, comme autant de photos d’un album de souvenirs.

Steinbeck, John ; Dautremer, Rebecca. – Des souris et des hommes. – Tishina

Le texte de John Steinbeck est conservé dans son intégralité. Comment s’est passé son découpage pour y intégrer vos images ?

J’ai voulu réaliser un livre avant tout d’images mais nous étions d’accord avec les éditeurs pour publier l’intégralité du texte. Pas une virgule n’a été oubliée. J’ai donc dû « étaler » le texte sur plus de 400 pages pour laisser beaucoup d’espace à l’image, tout simplement. J’ai donc coupé le texte par petits paragraphes le plus judicieusement possible pour regrouper les informations susceptibles de générer une même illustration.

Pourquoi avoir ôté toute pagination et avoir gardé en arrière-fond, des mots ou des phrases en anglais, comme une petite musique en version originale ?

Je ne suis pas sûre que la pagination soit indispensable dans ce genre de livre. C’est un choix aussi des éditeurs. J’ai également choisi d’apposer des bribes de façon manuscrite du texte en anglais pour pouvoir donner une idée de la saveur de la langue originale comme on regarderait un film en VO avec les sous-titres.

 

Steinbeck, John ; Dautremer, Rebecca. – Des souris et des hommes. – Tishina
Steinbeck, John ; Dautremer, Rebecca. – Des souris et des hommes. – Tishina

Vous travaillez à l’ancienne, sans avoir recours au numérique, pouvez-vous décrire les différentes étapes de votre création ?

C’est étrange de dire que je travaille à l’ancienne parce que je travaille à la main ! Je ne crois pas que l’outil main soit un outil dépassé. Je pense même que c’est le seul outil qui ne se démodera jamais. Nous sommes encore nombreux à le pratiquer, heureusement !
Par ailleurs, je ne pourrais pas produire la variété des techniques et des textures que vous avez dans ce livre de façon digitale, je n’ai même pas envie d’essayer, je pense tout simplement que je ne saurais pas le faire ! Et l’ordinateur ne peut pas tout ! La main me semble tellement plus maligne que mon clavier si vous saviez ! J’ai donc eu besoin de 16 mois de travail très intense pour réaliser les 212 doubles pages qui composent ce livre. J’ai tendu 212 fois ma feuille sur ma planche, je n’ai fait aucun croquis, aucune esquisse, j’ai choisi de laisser apparaître le repentir de mes crayonnés sur mes originaux, et de compléter les planches comme je l’aurais fait d’un carnet de croquis, avec les défauts, les accidents, les taches qui pouvaient m’arriver. J’ai travaillé avec de la gouache pour les illustrations couleur, mais aussi parfois avec de l’encre, de la mine de plomb, du crayon, de l’encre de Chine, des collages… J’ai choisi ma technique, bien entendu, en fonction du contenu du texte. Et j’ai mis le style au service des passages de l’histoire évidemment. Je me suis aussi préoccupée du rythme de la lecture du livre, j’ai essayé d’aménager des surprises pour le lecteur, de lui donner envie de tourner la page, tout en restant au service des émotions qu’avait voulu transmettre Steinbeck.

Les animaux tiennent une place importante dans votre œuvre. Vos deux derniers livres ont pour héros un lapin, Jacominus Gainsborough, et la dernière image de cet album est également un lapin. Dans le roman, on rencontre également un héron, une mouche, un poisson, des poules et bien d’autres animaux… Sans compter les souris ! Qu’est-ce qui vous plaît dans le dessin animalier ?

C’est vrai que j’aime bien dessiner les animaux ; pour dire les choses très simplement, je crois que c’est beaucoup plus simple que de dessiner les êtres humains ! Et c’est beaucoup plus varié !

Steinbeck, John ; Dautremer, Rebecca. – Des souris et des hommes. – Tishina

La fabrication de ce livre a été particulièrement soignée. Couverture solide et cartonnée, papier opaque et résistant, typographie soignée, tranche bleutée. Comment avez-vous rencontré ce petit éditeur Tishina et pourquoi l’avoir choisi ?

J’ai rencontré les éditeurs Des souris et des hommes pour la première fois alors qu’ils m’avaient proposé d’illustrer le roman Soie d’Alessandro Baricco. Ils étaient alors très jeunes, pleins d’enthousiasme, de volonté et d’énergie, mais sans maison d’édition ! Ils m’ont convaincue après quelques années de discussion de réaliser un premier live avec eux et m’ont démontré qu’ils étaient capables de faire un très beau travail. J’ai eu plaisir à imaginer une seconde collaboration avec eux. Leur politique est de publier un nombre très réduit de livres, mais de les soigner dans le moindre détail. C’est donc très agréable pour un auteur de se trouver entre leurs mains !

Vous dessinez depuis une vingtaine d’années, ce livre est-il un tournant dans votre œuvre et quel nouveau chemin annonce-t-il ?

Oui, ce livre a été une expérience particulière pour moi. Il m’a permis de tester des styles graphiques nouveaux, et surtout une combinaison de registres particulière. Il m’a permis de m’exprimer dans des ambiances que je ne connaissais pas. De façon générale j’essaie toujours de me renouveler mais il est certain qu’avec cet album, le renouvellement a été radical ! Il n’est pas question non plus d’abandonner ce que j’aime faire dans l’édition enfantine, je travaillerai l’an prochain de nouveau avec mon personnage Jacominus, mais je compte bien pour le livre suivant retravailler un roman graphique de ce genre, avec un texte original cette fois-ci !

En vous attaquant à ce travail titanesque d’une mise en images au plus près du texte, demandant des centaines de dessins, voulez-vous contredire le vers de Robert Burns : « Les plans les mieux conçus des souris et des hommes souvent ne se réalisent pas » à l’origine du titre de Steinbeck ?

C’est vrai que je suis venue à bout de ce travail très lourd et très long ! Je suis assez fière d’avoir atteint mon but ! Il n’y a rien de comparable dans cette difficulté évidemment avec la misère qu’ont vécue les hommes de cette époque, ça fait sûrement toujours du bien de s’en souvenir.

Steinbeck, John ; Dautremer, Rebecca. – Des souris et des hommes. – Tishina
Steinbeck, John ; Dautremer, Rebecca. – Des souris et des hommes. – Tishina
Steinbeck, John ; Dautremer, Rebecca. – Des souris et des hommes. – Tishina
Steinbeck, John ; Dautremer, Rebecca. – Des souris et des hommes. – Tishina
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Steinbeck, John ; Dautremer, Rebecca. – Des souris et des hommes. – Tishina

La mer de tous les possibles

Expositions, Archives, musées, Événements

Musée Mer Marine de Bordeaux
La collection du Musée couvre plusieurs millénaires d’histoire de la navigation, et évoque l’épopée des océans, depuis les temps géologiques jusqu’aux préoccupations environnementales du 21e siècle.
https://www.mmmbordeaux.com/

Musée de l’Éphèbe au Cap d’Agde
Le musée de l’Éphèbe et d’archéologie sous-marine présente les richesses du patrimoine agathois. Il s’agit de l’unique musée français consacré à l’archéologie sous-marine.
https://www.museecapdagde.com/le-musee

Cité de la mer à Cherbourg
Musée maritime, expositions et aquarium. La cité de la mer est un parc scientifique et ludique.
https://www.citedelamer.com/

Musée national de la Marine
Constitué en réseau, le musée national de la Marine est présent à Paris, Brest, Port-Louis, Rochefort et Toulon.
http://www.musee-marine.fr/

Mucem à Marseille : Connectivités
Exposition permanente : une histoire des grandes cités portuaires de la Méditerranée des XVIe et XVIIe siècles – Istanbul, Alger, Venise, Gênes, Séville et Lisbonne.

Cité des sciences et de l’industrie à Paris : Sous l’océan
Ce parcours permanent propose d’explorer les fonds marins dans un parcours en trois temps, sous l’angle scientifique, technologique et géopolitique
http://www.cite-sciences.fr/fr/au-programme/expos-permanentes/sous-locean/lexposition/

Expéditions MED : Océans et mers plastifiés
Exposition temporaire itinérante sur les déchets plastiques en mer, les impacts et les solutions. Questembert, Arcachon et Nanterre en 2021
http://www.expeditionmed.eu/fr/oceans-plastifies/
Version numérique de l’exposition :
https://oceansetmersplastifies.fr/

Bibliothèque nationale de France : La Mer, terreur et fascination
Exposition virtuelle organisée par la BNF et la ville de Brest (2005). Au programme : la mer inconnue, les colères de la mer, les merveilles de la mer, mer et création, menaces contemporaines. Suivis de gros plans (dieux et héros grecs, monstres marins, etc.), des ateliers (d’écriture, graphique, sur Moby Dick) des ressources pédagogiques
http://expositions.bnf.fr/lamer/

Bibliothèque nationale de France : L’Âge d’or des cartes marines
Exposition virtuelle : Quand l’Europe découvrait le monde
http://expositions.bnf.fr/marine/index.htm

Museum national d’histoire naturelle : Océan, une plongée insolite
Exposition terminée mais documents en ligne pour explorer l’océan à la rencontre de sa biodiversité
https://www.jardindesplantesdeparis.fr/fr/programme/galeries-jardins-zoo-bibliotheques/ocean-plongee-insolite-3681

Institut du monde arabe – Naviguez vers le pays de votre choix
Exposition virtuelle artistique réalisé par Christine Coulange. Elle permet de présenter aux élèves les ports « de la Méditerranée à l’océan Indien », à l’aide de cartes interactives, d’images sonores, dans une vision contemporaine
https://les-ports.sisygambis.webdoc.imarabe.org/#fr/carte

LES FESTIVALS

Festival Septembre en Mer – Marseille – Septembre
Nombreuses manifestations pour faire connaître le monde maritime : sports nautiques, culture et gastronomie au programme
+ Marseille, capitale de la mer, 1re édition à l’automne 2021
https://officedelamer.com/fr/septembre-en-mer/

Festival des Aventuriers de la mer – Lorient – Octobre
Rendez-vous maritime « pour défendre la nécessité des transitions environnementales, favoriser les initiatives et les innovations, et rappeler le besoin de solidarités en mer »
http://aventuriersdelamer.fr/

LES JOURNÉES

Nombreuses journées (dates sous réserve) qui peuvent donner lieu à des manifestations sur la découverte et la protection des océans et de leur biodiversité.

• 3 Mars : Journée mondiale de la vie sauvage
• 18 Mars : Journée mondiale du recyclage
• 22 Mars : Journée mondiale de l’eau
• 22 Avril : Jour de la Terre
• 11 Mai : Journée mondiale des espèces menacées
• 20 Mai : Journée européenne de la mer


• 22 Mai : Journée mondiale de la biodiversité
• 30 mai – 05 Juin : Semaine européenne du développement durable
• 5 juin : Journée mondiale de l’environnement
• 8 juin : Journée mondiale de l’océan


• 19 Septembre : World cleanup day : nettoyons la planète en un jour
• 24 Septembre : Journée mondiale de la mer
• 07 au 11 Octobre : Fête de la nature

Les parcours éducatifs

Le Parcours citoyen. Circulaire du 23/06/2016. Éducation à la citoyenneté dont l’Éducation à l’environnement et au développement durable – BO n° 31 du 29 août 2019.

Le Parcours Avenir : Arrêté du 1er juillet 2015 – JO du 7 juillet 2015 : découvrir le monde économique et professionnel.

Le Parcours éducatif de santé. Loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, réaffirmé par la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé ; structuré autour de trois axes : l’éducation à la santé ; la prévention ; la protection.

les associations

BLOOM
Association dont les objectifs sont de protéger l’océan et les espèces marines tout en maximisant les emplois durables dans la pêche et l’aquaculture. Publie des guides (sur le climat, la consommation de poissons) des enquêtes.
http://www.bloomassociation.org/

Expédition Septième continent
Association luttant contre la pollution maritime.
http://www.septiemecontinent.com/
Voir aussi Plastic Odyssey https://plasticodyssey.org/

Fondation de la Mer
La Fondation de la Mer contribue à l’étude et à la protection de l’océan.
Programmes de protection de la biodiversité, lutte contre les pollutions, soutien à la recherche, éducation et sensibilisation…
http://www.fondationdelamer.org/

Fondation Tara Expéditions
Nombreuses ressources pédagogiques sur les thématiques de la Fondation (corail, plancton, déchets plastiques et Arctique).
https://oceans.taraexpeditions.org/

Sea Sheperd
La mission de Sea Shepherd est de lutter contre la destruction de la vie et de l’habitat marin dans son ensemble… Actualité de ses campagnes sur leur site.
https://www.seashepherd.fr/

Water Family
Anciennement connue sous le nom Du Flocon à la Vague. Ressources en direction des enseignants (programme Water Responsables, fiches pédagogiques, jeux).
https://waterfamily.org/

WWF
Pour préserver les mers et les océans, le WWF utilise différents leviers d’action : le déploiement et la bonne gestion des Aires Marines Protégées, la promotion d’une économie bleue compatible avec la bonne santé des écosystèmes marins et l’accompagnement de la filière pêche et aquaculture vers plus de durabilité.
À noter : le développement de Mobi, une application pour recenser les cétacés. Ou encore le Consoguide poisson, destiné à faire diminuer la pression exercée sur les espèces maritimes.
https://www.wwf.fr

Dans les programmes

Collège

Histoire, Cinquième
Thème 3 – Transformations de l’Europe et ouverture sur le monde aux XVIe et XVIIe siècles
3e sous-thème : le monde au temps de Charles Quint et de Soliman le Magnifique
Étude d’un cas de piraterie en mer Méditerranée entre le VIe et le XIIIe siècle

Histoire, Quatrième
Étude de cas de piraterie à travers la thématique du commerce à l’époque moderne

Histoire, Troisième
Enjeux et conflits dans le monde après 1989 (lien avec l’EMC)
Thème 1 : L’Europe, un théâtre majeur des guerres totales. La mer, théâtre des guerres totales (1914-1945)
Thème 2 : Le monde depuis 1945. Les océans, enjeux et conflits
BO spécial n° 11 du 26 novembre 2015

Géographie, Sixième
Thème : Habiter les littoraux.
BO spécial n° 11 du 26 novembre 2015

Cycle 4, Quatrième
Thème : Des espaces transformés par la mondialisation :
Mers et océans : un monde maritimisé.
BO n° 31 du 30 juillet 2020

Cycle 4, Troisième
Thème 2 : « Pourquoi et comment aménager le territoire ? » – Entrée : « Les territoires ultramarins français : une problématique spécifique »
Thème 3 : La France et l’Union européenne. La puissance française et la mer/un territoire dans la mondialisation
BO spécial n° 11 du 26 novembre 2015

Français, Sixième
Le récit d’aventure : « Pourquoi lire ou écrire des récits d’aventure ? »
BO n° 30 du 26 juillet 2018. Arrêté du 17 juillet 2018

Français, Cycle 4, Cinquième
Se chercher, se construire. Le voyage et l’aventure : pourquoi aller vers l’inconnu ?
BO n° 31 du 30 juillet 2020

Langues et Cultures de l’Antiquité, Cycle 4
Le monde méditerranéen antique
Arrêté du 8-2-2016 – J.O. du 1-3-2016

Sciences de la vie et de la terre
Circulaire n° 2019-121 du 27-8-2019 : généralisation de l’éducation au développement durable. Permet de multiples entrées pour enseigner la mer et le monde marin.

SVT, Sixième
Thème : La planète Terre. Les êtres vivants dans leur environnement

SVT, Cycle 4
Thème : La planète Terre, l’environnement et l’action humaine
Sous-thèmes :
Les risques naturels et ceux liés aux activités humaines et les mesures de prévention, de protection, d’adaptation ou d’atténuation
Les principaux enjeux de l’exploitation d’une ressource naturelle par l’être humain et les grandes questions de société
Les choix en matière de gestion de ressources naturelles à différentes échelles
BO spécial n° 11 du 26 novembre 2015

Lycée général et technologique

Histoire, Seconde
« Grandes étapes de la formation du monde moderne »
Thème 1 : Le monde méditerranéen : empreintes de l’Antiquité et du Moyen Âge
Thème 2 : XVe-XVIe siècle : un nouveau rapport au monde, un temps de mutation intellectuelle (11-12 heures) Chapitre 1. L’ouverture atlantique : les conséquences de la découverte du « Nouveau Monde »
BO spécial n° 1 du 22 janvier 2019

Géographie, Seconde
Thème 1 : Sociétés et environnements : des équilibres fragiles
Thème 3 : Des mobilités généralisées. Questions : Les migrations internationales. Les mobilités touristiques internationales. Étude de cas possible : La mer Méditerranée : un bassin migratoire
BO spécial n° 1 du 22 janvier 2019

Géographie, Première
Thème 2 : Une diversification des espaces et des acteurs de la production
Question : Métropolisation, littoralisation des espaces productifs et accroissement des flux
BO spécial n° 1 du 22 janvier 2019

Géographie, Terminale
« Les territoires dans la mondialisation : entre intégrations et rivalités »
Thème 1 – Mers et océans : au cœur de la mondialisation
BO du 25 juillet 2019

Histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques, Première
Thème 3 : Étudier les divisions politiques du monde : les frontières – Axe 2 Les frontières en débat (Dépasser les frontières : le droit de la mer -identique sur l’ensemble des mers et des océans, indépendamment des frontières-)
Bulletin officiel spécial n° 1 du 22 janvier 2019

Lycée professionnel

Français, Terminale
Objet d’étude de la classe terminale « Vivre aujourd’hui : l’humanité, le monde, les sciences et la technique » (axe de réflexion : La beauté de la nature)
BO spécial n° 5 du 11 avril 2019

Histoire, Seconde
Premier thème : L’expansion du monde connu (XVe-XVIIIe siècle) – Notions et mots-clés : Colonisation, traite atlantique, routes maritimes, etc.
BO spécial n° 5 du 11 avril 2019

Géographie, Terminale
Thème 1 : L’accès aux ressources pour produire, consommer, se loger et se déplacer (notions clés : accès aux ressources, objectifs de développement durable)
BO spécial n° 5 du 11 avril 2019

Prévention santé environnement, Première
Module B4 : « L’eau et le développement durable » en classe de première
BO spécial n° 5 du 11 avril 2019 – arrêté du 3 février 2020 publié au BO spécial n° 1 du 6 février 2020

Pistes pédagogiques

Développer une véritable culture maritime chez les professeurs et les élèves en assurant une veille autour de la mer.
Réaliser une galerie collective de portraits par des interviews de professionnels de la mer et d’acteurs locaux sur des supports variés, constructions de fiches métiers et d’articles. Chaque portrait peut être associé à un paysage, à une chanson ou à un support sensible.
Projet pouvant être intégré au parcours Avenir, associant Lettres-histoire-géographie-EMC / technologie et formation professionnelle / sciences / découverte professionnelle / arts plastiques.

Réaliser une exposition sur la piraterie d’hier et d’aujourd’hui. Réalisation de panneaux d’exposition à partir des ressources numériques collectées. Réalisation d’audio-guides par les élèves permettant une visite ultérieure en autonomie (en français et/ou en langue vivante).

Réaliser des récits et carnets de voyages. Associer Lettres – H-G – Arts plastiques.
Étudier un procès de piraterie (E.M.C. Le droit et la règle : travail sur la justice -étude d’un procès de piraterie-).

Faire une « lecture en réseau » autour de cette thématique, avec le professeur de Lettres, aussi bien en collège qu’au lycée professionnel (CAP).

Dans le cadre du parcours santé : Prévention face aux risques (liés à la mer). Nutrition et activités physiques. Étude des rythmes biologiques et des besoins corporels (question de sommeil, d’hygiène, d’alimentation à travers l’exemple des navigateurs, etc.). Des projets à mettre en œuvre avec les professeurs de SVT, mais aussi d’EPS.

Dans le cadre du parcours citoyen, mettre en œuvre des projets avec les professeurs principaux, les CPE, les professeurs d’histoire-géographie, de SVT en utilisant par exemple, les journées mondiales consacrées au développement durable.

Radio

Les Écrivains maritimes, Les têtes chercheuses, France Culture, 11/07/2015, 59 min.
https://www.franceculture.fr/emissions/les-tetes-chercheuses/les-ecrivains-maritimes-avec-riff-reb-sjournaliste

La Mer dans la littérature française, la Compagnie des Auteurs, Matthieu Garrigou-Lagrange France Culture, 27/06/2019, 58 min.
https://www.franceculture.fr/emissions/la-compagnie-des-auteurs/la-mer-dans-la-litterature

Sitographie

Le Grand Orchestre des Animaux
Site Web crée dans le prolongement de l’exposition Le Grand Orchestre des Animaux présentée (Fondation Cartier pour l’art contemporain, 2016).
Propose une expérience interactive pour découvrir l’écologie du paysage sonore et ses ressorts. Une niche sonore sur les océans est accessible.
https://www.legrandorchestredesanimaux.com/fr/oceans

Vingt mille lieues sous les mers, un voyage dans les profondeurs du monde marin et de l’âme humaine. Dossier – Lumni
4 thématiques :
Le Nautilus : monstre marin archaïque, merveille technologique
Jules Verne : Vingt mille lieues sous les mers, une fabuleuse odyssée sous-marine
Le capitaine Nemo, personnage de fiction de Vingt mille lieues sous les mers
Le capitaine Nemo, vengeur inflexible
https://www.lumni.fr/dossier/jules-verne-vingt-mille-lieues-sous-les-mers

Archéologie sous-marine
Un site du ministère de la Culture qui propose un aperçu des techniques de prospection des sites et de fouille des épaves, des méthodes de restitution, d’analyse et de conservation de ces vestiges via des cartes, des films (La Route des abysses, Le Temps des pionniers…), etc.
https://archeologie.culture.fr/archeo-sous-marine/fr

Médiathèque de la mer de Cherbourg
Annuaire des liens sur tout l’univers maritime : faune, flore, histoire, métiers etc.
https://mediathequedelamer.com/les-ressources/annuaire-de-liens/

Ifremer
L’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER) se consacre à la connaissance des océans et de leurs ressources, la surveillance du milieu marin et du littoral et au développement durable des activités maritimes. Il offre des ressources utiles pour étudier les océans.
https://wwz.ifremer.fr/

GéoImage
Le site du CNES met en ligne 280 dossiers sur la thématique « Mers et océans » en lien avec les programmes scolaires. Les images satellites permettent de changer la perspective en apportant des informations sur des espaces et territoires souvent inaccessibles.
https://geoimage.cnes.fr/fr

L’atlas européen des mers
Il fournit des informations sur le milieu marin en Europe. Des cartes prédéfinies et prêtes à l’emploi sont mises à la disposition des utilisateurs : sur la nature, le tourisme, la sécurité, l’énergie, le transport de passagers, les fonds marins, les stocks de poissons et les quotas de pêche, l’aquaculture, etc. L’« Espace Enseignants » propose des exercices et des outils de communication. Réalisé par la Commission européenne.
https://ec.europa.eu/maritimeaffairs/atlas_fr

Atlas Transmanche – Espace Manche
Depuis plus de 20 ans, l’Atlas Transmanche – Espace Manche donne à voir et à comprendre un espace transfrontalier maritime majeur.
http://atlas-transmanche.certic.unicaen.fr/fr/

Shipmap
Le planisphère montre les itinéraires empruntés par les navires marchands du monde entier. Grâce à leur GPS, leur localisation est enregistrée en permanence, ce qui permet de cartographier leurs voyages et les circulations maritimes mondiales.
https://www.shipmap.org/

Câbles sous-marins
Le site propose une carte interactive et actualisée des câbles sous-marins dans le monde.
https://www.submarinecablemap.com/

Trafic maritime
En utilisant le site de Marine Traffic, vous pouvez cliquer sur les navires et obtenir en direct des informations sur les navires du monde entier (photos, plan de navigation, cargaison, etc.).
https://www.marinetraffic.com/en/ais/home/centerx:-12.0/centery:25.0/zoom:4

Représentations artistiques

Peinture

Caspar David Friedrich, Le moine au bord de la mer, 1808-1810 (peinture de paysage de bord de mer – romantisme)

William Merritt Chase, Au bord de la mer, 1892

Claude Monet, Mer agitée à Étretat, 1883 (impressionnisme)

Paul Signac, La Bouée rouge, 1895 (pointillisme)

Henri-Edmond Cross, Les Îles d’Or, 1891-1892 (pointillisme)

Mandy Barker, Snowfall On Christmas Island, Commissions, 2016 (Mandy Barky, utilise les débris en plastique retrouvés dans la mer ou sur la plage dans ses œuvres d’art)

Joost Wensveen, Le Grand Saut, 2017 (photographe utilisant les techniques de superposition photographique)

Performance

Lina Lapelyte, Vaiva Grainyte and Rugile Barzdziukaite, Sun & Sea (Marina), 2019 Pavillon lituanien-Biennale de Venise 2019. Lina Lapelyte, Vaiva Grainyte et Rugile Barzdziukaite ont conçu une plage fictive. L’opéra-performance propose aux spectateurs de vivre une expérience immersive (bruits, odeurs, voix, etc.). Lion d’or pour la meilleure participation nationale.

Musique

Les Hébrides de Mendelssohn, inspirée par la grotte de Fingal en Écosse (1830)

Symphonie n° 2 « Océan » de Rubinstein (1851)

Suite symphonique Shéhérazade de Rimski-Korsakov (1888)

La Mer de Debussy (1905)

Suite orchestrale The Sea de Frank Bridge (1911)

Les Océanides de Sibélius (1914)

Dessins, Estampes

Victor Hugo, Les Travailleurs de la mer, 36 dessins (1866) publiés dans le roman éponyme

Hokusai, La Grande Vague de Kanagawa (1830 ou 1831)

 

 

 

Représentation des minorités dans les littératures de l’imaginaire contemporaines

Historiquement, certaines branches des littératures de l’imaginaire ne sont pas dénuées de représentations diverses. Nous pensons notamment aux premiers romans de vampires du XIXe siècle dans lesquels les lecteurs et lectrices pouvaient retrouver des personnages homosexuels. Nous pouvons par exemple citer des œuvres comme Carmilla, de Sheridan Le Fanu, dans laquelle le protagoniste principal éponyme séduit Laura avant d’en faire sa victime. De même, la relation de deux des personnages secondaires du Dracula de Bram Stocker, Mina et Lucy, peut être lue comme une relation amoureuse, même si cela n’est pas dit explicitement.
De manière contemporaine cependant, les littératures de l’imaginaire, comme la fantasy ou la science-fiction, ne sont pas réputées pour la diversité de leurs figures héroïques. Au contraire, il leur est souvent reproché la prédominance de personnages masculins et les rôles très secondaires et stéréotypés accordés aux personnages féminins, ainsi que l’absence de protagonistes issus de minorités. Néanmoins, une nouvelle génération d’auteurs, et surtout d’autrices, s’attache désormais à combler ce manque. Toutes les œuvres proposées ici sont donc principalement axées autour d’héroïnes et comptent toutes un ou plusieurs personnages LGBT+, non-blancs et/ou porteurs d’un handicap.

Les récits fantastiques : une autre manière de représenter le réel

Le roman fantastique a pour caractéristique de proposer des intrigues se déroulant dans un monde réaliste et souvent contemporain, tout en introduisant des faits et/ou des personnages surnaturels. Ainsi, les contextes et les normes sociétales que l’on trouve dans ces récits ne sont pas créés de toutes pièces par l’auteur et correspondent à ce que connait le lecteur, même si d’autres éléments relèvent de l’imaginaire. C’est donc un bon outil pour introduire dans un texte une dimension de diversité et pour reproduire la société telle qu’elle est vraiment, que cela joue ou non sur l’intrigue.
Plusieurs auteurs proposent notamment des personnages principaux porteurs d’un handicap. Si ce handicap peut parfois avoir un rôle dans l’aventure qui se déroule dans le roman, puisqu’il peut par exemple être considéré comme un obstacle de plus à dépasser ou générer une compétence supplémentaire, il faut avant tout s’attacher à la notion de représentation des personnes handicapées. Celles-ci demeurent en effet extrêmement peu visibles dans la fiction en général, et d’autant plus lorsque le handicap n’est pas le sujet central de l’œuvre. Dans Les Entremondes, de Sean Easley, les jumeaux Cameron et Cassia ont été abandonnés par leur père qui ne leur a laissé en héritage qu’un médaillon chacun. Grâce à ces petits objets, Cameron va parvenir à se déplacer dans le monde entier en un clin d’œil, atterrissant dans des univers plus féériques les uns que les autres. Si Cassia, en fauteuil roulant à cause d’une maladie génétique, n’a pas un rôle de premier plan dans ces aventures, elle tient tout de même une place importante dans le récit. Dans Alana et l’enfant vampire, à l’inverse, c’est bien le personnage principal qui est porteur de handicap. Alana est issue d’une famille de chasseurs de vampires, mais son jeune âge la condamne à poursuivre sa scolarité au collège pendant que ses parents et sa sœur partent en mission… jusqu’à ce que sa route croise celle d’un jeune vampire et qu’elle se lance elle-même dans l’aventure. Ainsi, Alana souffre de douleurs chroniques, ce qui permet à l’autrice de mettre au jour les handicaps invisibles. Par ailleurs, ce roman s’intéresse également aux thématiques de genre avec un personnage important non-binaire, tout comme aux orientations sexuelles minoritaires, puisque la sœur d’Alana est lesbienne. De plus, les lecteurs et lectrices apprécieront également que tous les personnages ne soient pas blancs.
Les thématiques LGBT+, justement, sont présentes dans plusieurs romans fantastiques, souvent sous la forme de romances entre deux personnages du même genre. C’est le cas par exemple de Passing Strange, d’Ellen Klages, un roman historique qui se déroule dans le San Francisco des années 1940 et qui s’attache aux destins de six femmes homosexuelles, tout en y associant une ambiance magique. Dans un registre plus merveilleux, nous pouvons également citer À la tombée du ciel, de Sophie Cameron, dont la protagoniste principale, Jaya, d’origine srilankaise, tente de surmonter le décès de sa mère. Dans le même temps, le monde fait face à un phénomène étrange : des créatures angéliques, que Jaya et ses amis vont tenter de protéger, tombent du ciel. Dans ce contexte, l’homosexualité de Jaya est abordée via la relation romantique qu’elle noue avec Allie. Enfin, dans le domaine de la littérature young adult d’horreur, Rory Power met en scène dans Wilder Girls un pensionnat pour jeunes filles isolé sur une petite île et frappé par un virus. C’est dans cet environnement cruel, dans lequel les survivantes souffrent autant des conséquences de la maladie que de la faim, que naît une histoire d’amour entre deux des personnages mis en avant par l’autrice, Hetty et Reese.
Ainsi, comme on le voit avec ces quelques titres, la littérature fantastique, pour adolescents et jeunes adultes notamment, parvient ces dernières années à proposer des figures héroïques moins normées et donc plus diverses.

Nouveaux mondes, nouvelles normes ? Le traitement de la diversité dans la fantasy

Cette évolution se retrouve également dans la littérature de fantasy qui est pourtant traditionnellement marquée par un manque criant de diversité. Du côté des publications pour adolescents, le diptyque Eon et le douzième dragon / Eona et le collier des dieux d’Alison Goodman, paru en poche en français en 2011 et 2012, met en scène une jeune fille se faisant passer pour un garçon pour devenir dresseuse de dragons. Au-delà de cette réflexion sur les rôles genrés, c’est sans doute l’un des premiers romans pour la jeunesse à proposer un personnage de femme transgenre, en la personne de Dame Dela, qui accompagne et conseille l’héroïne dans ses aventures. Toujours pour les collégiens, côté bande dessinée cette fois-ci, nous pouvons parler de Princesse princesse, de Katie O’Neil, qui met en avant des personnages issus de minorités tout en tâchant de déconstruire les stéréotypes habituels des contes de fées.
Pour les lecteurs plus aguerris, à qui la lecture d’épais romans de fantasy ne fait pas peur, voici un panel de récits, écrits par des femmes, qui s’attachent à mettre à l’honneur des personnages qui n’ont généralement pas leur place dans ce genre littéraire. L’Héritage des rois passeurs, de Manon Fargetton, par exemple, place son intrigue entre deux mondes, le nôtre et un autre plus fantasmagorique. On y suit notamment Raven, héroïne lesbienne et princesse, qui cherche à récupérer sa place sur le trône du Royaume d’Ombre. Comme dans ce roman, il semble que la création d’univers conçus autour de sociétés matriarcales soit favorable à la mise à l’honneur de personnages LGBT+. C’est le cas par exemple du roman de Jeanne Mariem Corrèze, Le Chant des cavalières, qui nous fait découvrir un royaume principalement féminin et dont l’héroïne, Sophie, est homosexuelle, comme de nombreux autres personnages, sans que cela ne prête aucunement à conséquence. Il faut également évoquer l’un des gros succès de l’année dernière, Le Prieuré de l’oranger, de Samantha Shannon. Dans ce roman, parsemé de personnages LGBT+ et racisés, nous suivons particulièrement la reine Sabran qui doit consolider sa présence sur le trône et faire face aux manigances de ses ennemis. Elle se lie amoureusement à Ead, une mage en mission secrète dans le royaume. Outre ces deux personnages principaux de femmes puissantes et lesbiennes, d’autres personnages LGBT+ et racisés parcourent le roman et en font un titre phare de cette nouvelle vague de fantasy plus diverse et inclusive.
Dans un autre genre, le comics Monstress, de Marjorie M. Liu et Sana Takeda, met en scène dans un univers médiéval-fantastique un personnage principal amputé, un couple de femmes et de nombreux personnages asiatiques. La construction de cet univers complexe et empreint de mythologie notamment japonaise permet d’aborder la thématique du racisme avec force et justesse.

Science-fiction : quelle vision de la diversité dans le futur ?

De la même manière qu’en fantasy, le monde de la science-fiction accueille désormais une nouvelle génération d’autrices racisées et/ou queers, qui n’hésitent pas à mettre en scène des personnages qui leur ressemblent et à parler de diversité. En effet, en plaçant leurs actions dans des temps futurs, l’occasion leur est donnée d’interroger les évolutions possibles du traitement des minorités, en termes de progrès ou de dégradation.
Becky Chambers est l’une de ces autrices importantes du XXIe siècle. Tous les titres de sa trilogie Les Voyageurs ont reçu le Hugo Award, qui récompense chaque année les meilleures œuvres de science-fiction et de fantasy. Cette série, et notamment son opus L’Espace d’un an, fait la part belle à la diversité en mettant en scène un vaisseau spatial dont la mission est de creuser des tunnels dans l’espace, et à bord duquel cohabitent plusieurs espèces, ainsi que des personnages racisés et LGBT+. De même, dans son dernier roman, Apprendre si par bonheur, Becky Chambers s’attache à présenter un équipage spatial divers, composé de quatre membres, dont plusieurs sont présentés comme bisexuels et dont l’un est transgenre et l’autre asexuel.
Les questions de genres sont aussi abordées par l’autrice de science-fiction Rivers Solomon qui, elle-même, est une personne transgenre. Cependant, dans L’Incivilité des fantômes, même si des personnages LGBT+ parsèment tout le récit, ce sont surtout les problématiques de races qui sont mises en avant, grâce à la construction d’une micro-société : un vaisseau transportant depuis des centaines d’années les derniers survivants de la planète Terre vers un eldorado de plus en plus incertain. Ici, comme dans une répétition du passé, les blancs, riches et vivants sur les ponts supérieurs, ont réduit en esclavage les populations noires, qui, elles, vivent dans la partie inférieure du bâtiment spatial. De même, dans son dernier roman, Les Abysses, Rivers Solomon revisite l’histoire des Noirs américains en transformant leurs descendances en mythiques personnages aquatiques. Dans ce très beau texte, les enfants des femmes esclaves jetées enceintes par-dessus bord des navires esclavagistes sont devenus des sirènes. Ce récit aborde avec poésie la question de la mémoire et du poids de l’histoire sur les générations qui suivent.
La dystopie de Betty Piccioli Chromatopia propose un monde où la société est régie par un fonctionnement de classes. On y suit plusieurs personnages issus des différentes strates sociales, depuis la plus basse avec Hyacintha, qui tente de survivre dans un contexte de grande pauvreté, à la plus élevée avec Améthyste, princesse du Royaume, en passant par Aequo, jeune teinturier héritier de l’entreprise familiale. Sur fond de révolution populaire, les lecteurs pourront également découvrir une histoire d’amour entre deux filles et un personnage principal bisexuel.
Enfin, pour terminer avec la science-fiction, nous pouvons également nous intéresser à la bande dessinée, avec la jeune autrice Tillie Walden (dont toute l’œuvre est à découvrir) et son roman graphique Dans un rayon de soleil. Dans cet opus, l’humanité occupe désormais des vaisseaux ou de nouvelles planètes colonisées. On y suit Mia, qui intègre un équipage dont la fonction est de restaurer d’anciens vaisseaux. Le récit revient également sur son passé en pensionnat et sur sa relation avec l’une de ses camarades. Cette magnifique bande dessinée a la particularité de ne proposer que des personnages féminins ou non-binaires, sans qu’aucune justification n’apparaisse nécessaire.

Ainsi, si nous n’avons plus l’habitude de voir des personnages et des contextes divers dans la littérature généraliste, nous avons pu démontrer que ceux-ci ne sont pas absents des littératures de l’imaginaire, bien au contraire. La diversité, valeur qui devrait être fondamentale dans la littérature, doit aussi l’être dans nos établissements, afin de proposer aux jeunes lecteurs et lectrices des personnages qui leur ressemblent, à tous et toutes ; des personnages qui sortent de la norme. Pour aborder cette question d’un point de vue professionnel, plusieurs outils sont à notre disposition. Par exemple, le site spécialisé Planète Diversité propose un Petit guide de la diversité1 à destination des bibliothécaires et des documentalistes. Il faut aussi noter la création de la maison d’édition Vox Eorum, spécialisée en littérature jeunesse et jeunes adultes, dont l’objectif est de publier de la littérature ownvoice, c’est-à-dire des textes écrits par des personnes issues de minorités.

 

 

Psychanalyse documentaire

À moins d’en venir au temps de précogs de Minority Reports de Philippe K. Dick, il nous reste encore quelques coups d’avance en tant qu’être humain et professionnel de l’information, à condition de passer à une tout autre étape désormais : la psychanalyse documentaire.
S’agit-il pour autant de devenir disciple de Freud et de laisser de côté les travaux en sciences de l’information et de la communication ? Écartons dans un premier temps le fait qu’il pourrait s’agir d’un travail d’introspection qui consisterait à consigner ses rêves et ses pensées pour mieux les extérioriser et les rendre propices à l’analyse. Ce n’est pas à ce genre de documents auxquels nous faisons allusion ici.
Disons ici que le terme de psychanalyse renvoie plutôt à l’idée d’une analyse qui prend en compte les aspects psychosociaux de ceux qui émettent des messages et des formes communicationnelles. Il convient de devenir désormais circonspect quant à la psychologie des auteurs de documents. Il faut prendre ici le document dans ses formes les plus succinctes parmi lesquelles les micro-messages des réseaux sociaux.
L’analyse ne repose pas uniquement sur les sources, mais sur leurs auteurs… et de plus en plus sur les circonstances de production des écrits. Parfois la spontanéité apparente révèle en fait une préparation dûment orchestrée, tandis que le message d’un acteur qui semble instruit peut finalement être la résultante d’une trop grande précipitation, ou d’une réaction qui ressemble plus à un geste d’humeur qu’à une décision réfléchie.
Le pedigree de l’auteur d’un message n’est donc pas suffisant pour en mesurer la qualité. C’est au sein de cette complexité informationnelle qu’il convient d’opérer cette psychanalyse documentaire. On ne peut que constater l’expansion de nouvelles « créatures médiatiques » qui marquent bien souvent le triomphe du nouvel idiot du village planétaire qu’Umberto Eco avait décrit avec l’évolution des programmes télévisés :
« L’idiot du village des programmes télé actuels n’est pas un sous-développé. Ce peut être un esprit bizarre (par exemple l’inventeur d’un nouveau système du mouvement perpétuel, ou le découvreur de l’Arche perdue, le genre de type qui pendant des années a frappé en vain aux portes de tous les journaux ou de tous les bureaux de brevets d’invention, et a enfin trouvé quelqu’un pour le prendre au sérieux) ; ce peut être aussi un intellectuel qui a compris que, au lieu de se fatiguer à écrire un chef-d’œuvre, il était possible d’avoir du succès en baissant son pantalon à la télé et en montrant son postérieur, en lançant des insanités lors d’un débat culturel, ou carrément en agressant à coups de gifles son interlocuteur». (Eco, 1995).
Cet idiot n’est pas nécessairement stupide. Umberto Eco nous a bien mis en garde sur ce point. C’est parfois le positionnement de celui qui cherche à gagner l’attention des autres. L’idiot du village des univers digitaux peut connaître une certaine forme de succès et il va en tout cas chercher à conserver ce minimum d’attention en répétant à l’envi son modus operandi pour parvenir sans cesse à mobiliser autour de lui. Les derniers mois d’observations des réseaux sociaux ainsi que les dernières années médiatiques montrent bien le succès de ce genre de personnages. Certains méritent une psychanalyse documentaire poussée. Certaines revendications ou stratégies communicationnelles dissimulent des problématiques psychologiques voire psychiatriques plus profondes.
C’est ici qu’il me semble que le rôle de l’enseignant est de démontrer qu’un succès médiatique momentané peut être la résultante de troubles psychologiques, et que la quête des retweets, des likes et toute autre forme de récompense réputationnelle n’est pas la garantie d’une vie sereine. Le corpus d’études peut également s’observer sur Instagram ou autre plateforme du même acabit. La popularité n’est pas synonyme d’autorité dans un domaine, et encore moins de réalité de l’existence tant la déformation fait partie des stratégies communicationnelles des réseaux où il faut s’exposer. Certes, les réseaux ont permis aussi la diffusion de forme de dérision et d’autodérision… mais là également, le succès des parodies est tel parfois que celui ou celle qui les réalise devient lui-même entraîné par la stratégie de la quête de popularité. Difficile de résister à ces mécanismes réputationnels. Il est déplorable que certains enseignants et chercheurs procèdent désormais de même. Umberto Eco l’avait déjà démontré en ce qui concerne la télévision. La quête de l’indignation permanente fait désormais partie des ressorts de la recherche tous azimuts de l’attention4.
Face aux logiques de l’instant, il faut revenir à la longue durée et à la construction des écritures de soi dont l’objectif n’est pas la mise en garde contre les dangers des réseaux sociaux, mais bel et bien la construction lente et choisie de dispositifs d’écriture et d’expression.
Le fait de vouloir introduire la question psychologique au sein des écrits n’est pas nouveau. Plusieurs travaux ont mêlé différentes approches communicationnelles et psychologiques. Mais c’est à un travail méconnu désormais que nous voulons faire référence.

Le précédent historique : la bibliologie psychologique

Impossible de ne pas présenter un bon ami de Paul Otlet : Nicolas A. Roubakine (1862-1946), qui a développé de nombreux travaux autour de la bibliologie psychologique ou bibliopsychologie. Exilé en Russie, il est parvenu à obtenir une reconnaissance hors de sa patrie avec le soutien de plusieurs personnes, dont Paul Otlet et Édouard Claparède. Incité par ces derniers à poursuivre ses travaux, il leur dédie son ouvrage écrit en français sur la bibliopsychologie (Roubakine, 1922).
L’ouvrage est fort riche, son contenu tient d’ailleurs en deux tomes. Roubakine s’y montre souvent pionnier sur un grand nombre de questions informationnelles et communicationnelles5 .
Pour le chercheur russe, il s’agit de ne pas séparer trop strictement les études sur la création éditoriale (la fabrication du livre) et celles sur la réception :
« Mais la psychologie bibliologique étudie le livre et son influence à un point de vue spécial qui est celui-ci : pour cette science le livre, aussi bien que le lecteur et l’auteur, ainsi que le processus même de la lecture, de l’assimilation et de l’influence du livre ne sont pas uniquement des phénomènes culturels, mais avant tout, des phénomènes naturels. Je veux dire par là que la psychologie bibliologique aborde l’étude du livre non pas du côté de l’importance culturelle de l’œuvre et de sa valeur dans le sens le plus étendu de ce mot, mais en l’envisageant uniquement comme une sorte d’appareil, d’engin, d’instrument psychologique servant à provoquer dans l’être psychique du lecteur des expériences déterminées et complexes » (Roubakine, 1922, p. 5).
Si le projet de Nicolas Roubakine est de parvenir à collecter des données quantitatives et pas seulement qualitatives, il s’agit clairement d’en faire une discipline scientifique qui mesure les interactions entre les cerveaux humains par l’entremise de la lecture.
Nicolas Roubakine précise que cette discipline scientifique se doit d’être assortie de limites éthiques, car sa connaissance permet de mieux gérer les aspects communicationnels et les stratégies d’influence. Par conséquent, la bibliopsychologie peut être détournée à des fins de propagande.
Mais l’enjeu n’est pas ici d’évoquer les stratégies de communication de masse, mais plutôt d’entrer dans le quotidien des réactions en chaîne des réseaux sociaux qui relève parfois de la stupidité collective plutôt que de l’intelligence collective.
Les concours d’indignation devenant le principal enjeu de ces dispositifs, il convient désormais d’étudier les comportements des lecteurs du web social qui sont tout autant des lecteurs que des producteurs, pour ne pas dire des « réacteurs ».

Nikolai Roubakine

Examen de la pathologie informationnelle et communicationnelle

Le réseau social Twitter se révèle un bon lieu pour examiner les enjeux d’une psychanalyse documentaire. Il est vrai que les listes de diffusion sont également de bons exemples. Je laisse le soin aux lecteurs d’appliquer les conseils ici à la lecture de cdi-doc et d’e-doc.
Il s’agit donc désormais d’examiner et d’évaluer non seulement le message, mais l’ensemble des métadonnées qui figurent autour. Plus encore, on peut désormais mesurer l’ensemble des réactions au message publié, ce qui aurait constitué une aubaine pour Nicolas Roubakine. Il reste que l’étude de la psychologie des foules connectées se révèle à la fois riche en enseignements, mais aussi en déceptions. L’évolution de Twitter a montré un accroissement progressif de l’agressivité et une chute de l’autodérision.
L’étude des tweets, des réactions, des commentaires est devenue un marché aux données qu’il s’agit à la fois de capter ou de récupérer, mais aussi d’analyser. Entre détection d’influences, d’acteurs références et de quantification des tweets, il s’agit pour les marques de mieux organiser leur stratégie communicationnelle.
Mais ce qui nous intéresse ici est un travail davantage qualitatif qui peut venir accompagner une étude quantitative de plus grande ampleur.
Il s’agit d’identifier les personnes qui publient ou réagissent à la fois en parvenant à comprendre quels sont leurs pedigrees, mais aussi, et ça, c’est le point le plus nouveau, quel est leur état mental au moment de l’expression du message. Cela revient à essayer de comprendre en quoi une publication est rationnelle, partisane, hypocrite, de mauvaise foi, stratégique, ironique, etc.
Il existe désormais des outils qui tentent automatiquement de percevoir le négatif ou le positif et quelques éléments plus complexes. Les résultats s’avèrent assez décevants. Il faut donc en passer par un travail d’analyse personnelle.

Une pratique qui commence par une auto-analyse

La première difficulté est justement le cadre de l’analyse qui ne peut s’effectuer dans une neutralité totale… elle s’avère clairement impossible à ce stade. Il faut donc commencer par soi-même et avec ce qui nous semble pertinent au premier chef. Il faut donc se montrer en fait critique… avec les personnes qui présentent des positions politiques et idéologiques proches des nôtres…
C’est justement dans les moments où les autres pensent comme nous qu’il faut se montrer prudent, car c’est dans ces circonstances que s’exercent les manipulations aisées et le succès de la communication virale. Ce n’est pas parce que le message conforte notre opinion qu’il est véridique. Le vraisemblable est souvent l’ennemi de la véracité des faits.
Il me semble que c’est dans ce cadre que s’exerce le véritable esprit critique, en opérant une mise à distance vis-à-vis des pensées qui nous sont communes. C’est le seul moyen de pouvoir exercer une propre critique sur soi-même. C’est généralement le meilleur moyen d’affiner ses propres convictions, d’en percevoir les fondements, les influences et les limites.
La première leçon de la psychanalyse documentaire n’est finalement guère différente de la psychanalyse traditionnelle : pour pratiquer, il faut commencer par sa propre analyse. Elle commence donc par soi-même, par ce qui nous est proche, par l’étude critique de nos modes de pensée. Cela ne signifie pas qu’il faille sombrer dans un relativisme total, ou dans une analyse proche d’un freudisme de comptoir. Il s’agit de comprendre pourquoi on pense ainsi et pourquoi le message avec lequel nous sommes en accord paraît reposer sur des cadres similaires. Il faut comprendre ici que ce processus de psychanalyse documentaire s’avère également proche d’une forme de psychologie sociale… discipline qui a toujours pris en compte les questions documentaires notamment parce qu’un des acteurs français importants du domaine apparaît aussi comme un auteur clef pour les théories du document, avec notamment des textes sur la documentologie : Robert Pagès (Pagès, 1948)6.
Au niveau de la documentologie, les travaux de Suzanne Briet et de Robert Pagès ont permis de penser le document de manière étendue en prenant notamment en compte les êtres vivants. Ici, il s’agit certes de considérer les formes documentaires actuelles issues des dispositifs connectés comme des moyens d’étude des individus eux-mêmes, mais également de chercher à comprendre que derrière les messages des réseaux sociaux pris ici en tant que documents se trouvent vraisemblablement des dispositifs, des infrastructures qui opèrent et qui façonnent à la fois les formes documentaires et les modèles d’expression.
La deuxième leçon, c’est que les cadres d’analyse que nous allons porter sur les autres reposent sur notre propre infrastructure mentale. Si cette dernière est trop marquée idéologiquement, elle risque de voir les documents comme la manifestation d’idéologie contraire ou jugée néfaste. L’analyse cède la place à la détection de ce qui semble répréhensible. Tout devient l’expression alors d’une pensée néolibérale, paternaliste, masculiniste, marxiste, ce qui ne peut aboutir qu’à une volonté de rentrer en lutte, voire à dénoncer tout ce qui nous semble marqué trop nettement. L’analyse est alors remplacée par des formes inquisitoriales.
Ce n’est pas exclure le fait qu’il existe des idéologies dans le message des autres, bien au contraire, c’est admettre qu’il en existe chez nous également… et que ces cadres de pensée peuvent être parfois des lentilles déformantes. Ce n’est pas un rejet de l’idéologie, mais plutôt son acceptation tant chez soi que chez les autres. Mais le but est de faire redescendre parfois l’idéologie et ses cadres stricts au niveau des seules idées, ce qui suppose non seulement le débat (et son idéal quasi impossible), mais l’acceptation de partager des avis, des idées, des analyses avec des personnes qui initialement ne pensent pas du tout comme nous.
La troisième leçon requiert le droit à l’erreur. Un message trop rapide, absurde, une réaction épidermique doit être pardonnable. C’est même souhaitable. Rien de pire que de ne jamais rien dire. Ce droit suppose donc la capacité à pouvoir reconnaître que l’on s’est trompé, ou qu’on a exagéré certains aspects.
Une fois qu’on a procédé à sa propre introspection informationnelle et communicationnelle, il est plus aisé de comprendre les attitudes des autres et donc de les examiner avec plus ou moins de soin.
Nous n’allons pas ici rentrer dans l’idée qu’il faut absolument répondre à tous les messages qui circulent, mais plutôt considérer qu’il s’agit de procéder à une simple analyse des propos tenus. Libre à vous par la suite de réagir comme bon vous semble.
À ce titre, il faut prendre en compte que très souvent l’étude des messages repose surtout sur des logiques argumentatives qui sont celles de la monstration du Moi plutôt que sur une démarche rhétorique visant à démontrer la qualité du raisonnement. On sort néanmoins d’une approche dans la lignée de Marshall McLuhan et de sa célèbre phrase medium is message pour reconsidérer probablement que message is medium fonctionne également à condition de comprendre le mot medium dans un sens large, qui renvoie à l’ensemble des médiations potentielles. Plus encore il s’agit de considérer que les dispositifs communicationnels actuels sont des milieux de savoir qui peuvent être aisément détournés en milieux pour « se donner à voir ».
La querelle des ego apparaît dès lors comme une conséquence logique d’une période plus orientée vers l’indexation des existences que l’indexation des connaissances.
La logique de la psychanalyse documentaire oblige clairement à un certain détachement, à une différence difficile, voire impossible, entre l’exercice de l’analyse et le fait de cadre de pensée pour parvenir à la réaliser. Une impossible différance7 pour reprendre les mots de Jacques Derrida.
Pour conclure cette réflexion quelque peu aporétique, mais qui oblige à penser les limites de notre raison, finissons par cette réflexion du philosophe et théoricien des médias, Wilém Flusser :
« Si nous continuons à penser finalistiquement, si nous cherchons des ‘motifs’ derrière les programmes qui nous manipulent, nous serons fatalement les victimes d’une telle programmation. Chercher des motifs derrière les programmes, c’est vouloir les démythifier. Or, tout effort de démythification est précisément déjà programmé » (Flusser, 2019, p. 53).
Flusser revendique la nécessité d’accepter quelque part l’absurde et de faire confiance au hasard. Il ne vous reste plus qu’à appliquer les conseils de cet article sur… cet article lui-même.

 

Une autre image de la justice

Filmer les procès, un enjeu social
Exposition audiovisuelle des Archives historiques de la Justice, de Nuremberg au Rwanda
Paris – Pierrefitte-sur-Seine, 15 octobre 2020 – 14 mai 2021

Ces archives sont pour l’histoire mais également pour chaque citoyen. En effet, notre connaissance de la justice s’arrête souvent aux marches du palais devant les avocats qui parlent, à l’iconographie judiciaire qui existe depuis très longtemps, aux comptes rendus des médias, elle se limite à ses commentaires. Il s’agit donc de montrer une autre image des procès. L’exposition donne au public l’occasion de voir, souvent pour la première fois, des extraits de ce qui se passe à l’intérieur du tribunal pour tenter de se faire sa propre idée de la justice en confrontant les sources médiatiques, cinématographiques et archivistiques. Le but est de mettre à disposition de tous les publics ces captations de procès pour que chacun puisse s’en saisir car elles sont les garantes de nos valeurs citoyennes et de la construction de notre nation. Voici quelques-unes des intentions de cette exposition qui devraient nous inciter à emmener les élèves découvrir ces images rares de la justice.

Les Archives nationales sont réparties sur deux lieux : Paris et Pierrefitte-sur-Seine. Pour quelle raison ?

Les Archives nationales sont une création de la Révolution Française. Napoléon premier en installe le siège rue des Francs-Bourgeois à Paris au sein de l’hôtel de Soubise.
À partir des années 1980, les archives sont réparties sur deux sites : à Paris sont conservées les archives jusqu’à la Cinquième République, à Fontainebleau les archives plus récentes.
Dès les années 2000, un constat d’’exiguïté et d’inadéquation des locaux est fait. Les archives de Fontainebleau et une partie de celles de Paris sont ainsi transférées à Pierrefitte-sur-Seine en 2012 sur un troisième site qui est alors inauguré. Une répartition des fonds et une réorganisation des services sont effectuées.
De nos jours, le site de Paris conserve les archives de l’Ancien Régime et les minutes des notaires parisiens. Le site de Pierrefitte conserve les fonds depuis la Révolution française jusqu’à aujourd’hui ainsi que les fonds d’archives privées : dons, dépôts d’acteurs de la vie politique ou culturelle (Fontainebleau ayant fermé au public définitivement en 2017 entraînant le transfert des archives sur le site de Pierrefitte-sur-Seine).

Quelles sont les modalités de consultation des archives ?

De façon générale, la consultation des archives est régie par le Code du patrimoine – livre II, lequel précise les modalités de consultation en fonction des typologies de documents ou de la nature de ces documents. Le principe du libre accès est posé mais il y a un certain nombre de restrictions. Cependant, de nombreux documents sont numérisés et consultables directement sur le site des Archives nationales sans nécessité de créer un compte lecteur. La consultation sur place est gratuite, ouverte à tous à condition de s’inscrire auparavant.

Qu’en est-il de l’accès aux archives audiovisuelles des procès ?

Le régime est un peu particulier et constitue une exception au sein du Code du patrimoine par rapport au régime général des archives. En effet, le livre II de ce Code est constitué de deux parties : le régime général des archives est décrit dans le titre 1, le titre 2, quant à lui, concerne uniquement les archives audiovisuelles de la justice.
Dans ce cas précis, Il importe de bien distinguer la consultation (visionnage simple) de l’usage (réutilisation).
La consultation est possible uniquement à des fins de recherches historiques et scientifiques, dès la fin du procès et dès lors que toutes les voies de recours sont épuisées.
Par contre, pour la réutilisation ( publication, diffusion, présentation publique), il y a une restriction de 50 ans à la date de la fin du procès qui peut être individuellement levée en rédigeant un rapport qui décrit le projet de réutilisation et en présentant une demande sur requête auprès du président du Tribunal judiciaire de Paris. C’est une procédure complexe et longue qui ne peut être faite que par un avocat mais la plupart des requêtes ont abouti à une réponse positive.
Jusqu’à présent, les procès les plus demandés concernent la Seconde Guerre mondiale et le procès des quatorze militaires accusés d’avoir fait disparaître quatre Franco-Chilien durant la dictature chilienne1.

© Archives Nationales, BB/30/AV, Archives audiovisuelles de la Justice, procès Maurice Papon (1997-1998)

Pourquoi une telle contrainte ?

Il s’agit d’assurer la protection des intérêts individuels – intimité, vie privée – des personnes, témoins, parties civiles y compris les accusés. Il faut également protéger le cours de la justice : lui permettre de se dérouler dans le cadre d’une parole libre. Ainsi, les procès aux Assises reposent uniquement sur l’oralité des débats, rien n’est écrit : rien ne doit empêcher la parole des différents acteurs du procès. Enfin, des questions de sûreté de l’État peuvent expliquer l’inaccessibilité de certaines archives.

L’exposition est divisée en deux parties, l’une à Paris, l’autre à Pierrefitte ? Pouvez-vous préciser ce qui est visible sur chaque site ?

À Paris sont présentés deux montages thématiques explicatifs, à savoir la constitution des archives qui donne à voir autant l’acte judiciaire que l’affaire en elle-même. Les montages saisissent ce qu’il y a de particulier dans le déroulement d’un procès, ses acteurs, des informations sur l’évolution des techniques de captation des procès et ce que cette évolution montre de différent ou de similaire.
À cela, s’ajoute une programmation de projections de documentaires réalisés soit à partir des archives des procès, soit pour illustrer un propos particulier. On peut citer Eichmann, un procès d’Annette Wieviorka, Le Procès Pinochet de Sarah Pick et Fabien Lacoudre. L’objectif est de montrer l’usage que l’on peut faire de ces procès et de confronter le visiteur à sa propre perception d’un procès et comment cette réalité est retravaillée et peut être restituée différemment par un réalisateur.

À Pierrefitte sont présentés six extraits de procès conservés aux Archives nationales d’une durée d’environ 20/30 minutes ainsi que les deux premiers procès historiques qui n’ont pas été filmés en France (Eichmann à Jérusalem en 1961 et le procès des dignitaires nazis à Nuremberg en 1946). Concernant les procès Eichmann et Nuremberg, l’intérêt réside dans le fait qu’ils ont été tournés sans aucun encadrement législatif, avec une grande liberté de réalisation alors que la France n’autorise le filmage des procès qu’à partir de la loi du 11 juillet 19852, initiée par Robert Badinter alors garde des sceaux et ministre de la Justice, mais avec une réglementation très précise, laissant peu de marge de manœuvre au réalisateur.

Malgré la stricte réglementation française de la captation des procès, les réalisateurs disposent-ils d’une marge de mise en scène ?

Non, le filmage est totalement contraint par l’encadrement qui se trouve dans le Code du patrimoine même. Plusieurs caméras fixes sont placées dans le tribunal : chaque caméra filme en continu un plan fixe et unique. Il s’agit de suivre la parole, on ne filme que la personne qui parle, ce qui signifie qu’on ne voit pas les réactions des jurés, des avocats, du public ou encore du président du tribunal. La caméra doit être fixe de telle sorte que sa présence ne nuise pas au déroulement de la justice. Le mixage est fait en direct par un opérateur en régie, il n’y a pas de montage, les rushs ne sont pas conservés. L’enregistrement est mis sous scellé chaque soir avant son versement final aux Archives nationales. Cette réglementation très stricte visait, dans l’esprit de la loi, à rendre la captation la plus objective possible.

© Archives Nationales, 20180562, Archives audiovisuelles de la Justice, procès appel Ngenzi-Barahira (2018)

Mais filmer de cette manière, est-ce vraiment objectif ?

Jusqu’en 2017, ces archives intéressaient principalement les réalisateurs, lesquels ne faisaient aucun retour sur la manière de filmer les procès. À partir de 2017, les chercheurs, historiens, sociologues, entre autres, se penchent sur ces captations et commencent à émettre un discours critique sur ces archives dont ils reconnaissent la grande richesse tout en constatant également que le mode de filmage reflète la seule vision que la justice a sur elle-même. Ils notent que cette façon de filmer élude le contexte du procès et empêche de voir toute réaction des différents acteurs. Ils alertent alors les services des Archives nationales et proposent, sans sortir du cadre réglementaire, d’introduire un peu plus de liberté dans la réalisation : utiliser le champ-contrechamp, jouer sur des plans différents pour introduire le contexte.
Dès lors, des discussions s’engagent avec le ministère de la Justice. Durant le filmage du procès en appel pour crime de génocide des Tutsi au Rwanda3, de légers changements ont été permis lors de la captation en raison de la grande capacité d’écoute de la présidente du tribunal mais les modifications sont quasi imperceptibles. Néanmoins, cela a permis d’enclencher le débat avec le ministère de la Justice et de pouvoir en discuter avec le président d’audience, lequel décide en dernier ressort de ce qui sera filmé ou pas.

Et pour le procès des attentats terroristes de janvier 2015 ?

Pour ce procès, le mode de filmage a réellement évolué. Le réalisateur a désormais un peu plus de liberté : il peut réaliser des champs-contrechamps, chacune des cinq caméras de la salle d’audience peut tourner trois types de plans (serré, moyen, large), ce qui représente quinze plans simultanément qui sont mixés en direct. Le procès a lieu dans la plus grande salle du palais de justice et est retransmis dans trois autres salles du palais où se répartissent, en fonction de l’affluence, les avocats de la partie civile et les journalistes, ainsi que dans l’auditorium qui permet de voir les archives audiovisuelles de la justice en train d’être constituées. Sans que la captation soit trop mobile, on passe d’un film très linéaire – une juxtaposition d’images – à un vrai choix possible pour les opérateurs. Par contre, toujours pas de montage ou de rush et mise sous scellé chaque soir de l’enregistrement.

“Filmer ces procès est en effet un acte qui renforce la transparence des débats”, filmer ne peut-il également perturber la transparence des débats ou encore générer des attitudes et comportements brouillant la transparence ?

Les caméras sont placées de telle sorte qu’on ne les voit pas et que l’on n’y prête pas attention. Les acteurs du procès sont informés de l’enregistrement. La présence de la caméra a peu d’influence sur les comportements car les enjeux dépassent leur présence.

À partir de 1985, comment, pourquoi et par qui sont choisis les procès qui seront filmés ?

Plusieurs personnes peuvent demander l’enregistrement du procès : la cour, le ministère public (procureurs et avocats généraux), les parties civiles. Le président de la cour d’appel de Paris prend la décision de l’enregistrement.
Concernant les crimes contre l’humanité et le terrorisme, si le ministère public formule une demande en ce sens, le procès est de droit filmé. Dans tous les cas, la défense et les accusés ne peuvent s’y opposer.
Par contre, les témoins, dans le cadre de la protection des personnes, peuvent obtenir des aménagements, par exemple, apparaître derrière une persienne avec une voix déformée4.

© Archives Nationales, BB/30/AV, Archives audiovisuelles de la Justice, procès Paul Touvier (1994)

Et si les accusés ne sont pas condamnés ?

À la différence de tous les autres procès filmés dont l’issue laissait peu de place au doute quant à la condamnation des accusés, le procès des attentats de 2015 est un peu particulier car les onze personnes qui comparaissent ne sont pas celles qui ont exécuté les actes de terrorisme mais leurs complices, à des niveaux différents de complicité. Dix sont répartis dans deux box en verre, le onzième est sur un strapontin, assis devant les avocats de la défense car il est en liberté surveillée. Dans ce cas, on voit bien qu’on ne connaît pas l’issue du procès.

Comment choisit-on ce qu’on va filmer ?

À l’origine, Robert Badinter souhaitait filmer tout type de procès, aussi bien la justice administrative que les instances juridiques. Aucune hiérarchie n’était envisagée dans les types de cours ou d’affaires.
Il s’agissait d’être représentatif de ce qu’est la justice ordinaire, de rendre compte pour l’histoire de ce qu’est le travail de la justice et non pas constituer des archives sur des procès historiques.
Or, en 1982, Klaus Barbie est arrêté en France, ce qui fait que le premier procès filmé a été un procès hors norme : il a lieu dans la cour d’assise du Rhône avec un retentissement considérable. Cela a peut-être eu une influence sur les choix futurs centrés sur des procès à caractère exceptionnel mais ce n’était pas du tout le choix de départ. Il n’était pas question de faire Nuremberg et Eichmann et finalement on a fait que Nuremberg et Eichmann car les procès retenus par la suite sont tous des procès exceptionnels : les trois procès de la Seconde Guerre mondiale, le scandale sanitaire du sang contaminé, le scandale industriel AZF, le Rwanda, le terrorisme.

Comment sont conservés les films ?

Les premiers procès (Barbie, Touvier, Papon) étaient conservés au format analogique. Depuis ils ont été numérisés.
Les autres procès sont enregistrés sur support numérique et stockés sur serveurs dans des Datacenters de l’État et sur des supports froids : les bandes magnétiques LTO en plusieurs exemplaires sur des sites distants.

L’exposition ne présente que des extraits de ces films, ce qui paraît cohérent au regard du public visé, soit tout public. Pourquoi ne pas offrir un accès à la totalité de chaque film dans un salle dédiée pour ceux qui le souhaiteraient ?

Les bandes sont extrêmement longues. Le plus petit procès “Faurisson attaque Badinter“ dure 26 h 30, le plus long, la première instance d’AZF : 400 h.
Le procès de la dictature chilienne est visionnable en totalité dans cette exposition. Il est présenté en entier mais découpé en six parties pour les six jours d’ouverture de la semaine, il dure 47 h 30. On a choisi de le montrer in extenso pour donner à voir ce qui se passe sur toute la durée, que les visiteurs puissent voir par eux-mêmes et se rendent compte par eux-mêmes que parfois il ne se passe pas grand-chose, montrer que dans un procès on s’ennuie, qu’il y a des aspects de procédure et non pas uniquement du sensationnel. Il s’agit aussi de mettre en avant un procès très particulier car aucun des quatorze accusés chiliens n’était présents, ni ne s’est fait représenter par un avocat. C’est un procès avec la cour, le parquet, les traducteurs, les témoins, les experts. C’est un procès qui donne toute la place aux témoins et à leur parole. C’est également une façon de souligner cette justice en absence, particulière, mais qui existe aussi.

© Archives Nationales, 9AV, Archives audiovisuelles de la Justice, procès Klaus Barbie (1987)

Comment avez-vous choisi les extraits diffusés dans l’exposition ?

On voulait s’inscrire dans la continuité par rapport à Nuremberg ou Eichmann, on est resté dans l’esprit de procès de crimes contre l’humanité ou de génocides. Le seul procès qui n’est pas dans cette catégorie c’est le procès chilien qui invoque la compétence universelle de la France.

Dans le cadre de cette exposition, quelles actions spécifiques proposez-vous aux professeurs documentalistes mais aussi aux professeurs d’histoire géographie et aux autres professeurs pour développer l’éducation des élèves aux médias et à l’information ?

Nous proposons un atelier de deux heures qui débute par une réflexion avec les élèves à partir d’extraits des films qui sont montés spécialement pour l’occasion : où sont les caméras, que filment-elles, pourquoi, quelle est la logique du filmage ? Quelle est la spécificité des archives historiques, pourquoi filme-t-on de cette façon ? Il faut donc commencer par regarder. L’accent est mis sur la diversité des procès et la spécificité de chacun d’eux, ceci afin d’éviter les raccourcis, et de susciter la critique et les questions des élèves.
L’atelier permet de comparer les images et la manière de filmer des différents procès : ceux qui sont conservés aux Archives nationales soumis aux contraintes de la loi Badinter de 1985, traduite dans le code du patrimoine français, et ceux de Nuremberg et d’Eichmann.
Il vise à rendre les élèves attentifs à la représentation des différents acteurs de la justice, de ses rituels en fonction des époques, à partir d’extraits des montages présentés sur le site de Paris réalisés à cet effet (ex : l’entrée de la cour dans le tribunal, la presse dans le prétoire à différentes périodes).
Les questions de l’objectivité des images, du point de vue, de la mémoire sont également abordées.
Avec les Terminales, nous souhaitons engager le débat sur la manière dont un État peut choisir de se reconstruire après un conflit majeur.
Enfin, nous proposons de mettre les images en perspective avec d’autres documents d’archives contemporains (PV des audiences au tribunal, extraits de presse…), pour susciter la réflexion critique des élèves sur les sources utilisées.
Nous proposons d’analyser des comptes rendus des procès par la presse, les choix effectués : à titre d’exemple, dans le 20 minutes du 10 septembre, un compte rendu du témoignage du webmestre de Charlie Hebdo, Simon Fieschi, lors de la séance du 9 septembre, dans lequel il explique qu’il n’a plus de sensibilité et qu’il a des douleurs terribles, qu’il ne peut plus faire un doigt d’honneur. La journaliste, Caroline Politi, a choisi de mettre en exergue cette ultime phrase5 à la différence de Sophie Parmentier de France Inter qui rédige également un compte rendu beaucoup plus mesuré de la séance6.
À l’issue de l’atelier les élèves choisissent le film qu’ils souhaitent voir en salle d’exposition.

© Archives Nationales, 20140261, Archives audiovisuelles de la Justice, procès Simbikangwa (2014)

Le nouveau bac instaure un grand oral, comment abordez-vous la question de l’oralité avec les élèves ?

Ces archives permettent de voir l’engagement physique de tous les acteurs du procès : la voix, le témoignage oral, la gestuelle, le paraverbal et le non verbal.
Un des extraits du procès Papon montre une dame âgée qui vient témoigner en demandant au président du tribunal de diffuser le portrait de son père et de sa mère, en disant qu’elle va prendre la voix de sa mère pour lire la dernière lettre que celle-ci lui a adressée depuis le camp d’internement de Drancy. Le choix d’un extrait de ce type ne peut que faire réagir les élèves et permettre d’aborder la question de l’oralité.
Les témoignages oraux sont abordés du point de vue de l’objectivation puisqu’on a différents acteurs qui se répondent.

Pourquoi les chercheurs, historiens notamment, ne s’intéressent aux archives audiovisuelles qu’à partir de 2017 ?

Les chercheurs qui étudiaient la Seconde Guerre mondiale exploitaient d’autres archives, notamment administratives, et se contentaient de l’accès via les DVD ou émissions de télévision ; ils n’ont peut-être pas eu besoin de ces archives ou ont manqué de curiosité. À cela, s’ajoute la méconnaissance de ces archives audiovisuelles par le grand public.
Enfin, pendant très longtemps, il y a eu une grande méfiance des historiens par rapport aux archives audiovisuelles, à tout ce qui est oral et le sentiment de faire une meilleure critique à partir de documents textuels que sur de l’image fixe ou animée.
C’est là qu’on comprend que l’éducation à l’image ne doit pas uniquement toucher le public scolaire mais l’ensemble de la société. On a tendance à se laisser porter par les images sans forcément se dire qu’il y a une intention, que peut-être on nous oriente quelque part : c’est vrai qu’il faut donc être encore plus vigilant quand on est face à l’image parce qu’on a l’intention derrière. Ceci dit, même quand on écrit on a l’intention derrière. Mais avec l’image, on est dans le subjectif car on la reçoit avec les outils qui sont les nôtres, individuellement ; la perception diffère en toute bonne foi d’un individu à l’autre mais, de ce fait, la distance dans l’interprétation est encore plus forte que dans l’écrit. L’approche par l’oralité et l’image vient plus de la sociologie, de l’ethnologie, de l’anthropologie où cela constitue vraiment une production de sources en tant que telles car les chercheurs de ces champs produisent eux-mêmes des sources qui sont de l’oralité ou de l’image.

 

© Archives Nationales, 9AV, Archives audiovisuelles de la Justice, procès Klaus Barbie (1987)
© Archives Nationales, BB/30/AV, Archives audiovisuelles de la Justice, procès Maurice Papon (1997-1998)
© Archives Nationales, BB/30/AV, Archives audiovisuelles de la Justice, procès Paul Touvier (1994)
© Archives Nationales, 20140261, Archives audiovisuelles de la Justice, procès Simbikangwa (2014)
© Archives Nationales, 20120167, Archives audiovisuelles de la Justice, procès 14 Chiliens (2010)
© Archives Nationales, 20180562, Archives audiovisuelles de la Justice, procès appel Ngenzi-Barahira (2018)

 

12e congrès de l’APDEP 17, 18, 19 mars 2021

Fort de ses quatorze membres, le bureau de l’ARDEP en Nord, présidé par Roselyne Henry, a retenu comme thématique du congrès Innovation ? ADN du prof doc ! Questionner le concept d’innovation nous a paru urgent, au regard de la profession de professeur documentaliste qui doit toujours réinventer sa place et sa fonction au sein des équipes pédagogiques, et au regard de la situation créée par la COVID.
En 2019, le Secrétaire Général de l’Enseignement Catholique invitait tous les acteurs de l’enseignement privé à « ré-enchanter l’école ». Ré-enchantons les CDI, notre métier et consolidons le sens de notre présence auprès des jeunes. Pour cela, il faut de l’audace et de l’imagination. Et la conviction aussi que nous pouvons être force de proposition auprès des directions d’établissement, des collègues, de nos institutions pour accompagner, comprendre et faciliter les changements de l’école de demain.

Innover. Comment ? Pourquoi ?

Innover, grâce à notre liberté pédagogique

Sachons la revendiquer et nous montrer percutants. Veillons à ce que nos choix soient pensés à l’aune de l’humain et à assurer la totalité des missions (re)définies récemment par le législateur (Les missions des professeurs documentalistes, circulaire du 31 mars 2017).
Que signifie « innover » au CDI ? Faire table rase de l’existant ? Peut-être pas… mais explorer les marges, explorer les possibles du numérique. Nous faisons le pari de mettre en place des dispositifs originaux, dans les murs et hors les murs du CDI pour travailler les savoirs, les compétences info-documentaires, l’EMI, la lecture, mais aussi toutes les valeurs universelles qui feront des jeunes en devenir, de belles personnes.
Il s’agit également de développer le bien-être au sein de l’école, en même temps que l’envie de découvrir, de travailler, de savoir, de manière à faire du CDI un espace participatif et créatif, un espace pour éduquer à la citoyenneté.
Innover, c’est se mettre en mouvement, et en tant qu’enseignant, préparer demain. À quoi doit servir l’école ? Quelles ambitions avons-nous pour les jeunes que nous accompagnons ? Quelle place et quelle posture choisissons-nous en tant que professeurs documentalistes ?

Innover aussi, parce que l’école bouge, les jeunes bougent et le monde bouge

L’actualité récente nous a montré qu’il faut sans cesse nous adapter. La thématique et les questionnements autour du congrès ont été pensés dès 2019, bien avant la pandémie de Covid, le confinement et la continuité pédagogique… Nous avons vécu une expérience inédite nous amenant à travailler autrement, à inventer de nouvelles manières de transmettre, d’échanger, d’apprendre. Les portes des écoles et des CDI ont été fermées… Qu’est-ce qui a été considéré comme « essentiel » alors pour nos communautés, et qu’en est-il aujourd’hui ? Cette pandémie nous a conduits à repenser nos façons de faire, à revoir les dispositifs, à apprivoiser des espaces pour continuer à accueillir les jeunes, à imaginer des procédures pour que la lecture puisse rester au cœur de la vie des élèves, à inventer d’autres lieux parfois où travailler les séances pédagogiques… Cette question-clé nous accompagnera tout au long de ces journées.
Sachons penser le concept de « CDI virtuel ». Sachons rebondir, en nous appuyant par exemple sur l’idée de design thinking pour optimiser les conditions d’accueil et le bien-être au CDI. Sachons veiller à toujours mieux articuler l’espace documentaire et les besoins des usagers. Jusqu’où accueillir les nouvelles pratiques adolescentes, lesquelles conforter, réguler et/ou canaliser ? Les échanges entre pairs, les partages, la mutualisation des pratiques devraient permettre de redonner du dynamisme et toujours plus de sens à notre quotidien commun.

Programme de la journée et intervenants

Pour questionner le concept d’innovation, Jean-Charles Cailliez, Directeur d’HEMiSF4iRE Design School, et Vice-Président Innovation de l’Université Catholique de Lille, nous accompagnera tout au long de ces trois journées. Expert en innovation pédagogique, il sera notre grand témoin. Son mot d’ordre : la transdisciplinarité. Qu’a-t-il inventé d’innovant pour ses étudiants ? La conférence interactive d’introduction permettra de comprendre sa conception de l’innovation et d’échanger sur les changements de posture qu’implique une pédagogie innovante. Présent sur la durée du congrès, il sera notre fil rouge ; il participera à nos questionnements et apportera son regard extérieur et expérimenté. Lors de la conférence de clôture, fort de ce qu’il aura vécu et partagé avec nous, il pourra apporter son éclairage pour nous aider à fixer nos feuilles de route.

Pour la conférence inaugurale, Bruno De Lièvre, professeur à la Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Éducation de l’Université de Mons (Belgique), abordera la question du numérique dans l’innovation. Le numérique évolue sans cesse, en raison notamment des technologies toujours renouvelées (tablettes tactiles, TBI, smartphones…). Ces évolutions sont à l’origine de pratiques pédagogiques nouvelles, ce qui interroge au quotidien les enseignants que nous sommes. Quelle part donner au numérique dans l’innovation ? Quels mythes faut-il déconstruire pour situer l’innovation pédagogique dans un cercle vertueux de créativité, d’inventivité et de qualité ? Comment aider les élèves à s’approprier ces outils avec prudence et confiance ? Quelle approche des questions de déontologie et d’éthique ?
La seconde journée sera celle de la découverte et de la pratique. Innovante par la forme et ses contenus, elle vous permettra de choisir un univers et de constituer votre parcours : visites, mini-conférences, ateliers pratiques…
Des professionnels partageront avec vous leurs réflexions, vous mettront en situation pour explorer ce que vous ne connaissez pas encore ou ce que vous souhaitez approfondir, dans des lieux inspirants.

Cinq univers sont proposés : l’univers Médias, l’univers Bien-Être, l’univers Autour du livre, l’univers Faire autrement pour apprendre et enfin, l’univers Droit et usages du numérique.

Pour vous donner envie d’embarquer avec nous, voici en quelques lignes les explorations proposées dans chacun.

Univers Médias : trois parcours autonomes pour découvrir et réaliser des activités innovantes avec les médias (webradio, son/vidéo, reportage photo), envisager les médias comme un vecteur d’émancipation, mais aussi « faire », expérimenter les médias comme condition à la réappropriation du discours médiatique.
Ces ateliers auront lieu à La Condition Publique de Roubaix (ancienne usine textile reconvertie en fabrique de coopération culturelle). Ils seront en partie itinérants (photo et vidéo).

Univers Autour des livres : des parcours qui cherchent à ajuster l’acte de lecture et d’écriture aux publics adolescents.
Défi de faire lire pour partager. Défi d’adapter les espaces autour des actes de lire, pour les rendre inspirants. Défi aussi de comprendre et de parvenir, sans douleur, à l’acte d’écriture.
Au programme : visites, mises en pratique, booktube, design thinking et laboratoire d’écriture.

Univers Bien-Être : des parcours animés par des personnes qui pratiquent et sont formées à transmettre, et viennent partager ce qu’elles ont appris et mis en œuvre. C’est l’occasion de découvrir et d’expérimenter des pratiques qui donnent au corps et aux émotions toute leur place. Une réflexion innovante et incarnée sur comment être bien à l’école.
Pour explorer cet univers : mini-conférence interactive, ateliers CNV (Communication Non Violente), sophrologie, yoga et gestion des émotions.

Univers Faire autrement pour apprendre : des parcours qui permettent de découvrir d’autres façons d’enseigner. Changer de posture, c’est accepter de sortir de sa zone de confort pour installer une autre relation enseignants/apprenants.
Dans le cadre de cet univers, vous pourrez participer à la découverte d’un espace créatif, à des ateliers co-élaboratifs (partant de l’expérience de la classe renversée, de la gamification), à des ateliers neurosciences et intelligences multiples. Vous trouverez aussi un atelier inspiré de la pédagogie lasallienne, intitulé « Valeurs du PEJ », pour une réflexion autour de valeurs universelles qui fondent le vivre ensemble (la fraternité, le courage, le respect, le discernement, la responsabilité, la liberté, notamment).
Au programme : réflexions, mises en situation, dispositifs « clé en main ».

Univers Droits et usages du numérique :
Qu’est-ce qu’un citoyen numérique ? Pour comprendre les lois et les règlements en matière de numérique, il faut une culture et des compétences numériques qui permettent un jugement éclairé et une juste représentation des enjeux.
Intimité numérique, enjeux de la protection des données personnelles, compétences numériques, reconnaissance et évaluation, usages et dérives des réseaux, postures professionnelles liées aux droits, logiciels respectueux : tels sont les sujets sur lesquels vous pourrez réfléchir et inventer, dans les différents ateliers proposés.
Temps de mini-conférences, table ronde, échanges et ateliers jalonneront ce parcours.

Un « barcamp » restituera en fin de journée les différents univers, grâce aux témoignages des participants.

N’oublions pas non plus, un temps de rencontre avec les éditeurs : outre les éditeurs avec lesquels nombre d’entre nous ont l’habitude de travailler et dont nous apprécions le sérieux, d’autres, parfois plus confidentiels, ont répondu favorablement à notre invitation. C’est le cas des éditions Talents Hauts, Terres Rouges, le Muscardier…

Nous vous réservons aussi des surprises et des moments conviviaux. Garder ici un peu de mystère nous permettra d’agrémenter avec bonheur les trois journées que nous passerons ensemble. Quant à la soirée festive du jeudi soir, elle devrait nous permettre de partager un temps joyeux et salutaire pour nous ‘vider la tête’.

Informations pratiques

Tous les collègues qui veulent vivre l’aventure de ces trois journées de formation sont invités à se rapprocher de leur direction pour que celle-ci valide leur participation à ces journées. Sont invités les professeurs documentalistes du privé comme ceux du public, de l’enseignement agricole, les enseignants d’autres disciplines, les étudiants en parcours enseignant ainsi que les personnels de droit privé qui travaillent en CDI.
L’équipe de l’ARDEP en Nord a créé un site internet dédié à l’événement, https://jnfapdep.ardepennord.asso.fr/, qui vous présentera les intervenants et le détail du programme. C’est sur ce site également que se font les préinscriptions. Les informations, détails, précisions, seront également transmis sur twitter avec le hashtag #JNFapdep2021.
Pour faciliter votre hébergement, vos déplacements ainsi que la restauration, de nombreux contacts ont été pris (hôtels du Centre-Lille, transports en commun, restauration…). Pour des renseignements complémentaires, n’hésitez pas à nous écrire sur jnfapdep@ardepennord.asso.fr.

Conclusion

Innover donc, pour créer l’avenir que nous souhaitons ; non pas l’avenir que nous aurons, mais celui que nous voulons : voilà l’idée majeure et le fil conducteur qui nous guident depuis deux ans que nous préparons ce congrès. Tout métier évolue, le nôtre, si jeune, n’a cessé de le faire depuis 50 ans. Innover, c’est le moyen que nous choisissons pour affirmer notre différence et nos forces.
Forts de la confiance que l’APDEP nous a toujours témoignée, dans le choix de la thématique de ce congrès, de ses contenus et de son organisation, nous sommes persuadés que ces Journées nationales seront des moments riches, tant d’un point de vue professionnel qu’humain.
Et si vous voulez faire durer le plaisir de ces journées dans le Nord, n’hésitez pas à prolonger le week-end et à découvrir les richesses patrimoniales, culturelles ou naturelles. Lille, à l’histoire et à l’architecture qui méritent le détour, mais aussi Lille, carrefour européen à une heure de Paris, Londres, Bruxelles, Bruges (la petite Venise du Nord) ; la Côte d’Opale et ses immenses plages de sable fin, Nausicaa… Sans oublier la proximité avec Amsterdam, Rotterdam… Chaque congressiste pourra compter sur le soutien du bureau de l’ARDEP en Nord pour le conseiller.

Alors… soyez-là les 17-18 et 19 mars 2021, on s’occupe du reste !