Entretien avec Martine Sin Blima-Barru, Gabrielle Grosclaude et Ratiba Kheniche, par Claudine Chassaniol

Parallèlement au procès des attentats de 2015 dont le déroulement et le filmage sont en cours, les Archives nationales présentent une exposition consacrée à la captation des procès : Filmer les procès, un enjeu social. Nous avons échangé autour des questions juridiques, historiques, pédagogiques liées à ce type de filmage avec Martine Sin Blima-Barru, commissaire de l’exposition et responsable du département de l’Archivage électronique et des archives audiovisuelles aux Archives nationales, Gabrielle Grosclaude du service éducatif et Ratiba Kheniche du service communication. Pour réaliser cette exposition, trois institutions se sont associées : l’Institut d’histoire du temps présent, les Archives nationales ainsi que le Mémorial de la Shoah. Archivistes, historiens - dont Christian Delage, commissaire de l’exposition avec Martine Sin Blima-Barru -, réalisateurs ont donc travaillé ensemble pour permettre au plus grand nombre de découvrir ces archives audiovisuelles relativement méconnues mais d’une importance historique et mémorielle capitale.

Filmer les procès, un enjeu social
Exposition audiovisuelle des Archives historiques de la Justice, de Nuremberg au Rwanda
Paris – Pierrefitte-sur-Seine, 15 octobre 2020 – 14 mai 2021

Ces archives sont pour l’histoire mais également pour chaque citoyen. En effet, notre connaissance de la justice s’arrête souvent aux marches du palais devant les avocats qui parlent, à l’iconographie judiciaire qui existe depuis très longtemps, aux comptes rendus des médias, elle se limite à ses commentaires. Il s’agit donc de montrer une autre image des procès. L’exposition donne au public l’occasion de voir, souvent pour la première fois, des extraits de ce qui se passe à l’intérieur du tribunal pour tenter de se faire sa propre idée de la justice en confrontant les sources médiatiques, cinématographiques et archivistiques. Le but est de mettre à disposition de tous les publics ces captations de procès pour que chacun puisse s’en saisir car elles sont les garantes de nos valeurs citoyennes et de la construction de notre nation. Voici quelques-unes des intentions de cette exposition qui devraient nous inciter à emmener les élèves découvrir ces images rares de la justice.

Les Archives nationales sont réparties sur deux lieux : Paris et Pierrefitte-sur-Seine. Pour quelle raison ?

Les Archives nationales sont une création de la Révolution Française. Napoléon premier en installe le siège rue des Francs-Bourgeois à Paris au sein de l’hôtel de Soubise.
À partir des années 1980, les archives sont réparties sur deux sites : à Paris sont conservées les archives jusqu’à la Cinquième République, à Fontainebleau les archives plus récentes.
Dès les années 2000, un constat d’’exiguïté et d’inadéquation des locaux est fait. Les archives de Fontainebleau et une partie de celles de Paris sont ainsi transférées à Pierrefitte-sur-Seine en 2012 sur un troisième site qui est alors inauguré. Une répartition des fonds et une réorganisation des services sont effectuées.
De nos jours, le site de Paris conserve les archives de l’Ancien Régime et les minutes des notaires parisiens. Le site de Pierrefitte conserve les fonds depuis la Révolution française jusqu’à aujourd’hui ainsi que les fonds d’archives privées : dons, dépôts d’acteurs de la vie politique ou culturelle (Fontainebleau ayant fermé au public définitivement en 2017 entraînant le transfert des archives sur le site de Pierrefitte-sur-Seine).

Quelles sont les modalités de consultation des archives ?

De façon générale, la consultation des archives est régie par le Code du patrimoine – livre II, lequel précise les modalités de consultation en fonction des typologies de documents ou de la nature de ces documents. Le principe du libre accès est posé mais il y a un certain nombre de restrictions. Cependant, de nombreux documents sont numérisés et consultables directement sur le site des Archives nationales sans nécessité de créer un compte lecteur. La consultation sur place est gratuite, ouverte à tous à condition de s’inscrire auparavant.

Qu’en est-il de l’accès aux archives audiovisuelles des procès ?

Le régime est un peu particulier et constitue une exception au sein du Code du patrimoine par rapport au régime général des archives. En effet, le livre II de ce Code est constitué de deux parties : le régime général des archives est décrit dans le titre 1, le titre 2, quant à lui, concerne uniquement les archives audiovisuelles de la justice.
Dans ce cas précis, Il importe de bien distinguer la consultation (visionnage simple) de l’usage (réutilisation).
La consultation est possible uniquement à des fins de recherches historiques et scientifiques, dès la fin du procès et dès lors que toutes les voies de recours sont épuisées.
Par contre, pour la réutilisation ( publication, diffusion, présentation publique), il y a une restriction de 50 ans à la date de la fin du procès qui peut être individuellement levée en rédigeant un rapport qui décrit le projet de réutilisation et en présentant une demande sur requête auprès du président du Tribunal judiciaire de Paris. C’est une procédure complexe et longue qui ne peut être faite que par un avocat mais la plupart des requêtes ont abouti à une réponse positive.
Jusqu’à présent, les procès les plus demandés concernent la Seconde Guerre mondiale et le procès des quatorze militaires accusés d’avoir fait disparaître quatre Franco-Chilien durant la dictature chilienne1.

© Archives Nationales, BB/30/AV, Archives audiovisuelles de la Justice, procès Maurice Papon (1997-1998)

Pourquoi une telle contrainte ?

Il s’agit d’assurer la protection des intérêts individuels – intimité, vie privée – des personnes, témoins, parties civiles y compris les accusés. Il faut également protéger le cours de la justice : lui permettre de se dérouler dans le cadre d’une parole libre. Ainsi, les procès aux Assises reposent uniquement sur l’oralité des débats, rien n’est écrit : rien ne doit empêcher la parole des différents acteurs du procès. Enfin, des questions de sûreté de l’État peuvent expliquer l’inaccessibilité de certaines archives.

L’exposition est divisée en deux parties, l’une à Paris, l’autre à Pierrefitte ? Pouvez-vous préciser ce qui est visible sur chaque site ?

À Paris sont présentés deux montages thématiques explicatifs, à savoir la constitution des archives qui donne à voir autant l’acte judiciaire que l’affaire en elle-même. Les montages saisissent ce qu’il y a de particulier dans le déroulement d’un procès, ses acteurs, des informations sur l’évolution des techniques de captation des procès et ce que cette évolution montre de différent ou de similaire.
À cela, s’ajoute une programmation de projections de documentaires réalisés soit à partir des archives des procès, soit pour illustrer un propos particulier. On peut citer Eichmann, un procès d’Annette Wieviorka, Le Procès Pinochet de Sarah Pick et Fabien Lacoudre. L’objectif est de montrer l’usage que l’on peut faire de ces procès et de confronter le visiteur à sa propre perception d’un procès et comment cette réalité est retravaillée et peut être restituée différemment par un réalisateur.

À Pierrefitte sont présentés six extraits de procès conservés aux Archives nationales d’une durée d’environ 20/30 minutes ainsi que les deux premiers procès historiques qui n’ont pas été filmés en France (Eichmann à Jérusalem en 1961 et le procès des dignitaires nazis à Nuremberg en 1946). Concernant les procès Eichmann et Nuremberg, l’intérêt réside dans le fait qu’ils ont été tournés sans aucun encadrement législatif, avec une grande liberté de réalisation alors que la France n’autorise le filmage des procès qu’à partir de la loi du 11 juillet 19852, initiée par Robert Badinter alors garde des sceaux et ministre de la Justice, mais avec une réglementation très précise, laissant peu de marge de manœuvre au réalisateur.

Malgré la stricte réglementation française de la captation des procès, les réalisateurs disposent-ils d’une marge de mise en scène ?

Non, le filmage est totalement contraint par l’encadrement qui se trouve dans le Code du patrimoine même. Plusieurs caméras fixes sont placées dans le tribunal : chaque caméra filme en continu un plan fixe et unique. Il s’agit de suivre la parole, on ne filme que la personne qui parle, ce qui signifie qu’on ne voit pas les réactions des jurés, des avocats, du public ou encore du président du tribunal. La caméra doit être fixe de telle sorte que sa présence ne nuise pas au déroulement de la justice. Le mixage est fait en direct par un opérateur en régie, il n’y a pas de montage, les rushs ne sont pas conservés. L’enregistrement est mis sous scellé chaque soir avant son versement final aux Archives nationales. Cette réglementation très stricte visait, dans l’esprit de la loi, à rendre la captation la plus objective possible.

© Archives Nationales, 20180562, Archives audiovisuelles de la Justice, procès appel Ngenzi-Barahira (2018)

Mais filmer de cette manière, est-ce vraiment objectif ?

Jusqu’en 2017, ces archives intéressaient principalement les réalisateurs, lesquels ne faisaient aucun retour sur la manière de filmer les procès. À partir de 2017, les chercheurs, historiens, sociologues, entre autres, se penchent sur ces captations et commencent à émettre un discours critique sur ces archives dont ils reconnaissent la grande richesse tout en constatant également que le mode de filmage reflète la seule vision que la justice a sur elle-même. Ils notent que cette façon de filmer élude le contexte du procès et empêche de voir toute réaction des différents acteurs. Ils alertent alors les services des Archives nationales et proposent, sans sortir du cadre réglementaire, d’introduire un peu plus de liberté dans la réalisation : utiliser le champ-contrechamp, jouer sur des plans différents pour introduire le contexte.
Dès lors, des discussions s’engagent avec le ministère de la Justice. Durant le filmage du procès en appel pour crime de génocide des Tutsi au Rwanda3, de légers changements ont été permis lors de la captation en raison de la grande capacité d’écoute de la présidente du tribunal mais les modifications sont quasi imperceptibles. Néanmoins, cela a permis d’enclencher le débat avec le ministère de la Justice et de pouvoir en discuter avec le président d’audience, lequel décide en dernier ressort de ce qui sera filmé ou pas.

Et pour le procès des attentats terroristes de janvier 2015 ?

Pour ce procès, le mode de filmage a réellement évolué. Le réalisateur a désormais un peu plus de liberté : il peut réaliser des champs-contrechamps, chacune des cinq caméras de la salle d’audience peut tourner trois types de plans (serré, moyen, large), ce qui représente quinze plans simultanément qui sont mixés en direct. Le procès a lieu dans la plus grande salle du palais de justice et est retransmis dans trois autres salles du palais où se répartissent, en fonction de l’affluence, les avocats de la partie civile et les journalistes, ainsi que dans l’auditorium qui permet de voir les archives audiovisuelles de la justice en train d’être constituées. Sans que la captation soit trop mobile, on passe d’un film très linéaire – une juxtaposition d’images – à un vrai choix possible pour les opérateurs. Par contre, toujours pas de montage ou de rush et mise sous scellé chaque soir de l’enregistrement.

“Filmer ces procès est en effet un acte qui renforce la transparence des débats”, filmer ne peut-il également perturber la transparence des débats ou encore générer des attitudes et comportements brouillant la transparence ?

Les caméras sont placées de telle sorte qu’on ne les voit pas et que l’on n’y prête pas attention. Les acteurs du procès sont informés de l’enregistrement. La présence de la caméra a peu d’influence sur les comportements car les enjeux dépassent leur présence.

À partir de 1985, comment, pourquoi et par qui sont choisis les procès qui seront filmés ?

Plusieurs personnes peuvent demander l’enregistrement du procès : la cour, le ministère public (procureurs et avocats généraux), les parties civiles. Le président de la cour d’appel de Paris prend la décision de l’enregistrement.
Concernant les crimes contre l’humanité et le terrorisme, si le ministère public formule une demande en ce sens, le procès est de droit filmé. Dans tous les cas, la défense et les accusés ne peuvent s’y opposer.
Par contre, les témoins, dans le cadre de la protection des personnes, peuvent obtenir des aménagements, par exemple, apparaître derrière une persienne avec une voix déformée4.

© Archives Nationales, BB/30/AV, Archives audiovisuelles de la Justice, procès Paul Touvier (1994)

Et si les accusés ne sont pas condamnés ?

À la différence de tous les autres procès filmés dont l’issue laissait peu de place au doute quant à la condamnation des accusés, le procès des attentats de 2015 est un peu particulier car les onze personnes qui comparaissent ne sont pas celles qui ont exécuté les actes de terrorisme mais leurs complices, à des niveaux différents de complicité. Dix sont répartis dans deux box en verre, le onzième est sur un strapontin, assis devant les avocats de la défense car il est en liberté surveillée. Dans ce cas, on voit bien qu’on ne connaît pas l’issue du procès.

Comment choisit-on ce qu’on va filmer ?

À l’origine, Robert Badinter souhaitait filmer tout type de procès, aussi bien la justice administrative que les instances juridiques. Aucune hiérarchie n’était envisagée dans les types de cours ou d’affaires.
Il s’agissait d’être représentatif de ce qu’est la justice ordinaire, de rendre compte pour l’histoire de ce qu’est le travail de la justice et non pas constituer des archives sur des procès historiques.
Or, en 1982, Klaus Barbie est arrêté en France, ce qui fait que le premier procès filmé a été un procès hors norme : il a lieu dans la cour d’assise du Rhône avec un retentissement considérable. Cela a peut-être eu une influence sur les choix futurs centrés sur des procès à caractère exceptionnel mais ce n’était pas du tout le choix de départ. Il n’était pas question de faire Nuremberg et Eichmann et finalement on a fait que Nuremberg et Eichmann car les procès retenus par la suite sont tous des procès exceptionnels : les trois procès de la Seconde Guerre mondiale, le scandale sanitaire du sang contaminé, le scandale industriel AZF, le Rwanda, le terrorisme.

Comment sont conservés les films ?

Les premiers procès (Barbie, Touvier, Papon) étaient conservés au format analogique. Depuis ils ont été numérisés.
Les autres procès sont enregistrés sur support numérique et stockés sur serveurs dans des Datacenters de l’État et sur des supports froids : les bandes magnétiques LTO en plusieurs exemplaires sur des sites distants.

L’exposition ne présente que des extraits de ces films, ce qui paraît cohérent au regard du public visé, soit tout public. Pourquoi ne pas offrir un accès à la totalité de chaque film dans un salle dédiée pour ceux qui le souhaiteraient ?

Les bandes sont extrêmement longues. Le plus petit procès “Faurisson attaque Badinter“ dure 26 h 30, le plus long, la première instance d’AZF : 400 h.
Le procès de la dictature chilienne est visionnable en totalité dans cette exposition. Il est présenté en entier mais découpé en six parties pour les six jours d’ouverture de la semaine, il dure 47 h 30. On a choisi de le montrer in extenso pour donner à voir ce qui se passe sur toute la durée, que les visiteurs puissent voir par eux-mêmes et se rendent compte par eux-mêmes que parfois il ne se passe pas grand-chose, montrer que dans un procès on s’ennuie, qu’il y a des aspects de procédure et non pas uniquement du sensationnel. Il s’agit aussi de mettre en avant un procès très particulier car aucun des quatorze accusés chiliens n’était présents, ni ne s’est fait représenter par un avocat. C’est un procès avec la cour, le parquet, les traducteurs, les témoins, les experts. C’est un procès qui donne toute la place aux témoins et à leur parole. C’est également une façon de souligner cette justice en absence, particulière, mais qui existe aussi.

© Archives Nationales, 9AV, Archives audiovisuelles de la Justice, procès Klaus Barbie (1987)

Comment avez-vous choisi les extraits diffusés dans l’exposition ?

On voulait s’inscrire dans la continuité par rapport à Nuremberg ou Eichmann, on est resté dans l’esprit de procès de crimes contre l’humanité ou de génocides. Le seul procès qui n’est pas dans cette catégorie c’est le procès chilien qui invoque la compétence universelle de la France.

Dans le cadre de cette exposition, quelles actions spécifiques proposez-vous aux professeurs documentalistes mais aussi aux professeurs d’histoire géographie et aux autres professeurs pour développer l’éducation des élèves aux médias et à l’information ?

Nous proposons un atelier de deux heures qui débute par une réflexion avec les élèves à partir d’extraits des films qui sont montés spécialement pour l’occasion : où sont les caméras, que filment-elles, pourquoi, quelle est la logique du filmage ? Quelle est la spécificité des archives historiques, pourquoi filme-t-on de cette façon ? Il faut donc commencer par regarder. L’accent est mis sur la diversité des procès et la spécificité de chacun d’eux, ceci afin d’éviter les raccourcis, et de susciter la critique et les questions des élèves.
L’atelier permet de comparer les images et la manière de filmer des différents procès : ceux qui sont conservés aux Archives nationales soumis aux contraintes de la loi Badinter de 1985, traduite dans le code du patrimoine français, et ceux de Nuremberg et d’Eichmann.
Il vise à rendre les élèves attentifs à la représentation des différents acteurs de la justice, de ses rituels en fonction des époques, à partir d’extraits des montages présentés sur le site de Paris réalisés à cet effet (ex : l’entrée de la cour dans le tribunal, la presse dans le prétoire à différentes périodes).
Les questions de l’objectivité des images, du point de vue, de la mémoire sont également abordées.
Avec les Terminales, nous souhaitons engager le débat sur la manière dont un État peut choisir de se reconstruire après un conflit majeur.
Enfin, nous proposons de mettre les images en perspective avec d’autres documents d’archives contemporains (PV des audiences au tribunal, extraits de presse…), pour susciter la réflexion critique des élèves sur les sources utilisées.
Nous proposons d’analyser des comptes rendus des procès par la presse, les choix effectués : à titre d’exemple, dans le 20 minutes du 10 septembre, un compte rendu du témoignage du webmestre de Charlie Hebdo, Simon Fieschi, lors de la séance du 9 septembre, dans lequel il explique qu’il n’a plus de sensibilité et qu’il a des douleurs terribles, qu’il ne peut plus faire un doigt d’honneur. La journaliste, Caroline Politi, a choisi de mettre en exergue cette ultime phrase5 à la différence de Sophie Parmentier de France Inter qui rédige également un compte rendu beaucoup plus mesuré de la séance6.
À l’issue de l’atelier les élèves choisissent le film qu’ils souhaitent voir en salle d’exposition.

© Archives Nationales, 20140261, Archives audiovisuelles de la Justice, procès Simbikangwa (2014)

Le nouveau bac instaure un grand oral, comment abordez-vous la question de l’oralité avec les élèves ?

Ces archives permettent de voir l’engagement physique de tous les acteurs du procès : la voix, le témoignage oral, la gestuelle, le paraverbal et le non verbal.
Un des extraits du procès Papon montre une dame âgée qui vient témoigner en demandant au président du tribunal de diffuser le portrait de son père et de sa mère, en disant qu’elle va prendre la voix de sa mère pour lire la dernière lettre que celle-ci lui a adressée depuis le camp d’internement de Drancy. Le choix d’un extrait de ce type ne peut que faire réagir les élèves et permettre d’aborder la question de l’oralité.
Les témoignages oraux sont abordés du point de vue de l’objectivation puisqu’on a différents acteurs qui se répondent.

Pourquoi les chercheurs, historiens notamment, ne s’intéressent aux archives audiovisuelles qu’à partir de 2017 ?

Les chercheurs qui étudiaient la Seconde Guerre mondiale exploitaient d’autres archives, notamment administratives, et se contentaient de l’accès via les DVD ou émissions de télévision ; ils n’ont peut-être pas eu besoin de ces archives ou ont manqué de curiosité. À cela, s’ajoute la méconnaissance de ces archives audiovisuelles par le grand public.
Enfin, pendant très longtemps, il y a eu une grande méfiance des historiens par rapport aux archives audiovisuelles, à tout ce qui est oral et le sentiment de faire une meilleure critique à partir de documents textuels que sur de l’image fixe ou animée.
C’est là qu’on comprend que l’éducation à l’image ne doit pas uniquement toucher le public scolaire mais l’ensemble de la société. On a tendance à se laisser porter par les images sans forcément se dire qu’il y a une intention, que peut-être on nous oriente quelque part : c’est vrai qu’il faut donc être encore plus vigilant quand on est face à l’image parce qu’on a l’intention derrière. Ceci dit, même quand on écrit on a l’intention derrière. Mais avec l’image, on est dans le subjectif car on la reçoit avec les outils qui sont les nôtres, individuellement ; la perception diffère en toute bonne foi d’un individu à l’autre mais, de ce fait, la distance dans l’interprétation est encore plus forte que dans l’écrit. L’approche par l’oralité et l’image vient plus de la sociologie, de l’ethnologie, de l’anthropologie où cela constitue vraiment une production de sources en tant que telles car les chercheurs de ces champs produisent eux-mêmes des sources qui sont de l’oralité ou de l’image.

 

© Archives Nationales, 9AV, Archives audiovisuelles de la Justice, procès Klaus Barbie (1987)
© Archives Nationales, BB/30/AV, Archives audiovisuelles de la Justice, procès Maurice Papon (1997-1998)
© Archives Nationales, BB/30/AV, Archives audiovisuelles de la Justice, procès Paul Touvier (1994)
© Archives Nationales, 20140261, Archives audiovisuelles de la Justice, procès Simbikangwa (2014)
© Archives Nationales, 20120167, Archives audiovisuelles de la Justice, procès 14 Chiliens (2010)
© Archives Nationales, 20180562, Archives audiovisuelles de la Justice, procès appel Ngenzi-Barahira (2018)