Colette

Ressources, partenaires, projets

Colette l’écrivaine. Colette la star des nuits parisiennes. Colette la femme entravée, la femme libérée. Colette la Bourguignonne…
Originaire de Saint-Sauveur-en-Puisaye, dans l’Yonne, Colette n’a jamais perdu son accent, son attachement pour sa terre natale, qu’elle a si souvent et si brillamment évoqué dans son œuvre. En cette année 2023, où l’on fête les 150 ans de sa naissance, les hommages sont nombreux dans la région, mais également sur tout le territoire, tant Colette a marqué, et marque encore, la vie culturelle française.
De ses origines bourguignonnes, Colette gardera toute sa vie un attachement viscéral à la nature, aux animaux, à la vie rurale. Nombre de ses romans décriront une campagne riche, fertile, propice à une vie en communion avec la nature. Car c’est une campagne rêvée que Colette nous décrit, avec sa plume si riche, si nuancée. Et si sensuelle… Car ce sont les sens que Colette va exalter tout au long de ses textes. Une sensualité liée à la nature, aux éléments, et au corps… Car Colette la Bourguignonne, qui ne peut vivre sans ses chats, est aussi Colette la Parisienne, qui dansa quasiment nue sur scène, et scandalisa le Tout-Paris par son audace.
Tout au long de sa vie, Colette émaillera ses récits de touches autobiographiques. Son affection pour sa mère, féministe et athée, son enfance, que l’on devine derrière le personnage de Claudine, ses amours, ses envies, ses chats…
En cette année de commémoration, expositions, animations et différentes parutions rendent hommage à l’artiste. À Besançon, Colette est partout, à la gare ou encore sur les tramways. À Saint-Sauveur en Puisaye, le musée et la maison Colette entretiennent son souvenir et son héritage artistique. À Granville, une exposition décortique son roman Le blé en herbe.
Une année de célébrations pour une écrivaine à la personnalité complexe, attachante, qui fit parfois scandale, et qui a laissé une empreinte indélébile dans la vie culturelle française.
Une femme qui ose, qui défie, qui affronte. Une artiste.

 

MUSÉES / EXPOSITIONS

Maison de Colette, Saint-Sauveur-en-Puisaye (Yonne)
Pour comprendre Colette, sa vie et son œuvre, la Maison de Colette, à Saint-Sauveur-en-Puisaye, est incontournable. C’est dans cette maison que va se construire durant son enfance tout ce qui fera de Colette ce qu’elle est. Son amour pour la nature, son goût pour la liberté, l’audace et la création artistique. De nombreuses expositions, conférences et animations sont à découvrir dans cette maison-musée, à l’ambiance agréable, au cœur d’une Bourgogne vallonnée. La Bourgogne fait partie intégrante de la vie de Colette. On peut la sentir, la respirer à travers son œuvre. Une étape dans sa maison natale est donc indispensable. Le lieu abrite les archives Colette, gérées par le Centre d’Études Colette.
www.maisondecolette.fr

 

Musée Colette, Saint-Sauveur-en-Puisaye (Yonne).
Non loin de la maison natale de Colette, le musée propose une découverte de la vie et de l’œuvre de l’autrice grâce à une série d’installations artistiques permettant une approche sensorielle. Il est également possible d’y découvrir une partie des meubles de l’appartement parisien de Colette, au Palais-Royal. Des expositions autour de Colette y sont régulièrement organisées, elles sont réalisées par le Centre d’études Colette.
http://www.musee-colette.com/
En 2023, exposition Devenir Colette, Centre d’Etudes Colette, Département de l’Yonne :
https://www.facebook.com/museecolette89?locale=fr_FR

Maison de Colette, Besançon (Doubs)
De 1900 à 1905, Colette passa plusieurs séjours à Besançon, dans une charmante maison située dans le quartier des Montboucons. Cette bâtisse fut acquise par son mari Willy, avec les revenus générés par la série des Claudine. Colette y appréciait tout particulièrement le verger entourant la maison. Celle-ci n’est ouverte qu’à certaines occasions. Un projet de Maison des écrivains est actuellement en cours de réflexion. La maison est restée « dans son jus », et c’est un véritable voyage dans le temps qui attend le visiteur lorsqu’il pousse les portes de la maison de l’artiste. Un endroit « à fort potentiel », dont il faudra suivre les évolutions futures.

Non loin de la gare Viotte (Besançon), c’est un grand visage de Colette qui accueille le visiteur à la descente du train. Réalisée en résine blanche, haute de près de quatre mètres, l’oeuvre ne laisse pas le passant indifférent. Elle est signée Nathalie Talec, cheffe d’atelier aux Beaux-Arts de Paris. L’artiste a collaboré plusieurs fois avec le FRAC de Franche-Comté et le musée des Beaux-Arts de Besançon.

Musée d’Art Moderne Richard Anacréon, Granville (Manche). Exposition Colette, le blé en herbe (2023). Cette exposition plonge le visiteur dans le roman Le blé en herbe, en mettant en lumière le scandale lié à sa parution, les liens avec Chéri et l’adaptation cinématographique de Claude Autant-Lara en 1953.
www.ville-granville.fr/a-voir-a-faire-a-granville/vie-culturelle-et-artistique/musee-dart-moderne-richard-anacreon/

DANS LES PROGRAMMES

Lycée

Français, première générale et techno­logique
Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle : Colette, Sido suivi de Les Vrilles de la vigne / parcours : la célébration du monde.
Bulletin Officiel n° 5, du 4 février 2021.
www.education.gouv.fr/bo/21/Hebdo5/MENE2036974N.htm

HLP, première générale
Les représentations du monde : l’homme et l’animal ; « La relation à l’animal constitue un révélateur de la place que l’homme s’attribue dans la nature et dans le monde, avec de fortes implications philosophiques, éthiques et pratiques. »
Bulletin Officiel spécial n° 8 du 25 juillet 2019.

Histoire, première
Thème 3 : La Troisième République avant 1914 : un régime politique, un empire colonial – Chapitre 2. Permanences et mutations de la société française jusqu’en 1914. L’évolution de la place des femmes.
Bulletin officiel spécial n° 1 du 22 janvier 2019

Collège

Français, Culture littéraire et artistique, cycle 3
Vivre des aventures : un roman d’aventures […] dont le personnage principal est un enfant ou un animal.
BOEN n°31 du 30 juillet 2020 et le BOEN n°25 du 22 juin 2023
https://eduscol.education.fr/document/50990/download

Histoire, cycle 4, classe de 4e
Thème 3 : Société, culture et politique dans la France du XIXe siècle.
« Conditions féminines dans une société en mutation »
Bulletin officiel spécial n° 11 du 26 novembre 2015

Histoire-Géographie, cycle 4, classe de 3e
Thème 3 : Français et Françaises dans une République repensée.
« Dans la seconde moitié du XXe siècle, la société française connaît des transformations décisives : place des femmes »
Bulletin officiel spécial n° 11 du 26 novembre 2015

PISTES PÉDAGOGIQUES

Donner le goût de lire : en classe de 6e, les Dialogues de bêtes sont toujours très appréciés par les élèves. Ils pourront, par exemple, être étudiés parallèlement à une série de lectures autour des animaux : Les fables de La Fontaine ou Contes du chat perché de Marcel Aymé, par exemple.

Colette sera bien entendu un élément incontournable d’une recherche documentaire sur le féminisme et son évolution historique. Son rôle dans la vie culturelle parisienne pourra également être abordé dans l’histoire du début du XXe siècle, en particulier celle de l’entre-deux-guerres.

Une approche interdisciplinaire peut relier entre eux les thèmes de l’écriture de Colette, de son attachement pour les animaux, et son amour de la nature. Un travail reliant lettres, SVT ou encore arts plastiques pourra mettre en lumière les différents aspects de la vie et de l’œuvre de Colette. La Maison de Colette sera à ce titre un support très intéressant.

Parcours culturel sur les pas de Colette : la découverte de la Maison de Colette pourra également s’élargir à d’autres sites du département de l’Yonne, comme la vieille Ville d’Auxerre, le château de Guédelon ou le Conservatoire des Arts de la forge.

Le site Gallica permettra des recherches documentaires iconographiques, afin de mettre en lumière, par exemple, la grande diversité des créations artistiques de Colette. Cette multiplicité d’activité pourra être mise en forme à l’aide de de cartes mentales ou de nuages de mots.

Un travail d’analyse d’image autour des affiches des adaptations filmiques des œuvres de Colette est également envisageable.

 

ARTICLES

Colette, tout feu, tout femme ! Lire, le magazine littéraire, Les classiques, hors-série, T.12, février 2023.
Le magazine retrace ici la vie de Colette selon trois axes : « Portrait d’une féministe tout-à-tout », « Sido, la mère partie » et « Une icône sans tabou ».

Colette. Le tourbillon de la vie. Le Monde, hors-série : une vie, une œuvre, n° 55, janvier 2023.
Ce numéro hors-série du Monde propose une sélection d’écrits de Colette, dont quelques lettres inédites, ainsi que des témoignages et des textes d’auteurs contemporains. Il met en particulier l’accent sur la profondeur de l’œuvre de Colette, alors qu’elle fut longtemps considérée comme une romancière aux textes légers et quelque peu frivoles.

Panique, Delphine. Pas si sage… Topo n° 004, 03/2017, p.104-113.
Un numéro qui évoque le premier roman de Colette et ses débuts d’autrice.

Daveau, Hélène. Gabrielle Colette : le jour où elle s’est fait couper les cheveux. Je Bouquine n° 467, 01/2023, p.18-22.
Dans les années 1920, la coupe à la garçonne a fait fureur. Se couper les cheveux était alors vécu comme une libération pour les femmes. Colette illustre ici cet épisode bien moins anecdotique qu’il n’y paraît.

FILMOGRAPHIE

De nombreux films et pièces de théâtre filmées autour de Colette et de son œuvre ont été réalisés, la société des amis de Colette en offre un recensement : https://www.amisdecolette.fr/ressources/filmographie/

FICTIONS

Poitou-Weber, Gérard. Colette, l’immobile vagabonde. 1985 (version DVD : Doriane films, 2004).
Feuilleton en quatre parties avec Clémentine Amouroux (Colette jeune), Macha Meryl (Colette âgée). 350 minutes.

Trintignant, Nadine. Colette, femme libre. Gaumont Columbia Tristar Home Vidéo, 2004.
Feuilleton en deux parties « librement inspiré de la vie de Madame Colette ».
Première partie : La femme trahie, 100 minutes.
Seconde partie : La femme vengée, 100 minutes.
Westmoreland, Wash. Colette. Studio Canal, 2019. 1 h 52 mn.
Biopic américano-britannique avec Keira Knightley (dans le rôle de Colette), Dominic West (dans celui de Willy) et Denise Gough (dans celui de Missy).

DOCUMENTAIRES

Bellon, Yannick. Colette. Les Films Jacqueline Jacoupy, 1952. Court-métrage : 29 mn.
Avec Colette, Maurice Goudeket, Pauline Tissandier et Jean Cocteau. Scénario de Colette.
Assise dans son appartement du Palais-Royal, Colette revit ses souvenirs. Fascinant.

Denjean, Cécile. Colette l’insoumise. Arte, 2017. 54 mn.
Grâce à de nombreuses ressources iconographiques, la réalisatrice brosse le portrait d’une Colette complexe, libre, parfois exubérante, et toujours tellement attachante.
https://www.arte.tv/fr/videos/079398-000-A/colette-l-insoumise

RADIO

Garrigou-Lagrange, Mathieu. Colette, affirmer sa liberté. France Culture : émission La Compagnie des œuvres, 2017, 4 épisodes d’environ 58 mn. 1 : Je veux faire ce que je veux ; 2 : Il faut voir et non inventer ; 3 : Romancière mais moraliste ; 4 : La jouissance féminine. Quatre grands axes sont ici proposés : la vie libre de Colette, sa volonté de naturalisme, une romancière au jugement parfois sévère et la jouissance féminine.
www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-colette

Kristeva, Julia. De l’écriture au féminin : Colette selon Julia Kristeva. France Culture. 2003, 5 épisodes d’environ 29 mn. 1 : Colette est un écrivain de goût dont on attend qu’elle éveille le goût de ceux qui n’osent pas avoir de goût ; 2 : Les Vrilles de la vigne signent l’entrée de Colette dans le Panthéon des Lettres françaises ; 3 : Colette ou la chair du monde ; 4 : L’Enfant et les sortilèges, une méditation psychanalytique de Colette sur la relation mère-enfant ; 5 : Le couple, la guerre et le féminisme selon Colette. Dans cette série, Julia Kristeva analyse ici la vie et l’œuvre de Colette sous différents angles : la relation mère-enfant, le féminisme, son rapport au couple, à l’amour, à l’écriture…
www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-de-l-ecriture-au-feminin-colette-selon-julia-kristeva

Compagnon, Antoine. Un été avec Colette. France Inter, 2021, chaque épisode dure 4 minutes.
Sous la forme d’un « feuilleton » régulier d’Antoine Compagnon, c’est un voyage au coeur de la vie et de l’œuvre de Colette qui est ici présenté. Si les thèmes « classiques » sont abordés, telles sa sexualité ou sa vie dans le music-hall, d’autres aspects moins connus sont développés. Une émission s’attarde sur son père Jules, dont on parle rarement, et une autre sur les liens de Colette avec la musique.
www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/un-ete-avec-colette

RESSOURCES EN LIGNE 

La Société des amis de Colette (site incontournable) propose de découvrir l’œuvre de Colette dans le cadre d’une préparation au bac. Sido et Les vrilles de la vigne figurent au programme de français de série générale et technologique, dans un parcours « La célébration du monde ». Une sélection de photographies anciennes, des vidéos, une bibliographie permettent une approche historique et littéraire.
www.amisdecolette.fr/colette-au-bac/

https://www.amisdecolette.fr/

 

Febvre, Cécile ; Zemmour, David. Conférence sur Sido et Les vrilles de la vigne (en ligne). Académie d’aix-Marseille. 2023, 47 mn.
www.pedagogie.ac-aix-marseille.fr/jcms/c_11104940/fr/3-conferences-sur-les-nouvelles-oeuvres-au-programme-en-premiere-roman

Gallica propose un choix de documents variés : photographies, articles de magazines des années 1910 et 1920, ainsi que le catalogue de l’exposition proposée par la BnF en 1973.
www. gallica.bnf.fr/conseils/content/colette

 

Colette – Domaine public via Wikimedia Commons

 

 

La maison de Claudine ouvre ses portes

Jean-Marc David : Frédéric Maget, vous êtes président de la Société des amis de Colette, pouvez-vous nous éclairer sur la vocation de cette association ?

Frédéric Maget : La Société des amis de Colette a été créée en 1956, soit deux ans après la mort de Colette, à l’initiative de plusieurs habitants de Saint-Sauveur-en- Puisaye, le village natal de l’auteure. As­sez rapidement l’association a pris une dimension nationale et même internatio­nale avec le soutien d’institutions, notam­ment l’Académie Goncourt et l’Académie royale belge, ainsi que celui de personna­lités importantes du monde des lettres. Elle a été reconnue d’utilité publique en 1991 ; ses objectifs n’ont pas changé depuis près de soixante ans : perpétuer la mémoire de Colette, promouvoir son oeuvre, rassem­bler les objets et les documents permet­tant de mieux la connaître (l’association est en mesure d’accepter les legs) et en­courager la recherche. Ses activités ont cependant évolué avec le temps : depuis 1977, nous publions les Cahiers Colette qui rassemblent des textes inédits, des témoi­gnages ainsi que des études, nous organi­sons régulièrement des week-ends sur les pas de Colette, des activités culturelles ou encore des colloques ; le prochain, consa­cré à « Colette et la Grande Guerre », aura lieu en 2017 à Verdun. Depuis 2014, l’asso­ciation bénéficie d’un nouveau site inter­net (www.amisdecolette.fr) qui propose de nombreuses ressources pour découvrir ou approfondir sa connaissance de la vie et de l’œuvre de cette artiste. Il existe également un Prix de la Société des amis de Colette qui récompense des travaux de recherche ou d’érudition.

À ce titre, vous avez pu acquérir la maison natale de Colette à Saint- Sauveur-en-Puisaye. Comment s’est déroulée cette acquisition ?

la maison de colette 1La Société des amis de Colette a été un des fers de lance de la mobilisation pour la sau­vegarde de la maison natale, mais c’est une autre association, créée spécifique­ment pour la gestion du lieu, l’association « La Maison de Colette », qui en est actuel­lement propriétaire. La Société des amis de Colette aura bien sûr son siège dans la maison et continuera à être une associa­tion littéraire et scientifique. Concernant l’acquisition de la maison, rien ne fut facile et ce, malgré l’importance patrimoniale du lieu qui, très vite, et à notre demande, a fait l’objet d’une inscription à l’inventaire des monuments historiques et a été reconnue par le label « Maison des illustres ». La crise, disait-on déjà, le manque d’intérêt des grands mécènes pour le patrimoine lit­téraire, le désengagement des collectivités qui craignent de nouvelles charges dans des budgets de plus en plus contraints… Beaucoup de raisons ont été avancées lorsque la mobilisation a débuté en 2009- 2010. Le tournant a été la soirée à bénéfices organisée au théâtre du Châtelet avec une distribution prestigieuse : Carole Bouquet, Guillaume Gallienne, Mathieu Amalric, Ju­liette, Leslie Caron, André Ferréol, Didier Sandre, Sabine Haudepin… « Colette en scène » a permis de faire connaître la mo­bilisation à un large public grâce à une im­portante couverture médiatique et ainsi de récolter des fonds. Le succès a également attiré l’attention du ministre de la Culture de l’époque, Frédéric Mitterrand, qui a im­médiatement apporté son soutien au projet et a entraîné dans son sillage la Région et le Département. C’est ainsi que nous avons pu, au mois de septembre 2011, acquérir la maison. Mais le plus dur restait à venir…

Quelle est la place de cette maison dans l’œuvre de Colette ?

la maison de colette 2Une place centrale. Je ne connais pas d’autre exemple en littérature d’un écri­vain qui a consacré autant de pages à sa maison natale. Colette est née et a grandi dans cette maison, elle y a passé les dix-huit premières années de sa vie. Une pé­riode essentielle de sa formation. À l’au­tomne 1891, la famille a dû brutalement quitter le village du fait de dettes et d’une mauvaise réputation. Ce départ a été pour la jeune femme un véritable traumatisme. Plus tard, devenue écrivaine, elle choisit de recréer sa maison et son village par l’écri­ture. La maison devient alors un thème récurrent de l’œuvre, à tel point qu’un de ses lecteurs, sensible à l’importance qu’elle avait pour Colette, a décidé en 1925 de la ra­cheter et de la redonner à Colette. « Je crois au merveilleux » lui avait-elle écrit. Parmi les œuvres majeures consacrées à la mai­son, il faut bien sûr citer La Maison de Claudine (1922), La Naissance du jour (1928) et Sido (1930) qui constitue une sorte de trip­tyque dédié au village natal et au person­nage de Sido, sa mère.

Dans quel état avez-vous trouvé la maison et quelles ont été les contraintes de cette restauration ?

L’état sanitaire de la maison était mauvais. Quand nous l’avons acquise, elle était inoc­cupée depuis une dizaine d’années et, dans un pays humide, cela peut aller très vite… Infiltrations d’eau et développement de mérule avaient détruit des planchers et de nombreuses boiseries. Fort heureusement, nous avons pu intervenir avant qu’il ne soit trop tard. Notre objectif de restauration était clair dès le début, c’est l’œuvre qui le justifiait : recréer la maison telle que Colette l’avait connue et décrite. Ce « et » pourrait être problématique si la confrontation des documents notariés, des quelques photo­graphies et gravures et la connaissance des lieux ne nous avaient confirmé la fidélité et la précision des souvenirs de Colette. Il a fallu ensuite trouver les entreprises qui possédaient encore le savoir-faire pour vé­ritablement retrouver l’atmosphère d’une maison de la fin du XIXe siècle.

Vous avez pris grand soin de redonner au jardin son éclat originel. Comment avez-vous procédé ?

la maison de colette 3Le travail de reconstitution, ou plutôt de re­création, des jardins, a été mené de façon exemplaire par Françoise Phiquepal, ar­chitecte-paysagiste ; il s’est agi de retrouver l’état originel des jardins dont le souvenir était conservé par quelques rares photo­graphies, des gravures, quelques minutes d’un film des années 50 et, bien sûr, par les textes de Colette. Nous avons d’abord pro­cédé à une relecture de toute l’oeuvre (une soixantaine de volumes…) à la recherche des descriptions des trois jardins : jardin d’en face, jardin-du-haut et jardin-du-bas. Cette lecture nous a permis de retrouver toutes les plantes, arbres et arbustes pré­sents et leurs emplacements respectifs. Ensuite, il a fallu se replonger dans l’his­toire de la botanique et retrouver, ce fut le travail de Mme Phiquepal, les modes et les techniques de plantation à cette époque, dans le contexte d’un jardin de ville. Ce fut notamment possible grâce au manuel qu’utilisait Sido au jardin et dont nous avons pu retrouver un exemplaire. Les quelques espèces qui étaient d’origine – notamment les célèbres glycines de la ter­rasse et de la rue des Vignes – ont pu être conservées, pour le reste nous avons re­pris l’ensemble des espaces, remodelé les allées et planté toutes les espèces avec le souci d’acquérir auprès de pépiniéristes spécialisés, notamment dans le cas des rosiers et des arbres fruitiers, les espèces anciennes décrites par Colette. Il en ressort un jardin tout à fait extraordinaire, à la fois jardin végétal et jardin de papier, puisque pour chaque plante nous avons un texte de Colette, description ou anecdote, cor­respondant.

Qu’y verra-t-on et comment se dérouleront les visites ?

Nous avons vraiment œuvré à créer une maison d’écrivain : non pas un musée, avec une démarche intellectuelle ou artistique à partir d’une collection, mais un lieu intime. Les visiteurs seront donc guidés à l’inté­rieur d’une maison bourgeoise de la fin du XIXe siècle, dépourvue de barrières ou de dispositifs muséographiques contempo­rains. Tout, y compris l’éclairage, a été étu­dié pour recréer l’atmosphère de cette mai­son telle qu’elle nous a été transmise par les textes, comme si les habitants venaient de s’absenter. Pour chaque lieu, dans chaque pièce, le guide qui accompagne la visite (les visites sont guidées uniquement) fera re­vivre les textes de Colette, attirera l’attention sur tel ou tel objet ou détail et rapportera les anecdotes ou les descriptions : une plongée dans le temps et dans l’œuvre. La maison de Colette se visite comme on tourne les pages d’un livre et, j’espère qu’en sortant les visi­teurs auront envie de la relire. C’est en tout cas notre objectif.

Quelles offres pédagogiques proposez-vous aux élèves ?

Mon parcours d’enseignant et la nature même du lieu, qui fut pour Colette un lieu de formation et d’inspiration, nous ont conduits à prêter une attention par­ticulière à l’accueil du jeune public et des élèves. Outre la visite guidée qui permet, à mon sens, un accès aux textes privilégié et en quelque sorte facilité, nous propose­rons divers ateliers pédagogiques autour de l’écriture, de la botanique et de l’initia­tion au goût (un autre domaine où Colette a excellé). Le village offre également de nom­breuses possibilités :

  • accueil dans une salle de classe de la IIIe République, là même où se déroule l’histoire de Claudine à l’école (1900),
  • sentier « sur les pas de Colette » dans le vil­lage avec un questionnaire et des activités,
  • sentier littéraire et botanique dans la cam­pagne environnante à la découverte des plantes et des paysages décrits par Colette,
  • visite du musée Colette.

L’Éducation nationale propose égale­ment une classe patrimoine qui permet des séjours prolongés à la découverte du village et de la région, avec, notamment, la proximité du chantier médiéval de Gué­delon et du château de Saint-Fargeau, des activités autour des arts de l’eau et de la terre (la Puisaye est une terre potière riche en carrière de grès et d’ocres). C’est donc une offre assez riche qui, je l’espère, don­nera envie aux enseignants de venir. Il est conseillé de réserver ou de nous contacter pour plus de renseignements (cf. encadré page de droite).

La Maison va également accueillir le Centre d’études Colette, à qui sera-t-il destiné ?

Les combles de la maison de Colette ac­cueilleront le fonds d’archives le plus im­portant au monde (non, non je n’exagère pas !) concernant Colette, grâce à la réunion des fonds gérés par le Centre d’études Co­lette et des legs qui ont été consentis par des collectionneurs privés soucieux que les photographies, les objets, les lettres et les manuscrits réunis par eux, parfois ac­quis tout au long d’une vie, puissent être conservés là où tout a commencé pour Co­lette. Étant donnée la richesse de ce fonds, nous avons décidé d’installer derrière la chambre de Colette, dans ce qui était la chambre de Mélie, la nourrice, un studio pour un chercheur ou un auteur en rési­dence permettant l’accès prolongé aux ar­chives dans le cadre de travaux universi­taires ou éditoriaux. Ces archives ne seront pas accessibles librement pour le public. Leur accès sera réservé à des personnes exprimant une demande motivée. Toute­fois, ce fonds sera régulièrement mis en va­leur par le biais d’expositions dans la mai­son et au musée.

Quelles sont les œuvres de Colette que l’on peut conseiller à des collégiens et à des lycéens ?

Le Blé en herbe et les Dialogues de bêtes sont le plus souvent étudiés en classe. Pour ma part, je privilégierais au collège La Mai­son de Claudine, Sido et Gigi et, au lycée, La Vagabonde (roman d’inspiration auto­biographique ayant pour cadre le monde du music-hall et abordant la question de la condition des femmes), La Fin de Chéri (une des sources d’inspiration d’Aragon pour Aurélien), La Naissance du jour (pre­mier exemple d’autofiction et dont la prose poétique est de toute beauté) et La Chatte (un roman court d’une grande force, qui ra­conte le lien indéfectible entre l’homme et l’animal). L’étude de l’œuvre se prête égale­ment à de nombreux groupement de textes, notamment à partir de la correspondance, des textes courts – très nombreux dans l’œuvre (nouvelles, portraits) – et des textes journalistiques de Colette (nombreux et va­riés du procès de Landru à la mode des ré­gimes…), tout particulièrement ceux écrits pendant la Première Guerre mondiale qui apportent un témoignage unique sur la vie à l’Arrière et l’évolution de la condition des femmes ; ces textes se trouvent épars dans Les Heures longues (1917), La Chambre éclai­rée (1921), et Une parisienne dans la Grande Guerre (posth., 2014). L’Enfant et les Sorti­lèges (1925) de Ravel, sur un livret de Co­lette, me semble également un formidable support pour un travail interdisciplinaire. Enfin, j’ajouterai que l’œuvre a fait l’objet de nombreuses adaptations cinématogra­phiques et télévisuelles.

Pour en savoir plus sur Colette, quels sont les livres que devraient acquérir les CDI ?

la maison de colette 4Les œuvres de Colette sont pour la plupart disponibles en collection de Poche et ont, pour certaines, fait l’objet d’éditions sco­laires. Je conseillerais en complément des textes connus l’achat de Colette journaliste (Seuil/Libretto) qui peut fournir aux élèves et aux enseignants une approche originale de l’oeuvre, et une anthologie que j’avais réalisée pour Gallimard intitulée Mère et Fille (coll. Folioplus classiques). La biogra­phie de référence est celle de Claude Pi­chois et d’Alain Brunet (éd. de Fallois/Livre de Poche), mais elle est d’un abord difficile par des élèves. Celle de Gérard Bonal (éd. Perrin) est plus accessible, mais son for­mat est assez peu adapté. Il faudra donc rediriger les élèves vers les biographies de Jean Chalon (Colette. L’éternelle apprentie) et de Geneviève Dormann (Amoureuse Co­lette), toutes deux disponibles en collection de Poche. La revue TDC avait sorti en 2004 un numéro spécial Colette. Le Monde a pu­blié en septembre 2015 un hors-série « Co­lette l’affranchie ». Le documentaire sur Colette qui avait débuté la série Un siècle d’écrivains n’est malheureusement tou­jours pas disponible en DVD, mais on peut visionner le Colette (1951) de Yannick Bellon (éd. Doriane films, 2014), un des rares do­cuments filmés sur l’écrivain, et aussi J’ap­partiens à un pays que j’ai quitté de Jacques Tréfouël et Gérard Bonal (éd. Films du lieu-dit, 2004) qui serait une bonne introduc­tion à une visite à Saint-Sauveur.

Vous associez la maison de Colette à plusieurs manifestations dans la ville de Saint-Sauveur-en-Puisaye, pouvez-vous nous les présenter ?

À terme, quatre festivals ponctueront l’an­née. Tous partent d’un aspect de la vie ou de l’œuvre de Colette et ouvrent sur la créa­tion contemporaine. Deux manifestations existent déjà : le festival international des écrits de femmes, qui a lieu chaque année le 2e week-end d’octobre, et qui est la seule manifestation européenne consacrée à la valorisation de la place des femmes par leurs écrits dans les grands mouvements de la littérature, des idées et de l’histoire et le festival de musique « Comme ça me chante ! », qui se tient la dernière semaine de juillet et qui est consacré à la mélodie française et aux compositeurs que Colette a bien connus et avec lesquels elle a travaillé (Debussy, Fauré, Hahn, Ravel, Poulenc…). Les deux prochains seront consacrés à la gastronomie, avec les « Journées du goût », qui proposeront des ateliers culinaires et littéraires, et au théâtre, avec « Corps en scène », consacré à l’utilisation du corps dans les arts du spectacle. Chaque festival propose des activités ou des journées ré­servées au jeune public ou au public sco­laire. La prochaine édition du festival des écrits de femmes sera consacrée aux « Fé­minismes ».

En quoi consiste, en 2016, la modernité de Colette ?

la maison de colette 5Je me méfie beaucoup du mot et de cette obsession de la modernité comme jus­tification à l’étude d’un auteur ou d’une œuvre… Toutefois, je dirais que la vie et l’œuvre de Colette ont annoncé, et parfois devancé, de nombreuses préoccupations contemporaines en ce qui concerne la li­berté, l’émancipation et l’indépendance des femmes, les questions de genre et les représentations du masculin et du féminin, la place des animaux et l’unité du vivant (« Il n’y a qu’une bête » affirmait-elle) et l’autofiction, dont elle fut, sans que le mot fût inventé, une des pionnières. Au-delà des sujets et même des intrigues de ses romans et de ses nouvelles, il y a la langue, le choix du mot, le travail difficile de l’écri­vain, le regard sans jugement qu’elle porte sur les êtres et tout un univers de sensa­tions que l’écriture ouvre intact au lecteur. Il y a d’abord un plaisir véritable à lire Co­lette. Sa vie, par l’exemple d’audace et de liberté qu’elle offre, comme son œuvre, par la variété et la richesse des thèmes qu’elle aborde, demeurent une source d’inspira­tion formidable.