Construire son EPI

La première étape consiste à clarifier ses besoins et à se poser la question première : pourquoi ai-je besoin de veiller ? Autrefois, dans le monde « d’avant » Internet, la constitution de dossiers documentaires3 dans les CDI en prévision des ressources à donner aux élèves était une opération relativement aisée et surtout circonscrite à quelques journaux et revues. On découpait minutieusement les articles, en mentionnant bien la date et le nom du journal. On les glissait ensuite dans une pochette au titre explicite, comme par exemple : « Dossier : Écologie & développement durable ». Et puis, après quelques années, les ressources étant soigneusement entreposées dans des boîtes d’archives et quelque fois utilisées, on désherbait et supprimait le contenu le plus ancien ou obsolète. C’était un travail de conservation qui consistait à rassembler et organiser la documentation « papier ». De nos jours, et notamment dans le cadre des TPE des lycées, ces ressources sont utilisées comme complément aux ressources numériques qui sont beaucoup plus abondantes, disponibles et en permanence mises à jour.
Dans le contexte du Web et des réseaux, il s’agit plutôt d’essayer de s’en sortir dans un « océan » d’informations où tout est document, de son profil personnel sur un réseau social à la dernière thèse en sciences de l’information et de la communication, mise en ligne sur un site de recherche universitaire, et où presque tout peut être trouvé en sachant bien chercher. Les termes sont connus et répétés (mais la répétition ne résout rien), infobésité, « déluge informationnel », surabondance, Big Data… Face à ce « tsunami » informationnel, comment organiser sa veille et pour quels objectifs ? Doit-on se mettre à faire de la curation de contenu ? Que nous apporte-t-elle de plus ? Quelques problématiques pour lesquelles nous essaierons de trouver une ou des réponses en gardant toujours l’intérêt pédagogique pour point de mire.

La veille informationnelle, une activité essentielle

Le constat alarmiste étant posé, il ne reste plus qu’à se mettre au travail, identifier un besoin et entreprendre, après une phase de recherche, la partie relative à la collecte et à l’acquisition des données. Sauf que dans le « nouveau monde », il ne s’agit plus de gérer un stock, aussi grand soit-il, mais de traiter et d’analyser des flux de données en continu. Ensuite, il s’agit de diffuser, de mettre à disposition et de réutiliser le résultat de ces investigations. Comme le souligne Anne-Marie Kermarrec dans un entretien avec Dominique Cardon4 sur le site de l’INRIA (Institut national de recherche en informatique et en automatique) : « L’internaute est aujourd’hui noyé sous l’information. Je n’ai pas la solution, mais il apparaît de façon évidente qu’il va falloir trouver des moyens pour optimiser la diffusion de l’information et la filtrer avec plus de pertinence ». En résumé, la veille suit un processus logique et linéaire : j’identifie mes besoins, je collecte et je recherche mes sources de veille, j’analyse et traite ces informations et, pour finir, je m’approprie ces données et au besoin (nous rentrons dans la phase de curation) je diffuse les résultats de mes investigations5. Cela dit, dans le monde numérique, ce cycle recommence à volonté comme le souligne Louise Merzeau6 : « Il faut maintenant penser, réfléchir, analyser le numérique en tant qu’environnement… qui n’est plus un média par rapport aux autres mais qui est l’environnement dans lequel tout se retrouve et se reconfigure donc tous les médias ».

Nous pouvons compléter cette analyse par la remarque de Jérôme Deiss7 : « Il est possible de ne plus subir le flot continu d’informations de toutes sortes qui nous assaillent, mais au contraire de contrôler à nouveau les contenus et de remettre ainsi l’individu au cœur du Web, avec son interprétation, sa sensibilité et sa subjectivité ». La veille informationnelle, que le professeur documentaliste a toujours pratiquée, est dans le monde numérique remise au centre de ses préoccupations. Malgré des emplois du temps souvent très chargés, ces enseignants ne peuvent plus échapper à cette activité. Et sans y consacrer trop de temps – à l’opposé des entreprises où des services entiers (marketing notamment) développent une veille que l’on peut qualifier de « stratégique », « concurrentielle », « commerciale », « technologique », on parle même « d’intelligence économique » -, il s’agit pour eux de lui réserver une place qui ne peut plus être secondaire. La veille est non seulement une activité personnelle mais, fort de leur expertise, ils peuvent aider les enseignants de discipline et les élèves à la mettre en place et à s’y adonner.

Qu’est ce que la veille ?

Les professeurs documentalistes commenceront par expliquer aux élèves ainsi qu’à leurs collègues de discipline ce qu’est la veille et en quoi elle peut leur être utile. Pour définir et expliquer le terme, beaucoup de personnes se réfèrent à la définition de l’AFNOR qui s’impose comme la référence incontournable8. Celle de Jean-Pierre Lardy9 est plus proche du métier de documentaliste et reste très pragmatique : pour lui la veille informationnelle est « l’ensemble des stratégies mises en place pour rester informé, en y consacrant le moins de temps possible en utilisant des processus de signalement automatisés ». Véronique Delarue dans un numéro de la revue InterCDI10 en avait défini les objectifs en ces termes : « […] apporter la bonne information, à la bonne personne, au bon moment, en vue de répondre à un besoin ». S’informer en rentrant quelques mots clés dans un moteur de recherche bien connu, c’est ce que tout le monde fait. Mais créer les conditions pour être, de façon régulière, informé des nouveautés sur un sujet est une action que peu de personnes mettent en place. C’est toute la différence entre veille informationnelle et recherche d’information.

Une pratique pas si courante

Comment expliquer que seulement une minorité de personnes soit préoccupée par la veille informationnelle ? Dans une profession11 qui est de plus en plus au cœur de l’action pédagogique de l’établissement, de l’accueil personnalisé des élèves ou lors de séquences pédagogiques, en passant par la gestion des différents logiciels dont le professeur documentaliste a la responsabilité, il ne reste que très peu de temps pour s’informer, d’où l’intérêt de perdre le moins de temps possible… De plus, l’hétérogénéité des outils et le manque de formation peuvent dans certains cas expliquer les réticences ou la méconnaissance des collègues. Des phénomènes de mode apparaissent aussi ; ce fut le cas avec le portail Netvibes comme le rappelle Olivier Le Deuff12 : « Il n’est pas surprenant que cet outil ait beaucoup intéressé les bibliothécaires et les documentalistes, et plus particulièrement les professeurs documentalistes qui ont pu trouver dans ce nouveau média un moyen d’offrir une sélection de ressources de manière plus attrayante ». L’outil, de nos jours, a moins le vent en poupe ; c’est dommage car, selon moi, il permet une grande visibilité sur de nombreuses sources d’information avec une prise en main relativement rapide. Mais la mode a ses raisons…
D’autres outils disparaissent du jour au lendemain du marché, malgré parfois un certain succès dans les usages. Google Reader, qui permettait de lire des flux RSS, a disparu en juillet 2013, et Yahoo Pipes, de la société du même nom, a été abandonné plus récemment. Pourtant, bien que moins facile d’accès, c’était un outil extrêmement puissant : il permettait d’affiner ses critères de veille et de rentrer un peu plus dans la mécanique des processus d’automatisation. Pour la profession il y avait matière à pédagogie, notamment en expliquant l’enchaînement des fonctions. La société a dû juger que l’outil ne rapportait pas assez de revenus et ne touchait qu’une petite minorité d’utilisateurs. Il ne rentrait plus dans son modèle économique, basé essentiellement sur la publicité. L’avenir et le dynamisme de certaines entreprises sauront probablement combler les manques technologiques actuels.

La formation pour démocratiser la veille

Dans le cadre d’une formation généralisée des professeurs documentalistes de l’académie de Paris au numérique qui s’étalait sur trois journées13, le choix a été fait de présenter et d’utiliser, en particulier, Feedly. Cet outil se révèle assez simple d’utilisation avec, dans sa version gratuite, des fonctionnalités tout à fait intéressantes. Les professeurs documentalistes peuvent ainsi l’utiliser dans le cas d’une veille informationnelle, qui est bien plus qu’une simple recherche documentaire. Deux activités qui restent néanmoins complémentaires.
La veille informationnelle se différencie en plusieurs points de la recherche d’information. Cette dernière est souvent enseignée dans les CDI : les professeurs documentalistes initient leurs élèves en leur apprenant à réfléchir sur les mots clés qu’ils vont utiliser dans leur moteur préféré (à utiliser aussi les fonctions avancées, ce que peu de personnes font) ou dans la version en ligne de la base documentaire, c’est-à-dire e-sidoc. C’est une recherche ponctuelle qui donne un résultat immédiat, contrairement à la veille où l’on anticipe et planifie ses sources à surveiller. Lors d’une veille, l’utilisateur s’organise et sa consultation peut être quotidienne ou, le plus souvent, hebdomadaire. La veille met en surveillance tout un secteur donné, elle se planifie, à l’opposé de la recherche d’information qui répond à un besoin précis. Les utilisateurs peuvent vouloir aussi partager et diffuser les résultats de leurs trouvailles numériques, ce que l’on peut faire avec la veille. Il s’agit alors de diffuser sa veille à des groupes bien identifiés, par exemple les professeurs de discipline14. Quand le partage et la diffusion se généralisent et s’orientent vers des destinataires « tout public », on parle alors de curation de contenu. La stratégie de communication n’est plus la même.
En effet, certaines activités dans la veille informationnelle se retrouvent dans la curation de contenu et avec des spécifiés qui leur sont propres. Les deux activités ne se situent pas sur la même échelle de temps, la veille étant plus en amont et la curation plus en aval. Le veilleur s’attachera à être plus exhaustif dans son travail en cherchant de nouvelles sources d’information et en surveillant de nouveaux usages, espérant aussi déceler des signaux qui pourront voir émerger de futures tendances (ce qu’on appelle des signaux faibles). Le curateur, à l’inverse, fera preuve de plus de sélectivité, l’important étant bien sûr d’avoir des sources fiables sans le souci de tout parcourir, il pourra ainsi se limiter à quelques sites ou plateformes.

La curation de contenu, Partager et diffuser ses informations

La curation de contenu peut être l’étape suivante d’un processus de veille ou exister par elle-même si les objectifs initiaux sont différents. Mais attachons-nous tout d’abord à détailler l’étymologie et l’historique du terme. Il vient du latin curare et signifie « celui qui prend soin ». Le curateur, de l’anglais curator, est le commissaire d’exposition qui agence et sélectionne les œuvres d’art dans un musée. Mais c’est outre-Atlantique et dans le domaine du marketing, à partir de 2006, que ce mot prend son essor : d’abord par la création d’une revue15 et, en 2008, par l’introduction du terme de Digital Curators par Steve Rubel. En 2009, Steve Rosenbaum16 décrit la curation comme une solution à la surabondance informationnelle ; ensuite, dans un article17 de la revue américaine de référence Wired, Chris Anderson et Michael Wolff analysent les changements que nous connaissons aujourd’hui (ce que l’on nomme le Web 2.0) et montrent que, comme dans une dynamique schumpétérienne par un processus de destruction créatrice, le Web se renouvellera sans cesse. Les outils d’aujourd’hui ne seront sûrement pas ceux de demain. La curation aux États-Unis se développe surtout dans le monde de l’entreprise.
En 2011, Rohit Bhargava, spécialiste de social marketing, décrit méthodologiquement la curation de contenu en cinq étapes18 : d’abord trouver les informations les plus pertinentes sur un thème ou sujet et les agréger dans un seul endroit. À partir de ce recueil, il faut ne garder que la « crème de la crème » pour la partager. Ensuite, troisième étape, vous devez identifier les tendances à partir d’un agrégat de données partielles ; on retrouve là l’idée des signaux faibles. L’avant-dernière étape consiste à faire émerger un contenu à partir de la juxtaposition de plusieurs points de vue pour enfin avoir un historique sur l’évolution d’un sujet qui permet d’en comprendre les tenants et les aboutissants.

Sélectionner, éditer et partager

De nombreux auteurs définissent la curation par rapport à leur activité. Si on se réfère à Wikipédia, la curation est une pratique qui consiste à sélectionner, éditer et partager les contenus les plus pertinents du Web, répondant à une requête ou à un sujet donné. La curation est plus spécifique, axée sur une thématique circonscrite. Le partage et la diffusion font partie de son ADN. À la différence de la veille informationnelle qui peut être plus personnelle ou restreinte à une petite communauté, la curation s’adresse à tous ceux qui suivent le site, intéressés par le thème choisi par le curateur. La curation est plus subjective et sa diffusion n’est pas limitée (il suffit de connaître l’adresse Web et certains d’entre eux ont une audience importante). La veille est plus objective, elle ratisse large parmi les sources qu’elle surveille mais se limite dans la diffusion de ses recherches. Par exemple, dans le monde de l’entreprise, la veille sera diffusée en interne ou à quelques départements (marketing et/ou recherche notamment) ou responsables, donnant ainsi des informations sur la concurrence. À l’inverse, la curation pourra constituer un axe de la politique de communication de la même entreprise pour promouvoir ses découvertes ou ses nouveaux produits. Il faut bien préciser que le curateur n’est pas un journaliste, même s’il peut commenter ou annoter certains billets. Le curateur, comme le commissaire d’exposition, agence ce qu’il va « exposer » au public, mettant les informations qu’il juge importantes au premier plan, d’où le rôle primordial de la subjectivité.

Filtrer et éditorialiser

Pour Véronique Mesguich, la curation19 « est donc bel et bien de mettre en place des filtres humains capables d’ordonner, de hiérarchiser et d’éditorialiser des contenus ». Et elle ajoute dans une publication : « Le problème de l’accès à l’information n’est pas l’infobésité, mais l’échec du filtre (Filter Failure). D’où la nécessité de mettre en place des filtres humains destinés à qualifier, ordonner et hiérarchiser les contenus en ligne20 ». De plus, comme le souligne aussi Jérôme Deiss : « Il est possible de voir dans la curation la conjonction de la recherche et du partage, dont l’enjeu principal est d’injecter à nouveau la subjectivité de l’individu au cœur du Web21 ». La veille et la curation seraient deux grands ensembles avec une partie commune.
Nous sommes, comme le définit Camille Alloing22, dans un processus de « redocumentarisation par prescriptions », c’est-à-dire que la curation consiste à « redocumentariser un document numérique concernant un produit ou un service d’une organisation, puis de prescrire (explicitement ou non) ce document à une communauté d’internautes ». La phase de publication sur le Web apparaît comme essentielle dans le travail du curateur, c’est d’ailleurs pourquoi, depuis quelques années, nous avons assisté à une montée en puissance des plateformes de curation. Dans le lot, nous pouvons en retenir trois. La première, Scoop.it, peut-être la plus utilisée, se configure de façon manuelle. Après avoir ouvert un compte, on rentre la sélection des sites à suivre et, en fonction d’une périodicité à définir, la plateforme publie son journal. La deuxième, qui a fait une apparition remarquée, Paper.li, ressemble à la précédente sauf que la publication est automatique. Enfin, Storify.com s’appuie uniquement sur des informations provenant des réseaux sociaux, de plus en plus influents dans notre société numérique. De nombreux autres outils et plateformes pourraient être présentés, mais ce qui paraît important c’est moins l’outil que les objectifs informationnels.
C’est pourquoi l’attention que les professionnels de l’information porteront dans la confection de leur plateforme de curation fera la différence avec ceux qui se contentent de republier les mêmes informations. L’ajout de données supplémentaires comme des mots-clés, un résumé, un lien complémentaire, enrichit le site et lui donne une réelle plus-value. La curation ne peut se concevoir, étant donné qu’elle partage des informations primaires, que comme une valorisation des auteurs de contenus. Reproduire ou dupliquer à l’identique serait contraire à l’éthique du bon curateur. Jérôme Deiss23 le souligne : « sans les producteurs de contenu, la curation et donc le curateur n’existent pas ». Ce qui pose évidemment de nombreuses questions juridiques, comme celle du droit d’auteur. Et prouve à nouveau que la veille et la curation sont complémentaires.

Construction d’un EPI

Ces deux activités conduisent les professeurs documentalistes à réfléchir et créer leur Environnement Personnel d’Information, et ainsi aider les collègues et leurs élèves à le faire pour eux-mêmes. Il existe de nombreux acronymes. Un des premiers fut le SIP ou Système d’Information Personnel, il désigne : « l’ensemble de ces démarches et moyens mis en place individuellement pour rechercher, traiter de l’information, en produire et l’échanger. Il est totalement adapté à l’activité ou à l’action à mener !…24». L’EPI se définit comme un « système construit, pensé, individuellement, notamment en termes d’évolutions potentielles, bien au-delà d’une boîte à outils25 ». Dans ce domaine, les Anglo-Saxons sont en avance et le terme le plus couramment rencontré est le PLE pour Personal Learning Environment26. Il se rapproche plus de l’EPA en intégrant le volet formation. L’EPI se structure autour d’un acteur (l’élève ou le professeur) et d’un processus construit à l’aide d’outils et d’interactions sociales et de ressources.
Les professeurs documentalistes peuvent conseiller les élèves dans cette phase de formalisation d’un EPI dans différents domaines ; les lycéens sont par exemple souvent désarmés en matière d’orientation27. La construction d’un EPI sur la poursuite d’études peut se révéler très enrichissante pour eux. Ils peuvent l’alimenter avec des formations post-bac et se poser ainsi de nombreuses questions. Quelles sont mes notes ? Que puis-je envisager de faire ? Un entretien avec le/la conseiller-ère d’orientation est un préalable, cela fait partie des interactions sociales ; de même que le professeur principal de la classe fait part de ses conseils dans la matière. Ensuite, l’élève clarifie ses idées avec un logiciel de remue-méninges (ou Mind Mapping, ou carte heuristique). Il identifie et sélectionne des sources d’information qui vont lui permettre d’approfondir son projet professionnel et sa culture du monde des entreprises. La veille informationnelle peut être mise en place, elle permet à l’élève de s’enrichir d’informations dans de nombreux domaines qui l’aideront à prendre conscience de son projet. C’est un processus progressif, qui est réfléchi, fait d’une multitude de « briques ». Il peut aussi vouloir partager ses recherches et un outil de curation pourra compléter la démarche entreprise, mais ce n’est pas forcément nécessaire dans ce cas précis.
Peu d’élèves réfléchissent de manière globale, ils ont du mal à faire des liens entre les domaines, se contentant de recevoir les informations l’une après l’autre. L’EPI, construit en partie avec la veille et la curation (mais pas uniquement), est un ensemble global, une construction permanente qui synthétise les intérêts, les intentions et les objectifs de l’auteur. Il est structuré, organisé et n’existe pas uniquement dans le monde virtuel, mais est aussi fait d’interactions sociales. Essayer de le construire, c’est déjà se poser des questions et prendre conscience de sa place dans le système (ici scolaire).

L’EPA ou l’apprentissage tout au long de la vie

L’EPI constitue le premier pas. L’étape suivante peut être la création de l’EPA. On entre là dans un processus de réflexion et de développement tout au long de ses études (pour l’élève) ou de la vie (pour le citoyen). Un EPI « devient un EPA dès lors que des objectifs d’apprentissage et donc des stratégies d’apprentissage sont structurants : vouloir apprendre28 ». Des éléments s’ajoutent aux premières « briques » comme les cours en ligne (MOOC29), les manuels numériques, des ressources documentaires…
Il demande toutefois une certaine maturité. C’est pourquoi, il est plus destiné aux étudiants qu’aux élèves du secondaire. Les professeurs de l’enseignement supérieur peuvent responsabiliser et accompagner leurs étudiants dans la création de leur EPA en soutien à l’apprentissage. La mise en place d’un EPI peut être une première sensibilisation, et un premier pas vers plus d’autonomie, une utilisation plus pédagogique de la technologie. L’élève ainsi ne subit pas son enseignement mais le personnalise. Il peut aussi, avec des sites généralistes, acquérir une culture générale. Bruno Devauchelle le souligne dans un double volume de la revue Médiadoc30 consacré à ce sujet : « La relation directe et sans médiation aux ressources est désormais un problème de plus en plus important pour ceux qui apprennent. De plus, la capacité à s’autoriser et à s’autonomiser par rapport aux ressources est un des facteurs clés de la réussite tout au long de la vie ». L’EPA permettrait aux élèves, dans une démarche dynamique, de s’appuyer sur des sources fiables et variées pour continuer à acquérir des connaissances et se former pendant leurs études et après.

Les deux domaines sont vraiment au centre des préoccupations des professeurs documentalistes. La veille informationnelle a toujours fait partie du cœur de métier, de leurs actions au sein des CDI, mais la révolution numérique oblige les professionnels de l’information à renouveler leurs méthodes, et à réinterroger leurs pratiques. La veille informationnelle peut gérer cette surabondance d’informations et ne pas trop se disperser, rester focalisée sur ses thématiques et s’enrichir d’informations et de connaissances par la curation.
Néanmoins, ces activités de veille et de curation doivent être comprises et maîtrisées. Elles participent à la construction de l’identité numérique, relevant les goûts, les intérêts et la subjectivité mais aussi la responsabilité professionnelle. Qui mieux que les professeurs documentalistes peuvent comprendre les tenants et les aboutissants de l’économie numérique et ainsi ne pas surajouter à un monde déjà au bord de l’overdose d’informations superflues ? Être vigilant, capable de maîtriser les outils mais surtout être soucieux de diffuser une bonne information, choisie, pertinente, enrichissante. Ce qui pose aussi une autre question importante : celle de la validité des sources31. Les professeurs documentalistes ont une place majeure dans l’éducation : ils doivent porter la bonne parole dans les nouveaux usages et les nouvelles pratiques informationnelles, savoir déjouer les pièges de ceux qui souhaitent capter leur attention (et leur argent) pour se concentrer sur l’essentiel : apprendre, comprendre, développer son libre arbitre, en quelques mots devenir un citoyen responsable et informé. Une profession qui sait s’interroger et se renouveler pour s’adapter au monde de demain !