Les réseaux sociaux

DU POSITIF ET DE L’HUMOUR POUR COMMENCER

L’humain est sociable par définition et il a besoin d’être reconnu par ses pairs. Être exclu du groupe, génère de la honte et de l’anxiété. À cet égard, les sites de réseautage social fonctionnent comme un nouveau système d’appartenance, d’où leur développement. Certains titres prennent en compte ces nouvelles expériences sociales et leurs vertus comme dans La ligue des amis imaginaires d’Agnès Marot ou quand Internet rapproche et crée des amitiés fortes. Ce récit met en scène trois adolescents qui se rencontrent via les réseaux et fondent un groupe. Des adolescents aux parcours et origines bien différents mais qui vivent des situations difficiles : phobie sociale, poids des traditions et maladie. Pas larmoyant mais plutôt optimiste et frais, ce roman est une ode à l’amitié, même si elle est virtuelle. Grâce à sa forme qui mêle différents supports : échanges de mails, extraits Whats’app, Twitter, photos Snapchat et même journal intime, ce récit actuel se lit d’une traite. Il sera apprécié par les plus jeunes (6e et 5e) et montre que la présence sur les réseaux sociaux ne doit pas remplacer celle dans la vraie vie. Sophie Rigal-Goulard dans 15 jours sans réseau, explore avec esprit ces nouveaux besoins et confirme l’addiction qu’ils suscitent. Émilie et sa famille partent en vacances dans la Creuse pour se couper des réseaux. C’est le choix de ses parents mais pas celui d’Émilie et ses frères, accros à Internet. Comment vivre ces vacances sans wifi ? Défi insurmontable ? Pas si sûr car les adolescents vont finir par s’habituer et réinventer leur quotidien. Ce roman choisit l’angle de l’humour pour aborder cette addiction de plus en plus prégnante chez les jeunes (et les moins jeunes) et cela fonctionne bien. Pas simple de se couper du monde et la tentation est grande de retourner sur la toile, qui, par bien des aspects, il faut le reconnaître, nous simplifie la vie. Le ton est juste et l’autrice ne rejette pas en bloc Internet ; elle essaie adroitement de proposer des alternatives, ce qui est plutôt plaisant. Une lecture fluide et facile dès la 6e. Enfin dans Le monde selon Walden de Luc Blanvillain, l’original Walden, collégien, devient malgré lui la superstar des réseaux sociaux. Il utilise cette notoriété soudaine pour servir de bonnes causes : qu’elles soient humanitaires, écologiques… Mais cette surmédiatisation finit par l’ennuyer, d’autant plus qu’il devient aussi une cible économique, ce qu’il ne souhaite pas. Il veut reprendre le contrôle de sa vie. Un récit drôle et intelligent pour parler du pouvoir des réseaux sociaux à mettre entre les mains des élèves de 6e ou 5e. L’écrivain réussit à ne pas stigmatiser, juste à amener à réfléchir par soi-même en mettant en lumière les côtés positifs et négatifs de ces outils numériques. Une belle illustration, comme dans l’ouvrage d’Henry David Thoreau, qu’il faut s’abstraire du monde et de ses désirs pour devenir réellement soi-même.

ET DES ROMANS PLUS ALARMISTES

Chantage, menace et cyberharcèlement

Le harcèlement revêt de nouvelles formes avec l’explosion des réseaux sociaux et la littérature jeunesse a su s’emparer de ce sujet pour mettre en garde les adolescents contre ces pratiques calomnieuses. Les romans sont nombreux et les scénarios souvent graves. Cachés derrière un écran, les jeunes ne mesurent pas toujours leurs propos et les conséquences peuvent être dramatiques : perte de l’estime de soi, repli, dépression, tentative de suicide. En effet, les rumeurs et médisances se propagent comme une traînée de poudre à l’échelle du virtuel. Trois récits méritent le détour et pourront être proposés dès la 4e. Arthur Ténor dans la collection « Engagé » chez Scrineo signe un récit percutant : La guerre des youtubeurs. Amy, 14 ans, est célèbre et riche grâce à sa chaîne Youtube, « Amycoquette », mais ce n’est pas du goût de tout le monde. Si bien qu’elle devient la cible d’un youtubeur masqué qui se déchaîne contre elle. Titouan, un camarade de classe, voudrait l’aider mais comment lutter contre des détracteurs anonymes qui se lâchent gratuitement ? Un roman fort dont l’objectif est de sensibiliser les jeunes au cyberharcèlement et ses répercussions. Il permet une prise de conscience de la notion de responsabilité et des poursuites judiciaires possibles. Poignant et dramatique, cet ouvrage manque toutefois de nuance.
Quand Marion se laisse séduire par Enzo, le caïd du collège, elle, si solitaire et sensible, rayonne. Mais le bonheur est de courte durée, puisqu’elle comprend qu’elle a été victime d’une machination de la part d’Enzo et ses copains. Ces derniers l’ont filmée alors qu’Enzo l’embrassait et ont publié la vidéo suggestive sur YouTube. C’est l’enfer pour Marion qui décide de se venger. Tel est le thème du roman La fille seule dans les vestiaires des garçons d’Hubert Ben Kemoun. Ce dernier évoque la cruauté des adolescents et la surexposition que provoquent les réseaux sociaux. Un fait qui restait isolé auparavant fait dorénavant le buzz sur Internet avec des effets dévastateurs chez celui qui en est victime. C’est un récit incisif où l’on ressent vraiment les émotions de l’héroïne.
Enfin, Ma réputation de Gaël Aymon met en scène Laura, une jeune lycéenne qui préfère la compagnie des garçons. Quand Sofiane, un de ses amis, essaie de l’embrasser, elle se fait exclure du groupe. C’est alors la descente aux enfers : Laura se retrouve seule et devient victime des pires ragots sur les réseaux sociaux. Une situation dont elle n’arrive pas à parler à ses parents ou professeurs. Un roman court et poignant sur le rejet, l’intimidation, le harcèlement et le rôle des nouveaux médias sur Internet.

Images volées et harcèlement sexuel

Deux romans intenses peuvent être proposés aux élèves de 3e et lycéens sur cette thématique délicate ; ils visent à dénoncer et alerter les jeunes contre les agressions sexuelles via le Net. Mauvaise connexion de Jo Witek dans lequel Julie se fait manipuler par un prédateur sexuel. Adolescente passionnée de mode, elle s’inscrit sur un tchat sous le pseudo de « Marilou » et fait la connaissance de Laurent, un photographe âgé de 20 ans. Il lui promet une carrière de mannequinat et l’ensorcelle. Très vite, elle tombe amoureuse de lui et s’enferme dans cette relation virtuelle. Tendre et affectueux au départ, il va ensuite l’obliger à se dévêtir pendant qu’il la photographie via sa webcam. Même si elle se dégoûte, elle ne peut s’empêcher de continuer. L’autrice détaille avec justesse cet engrenage qui amène la jeune fille à être soumise. Une manipulation sournoise qu’utilisent ces cyber-harceleurs pédophiles. Dans Je voudrais que tu… de Franck Andriat, la narration se partage entre les pages du journal intime de Salomé, qui veut devenir écrivain et les échanges de sa bande d’amis sur leur « chat d’or », un réseau social où chaque membre s’engage à écrire en bon français et à ne pas s’insulter. Lorsque deux nouveaux adolescents s’invitent à ces discussions, le ton change ainsi que les propos. Une jeune fille en souffrance livre son expérience de jeu sexuel. Par ce récit, l’auteur dévoile les déviances d’Internet, surtout sur les êtres les plus fragiles, notamment la pornographie ou les images volées. Il exhorte aussi les jeunes à avoir de vraies relations plutôt que des échanges virtuels. Le final est tragique mais il amène les protagonistes à réfléchir. À ne pas mettre entre les mains des plus jeunes même si l’illustration de couverture est naïve et le livre court.

Identité numérique et mensonge

L’adolescent, pour se construire, cherche à se conformer aux normes de son groupe d’appartenance ; il est en quête d’une reconnaissance sociale par ses pairs. C’est pourquoi, il veut donner une bonne image de lui, quitte à travestir la réalité. Ces situations sont exposées dans deux romans où les personnages s’inventent une autre identité : Dans de beaux draps et Fake, fake, fake. Marie Colot évoque, dans le premier, le mensonge et le cyberharcèlement à travers l’histoire de Jade, 14 ans. Cette dernière fait partie d’une famille recomposée un peu compliquée, puisqu’elle n’a pas moins de cinq frères et sœurs issus de mariages différents, et ça ne s’arrête pas là, car elle voit débarquer Rodolphe, le fils le plus âgé de son beau-père dont elle ignorait l’existence. Parce qu’il a 20 ans et beaucoup de charme, l’adolescente poste une photo de lui sur son mur Facebook en faisant croire que c’est son nouveau petit ami. Une gloire soudaine sur les réseaux sociaux l’encourage à persévérer dans ses affabulations. Elle réinvente sa vie pour attirer l’attention, mais, brusquement, cela se retourne contre elle ; la voilà prise à son propre piège. Elle va alors être victime d’ignobles rumeurs et d’injures gratuites. Tout l’intérêt de ce récit est de montrer que la popularité sur Internet peut atteindre des sommets avant de retomber comme un soufflet. Il est très facile d’enjoliver son image sur les réseaux, mais la réalité finit par vous rattraper. Le sujet est sérieux mais l’optimisme et la légèreté dédramatisent ce récit, le rendant accessible dès la 5e. Fake, fake, fake de Zoé Beck est destiné aux collégiens à partir de la 4e et raconte l’histoire d’Edvard, 14 ans. Pour plaire à Constance et parce qu’il est mal dans sa peau, il crée un faux profil sur Facebook. Il devient donc Jason, un bel Américain en voyage scolaire. Sa notoriété augmente et il accumule les mensonges ; comment échapper à cet engrenage ? Même si l’intrigue ne tourne pas qu’autour de l’usurpation d’identité sur Internet, elle permet d’appréhender ce phénomène qui peut, dans certains cas, mal se terminer.

Gérer sa célébrité sur YouTube

YouTube est une machine à créer de nouvelles stars, parfois éphémères et issues de tous milieux. Cette surmédiatisation n’est pas sans conséquence car le youtubeur est tenu d’apparaître sous un beau profil ; il doit constamment communiquer avec sa communauté et obéir aux diktats des marques qui négocient des contrats juteux avec eux. Un statut pas toujours facile à gérer car il s’avère difficile pour ces célébrités de vivre en dehors des écrans et c’est ce qu’ont très bien montré ces deux romans récemment publiés. Dans C’est pas ma faute coécrits par Anne-Fleur Multon et Samantha Bailly, la jeune Lolita est une influenceuse beauté populaire, jusqu’au jour où elle disparaît des réseaux. Prudence, une admiratrice de la première heure, s’interroge sur ce soudain silence. Qu’est-il arrivé à la célèbre youtubeuse ? Un roman qui fait alterner les voix des deux adolescentes de même que le temps (la disparition de la jeune fille étant la date de référence). Ce thriller montre à quel point les deux jeunes filles sont dépendantes des réseaux : l’une est rattrapée par la célébrité qu’elle ne peut plus assumer seule, l’autre est une fan inconditionnelle qui vit au travers des vidéos de la youtubeuse. L’occasion de dénoncer les aspects pervers du système : chantage commercial, dénigrement des internautes, narcissisme… Dans Les enfants sont rois de Delphine de Vigan, ce sont deux enfants qui sont piégés dans la folie YouTube. Mélanie, leur maman, expose sur sa chaîne « Happy Récré » les faits et gestes de ses bambins comme le déballage de cadeaux, les « yes challenge » au cours desquels leur maman dit oui à tout et autres mises en scène. Dans cette course aux followers, elle oublie les vrais besoins de ses enfants qui deviennent des marchandises. Mais un jour, sa fille est enlevée et l’enquête cherche à déterminer qui pourrait lui en vouloir. Un livre glaçant sur la triste réalité des enfant youtubeurs victimes de leurs parents. Intimité familiale exhibée, opportunité lucrative avec le placement de produits, enfants instrumentalisés, Delphine de Vigan explique ce nouveau phénomène médiatique et esquisse les répercussions psychologiques chez ces jeunes stars du Web.

Addiction aux écrans et réseaux sociaux

De plus en plus de chercheurs alertent sur les effets inquiétants des réseaux sociaux sur le cerveau, et sur leurs dangers pour les adolescents. Même Facebook a reconnu que la consommation de contenus, quand elle est passive, peut avoir un impact négatif sur le bien-être. La fréquence des rencontres entre jeunes a diminué ces dernières années au profit des écrans. Parallèlement, le pourcentage d’adolescents dépressifs ou déclarant se sentir seuls a, quant à lui, augmenté. Et si la corrélation entre temps passé sur son smartphone et dépression existe, la causalité reste difficile à prouver : est-ce sa consultation qui affecte la santé mentale ou les personnes déjà fragiles qui passent plus de temps en ligne ? C’est l’éclairage que nous apporte Christine Deroin avec son roman (Dé)connexions. Enzo, Manon et Clément se rencontrent via les réseaux sociaux et décident de se retrouver autour d’un jeu en ligne. Ils ont des profils bien différents mais sont tous les trois dépendants des écrans jusqu’à berner leurs parents, devenir insomniaques, refuser les vraies relations et même fuir avec des inconnus. « Saison Psy » est une collection intelligente et originale où chaque épisode du récit est ponctué par l’analyse d’un psychologue. Grâce au regard de ce professionnel, le jeune prend conscience des origines, des enjeux, des signes et des conséquences d’une addiction aux écrans et réseaux sociaux. Accessible dès la 6e, ce docu-fiction ne dénigre pas Internet mais met en garde contre la boulimie et l’asphyxie. Serge Tisseron, éminent psychiatre et spécialiste des questions autour de l’usage d’Internet, propose aux collégiens un Guide de survie pour accros aux écrans. À partir de quinze situations que rencontrent les parents et ados connectés, il explique pourquoi une surconsommation d’Internet est dangereuse et prodigue des conseils pour apprendre à gérer son temps. Plutôt que de diaboliser les outils numériques, il souhaite montrer les avantages d’un usage raisonné des écrans. Il aborde, à travers de multiples exemples, les questions d’Éducation aux Médias et à l’Information comme le droit à l’image, l’identité numérique, le pistage et les publicités… Un outil indispensable que l’on peut exploiter avec les élèves avec plusieurs chapitres consacrés aux réseaux sociaux.

Anticipation et monde virtuel

La question des réseaux sociaux n’est pas absente des romans d’anticipation ou dystopies qui s’adresseront aux élèves de 3e et lycéens. Les auteurs ont su imaginer des mondes où Internet est détourné de sa finalité de départ. Les outils ne servent plus à communiquer et partager mais peuvent se révéler redoutables et menaçants. Dans Réseaux de Vincent Vulleminot, le DKB (DreamKatcherBook) a supplanté Facebook. Il s’agit d’un réseau avec une partie diurne publique et une partie nocturne privée sur laquelle les utilisateurs partagent leurs cauchemars. Sixtie, une adolescente, y exorcise ses démons mais un jour, elle voit la mort en direct dans des vidéos qui s’inspirent de ce qu’elle a partagé. Ce roman, complexe par sa structure, est un policier haletant qui pose de nombreuses questions, en particulier sur l’usage des réseaux sociaux où la violence circule librement. L’auteur y brosse les problématiques d’un monde hyper connecté, voire effrayant. Interfeel d’Antonin Arger met en scène une société futuriste où les habitants sont connectés à Interfeel, un réseau qui permet de ressentir les émotions des autres. Nathan et ses amis ont toujours vécu avec ce dispositif et sont persuadés de son bien-fondé mais lorsque leur enseignant se défenestre, leurs certitudes basculent. Est-ce un monde idéal ? Cette dystopie enclenche une réflexion sur l’emprise et l’influence des médias sociaux. Ils nous enferment dans nos certitudes et entravent les vraies relations. Elle permet aussi de faire des liens avec ce que les chercheurs décrivent aujourd’hui, à savoir les bulles de filtres générés par les algorithmes qui amènent les internautes à s’enfermer et s’isoler dans leurs croyances. Joëlle Charbonneau, dans Need, a choisi de mettre en scène un réseau social qui accomplirait tous vos désirs en échange de certaines missions. Celui-ci connaît évidemment un succès fou auprès des adolescents de la ville de Nottawa aux États-Unis. Mais au fil du temps, les contreparties demandées par Need s’avèrent de plus en plus périlleuses. Un excellent thriller qui suscite bien des questions : qu’est-on prêt à faire pour voir s’exaucer ses désirs ? Jusqu’où peut-on aller sous couvert d’anonymat ? Quelle frontière entre la réalité et le virtuel ? Un bon moyen de considérer la manipulation qu’exercent les réseaux sociaux sur les jeunes. Titania 3.0 de Pauline Pucciano nous propulse dans le Paris du XXIIe siècle où chacun doit être connecté pour exister. Jan, poète et solitaire, rencontre Titania, une jeune fille entièrement retouchée et icône des réseaux sociaux. Mais leur histoire d’amour naissante se complique lorsqu’un officier de police demande à Jan d’enquêter sur elle. Derrière cette histoire, c’est la critique d’une société ultra-libérale qui est dessinée : un monde régi par l’argent, l’apparence et les réseaux sociaux avec des laissés-pour-compte, les HR (Hors Réseau). Un livre de science-fiction qui fait froid dans le dos car il pointe des dérives déjà actuelles.

 

 

La folie

Expositions, Musées

Musée d’Art et d’Histoire de l’Hôpital Sainte-Anne, Paris.
Présente une collection d’œuvres d’art réalisées par des patients depuis la fin du XIXe et propose des expositions en lien avec la folie.
https://musee.mahhsa.fr/

Musée d’art et d’histoire de la Psychiatrie de Ville-Evrard, Neuilly-sur-Marne.
https://www.tourisme93.com/document.php?
pagendx=84&engine_zoom=PcuIDFC930001283

Musée Henri Theillou, Clermont.
Histoire de la psychiatrie à Clermont dans l’Oise.
https://www.musee-theillou.fr/

Camisole complète et objets de soin © musée Theillou

Musée les Arcades, Avignon.
Histoire de l’hôpital Montfavet et de la psychiatrie, représentations sociales de la folie, propose de nombreuses expositions : Camille Claudel, les soldats oubliés de la Grande Guerre, entre autres.
http://www.ch-montfavet.fr/decouvrir-le-chm/les-lieux-et-leur-histoire/musee-les-arcades/

« Mental Désordre : Changez le regard sur les troubles psychiques », Cité des sciences, Paris, 2016.
Voir extraits de l’exposition en ligne.
https://www.cite-sciences.fr/fr/ressources/expositions-passees/mental-desordre/lexposition/


Exposition « Charcot : une vie avec l’image », La Pitié Salpêtrière, Paris, 2014.
https://www.aphp.fr/contenu/exposition-charcot-une-vie-avec-limage-du-12-mai-au-9-juillet-2014-la-pitie-salpetriere
https://www.aphp.fr/sites/default/files/presse/1249/Charcot-DP-VF.pdf (dossier de presse)

Exposition « La folie en tête, aux racines de l’art brut » 2018, Maison de Victor Hugo à Paris.
https://www.maisonsvictorhugo.paris.fr/fr/expositions/la-folie-en-tete
Vidéo et dossiers de presse disponibles en ligne.
https://www.maisonsvictorhugo.paris.fr/sites/victorhugo/files/cp_dp_visuels/dossiers_de_presse/dp_folie.pdf

Musée de l’Art Brut, Lausanne, Suisse.
Historiquement appelé l’art des fous, l’art brut est réalisé par des artistes « hors-normes » (L’art asilaire, l’art médiumnique, l’art des marginaux et des excentriques).
http://www.artbrut.ch

Exposition « Dés­équi­libre. Névrosés, mélancoliques et psy. », Muséum Dr. Guislain, Gand, Belgique (12 octobre 2019 au 31 décembre 2022).
Ce musée est par ailleurs entièrement consacré à l’histoire de la psychiatrie.
https://www.museumdrguislain.be/fr

Musée d’histoire de la médecine, Paris.
https://u-paris.fr/musee-de-lhistoire-de-
la-medecine/

Pistes pédagogiques

Avec le professeur d’arts plastiques ou HDA, recherches documentaires sur les artistes considérés comme fous et étude de leurs œuvres sous le prisme de la folie.

Avec le professeur de philosophie, questions philosophiques, organiser un débat : les artistes sont-ils forcément fous. Qu’est-ce qu’être fou ? Les représentations du fou (relativité de cette notion), doit-on enfermer les fous ? Liberté et tolérance, évolution de la perception de la folie.

Sciences : recherches documentaires sur les soins, les types de médicaments et effets mais également sur le cerveau et les neurosciences. Réflexion sur l’expérimentation scientifique (cf. Rabelais : « science sans conscience n’est que ruine de l’âme »).

Histoire des sciences et SES : recherches documentaires sur l’évolution du traitement des maladies psychiques et des malades après visionnage de films (Depardon, par exemple) ou lecture de la bd HP.

Recherches iconographiques sur les représentations des fous (photos, dessins etc.), plus particulièrement les folles (cf. Charcot et l’hystérie).

Histoire et histoire des sciences : la naissance de la psychiatrie, l’asile et l’enfermement, les fous de la Grande Guerre : lecture d’ouvrages et visite d’une exposition sur le sujet.

EMC : Droit : La loi et le fou : débat sur l’irresponsabilité pénale, invitation d’intervenants, avocats, chroniqueurs judiciaires, entre autres. Lecture et analyse des chroniques judiciaires des journaux : Le Monde, Charlie Hebdo et / ou réalisation d’une revue de presse sur un procès impliquant cette notion.

Visiter une exposition ou un musée consacré au sujet.

Projet avec le service médical et les psychologues visant à développer la tolérance et l’acceptation des différences chez les élèves.

Dans les programmes

HLP, Terminale
Histoire et violence : les formes de violence sociale
La recherche de soi : Les métamorphoses du moi

Philosophie, Terminale
Notions : L’inconscient

EMC, Sixième à Troisième
Le respect d’autrui : accepter les différences
→ Maladie psychique, inclusion des élèves

Histoire, Première
Thème 4 : La Première Guerre mondiale : Le bilan humain de la guerre
→ Traumatisme psychologique de survivants
https://cache.media.eduscol.education.fr/file/SP1-MEN-22-1-2019/93/9/spe577_annexe2_1062939.pdf

Français, Seconde
Le roman et le récit du XVIIIe siècle au XXIe siècle
→ Une fiction traitant de la folie
https://cache.media.education.gouv.fr/file/SP1-MEN-22-1-2019/92/8/spe575_annexe1_1062928.pdf

Histoire des arts, Première
Mettre en valeur les parentés stylistiques qui rattachent les œuvres et les formes artis­tiques à un artiste, un courant
→ Art brut
https://cache.media.eduscol.education.fr/file/SPE8_MENJ_25_7_2019/15/4/spe263_annexe_
1159154.pdf

STSS, Première
Santé, bien-être et cohésion sociale
Notions : santé individuelle, bien-être – socialisation – normes, valeurs – intégration sociale
https://cache.media.education.gouv.fr/file/SP1-MEN-22-1-2019/55/5/spe642_annexe3_1063555.pdf

Représentations artistiques

Brouillet, André. Une leçon clinique à la Salpêtrière, 1887, Musée d’histoire de la médecine de Paris.

Bosch, Jérôme. La Nef des fous, vers 1500-10, musée du Louvre, Paris (huile sur bois).

Bosch, Jérôme. La Nef des fous, vers 1500-10, musée du Louvre, Paris
Détail © 2015 RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Franck Raux

Dix, Otto. La Folle de Sainte-Marie-à-Py, 1925 (gravure).

Dubuffet, Jean. Dhotel nuancé d’abricot, 1947, Centre Georges Pompidou, Paris.

Egon, Schiele. Autoportrait au coude droit dressé,1914, collection particulière.

Goya, Francisco de. L’Enclos des fou, 1794, Meadows Museum, Dallas.

Soutine, Chaïm. L’idiot, 1920, Musée Calvet, Avignon.

Sitographie

La folie dans la littérature, Bibliothèques de Paris.
https://bibliotheques.paris.fr/la-folie-dans-la-litterature.aspx?_lg=fr-FR
Sélection de livres sur la thématique de la folie

La folie dans l’art, Artsper magazine.
https://blog.artsper.com/fr/la-minute-arty/folie-dans-lart/
Sélection d’œuvres sur la représentation de la folie

Filmographie

Documentaires

Depardon, Raymond.12 jours, Wild Bunch Distribution, 2017. 1 h 26 mn. Trilogie : San Clemente (1982), Urgences (1988).

Muxel, Paul ; Solliers, Bertrand de. Histoires autour de la folie. M de S films, 1993. 1 h 40 mn.

Governatori, Diego. Quelle folie. Les Films Hatari, 2018. 3 h 05 mn.
Sur l’autisme asperger.

Bing, Wang. À la folie. Les Acacias, 2015. 3 h 47 mn. Un hôpital psychiatrique du sud-ouest de la Chine.

Pighetti, Olivier. Folie meurtrière Documentaire. Piments Pourpres/ France Télévisions, 2021. 69 mn. Sur la folie et la justice.

Laclotte, Marine. Folie douce, folie dure. Lardux Films, 2020. 18 mn.
Ce documentaire animé propose une balade dans le quotidien de plusieurs institutions psychiatriques.

Fictions

Brooks, Mel. Frankenstein junior. Michael Gruskoff, 1974. 101 mn. Film sur un savant fou.

Cronenberg, David. A Dangerous Method. RPC, 2011. 93 mn. Histoire de la patiente de Carl Jung.

Forman, Milos. Vol au-dessus d’un nid de coucou. Fantasy Films, United Artists, 1975. 133 mn.

Hitchcock, Alfred. Psychose. Shamley Productions, 1960. 109 mn.

Jonze, Spike. Dans la peau de John Malkovich. Universal Pictures, 1999. 112 mn.

Kubrick, Stanley. Shining. Hawk Films, Peregrine, 1980. 119 mn

Kubrick, Stanley. Docteur Folamour. Columbia Pictures et Hawk Films Ltd,1964. 95 mn. Comédie, militaire fou.

Loach, Ken. Family life. EMI Films, Kestrel Films, 1971. 108 mn.

Laurent, Mélanie. Le bal des folles. Amazon Studios, 2021. 122 mn.

Nuytten, Bruno. Camille Claudel. Lilith films IA, Gaumont, Antenne 2, 1988. 175 mn.

Parker, Alan. Birdy. A&M Films, TriStar,1984. 120 mn.

Soderbergh, Steven. Paranoïa. Fingerprint Releasing, 2018. 98 mn.

Truffaut, François. L’Histoire d’Adèle H.United. Artists, Les Films du carrosse, 1975. 100 mn.

Winocour, Alice. Augustine. ARP Sélection, 2012. 102 mn.

Radio

Le bal des folles de la Salpêtrière (2 épisodes), France Culture, 2020.
Épisode 1 : Le corps exhibé :
https://www.franceculture.fr/emissions/une-histoire-particuliere-un-recit-documentaire-en-deux-parties/le-bal-des-folles-de-la-salpetriere-le-corps-exhibe
Épisode 2 : Jane Avril, la danseuse insoumise :
https://www.franceculture.fr/emissions/une-histoire-particuliere-un-recit-documentaire-en-
deux-parties/jane-avril-la-danseuse-insoumise

Psychiatrie : la folie ordinaire (4 épisodes), Perrine Kervran, France Culture, 2021.
Épisode 1 : La part de folie en nous :
https://www.franceculture.fr/emissions/lsd-la-serie-documentaire/psychiatrie-la-folie-ordinaire-14-la-part-de-folie-en-nous
Épisode 2 : Le destin de la psychiatrie :
https://www.franceculture.fr/emissions/lsd-la-serie-documentaire/psychiatrie-la-folie-ordinaire-24-le-destin-de-la-psychiatrie
Épisode 3 : Infirmiers : les garde-fous de la psychiatrie :
https://www.franceculture.fr/emissions/lsd-la-serie-documentaire/psychiatrie-la-folie-ordinaire-34-infirmiers-les-garde-fous-de-la-psychiatrie
Épisode 4 : En prison sur ordonnance :
https://www.franceculture.fr/emissions/lsd-la-serie-documentaire/psychiatrie-la-folie-ordinaire-44-en-prison-sur-ordonnance

 

 

Algorithmes et manipulations ?

Dans ce numéro, nos collègues entendent, entre autres, démystifier l’éducation aux médias et à l’information, réfuter les évidences dont cet enseignement est souvent affublé, à l’instar des théories sur la pseudo neutralité des algorithmes ou encore sur les digital natives. Chacun insiste sur l’indispensable médiation pédagogique des enseignants pour déjouer les pièges du numérique, expliciter les intentions réelles derrière les programmes informatiques, utiliser de manière adéquate ces outils. Antoine Henry, maître de conférences en SIC, analyse le rôle croissant des algorithmes dans nos vies, tout en soulignant le grand mystère qui règne encore autour de leur conception : contenu tenu secret, prétendue neutralité, notamment. Il nous alerte sur la nécessité d’introduire des séances de formation sur ce sujet auprès des élèves et suggère quelques pistes de travail en ce sens. Adeline Segui Entraygues et ses collègues développent une réflexion sur la notion d’ éducation aux médias et son apprentissage dans l’enseignement primaire, réflexion qui, hélas, permet de constater le manque de formation de nos collègues et la méconnaissance de notre métier par ceux-ci. Lucile Sire rédige une fiche pratique parfaitement intégrable au cours de sciences numériques et technologie : comment réaliser des ­booktubes, booktrailers ainsi qu’un thèmalire autour des réseaux sociaux avec une palette thématique qui va de l’humour à la gestion de sa “célébrité” sur le net, en passant par les inévitables dangers. Le tour d’horizon numérique de Gabriel Giacomotto vous convaincra définitivement de la nécessité de rester informé et averti. Marine Brochard Castex, affectée dans un CDI de collège en milieu rural, ambitionne pour sa part de démontrer comment un accueil étendu et de qualité, associé à une réflexion visant à faciliter et à favoriser l’accès à des ressources variées, peut être un vecteur d’égalité entre les élèves. Enfin, l’ouverture culturelle sur la folie nous rappelle qu’il est essentiel de combattre les préjugés et les idées toutes faites, en somme, garder l’esprit ouvert en toutes circonstances.

Ce numéro est également pour nous l’occasion de vous souhaiter à toutes et à tous une excellente et heureuse année 2022, laquelle sera marquée par la célébration du 50e anniversaire de la revue Intercdi, dans un numéro spécial publié cet automne.

Le CDI, un espace de réduction des inégalités ?

Au printemps 2020, la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid19 a mis en lumière les inégalités d’accès à la culture, à l’informatique et à l’information rencontrées par les jeunes, lesquelles sont liées, entre autres, aux origines sociales des élèves. Cette situation n’est cependant pas nouvelle, comme les rapports de conclusion des enquêtes PISA menées par l’OCDE l’ont régulièrement pointée aux professionnels de l’éducation depuis les années 2000. Ainsi pouvait-on lire en 2015 dans leurs conclusions : « plus on vient d’un milieu défavorisé en France, moins on a de chances de réussir » (OCDE, 2015)1. À la rentrée 2021, le ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports inscrit cette lutte contre les inégalités dans la circulaire de rentrée, la présentant comme un des quatre grands axes de l’année 2021-2022, et désignant l’école comme « un lieu où chacun a sa place, en donnant plus à ceux qui ont moins pour assurer l’égalité des chances […] en parachevant la transformation de l’École inclusive »2. Cependant, à aucun moment, ni le lieu CDI ni l’action de l’enseignant·e documentaliste n’apparaissent dans la circulaire de rentrée parmi les différents moyens matériels et humains à disposition pour contribuer à cette égalité des chances.
Or, l’action de l’enseignant·e documentaliste semble particulièrement importante dans sa dimension sociale : d’abord parce que le lieu CDI est, au sein du service public d’éducation, un espace porteur de valeurs d’égalité, ensuite en raison de l’implication de l’enseignant·e documentaliste en tant que gestionnaire d’un centre de ressources, et enfin du fait de son rôle dans la diffusion de ces valeurs à l’ensemble de la communauté éducative.
En appui à une réflexion sur ces questions, je propose ici quelques suggestions, basées sur mon expérience professionnelle en milieu rural défavorisé, qui visent à réduire les inégalités. Dans quelle mesure et en quoi les missions d’accueil et la mise à disposition des ressources en CDI peuvent-elles contribuer à cet objectif ?

Le CDI, un espace égalitaire ?

Au cœur de l’établissement, service public d’enseignement, le CDI est un centre d’information accessible chaque jour, à des horaires compatibles avec les activités du public scolaire, et pleinement intégré dans un espace fréquenté quotidiennement par les adolescent·es. C’est un lieu qui met ses ressources à disposition sans formulaire d’inscription, et gratuitement. Par rapport aux médiathèques municipales urbaines, ce sont autant de freins levés : pas besoin de consentement parental ni de frais d’adhésion, pas d’amendes liées aux retards, pas de justificatif de domicile, pas de problème de carte oubliée, pas d’horaires incompatibles ou de déplacements à ajouter au quotidien. Par rapport aux bibliothèques rurales, la plus-value est encore plus importante : les déplacements des adolescent·es y sont souvent intercommunaux et soumis au bon vouloir d’adultes disponibles alors que l’amplitude horaire d’ouverture est plus restreinte qu’en ville. Le fonds des bibliothèques rurales, qui s’adresse à un large public, est généraliste ; les personnels sont encore souvent des bénévoles, lesquels n’ont pas toujours reçu de formation particulière à la littérature jeunesse ou aux problématiques de l’information-documentation ; les budgets peuvent être aléatoires et pas forcément consacrés à des acquisitions destinées aux adolescent·es.
Au-delà de l’inégalité d’accès matériel au lieu de culture, le CDI pallie aussi les inégalités sociales. En effet, comme le constate Sébastien Goudeau, maître de conférences en psychologie sociale : « Les élèves des classes moyennes et favorisées arrivent à l’école avec une familiarité plus grande vis-à-vis des attendus et savoirs scolaires que celle des élèves de classes populaires. Par exemple, les premiers fréquentent davantage les bibliothèques, les musées et pratiquent plus d’activités extrascolaires. Ces pratiques favorisent le développement de connaissances et de compétences qui s’avèrent très utiles pour la réussite scolaire » (Goudeau, 2020). La présence du CDI dans les murs de l’établissement gagne ainsi à se penser comme une complémentarité, si ce n’est une compensation de cet accès aux médiathèques que l’on sait plus compliqué, moins aisé, voire inexistant, chez les élèves les plus défavorisé·es ou éloigné·es géographiquement des lieux de culture. C’est une porte de moins à franchir pour les hésitant·es.

Comment adopter une pratique qui favorise l’égalité ?

Le CDI est donc, déjà en lui-même, un formidable terreau d’égalité, et si, par sa seule existence, il incarne des valeurs égalitaires (mixité sociale, accessibilité universelle), il appartient ensuite à l’enseignant·e documentaliste d’orienter en ce sens sa pratique professionnelle et tout d’abord de lutter contre l’image élitiste qui pourrait encore être associée au lieu en l’ouvrant à la multiplicité des publics et des usages qui y trouvent légitimement leur place. Contrairement aux salles de classe ou à la permanence qui apparaît comme un repli obligatoire sur le temps libéré en collège, le CDI est souvent le seul espace de l’établissement où l’élève peut choisir de venir ou non. À nous de faire en sorte que chaque élève connaisse son existence, les activités qu’on peut y mener et les multiples raisons d’y venir.
Cette réflexion se mène au sein de l’établissement, en l’adaptant à la particularité de chaque EPLE, de chaque CDI, pour faire du centre de ressources un espace où les élèves se sentent bien, dont le fonctionnement leur est familier, et un outil dont ils se saisissent. En effet, « il ne suffit pas qu’une offre soit présente à proximité, gratuite et physiquement accessible pour qu’elle soit connue, reconnue et utilisée » (Rabot, 2015), nous devons veiller à ce que chacun·e se sente légitime au CDI.
La question de son ouverture, que ce soit dans son amplitude horaire ou dans ses modalités, semble primordiale. Dans les établissements, le CDI est souvent ouvert en parallèle des heures de permanence, pour des usages différents mais complémentaires : recherche, travail en groupe ou en autonomie, utilisation de l’informatique, lecture, ou simplement attirance pour le lieu… Rendre la venue du public légitime, c’est ne pas hiérarchiser les motifs de présence ; c’est ne pas demander de comptes aux élèves qui fréquentent le lieu à propos de ce qu’ils·elles y font ; et du côté de l’enseignant·e documentaliste, c’est oublier un peu les indicateurs de performance. Il semble, de même, contreproductif de conditionner un usage, souvent considéré comme plus attractif, à un autre qui semblerait plus rébarbatif (du type « tu peux utiliser les ordinateurs à condition d’avoir lu auparavant pendant 15 minutes »).
Face à un public adolescent, souvent versatile et pas forcément capable d’anticipation, il peut être intéressant de lever au maximum les freins à la fréquentation du lieu. Questionnons ses modalités d’accès : les inscriptions préalables, les passages préalables par la vie scolaire avant accès, les venues pour une durée minimum… visent-elles une optimisation de sa fréquentation par les élèves ou une optimisation de l’organisation de l’enseignant·e ? Sans négliger les pratiques de l’établissement, avec ses contraintes matérielles ou structurelles, l’objectif doit rester de favoriser la venue des élèves en privilégiant un fonctionnement qui leur soit adapté. Par exemple, sur la question du temps, même si le collège impose un temps-cadre d’une heure sur les temps scolaires, pour des raisons de responsabilité, le temps périscolaire de la pause méridienne peut sans doute faire l’objet d’un usage plus libre. L’ouverture en flux continu le midi n’est pas forcément synonyme d’un va-et-vient désorganisé et peut répondre aux différents besoins des adolescent·es : ainsi, l’un·e qui a prévu juste de venir chercher un ami·e, peut finir happé·e par une lecture, l’autre qui pense avoir besoin d’un temps long pour finir un travail informatique, peut en fait libérer une place plus tôt que prévu. L’objectif de 100% des élèves venu·es au moins une fois dans l’année au CDI est atteignable !
En collège, l’amplitude horaire est réduite par rapport au temps total d’ouverture de l’établissement du fait du temps de présence de l’enseignant·e documentaliste (sur la base d’un temps plein de 30 h en établissement). Elle peut donc être maximisée sur les autres temps, par un travail conjoint avec d’autres personnels, que ce soit dans le cadre d’un projet global avec l’équipe de vie scolaire, ou par l’inclusion d’une ou plusieurs missions de service civique au CDI.
Penser le CDI, notamment son organisation, par le prisme de la réduction des inégalités, amène à se poser des questions : en menant ce club pour quelques élèves, est-ce que je ne pénalise pas le plus grand nombre ? Il ne s’agit surtout pas de réduire l’offre pédagogique en prônant une ouverture à tout prix, abandonnant toute exigence. Mais bien de réfléchir à comment la démultiplier : est-ce que ce club ne pourrait pas trouver place dans une salle annexe, tandis que le CDI serait ouvert par un autre adulte, en charge d’accueillir d’autres élèves ? Ou inversement, si le CDI doit être fermé pour accueillir une activité, est-ce qu’une salle de lecture annexe ne pourrait pas être proposée, en salle de permanence ou au foyer ?
Cette préoccupation d’égalité doit rester au cœur des actions de l’enseignant·e documentaliste. Le CDI est parfois le seul lieu de l’établissement offrant un accès autonome à un équipement informatique pour les élèves. Quelles pratiques peut-on alors autoriser ? Faut-il restreindre l’usage de l’ordinateur à des travaux scolaires ou bien peut-on envisager éventuellement, sur des temps restreints, des accès plus libres ?
Le Cadre de Référence des Compétences Numériques (plus connu sous le nom de « plateforme Pix ») évalue désormais de nombreuses compétences pour les 3e et Tle, dont on ne peut pas imaginer qu’elles soient toutes traitées dans le cadre scolaire. À quel moment l’élève pourrait-il s’entraîner à paramétrer la confidentialité d’une publication sur un réseau social ? De la même manière, le matériel d’impression du CDI peut-il être mis à disposition des élèves ? Dans quelle mesure ou pour quels usages ? Ces questions méritent d’être traitées dans la politique numérique de l’établissement, qui est indissociable des usages informatiques du CDI.

Et si on repensait l’accès aux ressources ?

Dans cette volonté d’inclusion des publics les plus éloignés des lieux de culture, la question de l’accès aux collections du fonds papier ne peut être laissée de côté. Les réflexions dans le domaine se font actuellement de plus en plus fréquentes dans les espaces d’échanges professionnels (listes de diffusion, groupes sur les réseaux sociaux), notamment autour d’une classification Dewey simplifiée ou vers les modèles commerciaux booktsore model (Beudon, 2016). Elles visent souvent à rendre le fonds attrayant et à favoriser les emprunts. Envisager cela sous l’angle de la réduction des inégalités sociales et culturelles ne peut qu’enrichir la réflexion et orienter la prise de décision.
En 2008, Soizic Jouin, dans un article du Bulletin des Bibliothèques de France étudiait la mise en place de classements thématiques dans différentes médiathèques, à partir d’un postulat de base : « Il est évident que plus les modes d’accès sont complexes, plus ils excluent. David Parmentier le dit très bien :  ’On va d’autant plus chercher directement en rayon, sans recourir aux bibliothécaires ou aux fichiers, qu’on est mal classé socialement et scolairement. Une politique de rayon est nécessaire si on veut élargir la base sociale des utilisateurs de la bibliothèque » (Jouin, 2008 ; Parmentier, 1985). La lecture de ces expériences est inspirante. Le fonds fiction peut lui aussi être entièrement remodelé autour d’un classement thématique. Si cela n’influe pas particulièrement sur le nombre de prêts, selon mon expérience du moins, c’est un accès aux romans qui est bien plus intuitif et logique pour des collégien·nes. Ce reclassement thématique permet par exemple de créer un rayon de récits brefs, à destination de petit·es lecteurs·rices ; le rayon peut être rattaché par son appellation au dispositif Silence, on lit ! et donc viser autant les faibles lecteurs·rices que celles et ceux qui répondent à une injonction scolaire, cherchant un récit qui peut être lu en peu de temps.
Cette politique de rayons peut aussi prendre diverses autres formes, dans la perspective d’une réduction des inégalités : mettre à disposition des récits sans parole (album, BD, manga…) pour des élèves dont le français est encore faible, acquérir des livres audio pour les élèves empêché·es de lire ou désireux·ses d’autres formes d’entrée dans le récit, intégrer des documentaires ou fictions mis en page pour les élèves dyslexiques, animer des temps de lecture orale… De nombreux leviers sont à disposition de l’enseignant·e documentaliste.
Pour finir sur ce point, réfléchir avec les élèves aux acquisitions est autant une façon de combler les attentes du public adolescent qu’une manière de reconnaître une légitimité à leurs différentes portes d’entrées dans la lecture et de favoriser la construction d’une culture générale. On voit actuellement Maurice Leblanc revenir à la mode à la suite d’une adaptation dans une série produite par Netflix. Le chemin est détourné, mais suivons-le ! C’est par ces ponts que le lien entre école et maison se renforce, sans jugement de valeur.

Diffuser ces pratiques au-delà des murs du CDI

Réduire les inégalités culturelles et sociales, accueillir les élèves éloigné·es des codes des lieux culturels, inclure des documents palliant les différentes situations de handicap, rendre accessible les usages et les œuvres, renforcer le sentiment de légitimité… nous voilà bien dans un projet éducatif à forte dimension sociale qui gagne à s’ouvrir à des partenaires, dans une démarche de co-construction.
Tout d’abord parce que tout cela ne peut se faire sans les autres acteurs de l’établissement. L’équipe de vie scolaire est indissociable de toutes les problématiques liées aux temps périscolaires, ce qui peut aller jusqu’à une harmonisation des pratiques et attentes. L’adjoint·e gestionnaire est forcément concerné·e par tous les achats effectués ou projetés : demandes de matériels adaptés (scanner portables à destination d’élèves dys-, casques pour l’écoute de livres audio…) ; conseils sur la meilleure manière de financer les acquisitions, par exemple en utilisant des lignes budgétaires affectées aux ressources numériques, souvent sous-employées (les livres-audio peuvent relever de cette catégorie). La concertation avec les enseignant·es enfin est indispensable pour envisager des acquisitions bien en amont des temps d’études programmés en classe, que ce soit dans les domaines littéraires ou sur des sujets d’étude disciplinaire.
Les partenaires extérieurs ont également leur rôle à jouer, qu’il s’agisse de partenaires institutionnels comme les collectivités de rattachement, du réseau de médiathèques du territoire, ou d’associations agréées. Les Bibliothèques Sonores des Donneurs de voix peuvent ainsi contribuer à mettre à disposition des élèves empêché·es de lire des enregistrements audio de fictions, voire les enregistrer à la demande de l’établissement quand il s’agit d’œuvres qui ne sont pas encore dans leur catalogue. Ces partenariats, noués dans l’optique de réduire les inégalités, enrichiront le projet d’établissement.
Enfin, il ne faut pas hésiter à formaliser cette ambition de réduction des inégalités auprès de l’ensemble des usagers. Elèves, mais aussi parents, tous et toutes sont concerné·es par cette dynamique. La connaissance de leurs attentes et de leurs besoins est essentielle pour aller plus loin dans la mise à disposition d’outils, de temps, d’accompagnement, de ressources. Que ce soit par des questionnaires ou par des échanges informels, ce lien est à rechercher. Les soirées portes ouvertes peuvent par exemple être l’occasion de dons d’ouvrages sortis de l’inventaire aux familles ; il n’est pas rare alors d’entendre des échanges se nouer, entre parents, entre parents et enfants, autour de ces livres, ou de romans, lus autrefois par des parents qui revoient leur adolescence à travers des premières de couverture d’autres générations.

Conclusion

Si aucune de ces actions n’est révolutionnaire, et si aucune n’a de sens considérée isolément, elles peuvent facilement converger au service d’une dynamique de réduction des inégalités au sein du CDI. Prendre conscience de la nature égalitaire du lieu, l’amplifier par des réflexions sur nos pratiques professionnelles, faire connaître ces actions aux différents partenaires… Toutes ces dimensions font du CDI et de l’enseignant·e documentaliste des acteur·rice central·ux dont l’établissement ne peut se priver pour atteindre les objectifs de réduction des inégalités énoncés dans la circulaire de rentrée. Dans cet article, je me suis centrée sur la spécificité du métier d’enseignant·e documentaliste en tant que pilote d’un centre de ressources. Cependant, l’action pédagogique, comme pour chaque enseignant·e de discipline, constitue pour lui·elle un levier de premier ordre au service de cet objectif de réduction des inégalités.
De manière plus globale enfin, favoriser la réussite d’un tel projet, lui donner une cohérence d’ensemble, organiser les différentes actions de manière structurée, compte tenu des objectifs de chaque établissement, passe par la formalisation de tous ces éléments : dans la politique documentaire, tout d’abord, mais aussi dans le projet d’établissement.
Et pourquoi alors ne pas lui donner sa place dans le projet d’Éducation au Développement Durable. En effet, l’EDD ne se réduit pas à sa dimension écologique et aux actions que l’on peut mener pour la protection de l’environnement. Les différentes facettes du développement durable s’incarnent dans les 17 ODD (Objectifs de Développement Durable) définis par les Nations Unies en 2012. Sur le plan international, la France s’est engagée sur la mise en œuvre de ces 17 ODD à l’horizon 2030, dans un plan appelé « Agenda 20303 ». Parmi ceux-ci, l’objectif 10 s’intitule justement « Réduction des inégalités ». À nous de montrer en quoi notre action y contribue déjà au quotidien.

 

Pourquoi éduquer aux médias ?

En guise d’introduction…

L’éducation aux médias et à l’information (EMI), telle qu’elle est implémentée en France, se présente comme le rapprochement des deux champs qui la composent (l’éducation aux médias – EAM et l’éducation à l’information – EAI), sous l’égide notamment de l’UNESCO en 2012, lors de la conférence de Moscou, puis institutionnalisée en France en 2013 avec la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République. Elle sera renforcée en 2015, à la suite des attentats, en réaffirmant son rôle de soutien aux valeurs de la République (dont l’école est un vecteur privilégié de transmission).

Elle s’appuie donc sur le mouvement d’éducation aux médias motivé par la compréhension de l’environnement médiatique et le développement des compétences critiques liées aux usages divers qu’il entraîne (voir le travail de modélisation des compétences proposé par Fastrez, Philippette, 2018) ; ainsi que sur le mouvement d’éducation à l’information né autour de la maîtrise de l’information et peu à peu orienté vers une approche plus large des cultures de l’information (dont l’évolution des enjeux est discutée par Liquète, 2018). Ce rapprochement institutionnel n’efface évidemment pas les histoires spécifiques de chacun de ces champs, ni leur ancrage dans des univers scientifiques distincts, pourtant au sein des mêmes sciences de l’information et de la communication. Évidemment, l’avènement du numérique et avec lui, la circulation amplifiée de l’information, la multiplication des contenus médiatiques, la requalification du statut du document, les possibilités accrues de production et de partage pour les usagers, les conditions modifiées de participation à la vie publique, citoyenne, culturelle… sont autant de raisons possibles à ce rapprochement de l’éducation aux médias et à l’information dans le paysage éducatif et en particulier scolaire. Il est la conséquence prévisible d’une convergence numérique qui inscrit le document dans un environnement médiatique déterminant et qui fait de celui-ci un terrain propice à la création, circulation et consommation d’informations. Mais ce rapprochement opéré sans que ne soient réellement discutées les divergences épistémologiques des deux champs qui la composent ne repose-t-il pas avec encore plus d’acuité la question de son ancrage théorique ? Ce rapprochement ne réveille-t-il pas le besoin criant de conceptualiser le champ, c’est-à-dire de faire correspondre à des démarches pédagogiques des fondements théoriques qui à la fois les justifient et les nourrissent ? Car comment concrétiser des dispositifs et des contenus éducatifs alors que les savoirs de la recherche ne sont eux pas encore stabilisés ?

Mais si la recherche est mobilisée pour cette tâche et s’y investit activement, les temps longs qui la caractérisent viennent là en concurrence du temps court des innovations, des transformations de pratiques et des changements sociaux. Ce travail de conceptualisation en train de se faire ne doit pourtant pas être un frein au bon développement de ce champ dans le milieu éducatif, ni sa prise en charge par les politiques publiques. Ces trois piliers (recherche, pratique, politique) devraient même travailler de concert à stabiliser le champ, chacun nourrissant l’autre de ses expertises. Je n’apporterai évidemment pas de réponse à ces questions vives qui restent des objets actuels de la recherche. Mais je propose de discuter ici d’une entrée possible dans la conceptualisation de l’éducation aux médias à partir, d’une part, des raisons profondes qui motivent cette « éducation à… », celles qui ont initié les démarches éducatives envers les médias, et d’autre part, des objets caractéristiques de ces apprentissages, afin de pouvoir mettre cette réflexion en discussion, notamment avec le champ de l’éducation à l’information.
Pour revenir aux motivations profondes qui initient les projets d’éducation aux médias, je propose de m’appuyer sur deux présupposés majeurs que sont les représentations de la jeunesse et des médias. Si elles évoluent en parallèle dans nos sociétés, on peut voir qu’elles se rejoignent autour d’intentions éducatives qui me semblent être à l’initiative des mouvements d’éducation aux médias. À leurs côtés, l’évolution incessante de l’environnement médiatique requalifie les objectifs d’apprentissage de cette éducation aux médias en prenant les particularités de chaque dispositif comme enjeu éducatif. Pourtant, de grandes lignes de force se dessinent et permettent de déterminer leurs objets d’étude autour de trois dimensions imbriquées que sont les questions de production, de contenu et de réception. J’invite donc à revenir à ces présupposés et objets fondateurs pour travailler à y stabiliser des ancrages théoriques. Cette approche porte spécifiquement sur l’éducation aux médias, mais mérite d’être discutée au regard du champ de l’éducation à l’information, notamment pour structurer et conceptualiser le champ de l’EMI 1, à partir de leurs différences et de leurs points de convergence.

« 
Je propose de m’appuyer sur deux présupposés majeurs que sont
les représentations de la jeunesse et des médias
»

« Au fait, pourquoi veut-on éduquer aux médias ? »

Cela fait des décennies que les éducateurs et les éducatrices la pratiquent, que des instances se mobilisent pour la faire exister, que quelques chercheur.es tentent de la conceptualiser. Cela fait donc des décennies que l’éducation aux médias se construit, se pense, se pratique, silencieusement. Après une entrée timide dans les programmes en 2006, on peut dire que maintenant elle est là : dans les programmes scolaires et les projets associatifs, dans les colloques et les réseaux de recherche, et sous différentes formes, dans les salles de classe. Cette place faite à l’éducation aux médias dans les débats publics, dans les mesures et réformes, dans les projets portés par des instances diverses, y compris par de plus en plus de chercheur.es me semble être le signe de son ascension vers plus de visibilité et de reconnaissance, et c’est tant mieux !
Si ce foisonnement de discours, de ressources et de projets est à la fois une aubaine pour la mise en visibilité de l’EMI et sa reconnaissance à la fois institutionnelle et sociale, elle est aussi un risque pour la cohérence de ce champ qui cherche encore son ancrage conceptuel. Tout le monde, ou presque, s’entend sur le fait qu’il faille « éduquer aux médias », mais est-on réellement coordonnés sur ce que cela veut dire (et par extension, les compétences que cela appelle et les moyens de les mettre en œuvre) ? Il semblerait que non. Et la multiplication des acteurs et des ressources a donc l’inconvénient de son avantage : si elle permet de faire exister l’EMI, elle freine sa juste compréhension, le champ ne semblant pas toujours s’appuyer sur des concepts stables et partagés.

Une approche historique du champ permet d’identifier un ensemble de « tendances » en lien avec des problématiques sociales situées et datées et l’implantation des médias dans la vie sociale (Jacquinot, 2009 ; Loicq, 2011). Or, derrière l’impulsion d’un rapprochement des médias et des questions éducatives se cache d’abord un ensemble de présupposés qui s’entrecroisent et s’articulent, de manière plus ou moins cohérente. Ceux-ci sont structurants car ils ont une incidence in fine sur la forme scolaire que prendra cette démarche éducative. Pour bien comprendre le champ et entreprendre une démarche de conceptualisation de celui-ci, il me semble indispensable de remonter à ses origines et à ces présupposés qui ont permis de fédérer la recherche, de motiver les pratiques pédagogiques et de justifier les politiques publiques.

En avant la jeunesse ! Les représentations de l’enfance et de la jeunesse

Traversées par un ensemble de dynamiques sociales mouvantes et très ancrées socio-culturellement, les représentations sur la jeunesse sont fondamentales pour qui s’intéresse aux fondements d’une pratique éducative. Pour Durkheim déjà, étudier les « productions mentales sociales » relèverait d’une « étude de l’idéalisation collective » et les travaux des anthropologues et des sociologues sur les représentations sociales (Abric, 1994 ; Jodelet, 1993) montrent leur impact sur la trajectoire sociale prise collectivement (Duby, 1978). Alors lorsqu’on construit l’EAM, à quelle « jeunesse » (ou plutôt à quelles représentations de la jeunesse) pensons-nous nous adresser et vers quelle jeunesse cherchons-nous à les conduire par le biais de l’éducation ?

La tendance à faire de la recherche SUR eux plutôt qu’AVEC elle (Buckingham, 2000) s’inverse avec, notamment, la nouvelle sociologie de l’enfance qui dénaturalise cette figure longtemps privée de sa capacité d’agir (Sirota, 2010). Cela aura sans doute pour effet de modifier les représentations sociales de l’enfance et de la jeunesse et, on l’espère, de mieux les impliquer dans les décisions qui les concernent (Garnier, 2015).
Nous sommes précisément à un siècle du premier mouvement de ce genre2 qui a permis de rassembler des pédagogues du monde entier autour des questions du but de l’école, de l’énergie créatrice des enfants, de la liberté dans l’éducation, et donc, du rôle de l’école pour changer le monde. Mais c’est un processus permanent, et revenir aux représentations sur lesquelles nos actions reposent permet déjà de mieux saisir les fondements du champ.

Un exemple des plus probants pour saisir la puissance de ces représentations de la jeunesse dans la définition des enjeux sociaux auxquels elle est et sera confrontée, est bien le mythe des digital natives. Imaginer que les jeunes nés et ayant grandi dans un environnement numérique possèderaient tout un tas de compétences manipulatoires (innées ?) et seraient d’office modelés par ces technologies au point d’être des « mutants »3 pèse fort sur les représentations que l’on se fait des jeunes et des médias (Lardellier, 2017). Elle est aussi très représentative d’une vision déterministe qui donne toute puissance à la technologie. Par exemple, dans les problématiques en lien avec le rapprochement des jeunes et des médias, ces deux assertions (les technologies déterminent les usages, les jeunes sont naïfs) s’articulent avec une intention éducative de protection qui orientera toute une partie du champ de l’EAM (dans ses dimensions esthétiques, politiques et critiques).

Les médias, et moi et moi et moi… Les représentations des médias

L’éducation aux médias se construit depuis qu’existent les médias, car c’est bien en réponse à la représentation sociale de ce que sont et font ces objets médiatiques, que la démarche éducative s’initie. D’aucuns pourraient remonter à l’apparition même de l’écriture, comme prolongement et stabilisation de la pensée, et sans aucun doute à l’invention de l’imprimerie, comme fixation et pérennisation de celle-ci. En ces temps maintenant anciens, les craintes se portaient déjà sur les effets que ces extensions de l’Homme pourraient avoir sur le statut de la connaissance, le discernement du vrai et du faux, les compétences nécessaires pour rester libres et égaux, et même sur les facultés mentales des individus… C’est peu dire que les préoccupations majeures, lorsque l’on parle de l’avènement numérique des sociétés de l’information et de la communication, ne sont pas nouvelles. Mais ces préoccupations, au sens large, sont aussi tournées vers le potentiel innovant de ces découvertes, sur leur capacité à libérer l’utilisateur d’une certaine charge cognitive pour développer d’autres compétences, sur la possibilité de construire son savoir dans l’interaction de documents de différentes natures.

Ainsi, face aux représentations antagonistes des médias et de leurs effets potentiels, deux courants majeurs se sont dessinés. D’un côté, il y aurait toute la mouvance « vaccinatoire » (Masterman, Mariet, 1994 ; Piette, 1996) qui verrait donc dans les médias des outils au potentiel perturbateur, voire manipulateur, pour lesquels une éducation est nécessaire pour « armer » face aux attaques insidieuses. Celles-ci sont de l’ordre de la manipulation commerciale (publicité), esthétique (culture populaire), idéologique (dés-information, propagande), sociale (réseaux-sociaux, cyber-harcèlement)… De l’autre, se dessine un attrait pour les potentialités de transformation portées par ces outils médiatiques qui sont perçus comme autant d’innovations pédagogiques. Celles-ci peuvent être en lien avec la dématérialisation des contenus qui permet de faire classe « autrement » (Choplin et al., 2007), le pouvoir de sens des images (Jacquinot-Delaunay, 2012) et des contenus narratifs ludiques (c’est le début des télévisions éducatives qui conduisent à penser aujourd’hui les applications éducatives voire les environnements numériques de travail – Peraya, 2010), les dispositifs techniques adaptables (notamment à certaines moda­lités d’apprentissages particulières en lien, ou non, avec des handicaps, des situations d’enseignement à distance, etc. – Tricot, 2020).

Historiquement, ces deux mouvances ont permis de faire émerger des champs distincts que seront, d’un côté, l’éducation aux médias (d’abord surtout contre les médias) et l’éducation par les médias (ceux-ci étant utilisés à des fins didactiques, comme pédagogie du soutien et non plus comme objet même d’apprentissage). La première s’est peu à peu transformée en fonction des problématiques sociales dans lesquelles elle se présentait comme réponse (Loicq, 2012), la dernière a accueilli ensuite tout le courant du numérique éducatif (Bonfils et al., 2014). Dorénavant, la convergence numérique opère ici aussi de profonds changements invitant à repenser les paradigmes éducatifs. Les chemins parallèles de ces deux approches (les médias comme objet ou comme soutien pédagogique) se sont finalement toujours croisés, pour reprendre l’expression de Geneviève Jacquinot-Delaunay (2014). Mais elles reposent toujours sur un ensemble de présupposés que viennent étayer la recherche sur les contenus ou les pratiques médiatiques.

Nous avons un problème : un peu de ci, un peu de ça… et voilà !

Derrière l’éducation aux médias (et l’EMI plus généralement), il y a donc un ensemble de présupposés, d’ordre théoriques mais aussi sociaux ; et des intentions éducatives en lien avec ceux-ci. C’est dans leur rencontre4 que va s’articuler le projet éducatif en réponse à des problématiques sociales actuelles. Que ce soit dans la recherche, les politiques publiques ou les pratiques éducatives, l’EAM est donc toujours conçue à partir d’une représentation spécifique de la jeunesse et d’un ensemble de connaissances (au mieux, ou d’idées reçues, parfois) sur les médias. C’est à partir de la compréhension de leur rencontre et de leur articulation pour répondre à un objectif pédagogique qu’il me semble que la conceptualisation du champ peut se construire.

Que ce soit sous sa forme de politique publique, de thématique de recherche ou de pratique pédagogique, son ancrage dans un contexte socio-culturel déterminé est essentiel pour en comprendre à la fois les formes d’émergences et les modalités de mise en œuvre (Loicq, 2011). Par exemple, ce sont les attentats de 2015 qui ont renforcé en France la problématique d’une citoyenneté républicaine et laïque partagée par tou.te.s et dont le rôle fondamental de transmission de l’école a été réaffirmé. Les jeunes sont ici perçus comme étant responsables du discernement du vrai et du faux5, face à des médias qui en auraient perdu le contrôle en devenant le lieu d’expression et de circulation d’informations non contrôlées, voire franchement complotistes. En comparaison, on peut voir que le domaine vient répondre à d’autres enjeux, en Australie par exemple, lorsque dans les années 1980 ce champ se développe pour apporter des réponses pédagogiques innovantes et engageantes permettant aux élèves de s’impliquer dans leurs apprentissages, de rester le plus longtemps possible à l’école, et de gérer les diversités culturelles importantes au sein des groupes, autour d’un projet commun. L’éducation aux médias « down under » a évolué également en suivant le contexte des problématiques sociales en lien avec les médias et pris une piste moins citoyenne mais plus créative, en invitant les élèves à produire et co-construire une identité partagée mais singulière, via les outils et codes médiatiques (Loicq, 2011 ; 2017 ; 2019).

« 
Ce sont les attentats de 2015 qui ont renforcé en France la problématique d’une citoyenneté républicaine
et laïque partagée par tou.te.s
»

Mais donc… en attendant en EAM on fait quoi exactement ?

Le champ de l’EAM s’est construit corrélativement puis en appui sur des théories des études médiatiques (media studies) et a donc suivi ses évolutions épistémologiques. Ces changements de perspectives dans la façon même de faire de la recherche sur les médias et en particulier sur les modalités d’interaction des médias et des jeunes ont contribué à faire apparaître des approches différentes de l’EAM. Quatre de ces appro­ches ont été documentées par la recherche (Masterman et Mariet, 1994 ; Piette, 1996 ; Loicq, 2011 ; Corroy, 2016) et la cinquième est selon moi en train de se dessiner et bénéficiera grandement des résultats de cette conceptualisation en cours. Je présenterai succinctement les 4 approches que l’on pourrait qualifier de « protectionniste, politique, critique et esthétique » pour ensuite m’attarder sur cette cinquième approche qui pourrait être qualifiée de « (inter)culturelle ». Ces approches ne sont évidemment pas totalement perméables les unes aux autres, mais l’identification précise des intentions et des connaissances qui les caractérise ne peut que participer à une meilleure cohé­rence de l’approche pédagogique qui en découlera.

Les 4 approches historiques de l’éducation aux médias

Comme rappelé précédemment, l’apparition même d’un projet d’éduquer aux médias est relative à l’inquiétude suscitée par les changements que ces « prolongements des sens de l’homme » (Thompson, 1995) auraient comme effet sur l’individu et les sociétés. Se constitue alors une approche majoritaire du champ, qui sera déclinée à l’apparition de chaque nouveau média en réveillant d’anciennes craintes et peurs sociales (Maigret, Macé, 2005), basée sur une vision manipulatoire des médias. Cette approche protectionniste de l’éducation aux médias est orientée vers la préservation de la jeunesse considérée comme passive et vulnérable des effets (prétendus ou potentiellement néfastes) des médias. Les recherches sur les médias de masse ayant opéré d’un changement de paradigme (d’un modèle béhavioriste questionnant l’influence, vers un modèle fonctionnaliste pensant les usages), une autre approche de l’EAM se dessine autour de questionnements critiques. Si les jeunes utilisent les médias (pour s’informer, se divertir, communiquer donc socialiser, s’intégrer, affirmer leur identité, etc.) c’est bien que ça leur apporte quelque chose ! La démarche éducative fait alors un pas de côté, quittant l’idée de protection formelle contre des effets immédiats et directs, mais conservant cette conception de devoir être « armé », ici d’un esprit critique, pour accompagner les plus jeunes dans l’identification et la compréhension des contenus idéologiques qui, sur le plus long terme, pourraient inférer sur leurs normes et valeurs. Tout en restant sur cette idée que les médias produisent des effets (indirects et cumulatifs comme le montrent les travaux de l’École de Francfort), l’EAM cherche à mettre à distance les effets de conformisme social possibles par l’usage des médias, objets culturels et instruments de l’idéologie dominante. Cette qualification des médias comme objet culturel permet de consigner une 3e approche, esthétique, portée par l’intention d’éduquer au beau, autour de la sociologie de l’art et de la sémiologie comme outils pour déconstruire et comprendre les codes, les langages qui participent à la construction du sens. L’éducation au cinéma s’est longtemps positionnée dans cette approche, avec notamment une distinction opérée entre ce que seraient les médias artistiques versus les médias populaires. Ce travail autour de la polysémie des messages, les effets de narration et la construction du sens par l’usage de codes et langages est aussi investie par l’approche politique qui place les médias comme des outils de la démocratie, utiles aux citoyens à qui il incombe alors la responsabilité de comprendre, utiliser et participer à cet environnement médiatique. Cette approche mobilise particulièrement les outils de construction et d’analyse du journalisme, autour d’un objet spécifique qu’est l’information d’actualité. En France, l’éducation aux médias a été institutionnalisée à partir de cette approche, dans la lignée des vœux de son initiateur, Jacques Gonnet qui prônait une véritable « éducation au politique », à travers notam­ment des « ateliers de démocratie » (Gonnet, 1995).

« 
L’EAM cherche à mettre à distance les effets de conformisme social possibles
par l’usage des médias, objets culturels et instruments de l’idéologie dominante
»

La 5e approche : pour une éducation aux médias (inter)culturelle

Loin des affirmations théoriques des années 1930-40 autour des effets des médias, la pluralité disciplinaire ayant pris les médias (au sens large) comme objet contribue à faire émerger une richesse conceptuelle autour de cet environnement médiatique. Pour penser les outils théoriques de l’EAM, je propose ici de prendre en compte cette diversité des approches des études médiatiques autour de l’articulation de trois grandes dimensions que sont : 1/les études sur les modalités, contextes, conditions de production, que ce soit dans le cadre d’industries culturelles et médiatiques ou d’initiatives plus locales, alternatives, ou autre, bref, sur les questions de production ; 2/les études sur les contenus et dispositifs émanant de ces industries ou circulant dans les réseaux alternatifs ou même via les dispositifs sociaux de communication, donc finalement, sur les produits ; 3/les études sur les relations des individus avec les médias, leurs modalités de réception et d’interprétations, leurs stratégies et braconnages, leurs usages et leurs pratiques, bref, sur les questions de réception. Ce triptyque est basé sur l’idée que les médias sont des objets culturels complexes et porteurs d’enjeux divers, notamment parce qu’ils sont inévitablement des constructions, donc en prise avec les problématiques du sens (aux trois niveaux de cette articulation). Il invite finalement à faire reposer l’EAM sur ce qui est l’ADN des médias : la communication (et dans son sillon, la question de la représentation). La question de la représentation a été initialement portée par le concept de « non-transparence » des médias au sein de l’EAM (Masterman, 1985). Elle en est un pilier fondateur et, malgré les changements structuraux des industries médiatiques avec l’arrivée du numérique, reste une notion centrale pour penser et même articuler le caractère construit de tout produit médiatique, la liberté interprétative des individus et les stratégies de sens des producteurs. La communication est quant à elle abordée selon la théorie de la coopération et de « l’intentionnalité partagée » (Tomasello, 2008), c’est-à-dire qu’elle suppose et induit à la fois des habiletés cognitives spécifiques et des motivations pro-sociales. En cela, la communication est co-construction, co-production, collaboration et coopération pour exister ensemble (Ghiglione, 1996). Les médias participant dorénavant à la fois à nos capacités d’action en lien avec des performances (production et réception) et à la production des objets, ceux-ci peuvent alors être appréhendés dans leurs dimensions informationnelles, techniques et sociales (Fastrez, 2010).
Cette approche (inter)culturelle6 porte donc une EAM complète pensée en tant que cumul de compétences, qui peut par exemple se construire à partir de cinq étapes pour un apprentissage médiatique : observer, discuter, comprendre, créer et critiquer7 et d’une « posture réflexive » qui se travaille tout au long des cinq paliers allant du plus procédural au plus subjectif (Loicq, Piette, 2021).

L’analyse des contenus ou des dispositifs, ou pour le dire autrement, des effets de sens, ne sera alors plus seulement menée à l’aune d’une déconstruction, d’un décodage, mais aussi à travers les modalités de (re)construction du sens par le lecteur, celles-ci étant aussi contraintes par les spécificités des conditions de production de ce contenu. Ainsi, les contenus médiatiques étudiés le seront sous les trois angles de leur production, de leur matérialité et de leur interprétation. Le triptyque producteur/produit/récepteur s’applique évidemment à tous les objets médiatiques car ceux-ci sont toujours à la croisée d’utilisateurs et d’industries.
Pour explorer ce triptyque qui se présente comme les objets de l’éducation aux médias, les approches précédentes ont majoritairement opté pour l’analyse critique, c’est-à-dire la déconstruction, le décodage, l’évaluation (du vrai et du faux)… Je propose ici d’appré­hender ces trois dimensions par la notion de réflexivité critique. La réflexivité critique en éducation aux médias serait alors la capacité à questionner ses pratiques et le caractère construit de tout objet médiatique, à partir de son propre vécu (expérientiel, émotionnel, stratégique, etc.) et ensuite, dans une visée plus collective (pour aborder notamment les enjeux sociaux, culturels, politiques, économiques de ces objets étudiés). La pédagogie de l’interrogation est alors à privilégier, qu’elle soit collaborative ou introspective (Saemmer, Tréhondart, 2019).

« 
Les contenus médiatiques étudiés le seront sous les trois angles
de leur production, de leur matérialité et de leur interprétation
»

Pour ne pas conclure…

De plus en plus d’écrits de toutes sortes circulent sur l’EMI (et sur l’EAM et l’EAI souvent indistinctement). Qu’ils aient une valeur informative, prescriptive ou programmatique, qu’ils soient issus de la recherche, d’une démarche journalistique, de politiques publiques ou de ressources pédagogiques, ils contribuent à faire exister l’EMI dans la sphère publique auprès d’un public de plus en plus large. Les éducateurs et les éducatrices, souvent destinataires de ces discours, peuvent trouver ce foisonnement oppressant, ajoutant à leurs propres incertitudes dans le domaine une ambiguïté quant aux objectifs et aux moyens de les atteindre. Si de plus en plus de productions scientifiques proposent des contenus d’enseignements en lien avec les enjeux politiques et sociaux de l’EMI, qu’en est-il des savoirs, des compétences et de la culture qui articulent ces savoirs dans une démarche pédagogique ? Comment ces savoirs sur les médias peuvent-ils être opérationnalisés, didactisés, pour que les éducateurs et les éducatrices, sur le terrain, puissent les faire vivre dans des projets éducatifs pertinents ? Au cœur de ce foisonnement discursif nouveau autour de l’EMI, entre les productions scientifiques thématiques et les injonctions institutionnelles souvent politiques, c’est surement cette articulation entre les savoirs et la démarche pédagogique qui manque, et celle-ci doit se faire par un ancrage conceptuel solide pour que se lève le flou théorique autour de la notion même d’EMI.

Cet objectif théorique est ambitieux mais nécessaire. En attendant qu’il se stabilise, j’ai proposé dans le cadre de cet article, deux éléments qui pourraient contribuer à la réflexion scientifique. D’une part, la mise en discussion des éléments structurants de l’EAM que sont les représentations et connaissances à l’égard des médias et de la jeunesse, en lien avec des intentions éducatives qui informent sur ses prémisses. Corrélés, ces deux éléments peuvent déjà permettre de comprendre la cohérence de l’EAM dans les discours et les pratiques qui la soutiennent. D’autre part, l’exploration de ces discours ou pratiques au regard de la diversité des approches du champ de l’EAM participera, là encore, à la compréhension de la cohérence du projet. À ces quatre approches historiques identifiées, j’en ai ajouté une cinquième qui me semble émerger de la recherche, et qui articule ses objets d’apprentissages autour de trois grandes dimensions imbriquées que sont les questions liées à la production, aux contenus et à la réception.

Mais tout cela (re)pose nécessairement la question de la formation des enseignant.es à l’EMI. Cette formation, en réponse aux attentes institutionnelles d’une part, et aux problématiques sociales et éducatives de terrain d’autre part, concerne en premier lieu, mais pas exclusivement, les professeur.e.s documentalistes qui ont été identifié.e.s comme les enseignant.es et « maîtres d’œuvre » de ce champ pluridisciplinaire (Boubée, 2019) affilié aux « éducations à » (Barthes, Lange, 2017). De fait, leur position transversale au sein des établissements et leur connaissance des sciences de l’information et de la communication en font des acteurs et actrices majeur.e.s du possible déploiement de l’EMI dans les collèges et les lycées. Mais comment sont-ils formés à ce déploiement ? Leur formation est-elle basée sur une réponse pédagogique à des problématiques politiques de l’EMI (les injonctions officielles ?) ou est-elle le laboratoire de théories éducatives en lien avec la recherche sur les médias ? Sur quelles conceptions (de la jeunesse, des médias, de leur relation) ces formations se pensent-elles ? Le renouvellement des études à leur sujet devrait permettre d’éclairer ce point, voire de proposer, là encore, des leviers d’articulation des pratiques aux politiques et à la recherche.

 

Lecture, grande cause, petits moyens

La lecture, déclarée « Grande cause nationale » par le président de la République, pendant un an, jusqu’à l’été 2022 !
Le texte publié sur le site de l’Éducation nationale* reprend, entre autres, de nombreuses initiatives déjà existantes, portées bien souvent par les professeurs documentalistes en collaboration avec les autres professeurs : quart d’heure de lecture, résidences d’auteurs, club lecture, prix littéraires, etc. Espérons que cette grande cause améliore la visibilité de ces actions, impulse une augmentation des faibles budgets alloués aux CDI de collèges et de lycées professionnels et mette en lumière le rôle essentiel des professeurs documentalistes, lesquels ne sont, hélas, cités qu’une seule fois dans cette “déclaration”. A contrario, les librairies, dont nous sommes partenaires sur certains projets, sont mentionnées une dizaine de fois. Souhaitons que cette opération ne se limite pas à inciter les jeunes à acheter des livres avec le pass culture ou à promouvoir le dispositif Jeunes en librairie, même si, bien évidemment, l’objectif affiché est la découverte des métiers de la chaîne du livre, la rencontre avec les libraires et les auteurs… N’oublions pas que nos partenaires de projets pédagogiques, les bibliothécaires, bien que cités plusieurs fois dans ce texte, voient leur mission en faveur de la lecture jeunesse complexifiée par l’instauration du pass sanitaire, dès l’âge de 12 ans, à l’entrée des médiathèques municipales.
Les professeurs documentalistes n’ont pas attendu cette annonce pour constater la baisse des compétences en lecture des adolescents et pour s’impliquer dans des projets visant à leur redonner le goût de lire. Bien évidemment, la lecture, sous toutes ses formes, constitue une part importante du métier. Le projet de création d’un prix littéraire par Clelia Robbe (professeure documentaliste), Catherine Poulain (professeure de lettres) et Jerémy Vanhille (libraire) en apporte une parfaite démonstration, puisqu’il s’agit de créer un nouveau prix littéraire avec le concours des élèves, ce qui induit la connaissance et l’exercice de chaque métier de la chaîne du livre. Quant à la fiche pratique sur les prix littéraires, proposée par Corinne Paris et Sandrine Leturcq, toutes les deux professeures documentalistes, elle dresse un panorama précis et détaillé des démarches à accomplir, des financements envisageables, des principaux prix, des activités possibles sans que les élèves à besoins spécifiques ne soient oubliés.
Objectif : faire lire, bien sûr, mais également devenir soi-même passeur de livres.

 

*https://www.education.gouv.fr/ete-2021-ete-2022-la-lecture-grande-cause-nationale-323642

Suspendre le compte d’un abonné et réguler les réseaux… en 1883 !

Les questions récurrentes concernant la régulation et la modération des propos tenus sur les réseaux de communication et notamment les réseaux sociaux numériques connaissent des réponses parfois contradictoires. Depuis qu’ils connaissent une audience importante, il a été reproché aux réseaux sociaux d’être laxistes et les États tentent régulièrement de les contraindre à assurer une modération efficace. La suspension des comptes Twitter et Facebook de Donald Trump a relancé la polémique : s’agissait-il de censure de la part des réseaux sociaux, les GAFAM se sont-ils octroyés des droits dépassant le cadre démocratique ? Une régulation des contenus est-elle nécessaire ?
Quelques mois avant, en France, dans le cadre de la discussion de la loi du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet (dite « loi Avia »), la question de la modération par les plateformes s’est posée, mais les réponses de la version initiale de la loi ont largement été censurées par le Conseil constitutionnel.
La liberté de parole doit-elle être totale sur les réseaux qu’ils soient de (télé)communication ou sociaux ou bien doit-elle être régulée ?
Ce débat n’est pas nouveau comme en témoigne le texte « Le téléphone et la morale » paru anonymement en 1883 dans la revue Lyon médical et repris dans plusieurs périodiques dans les mois qui suivent.
En effet, quelques années seulement après l’invention du téléphone, la question de la régulation du contenu s’est posée quand une compagnie téléphonique a souhaité suspendre l’accès d’un abonné au réseau téléphonique en raison de l’emploi « dans sa conversation, [d’] un langage trop fleuri d’épithètes malsonnantes et de jurons plus ou moins grossiers » (Anonyme, 1883).

L’un des premiers exemples de modération de propos en ligne… téléphonique.

À l’époque les lignes téléphoniques pouvaient être partagées entre plusieurs abonnés1 . Le réseau n’était pas donc totalement privé. Évidemment, cela ne garantissait nullement l’intimité des conversations. Le procédé créait ainsi des réseaux sociaux téléphoniques qui n’étaient pas forcément désirés.
Plusieurs juristes de l’époque s’interrogent sur la légalité d’une telle suspension. En 1884, Georges Vidal, professeur agrégé de droit à la faculté de Toulouse, discute dans « Le téléphone du point de vue juridique » (Vidal, 1884-85) du statut légal et réglementaire de l’usage du téléphone par l’abonné :
« Il y a abus de la part de l’abonné lorsqu’il […] s’en sert soit pour causer un préjudice à autrui, par exemple en communiquant une fausse nouvelle, en causant une émotion à des tiers, soit pour commettre un délit ou un acte immoral, par exemple en diffamant, injuriant, tenant des propos grossiers et immoraux, organisant un complot, excitant des mouvements révolutionnaires, facilitant la fuite, le recel d’un criminel ou de choses volées2 » (Vidal, 1884-85, p. 308).
Le caractère public-privé des réseaux sociaux numériques pose les mêmes questions depuis son apparition comme le rappelle Dominique Cardon : « Les nouvelles formes de communication qui se développent sur Facebook ont projeté sur la scène publique des énonciations que nous avions l’habitude de considérer comme privées » (Cardon, 2012, p. 50).

[Dessin représentant un homme relié à un standard téléphonique], Fonds Jules Sylvestre, Bibliothèque municipale de Lyon

« Signaler », « avertir », « suspendre » et Conditions générales d’Utilisation (« CGU ») en 1883

Dans le cas de 1883, la régulation prend plusieurs formes. Elle a lieu en premier au niveau des individus. L’usager du téléphone est d’abord signalé par les autres usagers et les employées de la compagnie téléphonique [Bouton « signaler »]. Ensuite, la compagnie prend contact avec l’abonné, afin de lui rappeler les règles de politesse [« Avertissement »]. Enfin, elle le suspend [« Compte suspendu »]. À un second niveau, le cas particulier a un impact général sur le réseau : un règlement est édicté à destination de l’ensemble des abonnés, afin de prévenir d’autres comportements du même type [« CGU »]. Enfin, la régulation est confirmée au niveau judiciaire : après saisie de la justice par l’abonné suspendu, un tribunal confirme la sanction [recours judiciaire].
Aujourd’hui, les conditions générales d’utilisation des plateformes donnent le cadre de l’usage. Leur acceptation (obligatoire) par l’usager expose à une sanction de la part de la plateforme en cas d’infraction à des CGU. Les recours judiciaires contre les réseaux sociaux restent rares.

Utiliser les discours relevant de la médiarchéologie avec des élèves

À l’heure des réseaux sociaux, il peut être intéressant de travailler avec les élèves sur des textes comme « Le téléphone et la morale » pour montrer que dès le moment où l’usage de la communication par un réseau se répand — hier la communication à distance avec le téléphone, aujourd’hui celle avec les réseaux sociaux sur Internet — des questions légales et éthiques se posent.
Plus près de nous, avec la démocratisation d’Internet et du Web, à l’époque des forums et des listes de discussion, des réponses à ces problématiques ont été proposées. En octobre 1995, Sally Hambridge publie les « Netiquette Guidelines » (Hambridge, 1995), afin de définir des règles pour qu’Internet — et le Web — soit un espace régulé par un contrat social entre les usagers. Sally Hambridge conseillait ainsi : « En général, les règles de courtoisie habituelle dans les rapports entre les gens devraient être de mise en toute circonstance et sur l’Internet, c’est doublement important là où, par exemple, l’expression corporelle et le ton de la voix doivent être déduits » (Hambridge, 1995) et « Vous n’enverrez pas de messages haineux (on les appelle des «flammes») même si on vous provoque. D’autre part, vous ne serez pas surpris de vous faire incendier et il est prudent de ne pas répondre aux flammes ».
Cette nétiquette est fort proche de la conclusion de l’article « Le téléphone et la morale » affirmant qu’« un instrument de civilisation comme le téléphone ne doit servir à propager électriquement qu’un langage plein de politesse et d’urbanité » (Anonyme, 1883).
Ainsi, dans un texte publié il y a près de 120 ans, au début de la massification des dispositifs médiatiques personnels de communication, se posaient les questions du comportement d’un usager et d’une régulation imposée par la compagnie prestataire du service téléphonie, avec des éléments que l’on retrouve aujourd’hui dans les Conditions Générales d’Utilisation des réseaux sociaux.
Si faire appréhender ces « CGU » par les élèves est important dans le cadre de l’Éducation aux médias et à l’information, il n’est pas moins indispensable d’aborder le droit d’expression qui « s’exerce dans le respect de l’éthique et des règles juridiques » (Conseil Supérieur des Programmes, 2018, p. 4). La formation à l’éthique peut aussi passer par l’apprentissage de l’auto-régulation des usagers, afin de faire de chaque élève « un citoyen libre, éclairé et responsable, capable de s’informer, de se cultiver, d’exercer sa sensibilité et son esprit critique, et d’agir de manière autonome dans la “société contemporaine de l’information et de la communication” » (CSP, 2018, p. 23). Nous proposons en encadré quelques pistes à explorer dans différents programmes du second degré permettant d’accompagner les pratiques des élèves et de leur faire découvrir des technologies aujourd’hui anciennes, mais qui furent lors de leur invention des innovations posant les mêmes questions d’usage et de régulation.

Cornélius Roosevelt, Instructions pour l’usage domestique du téléphone-Bell, 1878 / BnF

 

Dans les programmes

Ce type de texte relevant de l’archéologie des médias (Le Deuff, 2016) et de l’histoire des discours sociaux sur les dispositifs techno-médiatiques peut être proposé aux élèves au sein de différents programmes disciplinaires, en EMI et en EMC, notamment, dont on retiendra quelques exemples. Les professeur-e-s documentalistes peuvent rappeler que toutes les nouvelles technologies de l’information et de la communication (de l’imprimerie à Internet) ont été confrontées aux problématiques de la modération et de la régulation.

– Au cycle 4, l’EMI apprend aux élèves à « utiliser les médias de manière responsable » et leur permet de « Pouvoir se référer aux règles de base du droit d’expression et de publication en particulier sur les réseaux ».

– L’enseignement de sciences numériques et technologie (SNT) de seconde générale et technologique « aide à mieux comprendre les enjeux scientifiques et sociétaux de la science informatique et de ses applications, à adopter un usage réfléchi et raisonné des technologies numériques dans la vie quotidienne » et développe des compétences transversales dont « faire un usage responsable et critique des sciences et technologies numériques ». Par ailleurs, le programme introduit aussi un certain nombre de repères historiques liés à l’informatique, à Internet et au Web. Il peut être intéressant de rappeler que des dispositifs médiatiques plus anciens comme le téléphone ont aussi fait l’objet de questionnements sur les usages.

– Le programme de français de seconde générale et technologique précise que « les parcours construits par le professeur ménagent une place à la découverte de l’histoire des idées, telle qu’elle se dessine dans les grands débats sur les questions éthiques ou esthétiques. Ils prennent en compte l’influence des moyens techniques modernes de communication de masse, du XIXe siècle à nos jours ».

– Le programme d’EMC en classe de seconde indique dans l’axe 2 : « L’évolution de l’encadrement juridique de la liberté d’expression dans un environnement numérique et médiatique » et parmi les objets d’enseignements possibles : « la question de la liberté d’expression dans un environnement numérique et médiatique ». Au lycée professionnel, le thème « La liberté, nos libertés, ma liberté » en CAP et en seconde professionnelle invite à réfléchir à la question « Peut-on tout dire et tout écrire ? ».

– Le programme de français en lycée professionnel en seconde professionnelle (objet d’étude « S’informer, informer : les circuits de l’information ») indique quant à lui qu’« il importe que les élèves prennent la mesure de leurs nouvelles responsabilités (authenticité, rigueur et pertinence des énoncés, respect d’autrui et protection de leur vie privée). L’objet d’étude conduit à s’intéresser à la forme, aux supports, à la correction de la langue, en tenant compte de toutes les composantes d’une situation d’énonciation ».

– Le thème 4 du programme de spécialité histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques de première générale s’intitule « S’informer : un regard critique sur les sources et modes de communication ». Il s’inscrit dans la même perspective : « Le recours à la longue durée, la mise en perspective d’événements et de contextes appartenant à différentes périodes rendent attentif aux continuités et aux ruptures, aux écarts et aux similitudes ». L’Axe 1 s’intéresse aux « Grandes révolutions techniques de l’information ».

– Les enseignements en STI2D ou en Bac Pro SN (systèmes numériques) abordent les réseaux (informatiques, numériques mais aussi téléphoniques), leur architecture et leur fonctionnement. Le « Programme d’innovation technologique et d’ingénierie et développement durable de première et d’ingénierie, innovation et développement durable de terminale STI2D » indique notamment que « L’éducation technologique doit permettre de doter chaque élève d’une culture faisant de lui un acteur éclairé et responsable de l’usage des technologies et des enjeux associés ».

 

Programmes cités

MEN. Enseignement Moral et Civique, Thème 1 : La liberté, nos libertés, ma liberté. In : Éduscol [en ligne], février 2020. https://cache.media.eduscol.education.fr/file/EMC/31/9/RA20_Lycee_P_CAP2_EMC_THEME_1_Liberte_nos_libertes_ma_liberte_1256319.pdf

MEN. Programme d’enseignement moral et civique de seconde générale et technologique. In : Bulletin officiel de l’Éducation nationale spécial [en ligne] n° 1 du 22 janvier 2019. https://cache.media.education.gouv.fr/file/SP1-MEN-22-1-2019/90/0/spe572_annexe1_1062900.pdf

MEN. Programme d’innovation technologique et d’ingénierie et développement durable de première et d’ingénierie, innovation et développement durable de terminale STI2D. Bulletin officiel de l’Éducation nationale spécial [en ligne] n° 1 du 22 janvier 2019. https://cache.media.eduscol.education.fr/file/SP1-MEN-22-1-2019/
61/0/spe591_annexe1_1063610.pdf

MEN. Programme de français, classe de seconde professionnelle. Bulletin officiel de l’Éducation nationale spécial [en ligne] n° 5 du 11 avril 2019. https://cache.media.eduscol.education.fr/file/SP5-MEN-11-4-2019/03/8/spe622_annexe_1105038.pdf

MEN. Programme de l’enseignement de français de la classe de seconde générale et technologique et de la classe de première des voies générale et technologique. Bulletin officiel de l’Éducation nationale spécial [en ligne] n° 1 du 22 janvier 2019. https://www.education.gouv.fr/bo/19/Special1/MENE1901575A.htm

MEN. Programme de sciences numériques et technologie de seconde générale et technologique. Bulletin officiel de l’Éducation nationale spécial [en ligne] n° 1 du 22 janvier 2019. https://cache.media.education.gouv.fr/file/SP1-MEN-22-1-2019/08/5/spe641_annexe_1063085.pdf

MEN. Programmes d’enseignement du cycle des apprentissages fondamentaux (cycle 2), du cycle de consolidation (cycle 3) et du cycle des approfondissements (cycle 4). Annexe 3, cycle des approfondissements. Bulletin officiel de l’Éducation nationale [en ligne], n° 31 du 30 juillet 2020 (Version consolidée). https://eduscol.education.fr/90/j-enseigne-au-cycle-4

MEN. Référentiel du Baccalauréat professionnel Systèmes numériques. Bulletin officiel [en ligne] n°13 du 31 mars 2016.
https://eduscol.education.fr/sti/sites/eduscol.education.fr.sti/files/Referentiel_Bac_pro_SN_18_mars_2016.compressed.pdf

MEN. Spécialité histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques de première générale. Bulletin officiel de l’Éducation nationale spécial [en ligne] n° 1 du 22 janvier 2019. https://cache.media.education.gouv.fr/file/SP1-MEN-22-1-2019/92/5/spe576_annexe_1062925.pdf

Cornélius Roosevelt, Instructions pour l’usage domestique du téléphone-Bell, 1878 / BnF

Le crime c’est l’affaire des lycéens !

Une fois l’idée esquissée, la professeure documentaliste du même établissement et un libraire du Furet du Nord de Dunkerque, choisi comme président du jury, viennent épauler la démarche. Si le prix est créé par les élèves, les adultes accompagnent, guident et encadrent1. Le chef d’établissement cautionne, valide et soutient le projet ainsi que l’ensemble de l’équipe de direction.
La démarche est innovante : créer un prix et inclure les élèves dans le processus de création. À eux d’être tantôt juré, tantôt photographe ou rédacteur web ou encore attaché de presse, vidéaste, dessinateur, etc. Pour la première année le projet a été proposé par la professeure de lettres aux élèves de première et de terminale de la spécialité HLP (Humanités, Littérature et Philosophie) qu’elle avait en classe. Neuf d’entre eux ont répondu favorablement et se sont investis tout au long de l’année en imaginant et réalisant les différentes activités en lien avec les livres de la sélection.

Être acteur de ses lectures

« Celui qui ne lit pas aura vécu une seule vie. Celui qui lit, aura vécu 5000 ans »
Umberto Eco, en entretien. Cité par Maggiori Robert.
Umberto Eco, un esprit livre. Libération, en ligne, 16 février 2016.

Faire découvrir la lecture dans sa globalité et sa complexité est important. Loin du roman de gare, le polar s’est vu attribuer tardivement ses lettres de noblesse. Les élèves, devenus sujets-lecteurs, pourront former et affiner leurs préférences et jugements esthétiques. Énigme, thriller, roman noir, psychologique, historique, scientifique… Il y en a pour tous les goûts !
En désinstitutionnalisant la lecture, les lycéens peuvent découvrir qu’un livre n’est pas uniquement un objet scolaire, que c’est une activité qui véhicule du plaisir. Un bon roman est un lieu d’évasion et de découverte.
Il importe aussi de désacraliser le livre et de donner vie à la lecture : loin de la chose poussiéreuse qui dort dans une bibliothèque, il faut montrer toute l’énergie dont il regorge. Cela permet aux participants de devenir lecteurs-acteurs et de découvrir l’impact fédérateur du monde livresque, notamment grâce aux réunions et débats qui, de surcroît, permettent le travail d’argumentation intrinsèque à tout prix littéraire.

« Celui qui ne lit pas aura vécu une seule vie. Celui qui lit, aura vécu 5 000 ans » Umberto Eco

Une sélection format poche

« À force de lire, j’ai des livres de poche sous les yeux »
Vincent Roca. Vincent Roca sucre les phrases. Albin Michel 2003.

Comment sélectionner les livres ? Pour prendre en compte le budget des lycéens, nous avons décidé de nous restreindre au format poche. Pour l’instant, les livres sont choisis en amont par le triumvirat : professeure de français, professeure documentaliste et libraire/président du jury, mais l’année prochaine, ce sont les lycéens qui sélectionneront les titres.
L’idée est de lire un maximum d’ouvrages, afin d’en sélectionner 4 à 5. Idéalement, ils doivent être tous différents : genre, écriture, thème abordé… L’éclectisme des ouvrages et des participants doit permettre de nourrir le débat final. Malheureusement, le contexte actuel nous a restreints à 3 livres.
Les livres sélectionnés sont dévoilés au fur et à mesure. Les élèves ont ensuite trois semaines à un mois pour les lire. Une fois lus par tous, nous proposons plusieurs activités et nous ne manquons pas d’imagination !

La lecture comme porte d’entrée vers des activités pédagogiques variées

À chaque livre, deux activités sont associées. Il faut mêler le pédagogique et le ludique en sollicitant la créativité et l’esprit d’invention. Réalisation d’affiches « avis de recherche » placardées dans les couloirs de l’établissement, création de bandes-sons, élaboration de Unes de journaux d’époque, transposition de romans dans la ville grâce à la photographie, sélection de tableaux évoquant un passage du livre, mise en parallèle avec des extraits d’œuvres classiques, lecture à voix haute filmée et diffusée sur les réseaux sociaux numériques, avis de lecture, réalisation d’un résumé en LSF (Langue des Signes Française)… Afin d’éviter la monotonie, chaque animation est choisie une seule fois. Les travaux des élèves sont publiés sur le compte Instagram créé pour l’occasion : prix_crime.de.l.annee.
Toutes les deux semaines, les encadrants et lycéens participant au projet se réunissent sur une « heure blanche » consacrée à différents clubs et ateliers au sein du lycée : c’est l’occasion de faire un bilan des réalisations mises en place et d’établir un nouveau planning d’actions.
À la fin de l’année scolaire, après avoir trouvé leur livre « coup de cœur », les participants défendent leurs points de vue respectifs. Un travail d’argumentation se met alors en place. Afin de faciliter cette démarche, une fiche lecture permet de faire émerger les points forts et points faibles de chaque titre.

L’élève au cœur du prix

« Quand tu sauras lire, tu ne seras jamais plus tout seul »
Jacques Folch-Ribas. Une Aurore boréale. Robert Laffont, 1974.

Les élèves sont au centre du projet. Ils ont trouvé le nom du prix, dessiné le logo, participé aux activités.
Beaucoup plus qu’un prix littéraire, l’intégration des élèves dans le processus de création participe, plus globalement, à la réussite scolaire grâce à un travail sur l’oralité et la découverte de nouveaux métiers. Nous travaillons l’argumentation : chaque élève doit faire entendre sa voix, développer son esprit critique en rédigeant des articles ou avis de lecture. C’est un entraînement pour le futur Grand Oral mais aussi pour certains, un véritable défi personnel.
Ambassadeurs, ils sont allés à la rencontre de chaque classe de l’établissement, afin de faire connaître le prix « Crime de l’Année » : résumés de livres, distribution de marque-pages, réponses aux questions des élèves ; leurs interventions étaient riches et variées.
Les adultes, eux, accompagnent. En effet, leur rôle est de penser les activités pédagogiques et d’épauler les lycéens si besoin est. La collaboration entre la professeure de lettres et la professeure documentaliste s’est mise en place tout naturellement et la répartition des tâches s’est organisée en complémentarité : la première retravaille les activités avec les élèves, corrige les éventuelles fautes de langue, etc., la seconde s’occupe de la partie communication, des publications sur le compte Instagram, etc. En parallèle, toutes les deux travaillent ensemble pour réfléchir aux activités, planifier les réalisations, les rencontres avec les membres du prix ou les interventions dans les classes.
La professeure documentaliste met à disposition des élèves du prix « Crime de l’Année » les titres choisis pour la réalisation des activités, mais propose également ces romans aux autres élèves, adultes et personnels de l’établissement pour qu’ils puissent découvrir la sélection de l’année (achat en début d’année scolaire de 10 exemplaires de chaque titre). Le CDI est le lieu d’accueil des différentes réunions de l’équipe et un espace est dédié au prix : présentoir des livres sélectionnés, marque-pages mis à disposition, avis des élèves sur chaque ouvrage sous forme de fiche « coup de cœur » et exposition d’affiches réalisées par les élèves pour promouvoir le concours littéraire dans l’établissement.

« Quand tu sauras lire, tu ne seras jamais plus tout seul » Jacques Folch-Ribas

Le marketing ou comment nous faire connaître ? Partenariat et merchandising

Une question simple a été posée aux élèves : comment faire parler du prix ? Pour le faire connaître, il faut être dans la tête des gens et pour ce faire, il faut nous voir et nous avoir !
Grâce au partenariat avec la professeure de LSF, le « Crime de l’Année » promeut l’inclusion, la découverte d’une nouvelle langue, il permet de s’ouvrir à différents publics et par là même de mettre en avant cette option du lycée Jean Bart.
La librairie Le Furet du Nord de Dunkerque a permis l’exposition des titres sélectionnés : à leur tour, les clients ont pu eux aussi trouver leur propre lauréat !
Plusieurs goodies ont été choisis. Des marque-pages ont été imprimés et distribués largement, à raison d’un marque-page différent pour chaque livre sélectionné, respectant le code couleur et l’ambiance de celui-ci. Une vente de T-shirts a facilité la visualisation de l’esprit d’équipe, l’appropriation et l’appartenance de tous à ce challenge et a apporté un financement relatif.
Une journaliste du « Phare dunkerquois », média local de la région de Dunkerque, a par ailleurs interviewé les élèves.
Il ne faut pas négliger non plus les réseaux sociaux numériques. Nous avons retenu Instagram, car son format correspond plus à la publication d’avis de lecture : il a permis de créer un lien avec certains auteurs.

Cérémonie de remise de prix

Après plusieurs débats, les participants ont sélectionné le lauréat avec pour but ultime : recevoir l’auteur. Les élèves ont alors pu revêtir la casquette de journaliste et rencontrer l’heureux gagnant, afin de découvrir le processus de création littéraire, les différents aspects du métier d’écrivain, mais aussi le circuit du livre, de l’édition à la commercialisation en passant par la communication.
La rencontre a eu lieu lors d’une cérémonie de remise de prix officielle organisée par les élèves et leurs professeurs dans le lycée. Étaient également présents d’autres professeurs, personnels et élèves de l’établissement scolaire, les familles des membres du prix littéraire ainsi que des représentants de la ville de Dunkerque et des partenaires culturels. L’équipe du « Crime de l’Année » a mis en scène des discours sous forme d’enquête policière en adéquation avec le thème. Chaque élève a pris la parole devant l’assemblée et ensemble ils ont remis un trophée orné d’un livre et d’une plume au lauréat !

Jérôme Loubry avec le trophée
du Prix « Crime de l’Année »

Bilan

Le contexte sanitaire a parfois mis à mal la motivation des élèves, mais notre enthousiasme est resté intact et a permis de raccrocher certains éléments parfois dilettantes. Malgré ces aléas, nous débordons encore d’idées. Nous avons un noyau dur d’élèves moteurs. Le mélange de ces deux groupes distincts en présentiel permet l’homogénéisation du groupe et un regain de motivation.
Nous aurions voulu inclure davantage les élèves dans la démarche de création du prix, le démarchage des professionnels de la communication et des médias mais nous n’avons pas réussi à réaliser tout ce que nous avions prévu. Cette période trouble actuelle nous a demandé une grande part d’adaptabilité. La souplesse a été notre leitmotiv. Présentiel, distanciel, changement de protocole, problèmes de connexion n’ont pas réussi à entamer notre volonté de mener à bien ce projet. Nous avons dû raccourcir certaines activités et en prendre quelques-unes en charge comme la réalisation des communiqués de presse par exemple.
Nous sommes encore pleins de ressources, et des partenariats avec des acteurs locaux sont en cours, notamment avec une librairie dunkerquoise. Nous recherchons d’autres structures pour accroître la notoriété de ce nouveau prix. À terme, nous souhaiterions participer à des événements littéraires tels que des salons du polar. Nous souhaitons aussi mettre en place l’an prochain la visite d’une rédaction de presse quotidienne régionale et rencontrer d’autres auteurs, même hors du domaine du roman policier.

Les pistes pour l’année prochaine

Cette première année nous a permis de mettre en lumière les points forts, mais aussi de cerner des axes d’amélioration. Ainsi, nous avons décidé d’ouvrir le prix à l’ensemble des élèves du lycée.
Force de proposition, les élèves et leurs professeurs liront une quinzaine de livres durant l’été et choisiront de concert les quatre derniers livres en lice à la rentrée prochaine.
Pour l’heure, nous n’avons pas encore mis en place l’ouverture du prix aux autres établissements, mais nous avons déjà quelques idées : liste des livres sélectionnés, accès aux marque-pages personnalisés, envoi des affiches de promotion et bien sûr la possibilité de voter pour le lauréat. Nous envisageons pour cela de créer une association, afin de faciliter la participation d’autres établissements : ceux-ci pourraient adhérer à l’association et obtenir le « pack » pour mettre en place l’activité.

Et l’avis des élèves dans tout ça ?

« Lorsque l’on m’a appris qu’un prix littéraire était organisé au lycée, récompensant des polars de surcroît, j’ai immédiatement rejoint le jury ! C’est une expérience inouïe et très enrichissante, que je poursuivrai sans pyrrhonisme aucun l’an prochain ! », souligne Marion élève de première.

« J’ai toujours rêvé de participer à un prix littéraire. Ce projet me tient vraiment à cœur. Cela m’a permis de découvrir un genre que je ne connaissais pas beaucoup et de partager ma passion pour la lecture avec d’autres élèves et professeurs passionnés », ajoute Juliette, élève de terminale.

Manon, élève de terminale, surenchérit en disant « le prix m’a fait découvrir l’univers du polar, qui m’était inconnu ! J’ai pu participer à un projet qui réunissait des personnes comme moi : des fans de lecture ou mangeurs de livres ! Ce prix était un très bon projet pour ma dernière année de lycée ».

Et sur ce point de vue Gaïane, élève de terminale, la rejoint « la création du prix était pour moi l’occasion de partager avec d’autres élèves une passion, qui est aujourd’hui trop mise de côté par manque de temps, et de faire des activités qui changent le quotidien du lycée ».

Et tous de conclure que 

« C’était une aventure humaine palpitante pleine d’enrichissements et de surprises »

 

 

 

Dessin de presse et liberté d’expression

Expositions, Musées

Musée Tomi Ungerer – Centre international de l’illustration – Strasbourg
Le dessin satirique en France, de 1960 à 2003 (19 mars – 4 juillet 2021)
140 œuvres et documents qui retracent le parcours du dessin satirique en France depuis 1960 et la création de Hara-Kiri en 1960 jusqu’en 2003 avec L’Imbécile de Paris.
https://www.musees.strasbourg.eu/le-dessin-de-presse-satirique-en-france-de-1960-%C3%A0-2003

Expositions Cartooning for Peace réalisées à partir d’une sélection de dessins de presse du monde entier sur différents sujets d’actualité. Elles constituent, à travers la pluralité des regards proposés, de véritables odes à la diversité, au dialogue et à la tolérance.
Le dessin de presse dans tous ses États. 2016 https://fr.calameo.com/read/002524839c8a723f39597
Les Droits de l’Homme, c’est pour quand ? 2018 https://fr.calameo.com/read/0025248399a3da056a4eb

Hôtel de Ville – Paris
Le rire de Cabu (janvier-février 2021). Plus de 350 dessins originaux sont visibles dans un parcours en huit thèmes, chers au dessinateur. Une occasion de redécouvrir la France de Cabu, mais aussi les people et les combats de Cabu. Visite virtuelle accessible https://cdn.paris.fr/cabu/index.html

CARICADOC
Le dessin de presse, entre liberté d’expression et censure – 2020
Exposition permettant d’explorer l’histoire de la caricature politique dans ses confrontations aux différents types de censures juridique, politique, administrative, économique et de poser la question de la liberté d’expression, de sa définition, de ses limites.
https://data.over-blog-kiwi.com/0/94/72/48/20200626/ob_4590a0_dessin-de-presse-censure-pdf-de-presen.pdf

BNF – Exposition virtuelle. La Presse à la Une – 2008
La partie Daumier et ses héritiers présente un rapide historique de la caricature, en définit les techniques et procédés puis souligne l’engagement commun de Daumier et de ses disciples. L’album L’histoire de la censure de la presse au XIXe siècle est également très instructif.
http://expositions.bnf.fr/daumier/index.htm
http://expositions.bnf.fr/presse/albums/02/index.htm

Centre international de la caricature, du dessin de presse et de l’humour à St Just Le Martel
Il accueille bien sûr le Salon annuel mais aussi, tout au long de l’année, des expositions temporaires consacrées aux grands noms du dessin de presse, des conférences et colloques, des spectacles et de multiples autres activités.
https://centredessinpresse-stjust.com/le-centre-international/

Maison du Dessin de Presse à Morges en Suisse
Met en valeur le dessin d’actualité, satirique et humoristique à travers plusieurs expositions et évènements. En tant que « Maison », l’objectif est de faire vivre le lieu par des rencontres, des discussions sur ce médium incitant à l’ouverture d’esprit et au regard critique.
http://mddp.ch/

Projet de musée du Dessin de presse
En janvier 2020, Franck Riester, qui était alors ministre de la culture, a annoncé la création d’une maison du dessin de presse quelque part en France, au moment de la commémoration des 5 ans de l’attentat de Charlie Hebdo. À suivre…

Organismes

Cartooning for peace
Réseau international de dessinateurs de presse engagés qui combattent, avec humour, pour le respect des cultures et des libertés. Cette association sensibilise aux grands problèmes de société en utilisant la forte valeur pédagogique du dessin de presse. C’est un éditeur de contenus reconnu, spécialiste de l’éducation aux médias et d’éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale.
https://www.cartooningforpeace.org/

Ça presse
L’association Ça presse s’appuie sur un collectif d’artistes, de chercheurs et de citoyens mobilisés autour des questions liées à la liberté d’expression à travers le médium du dessin de presse.
https://www.capresse.org/

CLEMI (Centre pour l’éducation aux médias et à l’information)
Il est chargé de l’éducation aux médias et à l’information (ÉMI) dans l’ensemble du système éducatif français et propose de nombreuses ressources pédagogiques.
https://www.clemi.fr/fr/ressources/nos-ressources-pedagogiques/ressources-pedagogiques/dessin-de-presse-et-liberte-dexpression.html

Dessinez Créez Liberté
L’association fondée par Charlie Hebdo et SOS Racisme au lendemain des attentats de janvier 2015, est née d’une nécessité : initier la jeunesse au dessin de presse et offrir aux plus grands des outils pédagogiques originaux pour ouvrir les débats et aborder les thématiques qui font l’actualité et agitent la société
https://dessinezcreezliberte.com/

Reporters sans frontières
Organisation non gouvernementale internationale fondée en 1985, reconnue d’utilité publique en France et présente en 2020 dans 14 pays. Elle se donne pour objectif la défense de la liberté de la presse et la protection des sources des journalistes.
https://rsf.org/fr

Évènements

Semaine de la Presse et des Médias dans l’École
Organisée chaque année par le CLEMI, Centre pour l’éducation aux médias et à l’information. Elle forme les élèves à devenir les « cybercitoyens » actifs, éclairés et responsables de demain, dans une société de l’information et de la communication.

Salon international de la caricature, du dessin de presse et de l’humour
Tous les ans en septembre, ce salon mêle dessins contemporains et rétrospectives, expositions collectives et découvertes singulières. Près de 200 dessinateurs du monde entier, cartoonists confirmés et futures vedettes du crayon viennent s’y rencontrer, parler de leur métier, dessiner pour un public nombreux et toujours fidèle.

Journée de la laïcité à l’école : le 9 décembre
L’anniversaire de la loi du 9 décembre 1905 est inscrit au programme des actions éducatives et donne lieu, chaque année, à des projets instructifs, ambitieux, originaux, qui font vivre la laïcité au sein des établissements.

Journée mondiale de la liberté de la presse : le 3 mai
Elle a pour vocation de sensibiliser à l’importance de la liberté de la presse et de rappeler aux gouvernements leur obligation de respecter et faire respecter le droit de liberté d’expression consacré par l’article 19 de La Déclaration universelle des droits de l’homme.

Concours

Concours du dessin de presse Médiatiks Paris
En 2021, pour commémorer l’assassinat de Samuel Paty et les attentats au journal Charlie Hebdo, le CLEMI Paris propose son prix spécial académique Meilleur Dessin de presse. Les participants peuvent proposer un dessin, accompagné d’un titre ou une légende, une intention (3 à 5 lignes), une signature et une présentation du projet pédagogique dans lequel la production de ce dessin de presse s’est réalisée.
https://www.ac-paris.fr/portail/jcms/p1_1897358/concours-mediatiks

Concours académique de dessin de presse – CLEMI de l’académie de Nantes
Action à destination des collèges et des lycées, pour aborder la liberté d’expression et ses enjeux citoyens. Ce concours met les élèves en situation de porter un regard critique sur une actualité, en lien avec l’un des deux thèmes proposés (en 2021 : « Peut-on rire de tout ? » et « L’égalité filles-garçons »).
https://www.pedagogie.ac-nantes.fr/poles-et-actions-educatives/concours-de-dessin-de-presse-clemi-1320317.kjsp

Concours académique de dessins de presse – CLEMI de l’académie de Besançon
En partenariat avec les dessinateurs de presse Rodho, Berth et Bauer, L’Est Républicain et Cartooning for Peace, le concours de dessin de presse s’adresse aux élèves des établissements du second degré. Il s’agit de réaliser un dessin de presse en lien avec l’actualité.
https://www.ac-besancon.fr/spip.php?article9121

Prix Charlie
Prix du dessin satirique de Charlie Hebdo avec l’association Dessinez Créez Liberté dont le thème 2021 était : « Trouver l’amour de sa vie avec le Covid ». https://dessinezcreezliberte.com/

Concours international de dessin de presse
Créé par l’association Cartooning for peace, le thème 2020 : « Le journalisme sans crainte ni complaisance ».

Dans les programmes

Collège

Socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Cycles 3 et 4
Domaine 3 : la formation de la personne et du citoyen
Transmettre les valeurs fondamentales et les principes inscrits dans la Constitution
BO N° 17 du 23 avril 2015

Éducation aux médias et à l’information (EMI). Cycles 3 et 4
Permettre aux élèves d’exercer leur citoyenneté dans une société de l’information et de la communication, former les «cybercitoyens» actifs, éclairés et responsables de demain.
BO spécial N° 31 du 30 juillet 2020

EMC, cycle 3
Partager et réguler des émotions, des sentiments dans des situations et à propos d’objets diversifiés : textes littéraires, œuvres d’art, documents d’actualité, débats portant sur la vie de la classe.
BO N° 30 du 26 juillet 2018

EMC, cycle 4
Dans le cadre de l’objet d’étude « Respecter autrui », les élèves ont l’occasion de mettre en avant leurs convictions, leurs sentiments moraux ou religieux et de les confronter à celles et ceux des autres pour en saisir la pluralité.
Les libertés d’expression et de la presse sont au cœur de l’objet « Acquérir et partager les valeurs de la République ».
Enfin, ces libertés sont au cœur de la construction d’une culture civique, notamment par la capacité à « exprimer son opinion et respecter l’opinion des autres dans une discussion réglée ou un débat réglé ».
BO spécial N° 31 du 30 juillet 2020

Histoire, cycle 4 et seconde
Analyser comment et jusqu’où on s’oppose, réfléchir à la possibilité ou à la nécessité de limites à la liberté d’expression face à des discours radicaux ou haineux, c’est souligner que ces questions sont permanentes dans toute société qui se fonde sur des valeurs de liberté.
BO spécial N° 31 du 30 juillet 2020

Français, cycle 4
La question de la liberté d’expression peut trouver sa place dans deux des quatre entrées qui structurent le travail en français : « Vivre en société, participer à la société » et « Agir sur le monde ». Plus particulièrement, en classe de troisième avec le parcours « Dénoncer les travers de la société ». Il s’agit notamment de faire découvrir aux élèves des œuvres, des textes et des images à visée satirique, relevant de différents arts, genres et formes, et de leur faire comprendre les raisons, les visées et les modalités de la satire.
BO spécial N° 31 du 30 juillet 2020

Lycée

EMC, Seconde
La liberté est le thème central du programme, tout comme en seconde professionnelle. Les questions sur sa définition et les débats qui l’animent y sont enrichies, comme les modalités de discussion et de débat avec les élèves autour de ces questions.
BO spécial n° 1 du 22 janvier 2019

Histoire, 1re technologique
En première technologique, le thème 2 propose un sujet d’étude sur « Victor Hugo sous la Deuxième République et le Second Empire » qui peut permettre de souligner les combats pour la liberté d’expression autour de sa lutte de proscrit puis d’exilé contre le Second Empire.
BO spécial n° 1 du 22 janvier 2019

HGGSP, première
Le programme de la spécialité permet de questionner la liberté d’expression de façon plus fine. Le thème 1 « Comprendre un régime politique : la démocratie », avec notamment le jalon « L’inquiétude de Tocqueville : de la démocratie à la tyrannie ? Une analyse politique », permet de se confronter à la réflexion d’un penseur important sur ces questions.
Le thème 4 « S’informer : un regard critique sur les sources et modes de communication » a pour objet de faire saisir le rôle des progrès techniques ainsi que le rôle fondamental d’une information libre et les enjeux qui l’entourent.
BO spécial n° 1 du 22 janvier 2019

Français, seconde générale et techno­­logique
L’objet d’étude « La littérature d’idées et la presse du XIXe siècle au XXIe siècle » ouvre une perspective littéraire et historique sur les caractéristiques de la littérature d’idées et sur le développement des médias de masse. Il s’agit de poursuivre le travail de formation du jugement et de l’esprit critique.
BO spécial n° 1 du 22 janvier 2019

Philosophie, terminale
La « liberté » est une des notions à étudier dans la voie générale comme dans la voie technologique
La philosophie propose une réflexion critique consacrée aux valeurs de la République.
BO spécial n° 8 du 25 juillet 2019

Pistes pédagogiques

Réaliser avec les élèves (club, atelier etc.) un journal scolaire centré sur le dessin satirique.

Emprunter et exploiter les expositions de dessins de presse à destination des scolaires
Cartooning for Peace propose 7 kits pédagogiques (expositions itinérantes accompagnées de livrets pédagogiques à destination des professionnels de l’éducation) : Dessinons la paix, Dessine-moi la guerre, Dessine-moi la Méditerranée, Dessine-moi le droit, Tous migrants ! Dessine-moi l’écologie, Dessine-moi l’Afrique.
https://www.cartooningforpeace.org/wp-content/uploads/2020/12/2021-Catalogue-Expositions-CFP-BD.pdf

Découvrir et analyser un dessin de presse en classe
Cette séquence proposée par le CLEMI en 2019, a pour objectifs d’identifier et interpréter les formes et les codes d’un dessin de presse et de comprendre son rôle, son lien avec l’actualité et la liberté d’expression.  https://www.clemi.fr/fr/ressources/nos-ressources-pedagogiques/ressources-pedagogiques/dessin-de-presse-et-liberte-dexpression.html

Exploiter un dessin de presse sur une thématique en lien avec l’actualité
Grâce aux fiches «décryptage» de l’association Dessinez, créer, liberté. https://dessinezcreezliberte.com/fiches-decryptage/

Proposer des séances pédagogiques variées autour du dessin de presse, notamment dans le cadre de la Semaine de la Presse et des Médias à l’École
À retrouver sur le site Édubase :  https://edubase.eduscol.education.fr/recherche?q=dessin+de+presse

Organiser un bain de dessins de presse
Les élèves glanent des dessins de presse dans différents médias et veillent à noter la source. Ils les classent en vue de préparer une exposition ou une revue de presse.

Préparer un débat sur la liberté d’expression avec des professeurs de toute matière
Retrouvez un kit avec des conseils et des activités, réalisé par l’association Jets d’Encre : http://www.jetsdencre.asso.fr/wp-content/uploads/2019/09/Kit-debat-V2019.pdf

Faire intervenir des dessinateurs en classe
S’adresser aux associations, dont Cartooning for Peace ou directement aux médias.
– L’association Dessinez Créez Liberté assure des séances en classes sur plusieurs formules en abordant le dessin de presse, le journalisme, la caricature, la désinformation…
https://dessinezcreeliberte.com/nos-actions/le-dessin-de-presse-decrypter-et-debattre/
– L’association Ça presse donne la possibilité de mettre en œuvre un parcours qui permet la création d’un support et de son contenu avec un dessinateur de presse et un journaliste. https://www.capresse.org/emi

Participer à un concours : Médiatiks, Prix Charlie, etc.

Sitographie

#Je dessine
Dans le cadre de la grande mobilisation de l’École pour les valeurs de la République, ce projet est un exemple de mise en œuvre de l’enseignement moral et civique (EMC) et de l’éducation aux médias et à l’information (EMI), de l’école élémentaire au lycée. Des dossiers pédagogiques sont proposés avec des apports théoriques et des pistes d’exploitation :
– La caricature et le dessin de presse
https://www.reseau-canope.fr/je-dessine/la-caricature-et-le-dessin-de-presse.html
– La liberté d’expression
https://www.reseau-canope.fr/je-dessine/liberte-dexpression.html

Caricatures&caricature
Un site consacré à la caricature de presse et à l’image satirique, animé par des enseignants, universitaires, et passionnés.
http://www.caricaturesetcaricature.com/

La cartoonethèque dispose d’un fonds remarquable de dessins.
http://www.cartooningforpeace.org/cartoonotheque/

ClEMI Bordeaux
Recense, sous forme d’une veille Pearltrees, un nombre considérable de ressources sur le dessin de presse et la liberté d’expression.
https://www.pearltrees.com/clemibx/ressources-dessin-de-presse/id14652990

Courrier International
La revue hebdomadaire propose une banque de dessins en lien avec l’actualité.
https://www.courrierinternational.com/dessin

Géoconfluens de l’ENS Lyon
Site à caractère scientifique pour le partage du savoir et pour la formation en géographie qui met à disposition une compilation de ressources sur la liberté d’expression, le droit au blasphème et la représentation de Mahomet.
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/actualites/veille/revues-de-presse/liberte-d-expression

 

 

Découvrir l’Histoire en mangas

Les temps anciens : des titres remarquables

Même si des périodes plus récentes sont plus souvent abordées dans les mangas historiques, il existe tout de même quelques titres remarquables situant leurs intrigues au cœur de civilisations anciennes.
Pour commencer, le manga Reine d’Égypte de Chie Inudoh revisite en 8 volumes en français (le 9e et dernier est à paraître) l’un des épisodes de l’une des civilisations les plus anciennes. La reine d’Égypte du titre n’est pas celle que l’on attend, mais Hatchepsout, qui aurait vécu entre 1508 et 1457 avant notre ère. L’œuvre relate ainsi le parcours de cette reine et son combat pour s’affranchir des règles et devenir elle-même pharaon de la XVIIIe dynastie. Cette fresque historique, de son mariage avec son demi-frère Séthi à son règne mouvementé, s’avère très documentée et reproduit cette époque de façon particulièrement prenante.
De son côté, Kingdom de Yasuhisa Hara situe son action dans la Chine ancienne. Cette longue série encore en cours, composée pour le moment d’une soixantaine de volumes, raconte la rencontre d’un orphelin avec le futur empereur Shi Huangdi et l’amitié qui en découle. Au fil des tomes, le lecteur suit les deux personnages qui vont évoluer au cœur de l’État de Qin et affronter de nombreux combats pour faire revenir la paix.
Pour découvrir l’Empire romain au tout début de notre ère, il faut lire la série Bestiarius. Elle relate en 7 tomes le quotidien de gladiateurs, contraints d’affronter des animaux féroces pour distraire l’empereur et le peuple romain. Si l’ensemble de la série est axé sur la rébellion de ces forçats, chaque volume s’intéresse plus particulièrement à l’un d’eux et en dévoile le destin. Les libertés que prend ici l’auteur quant aux mythes et légendes relatés font tout l’intérêt de cette œuvre, tout comme sa capacité à mêler les genres historiques, fantastiques, et mythologiques.
Enfin, La Vie de Bouddha nous emmène en Inde, il y a 2 500 ans, sur les traces du prince Siddhârta, que l’on connait aujourd’hui sous le nom de Bouddha. Au cours des 8 volumes proposés par un mangaka de référence, Osamu Tezuka, les lecteurs suivent le parcours du personnage depuis sa naissance (et même avant celle-ci) jusqu’à son accession au statut de Bouddha, et comprennent ainsi de quelle manière il a pu devenir une quasi-divinité. Une série servie par une narration à la fois accessible et passionnante.

Les combattants japonais

Bien sûr, les mangas sont aussi l’occasion de s’intéresser à l’Histoire japonaise, et notamment aux samouraïs et autres combattants ou chefs de guerre qui participent à l’imaginaire collectif lié à ce pays.
Le Moyen-Âge japonais, qui s’étend du XIIe siècle au XVIe siècle, inspire particulièrement les mangakas. Hoîchi, la légende des samouraïs disparus, par exemple, suit Hoîchi, un musicien aveugle qui raconte en chanson l’une des plus grandes batailles qui eut lieu au XIIIe siècle et qui vit s’affronter dramatiquement deux clans de samouraïs. Inspiré des contes japonais, ce manga met en scène avec talent les Yôkai, des esprits vengeurs issus du folklore nippon qui viennent s’en prendre aux vivants.
Au XIIIe siècle également, Angolmois : Chroniques de l’invasion mongole s’intéresse, en 8 volumes traduits (10 en version originale), à un autre aspect de l’Histoire japonaise en axant son récit sur un groupe de prisonniers envoyés en première ligne pour affronter les envahisseurs mongols.
De son côté, Le Tigre des neiges, fresque historique d’Akiko Higashimura, relate la vie d’un grand chef de guerre japonais ayant vécu au XVIe siècle et au sujet duquel un doute, quant à son genre, subsiste dans les archives. Ici, la mangaka part donc du principe qu’il s’agissait d’une femme et raconte son histoire et son ascension comme telle, tout en détaillant régulièrement les éléments historiques qui semblent valider cette thèse. Une série remarquable dans sa manière de lier l’Histoire à des mises en scènes intelligentes, avec ses personnages particulièrement bien construits et ses touches d’humour.
La fin de la période médiévale est un passage important dans l’histoire des samouraïs et pour la place qu’ils occupent désormais dans la société japonaise. C’est le propos du manga Kenshin le vagabond, qui situe son action au milieu du XIXe siècle, dans l’Empire du Japon, alors que le Moyen-Âge s’achève et que débute l’ère de l’industrialisation. Dans cette série magistrale de 28 volumes, nous suivons Kenshin, un samouraï victime de ce changement de société, qui a désarmé ses combattants et qui privilégie le commerce à la guerre. Notre héros se transforme donc en vagabond, se déplaçant sans attache dans tout le pays et vivant de nombreuses aventures.

Histoire européenne

Comme le prouve la production éditoriale, les mangakas s’intéressent également à divers pans de l’Histoire européenne, dont voici quelques exemples.
Vinland Saga, notamment, place son récit autour de l’an 1000 et immerge le lecteur dans l’histoire scandinave. On y suit Thorfinn, dont le père a été tué par un chef de guerre, dans sa quête de vengeance. Enchaînant les combats et s’affirmant au fil des ans, le jeune viking devient un combattant redouté. Pour l’aspect historique, même si le récit prend certaines libertés avec la chronologie et la cohérence, on y croisera tout de même des personnages et des batailles vikings véridiques.
Si l’on avance dans le temps, nous pouvons évoquer la période de la Renaissance, avec Arte de Kei Ohkubo, série qui compte actuellement 12 tomes traduits et dont la publication est encore en cours. Ce manga s’intéresse à la place des femmes dans la société du début du XVIe siècle, en mettant en scène une jeune aristocrate rêvant de devenir artiste peintre, mais qui fait face aux injonctions de l’époque selon lesquelles une jeune femme de son rang ne peut pas travailler. Un manga enjoué et riche, qui permet de découvrir l’Italie – plus particulièrement Florence – de la Renaissance.
Un peu plus proche de notre époque, le XIXe siècle attire aussi les mangakas. La série Emma, en cinq volumes, nous emmène dans l’Angleterre de l’époque victorienne, sous prétexte d’une histoire d’amour impossible entre Emma, domestique, et William, fils de bonne famille. Même siècle, mais autre contexte, l’adaptation du Capital de Karl Marx nous plonge en deux volumes dans la fin du XIXe siècle et la révolution industrielle en Europe. Une manière de découvrir à la fois la vie ouvrière de l’époque et d’aborder plus facilement l’œuvre de Karl Marx et ses théories économiques.

Le XXe siècle : la violence des conflits

Dans les mangas, le XXe siècle se retrouve principalement à travers ses conflits et leurs conséquences, permettant de donner une autre perspective à l’Histoire récente de certaines régions du monde et plus particulièrement de l’Asie.
En 1937, une partie de la Chine est envahie par l’armée impériale du Japon, déclenchant la seconde guerre sino-japonaise qui dura huit ans. C’est dans ce contexte que se déroule La Balade de Yaya, lors d’un exode massif de la population fuyant les combats. La rencontre de deux enfants issus de milieux différents, qui dans un autre contexte n’auraient jamais dû être amis, constitue le point de départ de cette série en 9 volumes. Le récit suit leur périple à travers la guerre au prisme de leur amitié, avec innocence et intelligence.
À peu près à la même période, mais dans une autre région du monde, L’histoire des 3 Adolf d’Osamu Tezuka démarre en 1936 aux Jeux Olympiques de Berlin et court jusqu’au début du conflit israélo-palestinien, en passant par la Seconde Guerre mondiale. Mêlant faits historiques et fiction, ce manga fleuve se base sur une rumeur laissant entendre que Hitler aurait eu des origines juives. Cette fresque est aussi celle d’une amitié entre deux enfants, tous deux prénommés Adolf, l’un juif et l’autre fils d’un haut dignitaire nazi.
La Seconde Guerre mondiale est un sujet important dans le paysage éditorial des mangas, et particulièrement les événements liés à la bombe atomique. Ainsi plusieurs mangakas situent leurs œuvres dans Hiroshima, par exemple Gen d’Hiroshima, une série en 10 tomes qui dépeint le quotidien des Japonais pendant la guerre. À travers le regard d’un jeune garçon pauvre dont la famille est harcelée à cause des convictions pacifistes du père, le lecteur découvre cette époque où le soutien à l’effort de guerre semble primordial pour la plupart des Japonais. C’est à la fin du premier tome que le bombardement survient, dépeint dans un style naïf qui caractérise le point de vue de l’enfant mais qui n’efface pas l’horreur. Le Pays des cerisiers de Fumiyo Kouno de son côté se déroule plusieurs années après la catastrophe et s’intéresse aux conséquences psychologiques, physiques et familiales de l’événement sur les habitants rescapés. Grâce à trois courtes histoires, dans lesquelles on suit des enfants et des jeunes adultes ayant perdu des membres de leurs familles en même temps que leur innocence et leurs rêves, l’auteur dresse le portrait d’une jeunesse dévastée par cet épisode d’une violence inimaginable.
Enfin, Akira Fukaya met l’accent dans son manga Enfant-soldat sur les massacres perpétrés par les Khmers rouges dans les années 1970 au Cambodge. À travers le destin d’un orphelin de 10 ans contraint de rejoindre les rangs de l’armée de Pol Pot, l’auteur revient sur cette période marquée par la guerre civile puis par le conflit entre le Vietnam et le Cambodge.

Regard social sur l’Asie

Pour terminer, le manga historique est aussi l’occasion de porter un regard sur les évolutions sociales d’un pays. Une vie chinoise, par exemple, série en trois volumes, observe les mutations de la société chinoise depuis les années 1950 et la révolution culturelle de Mao Zedong jusqu’aux années 1980 et l’émergence de la Chine moderne. On suit en parallèle Xiao Li, né de l’union de deux camarades du parti communiste, et l’évolution politique et sociale du pays. Traversant ainsi le Grand Bond en avant et la grande famine, les injonctions du Petit Livre rouge, la mort de Mao, la politique d’ouverture et les réformes, c’est l’histoire de toute une génération qui est racontée.
Enfin, autre génération dans un autre pays, celle des mouvements étudiants de 1968 au Japon est au cœur du manga Unlucky Young Men. Ici les personnages se retrouvent dans un bar à l’ambiance révolutionnaire et évoquent les universités en grève, les affrontements avec la police et même les attentats terroristes. Grâce à un scénario proche du polar, l’auteur nous emmène au cœur de la jeunesse révoltée de Tokyo et parvient à ancrer son récit dans la chronique sociale de l’époque.

Comme le montre ce panorama non exhaustif du manga historique, ce genre regorge d’œuvres exigeantes et extrêmement riches. Permettant au lectorat occidental de s’intéresser à des époques et des contextes peu ou pas connus ou bien de découvrir un autre point de vue sur des pans historiques qui nous concerneraient plus, c’est un media particulièrement enthousiasmant pour allier divertissement et connaissance du monde.