Dans le contexte du web participatif, de nouvelles formes de publication se sont développées, elles sont à l’origine d’un renouveau des pratiques d’écriture en ligne. Chacun, amateur ou expert, peut facilement devenir producteur de contenus, créer et publier ses propres productions médiatiques : rédiger des billets pour son blog, poster articles et messages sur les réseaux, contribuer à une définition wiki ou plus simplement échanger autour de contenus produits par d’autres. Ceci, dans une intention de communication, préoccupée de mise en visibilité, de participation, et/ou de partage de savoirs.
Ces questions sont au cœur de ce nouveau numéro d’Inter CDI qui étudie – et interroge – les formes, les codes et les langages que ces productions médiatiques mobilisent, individuellement ou collectivement, compte tenu des régimes de participation dans lesquels elles s’inscrivent.

Contribuer à l’encyclopédie collaborative Wikipédia, où « le pouvoir d’écriture est distribué » entre contributeurs volontaires (pas forcément experts), implique, comme le met en évidence Gilles Sahut, de suivre certaines règles formelles, qui visent à réguler le processus de publication et garantir un niveau de qualité aux articles. Deux règles rédactionnelles, au fondement de la politique éditoriale de Wikipédia, sont étudiées dans l’article : la neutralité de point de vue et la citation des sources ; elles constituent des cadres de négociation pour trancher d’éventuels désaccords entre contributeurs, en cas de sujets controversés notamment. En référence aux « politiques de vérité » de Michel Foucault, l’auteur distingue six régimes épistémiques qui fonctionnent comme une grille d’analyse des désaccords éditoriaux ; ils correspondent à autant de rapports à la vérité et de conceptions de la validité, dans Wikipédia, et même au-delà. Ce qui est une invitation à faire de la question complexe du « vrai » un objet de réflexion à part entière dans le cadre d’une éducation critique à l’information et aux médias.
C’est à une autre communauté de savoir, la blogo-sphère infodoc, que s’intéresse Victoria Pfeffer-Meyer, et plus particulièrement aux récits-témoignages de six professeurs documentalistes : des productions créatives qui réinventent des rhétoriques et développent des formes nouvelles de rapport au savoir. Le processus d’écriture est multimodal, interactif, et réflexif ; le média blog sert à communiquer avec les pairs et à prendre du recul sur sa pratique. Et si les discours font une large place à l’introspection, ils sont également l’occasion de produire et de partager des savoirs, à partir de l’expérience personnelle, et de créer des réseaux de savoirs et d’acteurs. À l’occasion, ils donnent aussi à voir des situations originales (deux exemples sont donnés) : débordant de l’info-documentaire au sens strict, et mettant à profit centres d’intérêt (yoga, méditation) ou pratique personnelle (allaitement sur le lieu de travail) pour créer ou approfondir des savoirs qui, partagés, constituent des ressources pour la communauté.
Avec les résultats de l’enquête réalisée via les listes de diffusion nationale et académique par Kaltoum Mahmoudi et Emilie Dooghe, un autre type de savoir professionnel est partagé, relatif à la mise en application du décret sur les ORS dans les établissements. Derrière les mots retenus par les professeurs documentalistes pour parler des obstacles, des bricolages ou des renoncements opérés, c’est de rapports singuliers à la fonction enseignante que témoignent les discours. Le texte du décret se révèle ambigu et diversement interprétable, ce qui ne peut qu’interroger.

Au-delà de ces trois articles, de nombreuses pistes de lecture sont proposées, sur des sujets variés (condition noire, changement climatique, pratique de l’oral, nouveautés éditoriales), dans d’autres formes médiatiques, qui élargissent la focale, ouvrant sur divers savoirs à explorer.