Le prix Nénuphar de l’album jeunesse est né en mai 2014 de la volonté de trois professeures documentalistes de collège. Toujours à la recherche de lectures à faire découvrir aux jeunes, nous nous retrouvions de plus en plus souvent à feuilleter des livres dans le rayon album de notre librairie jeunesse, chaque fois enthousiasmées par l’imagination et le talent des auteurs-illustrateurs. Le nom du prix est le fruit d’une rencontre : une librairie spécialisée en littérature de jeunesse et sa libraire. Son logo, une grenouille, nous a inspiré ce nom : le prix Nénuphar était né.

Objectifs

Très attaché au développement du goût de la lecture chez les jeunes, notre trio cherche inlassablement les moyens d’inciter les jeunes les plus éloignés du livre à se laisser séduire par une histoire, l’album offrant une alternative intéressante. Texte littéraire et illustrations intimement liés pour narrer une histoire apportent aux lecteurs un regard, une expérience, une interprétation du monde. Et chaque année, la production éditoriale s’enrichit d’albums novateurs, étonnants, poétiques et pleins d’humour. Cela nous permet d’offrir une sélection toujours plus surprenante.


Plusieurs volontés sont à l’origine de cette création. La première est de montrer que l’album n’est pas seulement réservé aux plus jeunes. Combien d’albums aujourd’hui sont intergénérationnels ! Nous voulons ainsi valoriser les albums à destination des enfants de 10 à 13 ans. La grande majorité des élèves inscrits couvre les classes allant du CM2 à la 5e. Une autre volonté est de proposer aux élèves des livres de qualité, tant d’un point de vue littéraire que graphique, afin de développer chez chacun le goût de la découverte et de la lecture. Ensuite, ce prix, en associant différents partenaires (professeurs des écoles, professeurs de collège, professeurs documentalistes, médiateurs du livre et libraires), doit faciliter un travail collaboratif, notamment dans le cadre de la liaison école-collège. Enfin, il veut aussi inscrire l’album en tant qu’objet-livre et œuvre de littérature auprès d’un public de jeunes.
Nous sommes trois professeures documentalistes de l’agglomération dunkerquoise et avions toutes les trois l’envie de travailler ensemble tout en sortant des sentiers battus. Nous exerçons dans des établissements publics et privés, donc loin des querelles institutionnelles, et nous sommes persuadées que le travail en équipe décuple les idées et la motivation. Si le sempiternel défi-lecture présente certes un intérêt non négligeable, c’est le fait de proposer de travailler autrement autour d’un support peu exploité en collège, en l’occurrence l’album, qui est notre moteur ! Sa dimension artistique induit des pratiques innovantes, entre autres autour de l’illustration.
Le prix Nénuphar a ainsi débuté doucement la première année avec 1 600 inscrits dans deux académies, puis 2 900 inscrits dans douze académies. Pour cette 3e année, 3 700 élèves participent, nous comptons treize académies et deux établissements français à l’étranger (Stockholm et Tokyo).

La sélection

Dès septembre, nous partons en repérage pour la sélection de l’année suivante et nous nous lançons dans la lecture d’albums fraîchement édités.
Huit mois plus tard et une cinquantaine d’albums lus, le comité de sélection, qui rassemble deux libraires, une étudiante en HSI (Humanités et Sciences de l’Information) et nous-mêmes, choisit six albums.
Nos critères de sélection sont les qualités littéraires et graphiques de l’album. Les coups de cœur partagés et la possibilité d’une éventuelle exploitation pédagogique nous permettent parfois de faire le choix entre deux albums.
Nous varions les plaisirs : styles, thèmes, techniques d’illustrations et tentons de privilégier des maisons d’édition moins connues. La sélection est dévoilée courant mai. Cela laisse ainsi du temps aux équipes éducatives d’en prendre connaissance, de s’en imprégner et d’avoir une réflexion autour des exploitations pédagogiques possibles (voir ci-contre Sélection du prix Nénuphar 2016-2017).
De notre côté, nous établissons toutes les trois les premières pistes de travail que nous mettons en ligne sur le site du prix. Nous envisageons de faire également ce travail avec des collègues documentalistes lors d’une prochaine réunion de district. L’apport de nos collègues de disciplines est très important, car ils nous ouvrent de nouvelles perspectives. Citons par exemple ce professeur d’éducation musicale qui, autour de l’album Os court !, a proposé aux élèves La Danse macabre de Saint-Saëns.

Le vote

En septembre, le prix est lancé. Chaque classe ou structure inscrite (SEGPA, classe ULIS, club lecture…) va lire et travailler autour des albums tout au long de l’année scolaire. Avant la fin du mois de mai, chaque élève vote pour son album préféré. L’album qui a obtenu le plus de voix est le lauréat du prix Nénuphar. Un trophée est remis à ou aux auteurs-illustrateurs.
La première édition a couronné Le Pompier de Lilliputia de Fred Bernard et François Roca (Éditions Albin Michel). L’année dernière, pour sa seconde édition, le trophée est revenu à l’auteur-illustrateur allemand Torben Kuhlmann, pour La Fabuleuse Aventure d’une souris volante (Éditions Nord-Sud).

La pédagogie

Le prix s’inscrit dans les missions définies dans la circulaire du 30 mars 2017. En effet, il est précisé que le professeur documentaliste développe une politique de lecture avec les autres professeurs, met en œuvre et participe à des projets qui stimulent la lecture.

C’est également le moyen d’aborder la recherche documentaire de façon différente : une lecture loisir peut, elle aussi, révéler un univers inconnu, des découvertes. Elle peut donner aux jeunes l’envie d’aller plus loin, de creuser un sujet, voire de résoudre une énigme.
Après une première année à tester le processus et motiver les collègues de disciplines afin qu’ils y trouvent matière à enseigner différemment, la deuxième édition a convaincu nombre d’entre eux. Un travail interdisciplinaire s’installe dans nos établissements respectifs. La mise en place des EPI a permis parfois de développer et formaliser ces expériences. Ainsi un EPI en 5e « prix Nénuphar » a été mis en place au collège Arthur Van Hecke de Dunkerque.
Alors que Le Héros et Le Corbeau et le fromage ont fait l’objet d’une lecture en cours de Français et d’ateliers d’écriture, Toc Toc Toc. Papa où es-tu ? a été travaillé avec le professeur d’Éducation musicale. Cet album, d’abord publié aux États-Unis, a été écrit après la rédaction d’un slam dans lequel l’auteur, Daniel Beaty, raconte un moment de son enfance. Après une diffusion en classe de la vidéo sur YouTube, les élèves ont écrit leur propre refrain et enregistré leur composition en salle pupitre grâce au logiciel Audacity.
En SVT, l’alimentation des végétaux, les coupes des feuilles et des tiges microscopiques ont permis l’approche de Moabi, tandis que le professeur de Technologie exploitait, grâce à l’album, la technique de la construction d’habitats en bois.
Os court ! et Attends Miyuki ont permis un travail en EMC autour de la pensée critique et l’apprentissage des élèves à penser par eux-mêmes et avec les autres.
Concernant la sélection de cette année, le collège Guilleminot de Dunkerque s’est notamment attaché à travailler avec tous les élèves de 6e, la lecture collective à haute voix impliquant ainsi des travaux de groupe sur l’expression orale et l’articulation. Cet entraînement sur le long terme suscite beaucoup d’engouement auprès des élèves. Dominique Descamps, auteure-illustratrice du Corbeau et le fromage, a qualifié leurs prestations de cadeau lors de sa venue au collège. Elle a présenté l’original, véritable livre d’artiste, expliqué son travail et proposé un atelier gravure sur plaque de linoléum, technique utilisée dans son album.
Au collège Notre Dame de Wormhout, l’album Os court ! a été exploité pendant la Semaine de la Presse avec un travail de réalisation de Une de journal inspiré par une illustration du livre. De son côté, la professeure de SVT s’est emparée des deux albums Moabi et Attends Miyuki pour travailler d’un côté sur l’homme et le bois et de l’autre sur l’éclosion de la fleur, la consigne étant pour chaque élève d’élaborer une page « encyclopédique » sur le sujet.
Des compétences inhérentes à l’EMI trouvent ainsi leur place dans les activités proposées aux élèves : maîtrise d’un logiciel de recherche documentaire, des différentes étapes de la recherche, développement d’un esprit critique, de l’argumentation, de l’écriture créative…

Partenariats

Le prix Nénuphar ne peut exister sans les nombreux partenariats établis, car ce prix ne se vit pas qu’à l’intérieur des établissements scolaires. Pour chaque titre, un atelier est proposé hors temps scolaire et à un public volontaire.
Depuis sa création, la ville de Dunkerque a soutenu le projet en apportant une aide financière. Nous avons répondu à des appels à projets qui ont fait écho aux orientations de la politique culturelle de la ville. Ces financements ont permis une communication plus professionnelle : affiches, site internet, marque-pages. C’est aussi la possibilité d’organiser la venue d’auteurs dans des établissements scolaires et des bibliothèques. Antoine Guilloppé fut ainsi le premier d’entre eux venu à la rencontre des jeunes Dunkerquois qui avaient lu l’album Little man.


Un programme européen intitulé Global Schools, des classes ouvertes sur le monde, porté par la ville de Dunkerque, a permis d’inviter Mickaël El Fathi et Pierre Cornuel, respectivement auteurs-illustrateurs des albums Moabi et Le Héros. Ces derniers ont animé des ateliers en classes d’école élémentaire et en bibliothèques. Autre partenaire également et pas des moindres, le réseau des bibliothèques nous accompagne dans la construction d’ateliers en prêtant des espaces, en accueillant et en finançant partiellement ces rencontres : atelier d’origami autour de l’album Attends Miyuki, atelier Slam autour de Toc Toc Toc. Papa où es-tu ?
Le cinéma d’art et essai Studio 43 a participé au projet en offrant la possibilité de créer un mini-film d’animation exploitant ainsi l’album Os court ! La librairie La Mare aux diables de Dunkerque fait également complètement partie de l’aventure en nous faisant des propositions et en mettant à disposition les albums. Les auteurs sont aussi allés à la rencontre des lecteurs en librairie grâce à des séances de dédicaces dans cette librairie partenaire, cette dernière assurant le financement du transport. Des lieux culturels comme La Halle aux sucres et son Learning Center ont été le cadre d’ateliers gravure animés par l’artiste-graveur Benjamin Bassimon (album Le Corbeau et le fromage). En variant les lieux d’accueil dans différentes structures (citons aussi le théâtre Le Bateau Feu) nous amenons les jeunes à connaître le territoire dunkerquois et son offre culturelle.

Difficultés rencontrées

Bien que nous ayons reçu des subventions et des aides, celles-ci sont restées insuffisantes et ne sont pas pérennes dans le temps. La communication a un coût que les seules adhésions à l’association ne peuvent couvrir : l’hébergement du site internet implique un paiement annuel, les affiches nécessitent les services d’un graphiste et d’un imprimeur. Pour la quatrième édition du prix (2017-2018), nous encouragerons fortement les établissements qui s’inscrivent à adhérer à notre association. La question de l’inscription payante au prix Nénuphar se pose encore sans qu’aucune décision n’ait été prise à ce jour.
Un autre problème rencontré est celui du coût des albums (limité certes à 100 € environ la série) qui peut poser problème à certains établissements qui voient leur budget pédagogique réduit. Il nécessite de répondre à des appels à projets émanant notamment des collectivités territoriales. Des accords peuvent cependant être trouvés avec des bibliothèques qui mettent les livres à disposition des écoles ou des collèges.

Le site, la page Facebook et l’association

Dès la première édition, il nous a paru évident de partager cette idée de prix avec d’autres établissements que les nôtres. Il fallait donc en parler, se faire connaître et mettre en place une vraie communication digne de ce nom… ce prix auquel nous sommes attachées se devait de dépasser les frontières de l’agglomération dunkerquoise. En faire profiter le plus grand nombre a été rapidement notre premier objectif. Sophie, professeure documentaliste devenue webmaster, a conçu et réalisé le site (www.prixnenuphar.fr) qui présente le prix et notre équipe, définit les modalités de participation, donne un éclairage sur la sélection, les auteurs et illustrateurs de l’année (des interviews réalisées par nos soins sont mises en ligne). Le site établit également le calendrier et offre des documents à télécharger (bulletins de vote, macarons, plaquette de présentation). À nos yeux, son point fort est de proposer de nombreuses ressources et pistes de travail ; c’est un outil que l’on veut collaboratif et qui relie des passeurs de livres pour mieux mutualiser travaux et expériences. C’est pourquoi nous encourageons les professionnels qui inscrivent leurs classes à partager avec nous documents de travail et expériences.
La page Facebook est un deuxième vecteur d’informations. C’est le lieu des partages de ce qui a été fait autour des albums dans les classes, les structures ou les clubs inscrits. Un peu timide au départ, car il n’est pas toujours aisé de montrer ce que l’on a fait, les échanges se multiplient lors de cette troisième édition.
Nous avions également besoin d’un cadre administratif et c’est ainsi que l’association a vu le jour en décembre 2014 afin de pérenniser ce prix littéraire.