Appel à contributions : Le CDI vert

Alors que le confinement a redonné, de façon inattendue, une courte bouffée d’oxygène à la planète, nous sommes nombreux à nous interroger sur les modes d’action efficaces pour freiner le réchauffement climatique et inverser les effets néfastes de l’impact humain sur la Nature. De COP en Agenda 2030, de marches pour le climat en campagnes de sensibilisation, les initiatives sont foisonnantes et impliquent la jeunesse dans de nouvelles formes d’engagement.

Quelle place donner au professeur documentaliste dans cette recherche de solutions ?

Informer pour comprendre ces thématiques scientifiques et sociétales et par là même enclencher l’action, semble être au cœur des enjeux. Comment mettre en valeur les informations liées aux changements climatiques, à l’écologie, au développement durable au sein du fonds documentaire mais également dans tout l’établissement ? Revisiter les classifications, créer des espaces ou rayons « climat », développer une politique documentaire spécifique, mais aussi inviter des intervenants ou organiser un forum associatif peuvent en être des modalités. En parallèle, comment communiquer efficacement sur ces thématiques et marquer les esprits en utilisant des moyens durables ?

Éduquer au développement durable peut converger avec l’ÉMI pour être le terreau d’un esprit critique de combat qui abatte définitivement les arguments climato-sceptiques, et redonne foi en l’information scientifique, souvent complexe sur de tels sujets. Quels dispositifs pédagogiques mettre en œuvre dans ce contexte pour le professeur documentaliste ? Avez-vous des exemples d’activité menée sur les infox du climat ? Le calcul de l’empreinte carbone de chaque élève ou enseignant, et même celui du CDI, est-il possible ? 
Par ailleurs, si vous travaillez dans un éco-collège ou un éco-lycée, ou sous label E3D, faites-nous part des actions menées à l’échelle de l’établissement et de votre implication. Grainothèques au CDI, jardins intérieurs, ruches, potagers, etc. : nous attendons vos retours d’expérience sur ce type d’initiatives. Partagez également vos conditions de travail, les particularités architecturales et l’agencement de l’espace de votre CDI si vous travaillez dans un établissement à énergie positive ou à haute qualité environnementale.

Agir pour un CDI durable et responsable, qu’est-ce que cela implique concrètement ? Comment se former ? Quels petits gestes adopter au quotidien pour rendre le CDI plus vert ? Quelles initiatives mettre en œuvre pour recycler, redonner vie aux livres pilonnés, usagés ? Gestion de la consommation de papier, mode de couverture des livres, réduction des déchets, comment résoudre ces multiples paradoxes liés à nos consommations de fonctionnement, tout comme celui de l’impact du numérique sur l’environnement, numérique qu’il semble désormais bien difficile d’utiliser avec parcimonie ?

Enfin, plus globalement, quelles formes particulières d’engagement des élèves en matière de développement durable peuvent se fédérer au CDI ? Clubs, associations, réunions, cercles de réflexion, autant de manières d’agir ensemble et de continuer à espérer…

Nous ne doutons pas que vos contributions seront autant de petites graines semées dans les esprits, qui donneront vie à de nouveaux CDI verts.

Date limite d’envoi des propositions de contribution : 30 avril 2021.

Pour une préparation optimale du numéro, n’hésitez pas à contacter la Rédaction au plus tôt : intercdi.articles@gmail.com

Professeur et documentaliste, l’équation (im)possible ?

Récemment, un article du Monde de l’éducation titrait sur « le blues des professeurs documentalistes » (26/01/21), une profession singulière, métissée, à la double mission : gestionnaire d’un centre de ressources et enseignante, mais sans discipline propre et sans heures de cours dédiées. Le constat n’est pas nouveau, qui le plus souvent pointe le malaise identitaire des professeurs documentalistes, en lien avec la dualité de la fonction, et à la suite un positionnement incertain et un manque de reconnaissance sur le volet formation.

Comment gérer la dualité pédagogie-gestion au quotidien en CDI ? Comment enseigner tout en essayant de répondre aux différentes missions incombant aux professeurs documentalistes ? Et qu’est-ce qu’enseigner ? Les articles initiaux de ce numéro d’Inter-CDI proposent une réflexion sur ces questions, et tentent d’y apporter des réponses concrètes, tirées des observations et des expériences des auteures. La démarche est volontaire et située, chaque témoignage est singulier. Deux idées en ressortent, qui se rejoignent, suggérant de concevoir le CDI comme un « environnement capacitant » et/ou un « Commun » de l’établissement : porteur de formation et d’initiatives pour les élèves, stimulant leur disposition à s’engager dans des expériences et à apprendre/se former.
Avec l’idée de Commun, telle que définie par Kaltoum Mahmoudi, il s’agit de construire collectivement un espace de ressources partagées, avec des élèves volontaires, promus délégués ou tuteurs, qui prennent en charge la gestion du CDI en l’absence des professeures documentalistes : le soir dans le cadre de l’internat, ou en journée lorsque les professeures documentalistes assurent leur mission pédagogique, dans ou hors CDI. Ce mode de gouvernance n’est pas sans difficulté selon l’auteure, il bouscule les modes de fonctionnement établis et les représentations des acteurs, et nécessite de faire des compromis. Le projet se veut politique autant que pédagogique, il signe un engagement militant, soucieux de prioriser le mandat pédagogique.
Pour Léa Gillet, dynamiser l’environnement CDI, c’est aussi aider les élèves à mobiliser et utiliser les ressources à leur disposition, pas seulement mettre des ressources à disposition. Or, la dualité documentaliste-professeur peut générer des situations incapacitantes lorsque l’apprentissage est empêché, ou même décapacitantes lorsque les conditions de travail sont dégradées. Aussi insiste-t-elle sur le nécessaire dialogue Direction-Vie scolaire-CDI visant à rompre avec l’idée, bien ancrée, d’un « CDI fermé » alors même que la professeure documentaliste enseigne. Faire avec ces contraintes oblige à se réinventer en permanence ; les manières d’enseigner se trouvent questionnées. Dans ce contexte, la réalisation, par les élèves, d’émissions webradio sur la vie et le fonctionnement du CDI est envisagée comme un projet capacitant : une occasion de partager des savoirs, info-documentaires et techniques, et de donner une visibilité aux activités mises en œuvre au CDI, « justifiant » la fonction enseignante.
La note de lecture sur l’ouvrage de Florence Lhomme La relation pédagogique, signée Florence Michet, prolonge la réflexion sur la dimension « enseigner », ses modalités, ses espaces. Le discours est centré sur la salle de classe, ce que regrette la rédactrice ; mais les professeurs documentalistes peuvent trouver là « des clés pour construire » (pédagogie de projet, interdisciplinarité, autonomie, collaboration…), comme autant d’aides à la mise en œuvre d’un environnement capacitant et de leviers pour faire bouger un système traditionnellement normé.

Professeur et documentaliste, une équation délicate, qui invite au mouvement et à la réinvention. Ce dont témoigne ce numéro, riche en propositions : au-delà de la réflexion engagée sur un sujet sensible, il ouvre des perspectives, offrant outils pratiques, veille numérique, pistes de lecture, et faisant une large place à l’ouverture culturelle.

Le CDI, Commun de l’établissement scolaire

Les expériences relatées ici à travers des témoignages de lycéen.e.s et étudiant.e.s comme autant de regards croisés révèlent différents usages et appropriations du CDI exprimant une volonté commune : construire collectivement un lieu de ressources partagées, un lieu de travail fondé sur la coopération entre pairs ainsi qu’un lieu du vivre ensemble. L’emploi dans cet article du terme Commun s’inspire des réflexions portant sur les Communs de la connaissance. Hervé Le Crosnier (2018) définit à ce propos la notion de Commun à la fois comme un héritage que nous possédons, que nous partageons et qu’il nous faut ensemble préserver notamment pour les générations futures et également comme une construction collective dans un esprit de partage. Le récit de ces expériences issues de deux lycées polyvalents de l’Académie des Hauts-de-France apporte selon moi une certaine contenance à cette définition. La première expérience retrace une gestion collective du CDI par des lycéen.n.es du lycée de l’Authie (LA) volontaires pour assumer une fonction de suppléance en l’absence des professeures documentalistes. La seconde porte sur l’ouverture du lieu chaque soir de la semaine par les lycéen.n.e.s et étudiant.e.s internes du lycée Valentine Labbé (VL)2. Cet article s’appuie par conséquent sur des entretiens3 et sur un échange avec la professeure documentaliste du lycée LA4. En quoi ces expériences vécues nous amènent-elles à réfléchir à la construction d’un CDI Commun de l’établissement scolaire ?

Suppléance et Tuteurat : regard sur deux expériences vécues vers une responsabilité partagée du CDI

Faire cause commune, élèves et professeur.e.s documentalistes, pour l’ouverture du lieu

« On a besoin un certain moment de quitter le CDI (…) du coup les élèves me disaient ‘mais Madame ce serait bien aussi quand vous êtes en séance qu’on puisse être là et gérer en autonomie ce lieu’… »

Emmanuelle Cointe, professeure documentaliste au lycée LA.

Tuteur.trice CDI, suppléant.e-documentaliste, délégué.e du CDI… quelle que soit l’appellation choisie, toutes désignent des usagers lycéen.n.e.s et étudiant.e.s volontaires qui acceptent de prendre en charge le CDI en l’absence des professeur.e.s documentalistes. La citation ci-dessus montre que la demande d’ouverture émane le plus souvent des usagers eux-mêmes et trouve un écho chez les professeur.e.s documentalistes. Dans le cas du Lycée VL, ces dernières ont accepté et impulsé la mise en œuvre d’un dispositif d’ouverture du CDI chaque soir de la semaine entre 19 h 30 et 22 h 30 à destination des élèves internes de Term, des étudiants et occasionnellement d’internes de 1er. L’ouverture du CDI qui est assurée par les tuteurs.trices étudiant.e.s et de Term visait à répondre prioritairement à l’inconfort des chambres regroupant plusieurs élèves et peu propices à la concentration nécessaire au travail scolaire. « Avoir un espace toujours accessible pour travailler » est essentiel précise Gabriel, tuteur interne pour la deuxième année consécutive au lycée VL. Situé en zone rurale, le lycée LA accueille des élèves transporté.e.s par le car de ramassage scolaire ayant pour conséquence une présence régulière et continue dans l’établissement justifiant ainsi cette demande d’ouverture du lieu en l’absence des deux professeures documentalistes.
Il s’en suit qu’au cours de l’entretien, la professeure documentaliste évoque les raisons qui ont motivé la mise en œuvre du dispositif de suppléance provisoire. « Quitter le CDI » momentanément, c’est premièrement assurer sa fonction pédagogique conjointement avec les professeurs disciplinaires hors les murs du CDI, dans une salle de cours ou une salle informatique. La politique institutionnelle en faveur du déploiement de matériels informatiques ainsi que l’internet mobile et les smartphones connectés autorisent cette professeure documentaliste à dispenser son enseignement en information-documentation en dehors du lieu. Ce qui n’exclut pas pour autant la tenue des séances pédagogiques au CDI dans des conditions plus confortables dans la mesure où me dit-elle, les suppléant.e.s assurent l’accueil, prennent les appels téléphoniques et répondent (ou à défaut gardent trace) des demandes formulées en son absence. « Faire des photocopies, récupérer le courrier, assurer les échanges nécessaires au bon déroulement des partenariats pédagogiques, participer aux réunions, assumer les rendez-vous avec des partenaires dans le cadre de la mise en œuvre de projets culturels et d’orientation… » : les raisons invoquées par la professeure documentaliste pour justifier son départ du CDI sont nombreuses et variées. Sans la présence des suppléant.e.s, la multiplicité des tâches incombant aux deux professeures documentalistes induit inévitablement des fermetures régulières du lieu ; fermetures que professeur.e.s documentalistes et usagers cherchent à éviter dans l’intérêt de la collectivité :

« C’est mieux d’avoir un CDI ouvert. Y a certaines personnes qui sont désespérées des fois, qui font : est-ce que le CDI est ouvert ? J’ai besoin d’imprimer… ou de lire un livre en Français, je l’ai pas pris ! Est-ce qu’il est au CDI ? »

Lili, étudiante en BTS scientifique, tutrice interne au lycée VL

En lycée comme dans de nombreux établissements scolaires, la centralité des ressources du CDI et l’insuffisance, voire l’absence de lieux d’accueil pour les élèves, notamment durant la pause méridienne, provoquent une pression sur le centre de documentation poussant les usagers à formuler cette demande. L’appellation choisie pour qualifier le dispositif n’est pas anodine car dans son origine latine « suppléance » vient du latin supplere qui signifie « remplir de nouveau » (Dauzat, A. & al.,1964. p. 722). Mise en œuvre il y a 7 ans non sans mal, la suppléance instaurée au CDI du lycée LA a suscité au départ doute, frilosité et crainte de la part de la communauté éducative avant d’être acceptée et officialisée dans la politique documentaire de l’établissement deux ans plus tard. Quant au tuteurat du lycée VL, sa mise en œuvre est effective depuis 2013 et se déroule sans obstacle, ni difficulté majeure. L’efficacité et la réussite de ces dispositifs dépendent de l’assentiment puis de l’expertise et de la cohésion entre professeures documentalistes qui, absentes du lieu, en assument la responsabilité. La circulaire de missions du 30 mars 2017 est sur ce point sans équivoque : « Ils ont la responsabilité du centre de documentation et d’information (CDI), lieu de formation, de lecture, de culture et d’accès à l’information » (…) « le professeur documentaliste est responsable du CDI, du fonds documentaire, de son enrichissement, de son organisation et de son exploitation »5. La circulaire n’exclut pas pour autant une responsabilité collective et partagée qui incombe ipso facto aux membres de la Direction qui valident et légitiment ces dispositifs. Elle incombe également à l’ensemble de la communauté éducative dont les enseignants et les personnels de vie scolaire. Au lycée VL, les maîtres d’internat et le Conseiller Principal d’Éducation en charge de l’internat assument ainsi la responsabilité du CDI chaque soir de la semaine. Responsabilité que les professeures documentalistes acceptent de leur transférer en l’assumant collectivement. Dans la même idée, au lycée LA, la proximité de la salle des professeur.e.s permet une présence indirecte offrant aux suppléant.e.s une autorité à laquelle se référer en cas de besoin. Le CDI, lieu de ressources partagées demeure également un lieu d’apprentissage de la responsabilité.

Former les élèves vers un apprentissage de la responsabilité

Les élèves volontaires6 pour assurer ces fonctions sont recruté.e.s parmi les élèves de 1er et de Term pour le lycée LA, et de Term et de post-Bac pour le lycée VL. La formation qui leur est dispensée de manière individuelle ou collective dure 1 h à 4 h et se clôt par la signature d’une charte ou d’un contrat qui les engage dans la fonction. Les objectifs principaux de la formation sont d’assurer l’accueil des élèves7, l’accompagnement à la recherche documentaire via le portail esidoc et d’assurer enfin la continuité des activités proposées en présence des professeures documentalistes : prêts-retours de documents dans BCDI, accompagnement à l’utilisation du matériel informatique et de photocopie, inscription des élèves, entre autres. Ils.elles veillent surtout au respect d’un climat propice au travail de chacun.e et au respect des règles et des gestes barrières depuis la crise sanitaire. La professeure documentaliste du lycée LA va même plus loin en formant les suppléant.e.s à la maîtrise de la classification, au catalogage et à l’indexation des documents dans BCDI offrant à ces élèves la possibilité de mettre à disposition et de valoriser les ressources pour l’ensemble de la communauté. Pour Laura, 17 ans, élève de Term au lycée LA, cette fonction de suppléante lui ouvre un champ de possibles. Elle évoque au cours de l’entretien, cet aspect de la fonction qu’elle affectionne particulièrement puisqu’elle lui offre un accès privilégié aux ressources en « avant première, (…) d’être en contact avec les livres et de découvrir des nouveautés ». Par la lecture et la rédaction de coups de cœur qui font également partie de sa fonction, elle exprime son plaisir à « mettre l’ouvrage dans la lumière » parmi les nombreux livres restés dans l’ombre des étagères. L’expérience du lycée de LA révèle qu’une cogestion du lieu par une communauté composée des suppléant.e.s, des professeur.e.s documentalistes et même des enseignant.e.s s’instaure de fait.
Durant notre échange, la professeure documentaliste insiste sur la découverte du métier inhérente à la fonction de suppléant.e. Elle partage sa vision d’un CDI pluriel dont un lieu d’information médiatique dans la mesure où elle attend des suppléant.e.s la communication d’une actualité par mois à destination des usagers. Avec son aide, toutes les compétences développées par les suppléant.e.s de Term sont formalisées à travers la rédaction du CV pour Parcoursup valorisant ainsi l’engagement de ces élèves dans la fonction.
Le CDI s’avère alors un cadre propice à l’apprentissage de la responsabilité. Comment en effet vouloir construire un environnement documentaire qui ait du sens et qui fasse sens pour les usagers œuvrant en faveur de leur autonomie sans les associer à l’organisation et au fonctionnement du lieu ? Sans le « gouverner » ensemble ? Le concept de gouvernance8 répond à des évolutions dont celle de repenser collectivement l’espace documentaire mis en ordre majoritairement par les professeur.e.s documentalistes. Or, ni l’organisation spatiale du lieu, ni l’agencement physique des collections ne sont neutres. Lili étudiante en BTS scientifique et tutrice interne au lycée VL pose son regard, au cours de l’entretien, sur l’agencement spatial du CDI en tant qu’espace fonctionnel qui permet des zones d’isolement le soir pour les internes palliant ainsi le manque d’intimité des chambres à l’internat. L’apprentissage de la responsabilité suppose d’associer la communauté des usagers à la mise en espace du lieu ainsi qu’à la prise de décisions qui régissent son fonctionnement. Instaurer une démarche de gouvernance du CDI repose sur des fondements démocratiques par la responsabilisation des usagers.

Une gouvernance fondée sur la confiance

Le CDI : un lieu propice au développement des affordances9

KM : le CDI entre 8 h et 18 h, est-ce le CDI du soir ?
Lili, étudiante en BTS scientifique, tutrice interne au lycée VL : les élèves viennent au CDI le soir pour les mêmes raisons : avoir le calme et les ressources utiles à nos devoirs et à notre travail. (…) C’est pas une mission facile dans le sens où on est quand même responsable d’élèves [sourires]. Mais c’est pas une tâche difficile dans le sens où c’est faisable : si on s’organise bien, par exemple avec les autres tuteurs. Par exemple, nous on a un groupe Messenger, on se dit ce soir je prends la clé du CDI… qui ouvre le CDI ce soir ? (…)
KM : Si les professeures documentalistes assuraient l’ouverture du lieu le soir pour les internes à la place des tuteurs.trices, ce serait le même CDI le soir et la journée ?
Lili : je ne pense pas ! [rires]
KM (rire) : moi non plus ! [rires]
Lili : il y aurait plus…pas de la tension… mais ce serait plus…

Lili ne trouve pas le mot adéquat pour exprimer sa pensée même si le mot « tension » est énoncé. Au cours de l’entretien et comme une majorité de tuteurs.trices interrogé.e.s, Lili évoque l’atmosphère détendue le soir, la circulation moins réglementée des élèves à l’intérieur du CDI qui en outre conserve son rôle dévolu au travail individuel et/ou en groupe, de recherche documentaire et d’accès à l’information, de lieu de curiosité intellectuelle et de lecture. Les élèves interrogé.e.s expriment la liberté que leur procure cette expérience de tuteurat tout en précisant que les élèves présent.e.s le soir « respectent les règles à leur façon ». Lili décrit l’ambiance du soir entre internes venant y travailler « en pyjama ou avec leur plaid ». « La journée faut rester habillé » me dit-elle. La posture d’élève va de pair avec l’univers « tendu » de contraintes propres à l’établissement scolaire10 et à cet ordre scolaire où comme l’énonce Cerisier « on n’y apprend ni ce que l’on veut, ni à sa façon, et l’on ne choisit ni avec qui, ni où, ni quand » (2016, p. 10). Théo précise : « le soir, on peut parler plus librement (…) on est plus à l’aise, on est un peu en autonomie alors on se sent plus responsables. Tout le monde fait attention le soir… tout le monde est plus serein ». Les élèves internes s’approprient le lieu en le détournant de sa logique institutionnelle, y expérimentent des manières de faire et d’être ensemble à travers des expériences Commun-icationnelles11. Ils y développent des affordances à savoir des possibilités d’actions vers la construction d’un espace convivial de travail et d’échange moins normé et pour lequel ils ressentent me disent-ils, « une grande responsabilité ». Ils font évoluer les règles édictées par les professeures documentalistes en les adaptant en fonction de leurs besoins propres et de la responsabilité qui leur incombe. Laura décrit ce CDI dont elle est responsable en l’absence de la professeure documentaliste comme un lieu où la tolérance au bruit est plus grande, « tout en étant dans la modération » me dit-elle car elle veille au respect du travail des uns et des autres. Elle conclura notre entretien en ces termes : « C’est une responsabilité de s’occuper des élèves, des livres, de vérifier que tout se passe comme il faut, et plus tard de ce point de vue là, c’est obligé que ça me servira ».

Le CDI, une mise en commun des sociabilités

KM : si un.e élève de 1er de votre lycée souhaite devenir suppléant.e comme vous, quel(s) conseil(s) vous lui donneriez ?
Juliette suppléante de Term au lycée LA : d’avoir confiance en lui et de ne pas paniquer [rires]
KM : [rires] Il vous est arrivé de vous dire qu’il ne fallait pas paniquer ?
Juliette : oui [rires]
KM : c’est vrai ? Vous pouvez me raconter ?
Juliette : c’est en fait la fois où j’avais dit un élève de remettre son masque… il l’avait pas fait et je me suis dit à un moment mais qu’est-ce que je fais ? J’fais quoi ? J’étais complètement perdue en fait.
KM : Et vous vous êtes dit qu’il ne fallait pas paniquer. Et après ?
Juliette : ben il est parti [rires]
KM : Ah, ouf ! Il a compris que s’il ne respectait pas les règles, il fallait sans doute qu’il sorte (…) [rires]

Lieu d’apprentissage et d’accès à des ressources partagées, le CDI est aussi dans le propos des élèves interrogé.e.s, le lieu du vivre-ensemble et de la coopération entre pairs. Les fonctions de suppléance et de tuteurat placent en effet les élèves en position de médiateur.trice entre les professeures documentalistes et les usagers du lieu. Le CDI Commun est un espace partagé qui met en commun les sociabilités et l’aptitude de chacun.e à vivre ensemble. Au cours de l’entretien, Laura me parle de sa fonction qui l’amène à vivre des « expériences sociales » dit-elle à travers les liens qui se tissent à la fois avec d’autres suppléant.e.s autour de cette responsabilité commune et partagée tout comme avec les usagers du CDI dont elle a la charge et « qu’elle n’aurait jamais rencontré.e.s sans cette fonction » me dit-elle.
Quant à Juliette, elle conclura notre échange ci-dessus par un dernier conseil, celui « de ne jamais se laisser faire ». Le rapport de force qui s’instaure dans certains cas entre usagers et suppléant.e.s comme l’illustre cet extrait oblige les suppléant.e.s. et tuteurs.trices à la nécessité de faire autorité afin de résoudre, dans certains rares cas, des situations-conflit. Devoir faire autorité est ressenti par les élèves interrogé.e.s des deux lycées comme une difficulté majeure. Au cours de l’entretien, Laura avoue que c’est la tâche la plus difficile à accomplir, le « point noir » de la fonction dit-elle, même si celle-ci lui a permis de se confronter à cette question. Fort.e.s de la confiance déléguée par les professeures documentalistes, ces élèves ne manquent toutefois pas d’initiatives et d’idées pour remédier à cette difficulté comme Laura qui suggère le port d’un badge ou d’un signe visant à différencier les suppléant.e.s des autres élèves afin « qu’on les prenne au sérieux ».
Pour clore, instaurer une démarche de gouvernance du CDI représente pour les professeur.e.s documentalistes une manière de concevoir et d’exercer leur autorité différemment en repensant collectivement la gestion et l’organisation du lieu par l’engagement de la communauté des usagers, par leur implication dans les prises de décision et par une responsabilisation fondée sur la confiance qu’ils.elles acceptent de partager avec la communauté.

Conclusion

Le CDI, Commun de l’établissement scolaire ne peut se penser en termes de propriété mais plutôt en termes d’espace Commun de travail, de vie et d’accès à des ressources partagées. Quelle que soit l’appellation, le CDI demeure un lieu de documentation et de savoir dans lequel il ne peut y avoir de droit de propriété sur la connaissance qui s’y construit.
Progresser, Partager et Mieux vivre ensemble : les expériences vécues du CDI relatées à travers cet article peuvent s’avérer difficile à impulser dans d’autres contextes d’établissement aux réalités diverses. Elles pourraient néanmoins donner matière à penser une réflexion commune au sein de l’établissement scolaire. La gouvernance du CDI n’est pas sans difficultés et nécessite de faire des compromis. Les expériences relatées révèlent par ailleurs assez nettement la tâche qui attend les professeures documentalistes pour accompagner et former davantage les suppléant.e.s et tuteurs.trices à « faire autorité » auprès de leurs pairs ; cet élément est un point de difficulté exprimé à travers la majorité des témoignages d’élèves des deux lycées.
Le CDI, Commun de l’établissement scolaire, demeure enfin pour les professeur.e.s documentalistes un projet politique autant que pédagogique qui va au-delà d’une action favorisant la réussite des élèves à travers le Progresser, Partager et Mieux vivre ensemble. Il s’agit surtout d’un engagement militant visant à prioriser leur mandat pédagogique. Quelle que soit l’appellation, la gouvernance du CDI invite à accepter un lieu pluriel, aux multiples acceptions et expériences vécues. Un CDI qui ne soit plus uniquement « l’affaire » du.de.la professeur.e. documentaliste mais plutôt celle d’une communauté à laquelle il.elle appartient et qui en aurait la charge et la responsabilité.

 

 

 

Professeur documentaliste, quel métier aujourd’hui ?

Je recentrerai le propos ici sur l’espace CDI, espace d’enseignement, de culture et de vie, et les stratégies d’organisation et de gestion que peut mettre en œuvre un professeur documentaliste pour dynamiser l’environnement CDI et le rendre capacitant.
Je m’appuierai pour cela sur mon expérience personnelle dans un lycée français à l’étranger : moi, en tant que professeure documentaliste, quel environnement enrichi proposer aux élèves pour leur permettre de développer leurs capacités d’apprenant ? Comment les aider à mobiliser et utiliser les ressources – matérielles et humaines – qui sont à leur disposition ? Comment gérer la dualité pédagogie-gestion au quotidien ? Comment enseigner ?

Contexte

J’entame ma sixième année dans le lycée français international Marguerite Duras, à Hô-Chi-Minh Ville au sein du réseau AEFE (Agence pour l’Enseignement Français à l’Étranger). L’établissement a la particularité d’accueillir sur un seul et même campus 1210 élèves, d’une quinzaine de nationalités différentes, scolarisés de la petite section de maternelle à la terminale : 600 élèves pour le second degré, 370 collégiens, 230 lycéens. Le multilinguisme est très présent (français, anglais et vietnamien principalement). Situé dans une zone verdoyante à 45 minutes du centre-ville, le lycée est entièrement équipé pour être autonome (classes numériques, exploitations sportives, piscine, salle de théâtre, salle de motricité, etc.). Ouverts sur des jardins, les bâtiments, sur un seul étage, sont bordés de coursives semi-ouvertes. Ici, tout le monde cohabite et partage certains espaces (la cantine, les exploitations sportives, la salle de théâtre…). Le pôle documentaire comprend une BCD pour le premier degré et le CDI pour le second degré, qui bien que très proches, sont physiquement dissociés. Si l’entrée est commune, chacun a son propre espace, sa propre base, son propre fonds, ses propres règles. La liaison avec le premier degré reste très forte : les écoliers peuvent venir au CDI, sur des créneaux planifiés, dans le cadre de travail avec les enseignants du cycle 3. Pour aider dans des tâches de gestion et permettre une plus large amplitude horaire d’ouverture du CDI, une aide-documentaliste est présente à temps partiel.
Comme mentionné en introduction, c’est dans une perspective d’évolution de carrière que j’ai été amenée à me (ré)interroger sur l’identité professionnelle et les pratiques pédagogiques. Dans cette dynamique, j’ai découvert les travaux de recherche de Solveig Fernagu Oudet, et notamment l’idée d’« environnement capacitant vers une meilleure compréhension et prise en compte des conditions de l’apprentissage » (2018). Selon la sociopédagogue, un environnement capacitant est « un environnement susceptible de contribuer au développement du pouvoir d’agir des individus, autrement dit, de leurs capacités d’action et de choisir » (p. 163). « Bien plus qu’un environnement où l’on apprend, il est aussi un environnement qui aide à apprendre et donne envie d’apprendre, il donne les moyens d’apprendre et des opportunités pour le faire » (p. 171).
Après un certain temps d’observation et d’analyse d’indicateurs statistiques (fréquentation et emprunt) au sein du CDI, je me suis questionnée sur la mise au travail et en activité des élèves, et sur l’environnement dans lequel peuvent s’inscrire des apprentissages, aussi bien individuels que collectifs ou organisationnels, que j’étais en capacité de leur proposer lors de leur venue. Le CDI accueille en moyenne 430 élèves par jour, en comptant les temps de passage durant les récréations et la pause méridienne. Pas loin de 1600 documents sont prêtés en moyenne mensuellement, majoritairement aux élèves.
La posture d’enseignant, de pédagogue, est ambiguë au CDI. Pour la plus grande majorité de la communauté éducative, cette fonction peut être niée, et les biais cognitifs représentatifs de notre profession, très présents, nous enferment souvent dans une posture unique de documentaliste : prêtant des livres, s’occupant de leur rangement et de leur organisation au CDI et nous positionnant comme la personne référente pour l’accueil des élèves durant les heures d’étude. Cette représentation du métier invite à continuellement nous interroger sur la valeur d’enseigner et les conditions matérielles nécessaires à cet enseignement. Qu’est-ce enseigner lorsque l’on est professeur documentaliste ? Pouvons-nous parler d’un déclassement par rapport aux collègues enseignants d’autres disciplines, dans la mesure où nous accueillons des élèves ne s’inscrivant pas forcément dans un groupe classe ? La valeur d’un enseignement réside-t-elle uniquement dans la « classe frontale » et son inscription doit-elle nécessairement apparaître dans la dotation horaire globale de l’établissement, accompagnée absolument d’un programme scolaire ?
La circulaire de missions des professeurs documentalistes (mars 2017) précise que nous partageons les missions communes à tous les professeurs et personnels d’éducation, tout en ayant des missions spécifiques liées à la responsabilité du Centre de Documentation et d’Information. Professeur, mais pas comme les « autres », à la fois gestionnaire et pédagogue. Nous exerçons nos missions auprès de tous les élèves de l’établissement et nous intervenons sous la forme de multiples configurations : de manière ponctuelle, en classe entière ou en demi-groupe, souvent de manière individuelle, parfois en co-enseignant. Mais, quotidiennement, nous veillons à donner du sens au lieu pour en faire un environnement capacitant, ne serait-ce qu’en prenant le temps d’accueillir chaque élève. Néanmoins je constate que je suis de moins en moins mise en situation d’enseigner.

Le CDI au quotidien, données d’observations

Tous les jours, quasiment à chaque créneau horaire, le CDI se vide pour se remplir à nouveau. La capacité maximale d’accueil est de 60 places. Certains créneaux sont plus surchargés que d’autres. Durant les temps de récréation et la pause méridienne, le lieu ne désemplit pas.
Collégiens, lycéens et même écoliers se croisent et se recroisent en partageant le même espace « CDI ». Chacun appréhende le lieu différemment, en fonction de son âge, de ses besoins et de ses attentes. Je peux distinguer quatre types d’usages du CDI, ce qui donnerait à penser l’existence de quatre fonctions du lieu.

Le CDI comme lieu de consultation de ressources numériques
Un élève qui précise qu’il a besoin d’un accès à un ordinateur pour se connecter à son Espace Numérique de Travail est prioritaire sur la liste de présence établie par la vie scolaire. Cet élève viendra donc au CDI, se pressera, et se démènera pour avoir une place à un ordinateur. Il se connectera et puis il passera éventuellement une heure à naviguer entre l’aperçu de ses devoirs, ses résultats scolaires et finira par flâner sur le web, faute d’avoir un projet de recherche précis. Les plus téméraires s’essayeront à installer un jeu vidéo. Les plus « scolaires » préciseront qu’ils ont un exposé à réaliser et s’attarderont jusqu’à se perdre dans les pages de Wikipédia. Finalement, pas un de ces élèves ne se posera la question de ses propres besoins personnels et/ou scolaires. Ces élèves auront juste passé une heure sur un ordinateur. Ils quitteront le CDI sans plus être avancés, ni être allégés dans leur charge de travail et de recherche d’information.

Le CDI comme lieu qui permet de s’échapper par la lecture
Établissement français international, implanté dans un pays où le français n’est pas une langue couramment parlée, le CDI représente un lieu où les livres en français sont nombreux. La palette des choix est large : mangas, documentaires, romans jeunesse, bandes dessinées, littérature pour ado-adultes, presse française, ouvrages pédagogiques, etc. Quoi de mieux pour éviter pendant un moment l’activité de la vie du lycée ? C’est la deuxième raison de la venue des élèves au CDI. Ceux-là savent pourquoi ils viennent. Ils lisent sur place à peine installés, empruntent, échangent leurs avis et font tourner les livres. La promotion de la lecture bat son plein à l’étranger ! La politique d’acquisition y occupe une place prépondérante. C’est d’ailleurs une des fonctions principales reconnue par l’ensemble de la communauté éducative, nous figeant dans une posture unique de documentaliste en omettant le mandat pédagogique.

Le CDI comme lieu confortable pour faire ses devoirs
Combien d’élèves, collègues, parents n’ont-ils pas été froissés d’entendre « Non, le CDI n’est pas le lieu pour faire ses devoirs ». Combien de fois n’avons-nous pas entendu l’argument de l’atmosphère calme du CDI pour pouvoir effectuer son travail purement scolaire sans nécessité d’utiliser de ressources particulières ? De professeur, nous nous transformons en chasseur de bruit dans un lieu où les fonctions initiales ont peu à peu été reniées pour pallier les insuffisances en termes d’accès des autres espaces de travail dans l’établissement : une salle d’étude commune aux collégiens et lycéens trop souvent saturée, des espaces de détente ouverts dans les jardins du lycée réservés uniquement aux lycéens et difficilement accessibles en cas de fortes chaleurs ou de pluies tropicales – ce qui est fréquent dans la région -, un foyer mais dont les entrées sont restreintes.

Le CDI comme lieu où il est simplement agréable de se reposer
Vous me direz, quoi de mieux qu’un bon fauteuil du coin lecture pour faire une petite sieste entre deux cours ou sur le temps de la pause méridienne ?

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Chacun appréhende le lieu différemment

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La pratique enseignante en question

Mais alors, face à ces différents profils d’usagers, où et comment se situe l’usager en position d’apprenant, de chercheur d’information, autonome et responsable, à même de se repérer et s’approprier des informations comme le préconise le socle commun de connaissances, de compétences et de culture ? Comment dégager un temps dévolu à l’enseignement ? Et en tant qu’enseignante, comment développer des espaces et des pratiques, porteurs d’opportunités de formation, des « attracteurs d’apprenance » qui stimulent les dispositions à apprendre des élèves (Fernagu Oudet, 2018, p. 12 ; Jean-Montcler, 2012), les mettent en capacité d’agir et en mesure d’exercer des choix, quelles que soient les situations, naturelles ou organisées.
L’environnement dit CDI, avec ses particularités et ses singularités dans sa capacité à faire œuvre ou non de pédagogie, invite également à réfléchir sur la « relation organisation-individu » (Fernagu Oudet, 2018, p. 160). Favoriser le développement de capacités et de compétences en créant des dynamiques d’apprentissage, organiser des processus d’apprentissage permettant d’apprendre à apprendre en fonction des expériences vécues au CDI, l’idée d’environnement capacitant est particulièrement attirante (Ibid., p. 90). Mais la posture propre à notre profession, en situation, est plurielle et complexe : dans une même journée, je peux aussi bien faire de la gestion documentaire, devenir durant le temps d’une récréation, « prêteuse de livre », éventuellement conseillère en lecture, surveillante d’une salle d’étude améliorée, faire du rangement et par la même occasion revoir le classement documentaire du fonds.
Pourquoi accueillir autant d’élèves à chaque heure si je ne peux leur offrir des conditions de travail répondant à leurs besoins et leur permettant d’apprendre ? Alors même que les élèves sont enjoints de se prendre en charge, d’orienter leurs apprentissages et de se saisir des moyens qui les entourent pour cela, comment me mettre en mesure d’offrir aux usagers du CDI un tel environnement ?

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l’idée d’environnement capacitant est particulièrement attirante

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La création d’une émission webradio, un projet capacitant ?

Pour répondre en partie à ces questions, et reconsidérer dans le même temps les fonctions du CDI, et par conséquent asseoir une identité professionnelle tournée vers la pédagogie, j’ai décidé de créer une émission webradio dédiée à la vie et au fonctionnement du CDI. J’avais suivi une formation à cet outil nouveau mis en place au sein de notre établissement deux ans auparavant. Je commençai par aider le collègue-formateur lors de l’organisation de certains enregistrements pour le lycée, d’un point de vue centré sur la communication positive pédagogique et éducative, sur l’ouverture de l’établissement sur son environnement culturel et professionnel. Mais, force fut de constater que le studio d’enregistrement restait peu exploité par le personnel pédagogique et éducatif et peu pris en main par les élèves.
Mais ici, pour lancer une émission, et pouvoir justifier d’un rôle d’enseignant, les fiches projets s’imposent. Il faut formaliser, expliquer, limiter les coûts, et bien entendu, ne pas déroger au précieux temps dit « d’ouverture du CDI ». Car une séance pédagogique animée ou co-animée par le professeur documentaliste signifierait « fermeture du CDI ». Un nécessaire dialogue Direction-Vie scolaire-CDI doit se mettre en place, au cours duquel il nous faut apporter de solides arguments. L’identité professionnelle en prend un sacré coup. Repenser les espaces de vie et de travail est alors essentiel, et invite à ré-inventer les organisations scolaires pour rompre avec cette idée de « CDI fermé » alors même que j’enseigne. Dynamiser les environnements de travail pour les rendre capacitants, c’est aussi aider les élèves « à mobiliser et utiliser les ressources qui sont à leur disposition et pas seulement les mettre à disposition » (Fernagu Oudet, 2012).
L’émission webradio a vu le jour en octobre dernier, avec des contraintes en termes de déroulé : l’enregistrement, la réalisation, l’écriture et tout le travail annexe ne doivent pas bouleverser le « fonctionnement normal » du CDI. Cela signifie que le taux de remplissage n’est pas restreint lors de ce travail. Il faut alors fonctionner en enseignant à un petit groupe d’élèves et surveiller le lieu, prêter des livres, veiller sur les élèves présents en autonomie. Il y a souvent, lors de ces moments, entre cinquante et soixante élèves, ce qui correspond à la capacité maximale d’accueil. Or, comme le souligne Solveig Fernagu Oudet, si un environnement peut être capacitant, il peut aussi devenir incapacitant « au sens du travail ou d’apprentissage empêché » ou encore décapacitant lorsque l’environnement provoque « une dégradation des conditions d’apprentissage » (2018, p. 178). La dualité professeur-documentaliste, ici très présente, peut générer des situations incapacitantes.

Émission radio avec des élèves de CM1D

Il faut deux fois une heure pour faire un enregistrement qui deviendra une émission. Les élèves participants sont des volontaires, qui décident de s’impliquer dans ce projet lorsqu’ils viennent au CDI sur une de leurs heures d’étude, sur proposition que je leur fais. Former les élèves à la technique est un des objectifs de ce projet. Ainsi, à chaque émission, un nouvel élève apprend à gérer la régie son et à contrôler l’enregistrement pour qu’il soit exploitable. Les autres élèves impliqués sont co-animateurs, ils devront avoir fait le tri des informations à présenter. En radio, tout est écrit à l’avance. La moindre phrase est notée. Il n’y a pas de place pour l’improvisation. La participation au projet se faisant sur la base du volontariat, sur une durée limitée, le travail est prémâché (présentation du sujet, plan de l’émission). Les élèves disposent cependant de temps en amont pour mener une réflexion sur le message à communiquer et mettre leurs interventions par écrit. C’est l’occasion pour eux, avec mon accompagnement, de s’approprier des connaissances sur les différentes fonctions du CDI et les modalités d’usage des ressources à disposition. Bien souvent, la manipulation est privilégiée, comme lors de la préparation de l’émission sur le rangement des documents avec des élèves de CM1 : découverte du système de rangement en déambulant dans les espaces ; étude des principes de la classification et de la cotation, à partir de quelques indices. Les élèves transmettent ensuite ce qu’ils ont appris, en employant un vocabulaire précis. Un exercice de travail de l’oralité qui n’a rien d’évident, face à un micro, avec un casque sur les oreilles. La réalisation de ces émissions est une manière de valoriser la fonction enseignement, en ce qu’elle permet de partager des savoirs, de mettre en commun le travail réalisé et de lui donner du sens. Le CDI y gagne en visibilité.
Afin de pouvoir analyser l’effet de cette webradio et son impact potentiel sur les habitudes de venue au CDI et son utilisation par les élèves et les enseignants, il faudrait mettre en place et étudier plusieurs indicateurs d’évaluation, aussi bien quantitatifs que qualitatifs. Le suivi de fréquentation par rapport à l’utilisation du lieu CDI serait également à réaliser à moyen et à long terme. À l’heure actuelle, l’impact reste faible – sans surprise – devant le court terme de la mise en place de cette action. La seule évolution visible concerne la consultation du CDI virtuel, régulièrement promu, aussi bien lors des émissions webradio que par d’autres moyens de communication utilisés pour valoriser les actions programmées au CDI.
Cependant la webradio ne concerne qu’un nombre restreint d’élèves : la participation se limite à des élèves qui fréquentent le CDI ou qui sont engagés dans des projets ponctuels avec un enseignant, et l’écoute de l’émission se fait sur une base individuelle.
Lorsque la parole est donnée aux élèves et qu’ils sont invités à s’exprimer sur ce que leur apporte le CDI, la cinquantaine de sondés est unanime. Les élèves y trouvent une atmosphère calme, « particulière » selon leurs mots, qui leur permet de s’échapper et d’échapper – et cela est pointé par tous les élèves – aux demandes des enseignants et aux contraintes de leur vie collégienne ou lycéenne. La liberté de pouvoir choisir son activité pendant une pause ou une heure d’étude leur semble essentielle. Tous mettent en avant l’envie de pouvoir faire, de pouvoir se laisser le choix d’apprendre comme ils veulent durant ce temps. Ils veulent essayer, tant pis si cela ne fonctionne pas. Au CDI, ils précisent qu’ils ont cette liberté et c’est aussi pour cela qu’ils viennent. Ils semblent tous reconnaître qu’ils peuvent nous solliciter en cas de besoin. Mais peu d’élèves le font.
Le constat fait, de mon côté, est que trop peu d’élèves sont autonomes dans des recherches physiques de documents au CDI. Ils préfèrent attendre que je leur fournisse un ouvrage repéré, en plus de leur consultation en ligne, n’hésitant pas à montrer une certaine impatience si je m’aventure à leur ré-expliquer le système de classification. Trop peu maîtrisent le vocabulaire adéquat et les codes de l’information documentation nécessaires pour se repérer dans cet espace d’information. Si les émissions produites pour la webradio se veulent des outils d’aide en ce sens, cela ne saurait pour autant être suffisant.

Au CDI, on pourrait penser que tout est occasion de regarder, scruter, donner du sens. Apprendre à apprendre. Si la réflexion sur les organisations scolaires, menée en sciences de l’éducation, dans la mouvance du nouveau management pédagogique et éducatif, oriente vers une évolution des espaces en « environnements capacitants », la mise en œuvre de cette démarche sur le terrain, au quotidien, ne va pas de soi. En tant que professeure documentaliste, impulser une dynamique capacitante, favoriser l’appropriation du lieu CDI en espace d’apprentissage par ses usagers, ne semble pas si évident, et oblige à se réinventer en continu. Redonner une visibilité aux actions mises en œuvre dans ce cadre pour garder le lieu vivant et en faire un attracteur d’apprenance, préserver une utilisation plus raisonnée de cet espace, et en même temps, justifier le mandat pédagogique de notre profession, reste un chemin à conquérir.

 

La relation pédagogique. Des clés pour se construire de Florence Lhomme

Le livre est préfacé par André Sirota3. Il revient sur l’engagement de l’auteure vis-à-vis de ses élèves. Elle a été marquée par ses rencontres dans l’exercice de son métier et nous livre ici ses expériences et conclusions « pour celles et ceux qui se sentent concernés par les relations de transmission à l’école et l’engagement dans le travail intérieur qu’elles demandent à chacun » (p. 9). L’ouvrage est constitué de 15 chapitres divisés en 4 parties pour 191 pages.

Dès la première partie intitulée « construire la relation pédagogique » (p. 15), l’auteure nous demande de « croire en l’éducabilité de tous », ce qui est la condition sine qua non tout au long de cet exposé. Ainsi la relation pédagogique se forge petit à petit avec les personnalités et acquis de chacun. Tous les élèves ont, selon elle, un potentiel même si finalement on n’arrive pas à les mener tous à la réussite. « Élever l’élève », c’est le « mettre en situation supérieure », avec un point de départ, une avancée et une trajectoire précise. Elle place ainsi l’élève au centre des apprentissages mais pour mieux « l’élever », il faut aussi être au clair avec soi-même pour « développer avec professionnalisme l’empathie et la considération pour autrui » (p. 17).
Pour elle, un enseignant autoritaire peut faire régner la terreur dans ses classes et pratique souvent l’humiliation. Elle s’appuie sur des écrits pour prouver que cette crise d’autorité n’est pas récente : « Pour que l’autorité puisse s’exercer au sein de la classe, il faut que les désirs de celui qui l’exerce rencontrent ceux de celui qui la reconnaît » (p. 19). Cette notion se construit dans la relation professeur/élève : « Le professeur a pour mission de construire avec ses élèves, une autorité exigeante et bienveillante qui leur donnera les moyens d’aller vers le haut » (p. 19).
Le but de l’enseignant est de permettre à l’élève de s’approprier un savoir et d’en faire un citoyen éclairé qui va penser par lui-même. Ainsi les conflits entre les buts de performance (être le meilleur afin d’obtenir un jugement favorable et servir les intérêts du système), les buts de maîtrise (développer ses compétences et connaissances servant les intérêts de l’enseignant) et les buts sociaux (les résultats que l’élève cherche à atteindre dans ses interactions avec les autres) sont nombreux. L’enseignant est là pour aider les élèves à donner moins d’importance aux buts de performance et à travailler davantage les buts de maîtrise.
Elle aborde également la différenciation pédagogique considérée comme l’équité : « Faire en sorte que, grâce à des procédures diversifiées, tous les élèves, malgré leur hétérogénéité, puissent atteindre des objectifs communs, en passant par des chemins d’apprentissages différents » (p. 21).
Chaque élève a sa propre histoire personnelle, son vécu. Il peut soit adhérer aux normes sans trop de difficultés, soit être en tension avec les enseignants et donc avec la norme. Elle démonte l’idée reçue qui dit que les élèves en conflit avec le système sont irrécupérables et invite à se mettre à la place de celui qui subit échec sur échec même lorsqu’il essaie. Perte de confiance, injustice, voire abandon les mènent dans la peau d’un nouvel élève, décrocheur et en échec.
Elle reprend Jean Piaget pour qui la nécessité pour l’enseignant de prendre en compte les « représentations des élèves » et de les faire évoluer (p. 26) passe par la métacognition, « la perception que les élèves ont de leurs propres compétences » (p. 29) : pointer les erreurs sans chercher à les comprendre nuit aux performances scolaires et réduit à néant le sentiment d’efficacité personnel des élèves. Mais le problème persiste parce que l’enseignant est débordé. La plupart du temps, il est un ancien bon élève qui a su écarter de son chemin les matières qui lui posaient problème pour se consacrer à celles où il excellait.
La relation élève/enseignant est souvent basée sur des malentendus qu’il faut dépasser et expliquer : savoir pourquoi ils n’ont pas compris au lieu de penser qu’ils n’ont pas travaillé. La personnalité de l’élève se fonde sur l’affectif et celle du professeur sur le cognitif d’où le conflit entre les deux. Faire intervenir à l’école un mot tabou comme « le plaisir » est primordial car, pour l’élève, l’école est un lieu d’ennui mais pour l’enseignant le plaisir est suspect.
Elle évoque également les relations implicites et explicites : « Entamer un dialogue avec les élèves sur leur compréhension des consignes par exemple, permet très vite de voir ce qui leur échappe et de mesurer la distance entre notre appréhension d’une consigne et la leur » (p. 42). L’implicite est prégnant dès la maternelle. Pourtant il existe des méthodes pour expliciter comme celle du brainstorming pour évaluer leurs connaissances. Dire pourquoi (finalité de la tâche) et dire comment (procédures, stratégies, connaissances à mobiliser) permet aussi à l’élève de se situer : « À l’école et à ses enseignants, à travers une relation bienveillante et fondée sur l’écoute, de remplir cette mission fondamentale et politique, transformer l’implicite en explicite pour que tous les élèves se sentent capables d’avancer, de progresser et de réussir » (p. 49).

« La confiance, cela s’apprend », nous dit-elle. La relation est souvent construite sur une défiance mutuelle : l’enseignant nouveau pense plus à son autorité qu’au cours qu’il va dispenser. Pourtant, « être ensemble, c’est aussi offrir un cadre de travail serein à ses élèves » (p. 50). « Faire confiance aux élèves, c’est aussi se délester d’enjeux de pouvoir et de contrôle qui briment plutôt qu’ils n’encouragent » (p. 53).
Dans cette première partie elle tente de changer la vision la plus répandue de l’enseignant sur l’élève décrocheur considéré avant tout comme un mauvais élève. Elle nous donne des arguments pour nous convaincre d’appliquer « sa méthode », passer de la défiance à la confiance.

« 
La confiance, cela s’apprend
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La deuxième partie s’ouvre sur un aspect fondamental dans la relation à l’élève (p. 61) : l’école est un univers régi par des règles nécessaires et le paradoxe est de faire entrer dans la norme l’élève sans qu’il perde son identité. Celui qui sort de la norme est puni, l’échec plane sur lui. Elle fait référence à Michel Foucault et son célèbre Surveiller et punir : la punition, machine de contrôle, est utilisée pour dresser ceux qui s’éloignent de la norme. Pour lui, la norme est une construction humaine, un « moyen de produire des sujets contrôlables ». Elle devient un fait de socialisation et de sélection : suivre la norme c’est accepter de s’intégrer à un groupe. Elle revient aussi sur l’incapacité de certains enfants à suivre la norme : cela nuit à leur scolarité, on les considère comme problématiques ou anormaux. Le cadre permet surtout le maintien d’un climat scolaire favorable aux apprentissages alors qu’apprendre c’est « bouger les lignes de l’individu ».
Florence Lhomme évoque à ce stade le caractère arbitraire de la notation alors que c’est une souffrance pour l’élève. L’abandon de la notation semble difficile dans le système actuel, elle reste une menace pour que le travail soit effectué. Mais noter c’est aussi trier et mettre en concurrence. L’évaluation formative devrait prévaloir : faire et refaire jusqu’à ce que ce soit juste, mais ce n’est pas privilégié. Elle pense aussi qu’en France, les enseignants n’autorisent pas assez l’autoévaluation car ils ont tendance à ne pas faire confiance à l’enfant. Elle évoque aussi le Bac, qualifié de « loto géant » (p. 86) où la note ouvre ou ferme la porte et mène à une orientation, reflet des classes sociales. Les élites s’arrangent pour que leurs enfants empruntent les voies d’excellence (latin, allemand, classes euro…). En collège, les enfants sont souvent découragés par rapport à leur ambition reprenant ici le crédo du mirage de la réforme Haby sur le collège unique et cette injonction paradoxale : on se plaint qu’ils n’aient pas de projets mais lorsqu’ils en ont, on leur dicte des contraintes qui empêchent leur réalisation. Mieux ils réussissent plus c’est difficile car c’est la réussite qui devient leur projet premier.
La notion d’autonomie, mission revendiquée par l’éducation nationale, est aussi évoquée. Le système infantilise par la soumission et la punition (il en est de même pour les enseignants avec les inspections) alors que rendre autonome c’est accepter que l’élève se trompe et qu’il prenne sa propre voie pour réussir. Fondée sur la confiance, elle suppose aussi qu’il travaille sans l’enseignant mais pose des inégalités : ceux qui sont accompagnés chez eux et les autres. Pourtant c’est aussi permettre aux élèves de prendre en charge leur apprentissage et les aider à vivre au mieux dans une société normée. Le premier obstacle à l’autonomie est l’enseignant : le professeur est un ancien élève marqué la plupart du temps par la peur de l’échec, voire la timidité, le manque de confiance, pour qui donner de la liberté en classe fait peur.
Cette deuxième partie revient sur les rouages bien connus et souvent mis en cause dans les apprentissages, rien de bien nouveau finalement mais explicité de manière argumentée.

« 
L’architecture scolaire joue un rôle primordial et symbolique sur la manière dont élèves et enseignants envisagent leur place à l’école
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La troisième partie s’ouvre sur les espaces de la relation pédagogique trop souvent circonscrits à la classe. Le lien pédagogique s’entretient par la place de chacun dans l’espace et les frontières professeurs/élèves mises en place (la salle des professeurs). « L’architecture scolaire joue un rôle primordial et symbolique sur la manière dont élèves et enseignants envisagent leur place à l’école » (p. 106). Les professeurs ne sont pas toujours sous les yeux des élèves en revanche les élèves sont partout sous les yeux des adultes. Elle fait à nouveau référence à Michel Foucault pour qui l’architecture scolaire est pensée pour la surveillance ce qui donne à l’élève le sentiment d’être dans un milieu carcéral, un terme fort mais significatif.
Elle se penche ensuite sur ce qui se fait à l’étranger : Marie Musset et ses références à Alfred Roth, architecte suisse spécialiste des constructions scolaires, qui mise sur la flexibilité ; l’école de Réggio Emilia, en Italie, fondée par Louis Malaguzzi avec ses valeurs d’écoute, de dialogue et de participation : des classes scindées en 2 zones l’une pour le cours, l’autre pour les ateliers ; l’école finlandaise où depuis 20 ans l’architecture scolaire est pensée en fonction des méthodes pédagogiques : bâtiments transparents, modulables, flexibles pour s’adapter aux activités ; l’école au Portugal avec le modèle de l’espace paysager : pas de salles distinctes, école décloisonnée, espaces flexibles, cloisons amovibles mais un modèle loin d’avoir fait l’unanimité. Ces références sont abordées brièvement alors qu’elles semblent fondamentales dans l’évolution de l’architecture scolaire. Cependant, il n’est absolument pas question des espaces documentaires d’un établissement scolaire, c’est bien dommage.
Elle aborde ensuite la collaboration pédagogique, une situation souvent vécue comme une intrusion pour l’enseignant, souvent déstabilisante. Pourtant l’interdisciplinarité est une posture propice au développement de la coopération entre enseignants. Pour l’élève, c’est redonner du sens aux apprentissages, « ramener de la vie à l’école » (p. 121). À ce stade, elle tente de définir très subtilement les notions d’interdisciplinarité, de pluridisciplinarité et de transdisciplinarité (p. 109), notions qui intéressent tout particulièrement le professeur documentaliste, mais si nous pensions qu’il serait enfin évoqué, nous sommes vite déçus.
La pédagogie par projet est un cadre idéal au développement de la relation pédagogique marquée par le plaisir. La notion de projet est mal perçue parce qu’elle fait intervenir cette marque de plaisir, notion inconcevable à l’école, sur laquelle elle revient encore. Ce qu’il faut, c’est savoir y intégrer son programme et en faire une manière de le traiter. L’élève doit y voir cette volonté d’intégration au programme scolaire par la valorisation dans le bulletin par exemple. La finalité du projet n’est pas seulement sa restitution mais surtout le regard critique rétrospectif, une manière de construire sa professionnalité.
Elle aborde aussi l’ouverture culturelle prônée par l’institution et la possibilité de s’appuyer sur des intervenants extérieurs. Il faut attendre la page 145 pour voir une timide évocation de la fonction d’enseignant documentaliste, dans une expérience relatée mais qui n’a pas très bien fonctionné. D’ailleurs, il apparaît encore sous la dénomination de « documentaliste ». Cette troisième partie reprend des notions qui se prêtent fortement aux missions du professeur documentaliste (autonomie, pédagogie par projet, interdisciplinarité, collaboration…), c’est dommage d’observer ici une méconnaissance de cette profession.

« 
ramener de la vie à l’école
»

La quatrième et dernière partie (p. 159) est très courte. Elle revient sur une expérience vécue : travailler sa relation pédagogique à travers des analyses de pratiques, construire sa professionnalité avec un travail réflexif, intellectuel avec la mise à distance et décomposition d’une situation, qui se fait avec des psychologues. C’est une expérience qui n’est pas développée dans l’éducation nationale mais qui pourtant semble être bénéfique selon ses dires.

La conclusion de l’ouvrage est très rapide et propose d’accepter l’école comme « un véritable plaisir intellectuel partagé par les enseignants et les élèves » (p. 175). Elle met un terme à son exposé en avançant que changer l’éducation est un enjeu sociétal primordial. Elle finit par un tableau récapitulatif de ses idées selon le découpage du livre (p. 176 à 179).

Si les premiers chapitres éclairent le métier d’enseignant et ses impasses actuelles par de longues explications détaillées et les chemins favorables à emprunter, les deux dernières parties donnent lieu à des développements parfois trop superficiels. Les espaces scolaires se réduisent à la salle de classe, les projets restent cloisonnés à la classe, la réussite est le seul fait de l’enseignant de discipline. Florence Lhomme tient des propos assez tranchés, pas toujours nuancés, auxquels on peut ne pas toujours adhérer. Le lecteur professeur documentaliste qui s’intéresse à ce sujet pourra facilement s’assimiler à ses dires, mais restera certainement déçu par le fait qu’elle n’exploite pas le potentiel de notre profession dans ce domaine.

 

 

 

Veille numérique 2021 N°1

Education

Le Robert gratuit

Depuis le confinement de mars 2020, ce dictionnaire gratuit en ligne, propose des définitions, des synonymes, la conjugaison de 6500 verbes ainsi que les principales règles de grammaire. Il est animé de billets instructifs et ludiques sur le thème de la langue française (Le mot du jour, Le Top 10 des mots les plus étonnants, des vidéos et jeux éducatifs). Un site à publier sur le portail du CDI ou sur l’ENT de l’établissement scolaire.
https://dictionnaire.lerobert.com/

Kit pédagogique du citoyen numérique

La CNIL, le CSA, le Défenseur des droits et la Hadopi ont lancé en janvier 2021 le Kit pédagogique du citoyen numérique. Avec cet outil accessible en ligne, la CNIL vise à éduquer les citoyens quant à l’usage d’internet. Ce kit s’adresse aux formateurs, aux adultes, aux parents et aux adolescents. Quatre grands thèmes sont abordés : les droits sur Internet ; la protection de la vie privée en ligne ; le respect de la création ; l’utilisation raisonnée et citoyenne des écrans. Des questions concrètes sont traitées : comment agir en cas de cyberharcèlement ou lorsqu’une vidéo est publiée sans le consentement d’autrui ; la rémunération des créateurs ; le rôle des médias dans l’égalité entre les hommes et les femmes.
https://www.educnum.fr/fr/kit-pedagogique-du-citoyen-numerique-retrouvez-toutes-les-ressources

Pass culture

Après deux années d’expérimentation dans 14 départements, le dispositif favorisant l’accès à la culture pour les jeunes de 18 ans va être généralisé à toute la France, courant 2021.
Les jeunes disposeront d’un budget de 300 € à dépenser en livres, musiques, vidéos, spectacles et pratiques artistiques, entre autres. Une application, géolocalisant les partenaires et lieux culturels participant à l’opération les accompagnera dans leurs choix.
https://pass.culture.fr/le-dispositif/

MOOC CHATONS #1

Ce parcours de formation en ligne, libre et gratuit, a pour objectif de développer un regard critique sur les technologies numériques. Un premier module Internet, Pourquoi et comment reprendre le contrôle ? est organisé en 3 séquences pédagogiques : « Internet : pourquoi et comment ? » ; « Les GAFAM c’est quoi ? Et en quoi c’est un problème ? » ; « C’est quoi les solutions ? ». À l’issue de la formation, les apprenants peuvent participer au Collectif des Hébergeurs Alternatifs, Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires (CHATONS).
https://mooc.chatons.org/

Lecture numérique

Écriture inclusive numérique

L’écriture inclusive utilise le point médian (·) pour le pluriel, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin, mais inclut les deux sexes dans l’écriture du mot. À propos de l’écriture en ligne, la difficulté réside dans le fait que les claviers français n’intègrent pas le point médian. Certains internautes utilisent des puces (•), parfois des slashs (/) ou tout simplement le point final (.). Pour faciliter l’écriture inclusive numérique, l’extension “Écriture·Inclusive·Facile — e·i·f” transforme automatiquement les points finaux à l’intérieur d’un mot en points médians. Cette extension est disponible sur Mozilla et Chrome.

Livres audio lus par Google

Grâce aux avancées dans le domaine des voix de synthèse, le programme Google Play Public Domain offre une expérience particulière : écouter des livres numériques lus par des narrateurs virtuels. Les titres qui font partie des œuvres du domaine public sont accessibles dans Google Play Store. Ces livres audio à narration automatisée sont disponibles uniquement en anglais, pour le moment.
The Legend of Sleepy Hollow de Irving Washington :
https://play.google.com/store/audiobooks/details/Washington_Irving_The_Legend_of_Sleepy_Hollow?id=AQAAAEDszTONzM

Réseaux sociaux

Loi sur le travail des enfants «youtubeurs»

La loi encadrant le travail des enfants influenceurs a été définitivement votée par l’Assemblée nationale en octobre 2020. Les parents doivent dorénavant respecter des règles par rapport à la rémunération, aux horaires, au droit à l’oubli, entre autres. Le statut est similaire aux enfants artistes. Les parents ont désormais l’obligation de demander à l’autorité compétente une autorisation pour faire travailler leurs enfants.

Shorts et Reels VS Tiktok

Face au succès phénoménal de l’application chinoise TikTok (Bytedance), réseau social de courte vidéo sur mobile pour les jeunes artistes en herbe, Youtube (Google) et Instagram (Facebook) ripostent avec des sous-applications telles que Shorts et Reels. Les deux géants américains ont profité des ennuis du géant chinois (interdiction en Inde et démêlés judiciaires aux USA) pour lancer leurs applications.

Discord pour tous

Cette plateforme, conçue à l’origine pour les gamers, a attiré en 2020 de très nombreuses autres communautés, dont les clubs dans les établissements scolaires. Cette application de forums, enrichie par de multiples outils parmi lesquels la messagerie instantanée, l’appel vocal et vidéo, a l’énorme avantage de pouvoir être utilisée sur PC, tablette et mobile, sans avoir à fournir son numéro de téléphone.

Droit et données personnelles

Accord entre Google et la presse

Google et l’Alliance de la presse d’information générale française (presse quotidienne et hebdomadaire) ont signé un accord en janvier 2021 mettant en place la rémunération des éditeurs au titre du droit voisin par le géant du Web. Néanmoins, l’accord avec les agences de presse (AFP, CAPA) est toujours en cours de négociation. Chaque éditeur de presse signera individuellement avec Google et la rémunération se fera en fonction de l’audience et du nombre de publications. L’APIG espère se servir de cet accord comme levier pour aboutir à une signature avec les autres plateformes des GAFAM.

Firefox 85 s’attaque aux supercookies

La fondation Mozilla a déployé la nouvelle version de Firefox en 2021. Firefox 85 protège des supercookies, améliore la gestion des marque-pages (favoris) et facilite la suppression des identifiants et des mots de passe sauvegardés. Les supercookies sont des traqueurs qui se dissimulent dans le navigateur et qui restent actifs même après la suppression de l’intégralité des données de navigation.

La CNIL inflige des amendes à Amazon et Facebook

La Commission nationale de l’informatique et des libertés a sanctionné lourdement Google et Amazon pour non-respect de la législation sur les traceurs publicitaires (cookies). La CNIL précise que les bandeaux d’informations sur le site ne sont pas assez clairs sur le rôle des cookies et la façon de les supprimer. De plus, la nouvelle législation prévoit, à propos des cookies, l’affichage obligatoire d’un bouton “Tout refuser”. Les deux sociétés contestent la décision en arguant qu’elles ont fait beaucoup d’efforts non pris en compte par la CNIL !

Signal : la messagerie à succès

L’application de messagerie sécurisée Signal fonctionne comme toutes les autres messageries populaires : échanges par écrit, audio, vidéo, transferts de documents. Néanmoins, elle a deux points forts : elle n’est liée à aucun géant du net et est très sécurisée. Le fait que WhatsApp ait annoncé un changement dans ses conditions d’utilisation (partage d’informations avec Facebook) a dopé les ouvertures de compte chez Signal.
https://signal.org/fr/

La CNIL interdit l’utilisation de drones par la police

La Commission nationale de l’informatique et des libertés sanctionne le ministère de l’Intérieur pour l’utilisation de drones équipés de caméras. En effet, les forces de police et de gendarmerie se sont servies de drones pour veiller au respect des mesures de confinement pendant la pandémie due au covid-19. La CNIL enjoint l’ensemble des forces de l’ordre à ne plus utiliser de drones en dehors de tout cadre légal.

Economie

Affaire Gamestop

GameStop (Micromania) est une entreprise de distribution de jeux vidéo née dans les années 1990. Des fonds d’investissements ont capitalisé récemment sur la chute des cours de GameStop. Pas de chance, sur le forum de discussion r/wallstreetbets du site communautaire Reddit, les internautes se sont passés le mot pour acheter des actions GameStop et faire grimper le cours de l’action. Du coup, les fonds d’investissement ont subi de lourdes pertes.

Le bitcoin s’envole

Le cours de la cryptomonnaie ne cesse d’atteindre des sommets depuis quelques mois. La valeur du bitcoin est passée d’environ 8300 € le 1er octobre 2020 à 39800 € le 9 février 2021. Cela vient du fait que le cours du bitcoin repose sur l’offre et la demande alors que les monnaies “traditionnelles” évoluent en fonction de nombreux critères économiques.

Ecologie

GreenR pour des green walk

Un lycéen de Villefranche-sur-Saône a créé l’application mobile GreenR qui permet de signaler et géolocaliser des détritus afin de les ramasser. L’application non lucrative, développée de manière bénévole, propose trois options : “je déclare”, “je nettoie”, “j’organise”. La troisième a pour but d’organiser des marches de ramassage (green walk). Des mairies s’intéressent de plus en plus à ce projet pour lutter contre le dépôt sauvage de déchets.

BIC écolo et digital

Le fabricant de stylos jetables a racheté la firme américaine Rocketbook qui produit des carnets réutilisables en utilisant des stylos effaçables. Ces cahiers intelligents sont connectés au cloud via une application permettant le téléchargement des écrits.
Bic a bien compris que le stylo plastique jetable n’est plus l’avenir à l’ère du numérique et de la prise de conscience écologique.

Technologie

PC portable à deux écrans d’Asus

Asus dévoile deux sortes d’ordinateurs portables haut de gamme à double écran.
Le “screenpad” : un petit écran qui peut s’afficher à la place du pavé tactile ; les fonctionnalités proposées sont : des raccourcis clavier et d’applications, une calculatrice, un pavé numérique, un lecteur musical, entre autres.
L’ écran “duo” : il prend la moitié haute de la place de la partie clavier (voir illustration) ; cette dalle tactile permet d’écrire ou de dessiner avec un stylet. Ce deuxième écran est aussi fort pratique pour les logiciels très chargés en boutons, palettes, etc., type PAO ou table de mixage.
Pratique en déplacement !

ASUS ZENBOOK PRO DUO

No future…

La vie Post-covid

La nouvelle ère sociale sera-t-elle “sans contact”. À en croire le CES de Las Vegas 2021, 100% virtuel cette année (grand raout des nouvelles technologies), de plus en plus d’entreprises technologiques mettent en avant le masque anti-covid, autonettoyant, connecté, intelligent, ludique, etc. Enfin, pour éviter tout contact avec des objets : combinaison avec toutes les caractéristiques du masque citées précédemment, clavier holographique, panneau de commande virtuel, matériel piloté par la voix…

 

 

Japan tour

Musées et Expositions

Musée des arts asiatiques Guimet (Paris)
Toute l’histoire artistique du Japon depuis l’époque des chasseurs-cueilleurs.
Voir aussi le Panthéon bouddhique, son petit jardin japonais et son pavillon de thé.
https://www.guimet.fr/collections/japon/

Musée Cernuschi – le musée des arts de l’Asie (Paris)
Plus de 3600 objets d’arts graphiques et d’objets d’arts décoratifs réunis, pour l’essentiel, au cours d’un voyage en Asie d’Henri Cernuschi.
Parcours thématiques et expositions virtuelles
https://www.museosphere.paris.fr/musee/musee-cernuschi
https://www.cernuschi.paris.fr/fr/collections

Musée départemental et jardin Albert Kahn (Boulogne-Billancourt)
Galerie présentant une partie des collections des « Archives de la Planète » constituées par Albert Kahn et des jardins. Activités en ligne de la 5e à la terminale, kit pédagogique de découverte en autonomie de la collection.
https://albert-kahn.hauts-de-seine.fr/

Musée des Confluences (Lyon)
À voir, une réplique taille réelle de la salle d’audience du XVIe siècle du temple de Nishi Hongwanji à Kyoto, réalisée pour l’exposition universelle de Londres en 1910.
https://www.museedesconfluences.fr/fr/lasie

Musée Georges Labit (Toulouse)
Collections françaises d’art oriental dont le Japon.
https://www.museegeorgeslabit.fr/

Maison de la Culture du Japon (Paris)
Expositions, spectacles vivants, cinéma, conférences, bibliothèque ; promotion de la langue japonaise et de la culture culinaire.
https://www.mcjp.fr/

Musée du Quai Branly (Paris)
Collection japonaise.
http://www.quaibranly.fr/fr/

Expositions virtuelles

BNF France-Japon, une rencontre 1850-1914
Estampes japonaises, images du monde flottant et premières photographies (les débuts de la photographie au Japon) – dossiers thématiques sur Gallica
http://expositions.bnf.fr/france-japon/

 

Galerie Polka
Exposition collective virtuelle de travaux japonais de Jacob Aue Sobol, Richard Dumas, Elliott Erwitt, Bruce Gilden, Miho Kajioka, William Klein, Daido Moriyama, Kosuke Okahara et Marc Riboud.
http://www.polkagalerie.com/fr/exposition-virtuelle-japon.htm

Visites virtuelles des musées japonais

Musée d’art Adachi
Vaste collection d’art moderne du Japon.
https://artsandculture.google.com/partner/adachi-museum-of-art

Fukuoka Asian Art Museum
Art moderne et contemporain asiatique
https://artsandculture.google.com/partner/fukuoka-asian-art-museum

Kyoto National Museum
Plus de 8000 œuvres d’art, axées sur l’art ancien japonais.
https://artsandculture.google.com/partner/kyoto-national-museum

National Museum of Modern Art, Tokyo
Œuvres allant de l’ère Meji au présent.
https://artsandculture.google.com/partner/the-national-museum-of-modern-art-tokyo

Tokyo National Museum
Large collection d’œuvres d’art du Japon : il possède plus de 100 000 pièces, dont 89 trésors nationaux japonais. Œuvres d’art ancien et médiéval japonais, et objets de la civilisation gréco-bouddhique.
https://artsandculture.google.com/partner/tokyo-national-museum

Osamu Tezuka Museum
Dédié au « père du manga ».
https://artsandculture.google.com/exhibit/tezuka-osamu-manga-museum/ARLlaUsh

Is japan cool
ANA, la plus grande compagnie aérienne japonaise a choisi de mettre en vedette le tourisme artistique au Japon, en réalisant le « Musée IJC », une galerie virtuelle d’art avec des artistes japonais renommés (Yayoi Kusama, Tenmyouya Hisashi, Taku Obata, Kohei Nawa…).
https://www.ana-cooljapan.com/contents/art/

Musée du Studio Ghibli
Depuis le début du confinement, le Studio Ghibli invite à visiter virtuellement son musée à Tokyo à travers des vidéos sur sa chaîne YouTube. Avis aux amateurs de l’univers de Miyazaki.
https://www.youtube.com/channel/UCd1b2TUlpmDLU7YpPu889Lg

JARDINS

Jardin japonais du parc Compans-Cafarelli
https://www.toulouse-tourisme.com/jardin-japonais/toulouse/pcumid031fs0007f

La bambouseraie en Cévennes (Générargues, Gard)
Réserve de biosphère par l’Unesco.
https://www.bambouseraie.fr/un-parc-d-exception/

Le parc oriental de Maulévrier (Maulévrier, Maine-et-Loire)
https://www.parc-oriental.com/

FESTIVALS, ÉVÉNEMENTS

JO de Tokyo 23 juillet-8 août 2021

Japan Expo 2021 – 21ème édition
Villepinte 15 juillet 2021-18 juillet 2021

Japan Party 2021 – Salon Fantastique
Paris 12ème-28 août 202-29 août 2021
9e édition

Programmes et repères pédagogiques

Collège

Histoire des arts, Cycle 3
Compétence travaillée : « L’histoire des arts intègre autant que possible l’ensemble des expressions artistiques du passé et du présent, savantes et populaires, occidentales et extra-occidentales. »
BO n° 31 du 30 juillet 2020

Arts plastiques, Cycle 3
Décrire et interroger à l’aide d’un vocabulaire spécifique des œuvres d’art étudiées en classe.
Identifier quelques caractéristiques qui inscrivent une œuvre d’art dans une aire géographique ou culturelle et dans un temps historique, contemporain, proche ou lointain. (SCCC 1, 3, 5)
BO n° 31 du 30 juillet 2020

Géographie, Cycle 3
Thème 1 « habiter une métropole » – Les métropoles et leurs habitants. « Pour le premier sous-thème on se fonde sur une étude de deux cas de métropoles choisies pour l’une dans un pays développé, pour l’autre dans un pays émergent ou en développement. »
Thème 3 Habiter les littoraux.
Thème 4 Le monde habité. La répartition de la population mondiale et ses dynamiques.
BO n° 31 du 30 juillet 2020

Français, Cycle 4, Cinquième
Thème : Se chercher, se construire : Le voyage et l’aventure : pourquoi aller vers l’inconnu ? − découvrir diverses formes de récits d’aventures, fictifs ou non, et des textes célébrant les voyages ;
BO n° 30 du 26 juillet 2018. Arrêté du 17 juillet 2018. Annexe 3 modifiant les programmes d’enseignement du cycle 4.

Arts plastiques, Cycle 4
– Reconnaître et connaître des œuvres de domaines et d’époques variés appartenant au patrimoine national et mondial, en saisir le sens et l’intérêt.
– Identifier des caractéristiques (plastiques, culturelles, sémantiques, symboliques) inscrivant une œuvre dans une aire géographique ou culturelle et dans un temps historique.
BO n° 31 du 30 juillet 2020

Histoire des arts, Cycle 4
→ Connaître une sélection d’œuvres emblématiques du patrimoine mondial, de l’Antiquité à nos jours, comprendre leur genèse, leurs codes, leur réception, et pourquoi elles
continuent à nous parler ;
→ Posséder des repères culturels liés à l’histoire et à la géographie des civilisations, qui permettent une conscience des ruptures, des continuités et des circulations ;
Thématiques
2. Formes et circulations artistiques (IXe-XVe siècle) – La question de l’image entre Orient et Occident : iconoclasme et discours de l’image.
8. Les arts à l’ère de la consommation de masse (de 1945 à nos jours) – Un monde ouvert ? les métissages artistiques à l’époque de la globalisation.
BO n° 31 du 30 juillet 2020

Histoire, Troisième
La Deuxième Guerre mondiale, une guerre d’anéantissement.
BO n° 31 du 30 juillet 2020

Géographie, Quatrième
Thème 1 – L’urbanisation du monde. Deux études de cas de grandes villes, au choix.
BO n° 31 du 30 juillet 2020

Musique, Cycle 4
Construire une culture musicale et artistique
→ Quelques grandes œuvres musicales représentatives du patrimoine occidental et non occidental.
BO n° 31 du 30 juillet 2020

Lycée général et technologique

Géographie, Seconde
Thème 2 : Territoires, populations et développement : quels défis ? Des trajectoires démographiques différenciées : les défis du nombre et du vieillissement.
→ Étude de cas possible : Les enjeux du vieillissement au Japon.
Arrêté du 17-1-2019 publié au BO spécial n° 1 du 22 janvier 2019

Géographie, Première
Thème 1 La métropolisation : un processus mondial différencié
– Mers et océans : au cœur de la mondialisation
→ Étude de cas possible : La mer de Chine méridionale : concurrences territoriales, enjeux économiques et liberté de circulation.
Arrêté du 17-1-2019 publié au BO spécial n° 1 du 22 janvier 2019

Histoire, Première
Thème 1 Fragilités des démocraties, totalitarismes et Seconde Guerre mondiale (1929-1945)
→ 6 et 9 août 1945 : les bombardements nucléaires d’Hiroshima et de Nagasaki.
Arrêté du 17-1-2019 publié au BO spécial n° 1 du 22 janvier 2019

Histoire, Terminale technologique
Thème 1 Totalitarismes et Seconde Guerre mondiale : les protagonistes et principaux théâtres d’opération de la Seconde Guerre mondiale, à l’échelle européenne et mondiale ; les bases d’un nouvel ordre international (création de l’ONU, procès de Nuremberg et de Tokyo).
Arrêté du 19-7-2019 publié au BO spécial n° 8 du 25 juillet 2019

Enseignement optionnel d’histoire des arts, Seconde, Première, Terminale
L’histoire des arts au lycée porte sur les grandes formes d’expression artistique qui constituent le patrimoine et l’actualité artistiques de l’humanité, en France et dans le monde :
→ Connaître une sélection d’œuvres emblématiques du patrimoine mondial, de l’Antiquité à nos jours ; posséder des repères culturels liés à l’histoire et à la géographie des civilisations ; étude de foyers chrono-géographiques ; faire acquérir des repères et des connaissances sur l’ensemble des grandes époques artistiques emblématiques de l’histoire des arts.
→ Période 5 : depuis 1960, Tokyo.
1ère : Arrêtés du 17-1-2019 publiés au BO spécial n° 1 du 22 janvier 2019, Tale : arrêtés du 19-7-2019 publiés au BO spécial n° 8 du 25 juillet 2019

Lycée professionnel

Arts appliqués et cultures artistiques (AACA), CAP et baccalauréat professionnel
– L’artisanat d’art : Ouverture artistique, culturelle et civique. Formation de professionnels capables d’appréhender, dans une perspective historique et géographique, un contexte de création avec un regard ouvert à diverses pratiques artisanales ou artistiques.
– Histoire des arts : rendre les élèves capables : de se situer dans le temps ; de repérer les croisements entre les divers domaines artistiques, les influences et les perméabilités entre les différentes cultures.
Arrêtés du 3-4-2019 publiés au BO spécial n° 5 du 11 avril 2019

Histoire-Géographie, Première pro
Thème 2 : Guerres européennes, guerres mondiales, guerres totales (1914-1945)
Arrêté du 5-2-2020 publié au BO spécial n° 1 du 6 février 2020.

Pistes pédagogiques

Découvrir la richesse culturelle du Japon en proposant une sélection d’ouvrages sur le pays et sa culture, assortie de lectures offertes (contes, albums, poésie) et d’ateliers (calligraphie, origamis, découverte du vocabulaire de base, etc.).

Effectuer une veille documentaire sur le Japon via le portail E-sidoc.

Participer à l’activité « 1000 grues pour la paix », en référence à l’histoire d’une jeune fille Sadako Sasaki, « Hibakusha », littéralement « condamnée de la bombe », du fait du rayonnement radioactif auquel son corps a été exposé durant l’explosion d’Hiroshima. Construire des origamis permet de travailler la concentration, la compréhension, la collaboration, la manipulation fine.
https://les1000grues.wordpress.com/le-mot-de-la-redac/la-legende-des-1000-grues/.

Participer au concours de Kamishibaï plurilingue. Le Kamishibaï est une technique de narration japonaise qu’utilisaient les conteurs de rue pour raconter des histoires aux enfants en glissant des planches illustrées dans un castelet en bois, le butaï. Sur chaque planche, on trouve un épisode de l’histoire, avec au recto une image et au verso un texte. Ce concours permet la création d’un Kamishibaï avec une dimension plurilingue (au moins quatre langues) et une dimension plastique, adaptée au butaï.
https://www.dulala.fr/le-concours-kamishibai-plurilingue-dulala/

Créer un club Manga. Activités : critiques de mangas, apprentissage du japonais, concours, participation à la politique d’acquisition du CDI, utiliser les grandes manifestations (Japan expo, par exemple) pour faire réaliser aux élèves leur propre « Japan expo ».

Étude de Haïkus avec les professeurs de lettres. Aborder la thématique des contes avec l’exposition « Il était une fois… Contes en haïkus » : 20 kakemonos reprenant le livre d’Agnès Domergue et Cécile Hudrisier.

Recherches documentaires iconographiques sur la thématique des monstres autour du bestiaire japonais (les yokaï) : représentation et symbolique (lettres, histoire, arts).

Collaboration avec les professeurs d’arts plastiques : mettre en place une activité autour de « La Manga » d’Hokusai. Par exemple, réaliser un carnet de croquis en partant des différents thèmes présents dans le recueil d’Hokusai : faune, flore, paysage, activités humaines, etc. Ou encore, s’inspirer de « Notes de chevet » de Sei Shônagon. Écrit au 9e siècle par une dame d’honneur d’une princesse du palais de Kyôto, cet ouvrage est considéré comme l’une des œuvres majeures de la littérature japonaise. Il comporte essentiellement des listes et des inventaires qui peuvent donner lieu à la réalisation de dessins.

En partenariat avec les professeurs d’histoire-géographie, travailler sur la thématique démographique (habiter les littoraux, le vieillissement démographique ou encore les mégalopoles) en faisant, par exemple, une activité de recherche sur les cartes en ligne. Outils de cartographie gratuits en ligne : Google Maps, Umap, Mapster et Qwant Maps.

Avec les professeurs d’histoire-géographie, recherches documentaires sur l’histoire du Japon, en utilisant, par exemple, la base de photos en ligne du Musée Albert Khan (2443 photos).

Les concours

Prix Mangawa
Prix de lecteur manga
https://www.prixmangawa.com/

Prix Manga’titude
Prix littéraire autour du manga proposé par plusieurs professeures documentalistes de l’académie de Limoges.
https://blogsenclasse.fr/87-limoges-lycee-pagnol-mangattitude/

Azu Manga
Prix destiné aux collégiens. Sélection des 9 premiers tomes sortis l’année précédente.
http://www.azu-manga.fr/selection-mangalu-2020-2021/

Prix Mang’Amazonie en Guyane
https://doc.dis.ac-guyane.fr/Prix-Mang-Amazonie-2020.html

Prix Minami manga
http://blogpeda.ac-poitiers.fr/minami-manga/

Concours de haïku
Par la Maison de la culture du Japon à Paris.
https://haiku.mcjp.fr/

Concours de dessin manga
https://www.mangadraft.com/contests/mangadraft-x-clip-studio-paint-2020.fr

Arts

Le Metropolitain Museum of Art (MET) met en ligne, en accès libre, plus de 650 livres japonais, illustrés par des artistes tels que Hokusai, Hiroshige et Utamaro.
https://www.metmuseum.org/art/online-features/metcollects/japanese-illustrated-books

Yayoi Kusama
Née en 1929, cette artiste contemporaine avant-gardiste est à la fois peintre, sculptrice et écrivaine.
https://yayoikusamamuseum.jp/

Hoji Ueda
Artiste photographe japonais, né en 1913 et disparu en 2000. Une œuvre à part dans l’histoire de la photo japonaise.
https://www.arte.tv/fr/videos/088747-000-A/photographie-le-regard-malicieux-de-shoji-ueda/?xtor=SEC-702–Chaine-Generique–[]&gclid=Cj0KCQiA5vb-BRCRARIsAJBKc6LTjV-JAt9C_Xp_oNDW6vDj4lX3ijz0Or7mOvcF_pVUUC-hdU4dlCYaAtMCEALw_wcB

Institut National d’Histoire de l’Art
Mise à disposition des 15 volumes de la Hokusai Manga.
https://bibliotheque-numerique.inha.fr/expositions-virtuelles/exhibitions/24-fevrier-2015-hokusai-manga

Takashi Murakami
On doit à Takashi Murakami la création d’un univers inspiré de la culture otaku, peuplé de fleurs multicolores et de monstres.
https://www.kaikaikiki.co.jp/
http://gallery-kaikaikiki.com/

Sitographie

Kids Web Japan (Ministry of Foreign Affairs of Japan, MOFA)
Découvrir les principales tendances mode au Japon chez les jeunes, leurs loisirs, les mangas, le mode de vie, les traditions, les écoles.
https://web-japan.org/kidsweb/index.html

Trust me I’m the prof doc : des mangas au cdi
Padlet de mangas avec mots-clés, genre, nombre de tomes et public.
https://padlet.com/trustmeimtheprofdoc/mangatheque_ideale_cdi?fbclid=IwAR1fiyhF007K6naS5hdIZU3URSLHLur-BS2cjHhWaFxwyaXkxSPkkJFLYBA

Manga News
Base de données la plus complète sur les titres parus en France.
https://www.manga-news.com/

NHK World-Japan
Apprendre le japonais en douceur. Plusieurs niveaux d’apprentissage en anglais
Service international de la chaîne publique japonaise de diffusion NHK.
https://www3.nhk.or.jp/nhkworld/fr/learnjapanese/

Lire des mangas en ligne en japonais légalement
https://www.tokimeki.fr/post/master-post-lire-des-mangas-en-japonais

Photographies sur Fukushima
L’exposition aborde 6 thématiques différentes autour de l’accident nucléaire de Fukushima.
https://www.fukushima-nogozone.com/about

Hibakusha. Dessins des survivants d’Hiroshima et de Nagasaki
L’exposition présente au public plus de 150 reproductions de dessins réalisés par des hibakusha, terme qui désigne au Japon les survivants des bombardements nucléaires d’Hiroshima et de Nagasaki.
https://www.archives-nationales.culture.gouv.fr/visites-virtuelles/hibakusha/index.html

 

Diversifier les représentations du féminin et du masculin

Longtemps les personnages féminins furent absents du devant de la scène dans la littérature. C’est moins le cas aujourd’hui. Nos expériences – personnelles et professionnelles – montrent que les personnages de fiction féminins et masculins sont empreints de stéréotypes forts : beaux, héroïques, courageux… Si on retrouve désormais des personnages féminins avec ces caractéristiques, quelle possibilité d’horizon dans la construction de soi et de son identité de genre ? Dans nos fonds documentaires, quelles représentations du féminin et du masculin proposons-nous à nos élèves ? Doivent-ils, pour être fille ou garçon, être forcément courageux.se ? Beau ou belle ?
Nous prenons ici le parti de présenter des titres avec des protagonistes dont les profils sont variés, montrant de multiples manières d’être fille, garçon, femme ou homme. Ceci pour ouvrir à nos élèves un horizon vaste, afin de leur permettre de construire leur identité de genre en toute liberté, sans fermer aucune porte. Nous nous concentrerons sur la fiction et plus spécifiquement sur le genre romanesque. Bien entendu, il ne s’agira ici que d’une sélection non exhaustive, de nombreuses autres œuvres auraient pu être proposées.

Des personnages principaux qui sortent des sentiers battus

Dans la fiction, on retrouve beaucoup de personnages stéréotypés, féminins ou masculins. Des filles sensibles et des garçons virils. Des filles qui aiment les arts et des garçons qui aiment les sciences. Tous beaux. Mais la littérature jeunesse compte aujourd’hui des histoires et des personnages qui sortent de ces sentiers battus.
C’est le cas des romans mettant en avant des femmes scientifiques comme L’Effet Matilda d’Ellie Irving où une jeune fille traverse l’Europe avec sa grand-mère pour récupérer le Prix Nobel qui lui est dû. Nous pouvons aussi citer Marie et Bronia de Natacha Henry qui raconte le pacte des sœurs Skłodowska et leur place dans la société scientifique (pour davantage de références sur ce sujet précis, voir le Thèmalire du n° 288). Certains romans s’appuient sur des périodes historiques pour témoigner de la place des filles et des femmes à ces époques et ainsi souligner les avancées sociétales acquises depuis, tout en mettant en avant des héroïnes fortes et déterminées à faire évoluer leur condition comme dans Le Livre de Catherine de Karen Cushman. Dans son journal, Catherine nous dépeint sa vie de jeune fille au Moyen Âge et tous les questionnements qui y sont liés : mariage arrangé, éducation… La jeune Catherine, par sa rébellion, est un personnage qui s’affranchit des attentes de son époque. Marie Desplechin propose une réflexion sur des thématiques similaires dans sa trilogie Les Filles du siècle. Lucie, dans Satin grenadine, premier volume de la trilogie, rêve de modernité : « Je te dis, moi, qu’au XXe siècle les demoiselles auront le droit de courir toutes nues si c’est leur bon plaisir. Elles ne porteront pas d’horribles jupons trop lourds, même le dimanche. Et elles iront à la messe en cheveux. En cheveux courts, car on les coupera un jour, je te le prédis, comme aux garçons ». Ce carcan qui enferme les femmes encore à la fin des années 1800 semble s’être élargi, mais pas totalement ouvert encore aujourd’hui…
Chez les protagonistes masculins, la question des émotions et de la sensibilité est plus taboue. Il est donc important de pouvoir proposer aux élèves des fictions mettant en scène des garçons sensibles, amoureux, dans lesquelles les larmes ne sont pas réservées aux filles. Dans Le Domaine, Jo Witek excelle dans l’art du thriller et offre un personnage complexe loin des stéréotypes du héros sportif, brillant, attirant et populaire. Gabriel est un adolescent solitaire et passionné de nature, plus particulièrement d’ornithologie. Il passe ses vacances d’été dans un domaine où sa mère a été embauchée. Dès l’arrivée d’Eléonore – la petite-fille des châtelains – il tombe amoureux, fasciné par la jeune femme. Son manque de confiance en lui l’amène à observer Eléonore comme il observe les oiseaux, de loin, secrètement, avant d’oser l’approcher. Il se sent inférieur, exclu de son milieu social et de son cercle familial, même quand elle lui montre que ses sentiments sont réciproques. C’est cet immense mal-être qui habite le personnage qui en fait un protagoniste inhabituel. Dans La Balade de Sean Hopper de Martine Pouchain, c’est un petit garçon, Bud, qui se pose en observateur de son voisin, Sean Hopper. On nous laisse croire en premier lieu à un personnage assez caricatural : un homme brutal, peu loquace, travaillant à l’abattoir. Mais après le départ de sa femme, Sean Hopper prend sa voiture qui finira sa course dans un platane. Après avoir frôlé la mort, l’homme change et c’est Bud qui témoigne de ce changement que personne ne semble voir. C’est un roman d’une grande finesse et sensibilité, dont les personnages masculins sont bien loin des représentations stéréotypées que l’on peut rencontrer.
Mais tous les romans jusqu’ici présentés se déroulent en Occident et présentent des protagonistes blancs. C’est pourquoi les textes comme The Hate U Give d’Angie Thomas, Akata Witch de Nnedi Okorafor ou Mandela et Nelson d’Hermann Schultz ont leur importance. Ces trois récits mettent en scène des héros et héroïnes noir.e.s, qui sont loin d’être légion en littérature jeunesse. Dans le roman d’Angie Thomas, le texte permet d’aborder des faits de société comme le racisme ou les violences policières, à l’ère du mouvement #Blacklivesmatters. Dans le récit fantasy de Nnedi Okorafor, l’héroïne est albinos et afro-américaine, l’intrigue se déroule au Nigéria. L’univers magique s’appuie sur les mythes africains et des personnages qui évoluent dans une culture non occidentale. Ces œuvres nous proposent d’autres codes, un autre cadre et offrent un autre horizon de projection. Enfin, Mandela et Nelson se déroule en Tanzanie. Nelson est le capitaine de l’équipe de football et doit tout préparer pour l’arrivée d’une équipe de jeunes Allemands : le terrain, les filets, les joueurs. Parmi eux, sa sœur jumelle, Mandela. Au-delà de la rencontre sportive, c’est la rencontre de deux cultures qui se raconte.
Pour conclure sur ces romans mettant en scène des protagonistes sortant des sentiers battus, nous nous attarderons sur À quoi rêvent les étoiles de Manon Fargetton. Dans ce roman choral se croisent divers personnages : une vieille dame qui fut parmi les premières femmes aviatrices ; un adolescent atteint de phobie scolaire refusant de sortir de sa chambre ; une jeune fille qui partage son temps entre le théâtre et les jeux vidéo ; un père, véritable « papa poule »… Tous ces personnages sont autant de possibilités de projections pour les lecteur.trice.s.

Le rapport au corps et la confiance en soi

Aider les élèves à se construire une identité de genre en toute liberté, c’est aussi questionner l’idée qu’on doit être « parfait » : avoir une plastique parfaite, mais aussi être toujours confiant.e, vaillant.e.
Dans Gloria de Martine Pouchain, la protagoniste éponyme tombe enceinte assez jeune de son professeur de théâtre plus âgé qu’elle. Ce bébé met en péril ses rêves de succès à Hollywood, elle décide de le faire adopter à la naissance. Mais lorsqu’elle apprend quelques années plus tard qu’elle est atteinte d’une forme grave d’endométriose qui l’empêchera d’avoir des enfants de façon naturelle, elle est saisie par un besoin viscéral de retrouver l’enfant qu’elle a mis au monde. Dans ce texte, Martine Pouchain brosse le portrait d’une femme avec ses failles, dont les actions sont parfois répréhensibles (elle va kidnapper l’enfant pour passer du temps avec lui) qui se détache de l’idéal des héroïnes sans tomber dans le type des anti-héros. C’est également le cas de l’héroïne de La Fourmi rouge d’Émilie Chazerand. Autour de Vania Studel, rien n’est vraiment ordinaire : son père est taxidermiste, sa mère est décédée, mais Vania aspire à se fondre dans la masse et a une tendance à s’apitoyer sur son sort. Une lettre anonyme va pousser Vania à sortir des habitudes derrière lesquelles elle se cache. Pour être une fourmi rouge et sortir du lot des fourmis noires, elle doit se révéler telle qu’elle est, assumer sa personnalité, ses différences. Le chemin emprunté par la protagoniste est tortueux, mais sa confiance en elle grandit peu à peu. Dans Les Petites Reines de Clémentine Beauvais, Mireille, Astrid et Hakima ne correspondent pas aux injonctions de minceur de la société actuelle, largement diffusées dans les publicités, les fictions et les médias. En effet, qui imaginerait une Wonder Woman dont le poids surpasserait les centimètres de sa taille… ? Nos trois héroïnes, après avoir été élues « Boudins » par leurs camarades s’embarquent dans une petite épopée : faire le trajet à vélo de Bourg-en-Bresse à Paris et financer leur voyage en vendant… des boudins ! Ironiques et pleines d’humours, les adolescentes révèlent leurs personnalités et leur détermination tout au long du roman. C’est aussi le cas de George, dans le roman éponyme d’Alex Gino. George est néé dans un corps de garçon mais se sent fille. À dix ans, elle sait que le monde ne voit pas ce qu’elle est réellement et espère que monter sur scène et jouer le rôle de Charlotte permettra à sa famille de comprendre. La force de George est que le roman aborde la question de la transidentité sans parler de sexualité et montre que c’est le regard extérieur porté sur son corps qui pose davantage question que celui que George porte sur le sien.
Dans ces quatre romans, il est souvent question du regard d’autrui et de son importance dans la construction de soi et plus spécifiquement de son identité de genre. Quelle femme suis-je si je n’ai pas d’enfant ? Si je suis grosse ? Si je suis imparfaite ? Qui suis-je si je suis une fille dans un corps de garçon ? L’objectif est de montrer que ces personnages sont tout autant de possibilités d’exister, en dehors de la fiction, IRL1.

Multiples sexualités, multiples façons d’aimer

La construction de son identité de genre passe aussi par le questionnement autour de sa sexualité. Si nous proposons souvent des documentaires pour accompagner nos élèves dans ces questionnements, la fiction semble tout aussi pertinente pour construire ses représentations et être confronté.e à des alternatives au modèle dominant hétéronormé.
Dans Moi, Simon, 16 ans, homosapiens, Becky Albertalli ose parler de la sexualité adolescente. Décrire la masturbation et peindre l’amour virtuel. Car Simon est amoureux de Blue, un garçon rencontré sur le Tumblr du lycée. Peut-on tomber amoureux de quelqu’un qu’on n’a jamais vu ? Comment vivre avec le regard des autres sur sa propre sexualité ? Au cœur de l’histoire ne se trouve pas une homosexualité dépeinte comme difficile mais plutôt la question de l’acceptation de soi. Comme dans le magnifique roman de Marie-Aude Murail, 3000 façons de dire je t’aime. Les trois protagonistes sont de jeunes adultes qui se cherchent et se construisent un avenir. Ce qui les relie ? Leur passion du théâtre et leur volonté de devenir comédiens. En s’entraînant ensemble pour passer le concours du Conservatoire, se tisse entre eux un triangle amoureux, non pas autour de Chloé, la fille du trio, mais de Neville, le plus doué d’entre eux pour la comédie.

Des personnages secondaires participant à la vision d’une société aux multiples façons d’être

Une fiction ne se construit pas uniquement sur ses protagonistes principaux. La présence des personnages secondaires permet de mettre en place une vision de la société aux multiples façons d’être. Ainsi, dans Victoria rêve, de Timothée de Fombelle, le père de Victoria est au chômage. Le court roman oscille entre l’imagination débordante de la fillette (qui croit que des lutins font disparaître les livres de sa bibliothèque et que son père a été enlevé par des Indiens) et la réalité où son papa a trouvé un travail dans un restaurant où il doit se déguiser et attend son service en lisant les livres de sa fille. Dans Y’a pas de héros dans ma famille, Jo Witek questionne l’héroïsme familial. Mo est troublé de voir que chez Hippolyte, son copain d’école, de nombreux membres de la famille ont fait « de grandes choses » : prix Nobel, Médecins sans frontières… chez lui, y’a pas de héros ! À l’occasion d’un voyage en famille, Maurice découvrira que l’héroïsme peut se cacher dans des actions plus petites…
Des sexualités plus diverses peuvent aussi être représentées chez des personnages secondaires. Dans L’Âge des possibles de Marie Chartres, on dépeint diverses façons de vivre, puisque Temple vient d’une petite ville des États-Unis et vainc sa peur du changement pour rendre visite à sa sœur à Chicago. Parallèlement Saul et Rachel viennent passer leur rumspringa dans la grande ville. À la fin du roman, on apprend que la sœur de Temple va devenir maman car elle attend un enfant avec une autre femme. Dans un registre différent, le roman humoristique Popy la tornade de Stéphanie Richard, donne à voir une famille recomposée où Poppy a deux belles-mères. Le roman tourne autour du pouvoir de la fillette qui peut obtenir tout ce qu’elle veut grâce à un super-pouvoir de persuasion ! Évidemment, rien ne va se passer comme prévu…
Autant de romans où le contexte, en parallèle des protagonistes, peut donner à voir des modes de vies, des personnalités, des visions différentes du féminin et du masculin et participer à l’ouverture d’esprit et à la construction libre de nos élèves, sans qu’iels se sentent exclu.e.s du modèle de société dépeint dans les ouvrages que nous mettons à leur disposition.

Et les clichés alors ?

Enfin, si notre objectif est de proposer un large panel à nos élèves, il ne s’agit évidemment pas de faire la chasse aux clichés dans toutes les fictions de notre fonds. Dans le roman de Marie-Aude Murail, 3000 façons de dire je t’aime, les personnages peuvent paraître plutôt stéréotypés : la douce et sérieuse Chloé, le drôle et immature Bastien, le torturé et sensible Neville. Pour autant le roman apporte beaucoup à ses lecteur.trice.s. N’oublions pas que la fonction première du stéréotype est de créer une représentation pouvant donner des repères dans la compréhension du monde qui nous entoure. Le tout est, pour nous professeur.e.s documentalistes, de ne pas s’y limiter et de ne pas catégoriser de façon genrée.
C’est le problème de la dite « chick litt », rien que l’intitulé nous questionne : de la littérature pour minettes ? ! On serait peut-être tenté.e.s de retirer les ouvrages de nos rayons et pourtant les romans pouvant être classés dans cette catégorie éditoriale ne sont pas tous à mettre au pilon. Dans le roman de Siobhan Curham Les Filles de Brick Lane, quatre adolescentes très différentes se rencontrent via les réseaux sociaux et décident de créer un club ensemble. Ce roman qu’on pourrait classer dans la « chick litt », présente des jeunes filles qui sortent des sentiers battus : l’une adore les sciences et veut devenir astronaute ; l’autre vit avec ses deux pères et voue une passion à Oscar Wilde ; la troisième est d’une immense timidité et vient d’une famille indienne ; la dernière est plutôt hippie et vit mal que son père reconstruise sa vie après le décès de sa mère. La saga Les Filles au chocolat de Cathy Cassidy avec ses couvertures girly et son intitulé plutôt mièvre pourrait nous rebuter, et pourtant : si dans le premier tome Cherry tombe amoureuse du petit copain de la fille de sa belle-mère, elle n’en reste pas moins une jeune fille originale et intéressante.
En définitive, notre objectif est de leur laisser le choix, pas de leur imposer notre vision du masculin et du féminin, mais de proposer au contraire une variété d’œuvres et de personnages aussi représentative que possible de la richesse de notre humanité. Dans ce contexte, il est essentiel que chacun puisse s’y retrouver et surtout varier les rencontres et les lectures grâce à notre fonds.

 

 

Appel à contributions : Le CDI vert

Alors que le confinement a redonné, de façon inattendue, une courte bouffée d’oxygène à la planète, nous sommes nombreux à nous interroger sur les modes d’action efficaces pour freiner le réchauffement climatique et inverser les effets néfastes de l’impact humain sur la Nature. De COP en Agenda 2030, de marches pour le climat en campagnes de sensibilisation, les initiatives sont foisonnantes et impliquent la jeunesse dans de nouvelles formes d’engagement.

Quelle place donner au professeur documentaliste dans cette recherche de solutions ?

Informer pour comprendre ces thématiques scientifiques et sociétales et par là même enclencher l’action, semble être au cœur des enjeux. Comment mettre en valeur les informations liées aux changements climatiques, à l’écologie, au développement durable au sein du fonds documentaire mais également dans tout l’établissement ? Revisiter les classifications, créer des espaces ou rayons « climat », développer une politique documentaire spécifique, mais aussi inviter des intervenants ou organiser un forum associatif peuvent en être des modalités. En parallèle, comment communiquer efficacement sur ces thématiques et marquer les esprits en utilisant des moyens durables ?

Éduquer au développement durable peut converger avec l’ÉMI pour être le terreau d’un esprit critique de combat qui abatte définitivement les arguments climato-sceptiques, et redonne foi en l’information scientifique, souvent complexe sur de tels sujets. Quels dispositifs pédagogiques mettre en œuvre dans ce contexte pour le professeur documentaliste ? Avez-vous des exemples d’activité menée sur les infox du climat ? Le calcul de l’empreinte carbone de chaque élève ou enseignant, et même celui du CDI, est-il possible ? 
Par ailleurs, si vous travaillez dans un éco-collège ou un éco-lycée, ou sous label E3D, faites-nous part des actions menées à l’échelle de l’établissement et de votre implication. Grainothèques au CDI, jardins intérieurs, ruches, potagers, etc. : nous attendons vos retours d’expérience sur ce type d’initiatives. Partagez également vos conditions de travail, les particularités architecturales et l’agencement de l’espace de votre CDI si vous travaillez dans un établissement à énergie positive ou à haute qualité environnementale.

Agir pour un CDI durable et responsable, qu’est-ce que cela implique concrètement ? Comment se former ? Quels petits gestes adopter au quotidien pour rendre le CDI plus vert ? Quelles initiatives mettre en œuvre pour recycler, redonner vie aux livres pilonnés, usagés ? Gestion de la consommation de papier, mode de couverture des livres, réduction des déchets, comment résoudre ces multiples paradoxes liés à nos consommations de fonctionnement, tout comme celui de l’impact du numérique sur l’environnement, numérique qu’il semble désormais bien difficile d’utiliser avec parcimonie ?

Enfin, plus globalement, quelles formes particulières d’engagement des élèves en matière de développement durable peuvent se fédérer au CDI ? Clubs, associations, réunions, cercles de réflexion, autant de manières d’agir ensemble et de continuer à espérer…

Nous ne doutons pas que vos contributions seront autant de petites graines semées dans les esprits, qui donneront vie à de nouveaux CDI verts.

Date limite d’envoi des propositions de contribution : 30 avril 2021.

Pour une préparation optimale du numéro, n’hésitez pas à contacter la Rédaction au plus tôt : intercdi.articles@gmail.com

Essentiel / Non essentiel ?

Parcourir les réseaux sociaux, ces derniers temps, permet de mesurer la colère des collègues face au mépris institutionnel dont les professeurs documentalistes sont à nouveau, – éternellement devrait-on dire ? – victimes par le refus de leur octroyer la prime informatique versée à tous les professeurs…“à l’exception des professeurs de la discipline de documentation”, sous prétexte qu’ils ne seraient pas devant élèves tout en étant professeurs, quel paradoxe !
Directement liée à la conception très limitée de l’acte pédagogique révélée par ces simples mots, la méconnaissance ministérielle ou l’ignorance volontaire d’une partie de nos missions atteint ici des sommets inégalés depuis la constante interprétation à géométrie variable du décret d’août 2014 sur la récupération des heures d’enseignement. Pourtant, le statut de professeur documentaliste, créé par le CAPES de documentation de 1989, réaffirmé par le référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation de 2013, est clairement entériné par ces textes qui détaillent nos fonctions pédagogiques tout comme notre utilisation quotidienne des outils informatiques, inhérente à notre mission de gestion d’un centre de documentation mais également à notre rôle primordial dans l’éducation aux médias et à l’information, sauf à considérer que les CDI n’ont pas évolué depuis leur création en 1973, dans le mouvement des pédagogies innovantes.
Le refus de la dérisoire prime informatique n’est que la goutte d’eau qui fait déborder le vase mais génère “en même temps” une mobilisation sans précédent des professeurs documentalistes et un intérêt médiatique inespéré pour notre profession.
En attendant, les professeurs documentalistes continuent d’être submergés d’injonctions numériques et pédagogiques contradictoires, sans que jamais un véritable programme de co-enseignement critique d’EMI vienne donner un cadre et des orientations clairs pour la mise en œuvre de cet enseignement.
Hélas, les préjugés concernant les professions liées à la culture ont la vie dure, c’est tellement vrai qu’une nouvelle classification a récemment vu le jour : essentiel / non essentiel. Orwellienne à souhait, elle frappe d’exclusion tout ce qui porte atteinte à sa pensée binaire, soit l’ensemble du monde culturel. En relisant Borgès, qui lui connaissait les limites de tout classement, on ne peut que constater l’arbitraire, l’absurde et l’inanité d’un tel choix.
La revue InterCDI, fondée sur la pratique collaborative des professeurs documentalistes, depuis 1972, tient à rappeler ce qui fait la richesse de notre profession, à savoir la pluralité d’exercice, laquelle se manifeste par la diversité des contributions de chaque collègue. Elle prouve à quel point les professeurs documentalistes s’investissent dans leur métier et participent, au même titre que chaque autre professeur, dans le respect de leur liberté pédagogique et missions propres, au développement de l’esprit critique et à l’enrichissement de l’horizon culturel des élèves.