Légendes urbaines de la documentation

La légende, c’est cette histoire qui se doit d’être transmise au fil des générations car elle est porteuse d’enseignements. Étymologiquement, legenda désigne ce qui doit être lu, ce qui en fait un document à part entière, au sens « de leçon de vie » si on reprend l’étymologie du mot documentum proposée par le Gaffiot. Ce sont des histoires que l’on se raconte sans trop savoir si elles se sont réellement produites, mais qui paraissent d’autant plus crédibles qu’il nous semble que c’est quelqu’un de proche qui nous l’a racontée…
De telles histoires existent dans nos domaines. Il y a par exemple l’histoire de cette jeune fille, poignardée dans une bibliothèque sans que personne ne s’en aperçoive, le meurtrier ayant pu ressortir totalement incognito sans être inquiété. Le corps de l’étudiante n’est découvert que quelques minutes plus tard, mais il est hélas trop tard… L’histoire a longtemps circulé aux États-Unis sur les campus, notamment lorsqu’une étudiante s’aventurait à chercher un document dans des rayonnages isolés. Une légende urbaine qui s’inspire d’un fait bien réel : Betsy Aardsma1, une étudiante, a ainsi été assassinée en 1969 dans la bibliothèque de l’université de Pennsylvanie, et près de 50 ans après, ce meurtre n’est pas toujours pas résolu. La légende urbaine peut ainsi s’appuyer sur une réalité, même si ce n’est évidemment pas forcément le cas… car finalement, le but de la légende n’est pas la véracité, mais le message à faire passer.
Ces histoires pimentent toujours de manière opportune les réunions ennuyeuses. Ainsi, pour affronter une nouvelle année, il semblait utile d’esquisser quelques légendes urbaines de la documentation !

La création du CAPES de documentation serait la conséquence d’un pari perdu par Michel Rocard avec Lionel Jospin

Lionel Jospin aurait parié avec Michel Rocard l’intérêt de créer le CAPES de documentation. Rocard était hésitant d’un point de vue financier et pas totalement convaincu au niveau pédagogique. Jospin aurait donc parié avec Rocard de manière quelque peu insensée pour parvenir à le convaincre. L’influence de Françoise Chapron a été décisive dans cette histoire bien entendu auprès de Lionel Jospin, mais il fallait convaincre ensuite le Premier ministre. Début 1989, à cette demande, Michel Rocard répond tout d’abord que les Français sont plus prêts d’accepter que le groupe Début de soirée soit à nouveau premier du Top 50 avec son nouveau single « La vie, la nuit » que de comprendre l’intérêt d’un nouveau CAPES ! Jospin voit là l’occasion de voir son projet aboutir, et parie que « La vie, la nuit » ne sera jamais en tête du Top 50. Rocard continuant de soutenir l’inverse, Jospin met en jeu… la création du CAPES de documentation. La suite, vous la connaissez : Début de soirée se classera avec ce titre à la seconde place du Top 50, et le CAPES sera donc créé quelques mois plus tard. C’est David Hallyday avec son titre « High » qui demeure en tête. De là à en faire un hymne pour la profession habituée à connaître des hauts et des bas…

Un groupe œuvre pour la disparition du CAPES de documentation (en cachette. Enfin pas tant que ça)

Un groupe veut la mort du CAPES de doc. Surnommés les « débuts de soirée », rapport à la légende précédente, ils apparaissent toujours en costume, avec ou sans cravate, et souhaitent faire carrière au sein de la vie (la nuit ?) scolaire. On a soupçonné plusieurs inspecteurs d’en faire partie, mais sans en avoir la moindre preuve tangible. Depuis, le groupe cherche à remixer tout un tas d’idées reprises ici ou là et notamment dans les pays anglo-saxons pour tenter d’en faire quelque chose de moderne et d’innovant en France. Bien que le groupe semble digne de figurer dans bideetmusique.com, ils auraient conservé une certaine légitimité d’action au ministère.

Le Mundaneum de Paul Otlet existerait bel et bien, mais dans une autre dimension de l’espace-temps

Tout cela se serait produit grâce à une rencontre avec Albert Einstein chez le chercheur et philanthrope Patrick Geddes2 à Montpellier. Dans notre univers, la rencontre n’a jamais eu lieu, car les Einstein ont annulé leur visite ; par contre, dans l’univers de la documentation, cette rencontre se produit et permet la constitution du plus grand réseau de savoir de l’Histoire avec une nouvelle forme organisationnelle qui permet l’émergence d’un état supranational. Outre une plus grande accessibilité intellectuelle et matérielle à tous les savoirs du monde, les grands industriels paient des impôts au niveau supranational. Il est possible parfois d’apercevoir cet autre univers, en fermant les yeux après une lecture studieuse de quelques passages du Traité de Documentation.

Lire du Danielle Steel en regardant les émissions de téléréalité serait plus efficace qu’une lobotomie.

La rumeur circule dans les milieux professionnels depuis des années sans que personne n’ait pu confirmer si une véritable étude scientifique avait pu être réalisée à ce sujet. D’autres affirment qu’il n’y aurait absolument aucun besoin de cumuler l’un et l’autre pour obtenir le même résultat…

Le grimoire de Duplessis

Pascal Duplessis aurait écrit un grimoire sur la didactique de l’information qui ne pourrait être lu que par des initiés capables de maîtriser les principes du triangle didactique. Les services secrets de l’Inspection générale auraient tenté de s’en emparer à plusieurs reprises, mais ils se sont montrés incapables de saisir le système de classification de Duplessis vu qu’ils ne se servent que de Google. D’autres versions prétendent qu’ils auraient fini par partir tous guillerets après avoir bu la potion magique de Duplessis : un apéro dont lui seul a le secret.

La prof doc enfermée dans son CDI tout un week-end

Une professeure documentaliste aurait passé tout un week-end dans son CDI enfermée par mégarde, trop concentrée sur son projet de refaire sa classification. Ne pouvant sortir de son établissement, elle a préféré mener à bien son projet durant tout le week-end. Cette histoire semble néanmoins reposer sur quelques témoignages qui en attestent l’authenticité. On parle parfois de nuit plutôt que de week-end. Parfois, la légende s’accompagne du fait que lors de l’entreprise classificatoire, la professeur documentaliste aurait reçu la visite de Paul Otlet (dans la version CDU de l’histoire) ou de Melvil Dewey (dans la version CDD). Les plus dubitatifs prétendent qu’il n’y a pas que Pascal Duplessis qui sait faire des apéros…

La professeur documentaliste qui fait toujours chut ne sait en fait pas prononcer un autre mot

Elle ne s’exprime qu’en langage des signes bibliothéconomiques (une version très rare, que la plupart des sourds et malentendants ne peuvent même pas comprendre) et continue à exercer au sein de nos établissements. Elle aurait été aperçue récemment dans un collège de campagne très isolée après une mutation thérapeutique. Dans certaines légendes, elle porte le nom de sorcière du CDI du fait de ses doigts crochus et de son regard qui fige d’effroi quiconque tente de la regarder, ou pire de lui adresser la parole. Je n’en ai jamais rencontré, mais certains témoignages semblent conforter sa possible existence. Certains esprits rationnels tentent de nous expliquer qu’il s’agit en quelque sorte d’une métaphore du pire. Mais Chut ? ! tout cela ne pourrait être que des racontars.

La terrible légende du ou de la professeur documentaliste qui aurait catalogué tous les documents de sa maison avec BCDI

Il ou elle se serait finalement abonné à toutes les mises à jour de Canopé avec installation e-sidoc et tutti quanti, au point que cela commençait à lui revenir cher. Son conjoint aurait d’ailleurs demandé le divorce après une ultime tentative pour lui faire installer PMB… Cette légende fait froid dans le dos, mais on aime bien se la raconter entre collègues.

Un-e des auteurs à succès de la littérature érotique serait documentaliste

On n’en sait guère plus, mais il est évident que désormais, on cherche à savoir qui pourrait être cette libre plume qui a bien plus du succès avec ses récits qu’avec ses activités professionnelles. Nulle question apparemment de 50 nuances de Grey, mais de récits d’aventures où héros et héroïnes partagent bien plus que leur goût pour la littérature. On se doute qu’aucune de ses œuvres ne figure dans les rayons de son CDI. Pourtant, ne serait-ce pas une occasion de relancer les emprunts ?

Suzanne Briet aurait écrit un nouvel ouvrage sur la documentation qui n’aurait jamais été publié

La rumeur prétend qu’il aurait été écrit en anglais avec l’intention de l’éditer sous un pseudonyme masculin. On s’attend à le voir resurgir un jour ou l’autre au gré d’une découverte inattendue. Il y aurait notamment pas mal de passages sur la documentation secrète contre laquelle Briet s’est déjà exprimée, considérant qu’elle constituait une injure faite à la documentation. Du coup, on se demande pourquoi Briet aurait choisi de dissimuler elle aussi une œuvre ? À moins qu’elle ne soit maudite ? Dan Brown serait déjà sur le coup pour raconter l’histoire.

L’association des psychanalystes aurait révélé que les professeurs documentalistes sont d’excellents clients dans un rapport paru par erreur sur une liste de diffusion

Impossible de retrouver la trace de ce message, mais il témoignerait d’un fort développement de schizophrénie parmi la profession du fait de la nécessité de pouvoir exécuter plusieurs tâches différentes, en même temps ou à la suite, sur des périodes entrecoupées par des interruptions. Le cerveau finirait au bout d’un certain temps par générer plusieurs personnalités pour pouvoir répondre aux difficultés du quotidien.

Le CDI qui rend fou

Il existerait un CDI qui finirait inéluctablement par rendre fou tous ses pensionnaires au fil du temps. De nombreux professeurs documentalistes se seraient ainsi succédé et, inlassablement, tous auraient fini par avoir des comportements étranges, voire carrément suicidaires. Et ce sans compter les menaces qu’ils finissent par faire peser sur les élèves ou les collègues. La rumeur voudrait que le CDI soit adossé à l’ancien mur d’une vieille bâtisse contenant des champignons de type hallucinogène. Depuis l’émission de cette hypothèse, le CDI aurait été déplacé et la pièce attenante au vieux mur aurait vu son isolation refaite pour devenir un entrepôt dans lequel on évite de demeurer trop longtemps.

Les professeurs documentalistes, potentiels serial killers ?

Une étude aurait démontré que les qualités et compétences des professeurs documentalistes les rapprochaient de celles d’un serial killer. Ont été notamment mis en avant le fait de pouvoir réaliser plusieurs choses en même temps, la capacité à reprendre facilement le fil d’une ancienne problématique, la volonté de collecter les éléments de façon structurée, le désir de donner sens à tout ce qui paraît éparpillé et celle de marquer les esprits. Les rumeurs prétendent également que le groupe des « débuts de soirée » aurait inventé cette histoire auprès du ministère de l’Intérieur pour servir leurs intérêts. Cependant, la rumeur serait telle que beaucoup d’inspecteurs craignent d’aller rendre visite aux professeurs documentalistes. Le fait qu’ils soient moins inspectés que les autres collègues de discipline tendrait à conforter que cette légende est pour le moins prise au sérieux par l’administration.

 

Beaucoup d’autres légendes circulent, et il est difficile de toutes les conter. Il existe bien sûr celle du collègue qui a tellement fait de choses répréhensibles qu’il n’exerce plus sur le terrain et qu’il a pu ainsi monter dans la hiérarchie au ministère. Mais ce cas n’est pas propre à la documentation. De toute manière, le CDI demeure un lieu de légende urbi (toutes les histoires et les rumeurs des établissements finissent toujours par y circuler) et orbi (celles du monde entier y sont accessibles).
Tout cela pour vous dire, chers professeurs documentalistes, que vous avez tout pour être légendaires !