Une CDIBox dans votre CDI, Et pourquoi pas ?

Ayant lu des articles en ligne présentant le dispositif LibraryBox, développé par des bibliothécaires technophiles, je me suis lancé. Plusieurs facteurs m’ont décidé : le faible coût du routeur – une trentaine d’euros –, l’intérêt pour la difficulté technique à mettre en œuvre le dispositif, puisqu’il faut en passer par des protocoles que je ne connaissais pas… et surtout le champ des possibles offert par cette installation.

Tout d’abord le matériel nécessaire : un routeur TP-link MR30201, toujours en vente à l’heure où j’écris ces lignes et une clé usb (4 Go est un minimum). C’est tout !
Le principe de l’installation : ce routeur Wi-Fi, initialement prévu pour partager une connexion Internet, est détourné de sa fonction originelle. Il va ainsi générer un réseau Wi-Fi fermé, c’est-à-dire qu’une fois connecté, on ne peut pas accéder au World Wide Web. Il n’est possible d’accéder qu’aux documents préalablement déposés sur la clé usb branchée. Bien que les qualifications juridiques concernant l’accès à Internet dans les EPLE comportent une grande part d’incertitude, il est important de noter que la mise en œuvre d’une CDIBox, générant un réseau fermé, propose une solution de mise à disposition de documents confortable.
Une fois mon routeur ainsi commandé et reçu, le plus difficile commence. En effet, il est nécessaire de flasher la mémoire de l’engin pour remplacer le programme informatique originel par un programme de Jason Griffey, un bibliothécaire américain, basé sur le travail de Matthias Strubel, le développeur allemand de la PirateBox. C’est là que toute la difficulté de l’entreprise réside, puisque l’on touche au firmware du routeur. En cas de mauvaise manipulation, il est possible de « bricker » celui-ci, c’est-à-dire le rendre inutilisable ! Pas de panique, il existe des tutoriels en ligne très bien faits et je vous conseille celui de Christophe Rhein du Canopé de Limoges : « BiblioBox ou comment bricoler son serveur de fichier wifi personnel2 ».

Quels usages en lycée ?

Dans un lycée où l’usage des téléphones portables des élèves est toléré, voire autorisé et encouragé, une CDIBox va permettre de mettre à disposition des documents numériques en libre accès.
Dans un premier temps, j’ai choisi de déposer des livres numériques libres de droit et, en particulier, de grands classiques de la littérature. J’ai également ajouté des films libres de droit en anglais. Il est vrai que les spécificités du lycée où j’exerçais (série littéraire, hypokhâgne, classes euro anglais…) ont facilité mes recherches en ressources puisque, pour les films par exemple, on trouve surtout des œuvres libres de droit en anglais.
Dans un deuxième temps, il est indispensable de penser la médiation autour de la CDIBox. En effet, une fois branchée, il faut la rendre visible ! Affichage, explications, patience, sont alors les maîtres mots du professeur documentaliste… ce qui ne change pas trop de notre quotidien ! Le retour des élèves a été très encourageant et outre le téléchargement des œuvres littéraires classiques, les élèves ont beaucoup apprécié le visionnage d’œuvres cinématographiques comme La Nuit des morts-vivants par exemple, confortablement installés dans les fauteuils du CDI.
C’est également une porte d’entrée formidable pour aborder les Communs avec les élèves : images, textes, films tombés dans le domaine public, documents mis à disposition par leurs auteurs sous licence Creative Commons, tous ces exemples sont intéressants pour expliquer aux élèves pourquoi tel film a pu être déposé pour visionnage dans la CDIBox et pourquoi il n’est pas possible d’y trouver un film plus récent.
La CDIBox est un bel outil pédagogique et de médiation culturelle dans un lycée.

Quels usages en collège ?

Deux ans après, je suis nommé dans un collège. La politique de l’établissement vis-à-vis des téléphones portables ne me permet pas une utilisation de la CDIBox identique à celle que je pratiquais en lycée. En revanche, une mallette de 30 tablettes sommeillait dans une réserve. Quelques collègues ont bien essayé de les utiliser mais la volatilité de la connexion internet a eu raison de leur enthousiasme. J’ai alors reconverti ma CDIBox en serveur de fichiers portable, en me basant sur le travail de Christophe Rhein, du Canopé de Limoges.
J’ai donc modifié les dossiers de ma CDIBox en supprimant les intitulés « types de documents » – livres, films, etc. – et en les remplaçant par des intitulés « Disciplines » – sciences physiques, français…
Puis j’ai organisé une séance d’explications et de formation aux collègues intéressés. Dans un premier temps, il faut sélectionner les documents que l’on souhaite mettre à disposition des élèves. Puis les déposer sur la clé USB dans le dossier correspondant à sa matière. Ensuite, lorsque les tablettes sont distribuées aux élèves, un affichage du nom du réseau SSID et l’url que les élèves doivent taper dans leur navigateur suffisent pour lancer le travail. Mes collègues ont été surpris de la simplicité de mise en œuvre du dispositif et de sa fiabilité. En quelques clics, ils ont pu donner à voir les vidéos, animations, et ce sans crainte d’une coupure de connexion réseau !
La flotte de tablettes du collège a ainsi connu un net regain d’intérêt et certains collègues se sont même lancés dans l’utilisation pédagogique des téléphones portables des élèves. Une possibilité supplémentaire d’aborder la charte informatique du collège et de contribuer à la responsabilisation des usages, le tout dans un environnement sécurisé.
On voit alors que le domaine 2 du cycle 3 du Socle Commun de connaissances, de compétences et de culture est mobilisé et permet au professeur documentaliste de pleinement participer à l’évaluation des acquisitions des élèves.

La circulaire n° 2017-051 du 28 mars 2017 définit les missions du professeur documentaliste. Mettre en œuvre un dispositif tel que la CDIBox relève très clairement du point n° 2 : « le professeur documentaliste maître d’œuvre de l’organisation des ressources documentaires de l’établissement et de leur mise à disposition. », ce dispositif permettant précisément une mise à disposition de documents numériques, choisis et validés par le professeur documentaliste et la communauté éducative.
Cependant, comme évoqué précédemment, la CDIBox permet également d’introduire la notion de propriété intellectuelle, de droit d’auteur et de licences Creative Commons. On n’est alors plus dans la simple mise à disposition de ressources mais dans une démarche pédagogique à part entière. Le point n° 1 de la circulaire : « le professeur documentaliste, enseignant et maître d’œuvre de l’acquisition par tous les élèves d’une culture de l’information et des médias », est alors également convoqué.
Enfin, la lecture du point n° 3 : « le professeur documentaliste acteur de l’ouverture de l’établissement sur son environnement éducatif, culturel et professionnel », trouve à son tour un écho dans la mise en place d’une CDIBox.
La CDIBox est ainsi un dispositif technique complet pour le professeur documentaliste qui lui permet de proposer des documents numériques, des œuvres culturelles, des ressources en restant totalement indépendant de la qualité de la connexion internet de l’établissement, lui offre un support de séquence pédagogique pour toutes les disciplines d’un établissement, et devient un objet d’étude particulièrement adapté à l’enseignement du droit d’auteur et des Communs.