Le festival international des cinémas d’Asie de Vesoul

Pourquoi un gros plan sur le Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul dans InterCDI ? Sans aucun doute pour la renommée nationale et internationale d’un festival qui découvrit de grands cinéastes bien avant qu’ils ne soient connus et reconnus mais également parce qu’il a été créé, il y a 32 ans, avec ferveur (et bénévolement) par deux collègues professeurs documentalistes, Martine et Jean-Marc Thérouanne. Ce dernier, ancien de la rédaction d’InterCDI, a bien voulu nous raconter la genèse de cette incroyable aventure.

À quand remonte ta cinéphilie et ton goût pour le cinéma asiatique ?

Le premier film asiatique que j’ai gardé en mémoire remonte à mon enfance. J’avais 12 ans en 1965. Mon père m’a emmené voir l’Île nue de Kaneto Shindo dans l’un des cinémas de Basse-Terre, en Guadeloupe. Ce cinéma était en bord de mer. J’entendais le ressac des vagues. Le film l’Île nue est un film minimaliste consacré à la dure vie de paysans japonais cultivant les terres arides d’une île au large d’Hiroshima. L’effet conjugué de la fiction et du réel a produit en moi des sensations mémorielles fortes.
Par la suite, adolescent, je me suis passionné pour les films de karaté avec la figure emblématique de Bruce Lee. Cela m’a conduit à pratiquer le karaté pendant 13 ans.
Devenu Parisien entre 1970 et 1983, j’ai fréquenté les cinémas d’art et essai du Quartier Latin, entre autres. Beaucoup ont disparu aujourd’hui. J’ai découvert le cinéma du réalisateur indien Satyajit Ray : Le Salon de musique, La Trilogie d’Apu. Le film Les Joueurs d’échecs m’a particulièrement marqué par son absence de jugement sur la colonisation des Indes par les Anglais. Le film fleuve A Touch of Zen (3 h 20) de King Hu, m’a impressionné par la magnificence des décors et le jeu des acteurs. Film de sabre, il plonge le spectateur dans l’univers de la Chine médiévale. Les costumes sont magnifiques et les scènes d’action parfaitement chorégraphiées.

Avais-tu voyagé en Asie avant la création du festival ?

J’ai découvert l’Asie en commençant par l’Asie Mineure et la Turquie. Je m’y suis rendu en auto-stop depuis Paris en juillet 1979. Ce fut un choc culturel. En 1982, je me suis rendu, en avion, à Singapour. J’ai remonté en bus locaux toute la péninsule de la Malaisie (Malacca, Kuala Lumpur, l’île de Penang). J’ai franchi la frontière thaïlandaise et me suis rendu sur l’île de Koh Samui, dans le golf du Siam. Là, sur la plage du village de pêcheurs de Lamaï Beach, j’ai rencontré, le 23 août 1982, la femme de ma vie, la vésulienne Martine Bauquerey, que j’ai épousée un an plus tard. Elle avait la passion de l’Asie chevillée au corps. Elle s’y rendait, sac au dos, chaque année depuis près de quinze ans. Depuis 2001, nous nous y rendons régulièrement. L’Asie c’est tout notre vie, c’est notre histoire inscrite au plus profond de notre destinée.
Cette rencontre a bouleversé ma vie de fond en comble. J’ai quitté Paris pour elle et j’ai changé deux fois de métier. J’étais clerc d’huissier de justice, à la suite de mes études en licence de droit à Paris X – Nanterre. Devenu Vésulien, j’ai changé d’orientation, j’ai repris des études. Ayant réussi un concours, je suis devenu secrétaire administratif à l’office national des combattants et victimes de guerre. Puis, j’ai repris, à nouveau, des études d’histoire. Après l’obtention de ma licence, j’ai entrepris une maîtrise dont le sujet était Les réfractaires au STO (Service du travail obligatoire) pendant la Seconde Guerre mondiale en Haute-Saône.
Une fois la maîtrise d’histoire obtenue avec la mention très bien et les félicitations du jury, j’ai préparé le concours du CAPES de professeur documentaliste. Je l’ai obtenu en 1992. Je l’avais préparé en lisant « l’excellente » revue InterCDI et avec le CNED (Centre national d’enseignement à distance). Une fois le CAPES de documentation obtenu, j’ai commencé à collaborer à InterCDI en envoyant des articles. Marie-Noëlle Michaux, alors secrétaire de la revue, m’a convié aux rendez-vous du comité de rédaction, puis je suis entré au conseil d’administration. J’y suis resté jusqu’après mon départ en retraite, en 2018.

Qu’est-ce qui te plaisait dans le métier de professeur documentaliste ?

Ce qui m’a attiré dans ce métier, c’est de vivre pour la culture et sa transmission. Un enseignant documentaliste a un rapport individualisé avec les élèves. Un professeur de discipline a un rapport collectif à heure fixe avec eux.
Les élèves fréquentent le CDI sur la base de l’envie de s’y rendre. Toute la pédagogie du professeur documentaliste consiste à susciter leur désir d’y aller pour se cultiver.
Il incite aussi les élèves à découvrir les lieux culturels de leur ville. Il est l’organisateur de sorties culturelles, de temps forts comme la Semaine de la Presse ou le Temps des Livres. Il fait venir des écrivains, des conteurs, des cinéastes, des comédiens au CDI. Il enseigne sans le dire la curiosité intellectuelle, c’est un passeur culturel. C’est tout cela qui me plaisait dans ce métier.

Comment est venue l’idéede créer un festival ?

Depuis l’adolescence, Martine avait un engagement culturel au sein de l’Association Haut-Saônoise pour la culture qui s’occupait de faire connaître le cinéma d’auteur. En 1989, elle a fait partie des cofondateurs de l’association du Cinéclub des Cinéphiles Vésuliens, d’abord comme secrétaire générale, puis comme présidente.
1995 était l’année du centenaire du cinéma. Or les frères Louis et Auguste Lumière sont natifs de Besançon en Franche-Comté. Leur père, Antoine Lumière, pionnier de la photographie, est né à Ormoy en Haute-Saône, village proche de Vesoul la Franc-comtoise. Nous nous sentions naturellement concernés par la célébration de ce centenaire.
Les membres du bureau se sont réunis pour chercher à marquer l’événement. Quelqu’un a proposé : « Et si on créait un festival ? ». C’est là que l’histoire personnelle de Martine avec l’Asie est intervenue, elle a proposé : « un festival de cinéma asiatique ».
Comme nous étions des routards, qui avions parcouru sac au dos toute l’Asie géographique du Proche à l’Extrême-
Orient, nous l’avons conçu comme un festival des Cinémas d’Asie. Des films venant de toute l’Asie et pas seulement de l’Extrême-Orient.

Comment est financé le festival ?

Au commencement, les soutiens financiers étaient bien modestes. J’avoue qu’au tout début les différents interlocuteurs que j’ai rencontrés me prenaient pour un doux dingue : « Comment, un festival de films asiatiques à Vesoul, alors qu’il n’y a pas de communauté asiatique à part quelques restaurants chinois et des kebabs turcs ! ». Eh bien justement, ça a marché, en raison du décalage qu’il y avait dans l’esprit des gens entre les cinémas d’Asie et l’idée qu’ils se faisaient de Vesoul.
Ce décalage, nous nous en sommes servis comme d’un outil de communication. J’ai toujours été en révolte contre les idées préconçues. Je ne vois pas pourquoi beaucoup pensent que l’on est plus intelligent quand on habite une grande ville, plutôt qu’une petite. Martine et moi avons dû lutter bec et ongles contre ce préjugé.
En raison d’un budget modeste, il a fallu se servir à bon escient de l’argent, l’employer au bon endroit et éviter le gaspillage. Il a fallu convaincre, convaincre encore, convaincre toujours, pour le faire augmenter à la faveur du succès et de la ferveur, pas à pas, marche après marche.
Les soutiens financiers sont toujours modestes au vu de l’ampleur des budgets des festivals de cinéma auxquels nous sommes arrivés.
33 000 spectateurs lors du 31e FICA Vesoul en 2025.
En bientôt 32 ans nous avons présenté 2 400 films, invité 1 000 cinéastes, décerné 300 prix et attirés 800 000 spectateurs.
Le financement est assuré pour partie par la Communauté d’Agglomération, le Conseil départemental de la Haute-Saône et le Conseil Régional de Bourgogne Franche-Comté.
Il est soutenu au national par le Centre National du Cinéma et de l’image animée (CNC), établissement public administratif placé sous la tutelle du ministre chargé de la culture. Le FICA Vesoul est suivi par la Direction des Affaires Européennes et Internationales (DAEI) du CNC, en raison de sa spécificité. Il est considéré pour cette raison comme un festival socle au même titre que le festival du film d’animation d’Annecy (spécificité animation), le festival latino-américain de Toulouse (spécificité Espagne-Amérique Latine) et le Festival des 3 Continents de Nantes (spécificité Afrique, Asie, Amérique latine et des minorités hispaniques et afro-américaines des USA).
Il y a également les aides en nature des médias contribuant à la notoriété du festival. Le FICA Vesoul est un événement France Inter depuis 10 ans (2014-2025) après avoir eu le soutien de Canal+, Arte, Tv5monde, successivement entre 1998 et 2013.
Les partenaires médias régionaux (L’Est Républicain, La Presse de Vesoul, ICI Télévision-Radio-Digitale ex France3 et France Bleu), les web-magazines de cinéma (Ecrannoir.fr, Cinealliance.fr, Asianmoviepulse.com), et le grand mensuel de cinéma Positif sont d’une grande fidélité.
Enfin et surtout, le FICA Vesoul peut s’appuyer sur son public nombreux qui paye sa place, ce qui représente plus de 30 % du budget. La fidélisation du public est un enjeu majeur pour sa survie.
Martine et moi l’organisons depuis 32 ans sans avoir de salaire. Nous ne nous considérons pas comme des bénévoles mais comme des professionnels non rému­nérés. En cela, le FICA est un O.C.N.I, un Objet Cinématographique Non Identifié.

Comment se prépare le festival ? Qui sélectionne les films ?

Le festival se prépare d’une année sur l’autre. Chaque édition comprend une sélection officielle de 90 à 100 films, venus du Proche à l’Extrême-Orient, ainsi que quelques films de réalisateurs occidentaux s’intéressant à l’Asie (le Regard de l’Occidental sur l’Asie) ou de réalisateurs asiatiques posant leur caméra en Occident, ceci dans un but de dialogue interculturel.
Martine et moi sommes les directeurs artistiques du festival. Nous choisissons les films parmi les 700 films asiatiques que nous visionnons chaque année. Pour les sections thématiques, les hommages, les regards sur une cinématographie nationale, régionale ou interrégionale, la préparation peut prendre deux, voire trois ans. La section Jeune Public nous met en état de veille de façon permanente. Il faut trouver les bons films selon les tranches d’âge : 3-5 ans, 6-8 ans, 9-11 ans et les collégiens.
Le fait que Martine a été professeur de lettres, puis professeur documentaliste en lycée et moi en collège nous aide beaucoup dans nos choix pédagogiques.
Pour la compétition long-métrage de fiction, les films doivent avoir été produits dans l’année et être présentés en première française, ou première européenne, voire première internationale.

Comment se déroule le festival ? Quels sont les prix décernés ?

Le festival dure 8 jours du mardi au mardi suivant : pour 2026 du 27 janvier au 3 février.
Nous louons 5 salles sur les 10 du multiplexe de Vesoul et 4 autres salles dans différentes villes du département. Les cérémonies d’ouverture et de clôture se déroulent au théâtre Edwige Feuillère (grande actrice native de Vesoul), une salle de 700 places.
Les 7 jurys du festival décernent chaque année une quinzaine de prix. Parmi eux :
Le jury international composé de cinéastes de stature internationale. Le chinois Jia Zhang-Ke (Les Feux sauvages 2024), l’iranien Jafar Panahi (Un simple accident, palme d’or Cannes 2025), le singapourien Eric Khoo (Yokai, le monde des esprits, 2025, avec Catherine Deneuve), l’afghan Atiq Rahimi (prix Goncourt 2008) ont été présidents du Jury International. Il décerne, entre autres prix, le Cyclo d’or.
Le jury lycéen est né de la volonté du Lycée Édouard Belin et du FICA de bâtir un projet pédagogique intitulé Du Festival de Vesoul au Festival de Cannes. La coordinatrice du jury lycéen est la professeure documentaliste. Ils sont une trentaine de membres, passionnés de culture cinématographique et remettent un trophée dessiné par les élèves du jury et réalisé par PAO. Ces élèves du jury Lycéen et des classes arts visuels, après avoir fait leurs armes de jurés au FICA Vesoul en février, se rendent trois jours au Festival de Cannes.

Quelles sont vos actions en direction du public scolaire ?

Depuis l’origine du festival, nous organisons des actions en direction du public scolaire : master class, table ronde, rencontre au sein d’un établissement scolaire d’invités du festival, atelier de calligraphie, spectacles musique et danse impliquant des élèves, ateliers de manga, journée d’immersion dans le festival…
Les classes accueil, événements, tourisme du LP Pontarcher de Vesoul travaillent main dans la main avec le festival. Cette action est inscrite dans le projet d’établissement. Plusieurs établissements scolaires ont également inscrit ce festival dans leur projet d’établissement. Depuis qu’il existe, de plus en plus d’établissements utilisent le pass Culture collectif pour emmener leurs classes au FICA.
Beaucoup de classes audiovisuelles des lycées de Bourgogne Franche-Comté se rendent au festival en immersion sur une ou deux journées. Certaines réalisent des films documentaires sur les différents aspects du festival.
Les étudiants de l’INALCO (Institut national des langues et civilisations orientales) avec leurs enseignants ont réalisé des dizaines d’interviews filmées de réalisateurs pour enrichir le fonds documentaire. Certaines années, ils ont même réalisé des brochures rendant compte des différentes éditions du festival.

Quels films peux-tu conseiller à un collégien et à un lycéen ?

Pour les collégiens :
Pour les élèves de 6e-5e, je recommanderais Le Chien jaune de Mongolie (2005) de la réalisatrice mongole Davaa Byambasuren. L’amour entre l’enfant et l’animal familier est un thème universel. L’immensité de la steppe mongole est une ode à la liberté, et un dépaysement assuré.
Le Roi des Masques (1998) de Wu Tianming (Chine – Hong Kong) est un peu le Sans famille d’Hector Malot, dans la Chine du tout début du XXe siècle. Un comédien de rue se sentant vieillir désire transmettre son art à un fils, qui se révélera être une fille. Surmontant ses préjugés, il lui enseignera son art des masques. C’est un des plus beaux films venus de Chine. Un film dont on se souvient toute sa vie. Il convient au public de 7 à 107 ans !
Raining in the mountain (1979) de King Hu (Taiwan) est un film de sabre plongeant le spectateur dans la Chine des Ming. Divertissante, son intrigue policière fait songer aux romans de Robert Van Gulik, dont le héros est le célèbre juge Ti. La musique du film est inspirée des musiques d’opéra chinois. Il y a aussi beaucoup d’humour dans ce film qui convient aussi bien aux collégiens qu’aux lycéens, et bien au-delà.

Pour les lycéens :
Adieu ma concubine (1992) de Chen Kaige (Chine – Hong Kong), palme d’or à Cannes en 1993, restauré en 4k pour ses trente ans. C’est un chef-d’œuvre avec le grand acteur Hongkongais Leslie Cheung et la grande actrice chinoise Gong Li. Ce film se déroule dans l’univers du monde de l’opéra chinois avant et après la prise de pouvoir par le Parti communiste en 1949.
Une affaire de famille (2018) de Kore-eda Hirokazu (Japon), palme d’or à Cannes en 2018, est un film social sur la solidarité pouvant unir des êtres vivant en marge de la société.
Parasite (2019) de Bong Joon-ho (Corée), palme d’or à Cannes en 2019, est un film sur la distanciation sociale dans la lignée de La Cérémonie de Claude Chabrol que Bong Joon-ho considère comme l’un de ses maîtres.
Enfin, Un simple accident (2025) de Jafar Panahi (Iran) qui vient de recevoir la palme d’or. Ce prix amplement mérité couronne un thriller humaniste posant la grave question de la possibilité du pardon de l’opprimé vis-à-vis de son bourreau. Si ce dernier parvient à se repentir, alors la réconciliation nationale sera possible.

Quels sont, durant ces 32 années, tes souvenirs les plus marquants ?

Le premier, en 2000, qui m’a profondément ému, est celui de la cérémonie de clôture du 6e festival. Nous avions sélectionné un film turc. La communauté turque de Vesoul et de la Haute-Saône s’est mobilisée pour y assister. Reconnaissant un grand nombre de mes élèves, j’en ai eu des larmes aux yeux. Je les avais convaincus que la culture, c’était peut-être aussi pour eux. J’avais l’impression d’avoir brisé, le temps d’un instant, le plafond de verre de l’incommunicabilité.

Ensuite, le 28 janvier 2004, lorsque le président du CNC de l’époque, David Kessler, a tenu à nous remettre, à Martine et à moi, les insignes de Chevalier dans l’ordre des Arts et Lettres. J’ai pensé à mon père qui n’était plus là depuis 14 ans et qui était né le 28 janvier 1923, jour de la Saint-Charlemagne, fête des bons écoliers !
Un autre souvenir marquant, le 4 octobre 2018, lorsque le président Lee Yong-kwan, du Festival International du Film de Busan en Corée (le plus grand festival de cinéma en Asie, le « Cannes » de l’Asie), nous a remis le Korean Cinema Award, lors de la cérémonie d’ouverture, devant 4 400 personnes et toute la presse internationale, pour tout le travail que nous avions accompli pour la connaissance et la reconnaissance du cinéma coréen, cinématographie majeure.
Enfin, le 17 mai 2023, lorsque Kore-eda Hirokazu, nous a invité à la projection de gala de son film Monster – l’innocence dans le Grand Théâtre Lumière à Cannes. Nous étions dans les trois rangs orchestre du milieu, réservés à l’équipe de son film. À la fin de la séance, après la standing ovation, nous avons descendu les mythiques marches rouges de Cannes avec lui. Jamais je n’aurais cru qu’un tel événement nous serait arrivé. C’était magique !

Photo de Kore-eda Hirokazu Palme d’or
à Cannes 2018 © J-M THEROUANNE

Quels seront les moments forts de l’édition 2026 ?

Les moments forts du festival se conçoivent au fil des rencontres dans les festivals, notamment ceux de Cannes et de Busan, mais pas seulement.
Au moment où je réponds à cette interview je ne peux donner que les grandes lignes éditoriales : la section thématique aura pour titre : Mystères et boules d’opium, une section sera consacrée aux Jeunes talents chinois, une autre aux Cinémas du toit du monde : Népal, Bhoutan, Tibet, Hima­laya Praya, Pamir, enfin une autre encore proposera un Regard sur les cinémas arabes du Proche-Orient : Liban, Pales­tine, Syrie, Irak, Arabie Saoudite.

Alors, individuellement ou avec vos élèves, venez nombreux à Vesoul, du mardi 27 janvier au mardi 03 février 2026 pour assister au 32e Festival International des Cinémas d’Asie.
​Jean-Marc David

Martine et Jean-Marc Thérouanne
au 78e Festival de Cannes, au photocall
de la soirée Indonesia Cinema Night
© J-M THEROUANNE

Pour en savoir plus

Consulter régulièrement le site web : www.cinemas-asie.com
et s’inscrire sur les réseaux sociaux : www.facebook.com/ficavesoul ou Instagram : @ficavesoul
Ou écrire à : Festival International des Cinémas d’Asie
25 rue du docteur Doillon
70000 Vesoul – France
direction.fica@gmail.com
06 84 84 87 46
www.cinemas-asie.com

« Réveillez les chouettes », les lycéens font leur cinéma

« Réveillez les chouettes » : qu’est-ce que c’est ?

À la tête de ce joli projet, Dominique Jean, présidente de l’association, a à cœur d’ancrer une manifestation culturelle ambitieuse sur un territoire fortement rural dans la communauté de communes du Cœur Cotentin, dont Valognes fait partie. Le concept : inviter un artiste, auteur, compositeur et interprète, à être parrain de la manifestation et à passer une année avec le public autour d’un projet culturel et pluridisciplinaire original, l’année se terminant par « les concerts d’été », en août, dans la commune de Sauxemesnil.

En 2012-2013, le chanteur Adelbert a initié des écoliers de CM1-CM2 de Valognes, Tammerville-Montaigu et Sauxemesnil à l’écriture de chansons ; en 2013-2014, la chanteuse Liz Cherhal a aidé ceux de Saint Joseph à monter un spectacle inspiré du livre CD Ronchonchon et Compagnie, qu’elle a co-écrit avec Alexis HK. Le spectacle a été joué sur la scène des Pieux dans le cadre du festival « Les Arts zimutés ». Enfin, en 2014-2015, pour la 3e édition, c’est au tour du lycée de Valognes d’être l’heureux partenaire du musicien suédois Peter von Poehl, des réalisateur et chef-opérateur Thomas Aufort et Fabien Drugeon, pour la réalisation d’un clip.

Enjeux culturels et pédagogiques

Les objectifs poursuivis par Réveillez les chouettes à travers le partenariat avec les lycéens rejoignent presque en tous points ceux du lycée, et s’inscrivent parfaitement dans l’axe « ouverture culturelle » du projet d’établissement, mais aussi dans l’acquisition de l’autonomie et la formation citoyenne.

Selon Dominique Jean, le projet consistera en des rencontres avec un auteur, compositeur et interprète dans le champ des musiques actuelles (Peter von Poehl) et un réalisateur de films d’animation (Thomas Aufort) pour aboutir à l’analyse d’une chanson et la réalisation d’un clip vidéo. Ce travail permettra d’aller à la rencontre d’une œuvre musicale (appréhender les différentes facettes de l’écriture d’un texte, se confronter à la contrainte du format, de l’esthétique et de l’illustration du texte par l’image) et également d’aller à la rencontre des lieux environnants, en cohérence avec l’objet culturel créé (en trouvant les décors du clip, par exemple).

La démarche de création aura pour point de départ une chanson existante de l’artiste invité, sur une thématique choisie par les élèves. À partir de ce support, les objectifs sont les suivants :

  • Adapter un texte narratif afin d’en faire une représentation imagée et sonore en utilisant les arts visuels et numériques (clip vidéo) ;
  • Réaliser une performance vidéo animée et/ou selon le type de film choisi, une performance d’acteur ;
  • Apporter un éclairage sur le travail proposé par les deux artistes en mettant les élèves en situation créative et participative ;
  • Permettre aux élèves de découvrir différentes formes d’expression (l’écriture, la vidéo, la photo, le numérique…) et les métiers du cinéma ;
  • Participer au développement de la pratique culturelle sur le territoire rural concerné par le projet.

 

J’ajouterai également que ce projet favorisera l’apprentissage ou le renforcement de l’autonomie de l’élève par la mise en situation, l’expérimentation de différents postes de travail et la responsabilisation au sein d’une équipe de tournage ; tout comme l’apprentissage de la citoyenneté par la découverte des contraintes et des implications qui sous-tendent la réalisation d’un film, aussi court soit-il : contraintes juridiques (droits à l’image, droit d’auteur) et financières, implication en termes de travail, investissement physique et affectif.

Déroulement du projet

Juin 2014

Une première présentation du projet au proviseur du lycée signe l’accord de partenariat entre le lycée Henri Cornat et l’association J’imagine Production, qui reçoit le soutien de la DRAC via l’appel à projets Jumelages, et en assume le financement.

Septembre 2014

Le projet est validé lors du CA présidé par le proviseur. L’équipe pédagogique et les parents d’élèves en prennent alors connaissance. Mme Carole Drouet, CPE, est la coordinatrice du projet pour le lycée.

Novembre 2014

Dominique Jean et Carole Drouet organisent une réunion de présentation au lycée. Une trentaine d’élèves et quelques adultes, équipe vie scolaire et documentaliste, sont présents. Initialement pressentie pour s’adresser aux élèves internes, la proposition s’élargit finalement aux élèves intéressés quel que soit leur statut. Réaliser un clip avec un artiste de renom et des professionnels du cinéma est en effet une proposition bien séduisante, même si, à ce stade, personne ne semble connaître les noms de Peter von Poehl et de Thomas Aufort. Mais apprendre que Peter von Poehl a collaboré avec, entre autres, Alain Chamfort, Dépèche Mode ou Vincent Delerm, avec l’artiste et écrivaine Marie Modiano, fille du prix nobel de littérature, que son titre The story of the impossible est repris dans le film L’Arnacœur de Pascal Chaumeil a déjà de quoi impressionner. Cela pose le caractère exceptionnel d’une telle rencontre, mais aussi le niveau d’exigence dans la constance et l’engagement que cela suppose, d’autant que tout se fera sur le temps extrascolaire – les mercredis après-midi voire les samedis matin aussi. S’inscrire est un choix qui impose de jouer le jeu jusqu’au bout.

À l’issue de la réunion, une vingtaine d’élèves s’inscrivent – quinze resteront présents et très investis jusqu’à la fin – trois AE et moi-même, professeur documentaliste.

Les séances de travail, jusqu’au tournage, auront toutes lieu le mercredi après-midi, de 14 heures à 18 heures, au CDI du lycée.

14 janvier 2015

La première rencontre avec Peter von Poehl et Thomas Aufort a lieu. C’est l’occasion pour eux de présenter leur métier – auteur, compositeur, interprète et réalisateur pour l’un, professeur de cinéma à l’université de Caen et réalisateur de clips pour l’autre – et leurs œuvres. Thomas Aufort avait déjà eu l’occasion de collaborer avec Peter von Poehl, notamment en introduisant le morceau Twelve Twenty One (extrait de l’album Big Issues Printed Small) dans l’un de ses clips.

28 janvier 2015

Le véritable travail commence en présence à nouveau des deux artistes. On découvre différents titres de Peter von Poehl : six chansons extraites de ses deuxième et troisième albums (respectivement May Day et Big Issues Printed Small) ainsi que des musiques de film (Ring Player et Side by side pour le film Ladygray d’Alain Choquart, Vanishing Waves pour le film du même nom de Kristina Buozite, Paradise pour le film Main dans la main de Valérie Donzelli). Après l’écoute de chaque chanson, chaque participant est invité à exprimer les émotions et les images que cela lui inspire : des ambiances, voire des embryons de scénarios naissent déjà. Puis Peter von Poehl raconte le contexte dans lequel la chanson est née, et ce qui l’a inspirée : une émotion, un souvenir, une autre musique. May Day, par exemple, premier titre écouté, a été écrit le 2 mai 2008 à Berlin, un jour très calme succédant à une manifestation monstre ayant laissé devant chez lui une voiture calcinée. Ce contraste saisissant l’a ramené au 1er mai en Suède, fête de la lumière qui donne également lieu à des débordements. Texte et musique lui sont alors venus en même temps, inspirés par la musique du chanteur compositeur Al Green.

Personne ne voit le temps passer. Peter von Poehl séduit par sa simplicité, sa douceur et sa générosité. À un journaliste de Ouest France, il expliquera que n’étant pas d’une famille de musiciens, c’est justement la rencontre avec un musicien dans son collège, en Suède, qui a décidé de sa vocation. Répondre présent aujourd’hui quand on lui demande la pareille lui apparaît comme une évidence.

Thomas Aufort est également très à l’écoute des idées qui émergent, bien qu’un peu en retrait. Mais dans les séances qui suivront, en l’absence de Peter retenu ailleurs, c’est bien lui qui encadrera et accompagnera les lycéens, à la fois amical, disponible, mais aussi très professionnel.

Le tout est organisé avec beaucoup de dynamisme et de bonne humeur par Dominique Jean et Carole Drouet, notre CPE. Un échange de mails se met alors en place entre les différentes personnes impliquées qu’elles centralisent et coordonnent. Échanges de plus en plus nourris au fil des semaines.

25 février 2015

Tout le monde est à nouveau réuni au CDI. Entre-temps, nous avions tous reçu les fichiers musicaux des trois albums de P. von Poehl et eu le loisir de les écouter. L’objectif premier est de choisir la chanson à illustrer dans le clip. Après quelques écoutes, le choix se porte très vite, à la quasi-unanimité, sur la chanson May Day. Puis Thomas Aufort évoque les différents postes de travail dans une équipe de tournage. Il les liste en deux catégories de compétences : techniques (image-photo, cadrage-son, script, maquillage, coiffure, costumes, intendance…) et artistiques (scénario, jeu, musique, chant), il énumère les professions qui s’y rattachent : réalisateur, 1er assistant-réalisateur (découpage, planning), 2e assistant-réalisateur (s’occupe des acteurs), chef-opérateur ou directeur de la photographie, 1er assistant chef-opérateur (cadre), 2e assistant chef-opérateur (caméra), script, régisseur, maquilleuse, coiffeuse, costumière ; et scénariste, acteur, danseur, musicien, chanteur… Est également posée la question des lieux de tournage. Amandine, élève de seconde qui se révèle être très douée pour la photo et attirée par les lieux déserts, en ruine ou à l’abandon, a apporté quelques clichés qu’elle projette au tableau. Certains, associés à la musique de P. von Poehl, accrochent déjà l’imaginaire. Chacun repart avec pour consigne de réfléchir à un scénario possible, et à des lieux proches qui pourraient servir de décor.

25 mars 2015

L’écriture du scénario commence. P. von Poehl, qui ne peut être présent, intervient via skype. En amont de l’écriture, il y a la musique de Peter et les lieux déjà repérés par Amandine, qui conditionnent le découpage du scénario en sept courtes séquences : une forêt, une maison abandonnée, un intérieur, des rails, un toit, les dunes et la mer, la forêt à nouveau et une rue. Des idées émergent, s’imposent, qui restent à développer : des personnages surpris dans leur rêverie ou leur occupation par une lumière qui les guide les uns vers les autres, les rassemble avant de disparaître et de les ramener brutalement à la réalité. Déambulations, rêverie, danse dans le sable, vélo sur des rails… des idées qui tiennent à cœur. Dans le même temps, les lycéens apprennent à concevoir et à visualiser l’histoire en termes cinématographiques : plan d’ensemble et plan rapproché, plongée et contre-plongée, travelling… Ils découvrent les différents métiers qui interviennent au cours d’un tournage, les tâches techniques et les outils. Des fiches méthodologiques, qu’ils sont amenés à utiliser, sont mises en ligne sur Pearltrees. Thomas et Dominique se chargent du repérage des lieux et des autorisations de tournage à demander aux propriétaires, communes et/ou préfecture ; aux lycéens de demander pour eux-mêmes l’autorisation parentale – une manière très concrète de se confronter au droit à l’image et au droit de propriété. Enfin, pour la séance suivante, chacun est invité à réfléchir à d’autres suggestions (chorégraphie, costumes, rue pour la scène finale) et à la fonction technique qu’il souhaite occuper, en plus d’être acteur du clip.

29 avril 2015

L’écriture du scénario est achevée et la fonction de chacun sur le tournage définie. Trois ateliers de travail sont mis en place : un groupe fait le plan de travail (planning très précis pour deux jours de tournage), un groupe s’occupe du découpage technique (écriture plan par plan du scénario) et le dernier groupe prend en charge l’esthétique du film (accessoires, costumes, maquillage…).

15 et 16 mai 2015

Enfin arrive le temps du tournage : deux jours seulement, vendredi 15 et samedi 16 mai. Tout est minuté. Il faut aussi prévoir le point presse : inviter les journalistes et, pour les lycéens volontaires, répondre en direct à une interview dans les locaux de la radio France Bleu Cotentin ou dans l’arrière-boutique d’un commerçant de Valognes pour Virgin Radio.

Quelques points noirs demeurent :

  • Nous n’avons pas obtenu l’autorisation de tournage pour la vieille maison ; le propriétaire est introuvable. Il faut donc réfléchir rapidement à un lieu de remplacement.
  • Il nous manque un lieu fonctionnel (camping-car ou petite fourgonnette) pour servir de loge où s’habiller et se maquiller.
  • La météo est incertaine.

15 mai 2015

Un minibus, financé par la MDL du lycée, est affrété. Il servira aussi de loge. Le départ est donné à 8 h 15. Le premier lieu de tournage sera, à Cherbourg, l’ancienne voie de chemin de fer. Une élève joue, les autres – quand leur fonction sur le tournage le leur permet – vont tour à tour se faire maquiller par l’élève-maquilleur. Tous ont à cœur de tenir le rôle pour lequel ils se sont engagés, sérieux sans se prendre au sérieux. Et, comme ils le feront pour chaque scène, Thomas Aufort et Fabien Drugeon multiplient les prises, en panoramique et en gros plans, en variant l’angle de prise de vue.

Cette première séquence occupera une bonne partie de la matinée. Pour la seconde – initialement toit ou balcon d’une maison en ruine – le lieu reste à trouver. Plusieurs pistes sont tentées en vain – impossible d’obtenir une autorisation ou de prendre des contacts dans l’urgence. Au milieu de l’après-midi, le découragement se fait sentir et l’attention se relâche. Notre assistante d’éducation sauve alors la situation en proposant son grenier… Coup de chance : c’est le lieu idéal pour l’ambiance recherchée. Mais le temps file et on a pris du retard par rapport à la feuille de suivi. Pour pouvoir tourner une 3e scène ce jour, il faut donc aller au plus près. Un lieu s’impose alors, non prévu au départ : le magnifique parc du lycée. Rigueur, persévérance et adaptation auront été les maîtres mots de cette journée, mais toujours dans la bonne humeur et l’enthousiasme.

Samedi 16 mai 2015

Dès 8 h 15, tout le monde se retrouve rue Pelouze, à Valognes, à deux pas de chez moi… à défaut de camionnette-loge, ma maison fera cette fois l’affaire pour permettre habillage et maquillage dans de bonnes conditions. À cette heure-là un samedi matin, la ville dort encore. Dominique a l’autorisation d’interdire la circulation dans la rue jusqu’à 10 heures, mais faute d’avoir mis le panneau la veille, un 4×4 est garé dans le champ, il va falloir faire avec – encore une façon d’apprendre combien chaque détail compte, et que tout relâchement dans la vigilance peut compromettre le bon déroulement du tournage.

Ensuite, tout se passera comme prévu – même la météo est de notre côté – une scène tournée dans la forêt de l’Hermitage, à Sauxemesnil-Rufosses, un pique-nique dans la clairière, une danse dans les dunes de Biville, et la journée touche à sa fin. Journée au cours de laquelle on aura beaucoup joué, beaucoup rit, beaucoup appris les uns des autres, on en oublie la fatigue et les rares moments de tension.

Mercredi 3 et 4 juin 2015

Tandis qu’une petite équipe de 7 lycéens va avec Fabien Drugeon tourner la dernière séquence à l’usine, les autres assistent avec Thomas Aufort au visionnage des rushs (entre deux cours, ou en en manquant le moins possible) : chaque prise de chaque scène est projetée sur écran au vidéoprojecteur, et détaillée pour ne retenir parfois qu’un geste, une expression. On note précisément la référence de la prise retenue en vue du montage

Jeudi 4 juin 2015

Séance de montage avec Thomas, qui initie les lycéens au logiciel « Adobe première pro ». Chaque vue est renommée en notant les remarques faites au moment du premier visionnage des rushs. Et pour chaque plan, on sélectionne les meilleurs moments et on coupe. Puis on raccorde les images les unes aux autres par glissement. Un vrai puzzle, voire un travail de dentellière. Parfois, l’ordinateur bugge et l’on se félicite d’avoir fait une sauvegarde juste avant. Parfois, il est difficile de trouver les bons raccords, et l’on comprend alors toute l’importance du travail du scripte sur le tournage. Les lycéens se succèdent deux par deux aux commandes du logiciel, pendant que d’autres discutent de la façon dont « Réveillez les chouettes » est suivi sur Twitter, et de l’organisation de la soirée et des concerts en août.

Début juillet

Arthur Shelton réalise les effets spéciaux.

7 août 2015

La veille de l’ouverture des concerts de « Réveillez les chouettes », une soirée est organisée à Valognes pour présenter le clip, que personne n’a encore vu, et honorer ceux qui ont permis à cette belle aventure d’exister. Un cocktail est offert à la mairie, en présence de MM les maires de Valognes et de Sauxemesnil. Puis l’on découvre avec émotion le clip sur le grand écran du cinéma Le Trianon de Valognes, partenaire de cette soirée. Peter von Poehl, après avoir félicité et remercié les lycéens, offre alors un concert intimiste et magique : juste une guitare acoustique, un harmonica, des mélodies douces et sa voix, le moment est précieux et la salle est charmée. La soirée se termine par la projection du très beau film Ladygrey, d’Alain Choquart, dont il a composé la musique.

Bilan

L’expérience aura été exceptionnelle dans tous les sens du terme : hors du commun et d’une grande richesse éducative, culturelle, et humaine. Sans doute l’une des formes les plus abouties de la pédagogie de projet. Les lycéens étaient tous très impliqués, affectivement, scolairement, socialement, parce qu’ils étaient dès le départ au centre du dispositif et mis en situation de créateurs – et non récepteurs ou spectateurs, parce qu’on leur proposait pour cela de travailler avec des artistes talentueux, modèles d’exigence et de qualité, et que, libres de participer ou pas, ils se devaient d’être à la hauteur, parce qu’enfin on leur a fait confiance.

Mine de rien, ils auront travaillé à leur orientation : les métiers du cinéma n’ont plus de secret pour eux. Ce fut pour certains la confirmation d’une vocation, pour d’autres l’envie de continuer sur le temps des loisirs. Les élèves auront pu éduquer leur regard et deviendront des spectateurs avertis. « Dorénavant, nous verrons les clips avec un autre regard », confie l’un d’eux à un journaliste. Ils auront également pris la mesure des contraintes liées aux droits à l’image et aux droits d’auteur, mais aussi du bien-fondé de ces droits, et du respect qu’on leur doit ; ils n’auraient pas apprécié que le clip se retrouve sur Internet avant la projection officielle. Ils savent maintenant que derrière toute œuvre, si modeste soit-elle, il y a beaucoup de professionnels qui travaillent, beaucoup d’argent en jeu, beaucoup de temps et d’énergie dépensés, beaucoup d’émotions aussi. Les élèves auront aussi pu développer leur sens de l’initiative et des responsabilités en allant jusqu’au bout de leur engagement ; ils auront vécu une belle histoire faite de rencontres et d’amitié, dont ils garderont le souvenir toute leur vie

Et la documentaliste dans tout cela ?

Que vient faire la professeure documentaliste dans ce projet ? Il n’est pas question ici de recherche documentaire, mais par contre beaucoup d’ouverture culturelle. Mais il est vrai que, n’étant pas à l’initiative du projet, et les intervenants ainsi que les organisatrices jouant très bien leur rôle d’encadrement des lycéens qui, par ailleurs, étaient très volontaires et autonomes, j’ai eu du mal à trouver ma place. Mais j’ai toujours été associée à chaque étape du projet. J’ ai donc choisi la position d’observatrice, m’engageant à en rendre compte, et je dois dire que j’ai moi-même beaucoup appris, humainement et professionnellement. Humainement, parce que ce genre d’expérience fait forcément changer le regard que l’on porte sur certains adolescents qui ont révélé là des talents et des qualités insoupçonnés ; professionnellement, parce que la structure est transposable sur d’autres projets culturels – que je mène déjà depuis longtemps (manifestation littéraire, rencontres avec auteur, partenariats culturels, ateliers d’écriture) – et dans lesquels je tâche de me repositionner pour laisser aux élèves une plus grande part de création. Et cela vaut aussi pour des cours plus traditionnels. Je suis également convaincue que concernant l’ouverture culturelle et l’éducation citoyenne, nous avons tout à gagner à construire – ou renforcer – un véritable partenariat avec les CPE, dont les objectifs en la matière rejoignent souvent les nôtres, sans craindre pour autant de nous voir rattachés à la vie scolaire. La confusion des rôles naît souvent de l’ignorance que l’on a du travail de l’autre.

En cette nouvelle rentrée, dans la morosité ambiante, que risque-t-on à essayer ?