A l’heure des multiples atermoiements et coupes sèches autour de la Loi Climat et Résilience, il est grand temps pour nous d’inventer, à notre échelle, de nouvelles manières d’apprendre, qui permettront d’éduquer aux choix environnementaux, et renouvelleront les modes d’actions pédagogiques pour donner un sens écologique global à nos démarches.
Pourquoi le professeur-documentaliste est-il appelé à avoir un rôle déterminant sur ce sujet ?
Parce que le thème des changements climatiques, qui s’apparente sur certains aspects aux questions socialement vives (QSV), interroge notre rapport à la vérité et à l’évolution des connaissances scientifiques sans lesquelles le savoir ne peut se construire. « Science sans confiance n’est que ruine médiatique » nous dit l’exposition Histoires de fausses nouvelles de la BnF. L’enjeu informationnel est posé : comprendre la complexité de la question et s’informer avec clairvoyance et esprit critique sont déjà des manières d’agir pour la préservation de la planète. Ainsi « l’être au monde informationnel » proposé ici par Anne Lehmans repose sur une culture de l’information qui modélise controverses et incertitudes tout en mettant en œuvre un CDI « soutenable », dans ses dimensions bibliothéconomique, documentaire et culturelle.
Parce que nous sommes à la croisée de toutes les disciplines, et que la « littératie climatique » s’appuie sur cette transversalité complexe, à l’image de la difficulté à classer les documents traitant du développement durable. Que ce soit dans l’article de Laure Pillot ou dans celui d’Alain Devalpo sur Globe Reporters Environnement, les CDI sont présentés avec force comme des lieux de convergence de l’EMI et de l’EDD. La lutte contre les idées climato-sceptiques y prend corps dans la pratique de l’enquête journalistique, de la revue de presse ou du débat argumenté, et l’on peut utiliser dans cette optique la compilation des ressources présentées dans l’Ouverture Culturelle. La fiction peut également être un vecteur de cette prise de conscience : le Thèmalire sur les dystopies climatiques de Sophie Dremeau en est un bon exemple.
Parce que nous sommes les moteurs d’une pédagogie de projet qui passe par une éducation en actions. Prendre conscience des enjeux de l’Anthropocène en adaptant les enseignements, voilà ce à quoi nous incite Valérie Schacher dans sa Tribune. En témoignent les initiatives présentées par Louise Daubigny, d’une pâte à tartiner « maison » à l’organisation d’un forum associatif autour du développement durable, les séances détaillées par France-Claire Brouillard autour de la valorisation des déchets et de l’empreinte écologique des vêtements, ou encore la séquence pédagogique sur la pollution numérique réalisée par Florence Michet. L’agrégation de petits gestes, certes insuffisante, peut néanmoins permettre à chacun de prendre sa part. C’est le sens aussi de la fiche pratique que nous vous proposons pour « verdir » la gestion et l’aménagement du CDI.
Parce que nous sommes responsables d’un lieu de vie, de culture et de savoirs, central dans l’établissement, que nous pouvons agencer et remodeler avec une relative liberté. Nous sommes au cœur des expérimentations pédagogiques et de l’engagement participatif, comme le montrent tout d’abord Raphaëlle Bats et Mathilde Gaffet, en ce qui concerne le monde des bibliothèques publiques dont les propositions sont inspirantes. Bénédicte Langlois décline ensuite les dimensions nature et culture d’une grainothèque originale. Enfin Nora Nagi-Amelin, grâce à son Jardin du rêve et du savoir, déplace le CDI hors les murs et nous donne la bouffée d’oxygène et d’espérance dont nous avons tant besoin.
« Marcher dans la Nature, c’est comme se trouver dans une immense bibliothèque où chaque livre ne contiendrait que des phrases essentielles » affirme Christian Bobin (La lumière du monde, 2001). Prenons-le au pied de la lettre et mettons-nous en action dans et pour la Nature. Cultivons nos jardins intérieurs et partagés en nous retroussant les manches et en innovant, comme nous savons si bien le faire !