« Tu fais des bulles de silence dans le désert des bruits ». Ce vers de Paul Eluard (Facile, 1935) pourrait constituer une citation intéressante à mettre en exergue au CDI pour allier Printemps des Poètes et règles de vie du lieu, en un clin d’œil poétique. Cette phrase peut également s’apparenter au fil conducteur de ce numéro d’Intercdi.
Bruit et silence, le yin et le yang de nos vies au CDI, la beauté du doux bourdonnement des élèves au travail ou du calme après la déferlante de la récréation ; l’agacement et l’agressivité des décibels qui montent lorsque l’espace est saturé de sons. Comment gérer cet éternel dilemme ? Timothée Mucchiutti s’est penché sur cette question dans sa fiche pratique, grâce à une réflexion sur l’aménagement de l’espace et sur l’éducation à la santé par la sensibilisation au bruit et à ses risques auprès des élèves.
Le silence du temps qui s’étire et qui paresse ensuite, dans l’ouverture culturelle de Sophie Dremeau qui donne un avant-goût de vacances, en proposant par exemple aux lecteurs estivaux de se mettre en scène avec le livre emprunté pour les vacances, de manière à créer une carte postale poétique exposée au CDI à la rentrée suivante. Le silence des non-dits et des secrets de famille ou a contrario le bruit des jeux d’une fratrie font également écho au thémalire de Mélanie Davos qui dresse une sélection de fictions sur la famille.
Envelopper nos existences d’un silence documentaire qui effacerait toute trace numérique, c’est ce qu’analyse Olivier Le Deuff dans son article Indexation des connaissances versus indexation des existences. Citant Colin Koopman, « le scénario est effrayant : tout le monde autour de vous est bien attaché à ses données alors que [si] vous êtes sans données, sans informations, et par conséquent vraiment sans défense, que feriez-vous de vous-même ? Que pourraient faire de vous les autres ? » Comment combiner la transparence permanente des individus indexés à l’aune des algorithmes numériques et la nécessaire classification des connaissances, au fondement même du savoir ? Pour y répondre, Olivier Le Deuff convoque la figure tutélaire de Guillaume de Baskerville (Le Nom de la Rose, U. Eco), personnage qui était « mû par l’unique désir de la vérité, et par le soupçon (…) que la vérité n’était pas ce qu’elle lui paraissait dans le moment présent ». Une définition possible de l’ÉMI, en quête d’esprit critique et de fiabilité de l’information ?
Enfin, la calme concentration du lecteur attentif alors que l’imagination galope dans son esprit ou le bruit effervescent d’une animation ludique autour du Défi Babélio : voilà de quoi nourrir nos envies d’activités de promotion de la lecture, grâce à l’article de Corinne Paris sur le désormais célèbre défi participatif. Une manne d’idées et de possibilités à explorer autour de cette sélection annuelle de romans et de BD… avant d’aller fureter dans la première librairie ouverte sur le métavers, comme le signale, entre autres pépites, la veille numérique de Gabriel Giacomotto.
Silence, on lit, on indexe, on réfléchit, on agit !
Indexation des connaissances versus indexation des existences
L’histoire de l’indexation est marquée par différentes manières de comprendre et de savoir. Nous souhaitons montrer ici que l’action d’indexer et d’organiser l’information n’est pas nécessairement liée à une volonté de rendre la connaissance accessible à tous, mais qu’elle est souvent guidée par le désir d’en savoir plus sur ce que font les individus.
Qu’est-ce qui est désormais le mieux indexé ? Les connaissances et leurs supports (ouvrages, périodiques, etc.) ou bien nos différentes activités personnelles sur les réseaux ? Les acteurs commerciaux du web se montrent plus intéressés par les secondes et déploient en conséquence des méthodes pour y parvenir.
Faut-il pour autant accepter cette intrusion dans nos vies privées ? Pour répondre à ces interrogations, nous nous proposons d’apporter un regard rétrospectif sur les processus d’indexation qui s’inscrivent depuis longtemps dans une tension entre indexation des connaissances et indexation des existences.
Les lecteurs d’InterCDI connaissent bien l’histoire de l’organisation des connaissances, ses grands acteurs et leurs réalisations, notamment en ce qui concerne les enjeux classificatoires. On songe bien entendu à Bacon, Harris, Dewey, Otlet, Ranganathan, ainsi qu’à toutes les méthodes d’indexation entre les classifications décimales, les vedettes-matière et les thésaurus.
Mais si l’organisation des connaissances a veillé à améliorer l’accessibilité informationnelle par des méthodes de classement optimisées, ses travaux et avancées ont souvent été source d’inspiration pour des motifs moins louables. Si le but premier était de classer l’information et d’organiser les connaissances pour faciliter la « retrouvabilité » (findability) et la compréhension des domaines de savoir sous des formes de type encyclopédique, les méthodes d’organisation des connaissances eurent également une influence sur la formation des esprits des individus. Cependant, ces enjeux de formation s’accompagnent également de stratégies de contrôle, ce que montre Ronald Day à propos de l’indexation :
« Je soutiens que l’indexation et l’indexation documentaire jouent un rôle majeur et croissant dans l’organisation de l’identité personnelle et sociale et de la valeur et dans la réorganisation de la vie sociale et politique. Ce phénomène a entraîné une réécriture des psychologies personnelles et sociales de la tradition occidentale des deux dernières années et modifie les notions de soi et de la personnalité, les textes et la textualité, le jugement personnel et le rôle de la critique dans la pensée et la politique. Aujourd’hui, ces fondements de la pensée des Lumières, tels que les pouvoirs naturels individuels, l’absence de surveillance et les droits de la parole, sont systématiquement dépassés et effacés avec l’aide importante de systèmes documentaires au service du pouvoir et du profit de l’État et de l’entreprise, à la fois au sein des états démocratiques et non démocratiques3 » (Day, 2014).
Le Nom de la Rose
Cette tension est parfaitement illustrée par l’opposition entre deux personnages du Nom de la Rose, le franciscain Guillaume de Baskerville et le dominicain Bernard Gui. Pour la resituer, rappelons que le héros du roman d’Umberto Eco est un détective de la période médiévale qui utilise des méthodes dignes de Sherlock Holmes et s’inscrit dans la lignée de Guillaume d’Ockham, célèbre désormais pour « le rasoir d’Ockham » qui renvoie au fait de chercher la solution la plus simple quand elle existe, ce qui signifie également qu’il n’est pas nécessaire d’inventer de nouveaux mots ou concepts quand on en dispose déjà de pertinents. Guillaume de Baskerville est un moine franciscain, ancien inquisiteur, dont la logique repose sur la recherche de la vérité des faits et dont le narrateur du Nom de la Rose, Adso de Melk, donne la description suivante :
« Alors je ne savais pas ce que frère Guillaume cherchait, et à vrai dire je ne le sais toujours pas aujourd’hui, et je présume que lui-même ne le savait pas, mû qu’il était par l’unique désir de la vérité, et par le soupçon – que je lui vis toujours nourrir – que la vérité n’était pas ce qu’elle lui paraissait dans le moment présent » (Eco, 1982).
L’inquisiteur dominicain, Bernard Gui, présente un tout autre visage que celui de Guillaume de Baskerville. C’est d’abord un personnage réel, connu pour ses missions contre les hérésies dans le sud de la France. Ce n’est pas la vérité des faits qui l’intéresse, mais la préservation du dogme. Il lui faut donc traquer tout ce qui pourrait s’en détourner et qui constituerait alors des erreurs, étymologiquement des hérésies. L’inquisiteur traque le faux pour le dénoncer et pour le condamner :
« Bernard a été pendant des années le maillet des hérétiques dans la région de Toulouse et a écrit une Practica officii inquisitionis heretice pravitatis à l’usage de tous ceux qui devront poursuivre et détruire vaudois, béguins, bougres, fraticelles et dolciniens. » (Eco, 1982).
L’opposition de style est une opposition idéologique qui explique pourquoi, actuellement, ces deux positions s’affrontent avec des méthodes parfois communes, mais des visées qui diffèrent. Le rapport à la foi de Guillaume de Baskerville et de Bernard Gui apparaît distinct. En effet, la confiance envers les autres repose sur le doute chez le franciscain, tandis qu’elle repose sur le soupçon chez le dominicain. La recherche de la vérité suppose une volonté d’absolu, voire d’éclaircissement personnel pour mieux comprendre l’univers. La méfiance vis-à-vis des autres implique une crainte envers l’avenir et la peur que des pensées autres et nouvelles viennent pervertir les représentations qui ont mis tant de temps à être construites et qui sont également l’assurance de la solidité des dogmes et des pouvoirs qui y sont associés. Si Guillaume de Baskerville ne sait pas exactement ce qu’il recherche, Bernard Gui sait parfaitement ce qu’il cherche à défendre.
Le Janus bifront de l’indexation
L’enjeu indiciaire, dont le but est de relever des indices pour éventuellement aboutir à des révélations, est essentiel dans les deux types d’indexation. La position de Guillaume de Baskerville consiste à lever le voile (étymologiquement, la révélation) pour accéder à une vérité difficile d’accès parce que les coupables ne veulent justement pas être identifiés, tandis que la position de Bernard Gui repose sur la nécessité de mettre en évidence ce qui est hors norme : l’anomalie ou l’erreur qui doit être poursuivie. Les deux culpabilités qui en résultent n’ont rien à voir l’une avec l’autre, même si elles reposent sur un travail qui consiste à accumuler des preuves.
Le travail de recherche documentaire apparaît même en opposition. À une logique indiciaire somme toute scientifique, tant il s’agit de rapporter des éléments à comparer à d’autres et à construire des hypothèses, s’oppose une logique indiciaire qui traque les éléments contraires au dogme, car l’hérésie est assimilée à une forme de virus qu’il faut éradiquer. L’éradication passant par la destruction des écrits et parfois par celle de ceux qui les ont produits.
L’indexation est ainsi un Janus bifront avec des périodes plus ou moins fastes pour l’un des deux côtés. Mais ils sont parfois difficiles à distinguer. Les bascules étant rapides entre les deux ; les progrès de l’organisation des connaissances permettant d’imaginer de nouvelles prérogatives pour l’indexation des existences.
Plusieurs épisodes de l’histoire info-documentaire illustrent bien cette tension. Un des plus emblématiques repose sur l’utilisation détournée d’un travail documentaire bibliographique d’ampleur : la bibliographie universelle compilée par Conrad Gesner (1516-1565), un véritable catalogue de ressources en langue latine, grecque, hébraïque et arabe. Conrad Gesner informe son lecteur qu’il n’a pas cherché à vérifier la véracité de tous les ouvrages recensés considérant ainsi que chacun des ouvrages présente un intérêt potentiel pour le lecteur. Ce formidable travail de recensement va être utilisé par l’inquisition quelques années plus tard pour mettre en place l’index des livres interdits, index librorum prohibitorum en 1559. Conrad Gesner est également mis à l’index dans le même mouvement, car il est calviniste. L’index ainsi produit requiert des preuves documentaires que sont les ouvrages qui sont alors lus et examinés pour être mis au ban. Ils constituent les preuves de l’hérésie. On passe ainsi en quelques années du catalogue des ouvrages potentiellement pertinents au catalogue des ouvrages ouvertement dangereux aux yeux des autorités ecclésiastiques.

La pratique des listes de livres interdits se rencontre à plusieurs reprises. Les nazis vont ainsi établir des listes spécifiques pour mener des autodafés et pour expurger tous les travaux qu’ils jugent néfastes, notamment les ouvrages d’auteurs juifs. En France, de telles listes sont alors établies avec l’aide des collaborationnistes français en septembre 1940. C’est le cas de la liste Bernhard puis de la liste Otto4. Des saisies ont alors lieu dans les librairies et la liste s’allonge avec l’intégration d’auteurs marxistes après la rupture du pacte germano-soviétique ainsi que des auteurs britanniques et américains.
Toujours dans cette perspective de détournement bibliographique, un autre exemple à citer est magnifiquement illustré par le film sur John Edgar Hoover réalisé par Clint Eastwood (Eastwood, 2011). J. Hoover, futur dirigeant du FBI réalise une démonstration de sa vision de l’institution en montrant à sa secrétaire sa capacité à retrouver rapidement une information au sein de la Bibliothèque du Congrès. Il lui annonce alors qu’il désire procéder de même pour le FBI. C’est ainsi qu’il développe le premier fichier national des empreintes digitales. Les fiches et les fichiers prisés par les bibliothécaires et les documentalistes deviennent des instruments potentiels pour d’autres types de fichage.
Les acteurs de la documentation eux-mêmes peuvent parfois être tentés par le « côté obscur » de l’indexation. Paul Otlet, lui-même, n’y échappe pas. Il envisage ainsi d’utiliser des logiques classificatoires dans un article de 1906 intitulé « De quelques applications non bibliographiques de la classification décimale » :
« Mais en dehors des Tables de la classification bibliographique décimale, le principe même du classement décimal peut recevoir mainte application intéressante. Son emploi pour l’établissement du casier judiciaire et pour le signalement anthropométrique paraît devoir retenir spécialement l’attention. On n’ignore pas l’importance qu’a prise l’identification des délinquants : elle permet de reconstituer leur histoire en dehors de leurs propres allégations ; elle rend vaine toute tentative de dissimulation de nom ; elle ne fait plus la police tributaire d’un simple interrogatoire. On sait qu’en France, M. Bertillon a attaché son nom à un système d’identification basé sur des mensurations et des caractères physiques : on mesure, par exemple, la taille, l’envergure des bras, la longueur de l’index ; on note les dimensions crâniennes, la couleur de l’iris, etc. Ces bases objectives échappent au mensonge.
La méthode consiste à attribuer à chaque individu anthropométré (délinquants, conscrits, etc.) un numéro classificateur basé sur les éléments récognitifs les plus caractéristiques de leur personne physique et inscrits en quelque sorte dans leurs organes. On pourra toujours retrouver ensuite, sous le même nombre classificateur, dont les éléments de formation sont invariables, tous les documents (photographies, pièces, rapports, etc.) ayant trait à un même individu. » (Otlet, 1906, p. 96).
Paul Otlet envisage les moyens de caractériser un individu de façon unique, non sans prendre appui sur des théories anthropométriques dont les présupposés racistes et les fondements guère scientifiques ont été plusieurs fois démontrés depuis.
On pourrait citer d’autres types de détournement comme les travaux bibliométriques et scientométriques dont le but est d’abord de comprendre la science telle qu’elle se fait, et qui peu à peu est devenue synonyme de classement et de gestion managériale de la science. C’est l’usage détourné de la scientométrie qui mérite d’être discuté, pas la scientométrie elle-même. Il en va de même pour l’indexation qui demeure essentielle et nécessaire, tout comme les métadonnées.
Faut-il lutter contre l’indexation ?
Les risques ainsi décrits, faut-il alors considérer que l’indexation serait potentiellement néfaste au point d’envisager de l’interdire ou tout au moins de la limiter ? Faut-il casser alors les systèmes d’indexation ? L’expansion des métadonnées et des dispositifs de production d’indexation des activités personnelles s’observe sur la plupart des sites et dispositifs en ligne, au point d’ailleurs qu’on constate également que des prérogatives « régaliennes » se banalisent. Des sociétés privées du web parviennent de plus en plus à procéder à des contrôles d’identité comme c’est le cas parfois sur Facebook ou Google, notamment quand il s’agit de récupérer un compte à la suite d’une usurpation d’identité, ou, plus fréquemment, sur Airbnb qui souhaite vérifier l’identité de ses clients pour se prémunir contre des abus. Il reste qu’on ne sait pas toujours quels sont les vérificateurs, et ce d’autant plus que parfois le contrôle s’exercerait par des systèmes de vérifications algorithmiques, notamment quand il s’agit de comparer la photo de la pièce d’identité avec celle de la webcam. Il est probable que ces données sont en fait vérifiées par des tiers fort mal payés à l’autre bout de la planète. Le vol de données est alors une crainte légitime et ce, d’autant que les indexations en tout genre prolifèrent, notamment en matière de données de santé. Comment se prémunir contre le fait que les données de type ADN finissent par transiter d’entreprise en entreprise au point de se voir refuser un prêt ?
Cependant, s’il faut clairement développer des stratégies de prudence, de méfiance, voire de résistance, il semble qu’il faille également préserver l’essence des processus documentaires et des enjeux organisationnels, notamment en considérant que le travail d’indexation des personnes peut s’avérer également bénéfique pour les individus, car il s’agit aussi de pouvoir leur accorder des droits. Faire disparaître totalement ces processus revient au final à considérer que l’identité devient volatile, qu’il n’existe plus de nationalité, de reconnaissance associée :
« Que se passerait-il si vous perdiez définitivement l’accès à toutes vos données d’un seul coup ! Au-delà du simple vol d’identité ou de l’égarement des données, imaginez un scénario de suppression permanente des données personnelles. Cette perspective, une fois réfléchie, est vraiment effrayante. Que feriez-vous si vous deviez, d’une manière ou d’une autre, vous détacher définitivement de toutes vos données personnelles ! Que feriez-vous si vous deveniez d’une manière ou d’une autre définitivement non reconnue par tous les systèmes de données ! C’est précisément ce que la personne informationnelle redoute le plus : l’effacement permanent et irréversible de la totalité de ses informations personnelles et donc de son identité informationnelle. Pas de permis de conduire, pas de passeport, pas de numéro de compte bancaire, pas de rapport de crédit, pas de relevé de notes d’université, pas de contrat de travail, pas de carte d’assurance médicale, pas de dossier médical et, au fond, pas de certificat de naissance enregistré. Le scénario est effrayant : tout le monde autour de vous est bien attaché à ses données alors que vous êtes sans données, sans informations, et par conséquent vraiment sans défense. Que feriez-vous de vous-même ! Que pourraient faire de vous les autres ! Que pourrait faire la bureaucratie lorsque vous lui faites part de votre détresse, étant donné qu’aucune bureaucratie ne peut traiter un sujet autrement que par ses informations !5 » (Koopman, 2019, p. 4)
La recherche de l’équilibre
Une position équilibrée apparaît ici nécessaire en plaidant pour une éthique de l’indexation qui repose sur des décisions politiques plutôt que sur des stratégies d’ethics washing.
L’enjeu est aussi de plaider pour un renouveau de l’organisation des connaissances qui a toujours été un domaine d’innovation et d’exploration, mais qui s’avère actuellement dominé en la matière par les recherches au niveau de l’indexation de nos activités privées et personnelles à des fins marketing ou policières. Le couplage des index et des algorithmes permet à des catalogues comme ceux d’Amazon ou de Netflix d’anticiper au mieux les besoins des usagers en privilégiant des logiques qui sont celles d’une « économie de la jouissance » qui est éloignée des formes pensées pour accéder à la connaissance.
Comment réinjecter de l’innovation et un intérêt grandissant au profit d’une écologie de la raison ! On espère apporter quelques solutions dans les prochaines années aux lecteurs d’InterCDI.
L’indexation n’est pas le territoire réservé des professionnels de l’information, comme les questions algorithmiques ne concernent pas seulement les informaticiens et les mathématiciens. Cela implique de nouvelles formes de collaborations et de recherche-développement pour que les instruments de l’indexation et de l’algorithmique ouvrent des potentialités classificatoires et de nouveaux moyens de manipulation de l’information à des fins intellectuelles.
Guillaume de Baskerville n’a pas dit son dernier mot.
Les mille facettes du Défi Babelio
Il y a trois ans, une collègue de français et moi étions à la recherche d’un prix littéraire différent des autres, un prix qui pourrait intéresser des adolescents de plus en plus captivés par leurs écrans et de moins en moins lecteurs. Des collégiens qui soupiraient quand j’entrais en classe avec un bac plein de nouveaux livres. Des enfants qui jugeaient les ouvrages à leur épaisseur ou qui n’arrivaient pas à dépasser le premier chapitre d’un roman, quand ce n’était pas la première page.
Un concours qui met en avant l’ÉMI
Notre désarroi était grand, et le Défi Babelio nous a paru une occasion à saisir pour ces adolescents réticents. Premier argument qui a pesé dans la balance : l’importance de la sélection. Celle-ci est très large, puisqu’elle va de 30 ouvrages pour les juniors à 40 pour la catégorie Ado + (niveaux 3e et lycée). Nous nous sommes dit que parmi ceux-ci, chaque membre de la classe trouverait quelques titres à son goût.
Autre argument qui nous a fait choisir ce prix : la variété des livres. On trouve des mangas, des bandes dessinées, des romans policiers, de la littérature générale, du fantastique comme de l’historique…
Les activités numériques qui rythment le Défi nous ont aussi séduites : d’une part, c’est le seul prix littéraire qui met en avant le numérique et nous connaissons l’appétence de nos élèves pour celui-ci. D’autre part, pour les professeurs documentalistes, il s’agit d’un outil idéal pour les former à l’ÉMI et aux outils numériques.
Le Défi Babelio étant partenaire du site communautaire de lecteurs Babelio, c’est sur celui-ci que nos élèves écrivent des critiques d’ouvrages et publient des quiz. Cela nous donne ainsi la possibilité de les faire travailler sur les sites web, la publication en ligne, les traces et l’identité numériques, le droit d’auteur, etc.
De même, l’utilisation d’applications en ligne pour réaliser certains défis (nuages de mots, photo-montages…), la publication de productions sur des murs collaboratifs multimédias, permettent l’acquisition de compétences numériques et de savoirs sur les logiciels libres, la collecte de données, le montage photo…
Consacrer du temps au Défi
Dès la première année, nous nous sommes rendu compte qu’il importait de bien présenter le prix et ses enjeux aux élèves afin de les motiver, car on allait leur demander beaucoup de travail tout au long de l’année. C’était à nous d’expliquer en quoi il consistait, quitte à y revenir plusieurs fois. Il était nécessaire aussi de montrer des exemples de productions d’élèves (le site du Défi Babelio en regorge1) car s’ils savaient ce qu’était la rédaction de critiques littéraires, ils étaient, en revanche, parfois désorientés lorsqu’on abordait les activités numériques et les supports multimédias.
Nous avons dû, par ailleurs, souligner l’importance de la collaboration entre eux. Souvent, les collégiens prennent peur en voyant les 35 titres (pour le défi Ado), car ils imaginent qu’ils doivent tous les lire de manière individuelle, alors qu’il s’agit de faire en sorte que l’ensemble des ouvrages soient lus, afin de pouvoir répondre de manière collaborative aux différentes épreuves comme le Quiz final. C’est le groupe qui doit lire, et non chaque élève.
Nous avons également consacré du temps au site Babelio et aux fonctions qu’il offre, car ils ne le connaissaient pas ou très peu. Par exemple, comment cataloguer et organiser sa bibliothèque virtuelle d’un simple clic : on choisit un livre et ses références (titre, auteur, maison d’édition, couverture…) sont importées. On leur a indiqué les subtilités de la critique de livres en ligne : le résumé, l’avis, la notation, les mots-clés (« étiquettes ») et les citations.
On leur a fait connaître le moyen de partager leurs goûts de lecture en donnant leurs avis, de trouver des recommandations bibliographiques, de lire des biographies d’auteurs, d’écouter des interviews, de regarder des vidéos de présentations, de faire des quiz littéraires, etc.
Nous avons enfin créé avec eux le profil de la classe sur Babelio. Les élèves devaient choisir un avatar (une illustration pour les représenter). Ils avaient à écrire une biographie de leur classe (onglet « Ajouter une description personnelle »). Sur leur profil, ils pouvaient aussi exposer leur « défi lecture » et leurs six titres préférés. Au moins quatre séances ont été nécessaires pour réaliser tout cela : une séance de présentation du défi, une pour découvrir la sélection lecture et faire les premiers emprunts, une autre sur le fonctionnement de Babelio et enfin, plusieurs séances pour tester le site et compléter leur compte, commencer à écrire des critiques et à les enrichir par des citations et des notations, faire les premiers quiz en ligne…
Un gros investissement
Au fur et à mesure, nous avons constaté que le projet représentait un gros investissement pour les professeurs impliqués. Heureusement que nous étions deux pour nous organiser et nous partager les tâches : informer les parents et le chef d’établissement, lire les ouvrages, corriger les critiques, numériser les productions plastiques, rassembler les œuvres, sans parler de la préparation des séances sur le droit d’auteur, l’identité numérique, etc. Il y a beaucoup de travail en amont et en aval du défi, surtout la première année, quand on n’a pas encore pris ses marques.
Le site defibabelio.fr fourmille de documents que l’on peut utiliser. Des vidéos de présentation viennent rythmer les différents projets proposés. Une FAQ donne le mode d’emploi du concours. Les collègues bénévoles2, à l’origine du prix, mettent aussi à disposition un guide pratique de participation, les sélections de livres pour les trois niveaux (sous différents formats), des exemples de cartes Id, etc. Une web conférence est également organisée chaque année, début novembre, avec Canopé, pour ceux qui débutent.
Enfin, le forum auquel les professeurs inscrits ont accès est une autre source d’idées, de projets…
Une expérience enrichissante
Mais cet investissement ne pèse pas quand on voit l’engouement des élèves pour le Défi Babelio. Peu à peu, ils se prennent au jeu des différents défis et les attendent avec impatience. Ils se conseillent sur leurs lectures, émettent des avis sur leurs critiques, testent leurs quiz, vont voir ce que font les autres concurrents… C’est ce que nous avons expérimenté avec bonheur dès 2019. La première année, en 2019-2020, la classe de 4e avec laquelle nous travaillions, s’était prise au jeu de la compétition avec les autres collèges. Elle était impressionnée par le nombre de participants (plus de 100 inscrits) et le fait qu’il y ait des établissements scolaires de pays étrangers (Espagne, Royaume-Uni, Maroc, Canada, etc.) attisait sa curiosité pour ces élèves lointains géographiquement : qui étaient-ils ? Comment fonctionnait leur école ? Ce qui l’intéressait avant tout, c’était de découvrir les autres groupes, leurs cartes d’identité, leurs résumés, grâce à Babelio et aux tableaux collaboratifs.
Nos élèves furent par ailleurs séduits par l’utilisation d’outils numériques, car cela changeait de ce qu’ils avaient l’habitude de faire lors des prix littéraires précédents. En revanche, ils furent déçus par la difficulté de communiquer avec les autres classes via le site Babelio. En effet, il n’y a pas de « chat », mais un système de messagerie. On envoie un message et on attend qu’on nous réponde. On est loin de l’interactivité de Twitter.
Adapter le prix aux élèves
L’année dernière (2020-2021), nos élèves ont adoré les défis numériques : déposer des avis critiques sur Babelio, mais aussi et surtout relever les challenges proposés. Nous avons débuté par la carte d’identité numérique (« Cartes ID ») qui permet de présenter sa classe ou son club sous forme de carte postale virtuelle. Celle-ci peut être interactive ou non : il y a deux ans, nous nous étions contentés d’un dessin accompagné d’un poème. L’année dernière, nous nous sommes lancés dans une carte animée avec une application graphique.
La création de nuages de mots (ou « nuages de tags ») a été très appréciée, car c’est une activité ludique qui permet de jolies réalisations, grâce à des applications en ligne comme Wordart, faciles à prendre en main. Même les collégiens les plus rétifs ou les plus en difficulté ont réussi à faire des productions. Cela a été l’occasion aussi de travailler avec eux sur les mots-clés (les « tags »). Les élèves se sont aussi impliqués dans les Instadéfibabelio et la réalisation de photos mystères pour faire deviner des titres de la sélection aux autres concurrents.

Nous n’avons pas encore tenté les « book trailers » (ces vidéos littéraires que l’on réalise avec Powtoon, Animoto, Moovly…), ni celles « booktubes » (présentations filmées) ou encore les « bookfaces », car ils nous paraissent pour l’instant hors de portée.
Tous les défis proposés ne sont pas obligatoires et il est important d’adapter le prix aux élèves, à leur rythme et à leurs compétences. Par exemple, cette année, le projet a des difficultés à avancer avec notre classe de 4e très hétérogène, qui compte beaucoup de petits lecteurs, d’enfants dyslexiques et d’anciens ENAF3. Ce n’est pas grave, car, parmi la sélection4, nombre d’ouvrages (BD, mangas, romans courts) sont faciles d’accès. Et nous avons un peu d’expérience : les challenges numériques les plus simples à mettre en œuvre comme les nuages de mots, les quiz, l’instadéfi seront les outils de valorisation de leurs lectures. Nous avons déjà de belles surprises parmi les premières productions. Une nouvelle fois, l’année va être enrichissante pour les élèves comme pour nous, grâce à ce prix.


Les vacances
Musées et expositions
Musées
Le musée du Bagage à Haguenau présente une collection de 200 pièces de malles, sacs et valises.
http://www.museedubagage.com/

Le musée de la colo
Un site spécialisé dans les colonies de vacances : association créée en 1997, elle regroupe plusieurs fonds d’associations ou encore d’organismes catholiques : Le fonds Buchard, Le fonds Cejam, Le fonds Coex, Le fonds Courcelles, Le fonds Gugliémi, le fonds Jacky Jobert, Le fonds Saint-Pascal, entre autres.
http://lemuseedelacolo.fr/
Expositions itinérantes
Les vacances à papa, Conservation Départementale du Tarn : exposition qui valorise, de 1950 à 1970, la politique des Houillères en faveur des congés des mineurs et de leurs familles, à travers des photographies et des souvenirs de vacances.
https://musees.tarn.fr/conservation-departementale/expositions-itinerantes-en-pret/les-vacances-a-papa
Grandes vacances, Conseil départemental du Val d’Oise. Exposition qui évoque les traces des premiers vacanciers dans le Val d’Oise : maisons de villégiature, campings, colonies de vacances, plages fluviales.
http://www.valdoise.fr/2718-expositions-itinerantes.htm
Les Corréziens en vacances, Archives départementales de la Corrèze, 2008.
https://www.archives.correze.fr/les-expositions/les-correziens-en-vacances-2/

À nous les vacances ! Archives départementales du Val-de-Marne, 2006.
https://archives.valdemarne.fr/a/83/a-nous-les-vacances-/
Archives
Les archives de l’INA
Les Français racontent leurs premières vacances en 1936.
https://www.youtube.com/watch?v=gV6Q8uFbaeg
1957 : Paris se vide au mois d’août.
https://youtu.be/5_lZTzvZn1U?t=44
1960 : Les conseils pour passer de bonnes vacances.
https://www.youtube.com/watch?v=skfqwGjqHmg
1961 : Les vacances en train et sur l’autoroute.
https://youtu.be/K0h0SfBJ-1o?t=15
1965 : Tu fais quoi de tes vacances !
https://www.youtube.com/watch?v=Wxj4rNK2cyQ
Le site des Archives nationales du monde du travail qui contient de nombreuses références (textes et images) sur les colonies de vacances, les vacances et les congés payés.
https://archives-nationales-travail.culture.gouv.fr/
Les services d’archives de nombreux départements et municipalités permettent de retrouver des expositions, des films sur la thématique des vacances ainsi que divers documents d’époque :
Corinne Dalle et Jean-Michel Viallet, Vive les vacances ! Archives départementales du Puy-de-Dôme.
https://www.archivesdepartementales.puy-de-dome.fr/n/vive-les-vacances/n:114
Colonie de vacances, Archives départementales de la Vendée.
http://recherche-archives.vendee.fr/archives/catalogue/mati%C3%A8re/COLONIE_DE_VACANCES
Brécéan, une colonie de vacances de l’été 1950, MGEN, JPA, FSOL, CEMÉA, Archives départementales du Val-de-Marne, 2015.
https://archives.valdemarne.fr/r/166/2015-brecean-une-colonie-de-vacances-de-l-ete-1950-par-la-mgen-la-jpa-la-fsol-et-les-cemea/
Les colonies de vacances, Archives départementales de l’Aisne.
https://archives.aisne.fr/documents-du-mois/document-les-colonies-de-vacances-87/n:85
En vacances à La Falaise, Archives départementales du Pas de Calais.
https://archivespasdecalais.fr/Chercher/Fonds-et-collections/Archives-privees/Archives-d-associations/41-J-Archives-de-la-Falaise/En-vacances-a-La-Falaise
Colonies de Vacances, Archives municipales de Fontenay sous Bois : nombreuses photos d’époque.
https://archives.fontenay-sous-bois.fr/archives-en-ligne/photographies/colonies-de-vacances

Programmes et repères pédagogiques
Collège
Langues vivantes. Cycles 2,3,4 : Ouvrir aux autres cultures et à la dimension internationale. Eduscol, 2016.
https://eduscol.education.fr/document/14548/download
Histoire 3e. Cycle 4 – Thème 1 – Guerres mondiales et régimes totalitaires (1914-1945)
Sous thème 2 : Démocraties fragilisées et expériences totalitaires dans l’Europe de l’entre-deux-guerres
BOEN n° 11 du 26 novembre 2015.
Lycée professionnel
Histoire-géographie. Première, enseignement commun : états et sociétés en mutations (XIXe siècle – 1re moitié du XXe siècle) Premier thème : Hommes et femmes au travail en métropole et dans les colonies françaises : « 1936 : Front populaire, lois sociales ».
https://eduscol.education.fr/document/25942/download#:~:text=Inaugurant%20le%20programme%20annuel%20d,des%20guerres%20mondiales%20et%20la
BO spécial n° 1 du 6 février 2020.
Lycée général
Langues vivantes. Seconde, première, terminale : Formation culturelle et interculturelle. https://eduscol.education.fr/document/24676/download
https://eduscol.education.fr/document/24679/download
BO spécial n° 1 du 22 janvier 2019.
Histoire. Terminale : fragilités des démocraties, totalitarismes et Seconde Guerre mondiale
Chapitre 1. L’impact de la crise de 1929 : déséquilibres économiques et sociaux. Points de passage et d’ouverture « Juin 1936 : les accords Matignon. »
https://eduscol.education.fr/document/8027/download, Eduscol, juin 2021.
« Le Front populaire souhaite répondre aux attentes sociales fortes pour éviter que les masses ne soient séduites par les modèles proposés en Italie, en Allemagne, en URSS. » Juin 1936 : Les Accords Matignon. En mai 1936, le Front populaire. « la mise en place de lois sociales déjà prévues (semaine de 40 heures, congés payés) s’inscrivent dans l’histoire des conquêtes sociales des travailleurs depuis le XIXe siècle. »

SES. Terminale, spécialité : Quelles inégalités sont compatibles avec les différentes conceptions de la justice sociale ? Égalité des situations / égalité des chances. Eduscol, 2020.
https://cache.media.eduscol.education.fr/file/SES/04/6/RA20_Lycee_G_T_SPE_SES_justice_sociale_1318046.pdf
Pistes pédagogiques
Avec les collègues d’histoire-géographie :
• Construire un schéma heuristique collaboratif, après avoir effectué des recherches documentaires et une veille sur les réformes du Front populaire.
https://edubase.eduscol.education.fr/fiche/17807
• Préparer un débat en classe de 3e sur le Front populaire.
https://hist-geo.spip.ac-rouen.fr/spip.php?
article5228
• Recherches iconographiques sur les Archives nationales du monde du travail, les sites départementaux ou municipaux d’archives, en vue d’effectuer des séances d’analyse d’images.
En collaboration avec les professeurs de langues, recherches documentaires et veille(s) en langues étrangères, notamment dans la presse, afin d’exploiter le vocabulaire lié à la thématique des vacances pour raconter ses vacances, rédiger une carte postale, préparer ses vacances, s’informer sur le pays visité :
• Une séance sur les colonies de vacances en cours d’anglais, niveau collège.
https://www.lumni.fr/video/les-colonies-de-vacances
• Avec les élèves allophones.
https://www.lepointdufle.net/penseigner/lexique_vacances-fiches-pedagogiques.htm
• En italien.
https://ww2.ac-poitiers.fr/italien/spip.php?article38
https://italien.ac-versailles.fr/spip.php?article269
• En espagnol.
https://www.pedagogie.ac-aix-marseille.fr/jcms/c_306910/fr/sequence-de-vacaciones
Entraînement à l’oral avec les élèves, à partir de récits de vacances.
https://savoirs.rfi.fr/fr/apprendre-enseigner/societe/raconter-ses-vacances-dete
En collaboration avec le professeur de SES, EMC : débats sur les inégalités sociales liées aux vacances.
Activités en Français Langue Étrangère sur les départs en vacances, à l’occasion des congés payés de l’été 1936.
https://enseignants.lumni.fr/parcours/0106/fle-les-departs-en-vacances-a-l-occasion-des-conges-payes-de-l-ete-1936.html
Emprunter une exposition sur les vacances, visiter le musée du Bagage.
Avec le professeur de SVT, atelier : comment réduire l’empreinte carbone des vacances !
Proposer aux lecteurs qui partent en vacances avec les livres du CDI de se photographier avec. Exposer ensuite les photos comme des cartes postales poétiques.
Avant les vacances, proposer une offre de lecture en lien avec la période. Possibilité de mise en scène.
Proposer des kits de lecture (sacs tout prêts contenant une sélection de livres) pour les vacances.
Sitographie
Sites institutionnels
Ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports : vacances.
https://jeunes.gouv.fr/-Vacances-
Ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance : comment bien préparer ses vacances en France ?
https://www.economie.gouv.fr/cedef/preparer-ses-vacances-en-france
Ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance : les 80 ans des congés payés.
https://www.economie.gouv.fr/node/33894
Liberté, inégalités ! Fraternité. Les inégalités dans les loisirs. Observatoire des inégalités, 2019 : plusieurs vidéos consacrées aux inégalités concernant les vacances (Ex : et pour moi, c’est quand les vacances !) ainsi qu’un dossier issu d’enquêtes sur ce sujet.
https://www.inegalites.fr/liberte-inegalites-fraternite#Les-chapitres/chapitre74
Académie de Versailles
Solange Pierrat : une introduction au Front populaire en collège, 2009.
https://histoire.ac-versailles.fr/spip.php?article628
Stéphane Taragon : Enseigner le front populaire et pratiquer la différenciation à l’aide de documents iconographiques, 2021.
https://histoire.ac-versailles.fr/spip.php?article2084
Le 14 juillet 1936, le triomphe du front populaire, 2009.
https://histoire.ac-versailles.fr/spip.php?article733
Hérodote
André Larané, 3 mai 1936 : Un Front populaire en France, 2020.
https://www.herodote.net/3_mai_1936-evenement-19360503.php
André Larané, 20 juin 1936 : Le Front populaire généralise les congés payés, 2021.
https://www.herodote.net/20_juin_1936-evenement-19360620.php
Yves Chenal, Histoire des vacances, 2020.
https://www.herodote.net/Une_Histoire_des_vacances-synthese-624.php
Autres sites
Charlotte Denoël, 2004, L’histoire par l’image, Les grèves de mai-juin 1936.
https://histoire-image.org/fr/etudes/greves-mai-juin-1936
Jérôme Fourquet, Simon Thirot, Les Français et les vacances : quelles inégalités ! 2019.
https://www.jean-jaures.org/publication/les-francais-et-les-vacances-quelles-inegalites/
Filmographie
Documentaires
Dossier : les vacances, Arte, 2021, 2 mn 23.
https://www.arte.tv/fr/videos/104755-000-A/dossier-les-vacances/
Novel, Céline. Des vacances familiales. Need productions, 2011. 45 mn.
Varda, Agnès, Les plages d’Agnès, Ciné-Tamaris, ARTE France, 2008, 110 mn.
Vassili Silovic / Roland Theron. France-Allemagne, une histoire commune – Paysages de vacances (épisode 3/10). Point du Jour, 2015. 26 min.
Lumni :
• France Télévisions, INA, TV5MONDE, 5 mn 05 : Le Front populaire, niveau 3e.
https://www.lumni.fr/video/le-front-populaire
• France Télévisions : Les vacances des Français, lycée, 2019, 3 mn 21.
https://www.lumni.fr/video/les-vacances-des-francais
• Les départs en vacances à l’occasion des congés payés, lycée, 1 mn 11.
https://enseignants.lumni.fr/fiche-media/00000000902/les-departs-en-vacances-a-l-occasion-des-conges-payes-de-l-ete-1936.html
• La folle histoire des vacances, collège, 2 mn 28.
https://www.lumni.fr/video/la-folle-histoire-des-vacances
• L’histoire des cahiers de vacances, 3 mn 02.
https://www.lumni.fr/video/cahier-de-vacances-un-succes-bien-francais
Fictions
Bivel, Didier. Fais-moi des vacances. France télévisions, 2002. 86 mn.
Brac, Guillaume. À l’abordage. Jour2Fête, 2021. 95 mn.
Faxon, Nat ; Rash, Jim. Cet été-là. 20th Century Fox, 2013. 103 mn.
Girault, Jean. Les grandes vacances. Studio Canal, 2011. 100 mn.
Guevara Pose, Ana ; Jorge Romero, Leticia. Tanta agua. La vie est belle, 2014. 102 mn.
Östlund, Ruben. Snow Therapy. BAC Films, 2015. 118 mn.
Tati, Jacques. Les vacances de Monsieur Hulot. Studio Canal, 2014. 114 mn.
Vignal, Caroline. Antoinette dans les Cévennes. Diaphana, 2020. 97 mn.

De Gaulle à la plage, Philippe Rolland, Arte, 2019, chaque vidéo dure 3 mn.
https://www.arte.tv/fr/videos/RC-020264/de-gaulle-a-la-plage/
Une série d’animations humoristiques d’après la BD éponyme de Jean-Yves Ferri.
Radio
Émission : Les archives de l’été sur France culture avec pour sujet : Enquête sur les vacances, injonction sociale et étalement des congés. 2021 : 58 min.
https://www.franceculture.fr/emissions/les-archives-de-lete/enquete-sur-les-vacances-injonction-sociale-et-etalement-des-conges
1936, ainsi front front front les partis de gauche : épisode 2 de la série Histoire de la gauche en quête du pouvoir. France culture, 2021 : 51 min.
https://www.franceculture.fr/emissions/le-cours-de-lhistoire/histoire-de-la-gauche-en-quete-du-pouvoir-23-1936-ainsi-front-front-front-les-partis-de-gauche
Les vacances pour tous ! C’est à partir de 1936. France Bleu. 2018 : 5 mn.
https://www.francebleu.fr/emissions/ils-ont-fait-l-histoire/les-vacances-pour-tous-c-est-a-partir-de-1936

Représentations artistiques
Chansons
Edgar de l’Est. Les vacances. Indigo, 2001.
7 min 52.
Gall, France. Mes premières vraies vacances. Philipps, 1964. 2 mn 14 (musique Jacques Datin, paroles Maurice Vidalin).
Jonasz, Michel. Les vacances au bord de la mer. Warner music France, 2006. 2 mn 45.
Piscine, Louis. Les vacances. Because éditions, 2017. 3 mn 20.
Trénet, Charles. Nationale 7. Columbia, 1955. 2 mn 39.
Tableaux
Denis, Maurice. La colonie de vacances. Musée de l’Oise, 1913. H. 50 cm ; L. 74 cm, peinture à l’huile sur carton.
Boudin, Eugène. Baigneurs sur la plage de Trouville, Calvados. Musée d’Orsay, 1869. H. 30,5 cm ; L 48,7 cm, huile sur bois.
Boudin, Eugène. Baignade à Deauville. National Gallery of Art Washington, 1865. Huile sur toile.
Photos, affiches
Les célèbres photos de vacances et de plages du Britannique Martin Parr, Ex. : L’acropole d’Athènes, en Grèce. Magnum Photos / Rocket Gallery, 1991 ; La tour de Pise, Italie. Magnum Photos / Rocket Gallery, 1990 ; Venise, Italie. Magnum Photos / Rocket Gallery, 2005 ; Sorrento, Italie. Magnum Photos / Rocket Gallery, 2014.
https://www.nouvelobs.com/galeries-photos/photo/20170323.OBS7028/grand-format-tourisme-de-masse-8-photos-cultes-de-martin-parr.html
Consulter les nombreuses affiches, photos numérisées sur les sites d’archives nationaux, départementaux, communaux.
Exemple : Affiche Le Havre 23 août 1995, Une journée sur la plage pour 5000 enfants, Secours populaire français et la ville du Havre, Archives nationales du monde du travail.


Veille numérique 2022 N°2
éducation
Jeux vidéo en classe
La Commission européenne a financé le projet #gaming4skills, afin d’aborder les jeux vidéo en classe. Il est constitué d’un livret sur les jeux vidéo dans l’éducation, d’un guide pratique sur l’utilisation des jeux vidéo en classe et de 4 bibliothèques d’expériences de 88 modules pédagogiques (en tant que spectateurs, en tant que créateurs, en tant que joueurs individuels ou en groupe). Les ressources du site sont sous licence Creative Commons Attribution – Non Commerciale – Partage à l’identique.
https://www.gaming4skills.eu/resources/?lang=fr
Le dessous des plantes numérisées
Le système racinaire des plantes est un univers méconnu et fascinant par sa diversité et son organisation, similaire aux artères d’une ville ou aux veines du corps humain.
Des dessins cartographiant les trajectoires souterraines des plantes les plus communes d’Europe ont été réalisés sur plusieurs décennies par le professeur Erwin Lichtenegger et la directrice de l’Institut de phytosociologie d’Autriche, Lore Kutschera. L’université de Wageningen, aux Pays-Bas, a numérisé cette impressionnante collection de dessins de plantes.
https://images.wur.nl/digital/collection/coll13/

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CC BY-NC-ND
Le Metaverse College
Ridouan Abagri, le fondateur du Digital College, va ouvrir la première école française dédiée au métavers. Persuadé que l’avenir est virtuel, il estime que de nombreuses entreprises ne voudront pas rater le virage du métavers. Ce projet ambitieux proposera des Masters “Chef de projet métavers”, “Metaverse & Data Science”, ainsi que des cursus sur les NFT et la cryptomonnaie.

Lecture numérique
ISBN-A + QR code
Depuis janvier 2022, une nouvelle fonction est ajoutée à l’identification du livre par l’ISBN. Il s’agit de l’ISBN-A (« the actionable ISBN »), un service en ligne d’information sur l’ouvrage. Pour cela, un QR code est placé sur la couverture du livre et donne accès à des données associées au livre sur le site de l’éditeur. Il est désormais aisé de se renseigner sur un ouvrage avec un smartphone lorsque le QR code est disponible.

Bibliothèque numérique sur chameaux solaires
En Éthiopie, l’ONG Save the Children coordonne plusieurs bibliothèques ambulantes à dos de chameau, afin que les enfants des nombreux villages isolés aient accès à l’éducation. Récemment, des chameaux ont été équipés de panneaux solaires, afin de charger des tablettes contenant des livres numériques et des outils éducatifs. L’intérêt réside dans le fait que ces appareils numériques peuvent contenir de très nombreux ouvrages dont des livres d’auteurs éthiopiens au tirage restreint.
écologie
MOOC sur les impacts environnementaux du numérique
Réalisé par l’association Class’Code et l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria), ce MOOC permet de se questionner sur les impacts environnementaux du numérique, de réaliser son propre diagnostic grâce aux données, de réfléchir à des actions possibles pour un numérique durable et de sensibiliser les élèves et le personnel des établissements scolaires.
https://www.fun-mooc.fr/fr/cours/impacts-environnementaux-du-numerique/
Conscience numérique durable
Dans le but de développer une conscience numérique durable, trois ligues européennes de l’enseignement (France, Italie, Belgique) ont construit des outils pour se diriger vers une transition écologique. Les ressources du site comprennent des guides de sensibilisation sur les enjeux environnementaux et sociaux, des livrets éducatifs sur les usages éco-responsables, des modules d’auto-formation et une malle pédagogique contenant, entre autres, un glossaire d’une centaine de notions et 18 activités pédagogiques.
https://fra.conscience-numerique-durable.org/
Réseaux sociaux
Vidéos de dix minutes sur TikTok
Très apprécié par la jeunesse, le réseau social TikTok va, à nouveau, augmenter la durée des vidéos. Après être passées de une à trois minutes, elles vont désormais atteindre la durée maximale de dix minutes. Cette nouvelle limite place le réseau social en concurrence avec Youtube. À la suite du succès de TikTok, Youtube, Instagram et Snapchat avaient, eux aussi, proposé un service de courtes vidéos…
Géants du web
UE versus GAFAM
La Commission, le Conseil et le Parlement européen ont finalement adopté, après plusieurs mois d’âpres négociations, la législation sur les services numériques (Digital Markets Act). La DMA oblige les poids lourds du numérique à rendre les messageries instantanées compatibles entre elles. Par ailleurs, l’utilisateur de smartphone pourra choisir librement son navigateur, son moteur de recherche et son assistant vocal ! Cette obligation entrera en vigueur en janvier 2023.
Des GAFAM ultrapuissants
La puissance économique et financière des géants du numérique atteint des sommets en 2021 ! Les bénéfices nets en milliard de dollars : Apple 95, Google 76, Facebook 39, Amazon 33 et Microsoft 19, soit un total de 262 milliards de dollars. À titre de comparaison, le bénéfice net du CAC 40, nos 40 «champions» de l’hexagone, est d’environ 156 milliards de dollars. Les GAFAM occupent cinq des dix premières places des capitalisations boursières mondiales !

Technologie
Écran numérique mobile
Le Consumer Electronic Show de Las Vegas (CES), grand raout de l’innovation, qui s’est déroulé en janvier 2022, a vu son nombre d’exposants réduit de moitié par rapport à l’année dernière. Néanmoins, la France était bien représentée avec ses 130 exposants. Une des innovations est particulièrement intéressante : l’écran mobile sur pied à roulette, sans fil, 27 pouces, de la marque LG. Celui-ci s’incline, pivote et est multifonction (TV, PC, tableau, …). Il pourrait être fort utile dans un CDI. La date de sortie et le prix n’ont pas été communiqués. À suivre !
Le nouvel Internet Web3
Basé sur la blockchain (cryptomonnaies, NFT, etc.), le Web3 est censé rendre la souveraineté à l’individu. Le principe : un réseau décentralisé de façon à ce que chacun ait le contrôle sur ses données et le choix de partager celles-ci via une blockchain. Néanmoins, ce système étant basé sur la valeur, de nombreux pionniers investissent énormément, espérant faire fortune… Si le libre et gratuit n’a pas sa place dans cette nouvelle toile, pas certains que le monde entier l’adopte !
Librairie dans le métavers
Méta, le monde virtuel selon Mark Zuckerberg, connaît quelques difficultés au démarrage dont l’abandon de la cryptomonnaie Diem ! Néanmoins, une première librairie vient d’ouvrir dans le métavers, une librairie sud-coréenne du groupe Kyobo Book Center. La librairie a été reproduite grâce à une caméra omnidirectionnelle qui a numérisé les lieux en 3D. Les clients, sous la forme d’un avatar, peuvent zoomer sur les livres puis les acheter… Visiblement, aux États-Unis comme en France, les librairies ne se pressent pas pour créer leur double virtuel !
Implant cérébral par Elon Musk
Neuralink, la start’up d’Elon Musk, recrute un directeur et un coordinateur d’essais cliniques. A priori, tout porte à croire que l’implant cérébral va bientôt être testé sur des humains. L’objectif est de donner la possibilité aux personnes paralysées de contrôler les prothèses robotiques. Manifestement, le transhumanisme est une véritable obsession chez Elon Musk, à en croire ses déclarations sur le sujet !

Fin de la 2G et 3G
Orange a annoncé l’extinction progressive des réseaux 2G (2025) et 3G (2028), afin de libérer des fréquences qui vont bénéficier à la 4G, puis, dans un second temps, à la 5G. Très souvent en fréquences basses, les zones rurales auront beaucoup plus de capacité en bande passante. Actuellement 10 % des téléphones portables sont en 2G/3G et 95 % du trafic de données se fait en 4G/5G.
Droit et données personnelles
Hackers russe vs Anonymous
La guerre en Ukraine a mis en lumière l’importance du sabotage numérique. Les hackers de chaque bord rivalisent pour affaiblir l’ennemi. Piratage de médias russes et de caméras de surveillance par Anonymous, cyberattaque du réseau électrique ukrainien et du réseau social Telegram par des hackers russes ! Ces attaques, la plupart du temps silencieuses, font probablement énormément de dégâts, étant donné la totale dépendance des infrastructures au numérique.

Rideau de fer numérique
L’espace numérique de la Russie se rapproche dangereusement du modèle Chinois, même si, techniquement, le réseau n’est pas encore coupé du reste du monde. Le Kremlin prend de plus en plus de mesures d’interdiction, voire de blocage, comme pour Instagram et Facebook. Une législation sévère limite les contenus des réseaux sociaux et contrôle les internautes. Enfin, l’ostracisation internationale accentue l’isolement numérique de la Russie.
No future…
Les innovations du Salon Milipol 2021
Cet événement mondial de la sûreté et de la sécurité intérieure des États, qui se tient à Paris, présente de plus en plus de produits high-tech tels que des drones et des robots rivalisant d’ingéniosité pour repérer et “neutraliser”. Assurément, le maintien de l’ordre et les guerres futures seront dominés par les algorithmes. Les marchands d’armes ne connaissent pas la crise.
Les « profiteurs de guerre » à l’ère du numérique
Lors de grands évènements mondiaux, comme la pandémie du covid-19, les escrocs profitent de l’émotion générale pour tromper les internautes. La guerre en Ukraine n’échappe pas au phénomène avec des faux directs sur Instagram et TikTok, pièges à clic sur Facebook, dons à des fausses ONG ukrainiennes, œuvres artistiques en NFT faussement solidaires, etc. Tout cela sans compter sur l’émergence de boutiques en ligne spécialisées dans les goodies à la gloire de l’Ukraine (ou de Poutine) fabriqués en Chine et revendus 10 fois le prix…
Dresseur d’intelligence artificielle
Ce nouveau métier, peu connu, car pas très flatteur pour les géants du numériques, est indispensable pour le fonctionnement des IA. Ce travail consiste à renforcer la reconnaissance de la parole, de l’écriture ou des images par des intelligences artificielles. Les plus grands utilisateurs de dresseurs d’IA sont les assistants vocaux qui ne reconnaissent que 80 % des demandes. Les offres d’emploi pour ce travail à la chaîne, souvent mal payé, sont mises en ligne discrètement sur des plateformes de micro-travail. Ces petites mains, très nombreuses, sont indispensables, car les intelligences artificielles ne sont, pour le moment, pas très futées.
En famille !
«On choisit pas ses parents1»
Le dictionnaire Larousse définit la famille comme un « ensemble formé par le père, la mère (ou l’un des deux) et les enfants ». Les parents sont ainsi, culturellement, les premiers protagonistes de la famille puisqu’ils en sont à l’origine. Ils le sont également en littérature jeunesse, qui est un lieu de représentations de différentes structures familiales comme c’est le cas pour Violette, dans Dear George Clooney, tu veux pas épouser ma mère ? de Susin Nielsen. À douze ans, de parents divorcés, l’adolescente a vu son père refonder une famille et sa mère enchaîner les prétendants, chacun avec plus de défauts que le précédent… À l’arrivée de Dudley Wiener, elle décide de prendre les choses en main en contactant George Clooney et en filant le nouveau venu. Hors de question de laisser sa mère sortir encore avec un looser ! Violette s’inquiète pour sa mère et pour ce qu’il adviendra de leur relation à l’installation pérenne d’un nouvel homme dans sa vie. Le roman garde un ton léger où les situations comiques s’enchaînent, posant sur la table un sujet qui concerne nombre d’élèves : celui de la famille recomposée.
Les parents sont également source de nombreux questionnements, comme c’est le cas pour Guilène, dans L’âge du fond des verres de Claire Castillon. Avec ses parents, elle a de très bonnes relations, des petits rituels pleins d’amour et elle peut parler de tout (ou presque !). Mais en entrant en classe de sixième, elle va découvrir qu’ils sont un peu différents de ceux des autres élèves du collège, ils sont… plus âgés, bien plus âgés. Cette différence – qui va finalement se révéler ne pas être si embarrassante – va lui procurer un sentiment de honte et remettre en question les relations intra-familiales. C’est la même émotion qui agite Mo dans Y’a pas de héros dans ma famille de Jo Witek. Le roman aborde la honte et le sentiment d’infériorité lié à la classe sociale. Pour le petit garçon de fin d’école primaire, il y a deux mondes : celui de l’école – où l’on fait attention à son comportement et à son expression – et celui de la maison où le langage est familier, où la famille nombreuse s’agite et parfois s’affole. Un jour, en se rendant chez un camarade de classe, il découvre avec stupeur une immense maison où tout se passe comme à l’école et où les photos de chaque « héros » (prix Nobel de médecine, avocat…) sont accrochées au mur. Mo ressent alors de la honte à l’idée d’appartenir à une famille où il n’y a pas de héros. Son inconfort, ses doutes et ses questionnements sont perçus par ses parents qui réussiront à créer un magnifique moment de cohésion rattaché à l’histoire familiale.
L’inconfort, c’est également ce que ressent Ware dans Le Château des Papayes de Sara Pennypacker. Celui-ci a du mal à trouver sa place dans la famille, dans le sens où il ne correspond pas aux attentes de ses parents. Mal à l’aise dans les interactions sociales, Ware préfère se réfugier dans les histoires qu’il invente grâce à son imagination débordante. Au fil du roman, à la suite de la rencontre avec une jeune fille à côté du centre aéré où il est censé passer ses vacances et la venue de son oncle qui se reconnaît enfant, Ware va affirmer sa personnalité et renouer le lien avec ses parents en leur montrant le poids de leurs attentes et la force de ses rêves. C’est à nouveau une thématique qui peut toucher les élèves : comment développer sa propre personnalité face aux attentes de ses parents ? Comment se détacher de l’image que leurs parents ont d’eux ? Dans ce texte, l’ouverture sur d’autres membres de la famille (son oncle, sa grand-mère) est un élément pivot de la construction de Ware.
Le lien fort avec les grands-parents
Les grands-parents sont souvent des personnages importants dans la construction de soi et la perception de sa famille. Comme substitut à des parents pour les élever en leur absence, comme des personnes pleines de ressources liées à leur expérience ou enfin comme une première confrontation avec la disparition d’un être cher.
C’est ce que vit Momo, dans la bande dessinée éponyme de Jonathan Garnier et Rony Hotin. L’ouvrage et les couleurs nous entraînent dans la douceur de l’enfance, sucrée et espiègle comme les bonbons qu’on suce en faisant l’école buissonnière. Nous accompagnons Momo dans ces jolis moments jusqu’à la dernière partie de l’histoire où sa grand-mère décède. Cette première perte, dépeinte avec justesse et douceur, fait écho à celle vécue par la plupart des élèves, leur appréhension et leur entrée dans le « monde des adultes ». Cette expérience est centrale dans la construction du rapport à l’autre, d’autant plus quand la relation avec les grands-parents a été forte.
Ainsi, dans Paloma, papi et moi, de Julie Rey, Marin passe souvent de bons moments avec son grand-père à voler avec Paloma, son petit avion. Mais un jour, son papi doit être opéré du cœur, il ne pourra pas voler le temps de sa convalescence. C’est d’abord la première expérience de l’inquiétude face à l’état de santé d’un proche, mais c’est aussi l’occasion pour Marin de renouer un lien avec son père. Car ce qu’il partage avec son grand-père, son papa ne le vit pas avec lui. La relation de Marin avec son grand-père joue ici le rôle de trait d’union entre un père et son fils pour les deux générations. Ce roman énonce aussi une autre réalité : celle de la famille d’un des parents (la maman) qui vit dans un autre pays (l’Algérie).
On retrouve cette thématique de l’apprentissage et de la transmission dans le manga Une sacrée mamie, adapté d’un roman autobiographique de Shimada Youshichi2 ; Akihiro quitte Hiroshima du jour au lendemain pour partir vivre chez sa grand-mère à la campagne. D’abord très attristé de se retrouver sans sa famille, il va s’adapter et tisser des liens extrêmement forts avec sa grand-mère, une femme prête à partager son expérience et à ouvrir Akihiro à une vie bien différente de celle qu’il a vécue jusqu’ici.

« Mes frères et mes sœurs3 »
Au même titre que les parents, les relations dans la fratrie sont un espace de socialisation et d’apprentissage. Entre pairs, frères et sœurs apprennent à gérer des conflits, à partage, à s’entraider… et sont confrontés à de nombreux sentiments dont il faut apprendre la gestion comme la rivalité ou la jalousie. Ces relations sont souvent représentées dans les fictions jeunesse.
Ainsi, dans Marie et Bronia : le pacte des sœurs de Natacha Henry on retrouve la force du lien fraternel. Le roman raconte l’histoire des
sœurs Slodowska et dépeint la grande entraide qui naît entre elles à la suite du décès de leur mère. Bronia part d’abord en France pendant que Marie subvient à ses besoins financiers en travaillant en Pologne, puis cette dernière rejoint sa sœur à Paris pour faire ses études, alors que Bronia exerce comme gynécologue. L’ouvrage est centré sur la relation entre les deux sœurs et le pacte qu’elles ont scellé qui leur permettra de devenir chacune une grande scientifique et de s’accomplir professionnellement.
Jean-Philippe Arrou-Vignod raconte également les liens fraternels dans ses histoires de Jean-quelque-chose. Dans les années 1970, la famille nombreuse vit dans chaque tome des histoires rattachées au quotidien : vacances, école, arrivée d’un nouvel enfant… Les frères forment à eux six une petite communauté où ils apprennent les uns des autres, entourés de leurs parents. On retrouve dans ces romans l’idée de l’apprentissage par les pairs et les petites disputes liées aux tempéraments et aux différences d’âge.
Dans Un jour, je te mangerai de Géraldine Barbe, les relations entre Chloé et sa grande sœur Alexia sont complexes. La jeune narratrice a peur de sa sœur, elle se sent méprisée, voire détestée… En réalité, ce qu’Alexia hait, c’est son propre corps. Elle souffre d’anorexie, trouve chaque centimètre de son corps plein de graisse dérangeante et jalouse sa petite sœur au corps encore enfantin, aux hanches étroites et aux cuisses fines. La force de l’ouvrage tient dans la narration de cette relation conflictuelle en lien avec la maladie, mais racontée du point de vue de la plus jeune. Celle-ci ne comprend pas ce qui se passe dans l’esprit de sa sœur et se sent responsable de ses écarts d’humeur à son égard. Ce que montre le roman, c’est que lorsqu’un membre de la famille éprouve un mal-être les sentiments des autres peuvent être liés à l’incompréhension de ce qu’il se passe.
On retrouve cette thématique du mal-être dans Frangine, de Marion Brunet. Joachim, élève de terminale voit sa petite sœur Pauline intégrer le lycée. Celle-ci va vivre – et taire – une situation de harcèlement liée à leur famille homoparentale. Joachim va ressentir son mal-être… Ce roman très fort aborde de nombreux sujets en rapport avec les relations familiales : le lien fort qui unit Joachim et Pauline tout d’abord, les questions relatives à l’homoparentalité ensuite.
Quatre sœurs, de Malika Ferdjoukh, présente la force des liens fraternels. En réalité, elles sont cinq et viennent de perdre leurs parents. Ici la famille ne correspond plus à sa définition originale, mais à ce qu’il en reste. Les émotions des cinq sœurs sont multiples, propres à chacune d’entre elles et les quatre tomes de la saga donnent la parole aux quatre plus jeunes, tour à tour.
« Un seul être vous manque et tout est dépeuplé4 »
La gestion d’un événement douloureux et son impact sur les relations dans la famille sont au centre de la saga de Malika Ferdjoukh. La perte d’un membre de la famille peut amener chacun à rechercher sa place et son rôle. Dans Les optimistes meurent en premier, Susin Nielsen aborde la reconstruction d’une adolescente après la perte de sa petite sœur. Depuis cet événement, Pétula, seize ans, a développé de nombreuses phobies et fait preuve d’une extrême prudence, afin de se protéger d’un accident. Pétula se croit responsable de la mort de sa petite sœur, celle-ci ayant avalé le bouton d’un doudou qu’elle lui avait fabriqué. Auparavant membre d’une sororité, elle se retrouve seule et perd ses repères. C’est la rencontre avec un camarade ayant lui aussi un passé compliqué qui va lui permettre de se reconstruire.
C’est à nouveau la thématique de la famille recomposée, vue sous un angle différent, qui est abordée dans Nous sommes tous sa famille de Patricia MacLachlan. Après le départ des touristes de la période estivale, une famille d’insulaires retrouve, sur le pas de sa porte, un bébé dans son couffin, accompagné d’une note de la mère de l’enfant : « Voici Sophie, elle a presque un an. Par pitié gardez-la. Je reviendrai la chercher un jour. Je l’aime. » L’histoire est racontée du point de vue de Larkin, pré-adolescent qui accueille comme une petite sœur Sophie. On s’éloigne ici de la définition du dictionnaire Larousse, la famille pouvant s’agrandir, au-delà du lien du sang ; l’officialisation contractuelle comme l’adoption et l’accueil d’un nouveau membre peut permettre à chacun de retrouver sa place. D’autant que la famille de Larkin, on le comprend au fil de la lecture, a vécu la perte d’un enfant. L’arrivée de la petite Sophie, dont chacun sait qu’elle ne restera pas, est l’occasion pour tous – père, mère, enfant et grand-mère – de retrouver son rôle et sa place auprès de l’autre et de se reconstruire.

Écritures médiatiques et partage de savoirs
Dans le contexte du web participatif, de nouvelles formes de publication se sont développées, elles sont à l’origine d’un renouveau des pratiques d’écriture en ligne. Chacun, amateur ou expert, peut facilement devenir producteur de contenus, créer et publier ses propres productions médiatiques : rédiger des billets pour son blog, poster articles et messages sur les réseaux, contribuer à une définition wiki ou plus simplement échanger autour de contenus produits par d’autres. Ceci, dans une intention de communication, préoccupée de mise en visibilité, de participation, et/ou de partage de savoirs.
Ces questions sont au cœur de ce nouveau numéro d’Inter CDI qui étudie – et interroge – les formes, les codes et les langages que ces productions médiatiques mobilisent, individuellement ou collectivement, compte tenu des régimes de participation dans lesquels elles s’inscrivent.
Contribuer à l’encyclopédie collaborative Wikipédia, où « le pouvoir d’écriture est distribué » entre contributeurs volontaires (pas forcément experts), implique, comme le met en évidence Gilles Sahut, de suivre certaines règles formelles, qui visent à réguler le processus de publication et garantir un niveau de qualité aux articles. Deux règles rédactionnelles, au fondement de la politique éditoriale de Wikipédia, sont étudiées dans l’article : la neutralité de point de vue et la citation des sources ; elles constituent des cadres de négociation pour trancher d’éventuels désaccords entre contributeurs, en cas de sujets controversés notamment. En référence aux « politiques de vérité » de Michel Foucault, l’auteur distingue six régimes épistémiques qui fonctionnent comme une grille d’analyse des désaccords éditoriaux ; ils correspondent à autant de rapports à la vérité et de conceptions de la validité, dans Wikipédia, et même au-delà. Ce qui est une invitation à faire de la question complexe du « vrai » un objet de réflexion à part entière dans le cadre d’une éducation critique à l’information et aux médias.
C’est à une autre communauté de savoir, la blogo-sphère infodoc, que s’intéresse Victoria Pfeffer-Meyer, et plus particulièrement aux récits-témoignages de six professeurs documentalistes : des productions créatives qui réinventent des rhétoriques et développent des formes nouvelles de rapport au savoir. Le processus d’écriture est multimodal, interactif, et réflexif ; le média blog sert à communiquer avec les pairs et à prendre du recul sur sa pratique. Et si les discours font une large place à l’introspection, ils sont également l’occasion de produire et de partager des savoirs, à partir de l’expérience personnelle, et de créer des réseaux de savoirs et d’acteurs. À l’occasion, ils donnent aussi à voir des situations originales (deux exemples sont donnés) : débordant de l’info-documentaire au sens strict, et mettant à profit centres d’intérêt (yoga, méditation) ou pratique personnelle (allaitement sur le lieu de travail) pour créer ou approfondir des savoirs qui, partagés, constituent des ressources pour la communauté.
Avec les résultats de l’enquête réalisée via les listes de diffusion nationale et académique par Kaltoum Mahmoudi et Emilie Dooghe, un autre type de savoir professionnel est partagé, relatif à la mise en application du décret sur les ORS dans les établissements. Derrière les mots retenus par les professeurs documentalistes pour parler des obstacles, des bricolages ou des renoncements opérés, c’est de rapports singuliers à la fonction enseignante que témoignent les discours. Le texte du décret se révèle ambigu et diversement interprétable, ce qui ne peut qu’interroger.
Au-delà de ces trois articles, de nombreuses pistes de lecture sont proposées, sur des sujets variés (condition noire, changement climatique, pratique de l’oral, nouveautés éditoriales), dans d’autres formes médiatiques, qui élargissent la focale, ouvrant sur divers savoirs à explorer.
La question de la validité des savoirs au sein de Wikipédia
Les encyclopédies traditionnelles comme l’Universalis ou la Britannica ont trouvé le moyen de résoudre ce type de problèmes. L’écriture des articles est confiée à des experts du domaine qui choisissent de développer telle facette du sujet et pas telle autre. Les processus éditoriaux à l’œuvre s’avèrent autrement plus complexes pour Wikipédia où le pouvoir d’écriture est distribué à tous les contributeurs volontaires. Aussi la communauté wikipédienne a-t-elle élaboré des règles rédactionnelles telles la neutralité de point de vue (NPOV) et la citation des sources pour trancher les éventuels désaccords. Pourtant, malgré le fait que les conditions semblent réunies pour la tenue d’un échange pacifié et constructif, des pages de discussion accompagnant certains articles demeurent le lieu de dissensions. La référence aux différentes règles rédactionnelles n’est pas toujours suffisante pour canaliser les désaccords entre contributeurs. La survenue de conflits entre contributeurs est ainsi considérée comme un phénomène fréquent et endémique (Jemielniak, 2014). Ceux-ci semblent témoigner de l’existence, au sein de la communauté wikipédienne, d’une diversité de conceptions du « vrai » ou encore du « valide », autrement dit des appréciations divergentes de la valeur de vérité d’un énoncé. Avec mon collègue Guillaume Carbou, spécialiste de l’analyse du discours, nous avons entrepris d’étudier ces différentes conceptions de la validité chez les contributeurs (Carbou, Sahut, 2019).
L’enjeu de cette recherche réside tout d’abord dans une meilleure compréhension des mécanismes éditoriaux de Wikipédia, ceux-ci n’étant pas toujours perçus par le lecteur de l’encyclopédie. Au-delà, elle vise à attirer notre attention sur la pluralité des conceptions du « vrai » qui co-existent au sein de l’espace public et peut-être même dans le cadre de l’éducation aux médias et à l’information.
Le rôle des règles et du dialogue dans la rédaction des articles
La neutralité de point de vue (NPOV) et la citation des sources constituent les fondements de la politique éditoriale wikipédienne au sens où elles sont censées être mobilisées pour décider des savoirs publiables dans l’encyclopédie.
La première existe depuis l’origine de l’encyclopédie collaborative. Selon cette règle d’écriture, un article de l’encyclopédie doit rendre compte de la diversité des approches existantes sur un sujet. Elle stipule que « les articles doivent être écrits de façon à ne pas prendre parti pour un point de vue plutôt qu’un autre. Au contraire, il s’agit de présenter tous les points de vue pertinents, en les attribuant à leurs auteurs, mais sans en adopter aucun ». Pris isolément, ce principe peut paraître révélateur d’« une définition polyphonique et quasi relativiste de la vérité » (Cardon, Levrel, 2009, p. 61). Il est toutefois complété, voire contrebalancé par un second principe tout aussi important : la citation des sources. Adoptée entre 2005 et 2007, soit à un moment où les critiques envers Wikipédia abondent, elle a pour fonction de garantir la vérifiabilité et la crédibilité des informations publiées. Précisons qu’il ne s’agit pas ici simplement d’ajouter une liste bibliographique placée en fin d’article, mais de référencer les énoncés. Les notes bibliographiques au sein de Wikipédia rendent visibles les relations nouées avec des publications externes et favorisent, par là même, un transfert d’autorité de celles-ci vers l’encyclopédie collaborative. Elles sont la preuve documentaire d’un « déjà-publié » dont la présence doit compenser les incertitudes à propos de l’expertise ou de la bonne foi des contributeurs ainsi que l’absence d’un comité éditorial reconnu. Cette pratique permet ainsi de juguler l’expression de points de vue personnels et fait figure de critère primordial afin d’évaluer l’acceptabilité des informations intégrables dans l’encyclopédie (Sahut, 2014).
Indissociable de la dimension collaborative et polyphonique de cette écriture encyclopédique, la communication entre contributeurs constitue une autre facette essentielle de l’activité éditoriale de Wikipédia. Les pages de discussion associées aux articles sont ainsi conçues pour être le lieu de dialogues et de négociations entre contributeurs. Une proportion importante des échanges porte sur les informations pouvant ou non être intégrées au sein de l’article, les wikipédiens devant s’efforcer de chercher un terrain d’entente et, in fine, aboutir à des énoncés à la fois consensuels et valides. Les règles rédactionnelles de l’encyclopédie collaborative constituent alors des cadres de négociation, mais il apparaît que les contributeurs en font des interprétations divergentes notamment quand les sujets sont controversés. Il est ainsi avéré que les controverses sont particulièrement vives dans le cas de certains sujets historiques ou d’actualité ayant généré des débats polarisés dans la sphère publique, comme par exemple les Femen (Hocquet, 2015), les biographies de personnes vivantes (Rughinis et Matei, 2013) ou encore des thématiques religieuses ou scientifiques (Poudat et al., 2017).
À l’occasion de ces échanges, les contributeurs soulèvent une diversité de problèmes sur les principes éditoriaux de l’encyclopédie. Quels types de sources ont le droit d’être cités ? Tous les points de vue peuvent-ils figurer dans un article et dans quelle proportion ? Les sujets d’actualité sont-ils encyclopédiques ? À quel lecteur s’adresse-t-on ? Doit-on vulgariser au risque de la perte d’information ou entrer dans des précisions techniques au risque de n’être pas compris ? Tout le monde peut-il vraiment contribuer à Wikipédia sans distinction de compétences ? Ces questions sont autant de points de tension récurrents dans des échanges souvent vifs.
Cadre théorique et méthodologique de l’étude
Ces questionnements, nés des désaccords wikipédiens, sont l’objet de cette étude. Les échanges entre contributeurs permettent de saisir des conceptions différentes de la validité, de la formulation et de la constitution des savoirs. Nous avons appelé ces conceptions du « valide » sur Wikipédia des « régimes épistémiques », ce qui fait écho à ce que Michel Foucault nomme « politiques de vérité », c’est-à-dire « les types de discours [que la société] accueille et fait fonctionner comme vrais ; les mécanismes et les instances qui permettent de distinguer les énoncés vrais ou faux, la manière dont on sanctionne les uns et les autres ; les techniques et les procédures qui sont valorisées pour l’obtention de la vérité ; le statut de ceux qui ont la charge de dire ce qui fonctionne comme vrai » (Foucault, 2001, p. 158).
D’un point de vue méthodologique, nous avons adopté une perspective d’analyse argumentative du discours qui vise à mettre au jour les présupposés et le système de valeurs sur lesquels se fondent les argumentations des contributeurs (Amossy, 2000). Pour illustrer ce procédé, prenons un exemple de discussion sur la place des Pokémons dans Wikipédia. « La connaissance a des limites que les ados ne connaissent pas » assène un contributeur qui est opposé à l’existence d’un article consacré à Pikachu. Cette affirmation présuppose un monde où l’on peut distinguer des connaissances nobles (sans doute anciennes, littéraires, « culturelles ») et des connaissances de moindre valeur (sans doute modernes, médiatiques, « populaires », juvéniles).
Ce type d’analyse a été mené sur un corpus composé des pages de discussion de sept articles : Organisme génétiquement modifié, Race humaine, Mariage homosexuel en France, Dominique Aubier, Attentats du 11 septembre 2001, Affaire Dominique Strauss-Kahn et Homéopathie. Leurs pages de discussion présentent une activité importante en matière de nombre de contributeurs, de nombre de messages et de nombre d’éditions de l’article. Nous les avons choisis car ils ont suscité de nombreux débats qui ont amené les contributeurs à argumenter et ainsi à expliciter les raisons de leurs choix. Les sujets polémiques sont ainsi un matériau particulièrement bien adapté à l’étude des soubassements idéologiques dont dépendent les actions et les prises de position. Nous avons par ailleurs cherché à diversifier le type de polémique en jeu afin d’analyser un large panorama des formes de conflit : une controverse sociotechnique (OGM), une controverse idéologique (Race humaine), un débat de société (Mariage pour tous), une biographie de personne vivante polémique (Dominique Aubier), des faits d’actualité ayant eu une forte résonance sociale et médiatique (9/11, Affaire DSK) et une controverse scientifique (Homéopathie).
Chaque régime épistémique a été construit à partir de critères permettant de les comparer : la finalité implicite de Wikipédia, les sources privilégiées, l’image du contributeur idéal, celle du lecteur idéal, la position dans les controverses et la conception de la « vérité ». Chacun d’entre eux constitue un ensemble idéologique cohérent formé à partir de ces représentations. Ils doivent être considérés comme des idéaltypes, c’est-à-dire des modes de conceptualisation sélectionnant et mettant en évidence des traits essentiels à l’intelligibilité du réel.
La pluralité des régimes épistémiques à l’œuvre au sein de Wikipédia
Nous présenterons successivement les six régimes épistémiques que nous avons identifiés : le wiki, l’encyclopédiste, le scientifique, le scientiste, le critique et le doxique en spécifiant leurs caractéristiques et en les accompagnant de quelques verbatims significatifs.
Le régime wiki
Le régime wiki est l’émanation de l’esprit radicalement égalitaire et de la culture participative du Web. Il postule que tout le monde, sans distinction de compétence aucune, peut et doit collaborer à l’élaboration de l’encyclopédie. La plupart des wikis qui voient le jour dans la seconde moitié des années 1990 ressemblent à des forums où tout un chacun a la possibilité de s’exprimer et de faire valoir ses connaissances personnelles sur un sujet. Cet esprit wiki est très présent lors de la création de Wikipédia en 2001 et tend à perdurer par la suite dans des propos de contributeurs. Le régime wiki sous-tend l’acception la plus libérale de la NPOV selon laquelle être neutre, c’est rapporter l’avis de chacun sans prise de position et sans hiérarchisation : « Je pense qu’il faudrait que l’article de wikipédia expose les points de vue des gens au lieu de prendre position. [Le but de] Wikipédia n’est pas de dire la vérité mais de présenter l’état des choses » (Race humaine). Au bout du compte, le lecteur étant considéré comme autonome et compétent, il saura de lui-même trouver ce qui lui convient dans l’ensemble des informations qui lui sont proposées.
Dans cette logique, le rapport aux sources wiki tend à être particulièrement distant : toutes les opinions se valent, et dénier le droit d’un individu à s’exprimer sous prétexte qu’il ne présente pas de source fiable s’apparente à un déni de démocratie. Le concept de vérité mobilisé dans ce régime est ainsi parfaitement subjectiviste et n’a, au fond, pas vraiment de pertinence : seule compte l’agrégation des vues individuelles.

Le régime encyclopédiste
Le régime que nous appelons encyclopédiste est une conception de la validité sur Wikipédia que l’on peut rapprocher de l’encyclopédisme traditionnel (Rey, 2007). L’encyclopédisme entend éclairer le lecteur en faisant la somme des savoirs « légitimes ». En ce sens, l’encyclopédisme privilégie les sources institutionnalisées : encyclopédies, manuels pédagogiques, sommes éditées par des sociétés savantes, des organisations gouvernementales, etc. À l’inverse, tout ce qui semble relever de la culture populaire, souvent associée aux médias sociaux, est régulièrement dénigré.
La conception de la vérité mobilisée par ce régime donne ainsi à voir l’image d’un savoir relativement intemporel, pacifié et lissé par un consensus naturel des élites de la nation (on consulte l’encyclopédie comme on consulte le dictionnaire). Face à la controverse, l’encyclopédisme tend à rechercher le consensus pacifique et affiche donc un certain œcuménisme : si des points de vue très différents existent dans l’espace social, il est possible de les rapporter, mais toujours en hiérarchisant la fiabilité des sources qui les portent.
Ce régime prend le parti de la vulgarisation pour rendre accessible son propos qui assume une relation asymétrique avec un lecteur à instruire : « Pensons au lecteur de base qui cherche précisément “les OGM pour les nuls” ou du moins quelque chose de clair et compréhensible et non pas une thèse académique ou de longues plaidoiries d’avocats et procureurs » (OGM). Il accepte des sources scientifiques à condition que leur contenu soit reformulé, leur réécriture et leur synthèse garantissant pleinement la visée vulgarisatrice de Wikipédia. Ainsi le contributeur idéal serait celui qui allie un certain degré d’expertise sur le sujet, des qualités rédactionnelles et de la distance à l’égard de l’actualité et des visions partisanes, ce qui renvoie à une image traditionnelle de l’enseignant. Comme une encyclopédie traditionnelle, Wikipédia a une mission éducative et doit contribuer à diffuser un savoir reconnu.

Le régime scientifique
Le régime scientifique peut être décrit comme le transfert des procédures et des logiques académiques vers la confection de l’encyclopédie. L’article idéal s’apparente ainsi à un état de la question scientifique. Dès lors, seules les sources académiques font foi. La vulgarisation est regardée avec méfiance : « Universalis ne sera dans mon cas certainement pas une source, je regarderai plus dans les ouvrages scientifiques » (OGM). Dans ses versions les plus poussées, le régime va jusqu’à exiger une évaluation par les pairs en bonne et due forme : « […] La Recherche n’est pas une revue scientifique à comité de lecture, mais un magazine de vulgarisation, j’émettrais quelques doutes sur le sérieux de cette source » (Race humaine).
L’exigence en matière de technicité et de précision implique par ailleurs que le régime scientifique attend de la part du contributeur une maîtrise importante du sujet qu’il traite. La scientificité du propos impose rationalité, esprit critique, compétence et nuance. On comprend par ailleurs que le traitement de sujets d’actualité entre fondamentalement en conflit avec le régime scientifique. La politisation vive de ces sujets interfère avec le mode scientifique de production des connaissances. À l’instar de l’encyclopédiste, le scientifique est mal à l’aise avec les sujets controversés qui amène donc le scientifique soit à abdiquer, soit à ne contribuer que sur ce qu’il considère comme la partie « technique » du sujet : « Wikipédia est une encyclopédie, pas une revue de presse, il faut établir une ligne de démarcation claire entre les éléments scientifiques et les polémiques » (OGM). Dans ce régime, le contenu de Wikipédia se doit donc d’être précis et rigoureux. Cela implique une part importante de technicité et donc que le lecteur soit déjà spécialiste de la question.
Au bout du compte, le concept de vérité du régime scientifique tel que nous le décrivons ici est celui d’un état des savoirs académiques, certes temporaire, mais résultat d’une intelligence collective et rationnelle assez solide pour s’affirmer comme valide.

Le régime scientiste
Le régime scientiste est en quelque sorte la partie hypertrophiée du précédent. Il est néanmoins nécessaire de différencier la posture critique, nuancée et distanciée du scientifique de la position péremptoire, exclusive et triomphante du scientiste. Le régime épistémique scientiste entend dire le Vrai sur le monde à partir des connaissances assurées par la Science et plus particulièrement des sciences exactes.
L’invocation de la littérature scientifique pour le scientiste relève plus de l’argument d’autorité que de l’apport d’un contenu de qualité. Il les utilise afin d’exclure de la collaboration les contributeurs qu’il juge incompétents. Possédant le monopole de la rationalité, il impose ses vues et critique vertement l’irrationalisme médiocre de ses contradicteurs : « […] vous êtes sans doute totalement incompétent sur le sujet pour demander une référence sur une information qu’un étudiant en maîtrise de chimie connaît » (OGM).
Le scientiste entend séparer le bon grain de l’ivraie en matière de sujets controversés. Sa conception de la NPOV est diamétralement opposée à celle du wiki, chez lui aucune cohabitation des points de vue n’est possible. Il s’agit de donner le point de vue de la science et celui-là seul : « Stop : cet article ne doit se baser que sur des études réellement scientifiques. Pas une liberté de pensée ou d’esprit, que je respecte et pratique. Mais la liberté de convictions et croyances, n’est pas une source pour un article de Wikipédia (Homéo) ».
Le régime scientiste est sans doute celui qui possède la conception de la vérité la plus proche du sens commun du terme : il existe une réalité, démontrée scientifiquement, qui seule mérite d’être présentée dans Wikipédia.

Le régime critique
Le régime que nous avons appelé critique est à l’opposé des régimes encyclopédiste et scientifique. En effet, selon cette approche, la question du savoir est indissociable de la question du pouvoir. Il ne saurait exister de savoir neutre ou objectif car celui-ci renforce ou appuie des positions de pouvoir.
La pratique caractéristique du régime critique est donc d’interroger la probité des sources. Pour le critique, une source n’est valable que si elle ne présente pas de conflit d’intérêts avec le sujet traité. Cela signifie que les choix éditoriaux sont toujours soumis à l’examen des intérêts supposés de leurs auteurs.
Le défi principal que pose ce régime épistémique à la constitution d’une encyclopédie est donc son usage quasi systématique de la suspicion. En effet, celle-ci est à même de remettre en cause toute position, même la plus solide. C’est la raison pour laquelle, dans sa version la plus radicale, le criticisme devient conspirationniste et peut s’opposer sans ciller aux savoirs les plus établis : toute accointance politique décelée chez un expert suffira à discréditer son propos et, faute de preuve, on pourra décréter qu’il ne fait qu’ânonner la propagande orchestrée par un système doctrinaire. Par exemple, le Lancet prestigieuse revue scientifique médicale est considéré comme « clairement l’un des représentants de l’establishment scientifique, son interprétation est seulement la sienne » (Homéo).
Dans les discussions sur les sujets controversés, il va s’efforcer de montrer que des enjeux de pouvoir existent derrière les enjeux éditoriaux. Prenons un exemple de discussion à propos de l’article Race humaine. Un contributeur se situant dans le régime scientifique indique que la science réfute l’existence de race humaine. Le critique lui répond que cette affirmation relève d’un enjeu politique tout autant que revendiquer les différences entre races. Autrement dit, tout est politique, la science ne saurait être neutre. En outre, dans l’optique critique, rien n’est plus insupportable que la censure, outil de domination qui exclut les savoirs non conformes au pouvoir : « Le consensus privilégié étant le politiquement correct, il convient donc de donner l’illusion de l’inexistence des races sur wikipédia ? Je crois que j’ai compris le fonctionnement, merci » (Race humaine).
Selon cette perspective, la neutralité de point de vue devient quasiment impossible. L’indépendance des contributeurs et des sources est une illusion dont il faudrait se déprendre. Dès lors, le but de ce régime est de déciller le lecteur sur les intérêts que masquent toujours les connaissances prétendument objectives. La vérité dans ces circonstances est une notion assez délicate puisqu’elle ne découle que de l’honnêteté intellectuelle de sa source, celle-ci toujours sujette à caution.

Le régime doxique
Le régime que nous avons appelé doxique est le régime du témoignage et des faits. Le doxiste se doit de rapporter des faits, diligemment et impartialement. Les faits étant de l’ordre de l’évidence ou du sens commun, il n’y a donc rien à interpréter mais simplement à les exposer.
Le régime doxique possède ainsi une conception relativement naïve de la vérité. L’approche doxique présuppose ainsi toujours la validité de l’opinion générale : « Si l’homéopathie ne marchait pas, je pense qu’on ne serait même pas en train d’en parler, les patients et les pharmacies l’aurait simplement délaissé… Mais je doute que vous soyez sensible au Bon sens de cet argument (Homéo) ».
Cette approche n’est guère exigeante sur la qualité des sources. Nul besoin de cumuler les références et de les confronter : ce qui semble communément accepté est sans doute ce qui est valable. Dans cette optique, les sources journalistiques ou de vulgarisation paraissent souvent les meilleures, Dans le même esprit, l’avis des « célébrités » (M. Kassovitz ou J.-M. Bigard sur le 11 septembre, C. Angot sur l’affaire DSK, etc.) possède un poids certain et les sondages d’opinion sont valorisés en tant que représentants de l’opinion courante. Dans sa version la plus radicale, le régime doxique peut même se contenter de témoigner ou de rendre compte de sa propre « analyse », ce qui lui vaut souvent un rappel de la règle wikipédienne dite de « travaux inédits », celle-ci bannissant les théories, observations, ou idées qui n’ont jamais été publiées par une source.
Le régime doxique présente un rapport que l’on pourrait qualifier de « journalistique » aux controverses. Par exemple, lorsqu’il ne peut simplement rapporter des « faits », mais qu’il doit enregistrer un désaccord sur un sujet donné, sa conception de la neutralité consiste à polariser le conflit en deux camps et à rapporter la position de chacun, quitte à donner une vision artificiellement équilibrée des débats à l’image des micros-trottoirs du journal télévisé.
Il promeut ainsi un encyclopédisme au plus près de l’actualité et tend à privilégier un traitement des sujets sous l’angle de la réaction sociale qu’ils suscitent. Une de ses revendications les plus typiques est d’insister pour parler de « ce qui fait débat » ou de « ce qui intéresse le lecteur ».
En résumé, dans le régime épistémique doxique, la vérité est affaire d’évidence. Le sens commun tient une place centrale dans tous les aspects de l’édition encyclopédique : il faut rapporter au grand public ce qui intéresse le grand public en s’adressant au grand public.

Régimes épistémiques et désaccords éditoriaux
À partir de cette grille d’analyse, il est ainsi possible d’interpréter différents désaccords éditoriaux que l’on peut rencontrer dans les pages de discussion de Wikipédia.
La NPOV est ainsi l’objet d’interprétations antagonistes. Les défenseurs d’une NPOV pluraliste se retrouvent du côté du régime wiki qui se refuse à tout jugement de valeur et recherche la neutralité par la juxtaposition. Au contraire, les défenseurs d’une « neutralité par l’équilibre » se trouvent du côté des régimes qui hiérarchisent les savoirs. L’encyclopédiste en est le parangon : cherchant à rapporter un savoir établi, il privilégie toujours le consensus des élites, quitte à diviser ce savoir en « écoles » si des désaccords perdurent. Le régime doxique adopte une posture similaire, à ceci près que le consensus privilégié est moins celui des élites que du sens commun, et que la division en deux camps de force égale fait partie de son logiciel. Les régimes scientifique, scientiste et critique occupent quant à eux une place à part : pour les deux premiers, être neutre, c’est dire la vérité, ou du moins dire les choses les plus rationnelles possibles ; pour le troisième, la NPOV est une illusion puisque l’impossibilité de la neutralité est au fondement de ce régime épistémique.
De même, le choix des sources est loin de faire systématiquement consensus. Dans les conflits qui opposent les contributeurs sur les pages de discussion, on peut ainsi voir s’exprimer des régimes particulièrement sélectifs sur le choix des sources (le scientiste, le scientifique et l’encyclopédiste) et d’autres beaucoup plus libres (le doxique, qui pourra même défendre l’usage de sources primaires ou certains Travaux Inédits), voire libertaires comme le wiki. En effet, celui-ci voit dans la citation des sources une restriction inutile et par trop élitiste : de son point de vue, chacun doit être libre de contribuer à sa guise, et la qualité de Wikipédia émergera elle-même par un processus d’amélioration graduelle inhérent à la collaboration du plus grand nombre. Le critique se montre lui suspicieux quelle que soit la source ou tend à valoriser ce qu’il considère comme des sources « indépendantes » des pouvoirs en place.
Par ailleurs, ces hiérarchisations des sources, mais plus largement les différentes conceptions épistémiques dont elles relèvent, expliquent également des conflits comme ceux qui ont trait à la forme du contenu des articles. Les scientifiques et les scientistes tendent à considérer toute vulgarisation ou traduction des sources comme un appauvrissement inacceptable, tandis que ce travail éducatif ou médiateur est la raison d’être de régimes comme l’encyclopédiste ou le doxique.
Pistes de réflexion sur l’enseignement de l’évaluation de l’information
Si notre étude porte spécifiquement sur le corpus de l’encyclopédie Wikipédia francophone, il nous semble qu’elle ouvre des perspectives de réflexion à un niveau plus général. En effet, en tant que projet à vocation épistémique, Wikipédia affronte la séculaire et complexe question de l’établissement du « vrai ». Bien que les règles et les procédures éditoriales soient spécifiques à l’encyclopédie collaborative, les régimes épistémiques analysés peuvent se retrouver dans notre culture et peut-être même au sein de chacun d’entre nous (et donc des élèves). Ils possèdent chacun un horizon de pertinence spécifique qui éclaire d’une manière singulière la complexité de la question de la validité du savoir. Il ne s’agit pas ici de sombrer dans un relativisme facile et sclérosant, mais de reconnaître cette pluralité d’attitudes et d’arguments afin de la mettre à distance.
Pour élargir le propos, on pourrait émettre l’hypothèse que cette diversité se retrouve plus ou moins implicitement lors des séquences ou projets pédagogiques consacrés à l’évaluation critique de l’information. Par exemple, le rapport récent du Conseil scientifique de l’éducation nationale (2021) sur le développement de l’esprit critique semble relever du régime scientifique, voire scientiste. Sans doute l’approche préconisée favorise-t-elle une prise de conscience de l’inégale valeur épistémique des sources et des points de vue, ce qui peut s’avérer rassurant dans un contexte informationnel où existent des phénomènes de désinformation et de mésinformation. Cependant, elle occulte le fait que la compréhension de discours réellement scientifiques demeure hors de portée de la majeure partie des élèves du secondaire et le rôle que peut jouer ici la vulgarisation. Par ailleurs, si cette option permet d’établir un critère de démarcation clair entre les contenus scientifiques et les théories pseudo-scientifiques ou fantaisistes (comme celle des platistes1), elle ne paraît guère opérationnelle pour appréhender les controverses scientifiques actuelles qui, certes, comportent leur lot d’incertitudes et de conflits, mais paraissent pourtant essentielles à la compréhension du monde contemporain. Le risque est enfin de développer une forme de dogmatisme qui, par définition, est contraire à une attitude prudente et questionnante.
Il est aussi possible de trouver des relations entre les autres régimes épistémiques évoqués et des manières d’envisager l’enseignement de l’évaluation critique de l’information. Par exemple, une approche des médias selon le prisme « critique » tel que nous l’avons entendu ici ne risque-t-elle pas de conduire à un dénigrement systématique de leur rôle démocratique et, par là même, à une suspicion excessive ? Cette attitude peut conduire à ne plus s’informer ou à se tourner vers des sources alternatives avec les risques de désinformation que cela comporte. À l’inverse, on peut penser que leur approche sous l’angle « doxique » s’avère quelque peu naïve, occultant les processus médiatiques de sélection, hiérarchisation et mise en scène de l’information.
Les pistes de réflexion, rapidement esquissées ici mériteraient à notre sens d’être prolongées. Que cela soit au sein de Wikipédia, à l’école et au CDI, on peut espérer qu’elles favorisent un gain de réflexivité et de lucidité sur la question à la fois si complexe et essentielle du « vrai ».

Raconter, expliquer, questionner sa pratique professionnelle : Le cas des récits-témoignage sur les blogs
En analysant la blogosphère info-doc dans sa thèse, Bérengère Stassin a montré l’émergence de « communautés de savoir en ligne ». Composées de « communautés de pratiques », « orientées vers la formalisation de connaissances tacites et l’échange de savoir-faire », et de « communautés épistémiques », plutôt dirigées « vers l’échange de connaissances explicites et la construction collective d’un savoir » (Stassin, 2016, p. 99), ces communautés représentent des lieux de création de connaissances. Soit elles ouvrent vers de nouvelles connaissances (communautés épistémiques), soit elles visent la réussite d’une activité (communautés de pratiques) ; la création de connaissances étant alors considérée comme une résultante involontaire de l’auteur (Cohendet et al., 2003, p.104-105). En tant qu’outil numérique, le blog est un dispositif de production d’information qui intègre deux types de dispositifs documentaires : primaire et secondaire, incorporant ainsi les principes de la « médiation documentaire » (Stassin, 2016). Bien que la structuration de base des médias sociaux soit développée par les plateformes éditoriales (les concepteurs proposent leurs modèles et leurs règles d’éditorialisation qui se veulent ergonomiques – prise en main facile -), et ne demandent pas une formation spécifique, avec ces outils numériques 2.0, les usagers s’approprient et développent des pratiques créatives nouvelles (Cardon, 2019). L’activité d’« auto-production » fonde sa particularité sur le fait qu’elle incite les usagers à la « création culturelle en incluant une partie d’eux-mêmes dans ce qu’ils fabriquent et partagent » (Cardon, 2019, p. 190). Ainsi, grâce aux outils numériques, les auteurs réinventent les rhétoriques et les stratégies énonciatives des discours et les combinaisons de supports qu’ils peuvent y intégrer. Le discours dans les blogs porte plus volontiers sur l’introspection, le soi, et l’expérience personnelle comme référence de l’action, du savoir. On peut alors se demander comment ces pratiques numériques contribuent à développer de nouvelles formes de rapport aux savoirs.
Pourquoi s’intéresser aux blogs dans le milieu professionnel ?
Dans les métiers de l’éducation, on voit des usages se répandre depuis une quinzaine d’années chez les professeurs des écoles qui partagent leurs activités sur des blogs ou des sites, mais aussi chez les professeurs du second degré qui utilisent les médias sociaux comme support complémentaire de cours pour leur matière. Ces outils permettent de créer du contenu scolaire à destination des élèves, de moderniser les productions pédagogiques. Les blogs intègrent une variété de contenus : texte, son, image animée ou fixe, liens hypertextes avec d’autres ressources. La technique offre des possibilités originales aux auteurs pour organiser, stocker des documents, des informations, créer des contenus dynamiques, modifiables à l’infini. Ce sont de nouvelles pratiques professionnelles qui se développent avec les outils de publication en ligne. Les professionnels ont, à présent, la possibilité de partager leur activité sur un autre espace, de diffuser et de développer du savoir sur et par l’outil numérique.
Nous nous sommes intéressée en particulier aux traces que dévoilent les professeurs documentalistes sur les blogs (cf. tableau ci-dessous). Dans le présent article, les termes employés pour désigner les auteurs des blogs sont pris au sens générique, ils ont à la fois la valeur d’un féminin et d’un masculin, excepté dans la seconde partie où l’emploi du féminin sera utilisé pour rapporter les propos des auteures citées. La visée des blogs n’est pas identique selon les individualités : plusieurs blogs sont en lien avec la passion de la lecture et proposent des bibliographies de littérature de jeunesse, d’autres sont plus personnels et proposent des billets d’humeur en lien avec le quotidien professionnel, d’autres encore sont davantage centrés sur la préparation au CAPES de documentation. Dès la fin des années 2000, certains [futurs] professeurs documentalistes ont profité de l’expansion de ce média pour rassembler et organiser les connaissances pour préparer le CAPES de documentation (Entretiens, Blogs 2 et 4). D’autres choisissent d’utiliser ce média pour rassembler et partager en un même endroit leurs passions et les mettre en lien avec le métier (Blogs 1, 2 et 5). D’autres encore, plus nombreux, décident d’y publier leurs activités didactiques et pédagogiques et d’utiliser l’écriture numérique pour développer leur réflexion professionnelle (Blogs 1, 2, 3, 4, 5 et 6). Un autre encore s’initie aux usages du blog en utilisant d’abord l’outil comme « support de formation pour des stages du PAF », cherchant alors à trouver un moyen de partager des contenus de formation aux stagiaires, et réalisant en même temps la nécessité, en tant que professionnel, de se former à l’usage d’un outil émergent sur la toile (Blog 1). Au total, nous avons identifié sur la toile 58 blogs de professeurs documentalistes en France dont 1 provenant d’une professeure documentaliste canadienne. Pour notre corpus final nous avons retenu une dizaine de blogs qui répondent aux critères suivants :
– le blog doit toujours être en activité au moment de la recherche ;
– plusieurs facettes du métier doivent être évoquées (combinaison de pratiques professionnelles) ;
– le blog doit évoquer des situations professionnelles actuelles et en cours de manière régulière.
Pour cet article nous évoquerons en particulier les résultats de 6 blogs présentés dans le tableau suivant :

Des publications numériques aux traces professionnelles : créer des traces pour renforcer la communauté de savoirs
Usages et intentions des blogueurs
En croisant les résultats de l’analyse de données recueillies sur les blogs de notre corpus et des entretiens menés auprès des auteurs, nous avons identifié des « intentions » et nous avons tenté de les caractériser.
– Le blog, outil de veille informationnelle et de création documentaire
La première fonction identifiée est celle de « veille informationnelle et de création documentaire ». On la trouve au départ dans les blogs qui ont été créés en première intention pour préparer le CAPES de documentation. Les étudiants en documentation, précurseurs de l’apprentissage en ligne, innovent en utilisant à partir de 20061 les outils numériques pour rassembler les savoirs académiques, institutionnels et pratiques qu’ils doivent connaître pour passer le concours. Mais cela ne se limite pas à de la veille ; ils rédigent des conseils méthodologiques et d’organisation pour travailler, des fiches de lecture, des réflexions, font part de questionnements, de doutes, de peurs, de réussites ; ils partagent des liens vers des ressources professionnelles, des informations sur l’actualité liée au métier du livre et au système éducatif en particulier, mais aussi des bibliographies. Le blog est ici un « journal de formation », il raconte à la fois le parcours d’un auteur sous la forme d’un « récit de vie » et il est un espace de conservation des documents, des idées.
– Le blog, une « archive professionnelle »
La fonction d’« archive » ou de « mémoire » est la seconde intention identifiée dans les discours. Le blog permet de rassembler en seul endroit des ressources de natures différentes. Il est accessible sur tous les supports numériques, partout où la connexion internet est disponible. Il donne accès à des informations au sens où il est « porteur de messages et/ou d’instructions, appelé à devenir archive après son temps d’activité informative, c’est-à-dire dès qu’il a suscité la création de documents secondaires ou tertiaires » (Fondanèche, 1995). Sa structure documentaire permet aux auteurs d’organiser en thématiques ou « catégories » les données recueillies, transposant ainsi certaines pratiques documentaires comme le catalogage et l’indexation. Les articles sont formalisés avec un titre, le texte est développé (il n’y a pas de limites de caractères), on peut y adjoindre des mots-clés en langage naturel et les billets sont sauvegardés de manière antéchronologique. La structure propose un moteur interne pour retrouver les « billets » postés depuis plusieurs années.
– Le blog « l’écriture numérique pour mettre au jour et développer ses connaissances »
La troisième fonction repérée dans les entretiens est celle de « document d’élaboration de connaissances», en tant qu’il participe au processus de construction de connaissance. Cette fonction est d’ordre cognitive : l’écriture est un catalyseur pour apprendre. Le blog permet aux auteurs de développer leur pensée et donc de construire et d’élaborer de la connaissance. Le processus d’écriture numérique se compose de différentes étapes de structuration du texte. De l’émergence et de l’organisation des idées pour rédiger un article qui aura un intérêt, à la formalisation d’un titre qui interpelle les lecteurs, à la recherche d’informations complémentaires pour enrichir le contenu, en passant par l’insertion éventuelle de documents multimédias ou par l’intégration de liens hypertextes, ou encore par l’élaboration de mots-clés pertinents pour caractériser le contenu. Les auteurs effectuent un travail d’organisation et de structuration de la pensée, qui sont aussi les étapes nécessaires pour apprendre. L’écriture des billets engage les auteurs dans un processus d’élaboration de savoir ayant une incidence sur l’apprentissage pour soi, en premier lieu, puis pour autrui. Les billets sont relativement longs, il n’y a pas de limite de caractères comme sur certains réseaux sociaux. De plus, ils sont destinés à être lus et doivent donc être intelligibles ; cela oblige les auteurs à expliciter et à clarifier les contenus qu’ils publient. Cette action renforce le processus d’apprentissage implicite du blog. L’écriture sur les blogs entre en contradiction avec des formes d’écriture plus spontanée identifiées sur les réseaux sociaux. Dans les blogs, les auteurs expliquent prendre plusieurs jours pour rédiger les billets, ils commencent un article et y reviennent plusieurs fois avant de le rendre public, et parfois certains sont laissés de côté, voire ne sont pas publiés.
– Le blog, un outil de partage pour le collectif
Une quatrième fonction évoquée avec les auteurs est le partage, la mutualisation et la diffusion de connaissances, de ressources pour la profession. Les professionnels font ici référence à l’un des concepts fondamentaux lié à leur profession, le concept d’information : « l’information est la consignation de connaissances dans le but de leur transmission » (Cacaly, 1997), il s’agit donc pour eux d’enrichir les ressources et les réflexions professionnelles dans un esprit collectif.
– Le blog, une occasion de se mettre en posture de réflexivité
L’analyse des billets nous a conduite à repérer une autre intention, souvent implicite : mettre en mots la pratique professionnelle pour prendre de la distance. Les professionnels évoquent dans certains billets leurs réflexions, leurs analyses sur des situations réelles, vécues parfois comme difficiles, mais aussi des réussites, des fiertés. Ces billets rappellent les dispositifs de supervision ou les ateliers d’analyse de pratiques et de régulation qui permettent de questionner les actes éducatifs. Souvent commentés, ils peuvent conduire à un échange de mail avec l’auteur comme un partage d’expérience. Ils font échos dans la communauté professionnelle et cela renforce l’idée de mise en réseaux (Cardon et Delaunay-Téterel, 2006) des savoirs professionnels.
La visée du blog : espaces et frontières entre soi professionnel et soi personnel
Quand le blog est pérenne, il suit les professeurs documentalistes dans leur évolution, leur parcours professionnel. Une fois titularisés et en poste, les auteurs poursuivent l’écriture et adaptent leurs contenus à leur quotidien professionnel, ce qui fait émerger l’idée de « journal professionnel ». La visée initiale du blog peut être modifiée, les contenus se focalisent alors plutôt sur la professionnalisation et la pratique contextualisée en établissement scolaire. Bien qu’ils s’accordent tous à dire que ces publications font partie à présent de leurs habitudes professionnelles, les auteurs expliquent que poursuivre le travail de publication est difficile et chronophage. Pour pérenniser sa visibilité sur la toile, il faut publier régulièrement, c’est un temps à trouver dans un quotidien souvent déjà bien chargé. Globalement, l’espace-temps consacré à l’écriture est un espace et un temps personnel. Les blogueurs sondés n’écrivent jamais leurs billets sur le temps professionnel, même si la majorité de leurs publications concerne leur profession (veille, partage de séance, bibliographie de lecture).
De manière générale, les blogueurs proposent des récits sur des thématiques variées toujours en lien avec une activité professionnelle récente, mais aussi en lien avec leurs centres d’intérêts personnels. Une forte corrélation se crée entre centre d’intérêt et activité professionnelle : les blogueurs utilisent cet outil pour partager leurs passions de la lecture, de la culture, des arts, du sport, leurs activités de loisir et conçoivent des liens avec leur métier. Certains mettent en avant l’évolution de leur vie et des questions personnelles (arrivée d’un enfant, mutation dans une autre académie), et les incidences sur leur vie professionnelle. D’autres mettent en avant des réflexions sur l’activité professionnelle dans leur contexte établissement. D’autres encore expriment et partagent leurs billets d’humeur, leurs convictions et leur engagement dans la profession. Ils partagent tous l’envie de parler de leur pratique professionnelle réelle sans l’idéaliser. Les entretiens montrent que les auteurs font évoluer leurs contenus en fonction du développement professionnel et personnel.
Des parcours de formation en et avec l’information-documentation ?
Clarifier et faire valoir le qu’est-ce qu’on apprend avec le professeur documentaliste dans un CDI ? est toujours d’actualité, pour preuve la mobilisation du 17 décembre 20202 sur les réseaux sociaux, devenue « Journée nationale des professeurs documentalistes » portée par l’APDEN où les acteurs de certains établissements se sont mis en visibilité numériquement avec les #devantélève #jesuisprofdoc, #profdocencolère et ont publié des photos de leurs pratiques d’enseignement avec les élèves3. Depuis les années 1990, de nombreux chercheurs des sciences de l’information communication et des sciences de l’éducation et de la formation, mais aussi des professeurs-documentalistes, des formateurs, et des associations professionnelles ont questionné et caractérisé les contenus et les savoirs de l’information-documentation. Cette « discipline », pratiquée de façon singulière dans les établissements scolaires fait l’objet de savoirs et de pratiques de références plurielles dont la description peut parfois être complexe. Les formations en information-documentation-communication sont réalisées en lien avec des objets de savoirs et des situations de travail spécifiques. Ils sont composés de « questions vives », de « savoirs chauds » (Maury, 2016) liés aux évolutions de la société de l’information qui nécessitent d’adapter régulièrement les objets de formations : le professeur documentaliste travaille avec des « savoirs vivants », hétérogènes, qu’il faut sans cesse réorganiser (Frisch, 2012). En outre, les programmes et les curricula ne sauraient à eux seuls baliser les choix de formation opérés en établissement scolaire. En effet, la particularité des formations en information-documentation réside dans le fait qu’elles sont nécessairement situées, contextualisées. L’environnement de travail constitue une donnée primordiale pour élaborer des parcours de formations, ne serait-ce que parce qu’elles s’appuient sur les collaborations possibles, le profil des élèves, les partenariats extérieurs, autant de données individuelles et spécifiques aux situations d’établissement. Tous ces éléments ont une incidence sur l’organisation des parcours de formation. Les publications que nous avons analysées mettent ainsi en avant des activités pédagogiques et didactiques réelles avec les élèves et traitent de questions et de pratiques professionnelles situées.
La trace professionnelle, une occasion de produire du savoir
En tant que discipline de recherche, la didactique de l’information-documentation a fait émerger des concepts-clés pour comprendre l’activité des professeurs documentalistes en milieu scolaire. Muriel Frisch établit le double mouvement de transposition et de contre transposition pour identifier les savoirs enseignés en information-documentation4 (Frisch, 2001 ; 2016) que nous utilisons pour analyser les situations professionnelles évoquées sur les blogs.

Nous observons le « Faire » et les pratiques professionnelles dans l’écriture, et, au fur et à mesure de l’identification et du repérage des données, nous allons cerner des « émergences », des « écloseries » (Frisch, 2016). Notre méthodologie focalise sur le mouvement de contre transposition, utilisant le mouvement ascendant d’émergence du savoir. En effet, en tant que dispositif numérique, le blog, constitue « le milieu » dans lequel le sujet évolue, c’est-à-dire le dispositif qu’il utilise pour évoquer son activité. Le blog représente le document que le professionnel élabore et grâce auquel sa pensée peut évoluer. L’écriture sur le blog a un double enjeu, réflexif pour soi, et mutualiste pour les autres. L’espace-temps, l’acte d’écriture, ainsi que les modalités techniques offertes par l’outil placent le sujet-auteur dans une situation d’élaboration particulière.

En définitive, les « récits-témoignages » partagés sur les blogs représentent des traces de l’expérience professionnelle. Ces traces sont formalisées « après-coup » (Chaussecourte, 2010), par les acteurs, toujours en lien avec l’activité professionnelle. La temporalité est décalée, elle forme un espace-temps de « reprise » (Kierkegaard, 1990) de l’activité professionnelle qui porte une intention et un sens nouveau. L’analyse des situations de travail fait apparaître de nouvelles connaissances en didactique pour la profession.
Des savoirs pour la communauté professionnelle
Nous avons identifié des thématiques ou catégories représentatives des contenus des billets publiés sur les blogs. L’analyse approfondie des billets fait apparaître de nouveaux objets de savoirs didactiques pour la communauté. Nous allons présenter deux billets analysés dans les blogs 1 et 2. Le premier provient de la catégorie que nous avons intitulée « situations d’apprentissage ».
L’auteure du « Bateau Livre », qui enseigne en collège, fait des liens entre pratique professionnelle et activité de loisir personnel. Sa pratique personnelle de la méditation et du yoga va orienter sa pratique professionnelle car elle va cerner un enjeu de formation pour ses élèves et va, en créant des situations d’apprentissage et des objets documentaires interconnecter les pratiques. L’analyse des billets, corroborée par l’entretien, met en évidence que ce qui est vécu dans l’intimité, la pratique personnelle, peut exercer une influence sur les projets et les activités menées à l’école avec les élèves. Du point de vue didactique, la professionnelle fait ici un choix original qui sort du cadre de référence strictement info-documentaire, mais garde toujours un lien avec la mission d’éducation et le développement de savoir-être des élèves. Elle s’appuie sur des « espaces libres », « les clubs » dans lesquels elle peut développer cette ouverture culturelle en référence à l’axe 3 de la circulaire de missions (BOEN, 13 mars 2017). Elle transpose sa pratique de référence au milieu scolaire, ayant identifié une « occasion d’apprendre » (Paragot, 2016). En approfondissant l’analyse, on observe aussi que les activités proposées ont toujours un lien avec la didactique info-documentaire. En effet, l’auteure crée un certain nombre de productions ou d’outils didactiques à destination des formations qu’elle veut mettre en place. Que ce soit à destination des collégiens : « petit journal conscient », « carnet de relaxation », « document guide pour se préparer à un examen », « contrat zen » entre l’élève et le professeur pour s’engager ensemble dans la formation, « météo des émotions », « valise des valeurs »5 ; ou à destination des adultes, lorsqu’elle se positionne en tant que formateur qui va partager son expérience et proposer des pistes pour engager d’autres enseignants dans des formations sur ce sujet : « carte mentale » pour construire une réflexion sur l’apport de la relaxation à l’école, « vadémécum »6 à destination des enseignants pour amorcer des pistes en utilisant le questionnement heuristique. Les billets sont illustrés de photos qui viennent répondre de façon concrète aux questionnements qui pourraient émerger des lecteurs. La professeure documentaliste, formatrice par ailleurs, utilise des savoirs et des techniques info-documentaires, à la fois pour communiquer sur ses formations, mais aussi pour les créer. Elle propose par ses billets des supports de formation à distance pour les stages du PAF. Son blog a une double vocation, support de formation à distance pour des stagiaires en formation continue et partage pour la communauté professionnelle. Elle crée par exemple un document interactif pour faire participer les stagiaires à une activité en ligne complémentaire sur son blog. On peut évoquer ici ce que Dominique Cardon nomme les « pratiques créatives en ligne » : faire des montages vidéo, animer et sous-titrer des documents en ligne, créer des contenus dynamiques et interactifs, « la généralisation des technologies simples à manipuler permet de s’impliquer et de diffuser une production culturelle et formatrice nouvelles » (Cardon, 2019). L’interaction didactique se crée ici entre l’activité choisie, la pratique de référence (le yoga ou la méditation) et l’intention éducative qui émane et est produite par la professeure documentaliste : elle a identifié un besoin des élèves, des enseignants, et propose une activité qui deviendra une formation sur le thème de la relaxation. Elle relate sur le blog l’impact sur les élèves : « une disponibilité nouvelle pour mieux accueillir les apprentissages ».
Le second billet provient du blog n° 2, il raconte une expérience menée sur le lieu de travail concernant le sujet de l’allaitement. Nous l’avons catégorisé sous le thème « problématique professionnelle ». Dans son blog l’auteure a pris l’habitude d’associer l’évocation des étapes de sa vie personnelle, de sa vie de famille et le professionnel. La forme du journal accentue l’évocation de la vie privée et de la vie professionnelle croisée, notamment lorsqu’il s’agit de concilier travail et famille. Le billet intitulé « prof doc et allaitante » parle de son cheminement de professionnelle, se questionnant sur l’allaitement sur son lieu de travail. Dans l’article, elle part d’une décision personnelle et d’un droit, « en tant que salariée, une femme peut allaiter sur son lieu de travail pendant un an à partir de la naissance de l’enfant »7. Ce billet évoque les AAPP8 durant lesquels les professionnels peuvent aborder des problématiques professionnelles et chercher à les résoudre. Elle « donne donc ici [son] expérience, [ses] conseils et astuces, si ça peut aider d’autres mamans…. » [extrait blog n° 2], elle produit un certain nombre d’informations, concernant la procédure pour mettre en place l’allaitement sur son lieu de travail, ses impressions avec les avantages et les inconvénients ; elle fait référence aux textes réglementaires, au matériel à utiliser pour pratiquer l’allaitement. Le billet devient un guide à l’usage des femmes qui veulent allaiter sur leur lieu de travail. Des commentaires viennent corroborer le témoignage et renforcer l’idée d’une préoccupation professionnelle partagée par la communauté. Cette expérience devient un savoir professionnel, un savoir d’expérience partagé par la communauté. Ce savoir pratique, selon elle, ne serait pas abordé en formation, pourtant il constitue un droit et un gage de bien-être au travail. Au cours de l’entretien, l’auteure explique avoir identifié, lors de discussions informelles, ce sujet comme intéressant pour ses pairs qui lui ont suggéré de partager son expérience, ce qui l’a conduite à créer un billet. En outre, au-delà du sujet abordé, ce qui nous semble important, c’est la structuration du contenu du billet. L’auteure ne se contente pas d’une simple description de son expérience. Elle a procédé à un travail de recherche détaillé sur le sujet, et met son expertise au service du développement professionnel, cherchant à répondre elle-même à ses propres interrogations. Elle évoque le code du travail et met en lien les articles correspondants grâce aux liens hypertextes ; elle renvoie à des articles d’autres sites et enrichit ainsi la ressource sur le sujet. Elle réalise une démarche de recherche, qu’elle met au service des autres sous la forme d’un article. Elle associe expérience personnelle, son organisation dans son milieu professionnel, et savoir institutionnel, savoir technique et pratique, et illustre avec des photos. Il y a une réelle construction, un croisement de sources d’information, un questionnement initial qui sont partagés. Le blog devient ici l’« espace-temps intermédiaire » (Frisch, 2020, p. 2019) qui permet de mettre au jour le savoir professionnel. L’espace du blog donne l’occasion d’approfondir et de partager un sujet ordinairement réservé à une discussion informelle ou à une rapide recherche personnelle. L’écriture numérique permet ici de rendre public un questionnement intime, de soumettre à la communauté ses interrogations, voire d’encourager la communauté à développer une pratique qui est un droit garanti par le code du travail, mais qui est peu pratiquée peut être par méconnaissance. Ici, l’idée de communauté de pratique est renforcée par les commentaires qui répondent de manière positive et en écho à ce sujet. C’est la publication sur le blog et les commentaires associés qui lui donnent sa dimension collective et partagée9.
Conclusion
Le média numérique blog sert à communiquer avec les pairs. L’usage développé ici par les auteurs donne une nouvelle perspective à la professionnalisation car il transforme le rapport au savoir pour soi et pour autrui. Un nouveau réseau de savoirs se crée pour la profession. Les professionnels gardent une trace de leurs actions, sorte d’« archive professionnelle » (Pfeffer-Meyer, 2019 ; 2021), ils développent une écriture réflexive qui donne la perspective d’une prise de recul, de distance, ils donnent aussi à voir des situations-expériences originales qui peuvent servir de référence pour la communauté professionnelle.
Appel à contributions : 50 ans d’Intercdi, retour vers le futur
Dans le numéro spécial 299-300 nous fêterons le cinquantième anniversaire d’InterCDI.
À cette occasion, l’équipe de la rédaction tient tout d’abord à vous remercier de votre fidélité et revient vers vous pour solliciter vos témoignages sur le lien particulier qui vous unit à InterCDI. Faites-nous part de ce qui vous a marqué dans la vie de la revue, de votre participation à cette aventure associative, de ce qui vous a été utile dans le cadre de votre pratique professionnelle, mais également de vos souhaits pour les numéros à venir.
Ce numéro est tourné vers l’avenir. Penser l’avenir c’est s’appuyer sur le passé – « le passé est la lanterne du futur » selon les mots de Hacène Mazouz –, c’est s’ancrer dans le présent pour envisager des continuités et jeter des ponts vers ce qui n’est pas encore, ce qui peut advenir et qui est souhaitable.
Avec vous, demandons-nous ce que sera, demain, le métier de professeur documentaliste. Un enseignant à part entière, producteur de contenu pédagogique ? Un spécialiste des médias ? Un organisateur de projets ou de contenus culturels ? Le CDI du futur sera-t-il écologique ? numérique ? ludique ? en réseau ? hors les murs ?
Le CDI sera-t-il Black Mirror ou Wonderful World ?
À vos plumes et à vos claviers pour nous envoyer vos contributions avant le 30 avril 2022 !
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