1986-2017 : 31 ans après, le 30 mars 2017, paraissait au BOEN n° 13 une réactualisation de la circulaire de missions des professeurs documentalistes. Très attendue par chacun d’entre nous, impatient d’une véritable reconnaissance professionnelle et en particulier pédagogique, cette nouvelle circulaire, objet de maintes tentatives de réécriture, est-elle à la hauteur de nos attentes et des enjeux ?
Force est de constater que cette circulaire réactualisée, publiée dans la précipitation, certainement due au contexte politique de l’élection présidentielle, ne répond, au mieux, qu’en partie aux multiples préoccupations de la profession. Commençons néanmoins par en souligner les points positifs :
● La réaffirmation du rôle enseignant du professeur documentaliste dès l’intitulé et l’introduction. On remarquera qu’entre 1986 et 2017, nous sommes passés de bibliothécaires-documentalistes à professeurs documentalistes : enfin une légitimation claire de notre identité professionnelle depuis la création du CAPES.
« Ils forment tous les élèves à l’information documentation et contribuent à leur formation en matière d’éducation aux médias et à l’information. » Cette nouvelle circulaire confirme ainsi de réelles avancées en matière de consolidation de la mission d’enseignement du professeur documentaliste, de son expertise dans le champ des sciences de l’information et de la communication. En effet, le texte précise que « le professeur documentaliste peut intervenir seul auprès des élèves dans des formations, des activités pédagogiques et d’enseignement, mais également de médiation documentaire, ainsi que dans le cadre de co-enseignements, notamment pour les apprentissages prenant en compte l’éducation aux médias et à l’information ».
● Le renforcement et l’actualisation de nos missions : « le développement de la société d’information et l’évolution des pratiques sociales en matière de communication ainsi que l’essor du numérique imposent de renforcer et d’actualiser la mission du professeur documentaliste. » Enfin !
● Le décompte d’heures apparaît explicitement en précisant la référence à la circulaire n°2015-057 du 29 avril 2015.
● La définition de nos contenus d’enseignement est également abordée. Dès les premières phrases du texte, on peut lire : « [les professeurs documentalistes] forment tous les élèves à l’information documentation et contribuent à leur formation en matière d’EMI ». C’est une première ! L’information documentation est finalement citée (reconnue) comme domaine d’enseignement dont l’expertise relève du professeur documentaliste !
● Le statut de gestionnaire responsable de la politique documentaire, organisateur des ressources et « responsable du CDI » de l’établissement.
● Le statut de passeur culturel : « le professeur documentaliste contribue à l’éducation culturelle, sociale et citoyenne de l’élève. […] Il participe au parcours citoyen et au parcours d’éducation artistique et culturelle au sein de l’établissement ».
● La référence à une progression nécessaire des apprentissages de la classe de 6e à la classe de Terminale dans les cursus général, technologique et professionnel.

Notons toutefois qu’il demeure des formulations malheureuses et des points sensibles qui laissent (encore et toujours) libre cours à d’éventuelles interprétations propres à chaque établissement. Des bémols pour le moins fâcheux qui ne faciliteront certainement pas la mise en œuvre sur le terrain :
● Certes le décompte d’heures apparaît explicitement, mais la question de ce qui relève ou non des heures d’enseignement n’a pas été clarifiée.
● Un vocabulaire oscillant entre une pseudo toute-puissance du professeur documentaliste “maître d’œuvre”, et une dépendance au bon vouloir du chef d’établissement laissant libre cours à maintes interprétations. « Maître d’œuvre », « contribuer », « activités pédagogiques », « bon fonctionnement du CDI », « pense l’articulation », « médiateur », « membres à part entière », « prend en compte », « favorise », « ils partagent », « ont également des missions spécifiques », « peut exercer des heures d’enseignement » : l’utilisation de ces termes laisse malheureusement encore une trop grande marge interprétative qu’il aurait été souhaitable d’éviter. Que signifie vraiment le « bon fonctionnement du CDI » ? Qui décidera ? Encore et toujours, nous dépendrons de l’image que se font les chefs d’établissement de notre rôle, de notre métier et du lieu dont nous avons la responsabilité… D’autant qu’à plusieurs reprises, il est clairement cité « sous l’autorité du chef d’établissement », « soumis à la validation du conseil d’administration »… Allons donc ! Avec quels moyens ? Certes les tâches relatives à la gestion du centre de documentation et d’information ne sont pas oubliées, mais il n’est aucunement fait référence aux moyens éventuels nécessaires à la mise en œuvre de ces missions et tâches « multiples », dont cette veille informationnelle pour l’ensemble de l’équipe éducative !
● Un aspect peu appuyé, celui du rôle d’incitation à la lecture-plaisir que les professeurs documentalistes n’ont eu de cesse d’endosser, en faisant ainsi, par exemple, entrer la littérature jeunesse à l’école.
● Une absence de cadre pédagogique réel qui semble de nature à engager des dérives prévisibles dans les établissements…
Que dire de plus sinon que, alors qu’elle aurait dû éclaircir et lever les interprétations possibles qui nuisent à notre métier, cette circulaire laisse persister un manque de précisions auquel nous devrons faire face sur le terrain…
Finalement, cette circulaire est-elle un véritable point d’appui pour rencontrer notre chef d’établissement ? Il est permis d’en douter, tant elle semble aller dans le sens d’une plus grande autonomie des établissements, faisant de notre fonction, de notre « contrat de travail », le fruit de négociations auprès du chef d’établissement, mais également des délégués de parents d’élèves ou de collègues professeurs, par exemple, siégeant au Conseil d’Administration.
…Toutefois cette circulaire a le bénéfice de conforter clairement notre mission de formation et d’enseignement, et laisse toujours cette liberté de manœuvre dont nous pouvons profiter et qui, selon moi, fait une des grandes forces de notre métier.
Bon été à tous !