Appel à contributions : 50 ans d’Intercdi, retour vers le futur

Dans le numéro spécial 299-300 nous fêterons le cinquantième anniversaire d’InterCDI.

À cette occasion, l’équipe de la rédaction tient tout d’abord à vous remercier de votre fidélité et revient vers vous pour solliciter vos témoignages sur le lien particulier qui vous unit à InterCDI. Faites-nous part de ce qui vous a marqué dans la vie de la revue, de votre participation à cette aventure associative, de ce qui vous a été utile dans le cadre de votre pratique professionnelle, mais également de vos souhaits pour les numéros à venir.

Ce numéro est tourné vers l’avenir. Penser l’avenir c’est s’appuyer sur le passé – « le passé est la lanterne du futur » selon les mots de Hacène Mazouz –, c’est s’ancrer dans le présent pour envisager des continuités et jeter des ponts vers ce qui n’est pas encore, ce qui peut advenir et qui est souhaitable.

Avec vous, demandons-nous ce que sera, demain, le métier de professeur documentaliste. Un enseignant à part entière, producteur de contenu pédagogique ? Un spécialiste des médias ? Un organisateur de projets ou de contenus culturels ? Le CDI du futur sera-t-il écologique ? numérique ? ludique ? en réseau ? hors les murs ?

Le CDI sera-t-il Black Mirror ou Wonderful World ?

À vos plumes et à vos claviers pour nous envoyer vos contributions avant le 30 avril 2022 !

Pour une préparation optimale du numéro, n’hésitez pas à contacter la Rédaction au plus tôt : intercdi.articles@gmail.com

L’EMI au cycle 3 : un objet de paradoxes

Les travaux académiques mutualisés ont pour but de produire de la réflexion sur le numérique en lien avec le cadre de référence des compétences numériques (CRCN) et participent au développement d’une culture numérique1. En privilégiant les partenariats interacadémiques, il s’agit de travailler de manière approfondie en rapport avec un sujet disciplinaire et d’expérimenter une séquence pédagogique. Le fruit de ce travail d’équipe fera l’objet d’une fiche synthétique publiée sur le site national Edubase2 qui regroupe les pratiques pédagogiques en lien avec le numérique.

Dans le cadre des TraAM 2020/2021, dont la thématique en documentation est Continuum de formation et compétences informationnelles : quelle place le professeur documentaliste occupe-t-il dans le processus d’acquisition de la culture informationnelle ? nous voulions travailler, dans l’académie de Bordeaux, sur la notion même d’Éducation aux médias et à l’information (EMI) et sur sa définition qui nous semblait être au cœur du métier d’enseignant documentaliste. La thématique de l’année des TraAM nous a orientée sur la liaison École-Collège.
Afin d’élargir notre recherche, nous avons pris contact avec d’autres enseignantes documentalistes qui participaient aux TraAM dans d’autres académies, ce qui nous permis de réaliser une recherche inter académique sur l’Éducation aux médias et à l’information au cycle 3 dans le premier degré3.
Notre objectif était d’étudier la mise en œuvre de l’EMI dans les classes de CM1 et CM2. De plus, nous voulions modéliser une culture de l’information spécifique au Cycle 3 dans le premier degré, c’est-à-dire dessiner les contours théoriques se dégageant des représentations et des pratiques déclarées des professeurs des écoles. D’autres collègues ont travaillé sur des objectifs plus concrets tels qu’un travail sur les compétences engagées ou des outils nécessaires aux professeurs des écoles. Tout ceci avait pour but de mieux adapter la pédagogie documentaire à l’entrée en 6e 4.

Point théorique sur l’EMI au Cycle 3

Avant de débuter notre travail de recherche, nous nous sommes intéressées tant aux directives ministérielles et aux recommandations pédagogiques qu’aux représentations du numérique des enseignants.
Selon le ministère de l’Éducation nationale, « [l’EMI] doit être intégrée à tous les enseignements. À l’heure des médias de masse et des réseaux numériques, garantir à tous les élèves la maîtrise de ces compétences contribue à la réduction des inégalités culturelles et sociales. C’est donc une nouvelle responsabilité qui s’impose à l’École » (MEN, 2018)5. Cependant, les recommandations pour la mise en œuvre de l’EMI demeurent, selon les enseignants, complexes et pauvres et entrent souvent en conflit avec le rapport au numérique des enseignants qui regrettent le manque de formation et de moyens (Pascau, 2021). Ainsi, la question de l’EMI dans l’Éducation nationale est loin d’être tranchée. Trouver un consensus semble difficile tant pour une définition des contenus à transmettre que pour un déploiement dans les établissements scolaires (Frau-Meigs, Loicq & Boutin, 2014). C’est la raison pour laquelle nous avons voulu approfondir ce sujet. Dans cet article, nous proposons une modélisation de l’EMI au cycle 3 en nous appuyant sur les verbatims des enseignants. Nous expliciterons tout d’abord notre méthode de recherche puis nous détaillerons nos résultats de recherche.

Contextualisation de la recherche et méthodologie

Nous avons choisi, pour mener notre réflexion par le biais d’une recherche scientifique, une méthodologie empirique en deux temps, quantitative et qualitative, avec un questionnaire en ligne et des entretiens qualitatifs à destination des enseignants ayant en charge des classes de CM1 ou de CM2. Notre corpus de recherche avec soixante-neuf réponses au questionnaire et dix entretiens nous permet d’avoir un échantillonnage riche et hétérogène qui se répartit sur quatre académies : Guyane, Lille, Nantes et Bordeaux. Nous en avons extrait des statistiques et des discours représentatifs et explicatifs sur l’EMI. Nous précisons entre parenthèses la question à laquelle correspond le verbatim ou les données chiffrées auxquels nous faisons référence.
Le questionnaire réalisé sur Google Forms et diffusé via un lien par mail comportait vingt-neuf questions réparties en quatre thématiques (annexe 1) : le positionnement théorique des répondants par rapport à l’EMI ; la réalité de la mise en œuvre de cette éducation dans les établissements (difficultés notamment) ; les compétences relatives à l’EMI et leur évaluation ; la liaison école-collège et les rapports entretenus avec l’enseignant documentaliste à travers le prisme de l’EMI.
Le graphique ci-dessous montre la répartition des réponses par département.

Figure 1 – Répartition des réponses au questionnaire par département

Pour le volet qualitatif, nous avons procédé à des entretiens semi-directifs et compréhensifs ; le corpus de verbatims recueillis lors des entretiens sert à illustrer les données chiffrées et à expliciter les tendances extraites du questionnaire. L’entretien compréhensif, à partir d’une grille indicative de questions, donne une certaine souplesse permettant de questionner le sujet en tenant compte de ses réponses, sous la forme d’une discussion entre pairs ou d’un partage d’expériences et souvent sur le ton de la confidence. Les dix entretiens se répartissent de manière homogène dans les trois académies, sur une période de quatre mois. Ils ont été menés soit en présentiel, soit en distanciel.

Le tableau ci-dessous montre la répartition chronologique des entretiens au sein des académies. Le codage employé (Établissement Scolaire + Numéro de département + Numéro d’entretien dans le département) permet de citer les répondants en respectant leur anonymat.

Tableau 1 – Répartition des entretiens

Les verbatims récoltés nous ont permis d’avoir un corpus de recherche riche sur lequel nous nous sommes appuyées pour dessiner les contours théoriques de l’EMI. D’une durée moyenne d’une trentaine de minutes, les entretiens visent à connaitre la définition de l’EMI et ses caractéristiques, la réalité de l’implémentation de l’EMI dans les classes (difficultés rencontrées, pratiques évaluatives, part du numérique dans l’EMI). (Guide d’entretien, Annexe 2.)

Limites et biais de la recherche

Nous avons rencontré des difficultés quant à la diffusion du questionnaire pour communiquer directement avec les professeurs des écoles. Nos différentes tentatives pour transmettre notre lien ont souvent échoué et nous avons eu besoin de relancer régulièrement nos contacts.
Cependant, notre échantillonnage de soixante-neuf réponses s’avère intéressant car hétérogène : en effet, nous sommes parvenues à réunir des réponses réparties sur onze départements de cinq académies différentes.
Nous regrettons le peu d’entretiens qu’il nous a été possible de mener mais il a été difficile pour nous de convaincre les répondants au questionnaire en ligne de participer à un entretien d’approfondissement. Les professeurs des écoles ayant répondu favorablement sont souvent des personnes de notre entourage professionnel direct ou avec qui nous avons développé des relations professionnelles privilégiées. Cependant, nous avons veillé à préserver notre objectivité.

À partir des réponses aux questionnaires et de l’analyse discursive des entretiens, nous allons exposer quelques caractéristiques de l’EMI telles que nous les avons analysées. L’EMI s’est imposée à la lumière de nos résultats comme un objet de paradoxes ce que nous allons tenter de démontrer.

Un objet d’étude entre réflexion et procédure

Les réponses à la question « Q 4 – Donnez 3 mots clés relatifs selon vous à l’Éducation aux Médias et l’Information (EMI) » ont permis de recueillir les représentations que les répondants ont de l’EMI. Trois axes se dégagent, à savoir les médias, la recherche d’information et l’esprit critique. Il en émerge une notion dichotomique avec une double préoccupation : procédurale et réflexive.

Les définitions données en entretien « E2 – Quelle définition donnez-vous à l’EMI ? » confirment ce premier aspect paradoxal et rejoignent les représentations observées à travers le nuage de mots. Toutefois, elles demeurent floues et partielles ; L’EMI sert à “comprendre le monde mais en le décortiquant” (ES33-2). Pour d’autres enseignantes, l’EMI, “c’est savoir rechercher des informations pour mieux s’éduquer, si on peut dire” (ES 973-01) ou c’est “apprendre à se servir de… apprendre aux enfants ce qu’est une information, quels sont les supports d’information, comment on fait le tri entre des informations avérées ou pas, les sources du coup les différents médias” (ES33-1). Dans la définition suivante, nous remarquons que l’EMI est définie comme comportant deux volets : “c’est deux versants, le versant comment on s’en sert – je ne sais pas…- pour rechercher, pour trouver des informations, et de l’autre côté le versant justement avoir un regard critique aussi sur tout ce qu’on trouve sur internet, sur ce qu’on peut faire, pas faire” (ES 973-2).

L’EMI : Kesako ? Une notion inconnue mais indispensable

Tout au long des entretiens, nous avons remarqué que l’EMI n’était pas une notion évidente pour les professeurs des écoles rencontrés : l’EMI semble relever du second degré. Lorsque nous leur avons présenté la thématique de l’EMI, nous avons dû expliciter quasi systématiquement le sigle. Certains (ES973-2) voient vaguement de quoi il retourne : Si, si, cela doit apparaître, alors moi je… il faudrait que je regarde plus précisément dans les programmes (Réponse à une relance à la question « E2 – Cela apparaît dans vos programmes ou tu ne vois pas du tout de correspondance ? »). Cela s’explique par la méconnaissance des recommandations institutionnelles de la part des enseignants alors qu’il existe un texte officiel sur les Orientations pour l’éducation aux médias et à l’information (EMI) Cycles 2 et 3 émanant du ministère de l’Éducation nationale (MEN 2018).
Même si cela peut sembler une évidence, nous pouvons souligner qu’il n’y a pas d’enseignant documentaliste dans le premier degré, ce qui peut expliquer le manque de sensibilisation des professeurs des écoles à l’EMI.
Cependant, nous notons un consensus de la part des enquêtés sur la nécessité absolue de l’EMI à l’école sans savoir la définir précisément : ils ne sont qu’une minorité à la réfuter (moins de 3 %). En réponse à la question « Q5 – Pensez-vous qu’aborder l’EMI soit indispensable pour les élèves ? Plusieurs réponses possibles », ils sont 80 % à dire que l’EMI forme à des pratiques d’information raisonnées, 60 % à choisir la culture générale et 40 % à déclarer que l’EMI est utile pour la continuité de la scolarité.
Enfin, en réponse à la question « Q7 – Mettez-vous en œuvre l’EMI dans votre établissement pour le cycle 3 ? », 71 % des répondants affirment déployer l’EMI en classe. Un tiers des enseignants du premier degré interrogés ne fait donc pas d’EMI alors que la quasi-majorité l’estime indispensable.
Quelles conclusions en tirer ? Les professeurs des écoles semblent faire de l’EMI sans le formaliser. Complexe et difficile à cerner pour les répondants, l’EMI est une notion encore mal connue dans le primaire, sans doute parce qu’elle est insuffisamment théorisée, et qu’elle n’a pas encore fait l’objet d’une réflexion didactique adaptée aux élèves de ces cycles d’enseignement ; les enseignants, de ce fait, peuvent se sentir impréparés, et surtout mal armés quand il s’agit de la mettre en œuvre même s’ils la jugent indispensable. Les problématiques temporelles et techniques entrent sûrement également en jeu.

L’EMI entre émotions et esprit critique

Il ressort de cette étude que l’EMI est une réponse à des problématiques sociales actuelles qui relèvent de la société de l’information et qui interrogent la place et le rôle des médias dans la société. Les enseignants traitent des sujets relatifs à l’EMI quand ils sentent que les apprenants en ont besoin et selon ce à quoi ils sont confrontés dans leur vie de futur citoyen. Les séances pédagogiques mises en œuvre dans ce cadre prennent en compte leurs réactions affectives et émotionnelles en rapport avec l’information. Une enseignante nous confie s’adapter à ce que vivent ses élèves : “Nous, l’information c’est plutôt l’information sur la documentation, pas tellement sur des sujets d’actualité, sauf quand ça touche l’école, quand ça touche les valeurs de la république ou des fois on la traite parce qu’ils en ont besoin et qu’on le sent » (ES 33-2). (« E4 – Comment travaillez-vous en EMI en classe de CM1-CM2 ? »)

Nous pouvons souligner la posture de médiateur des enseignants entre l’élève et l’information dans la mise en œuvre de l’EMI notamment pour aborder les médias et l’information d’actualité, dans une forme de régulation et d’explicitation en partant de leur vécu et de leurs expériences.

L’EMI moins importante que les mathématiques ?

Bien que considérée par tous comme indispensable, l’EMI est ainsi très loin d’être systématiquement mise en place dans les établissements scolaires. Les raisons invoquées sont liées à des problèmes d’ordre matériel ou temporel. Il est souvent question d’un manque d’ordinateurs, ou de connexion internet défectueuse dans la classe pour expliquer l’impossibilité de travailler en EMI. Parfois, les disciplines telles que le français ou les mathématiques prennent le pas sur l’éducation à l’information : Néanmoins, je ne réalise pas de progression EMI en tant que telle et je trouve peu le temps d’en faire (« E4 – Comment travaillez-vous en EMI en classe de CM1-CM2 ? ») nous confie une enseignante (ES62-1). Le manque de connaissances des ressources explique aussi cette situation : les formations sur le thème de l’EMI sont assez rares d’après les répondants. Une enseignante (ES973-2) regrette le manque de programme et d’organisation de l’EMI : Du tout, parce qu’on n’a pas de formation, on n’a pas d’outils non plus. On nous donne ça comme ça.
Les modalités de formation diffèrent suivant les écoles : pour 50 % des professeurs des écoles interrogés, l’approche de l’EMI est transversale, alors que 34 % l’abordent dans le cadre de projets spécifiques (« Q9 – Comment abordez-vous l’EMI ? »). L’évaluation (« Q17 – Comment évaluez-vous les élèves en EMI ? ») est, quant à elle, inexistante pour la moitié des répondants. Quand elle a lieu, il s’agit de validation de compétences prédéfinies en amont ou de réinvestissement pour d’autres activités d’apprentissage.
Nous pouvons parler d’un saupoudrage avec une adaptation pédagogique hétérogène spécifique à chaque enseignant et à chaque établissement, la priorité allant à des contenus disciplinaires considérés comme essentiels.

Une notion commune qui ne sert pas de passerelle entre l’école et le collège

Enfin, la liaison école/collège concerne très peu l’EMI et, selon les résultats du questionnaire, l’enseignant documentaliste n’est pas un partenaire « naturel » de cette liaison. 7 % des projets seulement concernent l’EMI et seuls 8 % des professeurs des écoles travaillent avec un enseignant documentaliste (« Q23 – Faites-vous des actions EMI dans le cadre de la liaison école/collège (projets en EMI intégrant le collège) ? » ; et « Q24 – Travaillez-vous en collaboration avec les enseignants du collège de secteur (pour l’EMI ou autre) ? »).
Une enseignante (ES33-2) le déplore : On a fait beaucoup de projets, ça fait des années qu’on fait des projets avec le collège mais pas vraiment sur cette thématique là, sur d’autres mais c’est vrai que ça serait peut-être à proposer. Une autre (ES62-2) souligne les contraintes bloquant le développement de partenariats : J’aimerais bien avoir des documents d’ailleurs de ta part pour mettre en œuvre l’EMI, en connaissant ta progression 6e. Maintenant, pour ce qui est du numérique, la chose serait compliquée en CM2… Je serais partante pour remettre en place ce genre de chose en EMI… mais sans ordinateur (« E6 – Pensez-vous qu’il peut exister une continuité de l’EMI entre l’école et le collège ? »).
Il nous semblait intéressant d’approfondir les missions de l’enseignant documentaliste en tant qu’enseignant et personne-ressource, et partenaire potentiel du premier degré : en effet, 90 % des enseignants sont favorables à des actions de sensibilisation ponctuelles dans leur classe dans le cadre de la liaison école/collège (« Q28 – Seriez-vous favorable à l’intervention d’un enseignant documentaliste référent en EMI pour des actions de sensibilisation ponctuelles dans votre classe dans le cadre de la liaison école-collège ? »).

Ainsi selon les enseignants enquêtés, alors que l’EMI représente une thématique transversale essentielle qui se poursuit dans le second degré, la liaison école-collège est loin d’être systématique et mériterait d’être davantage développée.

Perspectives

L’EMI apparaît bien comme un objet de paradoxes : cependant, selon nous, cela fait aussi sa spécificité et sa richesse. Les contours théoriques ébauchés, entre transversalité et citoyenneté, en passant par un essaimage optimisé, nourriront les pratiques pédagogiques.

Figure 2 – Modélisation EMI au cycle 3

Notre recherche dans le cadre des TraAM ne se limite pas à ce travail réflexif autour de l’EMI ; nous avons travaillé également sur les compétences en EMI au cycle 3 et avons voulu les mettre en rapport avec les apprentissages au collège. Nous avons aussi souhaité créer des ressources et des outils pour aider à l’intégration de l’EMI dans le premier degré mais aussi à la transition école/collège, que nous avons mis en ligne sur Internet et qui feront sûrement l’objet d’une publication ultérieure. Nous avons esquissé l’idée que les enseignants documentalistes pourraient devenir des personnes ressources pour les enseignants du premier degré tant pour les accompagner dans la pédagogie en EMI que pour la mise à disposition de ressources.

Afin de poursuivre notre réflexion, nous aimerions suivre le développement de l’EMI sur une année dans une ou deux classes au cycle 3 afin de pouvoir cerner les contenus abordés sur le long terme : ce sera sûrement l’objet de notre travail pour l’année 2021-2022.

 

Annexe 1 – Questionnaire en ligne

Q1 – Vous êtes actuellement enseignant…
Une seule réponse possible.
En CM1
En CM2
En double niveau CM1/CM2
En CM1+Secondaire (enseignant spécialisé)
En CM2+Secondaire (enseignant spécialisé)
En double niveau CM1/CM2 + Secondaire (enseignant spécialisé)

Q2 – Dans quel département (numéro de département) exercez-vous ?

Q3 – Quelle est la taille de l’école primaire dans laquelle
vous exercez ?
Une seule réponse possible.
Moins de 100 élèves
Entre 100 et 200 élèves
Entre 200 et 300 élèves
Plus de 300 élèves

Q4 – Donnez 3 mots clés relatifs selon vous à l’Éducation
aux Médias et à l’Information (EMI)

Q5 – Pensez-vous qu’aborder l’EMI soit indispensable
pour les élèves ?
Plusieurs réponses possibles.
Oui, pour la suite de la scolarité
(pour que les élèves ne soient pas perdus au collège)
Oui, pour la culture générale de l’élève
Oui, pour le développement de « bonnes pratiques d’information »
Non
Autre

Q6 – Si non, pourquoi ?

Q7 – Mettez-vous en œuvre l’EMI dans votre établissement pour le cycle 3 ?
Une seule réponse possible.
Oui Non

Q8 – Si non, pourquoi ?

Q9 – Comment abordez-vous l’EMI ?
Plusieurs réponses possibles.
Vous abordez explicitement l’« EMI » en dehors des apprentissages disciplinaires quotidiens
Vous l’abordez de façon transversale entre les disciplines
Vous l’abordez dans le cadre de projets spécifiques
Vous ne faites rien de spécial ; c’est implicite
Autre. Précisez

Q10 – Comment vous organisez-vous dans les temps
de cours ?
Une seule réponse possible.
Vous proposez des temps dédiés « EMI » supplémentaires dans l’emploi du temps des élèves
Vous intégrez transversalement l’EMI dans l’emploi du temps des élèves, au sein des disciplines
Vous ne faites pas d’EMI

Q11 – Quelles compétences en EMI abordez-vous en classe ?
Plusieurs réponses possibles.
Rechercher, identifier et organiser l’information
Écrire, créer, publier, réaliser une production collective
Découvrir ses droits et ses responsabilités dans l’usage des médias
Découvrir et s’approprier un espace informationnel et un environnement de travail
Découvrir les médias sous leurs différentes formes
Aucune

Q12 – Dans le cadre de la mise en œuvre de l’EMI, abordez-vous de façon différenciée les médias papiers et numériques avec les élèves ?
Une seule réponse possible.
Oui, vous expliquez aux élèves la/les différence.s entre ces deux types de médias
Non, vous abordez ces deux types de médias sans vous attarder sur leur.s différence.s
Vous n’abordez que les médias papiers
Vous n’abordez que les médias numériques
Vous n’abordez ni les médias papiers, ni les médias numériques

Q13 – Avez-vous des difficultés matérielles à la mise en œuvre de l’EMI ?
Une seule réponse possible.
Oui Non

Q14 – Si oui, lesquelles ?

Q15 – Avez-vous des difficultés personnelles ou organisationnelles à la mise en œuvre de l’EMI (manque
de temps et/ou de compétences) ?
Une seule réponse possible.
Oui Non

Q16 – Si oui, lesquelles ?

Q17 – Comment évaluez-vous les élèves en EMI ?
Une seule réponse possible.
Aucune évaluation
Validation de compétences prédéfinies en amont
Réinvestissement pour d’autres activités
Autre. Précisez

Q18 – Avez-vous déjà entendu parler de PIX ?
Une seule réponse possible.
Oui, vous savez précisément de quoi il s’agit
Oui, vous connaissez le sigle mais vous auriez des difficultés à expliquer ce que c’est en détails
Non

Q19 – Avez-vous discuté avec les élèves de la certification numérique qu’ils passeront au cycle 4 ?
Une seule réponse possible.
Oui Non

Q20 – Cliquez ci-dessous sur les repères que vous seriez susceptible d’aborder avec vos élèves ou que vous abordez déjà avec les élèves
Plusieurs réponses possibles.
Mener une recherche simple
Mettre en relation des informations
Sauvegarder des fichiers
Publier des contenus en ligne
Signaler des contenus en ligne
Protéger sa vie privée
Utiliser un outil d’écriture collaborative
Créer un traitement de texte simple
Mettre en page simplement le contenu d’un traitement
de texte
Numériser une image ou un son
Réaliser du codage simple
Savoir ce qu’est une donnée à caractère personnel
Comprendre qu’une utilisation non réfléchie du numérique peut avoir un impact sur sa santé
Savoir de quoi est composé matériellement un espace
de travail informatique (exemple : souris, clavier)
Savoir se connecter à un ENT
Aucun

Q21 – Faites-vous des actions pour la liaison école/collège
(en-dehors de l’EMI) ?
Une seule réponse possible.
Oui Non

Q22 – Si oui, lesquelles ?

Q23 – Faites-vous des actions EMI dans le cadre de la liaison école/collège (projets en EMI intégrant le collège) ?
Une seule réponse possible.
Oui Non

Q24 – Travaillez-vous en collaboration avec les enseignants
du collège de secteur (pour l’EMI ou autre) ?
Une seule réponse possible.
Oui Non

Q25 – Travaillez-vous en collaboration avec l’enseignant-documentaliste du collège de secteur (pour l’EMI ou autre) ?
Une seule réponse possible.
Oui Non

Q26 – Avez-vous bénéficié d’une sensibilisation à l’EMI (formation) ?
Une seule réponse possible.
Oui Non

Q27 – Quels supports utilisez-vous pour mettre en œuvre l’EMI (personnels, institutionnels) ?

Q28 – Seriez-vous favorable à l’intervention d’un enseignant documentaliste référent en EMI pour des actions de sensibilisation ponctuelles dans votre classe dans le cadre
de la liaison école-collège ?
Une seule réponse possible.
Oui Non

Q29 – Seriez-vous favorable à l’intervention d’un professionnel de l’EMI autre qu’un enseignant documentaliste pour des actions de sensibilisation ponctuelles dans votre classe dans
le cadre de la liaison école-collège ?
Une seule réponse possible.
Oui Non

 

Annexe 2 – Grille d’entretien

E1 – Trois mots-clés qui se rapportent à l’EMI

E2 – Quelle définition donnez-vous à l’EMI ?

E3 – Considérez-vous l’EMI comme indispensable au cycle 3 ? Expliquez

E4 – Comment travaillez-vous en EMI en classe de CM1-CM2 ?

E5 – Quelles compétences en EMI attendez-vous des élèves ?

E6 – Pensez-vous qu’il peut exister une continuité de l’EMI entre l’école et le collège ?

E7 – Comment envisagez-vous la continuité de l’EMI entre l’école et le collège ?

E8 – Quelle(s) compétence(s) EMI vous semble(nt) indispensable(s) mais s’avèrent dans les faits difficiles
à mettre en œuvre dans votre établissement ?

E9 – Quelles seraient selon vous les limites potentielles
à la mise en œuvre de l’EMI dans votre école ?

E10 – Quelles seraient selon vous les facteurs favorisant
la mise en œuvre de l’EMI dans votre école ?

E11 – Quels intervenants pensez-vous pouvoir contacter pour des interventions EMI dans votre établissement ? En dehors de votre établissement ?

E12 – À quel(s) type(s) d’intervenant(s) aimeriez-vous pouvoir faire appel ?

E13 – À quelle(s) ressource(s) numérique(s) avez-vous accès dans votre établissement ?

E14 – Quelle(s) ressource(s) numérique(s) supplémentaire(s) serai(en)t selon vous utiles pour la mise en œuvre de l’EMI dans votre établissement ?

 

 

Les réseaux sociaux

DU POSITIF ET DE L’HUMOUR POUR COMMENCER

L’humain est sociable par définition et il a besoin d’être reconnu par ses pairs. Être exclu du groupe, génère de la honte et de l’anxiété. À cet égard, les sites de réseautage social fonctionnent comme un nouveau système d’appartenance, d’où leur développement. Certains titres prennent en compte ces nouvelles expériences sociales et leurs vertus comme dans La ligue des amis imaginaires d’Agnès Marot ou quand Internet rapproche et crée des amitiés fortes. Ce récit met en scène trois adolescents qui se rencontrent via les réseaux et fondent un groupe. Des adolescents aux parcours et origines bien différents mais qui vivent des situations difficiles : phobie sociale, poids des traditions et maladie. Pas larmoyant mais plutôt optimiste et frais, ce roman est une ode à l’amitié, même si elle est virtuelle. Grâce à sa forme qui mêle différents supports : échanges de mails, extraits Whats’app, Twitter, photos Snapchat et même journal intime, ce récit actuel se lit d’une traite. Il sera apprécié par les plus jeunes (6e et 5e) et montre que la présence sur les réseaux sociaux ne doit pas remplacer celle dans la vraie vie. Sophie Rigal-Goulard dans 15 jours sans réseau, explore avec esprit ces nouveaux besoins et confirme l’addiction qu’ils suscitent. Émilie et sa famille partent en vacances dans la Creuse pour se couper des réseaux. C’est le choix de ses parents mais pas celui d’Émilie et ses frères, accros à Internet. Comment vivre ces vacances sans wifi ? Défi insurmontable ? Pas si sûr car les adolescents vont finir par s’habituer et réinventer leur quotidien. Ce roman choisit l’angle de l’humour pour aborder cette addiction de plus en plus prégnante chez les jeunes (et les moins jeunes) et cela fonctionne bien. Pas simple de se couper du monde et la tentation est grande de retourner sur la toile, qui, par bien des aspects, il faut le reconnaître, nous simplifie la vie. Le ton est juste et l’autrice ne rejette pas en bloc Internet ; elle essaie adroitement de proposer des alternatives, ce qui est plutôt plaisant. Une lecture fluide et facile dès la 6e. Enfin dans Le monde selon Walden de Luc Blanvillain, l’original Walden, collégien, devient malgré lui la superstar des réseaux sociaux. Il utilise cette notoriété soudaine pour servir de bonnes causes : qu’elles soient humanitaires, écologiques… Mais cette surmédiatisation finit par l’ennuyer, d’autant plus qu’il devient aussi une cible économique, ce qu’il ne souhaite pas. Il veut reprendre le contrôle de sa vie. Un récit drôle et intelligent pour parler du pouvoir des réseaux sociaux à mettre entre les mains des élèves de 6e ou 5e. L’écrivain réussit à ne pas stigmatiser, juste à amener à réfléchir par soi-même en mettant en lumière les côtés positifs et négatifs de ces outils numériques. Une belle illustration, comme dans l’ouvrage d’Henry David Thoreau, qu’il faut s’abstraire du monde et de ses désirs pour devenir réellement soi-même.

ET DES ROMANS PLUS ALARMISTES

Chantage, menace et cyberharcèlement

Le harcèlement revêt de nouvelles formes avec l’explosion des réseaux sociaux et la littérature jeunesse a su s’emparer de ce sujet pour mettre en garde les adolescents contre ces pratiques calomnieuses. Les romans sont nombreux et les scénarios souvent graves. Cachés derrière un écran, les jeunes ne mesurent pas toujours leurs propos et les conséquences peuvent être dramatiques : perte de l’estime de soi, repli, dépression, tentative de suicide. En effet, les rumeurs et médisances se propagent comme une traînée de poudre à l’échelle du virtuel. Trois récits méritent le détour et pourront être proposés dès la 4e. Arthur Ténor dans la collection « Engagé » chez Scrineo signe un récit percutant : La guerre des youtubeurs. Amy, 14 ans, est célèbre et riche grâce à sa chaîne Youtube, « Amycoquette », mais ce n’est pas du goût de tout le monde. Si bien qu’elle devient la cible d’un youtubeur masqué qui se déchaîne contre elle. Titouan, un camarade de classe, voudrait l’aider mais comment lutter contre des détracteurs anonymes qui se lâchent gratuitement ? Un roman fort dont l’objectif est de sensibiliser les jeunes au cyberharcèlement et ses répercussions. Il permet une prise de conscience de la notion de responsabilité et des poursuites judiciaires possibles. Poignant et dramatique, cet ouvrage manque toutefois de nuance.
Quand Marion se laisse séduire par Enzo, le caïd du collège, elle, si solitaire et sensible, rayonne. Mais le bonheur est de courte durée, puisqu’elle comprend qu’elle a été victime d’une machination de la part d’Enzo et ses copains. Ces derniers l’ont filmée alors qu’Enzo l’embrassait et ont publié la vidéo suggestive sur YouTube. C’est l’enfer pour Marion qui décide de se venger. Tel est le thème du roman La fille seule dans les vestiaires des garçons d’Hubert Ben Kemoun. Ce dernier évoque la cruauté des adolescents et la surexposition que provoquent les réseaux sociaux. Un fait qui restait isolé auparavant fait dorénavant le buzz sur Internet avec des effets dévastateurs chez celui qui en est victime. C’est un récit incisif où l’on ressent vraiment les émotions de l’héroïne.
Enfin, Ma réputation de Gaël Aymon met en scène Laura, une jeune lycéenne qui préfère la compagnie des garçons. Quand Sofiane, un de ses amis, essaie de l’embrasser, elle se fait exclure du groupe. C’est alors la descente aux enfers : Laura se retrouve seule et devient victime des pires ragots sur les réseaux sociaux. Une situation dont elle n’arrive pas à parler à ses parents ou professeurs. Un roman court et poignant sur le rejet, l’intimidation, le harcèlement et le rôle des nouveaux médias sur Internet.

Images volées et harcèlement sexuel

Deux romans intenses peuvent être proposés aux élèves de 3e et lycéens sur cette thématique délicate ; ils visent à dénoncer et alerter les jeunes contre les agressions sexuelles via le Net. Mauvaise connexion de Jo Witek dans lequel Julie se fait manipuler par un prédateur sexuel. Adolescente passionnée de mode, elle s’inscrit sur un tchat sous le pseudo de « Marilou » et fait la connaissance de Laurent, un photographe âgé de 20 ans. Il lui promet une carrière de mannequinat et l’ensorcelle. Très vite, elle tombe amoureuse de lui et s’enferme dans cette relation virtuelle. Tendre et affectueux au départ, il va ensuite l’obliger à se dévêtir pendant qu’il la photographie via sa webcam. Même si elle se dégoûte, elle ne peut s’empêcher de continuer. L’autrice détaille avec justesse cet engrenage qui amène la jeune fille à être soumise. Une manipulation sournoise qu’utilisent ces cyber-harceleurs pédophiles. Dans Je voudrais que tu… de Franck Andriat, la narration se partage entre les pages du journal intime de Salomé, qui veut devenir écrivain et les échanges de sa bande d’amis sur leur « chat d’or », un réseau social où chaque membre s’engage à écrire en bon français et à ne pas s’insulter. Lorsque deux nouveaux adolescents s’invitent à ces discussions, le ton change ainsi que les propos. Une jeune fille en souffrance livre son expérience de jeu sexuel. Par ce récit, l’auteur dévoile les déviances d’Internet, surtout sur les êtres les plus fragiles, notamment la pornographie ou les images volées. Il exhorte aussi les jeunes à avoir de vraies relations plutôt que des échanges virtuels. Le final est tragique mais il amène les protagonistes à réfléchir. À ne pas mettre entre les mains des plus jeunes même si l’illustration de couverture est naïve et le livre court.

Identité numérique et mensonge

L’adolescent, pour se construire, cherche à se conformer aux normes de son groupe d’appartenance ; il est en quête d’une reconnaissance sociale par ses pairs. C’est pourquoi, il veut donner une bonne image de lui, quitte à travestir la réalité. Ces situations sont exposées dans deux romans où les personnages s’inventent une autre identité : Dans de beaux draps et Fake, fake, fake. Marie Colot évoque, dans le premier, le mensonge et le cyberharcèlement à travers l’histoire de Jade, 14 ans. Cette dernière fait partie d’une famille recomposée un peu compliquée, puisqu’elle n’a pas moins de cinq frères et sœurs issus de mariages différents, et ça ne s’arrête pas là, car elle voit débarquer Rodolphe, le fils le plus âgé de son beau-père dont elle ignorait l’existence. Parce qu’il a 20 ans et beaucoup de charme, l’adolescente poste une photo de lui sur son mur Facebook en faisant croire que c’est son nouveau petit ami. Une gloire soudaine sur les réseaux sociaux l’encourage à persévérer dans ses affabulations. Elle réinvente sa vie pour attirer l’attention, mais, brusquement, cela se retourne contre elle ; la voilà prise à son propre piège. Elle va alors être victime d’ignobles rumeurs et d’injures gratuites. Tout l’intérêt de ce récit est de montrer que la popularité sur Internet peut atteindre des sommets avant de retomber comme un soufflet. Il est très facile d’enjoliver son image sur les réseaux, mais la réalité finit par vous rattraper. Le sujet est sérieux mais l’optimisme et la légèreté dédramatisent ce récit, le rendant accessible dès la 5e. Fake, fake, fake de Zoé Beck est destiné aux collégiens à partir de la 4e et raconte l’histoire d’Edvard, 14 ans. Pour plaire à Constance et parce qu’il est mal dans sa peau, il crée un faux profil sur Facebook. Il devient donc Jason, un bel Américain en voyage scolaire. Sa notoriété augmente et il accumule les mensonges ; comment échapper à cet engrenage ? Même si l’intrigue ne tourne pas qu’autour de l’usurpation d’identité sur Internet, elle permet d’appréhender ce phénomène qui peut, dans certains cas, mal se terminer.

Gérer sa célébrité sur YouTube

YouTube est une machine à créer de nouvelles stars, parfois éphémères et issues de tous milieux. Cette surmédiatisation n’est pas sans conséquence car le youtubeur est tenu d’apparaître sous un beau profil ; il doit constamment communiquer avec sa communauté et obéir aux diktats des marques qui négocient des contrats juteux avec eux. Un statut pas toujours facile à gérer car il s’avère difficile pour ces célébrités de vivre en dehors des écrans et c’est ce qu’ont très bien montré ces deux romans récemment publiés. Dans C’est pas ma faute coécrits par Anne-Fleur Multon et Samantha Bailly, la jeune Lolita est une influenceuse beauté populaire, jusqu’au jour où elle disparaît des réseaux. Prudence, une admiratrice de la première heure, s’interroge sur ce soudain silence. Qu’est-il arrivé à la célèbre youtubeuse ? Un roman qui fait alterner les voix des deux adolescentes de même que le temps (la disparition de la jeune fille étant la date de référence). Ce thriller montre à quel point les deux jeunes filles sont dépendantes des réseaux : l’une est rattrapée par la célébrité qu’elle ne peut plus assumer seule, l’autre est une fan inconditionnelle qui vit au travers des vidéos de la youtubeuse. L’occasion de dénoncer les aspects pervers du système : chantage commercial, dénigrement des internautes, narcissisme… Dans Les enfants sont rois de Delphine de Vigan, ce sont deux enfants qui sont piégés dans la folie YouTube. Mélanie, leur maman, expose sur sa chaîne « Happy Récré » les faits et gestes de ses bambins comme le déballage de cadeaux, les « yes challenge » au cours desquels leur maman dit oui à tout et autres mises en scène. Dans cette course aux followers, elle oublie les vrais besoins de ses enfants qui deviennent des marchandises. Mais un jour, sa fille est enlevée et l’enquête cherche à déterminer qui pourrait lui en vouloir. Un livre glaçant sur la triste réalité des enfant youtubeurs victimes de leurs parents. Intimité familiale exhibée, opportunité lucrative avec le placement de produits, enfants instrumentalisés, Delphine de Vigan explique ce nouveau phénomène médiatique et esquisse les répercussions psychologiques chez ces jeunes stars du Web.

Addiction aux écrans et réseaux sociaux

De plus en plus de chercheurs alertent sur les effets inquiétants des réseaux sociaux sur le cerveau, et sur leurs dangers pour les adolescents. Même Facebook a reconnu que la consommation de contenus, quand elle est passive, peut avoir un impact négatif sur le bien-être. La fréquence des rencontres entre jeunes a diminué ces dernières années au profit des écrans. Parallèlement, le pourcentage d’adolescents dépressifs ou déclarant se sentir seuls a, quant à lui, augmenté. Et si la corrélation entre temps passé sur son smartphone et dépression existe, la causalité reste difficile à prouver : est-ce sa consultation qui affecte la santé mentale ou les personnes déjà fragiles qui passent plus de temps en ligne ? C’est l’éclairage que nous apporte Christine Deroin avec son roman (Dé)connexions. Enzo, Manon et Clément se rencontrent via les réseaux sociaux et décident de se retrouver autour d’un jeu en ligne. Ils ont des profils bien différents mais sont tous les trois dépendants des écrans jusqu’à berner leurs parents, devenir insomniaques, refuser les vraies relations et même fuir avec des inconnus. « Saison Psy » est une collection intelligente et originale où chaque épisode du récit est ponctué par l’analyse d’un psychologue. Grâce au regard de ce professionnel, le jeune prend conscience des origines, des enjeux, des signes et des conséquences d’une addiction aux écrans et réseaux sociaux. Accessible dès la 6e, ce docu-fiction ne dénigre pas Internet mais met en garde contre la boulimie et l’asphyxie. Serge Tisseron, éminent psychiatre et spécialiste des questions autour de l’usage d’Internet, propose aux collégiens un Guide de survie pour accros aux écrans. À partir de quinze situations que rencontrent les parents et ados connectés, il explique pourquoi une surconsommation d’Internet est dangereuse et prodigue des conseils pour apprendre à gérer son temps. Plutôt que de diaboliser les outils numériques, il souhaite montrer les avantages d’un usage raisonné des écrans. Il aborde, à travers de multiples exemples, les questions d’Éducation aux Médias et à l’Information comme le droit à l’image, l’identité numérique, le pistage et les publicités… Un outil indispensable que l’on peut exploiter avec les élèves avec plusieurs chapitres consacrés aux réseaux sociaux.

Anticipation et monde virtuel

La question des réseaux sociaux n’est pas absente des romans d’anticipation ou dystopies qui s’adresseront aux élèves de 3e et lycéens. Les auteurs ont su imaginer des mondes où Internet est détourné de sa finalité de départ. Les outils ne servent plus à communiquer et partager mais peuvent se révéler redoutables et menaçants. Dans Réseaux de Vincent Vulleminot, le DKB (DreamKatcherBook) a supplanté Facebook. Il s’agit d’un réseau avec une partie diurne publique et une partie nocturne privée sur laquelle les utilisateurs partagent leurs cauchemars. Sixtie, une adolescente, y exorcise ses démons mais un jour, elle voit la mort en direct dans des vidéos qui s’inspirent de ce qu’elle a partagé. Ce roman, complexe par sa structure, est un policier haletant qui pose de nombreuses questions, en particulier sur l’usage des réseaux sociaux où la violence circule librement. L’auteur y brosse les problématiques d’un monde hyper connecté, voire effrayant. Interfeel d’Antonin Arger met en scène une société futuriste où les habitants sont connectés à Interfeel, un réseau qui permet de ressentir les émotions des autres. Nathan et ses amis ont toujours vécu avec ce dispositif et sont persuadés de son bien-fondé mais lorsque leur enseignant se défenestre, leurs certitudes basculent. Est-ce un monde idéal ? Cette dystopie enclenche une réflexion sur l’emprise et l’influence des médias sociaux. Ils nous enferment dans nos certitudes et entravent les vraies relations. Elle permet aussi de faire des liens avec ce que les chercheurs décrivent aujourd’hui, à savoir les bulles de filtres générés par les algorithmes qui amènent les internautes à s’enfermer et s’isoler dans leurs croyances. Joëlle Charbonneau, dans Need, a choisi de mettre en scène un réseau social qui accomplirait tous vos désirs en échange de certaines missions. Celui-ci connaît évidemment un succès fou auprès des adolescents de la ville de Nottawa aux États-Unis. Mais au fil du temps, les contreparties demandées par Need s’avèrent de plus en plus périlleuses. Un excellent thriller qui suscite bien des questions : qu’est-on prêt à faire pour voir s’exaucer ses désirs ? Jusqu’où peut-on aller sous couvert d’anonymat ? Quelle frontière entre la réalité et le virtuel ? Un bon moyen de considérer la manipulation qu’exercent les réseaux sociaux sur les jeunes. Titania 3.0 de Pauline Pucciano nous propulse dans le Paris du XXIIe siècle où chacun doit être connecté pour exister. Jan, poète et solitaire, rencontre Titania, une jeune fille entièrement retouchée et icône des réseaux sociaux. Mais leur histoire d’amour naissante se complique lorsqu’un officier de police demande à Jan d’enquêter sur elle. Derrière cette histoire, c’est la critique d’une société ultra-libérale qui est dessinée : un monde régi par l’argent, l’apparence et les réseaux sociaux avec des laissés-pour-compte, les HR (Hors Réseau). Un livre de science-fiction qui fait froid dans le dos car il pointe des dérives déjà actuelles.

 

 

La folie

Expositions, Musées

Musée d’Art et d’Histoire de l’Hôpital Sainte-Anne, Paris.
Présente une collection d’œuvres d’art réalisées par des patients depuis la fin du XIXe et propose des expositions en lien avec la folie.
https://musee.mahhsa.fr/

Musée d’art et d’histoire de la Psychiatrie de Ville-Evrard, Neuilly-sur-Marne.
https://www.tourisme93.com/document.php?
pagendx=84&engine_zoom=PcuIDFC930001283

Musée Henri Theillou, Clermont.
Histoire de la psychiatrie à Clermont dans l’Oise.
https://www.musee-theillou.fr/

Camisole complète et objets de soin © musée Theillou

Musée les Arcades, Avignon.
Histoire de l’hôpital Montfavet et de la psychiatrie, représentations sociales de la folie, propose de nombreuses expositions : Camille Claudel, les soldats oubliés de la Grande Guerre, entre autres.
http://www.ch-montfavet.fr/decouvrir-le-chm/les-lieux-et-leur-histoire/musee-les-arcades/

« Mental Désordre : Changez le regard sur les troubles psychiques », Cité des sciences, Paris, 2016.
Voir extraits de l’exposition en ligne.
https://www.cite-sciences.fr/fr/ressources/expositions-passees/mental-desordre/lexposition/


Exposition « Charcot : une vie avec l’image », La Pitié Salpêtrière, Paris, 2014.
https://www.aphp.fr/contenu/exposition-charcot-une-vie-avec-limage-du-12-mai-au-9-juillet-2014-la-pitie-salpetriere
https://www.aphp.fr/sites/default/files/presse/1249/Charcot-DP-VF.pdf (dossier de presse)

Exposition « La folie en tête, aux racines de l’art brut » 2018, Maison de Victor Hugo à Paris.
https://www.maisonsvictorhugo.paris.fr/fr/expositions/la-folie-en-tete
Vidéo et dossiers de presse disponibles en ligne.
https://www.maisonsvictorhugo.paris.fr/sites/victorhugo/files/cp_dp_visuels/dossiers_de_presse/dp_folie.pdf

Musée de l’Art Brut, Lausanne, Suisse.
Historiquement appelé l’art des fous, l’art brut est réalisé par des artistes « hors-normes » (L’art asilaire, l’art médiumnique, l’art des marginaux et des excentriques).
http://www.artbrut.ch

Exposition « Dés­équi­libre. Névrosés, mélancoliques et psy. », Muséum Dr. Guislain, Gand, Belgique (12 octobre 2019 au 31 décembre 2022).
Ce musée est par ailleurs entièrement consacré à l’histoire de la psychiatrie.
https://www.museumdrguislain.be/fr

Musée d’histoire de la médecine, Paris.
https://u-paris.fr/musee-de-lhistoire-de-
la-medecine/

Pistes pédagogiques

Avec le professeur d’arts plastiques ou HDA, recherches documentaires sur les artistes considérés comme fous et étude de leurs œuvres sous le prisme de la folie.

Avec le professeur de philosophie, questions philosophiques, organiser un débat : les artistes sont-ils forcément fous. Qu’est-ce qu’être fou ? Les représentations du fou (relativité de cette notion), doit-on enfermer les fous ? Liberté et tolérance, évolution de la perception de la folie.

Sciences : recherches documentaires sur les soins, les types de médicaments et effets mais également sur le cerveau et les neurosciences. Réflexion sur l’expérimentation scientifique (cf. Rabelais : « science sans conscience n’est que ruine de l’âme »).

Histoire des sciences et SES : recherches documentaires sur l’évolution du traitement des maladies psychiques et des malades après visionnage de films (Depardon, par exemple) ou lecture de la bd HP.

Recherches iconographiques sur les représentations des fous (photos, dessins etc.), plus particulièrement les folles (cf. Charcot et l’hystérie).

Histoire et histoire des sciences : la naissance de la psychiatrie, l’asile et l’enfermement, les fous de la Grande Guerre : lecture d’ouvrages et visite d’une exposition sur le sujet.

EMC : Droit : La loi et le fou : débat sur l’irresponsabilité pénale, invitation d’intervenants, avocats, chroniqueurs judiciaires, entre autres. Lecture et analyse des chroniques judiciaires des journaux : Le Monde, Charlie Hebdo et / ou réalisation d’une revue de presse sur un procès impliquant cette notion.

Visiter une exposition ou un musée consacré au sujet.

Projet avec le service médical et les psychologues visant à développer la tolérance et l’acceptation des différences chez les élèves.

Dans les programmes

HLP, Terminale
Histoire et violence : les formes de violence sociale
La recherche de soi : Les métamorphoses du moi

Philosophie, Terminale
Notions : L’inconscient

EMC, Sixième à Troisième
Le respect d’autrui : accepter les différences
→ Maladie psychique, inclusion des élèves

Histoire, Première
Thème 4 : La Première Guerre mondiale : Le bilan humain de la guerre
→ Traumatisme psychologique de survivants
https://cache.media.eduscol.education.fr/file/SP1-MEN-22-1-2019/93/9/spe577_annexe2_1062939.pdf

Français, Seconde
Le roman et le récit du XVIIIe siècle au XXIe siècle
→ Une fiction traitant de la folie
https://cache.media.education.gouv.fr/file/SP1-MEN-22-1-2019/92/8/spe575_annexe1_1062928.pdf

Histoire des arts, Première
Mettre en valeur les parentés stylistiques qui rattachent les œuvres et les formes artis­tiques à un artiste, un courant
→ Art brut
https://cache.media.eduscol.education.fr/file/SPE8_MENJ_25_7_2019/15/4/spe263_annexe_
1159154.pdf

STSS, Première
Santé, bien-être et cohésion sociale
Notions : santé individuelle, bien-être – socialisation – normes, valeurs – intégration sociale
https://cache.media.education.gouv.fr/file/SP1-MEN-22-1-2019/55/5/spe642_annexe3_1063555.pdf

Représentations artistiques

Brouillet, André. Une leçon clinique à la Salpêtrière, 1887, Musée d’histoire de la médecine de Paris.

Bosch, Jérôme. La Nef des fous, vers 1500-10, musée du Louvre, Paris (huile sur bois).

Bosch, Jérôme. La Nef des fous, vers 1500-10, musée du Louvre, Paris
Détail © 2015 RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Franck Raux

Dix, Otto. La Folle de Sainte-Marie-à-Py, 1925 (gravure).

Dubuffet, Jean. Dhotel nuancé d’abricot, 1947, Centre Georges Pompidou, Paris.

Egon, Schiele. Autoportrait au coude droit dressé,1914, collection particulière.

Goya, Francisco de. L’Enclos des fou, 1794, Meadows Museum, Dallas.

Soutine, Chaïm. L’idiot, 1920, Musée Calvet, Avignon.

Sitographie

La folie dans la littérature, Bibliothèques de Paris.
https://bibliotheques.paris.fr/la-folie-dans-la-litterature.aspx?_lg=fr-FR
Sélection de livres sur la thématique de la folie

La folie dans l’art, Artsper magazine.
https://blog.artsper.com/fr/la-minute-arty/folie-dans-lart/
Sélection d’œuvres sur la représentation de la folie

Filmographie

Documentaires

Depardon, Raymond.12 jours, Wild Bunch Distribution, 2017. 1 h 26 mn. Trilogie : San Clemente (1982), Urgences (1988).

Muxel, Paul ; Solliers, Bertrand de. Histoires autour de la folie. M de S films, 1993. 1 h 40 mn.

Governatori, Diego. Quelle folie. Les Films Hatari, 2018. 3 h 05 mn.
Sur l’autisme asperger.

Bing, Wang. À la folie. Les Acacias, 2015. 3 h 47 mn. Un hôpital psychiatrique du sud-ouest de la Chine.

Pighetti, Olivier. Folie meurtrière Documentaire. Piments Pourpres/ France Télévisions, 2021. 69 mn. Sur la folie et la justice.

Laclotte, Marine. Folie douce, folie dure. Lardux Films, 2020. 18 mn.
Ce documentaire animé propose une balade dans le quotidien de plusieurs institutions psychiatriques.

Fictions

Brooks, Mel. Frankenstein junior. Michael Gruskoff, 1974. 101 mn. Film sur un savant fou.

Cronenberg, David. A Dangerous Method. RPC, 2011. 93 mn. Histoire de la patiente de Carl Jung.

Forman, Milos. Vol au-dessus d’un nid de coucou. Fantasy Films, United Artists, 1975. 133 mn.

Hitchcock, Alfred. Psychose. Shamley Productions, 1960. 109 mn.

Jonze, Spike. Dans la peau de John Malkovich. Universal Pictures, 1999. 112 mn.

Kubrick, Stanley. Shining. Hawk Films, Peregrine, 1980. 119 mn

Kubrick, Stanley. Docteur Folamour. Columbia Pictures et Hawk Films Ltd,1964. 95 mn. Comédie, militaire fou.

Loach, Ken. Family life. EMI Films, Kestrel Films, 1971. 108 mn.

Laurent, Mélanie. Le bal des folles. Amazon Studios, 2021. 122 mn.

Nuytten, Bruno. Camille Claudel. Lilith films IA, Gaumont, Antenne 2, 1988. 175 mn.

Parker, Alan. Birdy. A&M Films, TriStar,1984. 120 mn.

Soderbergh, Steven. Paranoïa. Fingerprint Releasing, 2018. 98 mn.

Truffaut, François. L’Histoire d’Adèle H.United. Artists, Les Films du carrosse, 1975. 100 mn.

Winocour, Alice. Augustine. ARP Sélection, 2012. 102 mn.

Radio

Le bal des folles de la Salpêtrière (2 épisodes), France Culture, 2020.
Épisode 1 : Le corps exhibé :
https://www.franceculture.fr/emissions/une-histoire-particuliere-un-recit-documentaire-en-deux-parties/le-bal-des-folles-de-la-salpetriere-le-corps-exhibe
Épisode 2 : Jane Avril, la danseuse insoumise :
https://www.franceculture.fr/emissions/une-histoire-particuliere-un-recit-documentaire-en-
deux-parties/jane-avril-la-danseuse-insoumise

Psychiatrie : la folie ordinaire (4 épisodes), Perrine Kervran, France Culture, 2021.
Épisode 1 : La part de folie en nous :
https://www.franceculture.fr/emissions/lsd-la-serie-documentaire/psychiatrie-la-folie-ordinaire-14-la-part-de-folie-en-nous
Épisode 2 : Le destin de la psychiatrie :
https://www.franceculture.fr/emissions/lsd-la-serie-documentaire/psychiatrie-la-folie-ordinaire-24-le-destin-de-la-psychiatrie
Épisode 3 : Infirmiers : les garde-fous de la psychiatrie :
https://www.franceculture.fr/emissions/lsd-la-serie-documentaire/psychiatrie-la-folie-ordinaire-34-infirmiers-les-garde-fous-de-la-psychiatrie
Épisode 4 : En prison sur ordonnance :
https://www.franceculture.fr/emissions/lsd-la-serie-documentaire/psychiatrie-la-folie-ordinaire-44-en-prison-sur-ordonnance

 

 

Algorithmes et manipulations ?

Dans ce numéro, nos collègues entendent, entre autres, démystifier l’éducation aux médias et à l’information, réfuter les évidences dont cet enseignement est souvent affublé, à l’instar des théories sur la pseudo neutralité des algorithmes ou encore sur les digital natives. Chacun insiste sur l’indispensable médiation pédagogique des enseignants pour déjouer les pièges du numérique, expliciter les intentions réelles derrière les programmes informatiques, utiliser de manière adéquate ces outils. Antoine Henry, maître de conférences en SIC, analyse le rôle croissant des algorithmes dans nos vies, tout en soulignant le grand mystère qui règne encore autour de leur conception : contenu tenu secret, prétendue neutralité, notamment. Il nous alerte sur la nécessité d’introduire des séances de formation sur ce sujet auprès des élèves et suggère quelques pistes de travail en ce sens. Adeline Segui Entraygues et ses collègues développent une réflexion sur la notion d’ éducation aux médias et son apprentissage dans l’enseignement primaire, réflexion qui, hélas, permet de constater le manque de formation de nos collègues et la méconnaissance de notre métier par ceux-ci. Lucile Sire rédige une fiche pratique parfaitement intégrable au cours de sciences numériques et technologie : comment réaliser des ­booktubes, booktrailers ainsi qu’un thèmalire autour des réseaux sociaux avec une palette thématique qui va de l’humour à la gestion de sa “célébrité” sur le net, en passant par les inévitables dangers. Le tour d’horizon numérique de Gabriel Giacomotto vous convaincra définitivement de la nécessité de rester informé et averti. Marine Brochard Castex, affectée dans un CDI de collège en milieu rural, ambitionne pour sa part de démontrer comment un accueil étendu et de qualité, associé à une réflexion visant à faciliter et à favoriser l’accès à des ressources variées, peut être un vecteur d’égalité entre les élèves. Enfin, l’ouverture culturelle sur la folie nous rappelle qu’il est essentiel de combattre les préjugés et les idées toutes faites, en somme, garder l’esprit ouvert en toutes circonstances.

Ce numéro est également pour nous l’occasion de vous souhaiter à toutes et à tous une excellente et heureuse année 2022, laquelle sera marquée par la célébration du 50e anniversaire de la revue Intercdi, dans un numéro spécial publié cet automne.

Le CDI, un espace de réduction des inégalités ?

Au printemps 2020, la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid19 a mis en lumière les inégalités d’accès à la culture, à l’informatique et à l’information rencontrées par les jeunes, lesquelles sont liées, entre autres, aux origines sociales des élèves. Cette situation n’est cependant pas nouvelle, comme les rapports de conclusion des enquêtes PISA menées par l’OCDE l’ont régulièrement pointée aux professionnels de l’éducation depuis les années 2000. Ainsi pouvait-on lire en 2015 dans leurs conclusions : « plus on vient d’un milieu défavorisé en France, moins on a de chances de réussir » (OCDE, 2015)1. À la rentrée 2021, le ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports inscrit cette lutte contre les inégalités dans la circulaire de rentrée, la présentant comme un des quatre grands axes de l’année 2021-2022, et désignant l’école comme « un lieu où chacun a sa place, en donnant plus à ceux qui ont moins pour assurer l’égalité des chances […] en parachevant la transformation de l’École inclusive »2. Cependant, à aucun moment, ni le lieu CDI ni l’action de l’enseignant·e documentaliste n’apparaissent dans la circulaire de rentrée parmi les différents moyens matériels et humains à disposition pour contribuer à cette égalité des chances.
Or, l’action de l’enseignant·e documentaliste semble particulièrement importante dans sa dimension sociale : d’abord parce que le lieu CDI est, au sein du service public d’éducation, un espace porteur de valeurs d’égalité, ensuite en raison de l’implication de l’enseignant·e documentaliste en tant que gestionnaire d’un centre de ressources, et enfin du fait de son rôle dans la diffusion de ces valeurs à l’ensemble de la communauté éducative.
En appui à une réflexion sur ces questions, je propose ici quelques suggestions, basées sur mon expérience professionnelle en milieu rural défavorisé, qui visent à réduire les inégalités. Dans quelle mesure et en quoi les missions d’accueil et la mise à disposition des ressources en CDI peuvent-elles contribuer à cet objectif ?

Le CDI, un espace égalitaire ?

Au cœur de l’établissement, service public d’enseignement, le CDI est un centre d’information accessible chaque jour, à des horaires compatibles avec les activités du public scolaire, et pleinement intégré dans un espace fréquenté quotidiennement par les adolescent·es. C’est un lieu qui met ses ressources à disposition sans formulaire d’inscription, et gratuitement. Par rapport aux médiathèques municipales urbaines, ce sont autant de freins levés : pas besoin de consentement parental ni de frais d’adhésion, pas d’amendes liées aux retards, pas de justificatif de domicile, pas de problème de carte oubliée, pas d’horaires incompatibles ou de déplacements à ajouter au quotidien. Par rapport aux bibliothèques rurales, la plus-value est encore plus importante : les déplacements des adolescent·es y sont souvent intercommunaux et soumis au bon vouloir d’adultes disponibles alors que l’amplitude horaire d’ouverture est plus restreinte qu’en ville. Le fonds des bibliothèques rurales, qui s’adresse à un large public, est généraliste ; les personnels sont encore souvent des bénévoles, lesquels n’ont pas toujours reçu de formation particulière à la littérature jeunesse ou aux problématiques de l’information-documentation ; les budgets peuvent être aléatoires et pas forcément consacrés à des acquisitions destinées aux adolescent·es.
Au-delà de l’inégalité d’accès matériel au lieu de culture, le CDI pallie aussi les inégalités sociales. En effet, comme le constate Sébastien Goudeau, maître de conférences en psychologie sociale : « Les élèves des classes moyennes et favorisées arrivent à l’école avec une familiarité plus grande vis-à-vis des attendus et savoirs scolaires que celle des élèves de classes populaires. Par exemple, les premiers fréquentent davantage les bibliothèques, les musées et pratiquent plus d’activités extrascolaires. Ces pratiques favorisent le développement de connaissances et de compétences qui s’avèrent très utiles pour la réussite scolaire » (Goudeau, 2020). La présence du CDI dans les murs de l’établissement gagne ainsi à se penser comme une complémentarité, si ce n’est une compensation de cet accès aux médiathèques que l’on sait plus compliqué, moins aisé, voire inexistant, chez les élèves les plus défavorisé·es ou éloigné·es géographiquement des lieux de culture. C’est une porte de moins à franchir pour les hésitant·es.

Comment adopter une pratique qui favorise l’égalité ?

Le CDI est donc, déjà en lui-même, un formidable terreau d’égalité, et si, par sa seule existence, il incarne des valeurs égalitaires (mixité sociale, accessibilité universelle), il appartient ensuite à l’enseignant·e documentaliste d’orienter en ce sens sa pratique professionnelle et tout d’abord de lutter contre l’image élitiste qui pourrait encore être associée au lieu en l’ouvrant à la multiplicité des publics et des usages qui y trouvent légitimement leur place. Contrairement aux salles de classe ou à la permanence qui apparaît comme un repli obligatoire sur le temps libéré en collège, le CDI est souvent le seul espace de l’établissement où l’élève peut choisir de venir ou non. À nous de faire en sorte que chaque élève connaisse son existence, les activités qu’on peut y mener et les multiples raisons d’y venir.
Cette réflexion se mène au sein de l’établissement, en l’adaptant à la particularité de chaque EPLE, de chaque CDI, pour faire du centre de ressources un espace où les élèves se sentent bien, dont le fonctionnement leur est familier, et un outil dont ils se saisissent. En effet, « il ne suffit pas qu’une offre soit présente à proximité, gratuite et physiquement accessible pour qu’elle soit connue, reconnue et utilisée » (Rabot, 2015), nous devons veiller à ce que chacun·e se sente légitime au CDI.
La question de son ouverture, que ce soit dans son amplitude horaire ou dans ses modalités, semble primordiale. Dans les établissements, le CDI est souvent ouvert en parallèle des heures de permanence, pour des usages différents mais complémentaires : recherche, travail en groupe ou en autonomie, utilisation de l’informatique, lecture, ou simplement attirance pour le lieu… Rendre la venue du public légitime, c’est ne pas hiérarchiser les motifs de présence ; c’est ne pas demander de comptes aux élèves qui fréquentent le lieu à propos de ce qu’ils·elles y font ; et du côté de l’enseignant·e documentaliste, c’est oublier un peu les indicateurs de performance. Il semble, de même, contreproductif de conditionner un usage, souvent considéré comme plus attractif, à un autre qui semblerait plus rébarbatif (du type « tu peux utiliser les ordinateurs à condition d’avoir lu auparavant pendant 15 minutes »).
Face à un public adolescent, souvent versatile et pas forcément capable d’anticipation, il peut être intéressant de lever au maximum les freins à la fréquentation du lieu. Questionnons ses modalités d’accès : les inscriptions préalables, les passages préalables par la vie scolaire avant accès, les venues pour une durée minimum… visent-elles une optimisation de sa fréquentation par les élèves ou une optimisation de l’organisation de l’enseignant·e ? Sans négliger les pratiques de l’établissement, avec ses contraintes matérielles ou structurelles, l’objectif doit rester de favoriser la venue des élèves en privilégiant un fonctionnement qui leur soit adapté. Par exemple, sur la question du temps, même si le collège impose un temps-cadre d’une heure sur les temps scolaires, pour des raisons de responsabilité, le temps périscolaire de la pause méridienne peut sans doute faire l’objet d’un usage plus libre. L’ouverture en flux continu le midi n’est pas forcément synonyme d’un va-et-vient désorganisé et peut répondre aux différents besoins des adolescent·es : ainsi, l’un·e qui a prévu juste de venir chercher un ami·e, peut finir happé·e par une lecture, l’autre qui pense avoir besoin d’un temps long pour finir un travail informatique, peut en fait libérer une place plus tôt que prévu. L’objectif de 100% des élèves venu·es au moins une fois dans l’année au CDI est atteignable !
En collège, l’amplitude horaire est réduite par rapport au temps total d’ouverture de l’établissement du fait du temps de présence de l’enseignant·e documentaliste (sur la base d’un temps plein de 30 h en établissement). Elle peut donc être maximisée sur les autres temps, par un travail conjoint avec d’autres personnels, que ce soit dans le cadre d’un projet global avec l’équipe de vie scolaire, ou par l’inclusion d’une ou plusieurs missions de service civique au CDI.
Penser le CDI, notamment son organisation, par le prisme de la réduction des inégalités, amène à se poser des questions : en menant ce club pour quelques élèves, est-ce que je ne pénalise pas le plus grand nombre ? Il ne s’agit surtout pas de réduire l’offre pédagogique en prônant une ouverture à tout prix, abandonnant toute exigence. Mais bien de réfléchir à comment la démultiplier : est-ce que ce club ne pourrait pas trouver place dans une salle annexe, tandis que le CDI serait ouvert par un autre adulte, en charge d’accueillir d’autres élèves ? Ou inversement, si le CDI doit être fermé pour accueillir une activité, est-ce qu’une salle de lecture annexe ne pourrait pas être proposée, en salle de permanence ou au foyer ?
Cette préoccupation d’égalité doit rester au cœur des actions de l’enseignant·e documentaliste. Le CDI est parfois le seul lieu de l’établissement offrant un accès autonome à un équipement informatique pour les élèves. Quelles pratiques peut-on alors autoriser ? Faut-il restreindre l’usage de l’ordinateur à des travaux scolaires ou bien peut-on envisager éventuellement, sur des temps restreints, des accès plus libres ?
Le Cadre de Référence des Compétences Numériques (plus connu sous le nom de « plateforme Pix ») évalue désormais de nombreuses compétences pour les 3e et Tle, dont on ne peut pas imaginer qu’elles soient toutes traitées dans le cadre scolaire. À quel moment l’élève pourrait-il s’entraîner à paramétrer la confidentialité d’une publication sur un réseau social ? De la même manière, le matériel d’impression du CDI peut-il être mis à disposition des élèves ? Dans quelle mesure ou pour quels usages ? Ces questions méritent d’être traitées dans la politique numérique de l’établissement, qui est indissociable des usages informatiques du CDI.

Et si on repensait l’accès aux ressources ?

Dans cette volonté d’inclusion des publics les plus éloignés des lieux de culture, la question de l’accès aux collections du fonds papier ne peut être laissée de côté. Les réflexions dans le domaine se font actuellement de plus en plus fréquentes dans les espaces d’échanges professionnels (listes de diffusion, groupes sur les réseaux sociaux), notamment autour d’une classification Dewey simplifiée ou vers les modèles commerciaux booktsore model (Beudon, 2016). Elles visent souvent à rendre le fonds attrayant et à favoriser les emprunts. Envisager cela sous l’angle de la réduction des inégalités sociales et culturelles ne peut qu’enrichir la réflexion et orienter la prise de décision.
En 2008, Soizic Jouin, dans un article du Bulletin des Bibliothèques de France étudiait la mise en place de classements thématiques dans différentes médiathèques, à partir d’un postulat de base : « Il est évident que plus les modes d’accès sont complexes, plus ils excluent. David Parmentier le dit très bien :  ’On va d’autant plus chercher directement en rayon, sans recourir aux bibliothécaires ou aux fichiers, qu’on est mal classé socialement et scolairement. Une politique de rayon est nécessaire si on veut élargir la base sociale des utilisateurs de la bibliothèque » (Jouin, 2008 ; Parmentier, 1985). La lecture de ces expériences est inspirante. Le fonds fiction peut lui aussi être entièrement remodelé autour d’un classement thématique. Si cela n’influe pas particulièrement sur le nombre de prêts, selon mon expérience du moins, c’est un accès aux romans qui est bien plus intuitif et logique pour des collégien·nes. Ce reclassement thématique permet par exemple de créer un rayon de récits brefs, à destination de petit·es lecteurs·rices ; le rayon peut être rattaché par son appellation au dispositif Silence, on lit ! et donc viser autant les faibles lecteurs·rices que celles et ceux qui répondent à une injonction scolaire, cherchant un récit qui peut être lu en peu de temps.
Cette politique de rayons peut aussi prendre diverses autres formes, dans la perspective d’une réduction des inégalités : mettre à disposition des récits sans parole (album, BD, manga…) pour des élèves dont le français est encore faible, acquérir des livres audio pour les élèves empêché·es de lire ou désireux·ses d’autres formes d’entrée dans le récit, intégrer des documentaires ou fictions mis en page pour les élèves dyslexiques, animer des temps de lecture orale… De nombreux leviers sont à disposition de l’enseignant·e documentaliste.
Pour finir sur ce point, réfléchir avec les élèves aux acquisitions est autant une façon de combler les attentes du public adolescent qu’une manière de reconnaître une légitimité à leurs différentes portes d’entrées dans la lecture et de favoriser la construction d’une culture générale. On voit actuellement Maurice Leblanc revenir à la mode à la suite d’une adaptation dans une série produite par Netflix. Le chemin est détourné, mais suivons-le ! C’est par ces ponts que le lien entre école et maison se renforce, sans jugement de valeur.

Diffuser ces pratiques au-delà des murs du CDI

Réduire les inégalités culturelles et sociales, accueillir les élèves éloigné·es des codes des lieux culturels, inclure des documents palliant les différentes situations de handicap, rendre accessible les usages et les œuvres, renforcer le sentiment de légitimité… nous voilà bien dans un projet éducatif à forte dimension sociale qui gagne à s’ouvrir à des partenaires, dans une démarche de co-construction.
Tout d’abord parce que tout cela ne peut se faire sans les autres acteurs de l’établissement. L’équipe de vie scolaire est indissociable de toutes les problématiques liées aux temps périscolaires, ce qui peut aller jusqu’à une harmonisation des pratiques et attentes. L’adjoint·e gestionnaire est forcément concerné·e par tous les achats effectués ou projetés : demandes de matériels adaptés (scanner portables à destination d’élèves dys-, casques pour l’écoute de livres audio…) ; conseils sur la meilleure manière de financer les acquisitions, par exemple en utilisant des lignes budgétaires affectées aux ressources numériques, souvent sous-employées (les livres-audio peuvent relever de cette catégorie). La concertation avec les enseignant·es enfin est indispensable pour envisager des acquisitions bien en amont des temps d’études programmés en classe, que ce soit dans les domaines littéraires ou sur des sujets d’étude disciplinaire.
Les partenaires extérieurs ont également leur rôle à jouer, qu’il s’agisse de partenaires institutionnels comme les collectivités de rattachement, du réseau de médiathèques du territoire, ou d’associations agréées. Les Bibliothèques Sonores des Donneurs de voix peuvent ainsi contribuer à mettre à disposition des élèves empêché·es de lire des enregistrements audio de fictions, voire les enregistrer à la demande de l’établissement quand il s’agit d’œuvres qui ne sont pas encore dans leur catalogue. Ces partenariats, noués dans l’optique de réduire les inégalités, enrichiront le projet d’établissement.
Enfin, il ne faut pas hésiter à formaliser cette ambition de réduction des inégalités auprès de l’ensemble des usagers. Elèves, mais aussi parents, tous et toutes sont concerné·es par cette dynamique. La connaissance de leurs attentes et de leurs besoins est essentielle pour aller plus loin dans la mise à disposition d’outils, de temps, d’accompagnement, de ressources. Que ce soit par des questionnaires ou par des échanges informels, ce lien est à rechercher. Les soirées portes ouvertes peuvent par exemple être l’occasion de dons d’ouvrages sortis de l’inventaire aux familles ; il n’est pas rare alors d’entendre des échanges se nouer, entre parents, entre parents et enfants, autour de ces livres, ou de romans, lus autrefois par des parents qui revoient leur adolescence à travers des premières de couverture d’autres générations.

Conclusion

Si aucune de ces actions n’est révolutionnaire, et si aucune n’a de sens considérée isolément, elles peuvent facilement converger au service d’une dynamique de réduction des inégalités au sein du CDI. Prendre conscience de la nature égalitaire du lieu, l’amplifier par des réflexions sur nos pratiques professionnelles, faire connaître ces actions aux différents partenaires… Toutes ces dimensions font du CDI et de l’enseignant·e documentaliste des acteur·rice central·ux dont l’établissement ne peut se priver pour atteindre les objectifs de réduction des inégalités énoncés dans la circulaire de rentrée. Dans cet article, je me suis centrée sur la spécificité du métier d’enseignant·e documentaliste en tant que pilote d’un centre de ressources. Cependant, l’action pédagogique, comme pour chaque enseignant·e de discipline, constitue pour lui·elle un levier de premier ordre au service de cet objectif de réduction des inégalités.
De manière plus globale enfin, favoriser la réussite d’un tel projet, lui donner une cohérence d’ensemble, organiser les différentes actions de manière structurée, compte tenu des objectifs de chaque établissement, passe par la formalisation de tous ces éléments : dans la politique documentaire, tout d’abord, mais aussi dans le projet d’établissement.
Et pourquoi alors ne pas lui donner sa place dans le projet d’Éducation au Développement Durable. En effet, l’EDD ne se réduit pas à sa dimension écologique et aux actions que l’on peut mener pour la protection de l’environnement. Les différentes facettes du développement durable s’incarnent dans les 17 ODD (Objectifs de Développement Durable) définis par les Nations Unies en 2012. Sur le plan international, la France s’est engagée sur la mise en œuvre de ces 17 ODD à l’horizon 2030, dans un plan appelé « Agenda 20303 ». Parmi ceux-ci, l’objectif 10 s’intitule justement « Réduction des inégalités ». À nous de montrer en quoi notre action y contribue déjà au quotidien.

 

Pourquoi éduquer aux médias ?

En guise d’introduction…

L’éducation aux médias et à l’information (EMI), telle qu’elle est implémentée en France, se présente comme le rapprochement des deux champs qui la composent (l’éducation aux médias – EAM et l’éducation à l’information – EAI), sous l’égide notamment de l’UNESCO en 2012, lors de la conférence de Moscou, puis institutionnalisée en France en 2013 avec la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République. Elle sera renforcée en 2015, à la suite des attentats, en réaffirmant son rôle de soutien aux valeurs de la République (dont l’école est un vecteur privilégié de transmission).

Elle s’appuie donc sur le mouvement d’éducation aux médias motivé par la compréhension de l’environnement médiatique et le développement des compétences critiques liées aux usages divers qu’il entraîne (voir le travail de modélisation des compétences proposé par Fastrez, Philippette, 2018) ; ainsi que sur le mouvement d’éducation à l’information né autour de la maîtrise de l’information et peu à peu orienté vers une approche plus large des cultures de l’information (dont l’évolution des enjeux est discutée par Liquète, 2018). Ce rapprochement institutionnel n’efface évidemment pas les histoires spécifiques de chacun de ces champs, ni leur ancrage dans des univers scientifiques distincts, pourtant au sein des mêmes sciences de l’information et de la communication. Évidemment, l’avènement du numérique et avec lui, la circulation amplifiée de l’information, la multiplication des contenus médiatiques, la requalification du statut du document, les possibilités accrues de production et de partage pour les usagers, les conditions modifiées de participation à la vie publique, citoyenne, culturelle… sont autant de raisons possibles à ce rapprochement de l’éducation aux médias et à l’information dans le paysage éducatif et en particulier scolaire. Il est la conséquence prévisible d’une convergence numérique qui inscrit le document dans un environnement médiatique déterminant et qui fait de celui-ci un terrain propice à la création, circulation et consommation d’informations. Mais ce rapprochement opéré sans que ne soient réellement discutées les divergences épistémologiques des deux champs qui la composent ne repose-t-il pas avec encore plus d’acuité la question de son ancrage théorique ? Ce rapprochement ne réveille-t-il pas le besoin criant de conceptualiser le champ, c’est-à-dire de faire correspondre à des démarches pédagogiques des fondements théoriques qui à la fois les justifient et les nourrissent ? Car comment concrétiser des dispositifs et des contenus éducatifs alors que les savoirs de la recherche ne sont eux pas encore stabilisés ?

Mais si la recherche est mobilisée pour cette tâche et s’y investit activement, les temps longs qui la caractérisent viennent là en concurrence du temps court des innovations, des transformations de pratiques et des changements sociaux. Ce travail de conceptualisation en train de se faire ne doit pourtant pas être un frein au bon développement de ce champ dans le milieu éducatif, ni sa prise en charge par les politiques publiques. Ces trois piliers (recherche, pratique, politique) devraient même travailler de concert à stabiliser le champ, chacun nourrissant l’autre de ses expertises. Je n’apporterai évidemment pas de réponse à ces questions vives qui restent des objets actuels de la recherche. Mais je propose de discuter ici d’une entrée possible dans la conceptualisation de l’éducation aux médias à partir, d’une part, des raisons profondes qui motivent cette « éducation à… », celles qui ont initié les démarches éducatives envers les médias, et d’autre part, des objets caractéristiques de ces apprentissages, afin de pouvoir mettre cette réflexion en discussion, notamment avec le champ de l’éducation à l’information.
Pour revenir aux motivations profondes qui initient les projets d’éducation aux médias, je propose de m’appuyer sur deux présupposés majeurs que sont les représentations de la jeunesse et des médias. Si elles évoluent en parallèle dans nos sociétés, on peut voir qu’elles se rejoignent autour d’intentions éducatives qui me semblent être à l’initiative des mouvements d’éducation aux médias. À leurs côtés, l’évolution incessante de l’environnement médiatique requalifie les objectifs d’apprentissage de cette éducation aux médias en prenant les particularités de chaque dispositif comme enjeu éducatif. Pourtant, de grandes lignes de force se dessinent et permettent de déterminer leurs objets d’étude autour de trois dimensions imbriquées que sont les questions de production, de contenu et de réception. J’invite donc à revenir à ces présupposés et objets fondateurs pour travailler à y stabiliser des ancrages théoriques. Cette approche porte spécifiquement sur l’éducation aux médias, mais mérite d’être discutée au regard du champ de l’éducation à l’information, notamment pour structurer et conceptualiser le champ de l’EMI 1, à partir de leurs différences et de leurs points de convergence.

« 
Je propose de m’appuyer sur deux présupposés majeurs que sont
les représentations de la jeunesse et des médias
»

« Au fait, pourquoi veut-on éduquer aux médias ? »

Cela fait des décennies que les éducateurs et les éducatrices la pratiquent, que des instances se mobilisent pour la faire exister, que quelques chercheur.es tentent de la conceptualiser. Cela fait donc des décennies que l’éducation aux médias se construit, se pense, se pratique, silencieusement. Après une entrée timide dans les programmes en 2006, on peut dire que maintenant elle est là : dans les programmes scolaires et les projets associatifs, dans les colloques et les réseaux de recherche, et sous différentes formes, dans les salles de classe. Cette place faite à l’éducation aux médias dans les débats publics, dans les mesures et réformes, dans les projets portés par des instances diverses, y compris par de plus en plus de chercheur.es me semble être le signe de son ascension vers plus de visibilité et de reconnaissance, et c’est tant mieux !
Si ce foisonnement de discours, de ressources et de projets est à la fois une aubaine pour la mise en visibilité de l’EMI et sa reconnaissance à la fois institutionnelle et sociale, elle est aussi un risque pour la cohérence de ce champ qui cherche encore son ancrage conceptuel. Tout le monde, ou presque, s’entend sur le fait qu’il faille « éduquer aux médias », mais est-on réellement coordonnés sur ce que cela veut dire (et par extension, les compétences que cela appelle et les moyens de les mettre en œuvre) ? Il semblerait que non. Et la multiplication des acteurs et des ressources a donc l’inconvénient de son avantage : si elle permet de faire exister l’EMI, elle freine sa juste compréhension, le champ ne semblant pas toujours s’appuyer sur des concepts stables et partagés.

Une approche historique du champ permet d’identifier un ensemble de « tendances » en lien avec des problématiques sociales situées et datées et l’implantation des médias dans la vie sociale (Jacquinot, 2009 ; Loicq, 2011). Or, derrière l’impulsion d’un rapprochement des médias et des questions éducatives se cache d’abord un ensemble de présupposés qui s’entrecroisent et s’articulent, de manière plus ou moins cohérente. Ceux-ci sont structurants car ils ont une incidence in fine sur la forme scolaire que prendra cette démarche éducative. Pour bien comprendre le champ et entreprendre une démarche de conceptualisation de celui-ci, il me semble indispensable de remonter à ses origines et à ces présupposés qui ont permis de fédérer la recherche, de motiver les pratiques pédagogiques et de justifier les politiques publiques.

En avant la jeunesse ! Les représentations de l’enfance et de la jeunesse

Traversées par un ensemble de dynamiques sociales mouvantes et très ancrées socio-culturellement, les représentations sur la jeunesse sont fondamentales pour qui s’intéresse aux fondements d’une pratique éducative. Pour Durkheim déjà, étudier les « productions mentales sociales » relèverait d’une « étude de l’idéalisation collective » et les travaux des anthropologues et des sociologues sur les représentations sociales (Abric, 1994 ; Jodelet, 1993) montrent leur impact sur la trajectoire sociale prise collectivement (Duby, 1978). Alors lorsqu’on construit l’EAM, à quelle « jeunesse » (ou plutôt à quelles représentations de la jeunesse) pensons-nous nous adresser et vers quelle jeunesse cherchons-nous à les conduire par le biais de l’éducation ?

La tendance à faire de la recherche SUR eux plutôt qu’AVEC elle (Buckingham, 2000) s’inverse avec, notamment, la nouvelle sociologie de l’enfance qui dénaturalise cette figure longtemps privée de sa capacité d’agir (Sirota, 2010). Cela aura sans doute pour effet de modifier les représentations sociales de l’enfance et de la jeunesse et, on l’espère, de mieux les impliquer dans les décisions qui les concernent (Garnier, 2015).
Nous sommes précisément à un siècle du premier mouvement de ce genre2 qui a permis de rassembler des pédagogues du monde entier autour des questions du but de l’école, de l’énergie créatrice des enfants, de la liberté dans l’éducation, et donc, du rôle de l’école pour changer le monde. Mais c’est un processus permanent, et revenir aux représentations sur lesquelles nos actions reposent permet déjà de mieux saisir les fondements du champ.

Un exemple des plus probants pour saisir la puissance de ces représentations de la jeunesse dans la définition des enjeux sociaux auxquels elle est et sera confrontée, est bien le mythe des digital natives. Imaginer que les jeunes nés et ayant grandi dans un environnement numérique possèderaient tout un tas de compétences manipulatoires (innées ?) et seraient d’office modelés par ces technologies au point d’être des « mutants »3 pèse fort sur les représentations que l’on se fait des jeunes et des médias (Lardellier, 2017). Elle est aussi très représentative d’une vision déterministe qui donne toute puissance à la technologie. Par exemple, dans les problématiques en lien avec le rapprochement des jeunes et des médias, ces deux assertions (les technologies déterminent les usages, les jeunes sont naïfs) s’articulent avec une intention éducative de protection qui orientera toute une partie du champ de l’EAM (dans ses dimensions esthétiques, politiques et critiques).

Les médias, et moi et moi et moi… Les représentations des médias

L’éducation aux médias se construit depuis qu’existent les médias, car c’est bien en réponse à la représentation sociale de ce que sont et font ces objets médiatiques, que la démarche éducative s’initie. D’aucuns pourraient remonter à l’apparition même de l’écriture, comme prolongement et stabilisation de la pensée, et sans aucun doute à l’invention de l’imprimerie, comme fixation et pérennisation de celle-ci. En ces temps maintenant anciens, les craintes se portaient déjà sur les effets que ces extensions de l’Homme pourraient avoir sur le statut de la connaissance, le discernement du vrai et du faux, les compétences nécessaires pour rester libres et égaux, et même sur les facultés mentales des individus… C’est peu dire que les préoccupations majeures, lorsque l’on parle de l’avènement numérique des sociétés de l’information et de la communication, ne sont pas nouvelles. Mais ces préoccupations, au sens large, sont aussi tournées vers le potentiel innovant de ces découvertes, sur leur capacité à libérer l’utilisateur d’une certaine charge cognitive pour développer d’autres compétences, sur la possibilité de construire son savoir dans l’interaction de documents de différentes natures.

Ainsi, face aux représentations antagonistes des médias et de leurs effets potentiels, deux courants majeurs se sont dessinés. D’un côté, il y aurait toute la mouvance « vaccinatoire » (Masterman, Mariet, 1994 ; Piette, 1996) qui verrait donc dans les médias des outils au potentiel perturbateur, voire manipulateur, pour lesquels une éducation est nécessaire pour « armer » face aux attaques insidieuses. Celles-ci sont de l’ordre de la manipulation commerciale (publicité), esthétique (culture populaire), idéologique (dés-information, propagande), sociale (réseaux-sociaux, cyber-harcèlement)… De l’autre, se dessine un attrait pour les potentialités de transformation portées par ces outils médiatiques qui sont perçus comme autant d’innovations pédagogiques. Celles-ci peuvent être en lien avec la dématérialisation des contenus qui permet de faire classe « autrement » (Choplin et al., 2007), le pouvoir de sens des images (Jacquinot-Delaunay, 2012) et des contenus narratifs ludiques (c’est le début des télévisions éducatives qui conduisent à penser aujourd’hui les applications éducatives voire les environnements numériques de travail – Peraya, 2010), les dispositifs techniques adaptables (notamment à certaines moda­lités d’apprentissages particulières en lien, ou non, avec des handicaps, des situations d’enseignement à distance, etc. – Tricot, 2020).

Historiquement, ces deux mouvances ont permis de faire émerger des champs distincts que seront, d’un côté, l’éducation aux médias (d’abord surtout contre les médias) et l’éducation par les médias (ceux-ci étant utilisés à des fins didactiques, comme pédagogie du soutien et non plus comme objet même d’apprentissage). La première s’est peu à peu transformée en fonction des problématiques sociales dans lesquelles elle se présentait comme réponse (Loicq, 2012), la dernière a accueilli ensuite tout le courant du numérique éducatif (Bonfils et al., 2014). Dorénavant, la convergence numérique opère ici aussi de profonds changements invitant à repenser les paradigmes éducatifs. Les chemins parallèles de ces deux approches (les médias comme objet ou comme soutien pédagogique) se sont finalement toujours croisés, pour reprendre l’expression de Geneviève Jacquinot-Delaunay (2014). Mais elles reposent toujours sur un ensemble de présupposés que viennent étayer la recherche sur les contenus ou les pratiques médiatiques.

Nous avons un problème : un peu de ci, un peu de ça… et voilà !

Derrière l’éducation aux médias (et l’EMI plus généralement), il y a donc un ensemble de présupposés, d’ordre théoriques mais aussi sociaux ; et des intentions éducatives en lien avec ceux-ci. C’est dans leur rencontre4 que va s’articuler le projet éducatif en réponse à des problématiques sociales actuelles. Que ce soit dans la recherche, les politiques publiques ou les pratiques éducatives, l’EAM est donc toujours conçue à partir d’une représentation spécifique de la jeunesse et d’un ensemble de connaissances (au mieux, ou d’idées reçues, parfois) sur les médias. C’est à partir de la compréhension de leur rencontre et de leur articulation pour répondre à un objectif pédagogique qu’il me semble que la conceptualisation du champ peut se construire.

Que ce soit sous sa forme de politique publique, de thématique de recherche ou de pratique pédagogique, son ancrage dans un contexte socio-culturel déterminé est essentiel pour en comprendre à la fois les formes d’émergences et les modalités de mise en œuvre (Loicq, 2011). Par exemple, ce sont les attentats de 2015 qui ont renforcé en France la problématique d’une citoyenneté républicaine et laïque partagée par tou.te.s et dont le rôle fondamental de transmission de l’école a été réaffirmé. Les jeunes sont ici perçus comme étant responsables du discernement du vrai et du faux5, face à des médias qui en auraient perdu le contrôle en devenant le lieu d’expression et de circulation d’informations non contrôlées, voire franchement complotistes. En comparaison, on peut voir que le domaine vient répondre à d’autres enjeux, en Australie par exemple, lorsque dans les années 1980 ce champ se développe pour apporter des réponses pédagogiques innovantes et engageantes permettant aux élèves de s’impliquer dans leurs apprentissages, de rester le plus longtemps possible à l’école, et de gérer les diversités culturelles importantes au sein des groupes, autour d’un projet commun. L’éducation aux médias « down under » a évolué également en suivant le contexte des problématiques sociales en lien avec les médias et pris une piste moins citoyenne mais plus créative, en invitant les élèves à produire et co-construire une identité partagée mais singulière, via les outils et codes médiatiques (Loicq, 2011 ; 2017 ; 2019).

« 
Ce sont les attentats de 2015 qui ont renforcé en France la problématique d’une citoyenneté républicaine
et laïque partagée par tou.te.s
»

Mais donc… en attendant en EAM on fait quoi exactement ?

Le champ de l’EAM s’est construit corrélativement puis en appui sur des théories des études médiatiques (media studies) et a donc suivi ses évolutions épistémologiques. Ces changements de perspectives dans la façon même de faire de la recherche sur les médias et en particulier sur les modalités d’interaction des médias et des jeunes ont contribué à faire apparaître des approches différentes de l’EAM. Quatre de ces appro­ches ont été documentées par la recherche (Masterman et Mariet, 1994 ; Piette, 1996 ; Loicq, 2011 ; Corroy, 2016) et la cinquième est selon moi en train de se dessiner et bénéficiera grandement des résultats de cette conceptualisation en cours. Je présenterai succinctement les 4 approches que l’on pourrait qualifier de « protectionniste, politique, critique et esthétique » pour ensuite m’attarder sur cette cinquième approche qui pourrait être qualifiée de « (inter)culturelle ». Ces approches ne sont évidemment pas totalement perméables les unes aux autres, mais l’identification précise des intentions et des connaissances qui les caractérise ne peut que participer à une meilleure cohé­rence de l’approche pédagogique qui en découlera.

Les 4 approches historiques de l’éducation aux médias

Comme rappelé précédemment, l’apparition même d’un projet d’éduquer aux médias est relative à l’inquiétude suscitée par les changements que ces « prolongements des sens de l’homme » (Thompson, 1995) auraient comme effet sur l’individu et les sociétés. Se constitue alors une approche majoritaire du champ, qui sera déclinée à l’apparition de chaque nouveau média en réveillant d’anciennes craintes et peurs sociales (Maigret, Macé, 2005), basée sur une vision manipulatoire des médias. Cette approche protectionniste de l’éducation aux médias est orientée vers la préservation de la jeunesse considérée comme passive et vulnérable des effets (prétendus ou potentiellement néfastes) des médias. Les recherches sur les médias de masse ayant opéré d’un changement de paradigme (d’un modèle béhavioriste questionnant l’influence, vers un modèle fonctionnaliste pensant les usages), une autre approche de l’EAM se dessine autour de questionnements critiques. Si les jeunes utilisent les médias (pour s’informer, se divertir, communiquer donc socialiser, s’intégrer, affirmer leur identité, etc.) c’est bien que ça leur apporte quelque chose ! La démarche éducative fait alors un pas de côté, quittant l’idée de protection formelle contre des effets immédiats et directs, mais conservant cette conception de devoir être « armé », ici d’un esprit critique, pour accompagner les plus jeunes dans l’identification et la compréhension des contenus idéologiques qui, sur le plus long terme, pourraient inférer sur leurs normes et valeurs. Tout en restant sur cette idée que les médias produisent des effets (indirects et cumulatifs comme le montrent les travaux de l’École de Francfort), l’EAM cherche à mettre à distance les effets de conformisme social possibles par l’usage des médias, objets culturels et instruments de l’idéologie dominante. Cette qualification des médias comme objet culturel permet de consigner une 3e approche, esthétique, portée par l’intention d’éduquer au beau, autour de la sociologie de l’art et de la sémiologie comme outils pour déconstruire et comprendre les codes, les langages qui participent à la construction du sens. L’éducation au cinéma s’est longtemps positionnée dans cette approche, avec notamment une distinction opérée entre ce que seraient les médias artistiques versus les médias populaires. Ce travail autour de la polysémie des messages, les effets de narration et la construction du sens par l’usage de codes et langages est aussi investie par l’approche politique qui place les médias comme des outils de la démocratie, utiles aux citoyens à qui il incombe alors la responsabilité de comprendre, utiliser et participer à cet environnement médiatique. Cette approche mobilise particulièrement les outils de construction et d’analyse du journalisme, autour d’un objet spécifique qu’est l’information d’actualité. En France, l’éducation aux médias a été institutionnalisée à partir de cette approche, dans la lignée des vœux de son initiateur, Jacques Gonnet qui prônait une véritable « éducation au politique », à travers notam­ment des « ateliers de démocratie » (Gonnet, 1995).

« 
L’EAM cherche à mettre à distance les effets de conformisme social possibles
par l’usage des médias, objets culturels et instruments de l’idéologie dominante
»

La 5e approche : pour une éducation aux médias (inter)culturelle

Loin des affirmations théoriques des années 1930-40 autour des effets des médias, la pluralité disciplinaire ayant pris les médias (au sens large) comme objet contribue à faire émerger une richesse conceptuelle autour de cet environnement médiatique. Pour penser les outils théoriques de l’EAM, je propose ici de prendre en compte cette diversité des approches des études médiatiques autour de l’articulation de trois grandes dimensions que sont : 1/les études sur les modalités, contextes, conditions de production, que ce soit dans le cadre d’industries culturelles et médiatiques ou d’initiatives plus locales, alternatives, ou autre, bref, sur les questions de production ; 2/les études sur les contenus et dispositifs émanant de ces industries ou circulant dans les réseaux alternatifs ou même via les dispositifs sociaux de communication, donc finalement, sur les produits ; 3/les études sur les relations des individus avec les médias, leurs modalités de réception et d’interprétations, leurs stratégies et braconnages, leurs usages et leurs pratiques, bref, sur les questions de réception. Ce triptyque est basé sur l’idée que les médias sont des objets culturels complexes et porteurs d’enjeux divers, notamment parce qu’ils sont inévitablement des constructions, donc en prise avec les problématiques du sens (aux trois niveaux de cette articulation). Il invite finalement à faire reposer l’EAM sur ce qui est l’ADN des médias : la communication (et dans son sillon, la question de la représentation). La question de la représentation a été initialement portée par le concept de « non-transparence » des médias au sein de l’EAM (Masterman, 1985). Elle en est un pilier fondateur et, malgré les changements structuraux des industries médiatiques avec l’arrivée du numérique, reste une notion centrale pour penser et même articuler le caractère construit de tout produit médiatique, la liberté interprétative des individus et les stratégies de sens des producteurs. La communication est quant à elle abordée selon la théorie de la coopération et de « l’intentionnalité partagée » (Tomasello, 2008), c’est-à-dire qu’elle suppose et induit à la fois des habiletés cognitives spécifiques et des motivations pro-sociales. En cela, la communication est co-construction, co-production, collaboration et coopération pour exister ensemble (Ghiglione, 1996). Les médias participant dorénavant à la fois à nos capacités d’action en lien avec des performances (production et réception) et à la production des objets, ceux-ci peuvent alors être appréhendés dans leurs dimensions informationnelles, techniques et sociales (Fastrez, 2010).
Cette approche (inter)culturelle6 porte donc une EAM complète pensée en tant que cumul de compétences, qui peut par exemple se construire à partir de cinq étapes pour un apprentissage médiatique : observer, discuter, comprendre, créer et critiquer7 et d’une « posture réflexive » qui se travaille tout au long des cinq paliers allant du plus procédural au plus subjectif (Loicq, Piette, 2021).

L’analyse des contenus ou des dispositifs, ou pour le dire autrement, des effets de sens, ne sera alors plus seulement menée à l’aune d’une déconstruction, d’un décodage, mais aussi à travers les modalités de (re)construction du sens par le lecteur, celles-ci étant aussi contraintes par les spécificités des conditions de production de ce contenu. Ainsi, les contenus médiatiques étudiés le seront sous les trois angles de leur production, de leur matérialité et de leur interprétation. Le triptyque producteur/produit/récepteur s’applique évidemment à tous les objets médiatiques car ceux-ci sont toujours à la croisée d’utilisateurs et d’industries.
Pour explorer ce triptyque qui se présente comme les objets de l’éducation aux médias, les approches précédentes ont majoritairement opté pour l’analyse critique, c’est-à-dire la déconstruction, le décodage, l’évaluation (du vrai et du faux)… Je propose ici d’appré­hender ces trois dimensions par la notion de réflexivité critique. La réflexivité critique en éducation aux médias serait alors la capacité à questionner ses pratiques et le caractère construit de tout objet médiatique, à partir de son propre vécu (expérientiel, émotionnel, stratégique, etc.) et ensuite, dans une visée plus collective (pour aborder notamment les enjeux sociaux, culturels, politiques, économiques de ces objets étudiés). La pédagogie de l’interrogation est alors à privilégier, qu’elle soit collaborative ou introspective (Saemmer, Tréhondart, 2019).

« 
Les contenus médiatiques étudiés le seront sous les trois angles
de leur production, de leur matérialité et de leur interprétation
»

Pour ne pas conclure…

De plus en plus d’écrits de toutes sortes circulent sur l’EMI (et sur l’EAM et l’EAI souvent indistinctement). Qu’ils aient une valeur informative, prescriptive ou programmatique, qu’ils soient issus de la recherche, d’une démarche journalistique, de politiques publiques ou de ressources pédagogiques, ils contribuent à faire exister l’EMI dans la sphère publique auprès d’un public de plus en plus large. Les éducateurs et les éducatrices, souvent destinataires de ces discours, peuvent trouver ce foisonnement oppressant, ajoutant à leurs propres incertitudes dans le domaine une ambiguïté quant aux objectifs et aux moyens de les atteindre. Si de plus en plus de productions scientifiques proposent des contenus d’enseignements en lien avec les enjeux politiques et sociaux de l’EMI, qu’en est-il des savoirs, des compétences et de la culture qui articulent ces savoirs dans une démarche pédagogique ? Comment ces savoirs sur les médias peuvent-ils être opérationnalisés, didactisés, pour que les éducateurs et les éducatrices, sur le terrain, puissent les faire vivre dans des projets éducatifs pertinents ? Au cœur de ce foisonnement discursif nouveau autour de l’EMI, entre les productions scientifiques thématiques et les injonctions institutionnelles souvent politiques, c’est surement cette articulation entre les savoirs et la démarche pédagogique qui manque, et celle-ci doit se faire par un ancrage conceptuel solide pour que se lève le flou théorique autour de la notion même d’EMI.

Cet objectif théorique est ambitieux mais nécessaire. En attendant qu’il se stabilise, j’ai proposé dans le cadre de cet article, deux éléments qui pourraient contribuer à la réflexion scientifique. D’une part, la mise en discussion des éléments structurants de l’EAM que sont les représentations et connaissances à l’égard des médias et de la jeunesse, en lien avec des intentions éducatives qui informent sur ses prémisses. Corrélés, ces deux éléments peuvent déjà permettre de comprendre la cohérence de l’EAM dans les discours et les pratiques qui la soutiennent. D’autre part, l’exploration de ces discours ou pratiques au regard de la diversité des approches du champ de l’EAM participera, là encore, à la compréhension de la cohérence du projet. À ces quatre approches historiques identifiées, j’en ai ajouté une cinquième qui me semble émerger de la recherche, et qui articule ses objets d’apprentissages autour de trois grandes dimensions imbriquées que sont les questions liées à la production, aux contenus et à la réception.

Mais tout cela (re)pose nécessairement la question de la formation des enseignant.es à l’EMI. Cette formation, en réponse aux attentes institutionnelles d’une part, et aux problématiques sociales et éducatives de terrain d’autre part, concerne en premier lieu, mais pas exclusivement, les professeur.e.s documentalistes qui ont été identifié.e.s comme les enseignant.es et « maîtres d’œuvre » de ce champ pluridisciplinaire (Boubée, 2019) affilié aux « éducations à » (Barthes, Lange, 2017). De fait, leur position transversale au sein des établissements et leur connaissance des sciences de l’information et de la communication en font des acteurs et actrices majeur.e.s du possible déploiement de l’EMI dans les collèges et les lycées. Mais comment sont-ils formés à ce déploiement ? Leur formation est-elle basée sur une réponse pédagogique à des problématiques politiques de l’EMI (les injonctions officielles ?) ou est-elle le laboratoire de théories éducatives en lien avec la recherche sur les médias ? Sur quelles conceptions (de la jeunesse, des médias, de leur relation) ces formations se pensent-elles ? Le renouvellement des études à leur sujet devrait permettre d’éclairer ce point, voire de proposer, là encore, des leviers d’articulation des pratiques aux politiques et à la recherche.

 

Lecture, grande cause, petits moyens

La lecture, déclarée « Grande cause nationale » par le président de la République, pendant un an, jusqu’à l’été 2022 !
Le texte publié sur le site de l’Éducation nationale* reprend, entre autres, de nombreuses initiatives déjà existantes, portées bien souvent par les professeurs documentalistes en collaboration avec les autres professeurs : quart d’heure de lecture, résidences d’auteurs, club lecture, prix littéraires, etc. Espérons que cette grande cause améliore la visibilité de ces actions, impulse une augmentation des faibles budgets alloués aux CDI de collèges et de lycées professionnels et mette en lumière le rôle essentiel des professeurs documentalistes, lesquels ne sont, hélas, cités qu’une seule fois dans cette “déclaration”. A contrario, les librairies, dont nous sommes partenaires sur certains projets, sont mentionnées une dizaine de fois. Souhaitons que cette opération ne se limite pas à inciter les jeunes à acheter des livres avec le pass culture ou à promouvoir le dispositif Jeunes en librairie, même si, bien évidemment, l’objectif affiché est la découverte des métiers de la chaîne du livre, la rencontre avec les libraires et les auteurs… N’oublions pas que nos partenaires de projets pédagogiques, les bibliothécaires, bien que cités plusieurs fois dans ce texte, voient leur mission en faveur de la lecture jeunesse complexifiée par l’instauration du pass sanitaire, dès l’âge de 12 ans, à l’entrée des médiathèques municipales.
Les professeurs documentalistes n’ont pas attendu cette annonce pour constater la baisse des compétences en lecture des adolescents et pour s’impliquer dans des projets visant à leur redonner le goût de lire. Bien évidemment, la lecture, sous toutes ses formes, constitue une part importante du métier. Le projet de création d’un prix littéraire par Clelia Robbe (professeure documentaliste), Catherine Poulain (professeure de lettres) et Jerémy Vanhille (libraire) en apporte une parfaite démonstration, puisqu’il s’agit de créer un nouveau prix littéraire avec le concours des élèves, ce qui induit la connaissance et l’exercice de chaque métier de la chaîne du livre. Quant à la fiche pratique sur les prix littéraires, proposée par Corinne Paris et Sandrine Leturcq, toutes les deux professeures documentalistes, elle dresse un panorama précis et détaillé des démarches à accomplir, des financements envisageables, des principaux prix, des activités possibles sans que les élèves à besoins spécifiques ne soient oubliés.
Objectif : faire lire, bien sûr, mais également devenir soi-même passeur de livres.

 

*https://www.education.gouv.fr/ete-2021-ete-2022-la-lecture-grande-cause-nationale-323642

Suspendre le compte d’un abonné et réguler les réseaux… en 1883 !

Les questions récurrentes concernant la régulation et la modération des propos tenus sur les réseaux de communication et notamment les réseaux sociaux numériques connaissent des réponses parfois contradictoires. Depuis qu’ils connaissent une audience importante, il a été reproché aux réseaux sociaux d’être laxistes et les États tentent régulièrement de les contraindre à assurer une modération efficace. La suspension des comptes Twitter et Facebook de Donald Trump a relancé la polémique : s’agissait-il de censure de la part des réseaux sociaux, les GAFAM se sont-ils octroyés des droits dépassant le cadre démocratique ? Une régulation des contenus est-elle nécessaire ?
Quelques mois avant, en France, dans le cadre de la discussion de la loi du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet (dite « loi Avia »), la question de la modération par les plateformes s’est posée, mais les réponses de la version initiale de la loi ont largement été censurées par le Conseil constitutionnel.
La liberté de parole doit-elle être totale sur les réseaux qu’ils soient de (télé)communication ou sociaux ou bien doit-elle être régulée ?
Ce débat n’est pas nouveau comme en témoigne le texte « Le téléphone et la morale » paru anonymement en 1883 dans la revue Lyon médical et repris dans plusieurs périodiques dans les mois qui suivent.
En effet, quelques années seulement après l’invention du téléphone, la question de la régulation du contenu s’est posée quand une compagnie téléphonique a souhaité suspendre l’accès d’un abonné au réseau téléphonique en raison de l’emploi « dans sa conversation, [d’] un langage trop fleuri d’épithètes malsonnantes et de jurons plus ou moins grossiers » (Anonyme, 1883).

L’un des premiers exemples de modération de propos en ligne… téléphonique.

À l’époque les lignes téléphoniques pouvaient être partagées entre plusieurs abonnés1 . Le réseau n’était pas donc totalement privé. Évidemment, cela ne garantissait nullement l’intimité des conversations. Le procédé créait ainsi des réseaux sociaux téléphoniques qui n’étaient pas forcément désirés.
Plusieurs juristes de l’époque s’interrogent sur la légalité d’une telle suspension. En 1884, Georges Vidal, professeur agrégé de droit à la faculté de Toulouse, discute dans « Le téléphone du point de vue juridique » (Vidal, 1884-85) du statut légal et réglementaire de l’usage du téléphone par l’abonné :
« Il y a abus de la part de l’abonné lorsqu’il […] s’en sert soit pour causer un préjudice à autrui, par exemple en communiquant une fausse nouvelle, en causant une émotion à des tiers, soit pour commettre un délit ou un acte immoral, par exemple en diffamant, injuriant, tenant des propos grossiers et immoraux, organisant un complot, excitant des mouvements révolutionnaires, facilitant la fuite, le recel d’un criminel ou de choses volées2 » (Vidal, 1884-85, p. 308).
Le caractère public-privé des réseaux sociaux numériques pose les mêmes questions depuis son apparition comme le rappelle Dominique Cardon : « Les nouvelles formes de communication qui se développent sur Facebook ont projeté sur la scène publique des énonciations que nous avions l’habitude de considérer comme privées » (Cardon, 2012, p. 50).

[Dessin représentant un homme relié à un standard téléphonique], Fonds Jules Sylvestre, Bibliothèque municipale de Lyon

« Signaler », « avertir », « suspendre » et Conditions générales d’Utilisation (« CGU ») en 1883

Dans le cas de 1883, la régulation prend plusieurs formes. Elle a lieu en premier au niveau des individus. L’usager du téléphone est d’abord signalé par les autres usagers et les employées de la compagnie téléphonique [Bouton « signaler »]. Ensuite, la compagnie prend contact avec l’abonné, afin de lui rappeler les règles de politesse [« Avertissement »]. Enfin, elle le suspend [« Compte suspendu »]. À un second niveau, le cas particulier a un impact général sur le réseau : un règlement est édicté à destination de l’ensemble des abonnés, afin de prévenir d’autres comportements du même type [« CGU »]. Enfin, la régulation est confirmée au niveau judiciaire : après saisie de la justice par l’abonné suspendu, un tribunal confirme la sanction [recours judiciaire].
Aujourd’hui, les conditions générales d’utilisation des plateformes donnent le cadre de l’usage. Leur acceptation (obligatoire) par l’usager expose à une sanction de la part de la plateforme en cas d’infraction à des CGU. Les recours judiciaires contre les réseaux sociaux restent rares.

Utiliser les discours relevant de la médiarchéologie avec des élèves

À l’heure des réseaux sociaux, il peut être intéressant de travailler avec les élèves sur des textes comme « Le téléphone et la morale » pour montrer que dès le moment où l’usage de la communication par un réseau se répand — hier la communication à distance avec le téléphone, aujourd’hui celle avec les réseaux sociaux sur Internet — des questions légales et éthiques se posent.
Plus près de nous, avec la démocratisation d’Internet et du Web, à l’époque des forums et des listes de discussion, des réponses à ces problématiques ont été proposées. En octobre 1995, Sally Hambridge publie les « Netiquette Guidelines » (Hambridge, 1995), afin de définir des règles pour qu’Internet — et le Web — soit un espace régulé par un contrat social entre les usagers. Sally Hambridge conseillait ainsi : « En général, les règles de courtoisie habituelle dans les rapports entre les gens devraient être de mise en toute circonstance et sur l’Internet, c’est doublement important là où, par exemple, l’expression corporelle et le ton de la voix doivent être déduits » (Hambridge, 1995) et « Vous n’enverrez pas de messages haineux (on les appelle des «flammes») même si on vous provoque. D’autre part, vous ne serez pas surpris de vous faire incendier et il est prudent de ne pas répondre aux flammes ».
Cette nétiquette est fort proche de la conclusion de l’article « Le téléphone et la morale » affirmant qu’« un instrument de civilisation comme le téléphone ne doit servir à propager électriquement qu’un langage plein de politesse et d’urbanité » (Anonyme, 1883).
Ainsi, dans un texte publié il y a près de 120 ans, au début de la massification des dispositifs médiatiques personnels de communication, se posaient les questions du comportement d’un usager et d’une régulation imposée par la compagnie prestataire du service téléphonie, avec des éléments que l’on retrouve aujourd’hui dans les Conditions Générales d’Utilisation des réseaux sociaux.
Si faire appréhender ces « CGU » par les élèves est important dans le cadre de l’Éducation aux médias et à l’information, il n’est pas moins indispensable d’aborder le droit d’expression qui « s’exerce dans le respect de l’éthique et des règles juridiques » (Conseil Supérieur des Programmes, 2018, p. 4). La formation à l’éthique peut aussi passer par l’apprentissage de l’auto-régulation des usagers, afin de faire de chaque élève « un citoyen libre, éclairé et responsable, capable de s’informer, de se cultiver, d’exercer sa sensibilité et son esprit critique, et d’agir de manière autonome dans la “société contemporaine de l’information et de la communication” » (CSP, 2018, p. 23). Nous proposons en encadré quelques pistes à explorer dans différents programmes du second degré permettant d’accompagner les pratiques des élèves et de leur faire découvrir des technologies aujourd’hui anciennes, mais qui furent lors de leur invention des innovations posant les mêmes questions d’usage et de régulation.

Cornélius Roosevelt, Instructions pour l’usage domestique du téléphone-Bell, 1878 / BnF

 

Dans les programmes

Ce type de texte relevant de l’archéologie des médias (Le Deuff, 2016) et de l’histoire des discours sociaux sur les dispositifs techno-médiatiques peut être proposé aux élèves au sein de différents programmes disciplinaires, en EMI et en EMC, notamment, dont on retiendra quelques exemples. Les professeur-e-s documentalistes peuvent rappeler que toutes les nouvelles technologies de l’information et de la communication (de l’imprimerie à Internet) ont été confrontées aux problématiques de la modération et de la régulation.

– Au cycle 4, l’EMI apprend aux élèves à « utiliser les médias de manière responsable » et leur permet de « Pouvoir se référer aux règles de base du droit d’expression et de publication en particulier sur les réseaux ».

– L’enseignement de sciences numériques et technologie (SNT) de seconde générale et technologique « aide à mieux comprendre les enjeux scientifiques et sociétaux de la science informatique et de ses applications, à adopter un usage réfléchi et raisonné des technologies numériques dans la vie quotidienne » et développe des compétences transversales dont « faire un usage responsable et critique des sciences et technologies numériques ». Par ailleurs, le programme introduit aussi un certain nombre de repères historiques liés à l’informatique, à Internet et au Web. Il peut être intéressant de rappeler que des dispositifs médiatiques plus anciens comme le téléphone ont aussi fait l’objet de questionnements sur les usages.

– Le programme de français de seconde générale et technologique précise que « les parcours construits par le professeur ménagent une place à la découverte de l’histoire des idées, telle qu’elle se dessine dans les grands débats sur les questions éthiques ou esthétiques. Ils prennent en compte l’influence des moyens techniques modernes de communication de masse, du XIXe siècle à nos jours ».

– Le programme d’EMC en classe de seconde indique dans l’axe 2 : « L’évolution de l’encadrement juridique de la liberté d’expression dans un environnement numérique et médiatique » et parmi les objets d’enseignements possibles : « la question de la liberté d’expression dans un environnement numérique et médiatique ». Au lycée professionnel, le thème « La liberté, nos libertés, ma liberté » en CAP et en seconde professionnelle invite à réfléchir à la question « Peut-on tout dire et tout écrire ? ».

– Le programme de français en lycée professionnel en seconde professionnelle (objet d’étude « S’informer, informer : les circuits de l’information ») indique quant à lui qu’« il importe que les élèves prennent la mesure de leurs nouvelles responsabilités (authenticité, rigueur et pertinence des énoncés, respect d’autrui et protection de leur vie privée). L’objet d’étude conduit à s’intéresser à la forme, aux supports, à la correction de la langue, en tenant compte de toutes les composantes d’une situation d’énonciation ».

– Le thème 4 du programme de spécialité histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques de première générale s’intitule « S’informer : un regard critique sur les sources et modes de communication ». Il s’inscrit dans la même perspective : « Le recours à la longue durée, la mise en perspective d’événements et de contextes appartenant à différentes périodes rendent attentif aux continuités et aux ruptures, aux écarts et aux similitudes ». L’Axe 1 s’intéresse aux « Grandes révolutions techniques de l’information ».

– Les enseignements en STI2D ou en Bac Pro SN (systèmes numériques) abordent les réseaux (informatiques, numériques mais aussi téléphoniques), leur architecture et leur fonctionnement. Le « Programme d’innovation technologique et d’ingénierie et développement durable de première et d’ingénierie, innovation et développement durable de terminale STI2D » indique notamment que « L’éducation technologique doit permettre de doter chaque élève d’une culture faisant de lui un acteur éclairé et responsable de l’usage des technologies et des enjeux associés ».

 

Programmes cités

MEN. Enseignement Moral et Civique, Thème 1 : La liberté, nos libertés, ma liberté. In : Éduscol [en ligne], février 2020. https://cache.media.eduscol.education.fr/file/EMC/31/9/RA20_Lycee_P_CAP2_EMC_THEME_1_Liberte_nos_libertes_ma_liberte_1256319.pdf

MEN. Programme d’enseignement moral et civique de seconde générale et technologique. In : Bulletin officiel de l’Éducation nationale spécial [en ligne] n° 1 du 22 janvier 2019. https://cache.media.education.gouv.fr/file/SP1-MEN-22-1-2019/90/0/spe572_annexe1_1062900.pdf

MEN. Programme d’innovation technologique et d’ingénierie et développement durable de première et d’ingénierie, innovation et développement durable de terminale STI2D. Bulletin officiel de l’Éducation nationale spécial [en ligne] n° 1 du 22 janvier 2019. https://cache.media.eduscol.education.fr/file/SP1-MEN-22-1-2019/
61/0/spe591_annexe1_1063610.pdf

MEN. Programme de français, classe de seconde professionnelle. Bulletin officiel de l’Éducation nationale spécial [en ligne] n° 5 du 11 avril 2019. https://cache.media.eduscol.education.fr/file/SP5-MEN-11-4-2019/03/8/spe622_annexe_1105038.pdf

MEN. Programme de l’enseignement de français de la classe de seconde générale et technologique et de la classe de première des voies générale et technologique. Bulletin officiel de l’Éducation nationale spécial [en ligne] n° 1 du 22 janvier 2019. https://www.education.gouv.fr/bo/19/Special1/MENE1901575A.htm

MEN. Programme de sciences numériques et technologie de seconde générale et technologique. Bulletin officiel de l’Éducation nationale spécial [en ligne] n° 1 du 22 janvier 2019. https://cache.media.education.gouv.fr/file/SP1-MEN-22-1-2019/08/5/spe641_annexe_1063085.pdf

MEN. Programmes d’enseignement du cycle des apprentissages fondamentaux (cycle 2), du cycle de consolidation (cycle 3) et du cycle des approfondissements (cycle 4). Annexe 3, cycle des approfondissements. Bulletin officiel de l’Éducation nationale [en ligne], n° 31 du 30 juillet 2020 (Version consolidée). https://eduscol.education.fr/90/j-enseigne-au-cycle-4

MEN. Référentiel du Baccalauréat professionnel Systèmes numériques. Bulletin officiel [en ligne] n°13 du 31 mars 2016.
https://eduscol.education.fr/sti/sites/eduscol.education.fr.sti/files/Referentiel_Bac_pro_SN_18_mars_2016.compressed.pdf

MEN. Spécialité histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques de première générale. Bulletin officiel de l’Éducation nationale spécial [en ligne] n° 1 du 22 janvier 2019. https://cache.media.education.gouv.fr/file/SP1-MEN-22-1-2019/92/5/spe576_annexe_1062925.pdf

Cornélius Roosevelt, Instructions pour l’usage domestique du téléphone-Bell, 1878 / BnF

Le crime c’est l’affaire des lycéens !

Une fois l’idée esquissée, la professeure documentaliste du même établissement et un libraire du Furet du Nord de Dunkerque, choisi comme président du jury, viennent épauler la démarche. Si le prix est créé par les élèves, les adultes accompagnent, guident et encadrent1. Le chef d’établissement cautionne, valide et soutient le projet ainsi que l’ensemble de l’équipe de direction.
La démarche est innovante : créer un prix et inclure les élèves dans le processus de création. À eux d’être tantôt juré, tantôt photographe ou rédacteur web ou encore attaché de presse, vidéaste, dessinateur, etc. Pour la première année le projet a été proposé par la professeure de lettres aux élèves de première et de terminale de la spécialité HLP (Humanités, Littérature et Philosophie) qu’elle avait en classe. Neuf d’entre eux ont répondu favorablement et se sont investis tout au long de l’année en imaginant et réalisant les différentes activités en lien avec les livres de la sélection.

Être acteur de ses lectures

« Celui qui ne lit pas aura vécu une seule vie. Celui qui lit, aura vécu 5000 ans »
Umberto Eco, en entretien. Cité par Maggiori Robert.
Umberto Eco, un esprit livre. Libération, en ligne, 16 février 2016.

Faire découvrir la lecture dans sa globalité et sa complexité est important. Loin du roman de gare, le polar s’est vu attribuer tardivement ses lettres de noblesse. Les élèves, devenus sujets-lecteurs, pourront former et affiner leurs préférences et jugements esthétiques. Énigme, thriller, roman noir, psychologique, historique, scientifique… Il y en a pour tous les goûts !
En désinstitutionnalisant la lecture, les lycéens peuvent découvrir qu’un livre n’est pas uniquement un objet scolaire, que c’est une activité qui véhicule du plaisir. Un bon roman est un lieu d’évasion et de découverte.
Il importe aussi de désacraliser le livre et de donner vie à la lecture : loin de la chose poussiéreuse qui dort dans une bibliothèque, il faut montrer toute l’énergie dont il regorge. Cela permet aux participants de devenir lecteurs-acteurs et de découvrir l’impact fédérateur du monde livresque, notamment grâce aux réunions et débats qui, de surcroît, permettent le travail d’argumentation intrinsèque à tout prix littéraire.

« Celui qui ne lit pas aura vécu une seule vie. Celui qui lit, aura vécu 5 000 ans » Umberto Eco

Une sélection format poche

« À force de lire, j’ai des livres de poche sous les yeux »
Vincent Roca. Vincent Roca sucre les phrases. Albin Michel 2003.

Comment sélectionner les livres ? Pour prendre en compte le budget des lycéens, nous avons décidé de nous restreindre au format poche. Pour l’instant, les livres sont choisis en amont par le triumvirat : professeure de français, professeure documentaliste et libraire/président du jury, mais l’année prochaine, ce sont les lycéens qui sélectionneront les titres.
L’idée est de lire un maximum d’ouvrages, afin d’en sélectionner 4 à 5. Idéalement, ils doivent être tous différents : genre, écriture, thème abordé… L’éclectisme des ouvrages et des participants doit permettre de nourrir le débat final. Malheureusement, le contexte actuel nous a restreints à 3 livres.
Les livres sélectionnés sont dévoilés au fur et à mesure. Les élèves ont ensuite trois semaines à un mois pour les lire. Une fois lus par tous, nous proposons plusieurs activités et nous ne manquons pas d’imagination !

La lecture comme porte d’entrée vers des activités pédagogiques variées

À chaque livre, deux activités sont associées. Il faut mêler le pédagogique et le ludique en sollicitant la créativité et l’esprit d’invention. Réalisation d’affiches « avis de recherche » placardées dans les couloirs de l’établissement, création de bandes-sons, élaboration de Unes de journaux d’époque, transposition de romans dans la ville grâce à la photographie, sélection de tableaux évoquant un passage du livre, mise en parallèle avec des extraits d’œuvres classiques, lecture à voix haute filmée et diffusée sur les réseaux sociaux numériques, avis de lecture, réalisation d’un résumé en LSF (Langue des Signes Française)… Afin d’éviter la monotonie, chaque animation est choisie une seule fois. Les travaux des élèves sont publiés sur le compte Instagram créé pour l’occasion : prix_crime.de.l.annee.
Toutes les deux semaines, les encadrants et lycéens participant au projet se réunissent sur une « heure blanche » consacrée à différents clubs et ateliers au sein du lycée : c’est l’occasion de faire un bilan des réalisations mises en place et d’établir un nouveau planning d’actions.
À la fin de l’année scolaire, après avoir trouvé leur livre « coup de cœur », les participants défendent leurs points de vue respectifs. Un travail d’argumentation se met alors en place. Afin de faciliter cette démarche, une fiche lecture permet de faire émerger les points forts et points faibles de chaque titre.

L’élève au cœur du prix

« Quand tu sauras lire, tu ne seras jamais plus tout seul »
Jacques Folch-Ribas. Une Aurore boréale. Robert Laffont, 1974.

Les élèves sont au centre du projet. Ils ont trouvé le nom du prix, dessiné le logo, participé aux activités.
Beaucoup plus qu’un prix littéraire, l’intégration des élèves dans le processus de création participe, plus globalement, à la réussite scolaire grâce à un travail sur l’oralité et la découverte de nouveaux métiers. Nous travaillons l’argumentation : chaque élève doit faire entendre sa voix, développer son esprit critique en rédigeant des articles ou avis de lecture. C’est un entraînement pour le futur Grand Oral mais aussi pour certains, un véritable défi personnel.
Ambassadeurs, ils sont allés à la rencontre de chaque classe de l’établissement, afin de faire connaître le prix « Crime de l’Année » : résumés de livres, distribution de marque-pages, réponses aux questions des élèves ; leurs interventions étaient riches et variées.
Les adultes, eux, accompagnent. En effet, leur rôle est de penser les activités pédagogiques et d’épauler les lycéens si besoin est. La collaboration entre la professeure de lettres et la professeure documentaliste s’est mise en place tout naturellement et la répartition des tâches s’est organisée en complémentarité : la première retravaille les activités avec les élèves, corrige les éventuelles fautes de langue, etc., la seconde s’occupe de la partie communication, des publications sur le compte Instagram, etc. En parallèle, toutes les deux travaillent ensemble pour réfléchir aux activités, planifier les réalisations, les rencontres avec les membres du prix ou les interventions dans les classes.
La professeure documentaliste met à disposition des élèves du prix « Crime de l’Année » les titres choisis pour la réalisation des activités, mais propose également ces romans aux autres élèves, adultes et personnels de l’établissement pour qu’ils puissent découvrir la sélection de l’année (achat en début d’année scolaire de 10 exemplaires de chaque titre). Le CDI est le lieu d’accueil des différentes réunions de l’équipe et un espace est dédié au prix : présentoir des livres sélectionnés, marque-pages mis à disposition, avis des élèves sur chaque ouvrage sous forme de fiche « coup de cœur » et exposition d’affiches réalisées par les élèves pour promouvoir le concours littéraire dans l’établissement.

« Quand tu sauras lire, tu ne seras jamais plus tout seul » Jacques Folch-Ribas

Le marketing ou comment nous faire connaître ? Partenariat et merchandising

Une question simple a été posée aux élèves : comment faire parler du prix ? Pour le faire connaître, il faut être dans la tête des gens et pour ce faire, il faut nous voir et nous avoir !
Grâce au partenariat avec la professeure de LSF, le « Crime de l’Année » promeut l’inclusion, la découverte d’une nouvelle langue, il permet de s’ouvrir à différents publics et par là même de mettre en avant cette option du lycée Jean Bart.
La librairie Le Furet du Nord de Dunkerque a permis l’exposition des titres sélectionnés : à leur tour, les clients ont pu eux aussi trouver leur propre lauréat !
Plusieurs goodies ont été choisis. Des marque-pages ont été imprimés et distribués largement, à raison d’un marque-page différent pour chaque livre sélectionné, respectant le code couleur et l’ambiance de celui-ci. Une vente de T-shirts a facilité la visualisation de l’esprit d’équipe, l’appropriation et l’appartenance de tous à ce challenge et a apporté un financement relatif.
Une journaliste du « Phare dunkerquois », média local de la région de Dunkerque, a par ailleurs interviewé les élèves.
Il ne faut pas négliger non plus les réseaux sociaux numériques. Nous avons retenu Instagram, car son format correspond plus à la publication d’avis de lecture : il a permis de créer un lien avec certains auteurs.

Cérémonie de remise de prix

Après plusieurs débats, les participants ont sélectionné le lauréat avec pour but ultime : recevoir l’auteur. Les élèves ont alors pu revêtir la casquette de journaliste et rencontrer l’heureux gagnant, afin de découvrir le processus de création littéraire, les différents aspects du métier d’écrivain, mais aussi le circuit du livre, de l’édition à la commercialisation en passant par la communication.
La rencontre a eu lieu lors d’une cérémonie de remise de prix officielle organisée par les élèves et leurs professeurs dans le lycée. Étaient également présents d’autres professeurs, personnels et élèves de l’établissement scolaire, les familles des membres du prix littéraire ainsi que des représentants de la ville de Dunkerque et des partenaires culturels. L’équipe du « Crime de l’Année » a mis en scène des discours sous forme d’enquête policière en adéquation avec le thème. Chaque élève a pris la parole devant l’assemblée et ensemble ils ont remis un trophée orné d’un livre et d’une plume au lauréat !

Jérôme Loubry avec le trophée
du Prix « Crime de l’Année »

Bilan

Le contexte sanitaire a parfois mis à mal la motivation des élèves, mais notre enthousiasme est resté intact et a permis de raccrocher certains éléments parfois dilettantes. Malgré ces aléas, nous débordons encore d’idées. Nous avons un noyau dur d’élèves moteurs. Le mélange de ces deux groupes distincts en présentiel permet l’homogénéisation du groupe et un regain de motivation.
Nous aurions voulu inclure davantage les élèves dans la démarche de création du prix, le démarchage des professionnels de la communication et des médias mais nous n’avons pas réussi à réaliser tout ce que nous avions prévu. Cette période trouble actuelle nous a demandé une grande part d’adaptabilité. La souplesse a été notre leitmotiv. Présentiel, distanciel, changement de protocole, problèmes de connexion n’ont pas réussi à entamer notre volonté de mener à bien ce projet. Nous avons dû raccourcir certaines activités et en prendre quelques-unes en charge comme la réalisation des communiqués de presse par exemple.
Nous sommes encore pleins de ressources, et des partenariats avec des acteurs locaux sont en cours, notamment avec une librairie dunkerquoise. Nous recherchons d’autres structures pour accroître la notoriété de ce nouveau prix. À terme, nous souhaiterions participer à des événements littéraires tels que des salons du polar. Nous souhaitons aussi mettre en place l’an prochain la visite d’une rédaction de presse quotidienne régionale et rencontrer d’autres auteurs, même hors du domaine du roman policier.

Les pistes pour l’année prochaine

Cette première année nous a permis de mettre en lumière les points forts, mais aussi de cerner des axes d’amélioration. Ainsi, nous avons décidé d’ouvrir le prix à l’ensemble des élèves du lycée.
Force de proposition, les élèves et leurs professeurs liront une quinzaine de livres durant l’été et choisiront de concert les quatre derniers livres en lice à la rentrée prochaine.
Pour l’heure, nous n’avons pas encore mis en place l’ouverture du prix aux autres établissements, mais nous avons déjà quelques idées : liste des livres sélectionnés, accès aux marque-pages personnalisés, envoi des affiches de promotion et bien sûr la possibilité de voter pour le lauréat. Nous envisageons pour cela de créer une association, afin de faciliter la participation d’autres établissements : ceux-ci pourraient adhérer à l’association et obtenir le « pack » pour mettre en place l’activité.

Et l’avis des élèves dans tout ça ?

« Lorsque l’on m’a appris qu’un prix littéraire était organisé au lycée, récompensant des polars de surcroît, j’ai immédiatement rejoint le jury ! C’est une expérience inouïe et très enrichissante, que je poursuivrai sans pyrrhonisme aucun l’an prochain ! », souligne Marion élève de première.

« J’ai toujours rêvé de participer à un prix littéraire. Ce projet me tient vraiment à cœur. Cela m’a permis de découvrir un genre que je ne connaissais pas beaucoup et de partager ma passion pour la lecture avec d’autres élèves et professeurs passionnés », ajoute Juliette, élève de terminale.

Manon, élève de terminale, surenchérit en disant « le prix m’a fait découvrir l’univers du polar, qui m’était inconnu ! J’ai pu participer à un projet qui réunissait des personnes comme moi : des fans de lecture ou mangeurs de livres ! Ce prix était un très bon projet pour ma dernière année de lycée ».

Et sur ce point de vue Gaïane, élève de terminale, la rejoint « la création du prix était pour moi l’occasion de partager avec d’autres élèves une passion, qui est aujourd’hui trop mise de côté par manque de temps, et de faire des activités qui changent le quotidien du lycée ».

Et tous de conclure que 

« C’était une aventure humaine palpitante pleine d’enrichissements et de surprises »