Depuis plusieurs années, le Centre National du Livre (CNL) met en lumière les pratiques de lecture des jeunes, pointant du doigt que les jeunes lisent toujours dans le cadre de leur loisir, mais que ce temps de lecture se réduit. Ces rapports affichent, au fil du temps (entre 2016 et 2024), des perceptions et des pratiques en constante évolution chez les jeunes qui se tournent davantage vers les technologies numériques. Ainsi, la lecture connaît de grands changements, passant d’une lecture traditionnelle à une lecture numérique pouvant être définie comme une « activité qui consiste à lire des textes écrits (éventuellement accompagnés d’illustrations fixes ou animées) au moyen d’un dispositif numérique : ordinateur, tablette, smartphone, borne d’information ou autre » (Rouet, 2018). C’est alors que l’on assiste à une transformation de notre manière de lire avec les outils numériques (Octobre, 2015). Il apparaît donc nécessaire, en tant que professeur documentaliste et acteur dans la promotion de la lecture auprès des élèves (axe 3 de la circulaire de mission de 2017), de s’intéresser à ces pratiques de lecture juvéniles afin de proposer des contenus pédagogiques qui suscitent leur intérêt et qui suivent les évolutions sociétales. Dans cet article, nous explorerons les outils numériques et applications utilisés par les jeunes, ainsi que les nouveaux modes de prescription littéraire. Des pistes pédagogiques seront également proposées.
UNE DIVERSITÉ DES OUTILS ET DES CONTENUS LUS PAR LES JEUNES
Lorsque nous lisons les rapports du Centre National du Livre de 2022 et 2024, nous remarquons que les jeunes lisent moins, 2 h 11 par semaine en 2024 contre 3 h 14 en 2022. En effet, la lecture est mise en concurrence avec les écrans, devant lesquels les jeunes passent 3 h 11 par jour. Les activités sur écran sont diverses (aller sur les réseaux sociaux, jouer à des jeux, regarder une vidéo…) ; parmi celles-ci, on compte la lecture sur écran. En effet, d’après l’étude de 2024 du CNL, tandis que l’utilisation de la tablette (30 %), de l’ordinateur portable (30 %) ou encore de la liseuse (22 %) décline, l’utilisation du smartphone est de plus en plus renforcée (57 %) pour la lecture de livres numériques. D’ailleurs, les 16-19 ans utilisent massivement le smartphone (76 %).

Les jeunes se tournent vers une version numérique de ces livres. Le livre numérique, autrement appelé “e-book” est « un ouvrage édité et diffusé sous forme numérique, destiné à être lu sur un écran, composé directement sous forme numérique ou numérisé à partir d’imprimés ou de manuscrits ». Il répond également de la loi sur le prix unique du livre numérique, promulguée en mai 2011 (dictionnaire de l’Enssib). Mais il existe aussi le livre audio appelé audiobook. Il s’agit cette fois-ci d’un texte (qu’il soit publié ou non) dont la lecture a été enregistrée à haute voix, que ce soit par l’auteur, un comédien, un lecteur professionnel, un groupe ou une synthèse vocale. Il existe d’abord sous forme écrite avant de se transformer en un produit sonore (Gatineau, 2015). Ce qui ressort de l’étude menée par le CN, c’est l’augmentation de ces nouvelles pratiques de lecture chez les jeunes, puisque 76 % des jeunes lecteurs de livres numériques et 78 % des jeunes auditeurs de livres audio aiment, voire adorent en lire ou en écouter.

À noter que la lecture sur écran attire plutôt des 16-19 ans, tandis que le livre audio est plutôt plébiscité par les moins de 10 ans. Cependant, 50 % des non-lecteurs de livres numériques et 58 % des non-auditeurs déclarent détester en lire ou en écouter. Ainsi, bien que cette pratique semble se répandre, de nombreux lecteurs semblent encore réfractaires à cette pratique de lecture. En effet, dans une étude que j’ai pu mener dans le cadre de mon master MEEF auprès de collégiens, certains avançaient comme raisons les difficultés à se concentrer. En effet, la mauvaise visibilité du texte sur l’écran, la faible qualité de la typographie et de la mise en page(s), la navigation via les liens hypertextuels ainsi que la difficulté à intégrer les différentes opérations de lecture participent à une surcharge cognitive1. D’autres élèves avançaient la préférence pour l’objet livre, qu’ils peuvent tenir dans leurs mains, sentir (texture et odeur), ce qui n’est pas le cas d’un livre audio ou numérique (Ortin, 2023).

Les plateformes de livres numériques
Avec l’évolution rapide des technologies, les jeunes se tournent de plus en plus vers de nouveaux terminaux de lecture. Ces appareils, associés à des applications de lecture comme Apple book, Kindle ou Audible, offrent une nouvelle expérience de lecture, modifiant ainsi profondément leurs habitudes de lecture et leur manière d’accéder aux livres. Le secteur des livres numériques se développe, notamment avec trois grands acteurs américains, à savoir Google, Apple et Amazon. Les applications Google Livres, Apple Book et Amazon ont des fonctionnalités semblables : achat de livre, téléchargement, création d’une bibliothèque, emploi d’outils intra-texte (traduction, commentaire, surlignage…), note et avis. Apple propose IBooks Author, permettant la création de livres électroniques (Benhamou, 2012). Amazon vend des ebooks téléchargeables sur l’application Kindle et sur une liseuse : la Kindle (commercialisée en 2007). Amazon met également à disposition Amazon Direct Publishing2, une plateforme d’autopublication pour les écrivains professionnels et amateurs (Benhamou, 2012). Enfin, Amazon propose un abonnement mensuel (abonnement kindle), permettant d’accéder à l’ensemble des livres numériques ainsi qu’à de la presse sur tous les appareils. De plus, il existe Sondo, un site et une application permettant d’accéder à une bibliothèque numérique, allant du primaire jusqu’au lycée. Plus de 500 titres sont proposés, dont des livres classiques, contemporains, ainsi que les versions audios de manuels scolaires. La connexion peut se faire sur tous types d’appareils électroniques, via l’interconnexion entre le GAR et l’ENT. De plus, Sondo propose une bibliothèque inclusive à destination des Élèves à Besoins Éducatifs Particuliers (EBEP), notamment les élèves DYS ou encore allophones. Les élèves ont la possibilité de choisir la taille et les couleurs de police, de mettre un mode nuit, d’utiliser une règle de lecture, d’écouter un livre audio, d’avoir accès à des définitions. Des fonctionnalités pédagogiques sont également disponibles pour les enseignants, telles que des activités et des défis lecture.
Les applications de lecture : entre écrits et images
Les plateformes de lecture comme Apple books, Kindle et Audible se distinguent principalement par leurs modèles de distribution, les formats de contenu et les types d’expériences qu’elles offrent aux utilisateurs, tandis que les applications de lecture comme Fyctia, Plume d’Argent ou Wattpad sont centrées sur la publication communautaire en ligne et l’interaction avec les auteurs.
Le succès des romans feuilletons et des plateformes d’écriture
Le concept des plateformes comme Wattpad ou Plume d’argent repose sur la publication de récits sous la forme de romans-feuilletons ; les auteurs publient régulièrement des chapitres, créant ainsi une dynamique de lecture continue. Ce format, semblable à un feuilleton, permet de maintenir l’engagement des lecteurs, qui suivent l’évolution de l’histoire au fur et à mesure (Luthers, 2019). Les genres les plus populaires sont alors la romance, mais aussi la fantasy, l’horreur ou la fanfiction (Luthers, 2019). Wattpad est une plateforme de partage d’histoires en ligne fondée en 2006 par Allen Lau et Ivan Yuen à Toronto. Accessible via un site internet et une application mobile, elle permet aux auteurs de publier des récits originaux, chapitre après chapitre, et invite les lecteurs à interagir directement avec eux par le biais de commentaires et de recommandations. Avec plus de 70 millions d’utilisateurs dans plus de 50 langues, la plateforme est devenue un lieu de partage incontournable, particulièrement prisé par les jeunes auteurs et lecteurs du monde entier. En 2021, Wattpad a été racheté par la société sud-coréenne Naver, propriétaire de Webtoon, renforçant ainsi son développement et son lien avec l’industrie numérique. Il existe aussi d’autres plateformes, plutôt centrées sur l’écriture, comme la plateforme de lecture Fyctia, lancée en 2012, permettant à des auteurs de soumettre leurs manuscrits au jugement de la communauté de lecteurs et d’éventuels éditeurs, ou encore la plateforme de lecture Plume d’Argent, créée en 2015, permettant également l’écriture, la publication et la lecture de manuscrits.
Ces plateformes adoptent un modèle interactif qui permet une vraie proximité entre les auteurs et leurs lecteurs, puisque ces derniers peuvent s’abonner à des comptes d’auteurs, commenter les histoires et donner des avis qui sont visibles sous forme de bulles à côté du texte, ce qui permet un réel feedback pour l’auteur (cas de Wattpad et Fyctia). Ce système de commentaires renforce l’aspect collaboratif et participatif de Wattpad, en permettant aux lecteurs de devenir des acteurs de l’œuvre qu’ils suivent, voire d’avoir une incidence sur la suite du récit. Sur Wattpad, les auteurs peuvent intégrer des images ou vidéos dans leurs chapitres, enrichissant ainsi leur texte et l’expérience de lecture. Par conséquent, ces plateformes participent à la démocratisation de l’accès à la lecture, tout en offrant une visibilité accrue aux auteurs indépendants, souvent négligés par les circuits traditionnels (Poirier, 2020). À noter que sur Wattpad, il existe certes une version freemium, mais également une version premium appelée “Wattpad Originals”, proposant des fonctionnalités et des contenus supplémentaires. Ces plateformes permettent aux auteurs de publier leurs manuscrits en toute indépendance, sans passer par un éditeur traditionnel. Plusieurs auteurs ayant ainsi débuté sur Plume d’Argent ont vu leurs œuvres adaptées en livres physiques et certains ont même signé des contrats avec des maisons d’édition traditionnelles, la plus célèbre étant Christelle Dabos et la série la Passe-miroir (Jouve, 2023). Parmi les publications les plus connues issues de Wattpad, nous pouvons citer les célèbres romans After (2016), The Devil’s Sons (2022) ou encore Captive (2023) qui appartiennent au genre “New romance” ou “Dark Romance”. Enfin, ces plateformes permettent à des auteurs amateurs de participer à des concours afin de mettre en avant leur roman, c’est le cas par exemple de Wattpad et de ses Watty Awards, un concours qui permet aux auteurs de recevoir une aide à la promotion de leur histoire et de la faire connaître à un plus large public, ou à Plume d’argent et ses Histoire d’Or. Quant à Fyctia, il s’agit de son essence même : plusieurs thématiques de concours apparaissent, sur lesquelles peuvent écrire des auteurs.

Les applications de webtoons
Pour définir un webtoon, nous pouvons commencer par ce qu’est la bande dessinée numérique, le webtoon étant un sous-genre : « Le terme BD numérique reste à définir. Le plus souvent, il correspond à l’édition et la diffusion d’une bande dessinée sous forme numérisée ou dématérialisée destinée à être lue sur un écran. Il peut s’agir de créations originales dans un format électronique ou de simples adaptations digitales au support de lecture sur téléphones intelligents, tablettes, liseuses, écrans d’ordinateurs ou de télévision. C’est aussi une création spécifique et enrichie pour le support informatique, avec un contenu multimédia et des procédés de réalité augmentée poursuivant l’œuvre sur Internet, ce que ne permet pas un simple livre numérique » (Ratier, 2013). Il s’agit d’une bande dessinée qui se lit verticalement, via des épisodes courts et sur des applications dédiées.
Lancée en 2003 par Daum en Corée, suivie de la création de Line Webtoon par Naver en 2014, Webtoon est une plateforme numérique dédiée à la diffusion de bandes dessinées. Depuis, Webtoon s’est imposé comme un acteur majeur dans l’univers des bandes dessinées numériques, en permettant aux utilisateurs d’accéder gratuitement à des récits publiés sous la forme de feuilletons hebdomadaires, par des auteurs amateurs. À noter qu’il existe d’autres plateformes permettant de lire des webtoons, telles que Piccoma, Lezhin Comics, Delitoon, Tapytoon ou encore Webtoon Factory (éditions Dupuis) qui suivent des modèles similaires. Ces plateformes suivent toutes ce même mode de publications séquencées, avec des épisodes courts et réguliers, transformant ainsi la narration traditionnelle en un format dynamique, optimisé pour la lecture sur des écrans, que ce soit sur téléphones, tablettes ou ordinateurs, notamment pour le geste du “scrolling” (Brouard, 2021). Webtoon se distingue par sa capacité à intégrer des éléments multimédias et à enrichir l’expérience de lecture grâce à des techniques transmédiatiques, comme l’utilisation de la réalité augmentée dans certains contenus. De plus, Webtoon propose un modèle économique freemium : l’accès aux épisodes réguliers est gratuit, mais les utilisateurs peuvent acheter des “coins” pour accéder à du contenu payant ou pour débloquer des chapitres en avance. Ce format crée une relation continue entre le créateur et le lecteur, grâce aux commentaires, aux likes et aux dislikes intégrés à chaque épisode. L’application mobile envoie même des notifications pour rappeler les derniers épisodes à lire, créant ainsi un lien constant avec la communauté de lecteurs. Ces interactions sont cruciales, car elles génèrent de la valeur pour la plateforme, en permettant par exemple de mesurer l’engagement du public et en influençant la popularité des œuvres (Dulieu, 2022). C’est ainsi que certains webtoons populaires sont adaptés par des plateformes de streaming, ou sont édités dans diverses maisons d’éditions, comme par exemple True Beauty chez Delcourt (2021), Lore Olympus chez Hugo BD (2022), Colossale chez Jungle (2024), ou encore en créant une collection spéciale dédiée aux webtoons comme Kbooks chez Delcourt, Sikku chez Michel Lafon.


Les plateformes de lecture numérique de manga : l’exemple de mangas.io
Des plateformes comme Mangas.io s’imposent dans le domaine de la lecture numérique, notamment pour les passionnés de mangas. Lancée en 2020, et avec 28 maisons d’éditions françaises (Akata, Crunchyroll, Kana, Ki-oon …), cette dernière permet à ses utilisateurs d’accéder à un large éventail de mangas à lire, comme Haikyu, Naruto, Bleach, ou encore Blue Spring Ride. Les mangas sont présentés sous la forme de mur, avec la possibilité de choisir la catégorie de manga qui nous intéresse. De plus, Mangas.io fonctionne sur le principe de l’abonnement. En effet, pour les « particuliers », comme les jeunes, cette approche permet de lire des mangas en illimité ce qui rend la plateforme attrayante (au prix d’un manga par mois ou pouvant être financé via le pass culture). Cette offre est alors intéressante pour les jeunes qui cherchent une solution économique pour lire leurs séries à la mode. En ce qui concerne les professionnels, comme les professeurs documentalistes, il existe un partenariat entre Manga.io et Canopé, proposant différentes offres d’abonnement selon le type d’établissement et le nombre d’élèves. Une fois la ressource acquise, il est possible de l’ajouter en tant que ressource numérique sur son portail Esidoc.
L’expérience de lecture sur Mangas.io est optimisée par une interface simple et intuitive, comparable à celle de Netflix, qui permet aux utilisateurs de naviguer facilement parmi les titres disponibles, de personnaliser l’affichage et de sauvegarder leur progression. Les utilisateurs de Mangas.io bénéficient également d’un accès rapide aux derniers chapitres des séries populaires, souvent en même temps que leur publication au Japon, ce qui constitue un attrait considérable pour les fans qui souhaitent suivre l’évolution de leurs mangas préférés en temps réel. Cependant, il est impossible d’interagir avec d’autres lecteurs. Il est possible de tester cette ressource pendant un mois sur son portail. Les retours des élèves sur cette plateforme sont assez positifs : ils peuvent découvrir de nouveaux mangas et lire sans être coupés par de la publicité. De plus, l’interface est fluide et de bonne qualité. Ils peuvent également consulter des actualités sur le blog et s’abonner à une newsletter permettant d’en apprendre davantage sur l’univers du manga. Le seul point discutable serait le prix de l’abonnement pour les CDI qui pourrait représenter un frein (399 € pour un collège entre 600 et 899 élèves).
DE NOUVEAUX MODES DE PRESCRIPTION POUR SUSCITER L’ENVIE DE LIRE
L’arrivée de ces nouveaux modes de lecture s’accompagne de nouveaux modes de prescription. En effet, Armand Hatchuel, dans son article « Les marchés à prescripteurs » (1995) identifie trois types de prescription qui peuvent s’appliquer aux nouvelles médiations du livre, dans lesquelles le rôle du prescripteur dans l’échange et le processus décisionnel prend de l’ampleur : d’abord la « prescription de fait », qui donne des informations sur les livres ; ensuite, la « prescription technique », qui met l’accent sur l’argumentation et les moyens de choisir des lectures, et enfin, la « prescription de jugement » qui atteste de la qualité et de la pertinence d’un livre que l’internaute ou le blogueur/influenceur doit valider, avant de réaliser un achat. Depuis son étude menée en 2016, le CNL met en avant trois prescripteurs, à savoir la mère ou la belle-mère, ainsi que les amis. De nombreux jeunes choisissent également leur livre seul. Encore aujourd’hui, ces modes de prescription sont les plus utilisés. Cependant, témoin de cette mutation technologique, 13 % déclarent choisir un livre par le biais d’influenceurs/euses sur YouTube et par les réseaux sociaux. Les professeurs documentalistes sont juste derrière, avec 12 % (CNL, 2024).
Le rôle des influenceurs littéraires dans la promotion de la lecture
L’influence d’Internet et notamment des réseaux sociaux sur les choix des lecteurs de loisirs ne cesse de croître, transformant ainsi la manière dont les livres sont découverts et consommés. En 2024, d’après l’étude du CNL, 33 % des lecteurs ont choisi un livre après en avoir entendu parler sur Internet, et parmi eux, 19 % l’ont découvert via les réseaux sociaux tels que Facebook, Instagram, Tiktok ou Twitch (contre 14 % en 2022). Cette tendance est particulièrement marquée chez les jeunes : plus de la moitié des lecteurs âgés de 16 à 19 ans (57 %) font leurs choix littéraires après avoir été exposés à des recommandations en ligne. Les plateformes sociales jouent un rôle central dans cette dynamique. Par exemple, 15 % des lecteurs ont été influencés par des Booktubeurs, Bookstagrammeurs ou Booktokers, un chiffre qui a quasiment doublé par rapport à 2022, où seulement 8 % étaient influencés par ces créateurs de contenu. De plus, 6 % des lecteurs ont entendu parler de livres via d’autres sources sur Internet. Ces résultats montrent bien l’étendue de l’influence numérique sur les décisions d’achat. Les jeunes générations semblent particulièrement sensibles à cette influence. En effet, toujours selon l’étude du CNL de 2024, 10 % des jeunes ont déclaré avoir eu envie de lire un livre grâce à une personnalité qu’ils suivent sur les réseaux sociaux, un phénomène qui touche surtout les filles, et plus particulièrement celles de 16 à 19 ans. Les réseaux sociaux ne servent pas seulement à découvrir des livres ; ils constituent aussi un outil pour s’informer sur les nouveautés, obtenir des conseils de lecture et consulter les avis d’autres lecteurs. En moyenne, 53 % des lecteurs de loisirs utilisent au moins un réseau social pour se tenir au courant des tendances littéraires. Parmi les plateformes les plus populaires figurent YouTube (67 %), Tiktok (49 %) et Instagram (49 %), qui dominent largement les autres en termes d’usage pour la recherche de livres.
Une présentation imagée et dynamique : Booktube, Bookstagram et Booktok
C’est en 2012 que le phénomène de Booktube est apparu en France et il a pris une ampleur considérable à partir de 2016. De nos jours, plus de 300 Booktubeurs font vivre ces communautés de partage (Frau-Meigs, 2017). Il est notamment possible de citer des personnalités influentes, parmi lesquelles @Jeannotselivre,
@lesouffledesmots ou @MargaudLiseuse, qui comptent respectivement 88 200 d’abonnés, 120 000 abonnés et 74 500 d’abonnés. Né en 2020, notamment pendant la pandémie de Covid-19, Bookstagram, véritable phénomène en ligne, rassemble aujourd’hui près de 114 millions de publications sous l’hashtag #bookstagram et près de 2 millions pour #bookstagramfrance. Cette explosion de contenus témoigne de l’enthousiasme croissant des utilisateurs pour le partage de leur passion de la lecture, mais aussi de la manière dont ces échanges virtuels ont acquis une dimension bien plus large que celle d’un simple divertissement personnel. TikTok, l’application la plus téléchargée au monde, comptait, en 2023, 15 millions d’utilisateurs actifs en France, avec le #BookTok cumulant 110 milliards de vues. Cette tendance a permis à une communauté de lecteurs de se retrouver autour de vidéos courtes, où des influenceurs et des auteurs (et des maisons d’éditions) se mettent en scène pour partager leurs avis sur les livres. Comme sur YouTube et Instagram, ce sont majoritairement des femmes qui sont actives, comme @mademoiselle_so_ qui compte plus de 500 000 followers toutes plateformes confondues, @elisebooks et ses 66 400 de followers, mais aussi une poignée d’hommes comme @le_temple_du_manga et ses 1.6 millions d’abonnés. À noter que ces influenceurs littéraires sont présents sur plusieurs réseaux sociaux à la fois, afin d’étendre leur communauté.
Ce phénomène repose sur un modèle particulier de présentation des livres. Les influenceurs créent des vidéos dynamiques longues pour YouTube, et courtes pour Tiktok qui présentent des livres de manière vivante et engageante. Sur Instagram, les créateurs de contenus jouent plutôt sur des posts esthétiques, plus lisses, plus maîtrisés par rapport aux contenus dynamiques proposés auparavant (Coffinet, 2024). Sur TikTok et YouTube, les utilisateurs ne se contentent pas de présenter des livres ; ils y ajoutent souvent des mises en scène créatives, avec des vidéos accompagnées de musique, de déguisements, ou de sélections thématiques. Les Booktokeurs et Booktubeurs vont alors suivre des “trend” : présentation de sa PAL (pile à lire), livres surcotés/sous-cotés, nouveaux achats… Loin des critiques traditionnelles, ils privilégient une approche personnelle plutôt qu’objective (Leveratto, Leontsini, 2008), où leurs émotions sont mises au service du livre. Ces vidéos, souvent réalisées dans leur chambre ou devant leur bibliothèque, sont un véritable spectacle, avec des attitudes et des expressions parfois exagérées (De Leusse, 2017). En ce sens, les influenceurs littéraires maîtrisent parfaitement les codes des réseaux sociaux, mais aussi ceux de leur génération. Aussi, les Booktubeurs n’ont pas à rendre des comptes aux maisons d’édition, ni à se soumettre à une pression commerciale. Ils restent indépendants dans leurs choix de livres, offrant ainsi une critique plus libre et authentique. Il est aussi intéressant de noter que ces influenceurs privilégient souvent la littérature de genre, une littérature plus populaire et parfois moins mise en avant par les critiques traditionnels. Cela répond à un véritable besoin de diversité dans les prescriptions littéraires. L’internaute semble plus réceptif à ces recommandations en ligne qu’à celles des critiques classiques (Julien, 2020). Comme le souligne Divina Frau-Meigs dans son article « Les YouTubeurs : les nouveaux influenceurs ! » (2017), ils donnent leur avis sur les livres qu’ils ont aimés et invitent leurs followers à interagir, à commenter et à participer à cette expérience de lecture collective. Ainsi, le livre devient un outil d’échange et les plateformes sociales, un espace où les goûts et opinions se partagent et s’enrichissent, créant un dialogue constant entre les lecteurs/abonnés (Rogues, 2021).
L’un des premiers effets majeurs de ces réseaux sociaux est leur capacité à influencer les choix de lecture des jeunes générations, qui constituent une grande majorité des utilisateurs. Avec environ 25% des utilisateurs de TikTok âgés de 10 à 19 ans, TikTok s’est imposé comme un relais littéraire incontournable, loin devant Instagram. Cette dynamique a même poussé les librairies à adopter le phénomène en affichant des livres sous l’étiquette “BookTok”, créant ainsi une connexion directe entre les communautés numériques et les points de vente physiques. En 2023, Tiktok était partenaire du Festival du Livre de Paris, ce qui démontre une nouvelle fois l’impact de ce réseau social sur la prescription littéraire (Derdevet, 2023). Autre effet majeur selon le journaliste Antoine Oury : les influenceurs littéraires ont un réel impact sur les ventes de livres. Des titres comme It Ends With Us de Colleen Hoover ont connu des augmentations de ventes spectaculaires, jusqu’à 42.133 % au Canada entre 2019 et 2022, prouvant l’influence considérable de TikTok sur le marché du livre. Les maisons d’édition, conscientes de cet effet viral, ont rapidement intégré TikTok dans leurs stratégies de promotion, en envoyant des services presse et en collaborant avec des créateurs de contenu. Les éditions Robert Laffont vont plus loin en 2023, en organisant un concours à destination des adolescents et jeunes adultes, pour un premier roman (Derdevet, 2023). En effet, ces influenceurs ont l’occasion de partager leurs goûts littéraires tout en participant à une dynamique collective qui les conduit à prendre part à des prix littéraires, tels que ceux organisés par Elle ou France Inter, ce qui renforce leur légitimité en tant qu’influenceurs littéraires. Certains, grâce à leur expertise et popularité, sont même invités à des événements littéraires. Aussi, l’une des évolutions est la création de prix littéraires dédiés à cette communauté, comme le Grand Prix des blogueurs ou le Prix Bookstagram. Ces initiatives illustrent la reconnaissance croissante de l’influence des Bookstagrammeurs dans le monde littéraire et la manière dont cette pratique surpasse les frontières du virtuel, pour s’ancrer dans des événements officiels.

Une présentation à l’écrit : les blogs littéraires
Bien qu’absents de l’étude du CNL, les blogs littéraires ont également leur rôle à jouer. Comme l’explique Brigitte Chapelain, maîtresse de conférences en sciences de l’information et de la communication, les blogs de lecture ou blogs de lecteurs ont émergé au début des années 2000 (2015). Animés par des amateurs ou des professionnels, ces derniers partagent leurs avis sur des livres. Pour aller plus loin, le choix des noms de ces blogs est significatif, illustrant un monde où la littérature domine. Certains titres ou pseudos jouent sur des jeux de mots ou des références littéraires, comme Délivrer des livres ou Petites Madeleines ; d’autres démontrent une relation personnelle à la lecture, comme Mademoiselle Lit. De plus, de nombreux blogs sont associés à un prénom réel ou fictif comme Judith & Sophie, ajoutant une touche d’authenticité et de proximité. À noter également que les blogs de lecture peuvent être solitaires ou collectifs. La forme des articles varie d’un blog à l’autre : certains proposent des comptes-rendus classiques de lectures, sous la forme de fiches (résumé, extrait, avis), tandis que d’autres vont plus loin en analysant les enjeux littéraires, sociologiques ou politiques des œuvres. Il existe aussi des blogs avec une approche plus personnelle et engagée, comme par exemple les blogueurs spécialisés dans un genre, comme Sy Fantasy pour la fantasy, Livresse du noir pour le policier ou Le blog de l’apprenti Otaku pour les mangas, qui offrent une véritable expertise. Le design numérique des blogs a également évolué, avec des interfaces plus ergonomiques et esthétiques, renforçant ainsi la lisibilité et l’attrait visuel de leurs pages, se mettant ainsi au service d’un contenu structuré (titres, résumés, avis, citations, mots-clés et images). Cependant, il existe des dérives. En effet, certains blogs recopient des résumés trouvés sur des plateformes comme Amazon ou la Fnac. Il est donc important de différencier les blogs qui offrent une véritable réflexion sur les livres de ceux qui se limitent à des résumés superficiels, parfois à des fins de référencement ou de promotion.
Les réseaux sociaux de lecteurs
Outre YouTube, Instagram et Tiktok, il existe des réseaux sociaux dont la fonction principale est la prescription littéraire. En effet, ces derniers permettent de créer des « sociabilités numériques » (Compiègne, 2014). Cette fois-ci, aucun influenceur pour donner l’envie de lire, mais bien une communauté de lecteurs et de chroniqueurs assidus. Parmi les plus utilisés, Babelio arrive en tête, avec 2 millions de membres en 2024. Apparu en 2007, ce site web (disponible également au format application) propose à ses membres des actualités littéraires, l’organisation de leur bibliothèque en ligne, l’obtention des informations sur un livre, ou encore le partage et l’échange avec d’autres membres via des avis, des commentaires et des forums (3,8 millions en 2024). Ce système se retrouve également sur le site Booknode, créé en 2008, avec près de 1,2 millions de membres début 2025, Gleeph, apparu en 2019 et avec plus de 750 000 utilisateurs, ainsi que LivrAddict et Lecteurs.com. Il existe également Goodread, une version anglophone. Ils ont tous la même caractéristique principale : ils fonctionnent selon le principe de catalogage social : ainsi, chaque lecteur catalogue ses livres chez lui.
Sur ces réseaux sociaux littéraires, les aspects communautaires et collaboratifs sont essentiels, puisque les internautes sont invités à se créer un compte, à partager leurs impressions, à interagir avec d’autres utilisateurs et à se créer une bibliothèque numérique. Or, Nathalie Deley explique que l’expression « bibliothèque en ligne » est incorrecte, puisqu’il est impossible d’y lire un livre. Il s’agirait plutôt de parler de « liste bibliographique ». Que ce soit sur Gleeph ou encore Booknode, il est possible de faire un véritable rangement, comme sur l’étagère de sa bibliothèque, au moyen de catégories du type « j’ai lu », « dans ma PAL », « diamant », « or », « en train de lire », « pas apprécié », etc., à partir de la couverture du livre. Ainsi, tous les membres ont accès à cette catégorisation, afin de se forger leur opinion sur un livre. Sur Babelio, les lecteurs et chroniqueurs assidus sont mis en avant au sein de la catégorie « découvrir » afin de renforcer une nouvelle fois cet aspect volontaire de faire communauté. De plus, ces réseaux sociaux sont de véritables plateformes collaboratives, qui vont mettre à contribution les lecteurs, puisque ce sont ces derniers qui vont générer du contenu, en mettant une note, un avis ou une citation (Deley, 2019).
Mais les plateformes comme Babelio ou Gleeph.pro (professionnels) se distinguent notamment par leur algorithme de recommandation. En effet, l’algorithme de Gleeph.pro, nommé Fahrenheit, propose des suggestions de lecture à partir des informations recueillies sur les bibliothèques des utilisateurs (site Gleeph.pro). Quant à celui de Babelio, il repose sur le tag, autrement appelé l’étiquetage. En effet, la caractéristique de Babelio est de pouvoir renseigner des livres de sa bibliothèque à partir de mots-clés, donc d’un langage naturel. Ce sont alors ces mots-clés qui sont repris par l’algorithme de recommandation, et qui vont lui servir de guide dans les suggestions de livres qu’il propose. Nous retrouvons ici une démarche collaborative, comme l’explique Nathalie Deley, au travers du « collaborating tagging » : les membres étiquettent pour identifier leurs lectures, ce qui va permettre aux autres d’en profiter. Démonstration de la force de ces plateformes, il existe depuis 2019 le prix Babelio, qui a pour but de récompenser chaque année, dans dix catégories, dix auteurs, à partir des votes des membres de la communauté. Par exemple, le livre d’Hayao Miyazaki, Le voyage de Shuna a été lauréat en 2024 dans la catégorie manga. De même, LivrAddict a son propre prix, récompensant pour l’année 2024 dans la catégorie Jeunesse le tome 1 de Crookhaven : l’école des voleurs, écrit par J.J. Arcanjo. Ce phénomène des réseaux sociaux littéraires prend une telle ampleur que des professionnels du secteur du livre s’en emparent, pour préparer leur liste d’achats ou encore pour construire des activités pédagogiques.

PISTES PÉDAGOGIQUES
À partir des éléments précédents, il est possible de construire des séquences ou des projets pédagogiques, permettant d’encourager la lecture et de développer des compétences numériques.
Acquisition de ressources : des liseuses au CDI
Certains CDI vont se lancer dans l’acquisition de liseuses. C’est notamment le cas du CDI du lycée Émile Roux en Charente qui propose ce service depuis 2016. Le témoignage de la professeure documentaliste, chargée du projet, est disponible sur le Doc’Poitiers. Cinq liseuses, financées par la FCPE sont disponibles au prêt et figurent parmi les documents les plus empruntés. Les raisons avancées de cet achat sont d’abord pédagogiques, afin de démocratiser la lecture, de permettre à tous de se former à la lecture numérique et de lutter, dans une certaine mesure, contre la fracture numérique. Mais ces raisons sont aussi bibliothéconomiques, puisque ces outils permettent de mettre à disposition des usagers un grand nombre d’exemplaires d’un seul livre ou de compléter une série. De plus, un certain nombre de livres a basculé dans le domaine public, ce qui peut représenter un avantage financier pour le CDI. La liseuse a été choisie, a contrario d’un ordinateur ou d’une tablette, car elle peut contenir des dizaines de livres et ne permet que l’activité de lecture. Une charte de prêt des liseuses a été rédigée et doit être signée par les parents et les élèves. Les liseuses sont cataloguées dans le logiciel BCDI. Les livres numériques installés seront traités en parties composantes. Elles sont accompagnées d’un code barre permettant de les identifier et d’une housse de protection. Pour l’achat de livres numériques, la professeure documentaliste explique qu’elle a créé un compte professionnel auprès de la librairie Decitre (en ligne), ce qui lui permet de préparer ses commandes en ligne et de payer par mandat administratif. Les livres sont alors téléchargés via Adobe Digital éditions et envoyés vers la liseuse. Les retours des élèves sont plutôt positifs : ils apprécient la facilité d’utilisation, le confort de lecture, la facilité d’accès aux livres, ainsi que les fonctionnalités proposées (taille des mots ou encore luminosité).
Numook3 : créer un livre numérique
L’association Lecture Jeunesse propose le projet Numook, un projet de création de livre numérique, en expérimentant toutes les phases (édition, conception, publication). Les objectifs de ce projet sont la valorisation de la lecture, l’écriture d’invention des jeunes, le développement des compétences numériques et des capacités créatives associées (graphiques, sonores), ainsi que la consolidation des acquis universels (autonomie, initiative, engagement, respect des opinions des autres). En ce qui concerne la mise en place : une équipe pédagogique interdisciplinaire (enseignants disciplinaires, professeur documentaliste… ) mène les séances sur le temps scolaire (1 séance par semaine, d’1 à 2 h en moyenne), réparties sur les cours et les disciplines de chacun des enseignants participants. Chaque projet est mis en place en partenariat avec la bibliothèque ou une médiathèque locale. Les enseignants bénéficient d’un accompagnement par Lecture Jeunesse : un accès à la revue Lecture Jeune, à des webinaires, à des formations, ou encore à des médiations en ligne… Le projet est payant, mais peut être financé via la part collective du Pass Culture.
Création de booktube : se mettre dans la peau d’un influenceur littéraire
Les élèves vont être amenés à réaliser de courtes vidéos afin de promouvoir un livre. Il est possible de travailler en collaboration avec un professeur de français ou encore un professeur de langues vivantes (plutôt en fin de cycle 4 et lycée). Ce travail peut être réalisé seul ou en binôme. De plus, ils vont devoir se filmer et enregistrer leur voix. Il faut donc faire signer une autorisation de droit à l’image aux parents et aux élèves. Dans le cas où les booktube seraient publiés sur un blog (blog du collège, Esidoc…), il faudrait également prévoir une autorisation de publication à faire signer aux parents et aux élèves4.
Plusieurs séances sont nécessaires à l’élaboration de ces vidéos.
Séance 1 – Se familiariser avec les codes de Booktube : il faut faire définir aux élèves ce qu’est un booktube, leur faire visionner des vidéos de Booktubeurs pour faire émerger les caractéristiques de présentation (titre, auteur, maison d’édition, date de publication, résumé, avis…) et les caractéristiques techniques (plan, décor, son, voix, mise en scène…). En fonction du niveau des élèves, un point pourra être fait sur l’utilisation des sons et images libres de droits.
Séance 2 – Choisir un livre et le lire : en (re)montrant la méthodologie de recherche d’un livre sur Esidoc, les élèves choisissent un livre selon la consigne établie par les enseignants. Une fois choisi, ils liront le livre à la maison. En parallèle, ils complètent une fiche de lecture, qui leur servira de support pour réaliser le booktube. Il faut penser à laisser un certain délai pour que les élèves aient le temps de lire et compléter la fiche, ou pour que les éventuels absents puissent emprunter un livre pour faire le travail.
Séance 3 – Préparer et scénariser son booktube : une fois la fiche de lecture complétée et corrigée, les élèves doivent réaliser un storyboard, afin de préparer la scénarisation. Par la suite, les élèves réaliseront en autonomie ou en classe l’enregistrement de la vidéo.
Séance 4 – Montage de la vidéo : à partir d’un outil de montage vidéo (ex : Canva, Powtoon, Capcut …) les élèves réalisent le montage de leur vidéo. Il est possible de créer un compte classe ou un compte par élève afin de respecter le RGPD. Les enseignants font un tutoriel de l’outil afin que les élèves se l’approprient. Ils commenceront le montage en classe et le finiront à la maison.
Séance 5 – Visionnage en classe : une fois tous les booktube récupérés, la classe visionne l’ensemble des vidéos et les élèves peuvent voter pour le livre qu’ils ont le plus envie de lire.
CONCLUSION
Ainsi, nous avons constaté que les pratiques de lecture des jeunes sont en évolution. Ces derniers utilisent des terminaux et des applications variés, témoignant de l’immensité de l’offre désormais disponible et accessible pour les lecteurs. La culture de l’écran modifie alors profondément notre relation à la lecture, qui devient moins un acte solitaire, plutôt une expérience collective, à plusieurs niveaux (Julien, 2020). En effet, le livre s’inscrit dans une dimension de médiation collective, avec l’intervention d’un tiers entre l’auteur et le lecteur (Sapiro, 2014). Cette dimension collective va également permettre au lecteur de consulter les avis littéraires d’autres internautes et lecteurs, afin de réduire son incertitude quant à la qualité d’un livre (Gensollen, 2006). C’est ainsi que se développe une intelligence collective. Le lecteur devient acteur d’une communauté en ligne, via des médias ou réseaux sociaux : des communautés « d’apprentissage, de jugement et d’audience » (Flichy, 2010) se forment, voire des « partages d’expériences » (Gensollen, 2006). Les blogs, influenceurs littéraires et réseaux sociaux de lecteurs, vont permettre de construire un espace d’échange de données, qui participe à l’enrichissement d’un patrimoine collectif et va créer un processus de prescription, notamment auprès des jeunes générations, mais aussi une démocratisation de la lecture. Les jeunes utilisent donc des canaux « officiels » pour accéder à une lecture numérique, parfois payante. Cependant, certains vont employer d’autres stratégies pour lire le dernier livre à la mode, ou une série manga qu’ils ne trouvent ni chez eux, ni aux CDI, ou tout simplement par soucis de budget, en naviguant sur des sites de scan5, ou encore, en téléchargeant illégalement des livres numériques via certaines applications, comme Pearltrees, sur laquelle il est possible de trouver un fichier numérique du livre papier, et ce, gratuitement, et de l’envoyer vers une application type IBooks. Effectivement, le téléchargement illégal de livres numériques représente un défi économique majeur pour l’industrie du livre. En diffusant des millions d’ouvrages sans l’autorisation des auteurs et éditeurs, ces plateformes causent de grandes pertes financières, puisque ces acteurs ne sont pas rémunérés pour leur travail. En septembre 2024, le journal Le Monde expliquait que le tribunal judiciaire de Paris avait ordonné le blocage de centaines de noms de domaine liés au site Z-Library, soulignant l’ampleur du préjudice subi par le secteur. Notre rôle est alors de sensibiliser les élèves à la chaîne du livre, afin qu’ils en saisissent les enjeux économiques.




























