La liseuse électronique, un allié pour l’amélioration des compétences de lecture en langue étrangère

Les Bulletins officiels en langues vivantes étrangères au collège recommandent un entraînement à la lecture et une exposition à la langue en dehors du cours. « Lire et comprendre » fait partie des compétences à évaluer dans toutes les langues. L’exercice peut sembler difficile et rebute souvent les élèves. Il nécessite, c’est certain, un entraînement régulier. Et pourtant, les livres en langue étrangère disponibles au CDI ne rencontrent que peu de lecteurs. Même les collections populaires, comme la série I Survived…, ne trouvent pas leur public : malgré l’enthousiasme des élèves pour les thèmes abordés, la lecture semble trop difficile. Comment la rendre moins intimidante, plus accessible et donc plus agréable pour eux ?

À Marcq Institution, un collège et lycée privé près de Lille, un projet innovant s’est développé : faire lire les élèves de 5e en anglais sur liseuse électronique. L’utilisation d’une liseuse contribue à réduire l’obstacle en facilitant l’accès à la compréhension lexicale et contextuelle. L’usage de la liseuse est confidentiel en France. Cet outil technologique pourrait cependant avoir un impact significatif sur la manière dont les élèves abordent la lecture en langue étrangère : il ouvre de nouvelles perspectives, souvent méconnues.

Genèse du projet

Une initiative issue du bi-culturalisme

Le partenariat entre nous deux, Valérie, professeure d’anglais et moi, Yade, professeure documentaliste, toutes les deux élevées dans le milieu biculturel de nos origines polonaises et italiennes, a été la clé pour lancer cette idée. Nos échanges d’expériences de lecture en langue étrangère ont permis de repérer un besoin au sein de l’établissement : l’accès à des supports de lecture électroniques. L’acquisition de liseuses représentait non seulement un investissement judicieux pour faire progresser les élèves en anglais, mais elle pouvait aussi les inciter à utiliser les outils numériques de manière constructive. Convaincues des fonctionnalités pédagogiques de l’outil, puisque déjà utilisatrices, nous avons présenté le projet d’achat de liseuses par le CDI à notre directeur. Nous nous sommes appuyées sur plusieurs points pour le défendre.

Le dictionnaire bilingue intégré : un atout stratégique

Une liseuse est un appareil portable dont le seul usage est de permettre la lecture et le stockage de livres au format numérique. L’encre électronique permet un affichage semblable à l’encre utilisée sur du papier, sans reflets, même en plein soleil. Ce procédé n’abîme pas les yeux, contrairement aux écrans LED des smartphones ou des tablettes. Une seule charge de batterie permet de lire plusieurs semaines.

Mais le principal atout d’une liseuse pour lire en langue étrangère, c’est qu’avec une simple pression du doigt sur un mot inconnu, l’élève accède au dictionnaire bilingue (une fenêtre s’ouvre et propose les différentes traductions du mot). Plus besoin de s’interrompre pour aller chercher le dictionnaire, la lecture est fluidifiée et donc plus agréable.

Les mots qui nécessitent l’utilisation du dictionnaire sont automatiquement compilés dans la rubrique « Vocabulaire interactif » au sein d’une liste intitulée « Mots à apprendre ». L’élève peut donc revenir sur les mots qu’il a découverts. Chaque mot est présenté sous la forme d’une flashcard avec sa définition et son contexte d’utilisation (la phrase lue dans le livre). Une fois le mot connu, l’élève peut le déplacer dans une liste intitulée « Mot maîtrisé » ou le supprimer de la liste. En ce qui concerne la compréhension des noms propres ou celle des références culturelles présents dans le livre, la liseuse permet aussi, lorsque l’accès au wifi est autorisé, un accès aux contenus de l’encyclopédie Wikipedia.

D’autres atouts indéniables

Légère (148 grammes !) et compacte (plus petite qu’un livre de poche !), la liseuse constitue un support facilement transportable, offrant aux élèves la possibilité d’accéder à une bibliothèque numérique (environ 3 000 livres) où qu’ils soient. La possibilité de choisir la taille et le format de la police permet d’adapter la lecture et de la rendre agréable. Ce confort de lecture est très apprécié des lecteurs porteurs de lunettes de vue ou malvoyants.

La liseuse permet une différenciation pédagogique : de nouvelles possibilités peuvent être mises au service du rythme de lecture de l’élève. Celui-ci peut paramétrer l’affichage à l’écran (espacement, taille et police de caractères). La fonction marque-page et surlignage lui permet, tout comme il pourrait le faire sur un livre papier, de surligner du texte et d’ajouter des marque-pages aux passages sur lesquels il voudrait éventuellement revenir.

La dimension innovante du projet suscite un intérêt renouvelé pour la lecture. Au-delà de la simple découverte d’un support numérique, l’usage de la liseuse constitue une expérience nouvelle qui stimule la curiosité des élèves.

Elèves de 5e, Marcq Institution – Photo Yade George

Une accessibilité renforcée grâce aux fonctionnalités adaptatives

L’accessibilité est un sujet d’une importance cruciale à l’ère du numérique. Les liseuses offrent des fonctionnalités d’adaptation avancées qui permettent à chaque lecteur de personnaliser son expérience selon ses besoins spécifiques. Parmi ces paramètres configurables figurent :
— Le choix de la police et de la taille


— L’orientation de l’écran (portrait ou paysage), les marges, l’alignement et l’espacement des lignes

Un établissement au profil favorable

La diversité linguistique et culturelle est bien présente dans notre établissement : l’éventail d’options proposées est large, avec un enseignement de l’anglais et de l’allemand dès le primaire, des classes à projet européen (anglais et allemand au collège, euro anglais et espagnol au lycée), ainsi que des options chinois et italien. à cela s’ajoutent la préparation aux examens de Cambridge (du A2 au C2) et un partenariat avec Academica pour le programme Dual Diploma, permettant d’obtenir le High School Diploma, le baccalauréat américain. En ce qui concerne les activités récréatives, soulignons le succès annuel de la semaine internationale au collège avec des échanges avec l’Allemagne, l’Angleterre, la Belgique, l’Afrique du Sud et l’Espagne.

Sur le plan financier, un budget est alloué chaque année au CDI et aux disciplines pour l’acquisition d’outils pédagogiques destinés aux enseignants. En ce qui concerne les liseuses, la direction a choisi de répartir leur financement entre le budget de l’anglais et celui du CDI, à parts égales. Chaque équipement (liseuse + coque) coûte environ 150 €, soit un total de 2 700 € pour 18 liseuses.

Un projet d’achat de liseuses en adéquation avec les cadres institutionnels

L’éducation aux médias et à l’information (EMI) encourage la maîtrise des outils numériques appliqués à la lecture. Inscrite dans la loi d’orientation du 8 juillet 2013 et déclinée à travers 27 compétences dans les programmes scolaires au cycle 4 (BOEN n° 31 du 30 juillet 2020), l’EMI a pour objectif de répondre aux nouveaux besoins liés à la multiplication des usages de supports et de réseaux numériques par les élèves. L’usage des liseuses s’inscrit pleinement dans cet axe, en développant chez les élèves des compétences transversales d’EMI telles que “utiliser des dictionnaires et encyclopédies sur tous supports” et “avoir connaissance du fonds d’ouvrages en langue étrangère ou régionale disponible au CDI et les utiliser régulièrement”.

Le projet s’aligne également sur les objectifs du socle commun de connaissances, de compétences et de culture : « comprendre et s’exprimer en utilisant une langue étrangère » (domaine 1), « développer une culture numérique » (domaine 2) et « mobiliser des connaissances sur les grandes caractéristiques des objets et systèmes techniques et des principales solutions technologiques » (domaine 4).

En outre, la mise en place du cadre de référence des compétences numériques (CRCN, décret n° 2019-919 du 30 août 2019) inscrit explicitement l’usage des environnements numériques comme une des 16 compétences essentielles à la formation des élèves :
— Utiliser les fonctionnalités élémentaires d’un environnement numérique
— Retrouver des ressources et des contenus dans un environnement numérique
— Personnaliser un environnement numérique
— Prendre conscience de l’évolution des matériels et des logiciels pour développer sa culture numérique

Un projet innovant fait de tâtonnements

Obtenir l’accord du chef d’établissement

Obtenir l’adhésion du directeur s’est avéré aisé, celui-ci manifestant une constante volonté d’enrichir l’offre pédagogique destinée aux élèves et à leurs familles. Après examen d’un devis établi par le responsable informatique, il a, sans aucune hésitation, autorisé l’utilisation des fonds nécessaires à l’acquisition d’un parc de vingt liseuses électroniques, marquant ainsi son engagement en faveur d’une innovation éducative concrète.

Sélectionner des ebooks adaptés

Pour l’enseignante d’anglais a commencé alors un long processus de sélection des ouvrages. Nous tenions à ce que ceux-ci soient dans un anglais authentique, non didactisé. Mais il est vite apparu difficile de concilier les différentes contraintes : identifier des livres en adéquation avec les thèmes culturels des programmes officiels de la classe de 5e, adaptés à de jeunes adolescents, d’un niveau de langue accessible, et qui offrent des récits susceptibles de captiver leur intérêt.
Il a donc été nécessaire d’effectuer des recherches approfondies sur différents sites, d’entrer en contact avec des éditeurs américains et britanniques et d’examiner attentivement les catalogues transmis.Il a fallu ne pas se décourager face à la frustration engendrée par la découverte d’un ouvrage particulièrement pertinent mais uniquement disponible en version papier ! Il est manifeste que cette tâche de sélection aurait été simplifiée si les élèves avaient disposé d’un niveau de compétence langagière plus avancé. C’est pourquoi, dès l’année suivante, le projet fut également déployé au lycée.
Pour le niveau 5e, la solution est venue des Hi-Lo Books (ouvrages à haut intérêt et faible niveau de lecture). Il s’agit de livres de fiction caractérisés par un vocabulaire et une syntaxe simplifiés, des chapitres courts, un nombre de pages limité et des histoires captivantes. Ces ouvrages sont spécialement conçus pour des enfants natifs dont le niveau de lecture est inférieur à leur âge réel. Ils constituent une ressource idéale pour susciter l’intérêt des élèves en difficulté ou réticents à la lecture, de ceux pour qui l’anglais est une langue seconde, ainsi que celui des élèves dyslexiques. Ces livres répondaient parfaitement à nos critères de recherche, à savoir un niveau de lecture accessible et un intérêt narratif élevé. Parmi la sélection, un seul livre n’est pas un Hi-Lo Book et a convenu aux élèves d’un très bon niveau de compréhension écrite en anglais.

Adapter le traitement documentaire

L’intégration des liseuses au sein du CDI suppose une évolution significative des pratiques de traitement documentaire. Alors que les ouvrages imprimés imposent une série d’opérations traditionnelles – identification, catalogage, indexation et équipement matériel –, la gestion des ressources numériques impose de nouvelles procédures, notamment liées à la configuration des supports de lecture et à la gestion des droits numériques.

1re étape : achat des liseuses et des coques
Le modèle retenu fut le Kindle 11e génération. À l’image des plateformes de streaming musical, il est possible, moyennant un surcoût de 10 € par liseuse, d’opter pour une version sans publicité intégrée. Cette option a été privilégiée, compte tenu du contexte pédagogique du projet. Des coques de protection avec rabat ont été commandées pour préserver l’intégrité des écrans et prolonger la durabilité du matériel, portant le coût global d’une liseuse équipée à 147 €. Une station de charge collective (55 €) a également été installée au CDI afin de faciliter la gestion quotidienne du parc de liseuses.

2e étape : constitution et administration du parc de liseuses
L’étape suivante a consisté en la création d’un parc de liseuses, enregistré sur le compte Amazon du CDI, une plateforme utilisée pour l’acquisition des livres numériques. Chaque appareil a été déclaré dans la section « Appareils » du compte, sous l’intitulé « CDI Marcq Institution », suivi d’un numéro de série allant de 0 à 20. L’enregistrement de ces identifiants uniques a permis d’assurer une traçabilité rigoureuse des équipements et d’en suivre la garantie.
Ainsi, la gestion des liseuses, à l’instar des documents physiques, s’inscrit dans une logique de normalisation et de contrôle des ressources mises à disposition des usagers.

Enregistrement et gestion du parc de liseuses via le compte amazon du CDI dans la rubrique “Appareils”

 

3e étape : catalogage des liseuses dans le SIGB BCDI
Afin d’intégrer ces nouveaux supports de lecture à notre Système Intégré de Gestion de Bibliothèque (SIGB), un catalogage spécifique a été réalisé dans BCDI. Chaque liseuse a été répertoriée selon les métadonnées suivantes :
— Support : “tablette, liseuse”
— Type de ressources : “électronique”

Fiche exemplaire de liseuse

4e étape : chargement des ouvrages et découverte des DRM
L’envoi des ebooks sur les liseuses a révélé une contrainte imprévue : l’existence de verrous numériques (DRM – Digital Rights Management), dont l’absence de mention explicite sur la plateforme d’achat a engendré une limitation dans le déploiement des ouvrages.
En effet, la restriction des droits d’utilisation apparaît lors du téléchargement des fichiers sur les supports de lecture. Après l’envoi d’un même titre sur six liseuses, un message d’erreur est apparu, indiquant que le quota maximal de licences avait été atteint. Cette limitation, constatée en temps réel par le service technique du fournisseur, a nécessité une adaptation de la stratégie d’acquisition des ressources : chaque ebook a dû être acheté en triple exemplaire afin de permettre un total de 18 téléchargements par titre.
Ce système de gestion des droits numériques, bien que contraignant, s’inscrit dans une démarche de protection du droit d’auteur. Il est également à l’œuvre dans d’autres contextes documentaires, notamment pour la diffusion des manuels scolaires numériques au sein des Environnements Numériques de Travail (ENT), régulant ainsi leur accessibilité pour les établissements et les familles.
Les ebooks ont ainsi été transmis par lot de six, en fonction des limitations imposées par les DRM. Afin d’optimiser l’accès aux ressources, l’ensemble des titres sélectionnés a été regroupé dans une collection thématique intitulée « collège », facilitant la navigation et le repérage des ouvrages sur chaque liseuse.

L’intégration des liseuses au sein du fonds documentaire d’un CDI illustre une mutation et une hybridation des pratiques documentaires et souligne l’importance d’une veille continue sur les évolutions du livre numérique et des politiques éditoriales en matière de droits d’usage.

Station pour recharger simultanément des liseuses au CDI – Photo Yade George
Vérification de la présence des ebooks sur chaque liseuse
en vue d’une séance de prêt en 5e – Photo Yade George

Déploiement du projet auprès des élèves et des familles

Présentation du projet aux élèves et prêt des liseuses

Le déploiement du dispositif auprès des élèves s’articule autour d’une logistique adaptée aux contraintes matérielles. Avec un effectif de 32 élèves par classe de cinquième et disposant de seulement 18 liseuses, le recours à des séances en demi-groupes s’est imposé comme une nécessité opérationnelle. Ces créneaux, déjà intégrés à l’horaire hebdomadaire sous la forme de deux heures consécutives, ont facilité la mise en œuvre.

Le lancement du projet dans la classe résulte d’une collaboration entre la professeure d’anglais et moi-même, professeure documentaliste. Dans un premier temps, chacune des intervenantes procède à une présentation méthodique de l’objet, tout en soulignant ses atouts pédagogiques pour l’apprentissage de la lecture en langue étrangère, elle énonce les recommandations essentielles à sa bonne utilisation.
S’ensuivent des échanges d’expériences : les élèves sont invités à partager leurs pratiques numériques, notamment leur éventuelle familiarité avec les liseuses ou la lecture multilingue sur support électronique. Si certains attestent parfois d’un usage personnel de l’appareil, très rares sont ceux qui déclarent l’employer pour des lectures linguistiques. Le projet suscite ainsi un enthousiasme palpable en raison de sa nouveauté. La perspective de vivre une expérience singulière, perçue comme un privilège, contribue à une adhésion collective immédiate.

La seconde phase est consacrée à la familiarisation technique. Après la distribution des liseuses et l’explication des fonctionnalités élémentaires, les supports explicatifs détaillant le cadre du projet et la sélection de livres sont remis aux élèves. Rapidement, des petits groupes se forment spontanément : certains élèves échangent sur leurs préférences bibliographiques, tandis que d’autres s’entraident pour maîtriser les aspects technologiques. Cette appropriation intuitive conforte la pertinence du dispositif.

Nous décevons toujours le premier demi-groupe lorsqu’il apprend qu’il devra composer avec un délai d’attente de quinze jours avant de pouvoir emporter les liseuses, celles-ci étant réservées, par souci de rationalisation matérielle, au second groupe lors de la séance inaugurale.

Documents et circulaires mis à la disposition des élèves et des parents

Présentation de la sélection d’ebooks

Cinq ouvrages ont été sélectionnés et les élèves ont eu pour consigne de lire au moins l’un d’entre eux dans son intégralité. Un document pédagogique a été élaboré et distribué afin de les accompagner dans leur choix de lecture. Ce support comprend, outre le titre et le nom de l’auteur, des informations telles que le nombre de pages, le niveau de difficulté de lecture, une illustration de la couverture ainsi qu’un bref synopsis de l’œuvre. Ces éléments visent à fournir aux élèves des repères clairs pour sélectionner un livre adapté à leurs compétences et à leurs centres d’intérêt.


Guide de prise en main de la liseuse

« Oops, j’ai perdu ma page. » Un incident qui arrive parfois lors des premières utilisations ! Pour faciliter la prise en main à la maison, un petit guide de 6 pages permet aux élèves de retrouver les principales fonctionnalités de la liseuse et d’effectuer les manipulations de base. Structuré sous forme de livret, agrémenté de captures d’écran explicites et de schémas directeurs, ce support allie clarté visuelle et facilité de compréhension.

Le guide (lien sur les images pour agrandir) :

Lien sur le guide au format PDF

Information aux parents et charte de prêt

Nous avons bien évidemment rédigé une circulaire à destination des parents afin de présenter le projet pédagogique, d’en expliquer les objectifs et de souligner les avantages de la lecture en langue étrangère sur liseuse, une pratique encore peu connue des familles. Cette communication vise également à les rassurer sur plusieurs points : l’élève ne pourra pas commander de livres de manière autonome, n’aura pas accès à Internet et ne sera pas exposé à la lumière bleue qui pourrait avoir des effets sur le sommeil et la fatigue oculaire. Enfin, la professeure documentaliste s’est chargée de la rédaction d’une charte, qui sera signée par les parents afin de formaliser les conditions du prêt de la liseuse et d’en garantir le bon usage.

Questionnaire de lecture 

Afin de vérifier la lecture du livre et l’assimilation de l’histoire, un questionnaire destiné à être complété en classe a été proposé aux élèves. Initialement conçu dans une optique d’évaluation sommative, ce dernier devait faire l’objet d’une notation. Toutefois, cette décision a été reconsidérée : certains élèves n’avaient pas achevé leur lecture, tandis que d’autres rencontraient des difficultés liées à la complexité du texte. Consciente du risque de découragement et soucieuse de préserver une dynamique positive, l’enseignante d’anglais a opté pour l’abandon de la notation, privilégiant ainsi une approche bienveillante centrée sur l’expérience formative. Parallèlement, l’accompagnement individualisé pour le choix des ouvrages a été renforcé.

Feedback d’expérience

Destiné à recueillir leurs retours quant aux ouvrages lus et à leurs impressions sur l’usage de la liseuse, cet outil d’évaluation qualitative s’est accompagné d’échanges oraux en classe, visant à approfondir collectivement les réactions individuelles. Les thématiques abordées s’articulent autour des axes suivants : titre de l’ouvrage choisi, lecture terminée ou non et, en cas d’abandon, pour quelle(s) raison(s) ? appréciation de l’intrigue, ainsi que les éventuelles difficultés rencontrées dans la manipulation technique de la liseuse. Une attention est également accordée aux fonctionnalités numériques privilégiées et appréciées par les élèves. Enfin, la dimension sociale de l’expérience est explorée à travers la question des échanges intergénérationnels : les élèves sont invités à relater les discussions engagées avec leurs parents sur ce projet innovant, ce qui permet de mesurer son retentissement au-delà du cadre scolaire.


Conclusion

L’expérimentation menée dans notre établissement autour de l’usage des liseuses pour la lecture de langue étrangère témoigne de leur potentiel éducatif et des nouvelles perspectives qu’elles offrent en matière d’apprentissage. En combinant accessibilité, personnalisation et interactivité, ces outils numériques permettent de lever certaines barrières liées à la compréhension linguistique et à l’engagement des élèves dans la lecture.

Au-delà de leur aspect pratique, les liseuses participent à une redéfinition des pratiques documentaires et pédagogiques au sein du CDI. Elles s’inscrivent dans une dynamique d’éducation aux médias et à l’information en intégrant des compétences numériques essentielles, tout en réinterrogeant le rôle des espaces documentaires dans la médiation.

Cette initiative pose néanmoins des défis organisationnels, techniques et économiques : choix des supports et des formats, gestion des droits numériques, intégration dans les politiques d’acquisition et de prêt. Elle invite également à repenser les postures professionnelles des enseignants et des professeurs documentalistes face à l’évolution des pratiques de lecture et à la diversification des ressources.

Alors que la société devient de plus en plus mobile et que les environnements éducatifs se transforment, la lecture numérique s’impose comme un enjeu stratégique, non seulement pour favoriser la maîtrise des langues étrangères, mais aussi pour accompagner les élèves vers une littératie numérique éclairée. La question n’est plus de savoir si les liseuses ont leur place dans les CDI, mais bien comment en maximiser le potentiel au service d’une pédagogie différenciée et inclusive.